Imprimer
Autres documents liés
Avis de commission | Doc. 12978 | 26 juin 2012
L'utilisation des migrants et des réfugiés pendant les campagnes électorales
Commission des questions politiques et de la démocratie
A. Conclusions de la commission
(open)1. La commission des questions
politiques et de la démocratie félicite la commission des migrations,
des réfugiés et des personnes déplacées et sa rapporteure, Mme Daphné
Dumery, pour le rapport sur l'utilisation des migrants et des réfugiés
pendant les campagnes électorales. Le rapport examine fort pertinemment comment,
en période de campagne électorale, certains candidats et partis
politiques des Etats membres du Conseil de l'Europe présentent les
migrants et les réfugiés comme une menace et un fardeau pour la
société. Il met en garde, à juste titre, contre les risques d'extrémisme
et de xénophobie et les dangers associés pour la démocratie et les
droits de l'homme.
2. Le rapport gagnerait néanmoins à lancer aux partis politiques
un appel clair et explicite à respecter la Charte des partis politiques
européens pour une société non raciste, signée en 2003 par le Président
de l'Assemblée parlementaire et par le Président du Parlement européen.
3. La commission estime qu’en période de campagne électorale,
il importe tout particulièrement de faire face, de façon responsable
et équitable, aux sujets sensibles se rapportant aux craintes et
aux tensions entre groupes d’origines ethniques, nationales, religieuses
ou sociales différentes. Par ailleurs, les questions liées à l'immigration
devraient être traitées non seulement sous l'angle économique, mais
aussi d'un point de vue culturel, en mettant en avant les avantages
que présente la diversité en Europe.
4. La Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise), notamment par son Conseil des élections démocratiques,
pourrait également amener une contribution utile au débat. Tel est le
but poursuivi par les amendements proposés par la commission des
questions politiques et de la démocratie.
B. Amendements proposés au projet de résolution
(open)Amendement A (au projet de résolution)
Dans le projet de résolution, paragraphe 5, après les mots «la peur des différences», insérer les mots suivants: «et les craintes liées à l'identité culturelle».
Amendement B (au projet de résolution)
Dans le projet de résolution, après le paragraphe 6, insérer le nouveau paragraphe suivant:
«7. L'Assemblée, se référant à sa Résolution 1754 (2010) et à sa Recommandation 1933 (2010) sur la lutte contre l'extrémisme: réalisations, faiblesses et échecs, condamne les groupes et les responsables politiques qui, s'inspirant d’idéologies racistes et xénophobes, encouragent la violence ou sont prêts à la tolérer, et appelle à renforcer l'éthique en politique pour contribuer à faire diminuer les tendances racistes dans la société. Elle réaffirme qu’une responsabilité particulière incombe aux responsables politiques qui se doivent d’éliminer du discours politique les stéréotypes négatifs et les stigmatisations de minorités ou groupes de migrants, y compris en période de campagne électorale; elle considère que les missions internationales d’observation d’élections devraient prendre en compte la question des dérives racistes et xénophobes pendant les campagnes électorales, et refléter ces préoccupations dans leurs rapports.»
Amendement C (au projet de résolution)
Dans le projet de résolution, après le paragraphe 10.8, ajouter le nouvel alinéa suivant:
«d’inviter instamment tous les partis politiques à adhérer aux principes contenus dans la Charte des partis politiques européens pour une société non raciste, signée par le Président de l'Assemblée parlementaire et par le Président du Parlement européen en 2003, à mettre ces principes en œuvre et à les promouvoir activement;»
Amendement D (au projet de résolution)
Dans le projet de résolution, après le paragraphe 10.8, insérer le nouvel alinéa suivant:
«de diffuser, aux autorités électorales des Etats membres, avant les campagnes électorales, la Déclaration de 2005 de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance sur l'utilisation d'éléments racistes, antisémites et xénophobes dans le discours politique.»
Amendement E (au projet de résolution)
Dans le projet de résolution, après le paragraphe 10, ajouter le nouveau paragraphe suivant:
«11. Par ailleurs, l’Assemblée invite la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), notamment son Conseil des élections démocratiques, à réaliser une étude sur l'utilisation des migrants et des réfugiés pendant les campagnes électorales, en vue d’amender éventuellement le Code de bonne conduite en matière électorale.»
C. Exposé des motifs, par M. Varvitsiotis, rapporteur pour avis
(open)1. Le rapport de Mme Daphné
Dumery (Doc. 12953) donne un aperçu équilibré de la façon dont les migrants
et les réfugiés sont utilisés pendant les campagnes électorales.
Le présent avis et les cinq amendements formulés au nom de la commission
des questions politiques et de la démocratie visent à compléter
ce tableau en y ajoutant des considérations d'ordre politique en
vue de renforcer l'esprit démocratique des campagnes électorales
dans les Etats membres du Conseil de l'Europe ainsi que l'engagement
de toutes les forces politiques à faire campagne dans un esprit
d'équité, de démocratie et de tolérance.
2. La Commission européenne contre le racisme et l'intolérance
(ECRI) souligne, dans son rapport annuel 2011, que la réduction
des prestations sociales, la diminution des offres d'emploi et l’augmentation
de l’intolérance à l'égard des groupes d'immigrés et des minorités
historiques plus anciennes sont des tendances inquiétantes dans
plusieurs Etats membres du Conseil de l'Europe. L’ECRI note que
le discours xénophobe se banalise désormais dans le débat politique
et que des opinions extrémistes sont de plus en plus fréquentes dans
les médias sociaux, tandis que la discrimination à l'égard des musulmans
et des Roms continue d’empirer.
3. Les griefs économiques, en particulier le fort taux de chômage
et la dégradation de la protection sociale, ne sont pas les seules
sources d'inquiétude à l'égard de l'immigration. Le soutien dont
bénéficient les partis extrémistes et l'hostilité de la population
à l'égard de l'immigration sont aussi motivés par les craintes d'une menace
culturelle. Le motif déterminant est le sentiment que l'immigration
et l'augmentation de la diversité menacent la culture du pays, l'unité
de la nation et le mode de vie . L'amendement A
permettrait de préciser cet aspect dans la résolution.
4. En 2010, l'Assemblée a examiné un rapport de M. Pedro Agramunt
sur la lutte contre l'extrémisme: réalisations, faiblesses et échecs . Le rapporteur y pointe notamment
les dangers de la stigmatisation de l'immigration. Il reconnaît
que les appels à des politiques migratoires restrictives sont une
position politique légitime, mais insiste sur le fait qu’ils sont
inacceptables s’ils sont motivés par des arguments racistes. Je souscris
aux conclusions du rapporteur selon lesquelles la stigmatisation
de l'immigration est un problème pour la société. Le fait de relier
immigration et insécurité, délinquance, pauvreté et problèmes sociaux
est une tendance qui conduit à l'érosion des droits de l'homme des
immigrés et des réfugiés. Cette tendance doit être inversée.
5. En 2003, l'Assemblée avait déjà analysé la menace que les
partis et mouvements extrémistes en Europe représentaient pour la
démocratie. Dans la Résolution
1344 (2003), elle recommandait l'introduction, dans la législation,
de sanctions efficaces lorsque des cas de préjudices avérés, émanant
d'un parti extrémiste, sont constatés; et de sanctions proportionnées
et dissuasives contre l'incitation publique à la violence, à la discrimination
raciale et à l'intolérance; la suspension ou le retrait du financement
public d'organisations encourageant l'extrémisme; et la dissolution
de partis comme mesure d'exception. L'Assemblée incitait les partis
politiques à concevoir une nouvelle déontologie, en fondant leurs
programmes et leurs actions sur le respect des droits et des libertés
fondamentales, en excluant toute alliance politique avec des partis extrémistes,
en renforçant si nécessaire les règles de transparence sur le financement
des partis et en apportant des solutions crédibles aux problèmes
sociaux et économique préoccupant les citoyens.
6. Plus récemment, l'Assemblée s'est dite particulièrement préoccupée
par la montée récente, en Europe, du discours sécuritaire au niveau
national, en particulier en ce qui concerne les Roms. Dans sa Résolution 1760 (2010) , elle souligne
qu'il convient d'établir dans le discours politique une distinction
claire entre les individus qui ont commis des infractions et des
groupes entiers de personnes, tels que les Roms ou tout autre minorité
ou groupe de migrants. Une responsabilité particulière incombe aux
responsables politiques qui se doivent d’éliminer du discours politique
les stéréotypes négatifs et les stigmatisations de minorités ou groupes
de migrants. Il leur appartient de promouvoir un message de non-discrimination,
de tolérance et de respect vis-à-vis des personnes d’origines différentes.
C'est l'ensemble de ces éléments qui motive l'amendement B.
7. Il n’est pas inutile de rappeler qu’en 2003, le Président
de l’Assemblée parlementaire et le Président du Parlement européen
ont signé la Charte des partis politiques européens pour une société
non raciste. Ce document est une initiative de la société civile
qui a reçu le soutien de l’Observatoire européen des phénomènes
racistes et xénophobes (EUMC), précurseur de l'Agence de l’Union
européenne pour les droits fondamentaux; la charte exhorte les partis
politiques à agir de façon responsable dans le traitement des questions
relatives à la race, à l'origine ethnique et nationale et à la religion.
Bien que la création d'un comité permanent pour superviser la mise
en œuvre de la Charte ait été initialement envisagée, aucune suite
n’y a été donnée. Comme le souligne également mon collègue, M. Agramunt,
la Charte est plus que jamais une base précieuse pour introduire
plus d'éthique en politique, tout particulièrement en période de
campagne électorale, et j'encourage vivement les groupes politiques
et chaque membre de l'Assemblée à la promouvoir davantage au niveau
national. C'est l'ensemble de ces éléments qui motive l'amendement C.
8. Pour des raisons analogues, j'estime que la Déclaration de
2005 de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance
(ECRI) sur l'utilisation d'éléments racistes, antisémites et xénophobes
dans le discours politique, y compris par les partis politiques
traditionnels, devrait aussi bénéficier d'une meilleure diffusion
dans les partis politiques. L'ECRI est profondément préoccupée par
le fait que l'utilisation de discours politiques racistes, antisémites
et xénophobes n'est plus confinée à la sphère des partis extrémistes,
mais qu'elle contamine de plus en plus les partis politiques traditionnels,
avec le risque de rendre ce type de discours, légitime. Ce type
de discours véhicule souvent une image déformée de l'islam, destinée
à faire percevoir cette religion comme une menace, et l'antisémitisme
continue d'être encouragé, de manière ouverte ou codée, par certains
partis et dirigeants politiques.
9. L’ECRI a proposé l'introduction de mesures d'autoréglementation
par les partis politiques ou les parlements nationaux, visant à
sanctionner les membres des partis ou députés qui promeuvent le
racisme et la xénophobie. Elle a également préconisé la mise en
place d'une obligation de suppression du financement public des
organisations qui promeuvent le racisme, y compris le financement
public des partis politiques, et a invité les partis à délivrer
un message clair en faveur de la diversité des sociétés européennes.
La Commission de Venise soutient ce point de vue dans son Code de
bonne conduite en matière de partis politiques adopté en 2009. C'est
l'ensemble de ces éléments qui motive l'amendement D.
10. Je voudrais également souligner le rôle extrêmement important
joué par la Commission de Venise en aidant les Etats membres à améliorer
leur législation électorale, y compris par son Conseil des élections démocratiques,
auquel notre Assemblée participe. La Commission de Venise pourrait
analyser davantage la façon dont les partis politiques utilisent
les migrants et les réfugiés pendant les campagnes électorales dans les
Etats membres du Conseil de l’Europe, afin d’amender, éventuellement,
le Code de bonne conduite en matière électorale. Ce sont les raisons
de l’amendement E.
11. Enfin, la commission est sur le point d’examiner un rapport
préparé par M. Jean-Charles Gardetto sur les mesures pour améliorer
le caractère démocratique des élections, et aura l’opportunité d’analyser
cette question plus en détail.