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Résolution 1901 (2012) Version finale
Les droits de l’homme et la politique étrangère
1. L’Assemblée parlementaire reconnaît
le rôle et la longue expérience du Conseil de l’Europe en faveur de
la promotion des normes les plus élevées concernant les droits de
l’homme, la démocratie et l’Etat de droit.
2. Elle relève avec satisfaction que, ces dernières années, l’Organisation
s’est préoccupée de plus en plus de développer et de consolider
ces normes à l’intérieur comme à l’extérieur de la zone du Conseil
de l’Europe, grâce notamment à l’instauration d’une politique du
Conseil de l’Europe à l’égard de son voisinage immédiat et à l’établissement
de nouvelles formes de partenariat comme le statut de partenaire
pour la démocratie auprès de l’Assemblée.
3. Elle considère toutefois que les Etats membres du Conseil
de l’Europe devraient faire davantage pour intégrer ces normes dans
leurs stratégies nationales de politique extérieure et, en particulier,
dans leurs relations avec les pays – au sein du Conseil de l’Europe
et au-delà –, dont les gouvernements font manifestement fi des droits
de l’homme et des principes démocratiques fondamentaux.
4. L’Assemblée estime qu’il faut établir un juste équilibre entre
les intérêts nationaux et le respect des droits de l’homme dans
les politiques extérieures des Etats membres, et observe que, lorsque
la politique extérieure néglige trop longtemps les droits de l’homme
et se concentre uniquement sur les intérêts économiques et géopolitiques
stratégiques, des crises en rapport avec les droits de l’homme peuvent
se déclencher et des «interventions humanitaires» d’urgence devenir
des impératifs moraux.
5. Les ministères des Affaires étrangères des Etats membres du
Conseil de l’Europe peuvent jouer un rôle essentiel dans l’amélioration
de l’efficacité des initiatives internationales destinées à promouvoir
et à protéger les droits de l’homme dans le monde entier, en mettant
en œuvre des actions concrètes visant à instaurer des normes universelles
en matière de droits de l’homme et à garantir une approche conjointe
dans la zone du Conseil de l’Europe, y compris par le biais de ses
mécanismes de suivi.
6. L’Assemblée considère qu’il faut favoriser le développement
de la démocratie de l’intérieur, en soutenant les mouvements de
défense des droits de l’homme et l’action de la société civile.
Le point de vue des médias, des organisations non gouvernementales
(ONG) et des défenseurs des droits de l’homme reste d’une importance
cruciale dans toute stratégie de politique extérieure.
7. Par conséquent, l’Assemblée appelle les Etats membres du Conseil
de l’Europe:
7.1. à œuvrer de manière
active et constructive, dans le cadre des Nations Unies, au renforcement de
la capacité de la communauté internationale dans son ensemble à
sauvegarder et à promouvoir les droits de l’homme;
7.2. à contribuer à l’exécution effective des arrêts de la
Cour européenne des droits de l’homme, en exerçant des pressions
sur les gouvernements des Etats où l’exécution des arrêts souffre
de retards préoccupants, tels qu’ils sont identifiés dans la Résolution 1787 (2011) sur
la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de
l’homme;
7.3. à intégrer tous les aspects (civils, politiques, sociaux,
économiques et culturels) des activités et préoccupations en matière
de droits de l’homme dans divers domaines d’action, en particulier
la prévention des conflits, la sécurité, la lutte contre le terrorisme,
les questions de migration et d’asile, les politiques commerciales
et la coopération au développement, afin de mener une politique
des droits de l’homme cohérente et axée sur les résultats;
7.4. à s’efforcer de garantir le respect des droits de l’homme
dans l’ensemble des Etats membres, en tant que condition indispensable
pour les affirmer et les promouvoir dans le contexte du dialogue
avec les pays voisins;
7.5. à adopter des plans nationaux de protection des droits
de l’homme et à articuler la politique extérieure autour des principes
universels des droits de l’homme applicables à tous les Etats, de manière
à se prémunir contre l’accusation éventuelle d’appliquer deux poids,
deux mesures;
7.6. à concevoir des stratégies nationales destinées à promouvoir
la ratification pleine et entière des principaux instruments des
droits de l’homme et, après leur ratification, à garantir leur mise
en œuvre;
7.7. à établir des mécanismes institutionnels permettant d’examiner
et d’évaluer l’ensemble des actions gouvernementales relatives aux
droits de l’homme dans le cadre de la politique extérieure, ainsi que
l’application de la politique des droits de l’homme à l’étranger,
en veillant aussi à ce que les droits de l’homme soient pleinement
pris en considération au niveau national;
7.8. à faire un usage cohérent et judicieux de la «clause de
conditionnalité» dans tous les accords bilatéraux et à prendre en
compte les violations des droits de l’homme dans leur dialogue politique
et économique avec des pays tiers;
7.9. à accorder une place prépondérante aux droits de l’homme
dans la politique extérieure en définissant, en matière de droits
de l’homme, des normes et des pratiques communes applicables à l’action
diplomatique, notamment:
7.9.1. en envisageant de créer
une section consacrée aux droits de l’homme sur le site web du ministère
des Affaires étrangères, afin de diffuser des informations et des
connaissances sur les droits de l’homme, et de permettre l’accès
à l’ensemble de la documentation et des outils disponibles émanant
du système des Nations Unies, du Conseil de l’Europe et, le cas
échéant, de l’Union européenne;
7.9.2. en soulignant la situation des droits de l’homme tant
sur le plan interne qu’externe par des déclarations ou des discours
publics aux niveaux national, européen et/ou international;
7.9.3. en veillant à ce que les questions des droits de l’homme
figurent à l’ordre du jour des visites et des échanges de vues à
tous les échelons, en particulier lors des sommets des chefs d’Etat
et de gouvernement ou d’autres types de dialogue politique à haut
niveau avec des pays tiers;
7.10. à élaborer des rapports réguliers à soumettre au parlement
sur la situation des droits de l’homme dans différents pays du monde,
à tirer parti des travaux et de l’expertise des organisations non gouvernementales,
et à consulter les défenseurs des droits de l’homme, y compris par
le biais d’auditions;
7.11. à considérer les politiques relatives à la lutte contre
la pauvreté, aux migrations, aux demandeurs d’asile et aux réfugiés
non seulement comme faisant partie de leur programme d’action national,
mais aussi en tant qu’éléments fondamentaux de leur politique extérieure;
7.12. à mettre en œuvre des politiques fondées sur le dialogue
et sur une coopération constructive avec les gouvernements agissant
en violation flagrante des principes fondamentaux de la démocratie
et des droits de l’homme, à exercer des pressions politiques sur
eux, et à soumettre ces politiques à un suivi régulier.
8. S’agissant plus particulièrement de l’action diplomatique,
l’Assemblée exhorte les Etats membres:
8.1. à charger tous les ambassadeurs de prendre systématiquement
en considération la situation des droits de l’homme dans leur pays
d’affectation, quel que soit le bilan dudit pays dans ce domaine,
évitant ainsi d’être éventuellement accusés d’appliquer deux poids,
deux mesures:
8.2. à encourager les ambassadeurs – ou les hauts responsables
des ambassades – des Etats membres à se rencontrer régulièrement
pour échanger des informations sur les questions de droits de l’homme:
8.3. à inviter leurs ambassades, quel que soit le bilan du
pays concerné en matière de droits de l’homme:
8.3.1. à
associer à leur action les organisations de la société civile et
les défenseurs des droits de l’homme du pays hôte, et à instaurer
un dialogue régulier entre les diplomates et les défenseurs des
droits de l’homme:
8.3.2. à apporter systématiquement un soutien aux victimes de
graves violations des droits de l’homme, notamment en réagissant
publiquement à ces violations, en suivant de près les affaires et
en accordant un visa ou l’asile aux victimes:
8.3.3. à soutenir les médias libres et indépendants dans les
pays qui restreignent ou interdisent la libre circulation de l’information.
9. Se référant également à la Résolution 1773 (2010) «Promouvoir
la diplomatie parlementaire», l’Assemblée invite les parlements
nationaux:
9.1. à encourager et
à soutenir la diplomatie parlementaire en incitant les parlementaires
à participer aux activités des organisations internationales, donnant
ainsi une impulsion nouvelle à leur action de promotion du pluralisme
politique et des normes de la démocratie parlementaire dans le monde
entier:
9.2. à créer des commissions ou sous-commissions parlementaires
des droits de l’homme travaillant en liaison avec les commissions
parlementaires des affaires étrangères:
9.3. à encourager la formation de groupes d’amitié parlementaire
et de groupes similaires entre parlements nationaux pour favoriser
l’échange de bonnes pratiques, notamment dans les domaines parlementaire
et politique.
10. L’Assemblée prend note de la création par l’Union européenne
du Service européen pour l’action extérieure (SEAE), dirigé par
le haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et
la Politique de sécurité, qui entretient des relations diplomatiques
avec la quasi-totalité des pays du monde par le biais d’un réseau
de délégations de l’Union européenne.
11. Elle prend acte également de l’adoption récente d’un cadre
stratégique et d’un plan d’action de l’Union européenne sur les
droits de l’homme et la démocratie, qui désigne le Conseil de l’Europe
comme un partenaire stratégique pour renforcer la cohérence des
politiques. L’Assemblée y voit une occasion d’améliorer les synergies
entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne ainsi que d’améliorer
notablement l’efficacité des actions internationales visant à promouvoir
et à protéger les droits de l’homme dans le monde entier.
12. Se référant aussi à la Résolution
1836 (2011) et à la Recommandation 1982 (2011) relatives
à l’impact du Traité de Lisbonne sur le Conseil de l’Europe, l’Assemblée
encourage l’Union européenne, notamment par l’intermédiaire de son
haut représentant pour les Affaires étrangères et la Politique de
sécurité:
12.1. à mettre pleinement
à profit le mémorandum d’accord de 2007 entre l’Union européenne
et le Conseil de l’Europe:
12.2. à consulter le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe,
en particulier en ce qui concerne leurs rôles et compétences clés
respectifs, et à mieux tirer parti des évaluations comparatives
ainsi que des fonctions consultatives et du savoir-faire du Conseil
de l’Europe en matière de démocratie, de droits de l’homme et d’Etat
de droit dans la stratégie de politique extérieure commune de l’Union
européenne:
12.3. à promouvoir, selon les besoins, son adhésion aux principales
conventions du Conseil de l’Europe et à ses mécanismes et organes
de suivi correspondants dans le contexte de ses politiques en matière
d’élargissement, de voisinage et de relations extérieures:
12.4. à charger toutes les délégations de l’Union européenne
compétentes de suivre la situation des droits de l’homme dans le
pays hôte et de promouvoir la ratification des instruments internationaux fondamentaux
en matière de droits de l’homme par les gouvernements des pays hôtes:
12.5. à intégrer un nombre suffisant de spécialistes des droits
de l’homme dans le Service européen pour l’action extérieure et
à veiller à ce que la situation des droits de l’homme fasse l’objet
de rapports réguliers.