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Recommandation 2009 (2013) Version finale
Vers une convention du Conseil de l'Europe pour lutter contre le trafic d'organes, de tissus et de cellules d’origine humaine
1. L’Assemblée parlementaire se félicite
du projet de convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes
humains. Impliquée depuis le début dans les travaux d’élaboration
de la convention, l’Assemblée considère que cette dernière représente
l’aboutissement de plusieurs années d’efforts menés par le Conseil de
l’Europe dans le domaine du trafic d’organes.
2. L’Assemblée note que, à ce stade, il n’a pas été considéré
opportun de procéder à l’élaboration d’un protocole additionnel
relatif à la lutte contre le trafic de tissus et de cellules d’origine
humaine, du fait notamment de l’absence d’une réglementation complète
et harmonisée relative au prélèvement et à l’utilisation des tissus
et des cellules, aux niveaux tant national qu’international. Elle
souligne toutefois que, tout comme le trafic d’organes, le trafic
de tissus et de cellules humains constitue une grave menace pour
les droits humains et la santé publique et individuelle.
3. L’Assemblée souligne que, une fois adoptée, la convention
sera le premier instrument international juridiquement contraignant
dédié exclusivement au trafic d’organes. C’est pourquoi l’Assemblée
est d’avis que la convention doit être la plus complète possible
afin de prévenir et de combattre ce phénomène de dimension mondiale,
contraire aux normes les plus élémentaires des droits humains et
de la dignité de la personne.
4. A cet égard, l’Assemblée note que les questions relatives
à la prévention du trafic d’organes, à la protection des victimes
et à la coopération nationale et internationale pour combattre ce
trafic ne sont pas suffisamment développées dans le projet de convention.
Elle note également que celui-ci laisse toute latitude aux Etats
pour décider si le donneur et le receveur peuvent faire l’objet
de poursuites lorsqu’ils sont impliqués dans le trafic d’organes.
Quelle que soit la position des Etats membres à cet égard, l’Assemblée
soutient que ces deux catégories de personnes, du fait de la spécificité
de leur situation qui se résume parfois à une question de vie ou
de mort, pourraient se retrouver extrêmement vulnérables.
5. L'Assemblée souligne qu'il est de la plus haute importance
de protéger les personnes vulnérables, en particulier les personnes
privées de liberté et les personnes qui ne peuvent consentir pleinement
et valablement à une intervention en raison soit de leur âge (s'agissant
des mineurs), soit de leur incapacité mentale. A cet égard, elle
se réjouit de la disposition du projet de convention qui qualifie
de prélèvement illicite d'organes tout prélèvement réalisé sans
le consentement libre, éclairé et spécifique du donneur vivant.
Celle-ci est conforme aux dispositions de la Convention pour la
protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain
à l’égard des applications de la biologie et de la médecine: Convention
sur les droits de l'homme et la biomédecine (STE no 164,
«Convention d'Oviedo») interdisant tout prélèvement d'organes de
personnes n'ayant pas la capacité de consentir, et offre ainsi une
protection spéciale à ce groupe de personnes. L'Assemblée note que,
s'il est possible pour les Etats d’émettre une réserve à l'application
de cet article, celle-ci ne sera acceptée que dans des cas exceptionnels
et conformément aux garanties ou dispositions appropriées sur le
consentement en vertu de leur droit interne. Une telle possibilité
de réserve vise à faciliter l'accès à la convention des Etats ayant
une législation moins restrictive que les principes de la Convention d'Oviedo
en matière de consentement, tout en respectant les droits fondamentaux
des personnes concernées.
6. L’Assemblée note avec inquiétude la pratique consistant, pour
certains patients, à se rendre à l’étranger pour obtenir des organes
moyennant un paiement, appelée communément «tourisme de transplantation». Dans
ce contexte, elle est particulièrement préoccupée par des allégations
selon lesquelles certains Etats qui ne sont pas membres du Conseil
de l’Europe feraient commerce des organes prélevés sur les prisonniers
et les détenus exécutés.
7. Compte tenu du fait que le trafic d'organes est un phénomène
d’envergure mondiale dépassant le territoire des Etats membres du
Conseil de l'Europe, l'Assemblée se réjouit du projet de convention
qui prévoit l'ouverture à la signature de celle-ci aux Etats non
membres du Conseil de l'Europe, avant même son entrée en vigueur,
favorisant ainsi un champ d'application géographique le plus large
possible. Par ailleurs, elle souligne l’importance d’une mise en
œuvre rigoureuse et efficace de la convention afin qu’elle puisse
apporter la valeur ajoutée recherchée dans les travaux du Conseil
de l’Europe.
8. Par conséquent, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
8.1. de compléter les dispositions
du projet de convention relatives aux mesures de prévention du trafic
d’organes, à la protection des victimes et à la coopération nationale
et internationale pour combattre ce trafic, avec une attention particulière
portée aux mesures susceptibles de faire face à la pénurie d’organes
– une des raisons principales dudit trafic –, en particulier en
incitant les Parties à contribuer, par tous les moyens à leur disposition,
à l'augmentation de l'offre d'organes pouvant être greffés, notamment
par la recherche sur des méthodes alternatives et par la mise en
place d’un système de consentement présumé pour le prélèvement d’organes
sur les personnes décédées;
8.2. de prévoir une disposition dans la convention sur les
«circonstances atténuantes» incluant notamment la prise en compte
de la vulnérabilité particulière du donneur et/ou du receveur d’organe ayant
commis les infractions établies dans la convention, ou de faire
référence à cette vulnérabilité particulière dans le rapport explicatif
à la convention, précisant qu’elle devrait être prise en compte
dans la détermination des peines susceptibles d’être appliquées à
ces deux catégories de personnes;
8.3. de prévoir une disposition dans la convention éliminant
la règle habituelle de la double incrimination, afin de combattre
le «tourisme de transplantation»;
8.4. de prévoir une disposition dans la convention interdisant
le prélèvement et l’utilisation aux fins de transplantation ou à
d'autres fins d’organes de personnes privées de liberté, vivantes
ou décédées;
8.5. de prévoir un comité des Parties indépendant, fort et
efficace disposant d'une fonction claire de coordination et de suivi
sur la base, entre autres, des obligations de communication pour
les Parties, tout en confiant aux comités compétents – le Comité
européen pour les problèmes criminels (CDPC) et le Comité de bioéthique
(DH-BIO) – un rôle dans le suivi de la mise en œuvre de la convention;
8.6. de décider d’une feuille de route pour l’élaboration du
protocole additionnel relatif à la lutte contre le trafic de tissus
et de cellules d’origine humaine;
8.7. d'exhorter les Etats membres qui souhaitent se réserver
le droit de ne pas appliquer la disposition qui qualifie d'illicite
tout prélèvement d'organes réalisé sans le consentement libre, éclairé
et spécifique du donneur vivant, à plutôt réviser leurs législations
pour les mettre en conformité avec cette disposition et avec la
Convention d'Oviedo.
9. L’Assemblée recommande également au Comité des Ministres d'enjoindre
aux Etats membres qui ne l'ont pas encore fait de signer et de ratifier
les deux autres conventions du Conseil de l'Europe qui concernent la
lutte contre le trafic d'organes humains, à savoir:
9.1. la Convention sur les droits
de l'homme et la biomédecine et son Protocole additionnel relatif
à la transplantation d'organes et de tissus d'origine humaine (STE
no 186);
9.2. la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre
la traite des êtres humains (STCE no 197).