1. Introduction
1.1. Etat d'avancement de la
procédure
1. Le 27 mai 2011, l'Assemblée
parlementaire a décidé de renvoyer à la commission des questions juridiques
et des droits de l'homme, pour rapport, la proposition de résolution
«Renforcer les procédures de sélection des experts des mécanismes
de suivi du Conseil de l'Europe» (
Doc. 12586). Lors de sa réunion du 23 juin 2011, la commission m'a
désigné rapporteur. Le 26 avril 2012, une audition a été organisée conjointement
avec la commission sur l'égalité et la non-discrimination, afin
d'avoir un aperçu de certains aspects concrets de la question; y
ont participé:
- M. Jenö Kaltenbach,
Président de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance
- M. Trevor Stevens, Secrétaire exécutif du Comité européen
pour la prévention de la torture et des peines oui traitements inhumains
ou dégradants (CPT)
- Mme Marieke Sanders, membre du Comité consultatif de la
Convention-cadre pour la protection des minorités nationales et
du Comité d'experts de la Charte européenne des langues régionales
ou minoritaires.
1.2. Objet du présent rapport
2. Le présent rapport vise à faire
le point sur les procédures de sélection des membres des mécanismes de
suivi des droits de l'homme du Conseil de l'Europe et à examiner
les moyens de renforcer ses procédures, conformément aux exigences
de transparence et de qualité qui doivent les animer.
3. Les travaux préparatoires de ce rapport
ont démontré que
les activités de suivi du Conseil de l'Europe comportaient de multiples
facettes. Un grand nombre de mécanismes de suivi créés sous les
auspices de l’Organisation présentent d'importantes différences,
en particulier sur le plan de la nature et de l'étendue de leur
mandat, ainsi qu’au regard des questions prises en compte par leur
suivi, à savoir les droits de l'homme, la démocratie et l'Etat de
droit.
4. Par souci de clarté et de cohérence, l'objet du présent rapport
se limitera à quelques-uns de ces mécanismes. Compte tenu de l'importance
fondamentale de la protection des droits de l'homme, qui figure
au cœur de la mission du Conseil de l'Europe, le rapport privilégiera
les mécanismes de suivi qui concernent directement ce domaine. Il
portera sur quatre mécanismes de suivi essentiels: le Comité européen
pour la prévention de la torture et des peines oui traitements inhumains
ou dégradants (CPT), la Commission européenne contre le racisme
et l'intolérance (ECRI), le Comité européen des droits sociaux (CEDS)
et, enfin, le Comité consultatif de la Convention-cadre pour la
protection des minorités nationales (ACFC).
5. Certains autres importants mécanismes de suivi (et mécanismes
connexes de vérification), comme le Groupe d’experts sur la lutte
contre la traite des êtres humains (qui procède au suivi de la Convention
sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE n° 197)),
la Conférence des Parties à la Convention relative au blanchiment,
au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime
et au financement du terrorisme, le Groupe d'Etats contre la corruption
(GRECO), le Comité d'experts sur l'évaluation des mesures de lutte
contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme
(MONEYVAL) et le suivi assuré dans le cadre de la Charte européenne
des langues régionales ou minoritaires (STE n° 148), ne seront par conséquent
pas traités dans le présent rapport. Veuillez vous reporter, à ce
propos, à l'étude récemment publiée par Renate Kicker et Markus
Möstl
, qui offre
une vue d'ensemble et une analyse complètes de ces mécanismes.
6. Les précisions données au sujet de l'objet du rapport supposent
de modifier en conséquence son intitulé. Il a été donc décidé de
remplacer le titre initial «Renforcer les procédures de sélection
des experts des mécanismes de suivi du Conseil de l'Europe» par
l'intitulé suivant: «Renforcer les procédures de sélection des experts
des principaux mécanismes de suivi des droits de l’homme du Conseil
de l'Europe».
2. Contexte
2.1. La définition du suivi dans
le contexte des droits de l'homme dans le monde
7. Bien que le terme de «suivi»
soit très largement utilisé par la communauté internationale, il
n'existe aucune définition unique du suivi des droits de l'homme
qui le distingue des termes qui lui sont associés, comme la vérification,
l'étude, l'appréciation et l'observation des droits de l'homme.
Les termes sont souvent utilisés de manière interchangeable.
8. Le terme «suivi», utilisé au sens large, sert à décrire tout
un éventail d'activités, y compris le fait de collecter, de vérifier
et d'utiliser activement des informations pour régler les problèmes
qui se posent en matière de droits de l'homme. Il englobe notamment
le fait de recueillir des informations sur les incidents survenus, d'observer
des événements, de visiter des lieux et de s'entretenir avec les
pouvoirs publics pour obtenir des informations et rechercher des
solutions et autres suites à donner immédiatement à une situation
.
9. Le suivi est un moyen d'améliorer la protection des droits
de l'homme. Le principal objectif du suivi en matière de droits
de l'homme est de renforcer l'engagement de l'Etat en faveur de
leur protection
.
10. Divers groupes ou organisations peuvent prendre part aux différentes
formes de suivi, y compris les organisations intergouvernementales
et les acteurs de la société civile.
2.2. Le suivi dans le cadre du
Conseil de l'Europe
2.2.1. Définition
11. Le terme «suivi» n'est défini
ni dans le Statut du Conseil de l’Europe de 1949 (STE n° 1), ni
dans aucun des principaux instruments juridiques qui ont mis en
place des mécanismes de suivi. D'après l'interprétation retenue
par le Conseil de l'Europe, le suivi consiste à vérifier que les
Etats membres respectent les normes applicables en matière de droits
de l'homme et à adresser à chaque pays des recommandations de politique
. Les mécanismes de suivi offrent
ainsi le moyen de formuler des avertissements et des critiques à
l'égard de la situation que présentent un certain nombre de domaines
précis en rapport avec la démocratie et les droits de l'homme en
Europe. Ils permettent au Conseil de l'Europe de surveiller la mise
en œuvre de ses normes, de déceler les cas de non-conformité et
de proposer des solutions ou d'adresser des recommandations à ses Etats
membres
.
2.2.2. Le mandat du Conseil de
l'Europe en matière de suivi
12. Tous les Etats membres du Conseil
de l'Europe sont tenus de respecter leurs obligations nées du Statut, de
la Convention européenne des droits de l'homme (STE n° 5) et des
autres conventions dont ils sont Parties, ainsi que de se conformer
à une série de principes et de normes élaborés au sein de l’Organisation
en matière de pluralisme, de droits de l'homme et d'Etat de droit.
13. Outre les obligations qui incombent à l'ensemble des Etats
membres, un certain nombre d’Etats devenus membres depuis 1989 ont
également pris librement des engagements précis. Les principaux engagements
pris, au moment de leur adhésion, vis-à-vis de l'Assemblée parlementaire
puis du Comité des Ministres sont expressément mentionnés dans les
avis pertinents adoptés par l'Assemblée et/ou dans les résolutions
adoptées par le Comité des Ministres lorsqu'il invite les Etats
à devenir membres du Conseil de l'Europe.
14. Les Etats membres du Conseil de l'Europe sont individuellement
et collectivement responsables du respect de leurs engagements.
Ce respect des engagements a toujours été un principe essentiel
de l’Organisation et a connu un nouvel élan lorsque les chefs d'Etat
et de gouvernement des Etats membres du Conseil de l'Europe, réunis
à Vienne en 1993 pour leur premier sommet, ont résolu «d'assurer
au sein du Conseil de l'Europe le plein respect des engagements
pris par tous les Etats membres»
. Cet engagement a été constamment
renouvelé par les Etats membres à chaque sommet des chefs d'Etat
et de gouvernement de l’Organisation, d'abord à Strasbourg
en 1997, puis à Varsovie
en 2005, où ils ont expressément
réitéré leur «ferme soutien» au suivi.
2.2.3. Les procédures de suivi
du Conseil de l'Europe
15. Les procédures de suivi mises
en place ont des origines diverses. En premier lieu, les organes statutaires
du Conseil de l'Europe ont établi leurs propres procédures de suivi,
qui traduisent leurs responsabilités statutaires particulières.
De même, certains traités
fixent
une procédure ou exigent l'établissement de dispositifs pour le
suivi de leur application et/ou pour favoriser une coopération plus
étroite entre les Parties. D'autres organes de suivi ont été l'aboutissement
d'une réflexion engagée au moment de la définition d'une politique
commune, comme c'est le cas de l’ECRI. Enfin, dans le cadre des
activités intergouvernementales de l’Organisation, les comités directeurs
(ou autres) composés d'experts désignés par les Etats membres et
responsables devant le Comité des Ministres, peuvent également être
tenus dans leur domaine de compétence de contrôler l'application
des conventions et/ou des recommandations du Comité des Ministres,
sur la base des informations fournies par leurs membres
.
16. Une distinction peut être établie entre les procédures de
suivi dont le champ d'application est plus général, c'est-à-dire
celles des organes statutaires (le Comité des Ministres et l'Assemblée
parlementaire), et les procédures de suivi spécialisé, qui traitent
de questions particulières liées à différents aspects des droits de
l'homme, de la démocratie et de l'Etat de droit.
17. S'agissant de la première catégorie de procédures de suivi,
il convient de donner un bref aperçu des mécanismes mis en place
par le Comité des Ministres et l'Assemblée parlementaire.
18. Depuis l'adoption en 1994 de sa Déclaration sur le respect
des engagements
, le Comité des Ministres a élaboré
toute une gamme de procédures destinées à assurer le respect scrupuleux
des engagements pris par chaque Etat membre
.
Deux formes de suivi opéré par le Comité des Ministres reposent
sur la déclaration de 1994: une procédure propre à chaque pays et
un suivi thématique. L’étendue de ce dernier a cependant été considérablement
amoindrie par les nouvelles modalités
adoptées en 2007, qui prévoient
que le suivi thématique intervienne uniquement sur une base ad hoc
et sur un sujet choisi par le Comité des Ministres. Outre ces deux
procédures, le Comité des Ministres a mis en place un mécanisme
de suivi post-adhésion pour les Etats membres qui ont récemment
adhéré à l’Organisation. Enfin, comme nous l'avons indiqué plus
haut, le Comité des Ministres a également demandé à un certain nombre
de comités intergouvernementaux
de mener des activités liées au
suivi.
19. Le présent rapport ne traite pas de la Cour européenne des
droits de l'homme, bien que certaines procédures de suivi portent
bien entendu sur l'exécution de ses arrêts. L'élection des juges
à la Cour par l'Assemblée parlementaire fait figure d'exception
et est particulièrement bien conçue
.
20. L’Assemblée parlementaire a créé une commission pour le respect
des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe,
dite «commission de suivi». Cette commission est chargée de veiller au
respect des obligations contractées par les Etats membres au titre
du Statut de l’Organisation, de la Convention européenne des droits
de l'homme et de toutes les autres conventions du Conseil de l’Europe, ainsi
qu’au respect des engagements souscrits par les autorités des Etats
membres lors de leur adhésion au Conseil de l’Europe. La commission
de suivi rend régulièrement compte à l’Assemblée à la fois de l’évolution générale
des procédures de suivi (rapports d’activité) et de la situation
de chaque pays suivi ou faisant l'objet d'un dialogue post-suivi
(rapports pays par pays).
21. Il convient de souligner que l'approche adoptée par le Comité
des Ministres et l'Assemblée parlementaire dans leur suivi respectif
diffère fondamentalement. Contrairement aux travaux de l'Assemblée parlementaire
(rapports, débats parlementaires et adoptions de textes à la majorité
des voix), qui finissent par être rendus publics, la procédure du
Comité des Ministres est confidentielle et repose principalement
sur la persuasion, la pression de ses pairs et les négociations
diplomatiques.
3. Les principaux mécanismes
de suivi spécialisé du Conseil de l'Europe
3.1. Les éléments en jeu
22. Les mécanismes de suivi spécialisé
sont complémentaires des mécanismes de suivi à caractère général et
politique mis en place principalement, mais pas exclusivement, par
l'Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres.
23. Les principaux mécanismes de suivi étudiés dans le présent
rapport sont les instances d'experts, dont les compétences comprennent
l’exercice d'activités d'étude et d'évaluation de chaque pays, notamment
par la visite des pays concernés et l'examen des rapports périodiques
des Etats parties, ainsi que la formulation de recommandations de
politique, qui visent à renforcer le respect des normes pertinentes
du Conseil de l’Europe. Ils prennent des décisions et remettent
des rapports, qui sont habituellement transmis au Comité des Ministres pour
information et, en principe, rendus publics, à l'exception des rapports
de visite du CPT, qui sont publiés à la demande du pays concerné.
Alors que le CPT, le Comité européen des droits sociaux (CEDS) et
le Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection
des minorités nationales (ACFC) ont été institués par des traités
adoptés dans le cadre du Conseil de l'Europe et signés et ratifiés
par les Etats Parties, l’ECRI repose sur une résolution du Comité
des Ministres.
24. Ces mécanismes visent à aider les Etats membres à défendre
les principes et les normes de l’Organisation, et à empêcher les
violations des droits de l'homme. Les qualifications, l'expérience
et l'indépendance de leurs membres sont primordiales pour l'accomplissement
de leur mission. Pour maintenir l'efficacité et l'autorité de ces
mécanismes, il importe que les procédures de sélection de leurs
membres comportent des garanties qui assurent la compétence et l'indépendance
des experts.
3.2. Les procédures de sélection
en vigueur
25. Comme le souligne les tableaux
figurant an annexe, le système actuel se caractérise par une grande disparité
des procédures de sélection des membres des principaux mécanismes
de suivi des droits de l'homme. Cette disparité transparaît dans
le nombre d'experts et les caractéristiques de leur mandat et, plus important
encore, dans les critères d'admissibilité des experts et les modalités
de la procédure de sélection.
26. La durée des fonctions des
membres des principaux mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe
se limite d'ordinaire à une période comprise entre huit et douze
ans, à l'exception de l’ECRI, qui autorise le renouvellement illimité
de leur mandat.
27. L'absence de limitation soulève la question de l'indépendance
des experts et de la nécessité de garantir le renouvellement, la
diversité et la complémentarité de l'expertise des membres des mécanismes
de suivi (comme c'est le cas pour le CPT, qui cherche un équilibre
entre les «juristes» – experts pénitentiaires, criminologues, etc.
– et les «médecins» – psychologues, experts en hygiène, etc.). Ces
préoccupations transparaissent dans le débat qui a récemment eu
lieu dans le cadre du processus de renforcement des organes conventionnels
des Nations Unies
. Elles sont également conformes
aux dispositions des conventions les plus récentes, qui autorisent
l'exercice de deux mandats maximum
.
3.2.1. Critères d’éligibilité
3.2.1.1. Conditions individuelles
28. L'impartialité, l’indépendance
et une expertise reconnue dans les domaines en rapport avec le mandat du
mécanisme concerné devraient être considérées comme les critères
de sélection d’experts les plus importants. Il convient d'interpréter
de manière étroite les «valeurs morales» ou les critères formulés
de façon similaire, en considérant qu'elles se limitent à exiger
l’absence d’un casier judiciaire ou d’une interdiction d’exercer
sa profession.
29. Alors que les candidats à l'élection à la Cour européenne
des droits de l'homme sont tenus d'avoir une connaissance active
de l'une des langues officielles du Conseil de l'Europe et une connaissance
passive de l'autre langue, la procédure de sélection des mécanismes
de suivi spécialisés n'est soumise à aucune condition linguistique
équivalente, à l'exception notable de celle du CPT (dans une certaine
mesure). Il importe de remédier à cette lacune, puisque les capacités
linguistiques des experts ont des répercussions directes sur l'activité
concrète du mécanisme et sur la qualité et la crédibilité de ses
résultats
.
3.2.1.2. Conditions objectives
30. Il est généralement admis que,
lors de l'examen des candidatures aux mécanismes de suivi des droits de
l'homme, une attention particulière devrait également être accordée
à des critères objectifs
. Ces conditions, au nombre
desquelles peuvent figurer l'expérience professionnelle, le genre
et l’âge, visent à garantir la composition équilibrée de l'instance
et, par conséquent, à renforcer l'efficacité de son action.
31. Bien que l'audition organisée dans le cadre du présent rapport
ait démontré que les organes de suivi reconnaissent généralement
l'importance de ces conditions, en particulier en matière d'expérience professionnelle,
la procédure de sélection des membres du CPT est la seule à être
soumise à des critères formels à cet égard.
32. La véritable indépendance du membre d'une instance de suivi
n'est pas forcement garantie par le fait d'exercer une fonction
qui n'est pas officiellement subordonnée à un gouvernement. Un gouvernement
peut en effet «agir» sur l'indépendance d'un expert d'une autre
manière. Rappelons, par exemple, le cas d'un membre du Comité d'experts
de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires qui
avait été révoqué de ses hautes fonctions universitaires pour avoir
assisté en mars 2012 à la réunion du Comité, alors qu'il n'avait pas
eu l'autorisation de s'y rendre. Le Comité a admis, en examinant
cet incident, que certaines raisons pouvaient justifier qu'un membre
n’assiste pas à une réunion, par exemple en cas d'empêchement dû
à ses obligations professionnelles importantes. Cependant, une raison
valable devait être donnée à chaque fois. Le rapporteur estime qu'il
s'agit en l'espèce davantage d'une question de mise en œuvre diligente
des engagements pris par l'Etat concerné – lors de la ratification
de l'instrument international pertinent – que d'une atteinte portée
à l'indépendance d'un expert. Cet incident peut néanmoins ajouter
une dimension essentielle à l'interprétation de la notion d'indépendance
d'un expert et de sa capacité à exercer ses fonctions.
3.2.1.3. Conditions liées à l'exercice
des fonctions
33. Les dysfonctionnements qui
surviennent en matière d'indépendance et d'impartialité peuvent
nuire à la crédibilité et à l'efficacité de l'organe de suivi. Ces
critères d'admissibilité ont été précisés par l'Assemblée parlementaire
pour les candidats au CPT, qui ne devraient
pas être «des personnes qui sont, au niveau du gouvernement central,
chargées de définir les politiques nationales dans le secteur concerné
et qui pourraient être tenues politiquement responsables de tout
dysfonctionnement». En l’absence d'une définition équivalente dans
le Statut ou les textes pertinents de l’ECRI, de l’ESCR et de l’ACFC,
ces critères peuvent néanmoins poser problème lorsqu'ils sont appliqués
à la procédure de sélection de ces mécanismes. Si l'indépendance des
candidats ne saurait être mise en doute par le simple fait qu'ils
sont fonctionnaires ou agents du secteur public, cette situation
peut être contraire aux normes retenues par la Cour européenne des
droits de l'homme à l'égard des membres des tribunaux appelés à
statuer dans un litige judiciaire
,
ainsi qu'aux Principes directeurs d’Addis Abeba
.
3.2.2. Les procédures de sélection
34. Le tableau qui figure à l’annexe
3 montre que la situation actuelle se caractérise par une grande
disparité dans les procédures de sélection. Dans la procédure de
sélection de l’ECRI, le pouvoir de désignation appartient aux gouvernements
nationaux, tandis que le Conseil de l'Europe dispose d'un pouvoir
de contrôle et de rectification par l'intermédiaire du Comité des
Ministres. Dans les trois autres procédures de sélection (CPT, CEDS,
ACFC), le pouvoir de nomination est conféré au Comité des Ministres.
Il convient toutefois de souligner que la procédure du CPT prévoit
un système beaucoup plus élaboré de freins et contrepoids, au stade
à la fois national et international de la sélection. Elle impose
tout d'abord une sélection nationale ouverte et transparente, qui
comporte en principe un appel public à candidatures, la participation
des instances publiques et non gouvernementales pertinentes, l'utilisation
d'un modèle commun de curriculum vitae et, dans l'idéal, des entretiens
avec les candidats présélectionnés. Puis, elle prévoit la participation
des organes statutaires de l’Organisation – l'Assemblée parlementaire
et le Comité des Ministres – ainsi que du bureau du mécanisme de
suivi, qui, dans les faits, est consulté de manière informelle.
Cette procédure de sélection s'inspire en partie de la nomination
des candidats et de l'élection des juges à la Cour européenne des
droits de l'homme, qui visent à traduire les principes de procédure
démocratique, de transparence et de non-discrimination.
35. Cette unique procédure de sélection s'est révélée efficace.
Les données statistiques sur l'impact des recommandations faites
par la sous-commission des droits de l'homme de la commission des
questions juridiques et des droits de l'homme montrent que 100 des
120 recommandations formulées depuis 2002 ont été suivies par le
Comité des Ministres. De plus, au cours de la même période, la sous-commission
a fait 16 propositions de rejet de liste, qui ont toutes été suivies
par la plénière de la commission des questions juridiques et le
Bureau de l'Assemblée. Dans sept autres cas, des informations complémentaires
ont été fournies après report de la procédure et un report a conduit
au remplacement volontaire d'une liste par une nouvelle liste, plus
satisfaisante.
4. Conclusion
et propositions
36. L'objectif visé par les mécanismes
de suivi est de garantir la mise en œuvre effective des diverses normes
internationales en matière de droits de l'homme établies par le
Conseil de l'Europe. Les instances composées d'experts aident, notamment
par le contrôle de ses pairs et les recommandations, les Etats membres
à respecter leurs obligations conventionnelles et/ou à mettre en
œuvre les recommandations formulées par les mécanismes de suivi.
Ce suivi devrait avoir pour effet d'informer les décideurs politiques nationaux
et de provoquer les adaptations nécessaires et les mesures destinées
à remédier aux défaillances constatées. La qualité, l'intégrité
et l'indépendance des experts sont primordiales pour permettre à
ces mécanismes de fonctionner comme cela avait été prévu au moment
de leur création.
37. Toutefois, les éléments qui précèdent montrent qu'il existe
une très grande disparité entre les procédures de sélection des
principaux mécanismes de suivi du Conseil de l'Europe. Certaines
procédures peuvent être considérées comme présentant trop peu de
transparence et/ou de critères objectifs pour assurer la qualité,
l'intégrité et l'indépendance indispensables des experts. Ces lacunes
peuvent nuire au bon fonctionnement des mécanismes de suivi. Afin
de garantir l'efficacité et la crédibilité des mécanismes de suivi, il
serait opportun de renforcer davantage les procédures de sélection
de leurs membres. Un autre point connexe mérite réflexion: est-il
judicieux ou non que les gouvernements désignent trois candidats
à chaque instance pour garantir un véritable choix du meilleur candidat
(comme c'est le cas pour le CPT)?
38. Je propose donc l'application des principes généraux suivants,
à la lumière de la procédure de sélection du CPT:
- s'agissant de la durée des fonctions
des membres des mécanismes de suivi, il convient d'éviter que leur mandat
soit indéfiniment renouvelable, considérant que la possibilité d'un
ou deux renouvellements devrait permettre de trouver un juste équilibre
entre le changement de membres et le maintien de la mémoire institutionnelle
du mécanisme;
- il importe que les critères d’éligibilité comportent des
conditions individuelles, notamment une expertise reconnue dans
les domaines pertinents et des compétences linguistiques, ainsi
que des conditions objectives, comme le fait d'être disponible pour
exercer les fonctions demandées;
- afin de satisfaire aux critères d'indépendance et d'impartialité,
il convient d'éviter la nomination ou l'élection d'experts qui exercent
des fonctions au sein de l'administration ou tout autre fonction susceptible
d'entraîner un conflit d'intérêts réel ou ressenti comme tel;
- à l'échelon national, il importe de mettre en place une
procédure de sélection ouverte et transparente, avec un appel public
à candidatures, la participation des instances publiques et non
gouvernementales pertinentes, notamment les parlements nationaux,
l'utilisation d'un modèle de curriculum vitae, le souci d'un équilibre
entre hommes et femmes, le cas échéant, ainsi que des entretiens
avec les candidats présélectionnés;
- au sein du Conseil de l'Europe, les deux organes statutaires
de l’Organisation, c'est-à-dire le Comité des Ministres et l'Assemblée
parlementaire, devraient prendre part aux procédures de sélection.
Le rôle joué par l'Assemblée parlementaire est crucial à cet égard
et il importe que ses commissions pertinentes participent au processus
de vérification ;
- il convient, qui plus est, de consulter de manière informelle
le mécanisme de suivi lui-même (à savoir, au travers de son bureau).
39. Enfin, je souhaite réaffirmer les recommandations formulées
par l'Assemblée au sujet du CPT sur la base d’un rapport de M. Jean-Charles
Gardetto
. Je considère que l'Assemblée devrait
avoir la possibilité de rejeter les listes de candidats qui ne satisfont
pas aux critères de compétence, d'intégrité, d'indépendance et de
professionnalisme. Le fait d'accentuer le rôle joué par l'Assemblée
renforcerait la légitimité démocratique de la procédure de sélection
et, par là-même, l'autorité des mécanismes suivi.