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Rapport | Doc. 13157 | 04 avril 2013

Violence à l’encontre des communautés religieuses

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Luca VOLONTÈ, Italie, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 12542, Renvoi 3761 du 15 avril 2011. 2013 - Deuxième partie de session

Résumé

Le rapport fait état des préoccupations concernant la multiplication des agressions violentes dont font l’objet certaines communautés religieuses à travers le monde. Il note que cette violence exercée contre des personnes à cause de leur religion est non seulement physique mais aussi psychologique et elle la condamne catégoriquement.

L’Assemblée parlementaire a toujours souligné l’importance de défendre la liberté de conscience et de religion, telle que consacrée par l’article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme et l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Les Etats membres du Conseil de l’Europe sont encouragés, entre autres, à réaffirmer que le respect des droits de l'homme, de la démocratie et des libertés civiques est la base commune sur laquelle ils construisent leurs relations avec des pays tiers et à veiller à ce que les accords conclus avec ces pays tiers comportent une clause sur la démocratie englobant la liberté de religion.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 14 mars
2013.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire est préoccupée par la multiplication des agressions violentes dont font l’objet certaines communautés religieuses à travers le monde. Elle note que cette violence exercée contre des personnes à cause de leur religion est non seulement physique mais aussi psychologique et elle la condamne catégoriquement.
2. L’Assemblée rappelle que la liberté de pensée, de conscience et de religion est un droit humain universel consacré par l’article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5) et l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, que tout Etat membre des Nations Unies s’est engagé à respecter: «Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites.»
3. L’Assemblée tient aussi à mettre l’accent sur l’article 18 du Pacte international de 1966 relatif aux droits civils et politiques et sur la Déclaration des Nations Unies de 1981 relative à l’élimination de toutes formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction; en outre, elle réaffirme que l’autonomie des communautés religieuses et leur séparation de l’Etat, ainsi que la neutralité et l’impartialité de l’Etat sur les questions religieuses sont de la plus haute importance.
4. L’Assemblée a toujours souligné l’importance de défendre la liberté de conscience et de religion, qui peut seulement être sujette aux restrictions qui sont nécessaires dans une société démocratique. Les textes ci-après sont pertinents dans ce contexte: la Recommandation 1162 (1991) sur la contribution de la civilisation islamique à la culture européenne; la Recommandation 1396 (1999) «Religion et démocratie»; la Recommandation 1720 (2005) «Education et religion»; la Résolution 1464 (2005) «Femmes et religion en Europe»; la Résolution 1510 (2006) sur la liberté d’expression et le respect des croyances religieuses; la Recommandation 1804 (2007) «Etat, religion, laïcité et droits de l'homme»; la Résolution 1535 (2007) sur les menaces contre la vie et la liberté d’expression des journalistes; la Résolution 1580 (2007) sur les dangers du créationnisme dans l’éducation; la Résolution 1605 (2008) et la Recommandation 1831 (2008) sur les communautés musulmanes européennes face à l’extrémisme; la Recommandation 1805 (2007) «Blasphème, insultes à caractère religieux et incitation à la haine contre des personnes au motif de leur religion»; la Résolution 1743 (2010) et la Recommandation 1927 (2010) sur l’Islam, l’islamisme et l’islamophobie en Europe; ainsi que la Recommandation 1957 (2011) sur la violence à l’encontre des chrétiens au Proche et au Moyen-Orient.
5. Elle rappelle notamment sa Résolution 1510 (2006) sur la liberté d’expression et le respect des croyances religieuses, dans laquelle elle déclare que «[l]a liberté d’expression, telle qu’elle est protégée en vertu de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, ne doit pas être davantage restreinte pour répondre à la sensibilité croissante de certains groupes religieux». Elle souligne que, en règle générale, la liberté d’expression ne doit pas être restreinte pour répondre à la sensibilité de tel ou tel groupe dans une société démocratique.
6. L’Assemblée tient aussi à insister sur la nécessité de combattre toutes les formes d’intégrisme religieux et de manipulation des croyances religieuses, qui sont si souvent la cause du terrorisme d’aujourd’hui. L’éducation et le dialogue sont deux instruments importants qui peuvent contribuer à prévenir de telles tendances négatives et dangereuses.
7. Bien qu’il soit généralement admis que les communautés religieuses sont mieux protégées en Europe qu’en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient, des problèmes continuent d’être signalés dans des Etats membres du Conseil de l'Europe.
8. Par conséquent, l’Assemblée appelle les Etats membres:
8.1. à réaffirmer que le respect des droits de l'homme, de la démocratie et des libertés civiques est la base commune sur laquelle ils construisent leurs relations avec des pays tiers, et à veiller à ce que les accords conclus avec ces pays tiers comportent une clause sur la démocratie englobant la liberté de religion;
8.2. à prendre en compte la situation des communautés religieuses dans leur dialogue politique bilatéral avec les pays concernés;
8.3. à réaffirmer que la liberté de religion, de conscience et de conviction fait partie intégrante du système européen des droits de l'homme garanti par la Convention européenne des droits de l’homme;
8.4. à honorer leurs engagements et obligations consistant à garantir la jouissance pleine et entière de ce droit fondamental;
8.5. à promouvoir, tant à l’échelon national qu’au niveau du Comité des Ministres, une politique qui prenne en considération la question du plein respect des droits fondamentaux des minorités religieuses dans les relations extérieures et celle de leur protection effective;
8.6. à veiller à ce que les croyances religieuses aient une place dans la sphère publique, en garantissant la liberté de pensée en rapport avec les soins de santé, l’éducation et la fonction publique;
8.7. à garantir le droit à une objection de conscience bien définie en rapport avec des questions sensibles du point de vue éthique comme le service militaire, conformément à diverses recommandations déjà adoptées par l’Assemblée;
8.8. à protéger, dans le plein respect des valeurs qui sont l’essence même du Conseil de l'Europe, la liberté des parents, y compris in loco parentis, d’assurer l’éducation religieuse et morale et son enseignement à leurs enfants;
8.9. à réviser leurs textes juridiques chaque fois qu’ils vont à l’encontre de la liberté d’association pour les groupes religieux et les Eglises.
8.10. à veiller au plein respect de l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme et à ce que le droit à l’autonomie des communautés religieuses soit respecté et à ce qu’il s’exerce dans les limites de la loi.
9. En outre, l’Assemblée exhorte tous les Etats qui sont le théâtre de violences contre des communautés religieuses:
9.1. à condamner catégoriquement non seulement les agressions contre des personnes innocentes, mais aussi le recours à la violence en général, ainsi que toutes les formes de discrimination et d’intolérance fondées sur la religion ou les convictions;
9.2. à poursuivre et renforcer leurs efforts pour combattre et prévenir de telles infractions et pour traduire leurs auteurs en justice;
9.3. à promouvoir un enseignement exact et objectif sur les religions, dont celles des minorités;
9.4. à soutenir activement des initiatives visant à promouvoir la dimension interconfessionnelle du dialogue;
9.5. à garantir la protection effective des communautés religieuses et de leurs lieux de culte, dont ceux des minorités;
9.6. à respecter et protéger le patrimoine culturel des diverses religions.
10. L’Assemblée invite tous les chefs religieux d’Europe à condamner les agressions contre des communautés religieuses et d’autres groupes confessionnels, et à accepter le principe d’un égal respect de tous les êtres humains, quelle que soit leur religion.
11. Enfin, l’Assemblée appelle l’Union européenne à renforcer son suivi de la situation des communautés religieuses dans le cadre de son dialogue politique avec les pays non membres, et à subordonner sa Politique européenne de voisinage, y compris son aide financière, au degré de protection des droits de l'homme, notamment celui de la liberté de religion, ainsi qu’au niveau de sensibilisation à cette question atteints par ces pays.

B. Exposé des motifs, par M. Volontè, rapporteur

(open)

1. Introduction

« La dimension religieuse est une caractéristique indéniable et incoercible de l’être et de l’agir de l’homme, la mesure de la réalisation de son destin et de la construction de la communauté à laquelle il appartient. …il faut affirmer qu’une proclamation abstraite de la liberté religieuse n’est pas suffisante: cette norme fondamentale de la vie sociale doit trouver application et respect à tous les niveaux et dans tous les domaines.»
Discours du Pape Benoît XVI aux membres du Corps diplomatique, 10 janvier 2011

1. Suite aux attaques tragiques dont les communautés chrétiennes ont fait l’objet en octobre 2010 à Bagdad et à Alexandrie en janvier 2011, l’Assemblée parlementaire a tenu le 27 janvier 2011 un débat selon la procédure d’urgence et adopté la Recommandation 1957 (2011) sur la violence à l’encontre des chrétiens au Proche et au Moyen-Orient. J’ai eu l’honneur de présenter ce rapport au nom de la commission des questions politiques.
2. Une proposition de résolution sur «Violences à l’encontre des chrétiens» a été présentée le 17 mars 2011 (Doc. 12542) qui a été renvoyée à la commission des questions politiques en vue d’établir un rapport sur «Violence à l’encontre des communautés religieuses», et j’ai été nommé rapporteur le 21 juin 2011.
3. Le présent rapport vise à examiner la situation des chrétiens et d’autres communautés religieuses, notamment dans les Etats membres du Conseil de l’Europe et dans des pays du Moyen-Orient concernés par la Recommandation 1957 (2011), en mettant tout particulièrement l’accent sur la mise en œuvre des mesures proposées dans ses paragraphes 12, 13, 14 et 15, dans lesquels l’Assemblée appelle les Etats membres, entre autres:
  • à réaffirmer que le développement des droits de l’homme, de la démocratie et des libertés civiques est la base commune sur laquelle ils construisent leurs relations avec des pays tiers, et à veiller à ce que les accords entre eux et des pays tiers comportent une clause sur la démocratie;
  • à prendre en compte la situation des communautés religieuses chrétiennes et autres dans leur dialogue politique bilatéral avec les pays concernés;
  • à soutenir des initiatives visant à promouvoir le dialogue entre communautés religieuses au Moyen-Orient.
4. Cet objectif est conforme au mandat de la commission des questions politiques et de la démocratie: «La commission examine la situation dans les Etats non membres du Conseil de l’Europe au regard des valeurs fondamentales qu’il défend, formule des propositions et, sous réserve de l’approbation du Bureau, prend des mesures politiques pour promouvoir ces valeurs.»
5. Selon la proposition initiale, le rapport devait aborder les questions suivantes:
  • violence contre les communautés religieuses: conventions internationales et déclarations, doctrine et jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme («la Cour»);
  • liberté religieuse en Europe et violations de ce droit fondamental: antisémitisme, intolérance et discrimination à l’encontre des chrétiens, islamophobie et autres formes de violence;
  • suites données par le Comité des Ministres à la Recommandation 1957 (2011) sur la violence à l’encontre des chrétiens au Proche et au Moyen-Orient et mesures adoptées par les Etats membres;
  • étude comparative et mesures nationales nécessaires pour préserver et promouvoir la liberté de religion (législations nationales et actions de diplomatie étrangère).
6. Le 6 septembre 2011, à Caserta, une note d’information a été présentée aux membres de la commission des questions politiques et, lors de la réunion des 14 et 15 novembre 2011, à Paris, a été soumis un premier schéma de rapport qui prenait en compte les discussions de la commission et visait à recenser les questions en jeu; il signalait également les conclusions de divers organismes internationaux sur ces questions.
7. Sur ma proposition, la commission des questions politiques et de la démocratie a tenu, le 14 mars 2012, un échange de vues avec M. Massimo Introvigne, sociologue, ancien représentant personnel du Président en exercice de l'OSCE pour la lutte contre le racisme, la xénophobie et la discrimination, spécialement l’intolérance et la discrimination à l’encontre des chrétiens et des membres d’autres religions, afin de discuter des éventuelles lignes d’action à suivre pour régler les problèmes de violence à l’égard des communautés religieuses.
8. Le 13 décembre 2012, la commission a tenu un échange de vues avec M. Khaled Fouad Allam, professeur en sociologie du monde musulman et en histoire et institutions des pays islamiques au sein de l’université de Trieste, ainsi qu’avec le père Paolo Dall’Oglio, prêtre jésuite et refondateur du monastère Deir Mar Mûsa en Syrie.

2. Liberté de religion et liberté d’expression

9. En 2013, nous célébrons l’anniversaire de l’Edit de Milan, ou Edit de Tolérance, de l’an 313, qui peut être perçu comme étant à l’origine de la liberté de religion et de croyance. Son contenu est très clair: «Nous empereur Constantin, et nous empereur Licinius, nous étant assemblés à Milan pour traiter des choses qui concernent le bien de l’Etat et la tranquillité publique, (…) permettons aux chrétiens et à toutes sortes de personnes de suivre telle religion qui leur plaira, afin que la Divinité qui préside dans le ciel, soit à jamais propice et à nous, et à nos sujets.»
10. L’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) énonce que «[t]oute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites». Il ajoute que «[l]a liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui».
11. La première partie de cet article est quasiment identique à l’Article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme: «Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites.»
12. La Cour européenne des droits de l’homme a produit une vaste jurisprudence sur l’article 9 de la Convention consacrée à la liberté de religion, en tant que pilier d’une société démocratique, tant dans sa dimension intérieure qu’extérieure.
13. La Cour a notamment abordé les caractéristiques individuelles et collectives de la liberté de religion et les relations entre l’Etat et les communautés religieuses.
14. Elle s’est également penchée sur l’étendue de la protection de la liberté de religion par l’Etat (ingérence et devoir de neutralité et d’impartialité) 
			(2) 
			Un
aperçu de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme
en matière de liberté de religion (janvier 2011) est disponible
sur: 
			(2) 
			<a href='http://www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/612852C1-7B36-4E1D-8FBF-EA24B3BB36AF/0/RAPPORT_JURISPRUDENCE_Liberté_religion.pdf'>www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/612852C1-7B36-4E1D-8FBF-EA24B3BB36AF/0/RAPPORT_JURISPRUDENCE_Liberté_religion.pdf</a>..
15. La liberté d’expression est une autre liberté fondamentale inscrite à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme tout comme à l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Elle est complémentaire de la liberté de religion, mais il s’avère souvent nécessaire d’établir un équilibre entre ces deux droits. D’une part, les groupes religieux devraient avoir la possibilité d’exprimer librement leurs opinions sur des questions éthiques comme la vie de famille, l’homosexualité ou l’avortement mais, d’autre part, ils ne devraient pas tenter de restreindre la liberté d’expression d’autrui en faisant valoir la notion de «diffamation de la religion».
16. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme sur cette question est elle aussi intéressante. En 1976 déjà, la Cour avait évoqué le droit de choquer, heurter ou inquiéter 
			(3) 
			Handyside
c. Royaume-Uni, Requête n° 5493/72, arrêt du 7 décembre
1976, paragraphe 49..
17. La protection de la conscience ou du sentiment religieux n’empêche pas la critique des religions et des croyances. L’Etat a l’obligation de garantir à ceux qui professent ces croyances la jouissance de leur droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Seule la façon dont ces critiques sont formulées peut être condamnée si elle correspond à un discours de haine. A cet égard, les Etats ont l’obligation de lutter contre les stéréotypes antireligieux, notamment lorsqu’ils sont diffusés dans les médias. Des enquêtes montrent que les stéréotypes antireligieux ne se limitent pas aux religions minoritaires et ciblent de plus en plus les chrétiens. La liberté de religion protège également la liberté d’exprimer publiquement des doctrines religieuses. Par conséquent, les expressions publiques pacifiques de la foi ou de conceptions morales devraient être protégées, comme c’est le cas des prédications religieuses des ministres du culte.
18. Contrairement aux Etats-Unis d’Amérique, où le premier amendement à la Constitution interdit d’adopter toute loi qui restreigne la liberté de parole ou bafoue la liberté de la presse, il existe en Europe plusieurs limitations plus ou moins légales, liées par exemple aux discours de haine. Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a défini le discours de haine dans sa Recommandation No R (97) 20. Cependant, cette définition n’étant pas universellement acceptée, ces limitations sont souvent interprétées de diverses manières par les différentes communautés religieuses.
19. L’Assemblée traite de cette question dans son rapport et sa Résolution 1510 (2006) sur la liberté d’expression et respect des croyances religieuses, dans laquelle elle déclare que «la liberté d’expression, telle qu’elle est protégée en vertu de l’article 10 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, ne doit pas être davantage restreinte pour répondre à la sensibilité croissante de certains groupes religieux». Dans le même temps, l’Assemblée rappelle fermement que «les discours incitant à la haine à l’encontre de quelque groupe religieux que ce soit ne sont pas compatibles avec les droits et libertés fondamentaux garantis par la Convention européenne des Droits de l’Homme et les précédents de la Cour européenne des Droits de l’Homme».
20. Le Rapport du Département d'Etat américain sur la liberté de religion dans le monde (novembre 2010) identifie cinq catégories de restrictions de la liberté de religion: les gouvernements autoritaires; l’hostilité envers les groupes religieux non traditionnels et minoritaires; la passivité face à l’intolérance de la société; l’institutionnalisation des préjugés et les allégations d’illégitimité (discrimination à l’encontre de groupes décrits comme des «cultes» ou des «sectes»).
21. Le rapport note que «[a]u cours de la dernière décennie, plusieurs Etats comptant une population musulmane majoritaire ou significative ont œuvré au sein des Nations Unies (ONU) à la promotion du concept de “diffamation des religions” en soumettant tous les ans des résolutions sur ce thème au Conseil des droits de l’homme et à l’Assemblée générale de l’ONU». Il énonce ensuite que «si les Etats-Unis déplorent les actions qui témoignent d’un manque de respect pour des croyances religieuses profondément ancrées, y compris celles des Musulmans, nous n’admettons pas le concept de “diffamation des religions” car il peut être utilisé aux fins de porter atteinte aux libertés fondamentales de religion et d’expression. Les Etats-Unis comprennent que la résolution porte principalement sur les stéréotypes négatifs et la discrimination à l’égard de membres de groupes religieux. Ils estiment cependant qu’au lieu d’interdire les discours, la meilleure façon pour les gouvernements de traiter ces questions est d’élaborer des cadres juridiques robustes pour traiter les actes de discrimination et les crimes motivés par les préjugés; de condamner les idéologies haineuses et de sensibiliser de manière proactive l’ensemble des communautés religieuses, notamment les groupes minoritaires; et de défendre fermement les droits des personnes à pratiquer librement leur religion et à exercer leur liberté d’expression» [Traduction non officielle].
22. Dans sa publication «Blasphème, insultes religieuses et incitation à la haine religieuse» de la série Science et technique de la démocratie, la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) traite également des relations entre la liberté d’expression et la liberté de religion et propose une nouvelle éthique de relations interculturelles responsables.

3. Liberté de religion et anti-discrimination

23. La liberté de religion est un concept plus large que la non-discrimination fondée sur la religion; elle englobe la liberté de professer sa religion en public et au sein de la communauté et ne se borne pas à un droit à l’«égalité» entre des individus et des groupes religieux et non religieux.
24. La Commission permanente a adopté, le 25 novembre 2011, la Résolution1846 (2011) «Combattre toutes les formes de discrimination fondées sur la religion», basée sur un rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme (Rapporteur: M. Tudor Panţiru, Roumanie, SOC).
25. Tout en se déclarant une nouvelle fois favorable à la séparation de l’Eglise et de l’Etat (voir sa Recommandation 1804 (2007) «Etat, religion, laïcité et droits de l’homme» et sa Recommandation 1396 (1999) «Religion et démocratie»), l’Assemblée a appelé les Etats membres «à adopter des dispositions législatives érigeant en infraction pénale le discours de haine et le recours à la violence à l’encontre de membres de groupes religieux et de chefs religieux, conformément aux recommandations de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI)» et «à veiller à ce que les autorités compétentes mènent des enquêtes effectives sur les actes de violence fondés sur la religion ou les croyances».
26. S’agissant de la non-discrimination, la Directive 2000/78/CE du Conseil de l’Union européenne du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail revêt une importance particulière. Conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, elle prévoit que «dans le cas des activités professionnelles d’Eglises et d’autres organisations publiques ou privées dont l’éthique est fondée sur la religion ou les convictions, une différence de traitement fondée sur la religion ou les convictions d’une personne ne constitue pas une discrimination lorsque, par la nature de ces activités ou par le contexte dans lequel elles sont exercées, la religion ou les convictions constituent une exigence professionnelle essentielle, légitime et justifiée eu égard à l’éthique de l’organisation».

4. Droits parentaux en matière d’éducation

27. Sur la base d’une proposition que j’ai présentée avec d’autres collègues, un rapport sur «La liberté de choix éducatif des familles dans tous les Etats membres» a été préparé par la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias (Rapporteure: Mme Carmen Quintanilla, Espagne, PPE/DC). L’Assemblée a tenu un débat en avril 2012 et a adopté la Résolution 1904 (2012). Toutefois, la question de la violence n’est pas abordée dans ce rapport.
28. Cette résolution invoque le droit à l’instruction garanti par l’article 2 du Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, selon lequel «[n]ul ne peut se voir refuser le droit à l’instruction. L’Etat, dans l’exercice des fonctions qu’il assumera dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement, respectera le droit des parents d’assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques».

5. L’autonomie des communautés religieuses

29. La distinction entre la religion et l’Etat est garantie par l’autonomie mutuelle des communautés religieuses et de l’Etat. Si l’Etat ne respecte pas l’autonomie des communautés religieuses, il ne peut plus être considéré comme neutre ou impartial 
			(4) 
			Hassan
et Tchaouch c. Bulgarie, paragraphe 78; Eglise métropolitaine de Bessarabie et autres
c. Moldova, paragraphe 117; Serif
c. Grèce, paragraphe 52; et Miroļubovs
et autres c. Lettonie. mais comme s’immisçant dans le domaine religieux. La Cour européenne des droits de l'homme a affirmé que les communautés religieuses existaient traditionnellement et universellement sous la forme de structures organisées et que, lorsque l’organisation de l’une de ces communautés est en cause, l’article 9 doit s’interpréter à la lumière de l’article 11 de la Convention qui protège la vie associative contre toute ingérence injustifiée de l’Etat 
			(5) 
			Hassan et Tchaouch, op. cit., paragraphes 62 et 78;
voir aussi Kohn c. Allemagne (Déc),
Requête no 47021/99, arrêt du 23 mars 2000,
et Dudová et Duda c. République tchèque (déc.),
Requête no 40224/98, arrêt du 30 janvier 2001.. Le principe de l’autonomie en matière de liberté de religion interdit aux autorités civiles de prendre des décisions concernant des affaires internes aux communautés religieuses comme les nominations 
			(6) 
			Dudová
et Duda c. République tchèque. ou les mutations 
			(7) 
			Ahtinen c. Finlande.. De même, il empêche les chefs religieux de s’immiscer dans les affaires laïques.

6. La situation des chrétiens au Moyen-Orient

30. Le 23 septembre 2011, le Comité des Ministres a répondu à la Recommandation 1957 (2011) et indiqué qu’il «travaille au développement d’une politique cohérente à l’égard de régions voisines, en vue de promouvoir le dialogue et la coopération avec les pays et les régions situés à proximité de l’Europe qui sollicitent l’assistance du Conseil de l’Europe, sur la base des valeurs communes de droits de l’homme, de démocratie et d’Etat de droit».
31. Tout en assurant l’Assemblée que «la promotion du droit à la liberté de pensée, de conviction et de religion, restera en bonne place à son ordre du jour», le Comité des Ministres n’entend pas mettre en place une capacité permanente pour suivre la situation des restrictions gouvernementales et sociétales à la liberté de religion et aux droits connexes dans les Etats membres du Conseil de l’Europe et les Etats du Moyen-Orient, et rendre compte régulièrement à l’Assemblée, comme demandé au paragraphe 11.1 de la recommandation.
32. Cette réponse ne me paraît pas satisfaisante. D’un côté, le Comité des Ministres partage les préoccupations de l’Assemblée mais, de l’autre, il n’est pas prêt à améliorer les travaux de l’Organisation conformément aux recommandations de l’Assemblée, comme s’il faisait déjà tout son possible. Le Comité des Ministres indique qu’il étudie actuellement la faisabilité pour le Conseil de l'Europe de mettre en place certains axes de travail suggérés dans le rapport «Vivre ensemble – Conjuguer diversité et liberté dans l’Europe du XXIe  siècle» et j’espère que certaines initiatives en sortiront.
33. En attendant, il convient de rappeler que le Comité des Ministres, à sa 1158e réunion (12-13 décembre 2012) a tenu un débat thématique sur «Liberté de religion et situation des minorités religieuses» qui était particulièrement important et opportun compte tenu notamment du nombre croissant de cas de discrimination et d’intolérance auxquels se heurtent de nombreuses communautés religieuses dans les Etats membres et ailleurs que sur le continent européen. Les Délégués ont soutenu la proposition du Secrétaire Général d’élaborer un document concis compilant les normes existantes du Conseil de l'Europe en la matière et ont estimé que le développement de la sensibilisation aux normes actuelles et la promotion de leur mise en œuvre devaient être la priorité de l’Organisation. Une telle initiative encouragerait une attitude positive et tolérante dans la société européenne et devrait faire partie de la politique du Conseil de l'Europe à l’égard des régions voisines. Cette position est pleinement conforme à la volonté de l’Organisation d’«offrir son expertise dans le domaine de la protection de la liberté de pensée, de conscience et de religion et [de] partager son expérience en matière de promotion des normes de protection des droits des personnes appartenant à des minorités religieuses», comme l’indique le Comité des Ministres dans la réponse précitée à la Recommandation 1957 (2011).
34. En cette même occasion, les Délégués ont estimé que le Conseil de l'Europe devait renforcer «le potentiel de ses mécanismes de suivi», tandis que certaines délégations ont souligné «le potentiel d’action des instances indépendantes comme l’ECRI et le Commissaire aux droits de l'homme» et ont encouragé son développement, «notamment sous la forme d’une recommandation de politique générale de l’ECRI».
35. Le dimanche 9 octobre 2011, plusieurs milliers de chrétiens coptes ont manifesté pacifiquement au Caire contre l’attaque d’une église dans la province d’Assouah la semaine précédente. Pour des raisons qui n’ont jamais été élucidées, la manifestation a dégénéré et les affrontements qui s’en sont suivis avec l’armée et des voyous ont fait au moins 25 morts, en majorité coptes, et plus de 300 blessés. Le Président de l’Assemblée a condamné ces violences et, sur ma suggestion, la commission des questions politiques a adopté la déclaration suivante lors de sa réunion des 14 et 15 novembre 2011:
«Le premier jour de l’année 2011, un attentat suicide à la bombe dans une église copte d'Alexandrie a tué 21 personnes et fait 79 blessés. L’Assemblée parlementaire a condamné sans équivoque ces violences. Nous espérions tous qu’après le succès de la révolution égyptienne, de telles tragédies ne se reproduiraient plus.
Malheureusement, le dimanche 9 octobre, une manifestation pacifique de Coptes au Caire a dégénéré pour des raisons encore inconnues, les affrontements qui s’en sont suivis avec l’armée et des voyous faisant 25 victimes, en majorité coptes, et plus de 300 blessés. Cette violence, condamnée à juste titre par le Président de l’Assemblée, est bien sûr inacceptable et les premières déclarations des autorités égyptiennes ainsi que leur manque de réaction subséquente ne témoignent pas d’un engagement véritable à lutter efficacement contre les actes récurrents de violence interreligieuse.
L’Egypte doit démarrer son premier processus électoral libre et équitable dans deux semaines, mais aucune élection démocratique ne peut se tenir dans un climat de haine religieuse.
Nous appelons les autorités égyptiennes et notamment le Conseil suprême des Forces armées à protéger effectivement la communauté copte, à enquêter sur les événements du 9 octobre 2011 et à déférer devant la justice les responsables de ces violences afin de garantir un environnement pacifique pour les élections à venir.»
36. Selon certains rapports, depuis la révolution de 2011, des centaines de filles égyptiennes chrétiennes ont été enlevées, contraintes de se convertir à l’islam et d’épouser des hommes musulmans. Selon d’autres rapports, toutefois, cette situation est due à la détérioration considérable des conditions de sécurité qui a conduit à une augmentation de tous les types d’infractions.
37. Dans sa Résolution 1892 (2012) sur la crise de la transition démocratique en Egypte, adoptée en juin 2012, l’Assemblée «regrette en particulier que la situation des communautés chrétiennes en Egypte ne se soit pas améliorée avec le Printemps arabe et la chute de Moubarak, et que des actes de violence continuent d’être perpétrés contre ces communautés, ainsi que contre d’autres minorités religieuses. L’Assemblée invite, par conséquent, les Etats membres à mettre en œuvre les mesures énoncées dans sa Recommandation 1957 (2011) sur la violence à l’encontre des chrétiens au Proche et au Moyen-Orient. Elle les appelle notamment à prendre en compte la situation des communautés religieuses chrétiennes et autres dans leurs dialogues politiques bilatéraux et à promouvoir une politique, au niveau national comme au niveau du Conseil de l'Europe, qui intègre la question du respect des droits fondamentaux des minorités chrétiennes et des autres religions dans leurs relations avec l’Egypte».
38. Dans sa Résolution 1878 (2012) sur la situation en Syrie, l’Assemblée souligne que «la population syrienne constitue une mosaïque de groupes ethniques, culturels et religieux, et cette diversité, au même titre que l’intégrité territoriale de la Syrie, doit être préservée dans une future Syrie post-Assad. L’Assemblée invite les divers groupes d’opposition nationale à s’unir afin de se présenter en tant qu’alternative légitime offrant à tous les citoyens syriens, quelles que soient leur origine ethnique, leur culture et leur religion, la perspective d’une Syrie pacifique, démocratique et pluraliste. Compte tenu de la sous-représentation des chrétiens au sein du Conseil national syrien, tout avenir post-Assad doit garantir la tolérance religieuse dont les chrétiens ont bénéficié jusqu’ici».
39. En décembre dernier, le père Dall’Oglio a exposé à la commission la situation de la communauté chrétienne de Syrie après 40 ans de dictature et 21 mois de révolution. Pendant 14 siècles, les chrétiens, les juifs et les musulmans ont vécu en paix côte à côte. Les sociétés islamiques avaient le devoir religieux de protéger les minorités chrétienne et juive. En Syrie, alors que la majorité des chrétiens est restée fidèle au régime d’Assad, d’autres ont soutenu la révolution. Beaucoup quittent actuellement le pays.
40. En d’autres endroits du Moyen-Orient, la situation des communautés chrétiennes reste critique, comme je l’ai décrit dans mon rapport sur la «Violence à l’encontre des chrétiens au Proche et au Moyen-Orient» de janvier 2011.
41. Il est intéressant de noter que lorsque l’Assemblée a accordé le statut de partenaire pour la démocratie au Parlement du Maroc (juin 2011) et au Conseil national palestinien (octobre 2011), elle a déclaré que «garantir le plein respect de la liberté de conscience, de religion et de croyance, y compris le droit de changer de religion» était une question d’importance essentielle aux fins du renforcement de la démocratie, de l’Etat de droit et du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les pays concernés.
42. Dans les deux cas, la commission des questions politiques et de la démocratie suit les progrès réalisés sur cette question et d’autres et en rendra compte à l’Assemblée plus tard dans l’année. Je suis le rapporteur pour le Maroc tandis que mon collègue Tiny Kox est le rapporteur pour le Conseil national palestinien.

7. Islamophobie

43. L’Assemblée a traité la question de la violence contre les communautés musulmanes en Europe dans plusieurs rapports, notamment ceux sur «Les communautés musulmanes européennes face à l’extrémisme» (2008) et «L’Islam, l’islamisme et l’islamophobie en Europe» (2010). Les textes adoptés (Recommandations 1831 (2008) et 1927 (2010) et Résolutions 1605 (2008) et 1743 (2010)) insistent sur la nécessité de prendre des mesures vigoureuses contre la discrimination et de redoubler d’efforts dans les domaines de l’éducation et des médias.
44. Le 22 février 2012, à Astana, l’ambassadeur Adil Akhmetov, Représentant personnel du Président de l’OSCE pour la lutte contre l'intolérance et la discrimination à l’encontre des musulmans, a exprimé sa préoccupation concernant le sentiment d'insécurité ressenti par les communautés musulmanes dans la région de l'OSCE. Il a encouragé les Etats membres à se servir des outils et des programmes de l'OSCE concernant les crimes de haine et l'enseignement de la tolérance et recommandé l’adoption des mesures suivantes pour lutter contre les crimes de haine motivés par l’intolérance contre les musulmans: «promotion d’activités éducatives et sensibilisation aux questions liées au racisme, à la xénophobie et à l’intolérance contre les musulmans; mise en place de mécanismes pour assurer un transfert efficace d'informations des services secrets à la police pour aider à prévenir les crimes contre les musulmans et d’autres; mise en œuvre de programmes de soutien pour assurer un suivi des crimes de haine contre les musulmans, produire des rapports à ce sujet et apporter une aide aux victimes».
45. Toutefois, l’impression générale est que les communautés religieuses, notamment musulmanes, sont mieux protégées en Europe que les chrétiens en Afrique, Asie ou Moyen-Orient.

8. Rapports récents sur la situation en matière de liberté de religion

46. Il est manifeste qu’un faible degré de liberté religieuse accroît l’occurrence d’actes de violence, de discours de haine et de manifestations de discrimination et d’intolérance, menaçant la sécurité des individus et donnant lieu à des conflits et à des violences de plus grande ampleur qui sapent la stabilité et la sécurité internationales. J’estime qu’il est particulièrement important de poursuivre nos travaux et notre dialogue sur l’essence même des libertés de pensée, de conscience et de religion qui, comme le Pape Benoît XVI l’a souligné dans son message pour la Journée mondiale de la paix 2011, ne sont pas «le patrimoine exclusif des croyants mais de la famille tout entière des peuples de la terre».
47. Il existe de nos jours de nombreux engagements pour lutter contre le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme, la discrimination et l’intolérance, notamment contre les musulmans, les chrétiens et les juifs, ainsi que des engagements liés à la prévention et à la sanction des crimes de haine. De récentes attaques contre les communautés chrétiennes ont souligné la nécessité de traiter le problème de l’intolérance à l’encontre des chrétiens sous l’angle spécifique des crimes de haine.

8.1. Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI)

48. L’ECRI a été chargée de combattre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie, l’antisémitisme et l’intolérance «dans la Grande Europe» sous l’angle de la protection des droits de l'homme (article 1 de son Statut). A ce jour, l’ECRI a mis en évidence des sentiments antimusulmans et antisémites dans l’écrasante majorité de ses rapports par pays, a adressé ses recommandations spécifiques aux gouvernements concernés et élaboré deux recommandations de politique générale (RPG nos 5 et 9).
49. Néanmoins, l’ECRI considère systématiquement que son mandat couvre la criminalité violente, les discours de haine, la discrimination et l’intolérance contre tous les groupes religieux. Par conséquent, dans ses rapports du quatrième cycle, elle a également recensé des cas de discrimination ou d’intolérance contre des membres de groupes chrétiens dans les Etats membres, exprimé son inquiétude face à l’absence de mécanismes de prévention de diverses tendances négatives (agressions physiques, publicité négative dans les médias, vandalisme, atteintes à la propriété, dégradation d’édifices religieux) ainsi qu’au non-respect persistant de ses recommandations spécifiques par les Etats (enregistrement légal, droits de propriété, délivrance de visas pour les prêtres et autres ecclésiastiques).
50. Enfin, dans ses commentaires sur la Recommandation 1957 (2011) sur la violence à l’encontre des chrétiens au Proche et Moyen‑Orient, l’ECRI a manifesté son intérêt pour la création d’un forum de dialogue avec des Etats non-membres, notamment d’Afrique du Nord, du Moyen-Orient et de l’Eurasie en vue de discuter de la mise en place de stratégies communes propres à renforcer la lutte contre le racisme et l’intolérance face à l’extrémisme et à l’islamophobie; un tel forum pourrait traiter efficacement les questions de criminalité violente, de discours de haine, de discrimination et d’intolérance contre les chrétiens dans les pays du Proche et du Moyen-Orient.

8.2. Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE)/Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme (BIDDH)

51. L’OSCE est très active dans ce domaine. Son rapport consacré à la table ronde OSCE/BIDDH sur «Intolérance et discrimination contre les chrétiens: se focaliser sur l’exclusion, la marginalisation et le déni de droits», organisée en mars 2009, a énoncé plusieurs recommandations 
			(8) 
			Voir <a href='http://www.osce.org/odihr/40543'>www.osce.org/odihr/40543</a>..
52. Le rapport annuel de l’OSCE/BIDDH pour 2009 (publié à Varsovie en novembre 2010) énumère des crimes ou incidents antisémites en Allemagne, Autriche, Belgique, Grèce, Italie, Suède, République tchèque et Royaume-Uni. Certains de ces crimes ou incidents s’accompagnaient de violence. Les organisations non gouvernementales (ONG) et les médias ont rendu compte de bien d’autres manifestations d’antisémitisme dans d’autres Etats membres du Conseil de l’Europe.
53. Le rapport évoque le meurtre d’une musulmane en Allemagne, l’attaque d’une mosquée en Espagne et plusieurs crimes de haine anti-musulmans en Suède. Il cite également les préoccupations de l’ECRI face à l’intolérance et la discrimination dont sont victimes les Musulmans en Allemagne, en Autriche, en Belgique, en Bulgarie, au Norvège, au Royaume-Uni et en Suisse. Par ailleurs, les sources médiatiques suivies par le BIDDH ont également fait état d’incidents contre des musulmans en Bosnie-Herzégovine, au Danemark, en Espagne, en France, en Grèce, en Norvège, aux Pays-Bas et en République tchèque.
54. Seules la Géorgie, la Suède et la Turquie ont mentionné des crimes et incidents anti-chrétiens. Le Saint-Siège a fourni des informations sur des incidents visant des chrétiens dans neuf Etats. Il convient de mentionner que les Etats participants de l’OSCE ne font pas tous état de violence contre des groupes religieux et que ceux qui en font état n’emploient pas tous des critères comparables.
55. Le rapport annuel de l’OSCE/BIDDH pour 2011 sur les crimes de haine dans la région de l’OSCE: incidents et réponses (paru à Varsovie en novembre 2012) révèle une intolérance croissante à l’égard des chrétiens. Trente-cinq Etats participants ont signalé qu’ils recueillaient des données sur les crimes de haine fondés sur des préjugés religieux, tandis que 14 Etats ont précisé qu’ils collectaient des données sur des infractions motivées par des préjugés à l’égard des chrétiens et des membres d’autres religions. Certains Etats décomposent ces données, les classant en plusieurs catégories comme «non confessionnels» «catholiques» «protestants» ou «autres religions». Le Saint-Siège a fourni des informations sur des incidents motivés par des préjugés à l’égard des chrétiens dans 11 Etats. Sept ONG ont transmis des informations au BIDDH sur des incidents motivés par des préjugés à l’égard des chrétiens et des membres d’autres religions dans 12 Etats participants. Des informations émanant des missions de l’OSCE en Bosnie-Herzégovine, au Kosovo* 
			(9) 
			* Toute référence
au Kosovo dans le présent document, qu’il s’agisse de son territoire,
de ses institutions ou de sa population, doit être entendue dans
le plein respect de la Résolution 1244 du Conseil de sécurité de
l’Organisation des Nations Unies, sans préjuger du statut du Kosovo. et à Skopje figurent aussi dans le rapport.
56. La Présidence lituanienne de l’OSCE et le BIDDH ont co-organisé une série de trois réunions à haut niveau en 2011: une conférence à Prague, en mars, consacrée à «Antisémitisme dans le discours public», une conférence à Rome le 12 septembre sur «La prévention des incidents et des crimes inspirés par la haine à l’égard des chrétiens ainsi que sur les réponses à leur apporter» et une conférence sur «Faire face à l’intolérance et à la discrimination à l’égard des musulmans dans le discours public» à Vienne le 28 octobre.
57. L’objet de ces réunions était de fournir une plateforme permettant aux experts et aux praticiens d’examiner les crimes et les incidents motivés par la haine de communautés religieuses dans la région de l’OSCE et de mettre en commun les meilleures pratiques en matière de prévention, de suivi et de réaction. Chaque réunion a rassemblé près de 150 représentants des 56 Etats participants de l’OSCE, de communautés religieuses et d’organisations non gouvernementales.
58. Les discussions ont porté sur la sensibilisation aux crimes et incidents de haine visant les juifs, les chrétiens et les musulmans et leurs biens ainsi que sur le partage des bonnes pratiques en matière de lutte et de prévention de ces incidents. Un accent particulier a été placé sur les attaques contre les lieux de culte, l’une des formes les plus courantes de crime de haine dont sont victimes les communautés religieuses.
59. Les participants aux réunions ont formulé des recommandations et les Etats participants de l’OSCE ont convenu d’un large éventail d’engagements pour lutter contre le racisme, la xénophobie, la discrimination et l’intolérance, y compris contre les musulmans, les juifs et les chrétiens. Le 10 juillet 2011, l’Assemblée parlementaire de l’OSCE a adopté une résolution sur la lutte contre l’intolérance et la discrimination à l’égard des chrétiens dans la l’espace de l’OSCE.

8.3. Union européenne

60. L’Union européenne a lancé, en février 2010, le projet de recherche RELIGARE afin d’étudier les réponses pouvant être apportées par des politiques adéquates à la diversité culturelle et religieuse qui est une réalité sociale en Europe. Elle examine les règles juridiques qui protègent ou limitent (contraignent) les expériences des communautés religieuses ou d’autres fondées sur des croyances. Là où les pratiques collectives ou individuelles ne se conforment pas aux exigences juridiques de l’Etat ou encore là où les communautés se tournent vers leurs propres régimes juridiques ou tribunaux, les raisons qui sous-tendent ces développements nécessitent d’être comprises.
61. Une conférence sur le thème «Diversité religieuse et laïcité en Europe: opportunités et perspectives» a eu lieu les 4 et 5 décembre 2012, en Belgique, afin d’examiner les principaux résultats du projet. Les conclusions de la conférence sont disponibles sur le site web du projet 
			(10) 
			<a href='http://www.religareproject.eu/'>www.religareproject.eu/</a>..
62. L’un des principaux atouts du projet RELIGARE est le recueil des décisions de justice pertinentes liées aux questions traitées par le projet. Un résumé de la jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l’homme est également disponible sur le site web du projet.
63. Le Gouvernement hongrois a organisé, dans le cadre de sa Présidence du Conseil de l’Union européenne, une conférence sur «Le dialogue entre chrétiens, juifs et musulmans», à Gödöllo, du 1er au 4 juin 2011. En plus de représentants des Etats membres de l’Union européenne, des délégations de Bosnie-Herzégovine, Croatie, Etats-Unis, Israël, Russie, Serbie, Ukraine et de certains Etats du Moyen-Orient ont participé à cette Conférence. Elle a abordé la situation actuelle du dialogue interreligieux entre chrétiens, juifs et musulmans, les relations entre l’Eglise et l'Etat, la liberté religieuse dans l’Union européenne et la question de la migration des musulmans.
64. Lors de la conférence, M. Introvigne, Représentant personnel de la Présidence en exercice de l’OSCE pour la lutte contre l’intolérance et la discrimination à l’encontre des chrétiens et des membres d’autres religions, a déclaré que «[t]outes les cinq minutes dans le monde, un chrétien est tué à cause de sa foi». Cette donnée n’est confirmée par aucune autre source.

8.4. Organisations non gouvernementales

65. L’Observatoire de l’intolérance et de la discrimination contre les chrétiens en Europe surveille et répertorie les cas de marginalisation et de discrimination de chrétiens et du christianisme dans toute l’Europe. L’Observatoire utilise des sources médiatiques et des témoignages individuels pour rassembler des exemples de discrimination à l’encontre des chrétiens.
66. Le site web de l’organisation répertorie 821 cas d’intolérance ou de discrimination à l’égard de chrétiens en Europe, bien que certains d’entre eux n’aient pas été jugés tels par la Cour européenne des droits de l'homme 
			(11) 
			<a href='http://www.intoleranceagainstchristians.eu/recent-cases.html'>www.intoleranceagainstchristians.eu/recent-cases.html</a>..
67. Son rapport alternatif couvrant la période 2005 à 2010 évoque «une menace grandissante pour la liberté religieuse des chrétiens» et énonce que «la législation sur les discours de haine a tendance à discriminer indirectement les chrétiens, criminalisant des éléments fondamentaux de l’enseignement chrétien». Le rapport affirme par ailleurs que le «politiquement correct» a été poussé à un point tel qu’il viole le droit des chrétiens à la liberté d’expression.
68. Le rapport de l’Observatoire sur l’année 2011, publié en mars 2012, affirme que les termes «intolérance et discrimination contre les chrétiens» pour décrire le déni de l’égalité des droits des chrétiens et leur marginalisation sociale, sont les termes les plus adaptés pour décrire ce phénomène qui touche le monde occidental. Toutefois, même si cela constitue, en termes de définition, une forme de persécution, il ne faut pas l’appeler ainsi dans le contexte européen afin d’éviter toute confusion avec les crimes commis contre les chrétiens dans d’autres régions du monde.
69. International Christian Concern (ICC) attire l’attention sur la discrimination à l’égard des chrétiens Dalit en Inde et au Pakistan. Il semble cependant que les membres de cette minorité religieuse soient victimes de discrimination en raison du système de castes et d’un fort sentiment d’identité culturelle, qu’on leur reproche d’abandonner lors de leur conversion au christianisme.
70. L’étude du Pew Forum intitulée «Rising Restrictions on Religion» (août 2011) 
			(12) 
			<a href='http://www.pewforum.org/Government/Rising-Restrictions-on-Religion%282%29.aspx'>www.pewforum.org/Government/Rising-Restrictions-on-Religion%282%29.aspx</a>. indique qu’un tiers de la population mondiale est confronté à une recrudescence des restrictions et que l’Europe compte la plus grande proportion de pays dans lesquels les conflits sociaux liés à la religion ont connu une augmentation entre mi-2006 et mi-2009. Elle a conclu par ailleurs que les restrictions posées aux religions sont particulièrement courantes dans les pays qui interdisent le blasphème, l’apostasie ou la diffamation de la religion. Parfois présentées comme un moyen de protéger la religion, ces législations servent souvent dans la pratique à punir les minorités religieuses dont les croyances sont jugées non-orthodoxes ou hérétiques.
71. Le Minority Rights Group International, basé à Londres, qualifie dans son rapport 2010 l’intolérance religieuse de «nouveau racisme» et déclare que son impact est ressenti par les minorités religieuses dans le monde entier. Il note que ces minorités sont de plus en plus victimes de persécution et d’une limitation de leur liberté du fait des mesures anti-terroristes strictes imposées par les gouvernements après les attentats terroristes de septembre 2001 aux Etats-Unis. Il constate par ailleurs une montée de la discrimination contre les musulmans aux Etats-Unis et en Europe occidentale.
72. L’Observatoire de l’intolérance et de la discrimination contre les chrétiens, qui surveille et recense de tels cas en Europe, a fait des exposés lors des séances de travail 1, sur «La liberté d’expression, les médias libres et l’accès à l’information», et 2, sur «Les libertés fondamentales, y compris la liberté de pensée, de conscience, de religion et de croyance» de la Conférence d’examen de l’OSCE (Varsovie, septembre 2011). Ces séances ont permis d’identifier quatre menaces pour la liberté d’expression et des restrictions à la liberté de pensée, de conscience, de religion et de croyance dans les législations des Etats participants.
73. Les menaces pesant sur la liberté d’expression sont: la censure appliquée aux plates-formes de communication en ligne; la stigmatisation des chrétiens dans les médias; les actes de harcèlement, de violence et autres troubles qui font obstacle à la liberté d’expression des chrétiens et les empêchent de faire entendre leur voix, et l’application trop large et partiale de la législation sur les discours de haine et la lutte contre la discrimination.
74. Les restrictions à la liberté de religion sont liées à la liberté de conscience en matière de soins de santé; au droit des parents de connaître et d’avoir le dernier mot sur l’enseignement dispensé à leurs enfants en matière de religion et de sexualité; au port de symboles religieux; à la liberté de conscience et la liberté contractuelle s’agissant de l’entreprenariat privé et à l’expression de la foi et de ses contenus moraux dans la sphère publique.
75. Le Christian Legal Centre a également soumis des contributions lors de la Conférence sur la liberté de réunion et d’association (insistant sur le droit des Eglises de refuser l’emploi de personnes ne soutenant pas la position doctrinale de l’Eglise) et la liberté d’expression (sur le droit de choquer, heurter ou inquiéter). Les deux contributions citaient la Cour européenne des droits de l’homme.
76. Plusieurs éminentes ONG nationales ou internationales ont fait un exposé conjoint appelant les Etats participants de l’OSCE à ne pas contraindre les enfants à suivre une éducation sexuelle, religieuse ou éthique obligatoire susceptible d’être en contradiction avec les convictions des parents, et d’offrir dans ce cas des possibilités d’exemption non discriminatoires.
77. L’Académie pontificale des sciences sociales a tenu sa 17e Session plénière du 29 avril au 3 mai 2011 sur le thème «Droits universels dans un monde de diversité: le cas de la liberté religieuse». Dans ses observations conclusives, le Professeur Mary Ann Glendon, Présidente de l’Académie, a souligné que la liberté religieuse est de plus en plus menacée partout dans le monde, et ce même dans les pays qui la protègent officiellement.
78. Chaque année, l’ONG Portes ouvertes publie une liste mondiale de surveillance qui classe les pays en fonction de la gravité des persécutions infligées aux chrétiens 
			(13) 
			<a href='http://www.worldwatchlist.us/'>www.worldwatchlist.us/</a>..

8.5. Autres sources

79. La plupart des rapports indiquent que la violence à l’égard des communautés religieuses s’est accrue ces dernières années. Il s’agit d’une violence physique mais aussi psychologique contre des personnes au motif de leur religion. Alors qu’en Europe la situation est bien meilleure qu’en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient, la situation de deux Etats membres du Conseil de l'Europe est jugée problématique par la Commission des Etats-Unis pour la liberté religieuse internationale (USCIRF), organe fédéral américain bipartite indépendant qui surveille l’exercice du droit universel à la liberté de religion ou de conviction à l’étranger; ces deux pays sont la Fédération de Russie et la Turquie.
80. Le rapport 2012 de l’USCRIF 
			(14) 
			<a href='http://www.uscirf.gov/reports-and-briefs/annual-report/3706.html'>www.uscirf.gov/reports-and-briefs/annual-report/3706.html</a>. indique que les conditions d’exercice de la liberté religieuse en Russie continuent de se dégrader. Le gouvernement utilise de plus en plus la loi anti-extrémisme contre des individus et des groupes religieux pacifiques, notamment les témoins de Jéhovah et les lecteurs musulmans des travaux du théologien turc, Said Nursi. Les fonctionnaires locaux et nationaux appliquent aussi d’autres lois pour harceler des musulmans et des groupes qu’ils considèrent comme non traditionnels ou étrangers.
81. A propos de la Turquie, le même rapport affirme que le strict contrôle par l’Etat de la religion dans la sphère publique restreint considérablement la liberté religieuse, notamment pour les communautés minoritaires non musulmanes, dont les Eglises orthodoxes grecque, arménienne et syriaque, les Eglises catholique romaine et protestante ainsi que la communauté juive, la communauté musulmane sunnite majoritaire et la plus vaste minorité du pays, les Alevis.
82. Le 11 mars 2013, le Parlement hongrois a approuvé le quatrième amendement à la Constitution, qui a notamment réintroduit l’intégralité des dispositions sur la liberté de religion et le statut des églises annulées précédemment (par une décision de la Cour constitutionnelle). La Commission de Venise avait considéré que ces dernières dispositions étaient contraires aux normes du Conseil de l’Europe et notamment à la Convention européenne des droits de l’homme et la jurisprudence de la Cour de Strasbourg. La Commission de Venise réexaminera cette question. La Commission de suivi de l’Assemblée s’y intéresse également, en lien avec son avis sur la demande d’ouverture d’une procédure de suivi concernant la Hongrie.
83. Depuis peu, au Royaume-Uni, de plus en plus de chrétiens rencontrent des difficultés dans leur emploi et la fonction publique en raison de leurs convictions religieuses. Plusieurs personnes ont perdu leur emploi ou leur source de revenus et le nombre de ces cas semble être en augmentation. L’interprétation de la législation récente sur «les égalités» a entraîné des problèmes particuliers pour les chrétiens, notamment lorsque, du fait de l’enseignement chrétien sur l’éthique sexuelle, les droits relatifs à l’orientation sexuelle sont perçus comme étant en contradiction avec les droits à la liberté religieuse. Quatre affaires récentes examinées par la Cour européenne des droits de l’homme illustrent certaines des difficultés qui se posent. Dans l’affaire Eweida et Chaplin c. Royaume-Uni), le Royaume-Uni a été reconnu coupable de violation de l’article 9 de la Convention; les trois autres affaires seront probablement renvoyées devant la Grande Chambre. Toutes ces affaires ont trait à la manifestation de la foi chrétienne sur le lieu de travail: dans deux cas par le port d’un symbole religieux (la croix), dans deux autres par l’exercice d’une clause de conscience.

9. Conclusions et recommandations

84. Les Etats membres devraient veiller à ce que les croyances religieuses aient une place dans la sphère publique, en garantissant la liberté de conscience dans les secteurs de la santé, de l’éducation et de la fonction publique. Le droit à une objection de conscience bien définie devrait se fonder sur la réticence de la civilisation européenne, née du souci de la bienséance, de la patience et de la tolérance, à contraindre nos concitoyens à s’humilier en trahissant leur propre conscience.
85. Les Etats membres devraient aussi protéger la liberté des parents d’assurer à leurs enfants une éducation religieuse et morale et un enseignement conformes à leurs propres convictions religieuses et philosophiques, dans le respect des valeurs qui sont l’essence même du Conseil de l'Europe.
86. Certains Etats membres devraient envisager de réviser leurs textes juridiques chaque fois qu’ils vont à l’encontre de la liberté d’association pour les groupes religieux et les Eglises.
87. La situation est, toutefois, bien pire en Afrique, notamment au Nigéria (Boko Haram), au Soudan et au Mali (avant l’intervention militaire française); en Asie, notamment en Corée du nord et en Chine, mais aussi au Tadjikistan, au Turkménistan et en Ouzbékistan; c’est le cas aussi au Moyen-Orient, notamment en Egypte, en Iran, en Irak, en Arabie Saoudite et en Syrie.
88. Compte tenu de la situation, l’Assemblée devrait insister sur l’indivisibilité des droits de l'homme et sur la nécessité de les défendre tous sans exception. Tout en étant indivisibles, les droits de l'homme sont hiérarchisés. La Convention européenne des droits de l’homme tout comme la Déclaration universelle des droits de l’homme énumèrent tout d’abord le droit à la vie, sans lequel tous les autres droits seraient dépourvus de signification, puis les droits à la liberté et à la protection par la loi, suivis des droits à la liberté de pensée, de conscience et de religion ainsi qu’à la liberté d’opinion et d’expression, qui vont de pair.
89. Les Etats membres du Conseil de l'Europe devraient mettre à profit leurs relations bilatérales avec les pays où sont signalées des violences à l’égard de communautés religieuses pour réaffirmer que le développement des droits de l'homme, de la démocratie et des libertés civiques est la base commune sur laquelle ils construisent leurs relations avec des pays tiers et s’assurer que les accords conclus avec ces pays tiers comportent une clause sur la démocratie.