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Résolution 1928 (2013) Version finale
Sauvegarder les droits de l’homme en relation avec la religion et la conviction, et protéger les communautés religieuses de la violence
1. L’Assemblée parlementaire est préoccupée
par la multiplication des agressions violentes dont font l’objet
certaines communautés religieuses et certains individus à travers
le monde sur le fondement de leur religion ou de leurs croyances.
Elle note que cette violence exercée contre des personnes à cause
de leur religion ou de leurs croyances est non seulement physique
mais aussi psychologique, et elle la condamne catégoriquement.
2. L’Assemblée rappelle que la liberté de pensée, de conscience
et de religion est un droit humain universel consacré par l’article 9
de la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5)
et l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l'homme,
que tout Etat membre des Nations Unies s’est engagé à respecter:
«Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et
de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion
ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion
ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé,
par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement
des rites.»
3. L’Assemblée tient aussi à mettre l’accent sur l’article 18
du Pacte international de 1966 relatif aux droits civils et politiques
et sur la Déclaration des Nations Unies de 1981 relative à l’élimination
de toutes formes d’intolérance et de discrimination fondées sur
la religion ou la conviction; en outre, elle réaffirme que l’autonomie
des communautés religieuses et leur séparation de l’Etat, ainsi
que la neutralité et l’impartialité de l’Etat sur les questions
religieuses sont de la plus haute importance.
4. L’Assemblée a toujours souligné l’importance de défendre la
liberté de conscience et de religion, qui peut seulement être sujette
aux restrictions qui sont nécessaires dans une société démocratique.
Les textes ci-après sont pertinents dans ce contexte: la Recommandation 1162 (1991) sur
la contribution de la civilisation islamique à la culture européenne;
la Recommandation 1396 (1999) sur
la religion et la démocratie; la Recommandation 1720 (2005) sur l’éducation
et la religion; la Résolution 1464 (2005) sur
les femmes et la religion en Europe; la Résolution 1510 (2006) sur la liberté
d’expression et le respect des croyances religieuses; la Recommandation 1804 (2007) –
Etat, religion, laïcité et droits de l'homme; la Résolution 1535 (2007) sur
les menaces contre la vie et la liberté d’expression des journalistes;
la Résolution 1580 (2007) sur
les dangers du créationnisme dans l’éducation; la Résolution 1605 (2008) et
la Recommandation 1831 (2008) sur
les communautés musulmanes européennes face à l’extrémisme; la Recommandation 1805 (2007) –
Blasphème, insultes à caractère religieux et incitation à la haine
contre des personnes au motif de leur religion; la Résolution 1743 (2010) et
la Recommandation 1927 (2010) sur
l’Islam, l’islamisme et l’islamophobie en Europe; ainsi que la Recommandation 1957 (2011) sur
la violence à l’encontre des chrétiens au Proche et au Moyen-Orient.
5. Elle rappelle notamment sa Résolution 1510 (2006), dans laquelle
elle déclare que «[l]a liberté d’expression, telle qu’elle est protégée
en vertu de l’article 10 de la Convention européenne des droits
de l'homme, ne doit pas être davantage restreinte pour répondre
à la sensibilité croissante de certains groupes religieux». Elle
souligne que, en règle générale, dans une société démocratique,
la liberté d’expression ne doit pas être restreinte pour répondre
à la sensibilité de tel ou tel groupe.
6. L'Assemblée condamne tous les cas de stéréotypes négatifs
de personnes fondés sur la religion ainsi que le discours appelant
à la haine religieuse qui constitue une incitation à la discrimination,
à l'hostilité ou à la violence.
7. L’Assemblée tient aussi à insister sur la nécessité de combattre
toutes les formes d’intégrisme religieux et de manipulation des
croyances religieuses à des fins terroristes. L’éducation et le
dialogue sont deux instruments importants qui peuvent contribuer
à prévenir de telles tendances négatives et dangereuses.
8. Bien qu’il soit généralement admis que les communautés religieuses
sont mieux protégées en Europe qu’en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient,
des problèmes continuent d’être signalés dans des Etats membres du
Conseil de l'Europe. Dans certains Etats membres en particulier,
de récentes réformes constitutionnelles donnent lieu à de sérieuses
inquiétudes en ce qui concerne leur conformité à l'article 9 de
la Convention européenne des droits de l'homme. L'Assemblée reconnaît
que, si nous voulons être crédibles dans nos représentations vis-à-vis
de pays non membres, il est nécessaire que ces problèmes soient
reconnus, combattus et éliminés.
9. Par conséquent, l’Assemblée appelle les Etats membres:
9.1. à garantir l’égalité de traitement
devant l’Etat et les pouvoirs publics de tous les individus et de toutes
les communautés, indépendamment de leur religion, de leur foi ou
de leurs convictions non religieuses;
9.2. à réaffirmer que le respect des droits de l'homme, de
la démocratie et des libertés civiques est la base commune sur laquelle
ils construisent leurs relations avec des pays tiers, et à veiller
à ce que les accords conclus avec ces pays tiers comportent une
clause sur la démocratie englobant la liberté de religion;
9.3. à prendre en compte la situation des communautés religieuses
dans leur dialogue politique bilatéral avec les pays concernés,
en particulier les pays dans lesquels des lois sur le blasphème
sont en vigueur;
9.4. à réaffirmer que la liberté de religion, de conscience
et de conviction fait partie intégrante du système européen des
droits de l'homme garanti par la Convention européenne des droits
de l’homme;
9.5. à honorer leurs engagements et obligations pour garantir
la jouissance pleine et entière de ce droit fondamental;
9.6. à prendre acte du statut particulier des femmes et des
jeunes filles dans de nombreux environnements religieux traditionnels,
à protéger les femmes et les jeunes filles, et à veiller à ce que
la religion ne puisse jamais être invoquée pour justifier des violences
contre les femmes, comme les crimes d’honneur, les meurtres de jeunes
mariées par le feu, les mariages forcés ou les mutilations génitales féminines,
même par des membres de leurs propres communautés religieuses;
9.7. à promouvoir, tant à l’échelon national qu’au niveau du
Comité des Ministres, une politique qui prenne en considération,
dans les relations extérieures, la question du plein respect des
droits fondamentaux des minorités définies par leur religion ou
leurs croyances et celle de leur protection effective;
9.8. à veiller à ce que les croyances et les traditions religieuses
des individus et des communautés de la société soient respectées,
tout en garantissant un bon équilibre avec les droits d’autrui, conformément
à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme;
9.9. à veiller à ce que les croyances religieuses aient une
place dans la sphère publique, en garantissant la liberté de pensée
en rapport avec les soins de santé, l’éducation et la fonction publique, à
condition que les droits des autres de ne pas être victimes de discrimination
soient respectés et que l’accès à des services légaux soit garanti;
9.10. à garantir le droit à une objection de conscience bien
définie en rapport avec des questions sensibles du point de vue
éthique comme le service militaire ou d'autres services liés aux
soins de santé et à l’éducation, conformément aussi à diverses recommandations
déjà adoptées par l’Assemblée, à condition que les droits des autres
de ne pas être victimes de discrimination soient respectés et que l’accès
à des services légaux soit garanti;
9.11. à respecter, tout en garantissant le droit fondamental
des enfants à l’éducation de manière objective, critique et pluraliste,
le droit des parents d’assurer cette éducation et cet enseignement
d’une manière qui soit conforme à leurs propres convictions religieuses
et philosophiques;
9.12. à réviser leurs textes juridiques chaque fois qu’ils vont
à l’encontre de la liberté d’association pour les groupes (y compris
les communautés religieuses) définis par leur religion ou leurs
croyances;
9.13. à veiller au plein respect de l’article 9 de la Convention
européenne des droits de l’homme et de la jurisprudence pertinente
de la Cour européenne des droits de l’homme, et à ce que le droit
à l’autonomie des communautés et des individus définis par la religion
ou les croyances soit respecté, et à ce qu’il s’exerce dans les
limites de la loi;
9.14. à reconnaître la nécessité d'offrir une protection internationale
aux personnes qui demandent l'asile pour des motifs de persécutions
religieuses;
9.15. à tenir dûment compte d'un possible chevauchement entre
le racisme, la xénophobie et la haine à motivation religieuse, en
gardant à l'esprit que ces agissements visent souvent les communautés d'immigrés.
10. En outre, l'Assemblée exhorte les Etats non membres dont les
parlements jouissent du statut de partenaire pour la démocratie
à progresser résolument vers la reconnaissance des principes et
valeurs mentionnés ci-dessus, et décide d’observer leur application.
11. En outre, l’Assemblée exhorte tous les Etats où des violences
contre des communautés et des individus ont eu lieu au nom de la
religion ou des croyances:
11.1. à
condamner catégoriquement non seulement les agressions contre des
personnes innocentes, mais aussi le recours à la violence en général,
ainsi que toutes les formes de discrimination et d’intolérance,
y compris le discours de haine, fondées sur la religion ou les convictions;
11.2. à poursuivre et à renforcer leurs efforts pour combattre
et prévenir de telles infractions, et pour traduire leurs auteurs
en justice;
11.3. à promouvoir un enseignement exact et objectif sur les
religions et les convictions non religieuses, dont celles des minorités;
11.4. à soutenir activement des initiatives visant à promouvoir
la dimension interconfessionnelle et interculturelle du dialogue;
11.5. à garantir la protection effective des communautés et
des individus définis par la religion ou les croyances religieuses,
et de leurs lieux de rassemblement et lieux de culte, dont ceux
des minorités;
11.6. à respecter et à protéger le patrimoine culturel des diverses
religions.
12. L’Assemblée invite tous les chefs religieux d’Europe à condamner
les agressions contre des communautés religieuses et d’autres groupes
confessionnels, et à accepter le principe d’un égal respect de tous
les êtres humains, quelle que soit leur religion.
13. Le Conseil de l'Europe invite instamment les Etats membres
dans lesquels la restitution des biens d’église n'est pas encore
achevée à accélérer ce processus et à le conclure à court ou moyen
terme. Ce processus ne devrait pas être altéré ni influencé par
une quelconque idéologie politique ni par le gouvernement.
14. Enfin, l’Assemblée appelle l’Union européenne à renforcer
son suivi de la situation des communautés et des individus définis
par la religion ou les croyances dans le cadre de son dialogue politique
avec les pays non membres.