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Rapport | Doc. 13336 | 15 octobre 2013

Le harcèlement

Commission sur l'égalité et la non-discrimination

Rapporteure : Mme Gisela WURM, Autriche, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 12861, Renvoi 3854 du 23 avril 2012. 2013 - Commission permanente de novembre

Résumé

Le harcèlement est la répétition d’actes d’intrusion dans la vie d’une personne qui vont s’intensifiant au fil du temps. Cette intrusion peut prendre diverses formes, telles que suivre une personne de façon répétée, engager une communication non désirée avec une personne, ou faire savoir à une personne qu’elle est épiée. Le «cyber-harcèlement» est une forme spécifique de harcèlement qui correspond à une intrusion continue et menaçante en ligne.

Près de 10 % de la population européenne a subi ou subira un harcèlement, la majorité des victimes étant des femmes. Le harcèlement est une forme de violence en soi, qui peut également conduire à d’autres formes de violence, y compris le meurtre. Cependant, les victimes ont souvent du mal à identifier les signes avant-coureurs de cette forme de violence et omettent de les signaler. En dépit de son impact dramatique sur les victimes, provoquant détresse, anxiété ou peur, le harcèlement n’est pas encore largement reconnu comme une infraction pénale. La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à égard des femmes et la violence domestique peut contribuer à renforcer le cadre juridique de la lutte contre le harcèlement, l’article 34 exigeant des Etats Parties qu’ils l’érigent en infraction pénale spécifique.

Les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient introduire la notion de harcèlement dans leur système juridique, en tant qu’infraction spécifique, organiser des formations destinées aux fonctionnaires chargés de l’application des lois sur la manière de déceler les cas de harcèlement et d’y réagir, charger la police d’enquêter et de tenir un registre des cas de harcèlement, allouer des fonds suffisants pour la création et le fonctionnement de services d’assistance aux victimes de harcèlement, faire de la prévention du harcèlement, y compris du cyber-harcèlement, une priorité et organiser des campagnes de sensibilisation, concevoir et mettre en œuvre des programmes de réadaptation pour les harceleurs et mener des recherches sur l’ampleur du phénomène de la violence à l’égard des femmes, dont le harcèlement.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 24 juin
2013.

(open)
1. Le harcèlement est la répétition d’actes d’intrusion dans la vie d’une personne qui vont s’intensifiant au fil du temps. Cette intrusion peut prendre diverses formes, dont le «cyber-harcèlement», qui correspond à une intrusion continue et menaçante en ligne. Le harcèlement provoque détresse, anxiété ou crainte. Il s’agit d’une forme de violence en soi, qui peut également conduire à d’autres formes de violence, y compris le meurtre.
2. Près de 10 % de la population européenne a subi ou subira un harcèlement. Les victimes sont en grande majorité des femmes. Celles-ci ont souvent du mal à identifier les signes avant-coureurs de cette forme de violence. Il est également fréquent qu’elles omettent de les signaler parce qu’elles ne considèrent pas chaque acte isolé comme une menace. En cas de signalement, la réponse de leurs interlocuteurs n’est pas toujours appropriée, parce que les autorités ne comprennent pas que ces ingérences constituent un schéma comportemental, ou que le droit national n’intègre pas la notion de harcèlement.
3. A cet égard, l’Assemblée parlementaire considère l’adoption d’une loi sur le harcèlement par l’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Allemagne, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, la Pologne et le Royaume-Uni comme un important pas en avant. Cependant, malgré cette avancée, la plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe ne considèrent pas le harcèlement comme une infraction pénale.
4. L’Assemblée estime que la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à égard des femmes et la violence domestique (STCE n° 210, «Convention d’Istanbul») peut contribuer à renforcer le cadre juridique de la lutte contre le harcèlement, l’article 34 exigeant des Etats Parties qu’ils l’érigent en infraction pénale spécifique.
5. Pour combattre efficacement le harcèlement, il est également nécessaire de mettre à mal certaines idées reçues grâce à des campagnes de sensibilisation et à des activités de prévention auprès du grand public et de groupes spécifiques: les personnalités ne sont pas les seules visées par le harcèlement. Ce phénomène conduit à toujours plus de violence et ses dangers ne doivent pas être sous-estimés.
6. Au vu de ces considérations, l’Assemblée appelle les Etats membres du Conseil de l’Europe:
6.1. concernant la lutte contre le harcèlement:
6.1.1. à introduire la notion de harcèlement dans leur droit pénal, en tant qu’infraction spécifique, et à s’assurer de la mise en œuvre de la loi. La définition du harcèlement devrait être conforme aux termes de la Convention d’Istanbul et inclure à titre d’exemple une liste non exhaustive de comportements, tels que suivre une personne de façon répétée, engager une communication non désirée avec une personne, ou faire savoir à une personne qu’elle est épiée;
6.1.2. à organiser une formation destinée aux fonctionnaires chargés de l’application des lois sur la manière de déceler les cas de harcèlement et d’y réagir;
6.1.3. à charger la police d’enquêter et de tenir un registre des cas de harcèlement;
6.1.4. à garantir la mise en œuvre des ordonnances restrictives également dans les cas de harcèlement;
6.2. concernant l’aide aux victimes de harcèlement:
6.2.1. à allouer des fonds suffisants pour la création et le fonctionnement de services d’assistance aux victimes de harcèlement – services d’assistance téléphonique, foyers d’accueil et centres de conseil;
6.2.2. à proposer un support ciblé aux mineurs victimes de harcèlement et notamment de cyber-harcèlement;
6.2.3. à offrir une formation spécifique sur le harcèlement, y compris le cyber-harcèlement, au personnel travaillant dans ces services;
6.3. concernant la prévention du harcèlement:
6.3.1. à organiser des campagnes de sensibilisation à la lutte contre la violence, qui porteraient en partie sur le harcèlement et le cyber-harcèlement;
6.3.2. à élaborer à l’intention des médias des lignes directrices sur la manière d’aborder les violences faites aux femmes, dont le harcèlement, afin d’assurer une protection aux victimes;
6.3.3. à concevoir et mettre en œuvre des programmes de réadaptation pour les harceleurs, dans le but de prévenir les récidives;
6.4. à mener des recherches sur l’ampleur du phénomène de la violence à l’égard des femmes, dont le harcèlement, au sein des Etats membres;
6.5. à identifier et partager les meilleures pratiques en matière de prévention et de lutte contre le harcèlement.
7. L’Assemblée est convaincue que les parlementaires ont un rôle décisif à jouer afin de sensibiliser au harcèlement et veiller à ce que la législation pertinente soit adoptée et appliquée. Par conséquent, l’Assemblée appelle les parlements des Etats membres:
7.1. à inviter instamment leurs gouvernements à signer, ratifier et mettre en œuvre la Convention d’Istanbul et à s’abstenir de formuler des réserves;
7.2. à organiser des débats et auditions parlementaires sur le harcèlement.
8. En outre, l’Assemblée invite les organisations non gouvernementales:
8.1. à contribuer à la sensibilisation du grand public au harcèlement et à consacrer à ce fléau une partie des campagnes générales de lutte contre les violences faites aux femmes et la violence domestique;
8.2. à encourager activement la ratification et la mise en œuvre de la Convention d’Istanbul.

B. Exposé des motifs, par Mme Wurm, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Je voudrais commencer ce rapport par l’histoire d’Anna (22 ans) qui, vivant avec sa mère et son jeune frère, étudiait et travaillait à temps partiel.
Anna avait depuis 12 mois un petit ami nommé Adam. Il ne lui a jamais infligé de violences physiques mais il la surveillait et n’appréciait guère qu’elle ait des amis qu’il ne connaissait pas ou qu’elle sorte sans son autorisation. Anna a mis fin à leur relation après qu’ils s’étaient disputés parce qu’Adam s’était opposé à ce qu’elle participe à un voyage d’étude. Après cette rupture, Adam a envoyé des SMS à Anna et l’a appelée à maintes reprises pour s’excuser et lui demander de revenir. Il disait qu’il l’aimait et ne pouvait vivre sans elle et menaçait de s’infliger des blessures si elle ne répondait pas. Anna lui a dit qu’elle ne voulait plus qu’il la contacte. Adam a alors commencé à contacter la famille et les amis d’Anna. Il suivait parfois le frère d’Anna jusqu’à son domicile.
Cela a incité Anna à alerter la police, qui a estimé que, dans la mesure où Adam ne contactait plus Anna directement, il n’était pas en infraction. Anna s’est mise à avoir très peur; elle ne pouvait plus ni manger, ni dormir, et ses études s’en sont ressenties. Elle a ensuite reçu des courriels envoyés par un correspondant anonyme qui affirmait que des photos d’elle nue circulaient sur internet, qui la traitait de putain et qui disait qu’elle méritait de mourir. Anna a relevé l’adresse IP des courriels et montré ces courriels à la police, qui a affirmé n’avoir aucun moyen d’en localiser la source.
La police a déclaré ne rien pouvoir faire de plus. Deux nuits plus tard, la mère d’Anna a reçu un appel de la police lui annonçant qu’Adam avait été surpris en train d’essayer de s’introduire par effraction à leur domicile en leur absence. Quelques heures plus tard, alors qu’Anna sortait du travail, Adam l’a obligée à monter dans sa voiture, l’a conduite dans un endroit isolé où il l’a étranglée avant de se suicider. On a appris plus tard qu’Adam avait déjà été condamné à une peine de prison ferme pour avoir infligé des violences graves à une ancienne petite amie. Il venait d’être libéré lorsqu’il a commencé à sortir avec Anna. La police connaissait ses antécédents mais n’en avait informé ni Anna, ni d’autres institutions 
			(2) 
			Les informations concernant
cette affaire proviennent du «Network for Surviving Stalking» (Réseau
pour survivre au harcèlement), le réseau britannique d’aide aux
victimes de harcèlement (les prénoms ont été modifiés)..
Anna est l’une des trop nombreuses victimes de harcèlement. Combien d’Anna sont aujourd’hui en danger au sein des Etats membres du Conseil de l’Europe?

2. Définition du harcèlement 
			(3) 
			Dans le présent rapport,
«harcèlement» est la traduction du terme anglais «stalking». Ce
rapport a été élaboré sur la base d’un rapport d’expert rédigé par
Mme Alexis Bowater, coordinatrice du Network for Surviving Stalking,
qui a également participé à un échange de vues avec la commission
sur l’égalité et la non-discrimination, organisé à Strasbourg le
21 janvier 2013. Je souhaite remercier Mme Bowater de sa contribution.

2. Le harcèlement a toujours existé, mais ce n’est qu’à la fin des années 1980, en Californie, que le terme «harcèlement» a commencé à être utilisé pour désigner ce phénomène. Ce terme s’applique à un certain nombre de comportements préexistants souvent considérés isolément, et les associe en une entité unique. Le fait de caractériser et de nommer un phénomène permet d’envisager le problème autrement et de mieux comprendre sa gravité, permettant ainsi une réponse sociale et juridique cohérente.
3. Ce terme «harcèlement» englobe en réalité toute une série de comportements qui peuvent être répartis en cinq catégories 
			(4) 
			 Mullen P.E, Pathé
M.T. et Purcell R., Stalkers and their
Victims (2e éd.), Cambridge
University Press, Cambridge, 2009.:
a. communication: avec la victime par téléphone ou sous forme écrite ou électronique, y compris par SMS, courriels et au moyen d’internet;
b. intrusion physique dans la vie d’une personne: pratiques consistant à suivre cette personne, à la surveiller, à rôder près de chez elle, à l’aborder directement, à entrer par effraction dans son logement, à se rendre sur son lieu de travail ou à aborder ses amis ou ses proches;
c. usurpation d’identité: démarches effectuées par le harceleur au nom de la victime, qui consistent, par exemple, à annuler une prestation de services, à commander des produits, à donner sa démission ou à envoyer des lettres ou des e-mails malveillants à des tiers;
d. utilisation de mandataires: pratiques consistant à recruter des tiers pour harceler la victime, par exemple en adressant à la police ou à des organismes professionnels des plaintes dénuées de fondement ou en saisissant la justice sous des prétextes fallacieux, ou à faire commettre des actes de harcèlement par d’autres;
e. campagnes de dénigrement: diffusion d’accusations mensongères ou de médisances, au moyen d’affiches, de tracts ou d’autres encarts publicitaires, et, de plus en plus, publication, sur internet et sur les réseaux sociaux (Twitter et Facebook), de documents au contenu pernicieux ou embarrassant (photos à caractère sexuel).
4. Si de nombreux comportements relevant du harcèlement, pris isolément, constituent déjà une infraction, ce sont la combinaison et la répétition de comportements apparemment inoffensifs, comme téléphoner ou écrire des lettres, qui caractérisent souvent l’aspect destructeur du phénomène de harcèlement. C’est pourquoi le harcèlement est parfois caractérisé de «viol psychologique» ou de «terrorisme psychologique». Il est normal et humain, dans une certaine mesure, de passer des appels intempestifs ou d’envoyer des lettres de supplication, après une rupture, par exemple. Cependant, les comportements ont une nature différente quand ils persistent de manière intrusive.
5. Le harcèlement est un comportement plutôt qu’un trouble. Les personnes qui se livrent à cette forme de persécution insidieuse obéissent à des motivations diverses. Nous savons pourtant de mieux en mieux comment ce comportement se déclenche, comment évaluer le risque pour la victime et les institutions sociétales, quels sont les moyens juridiques de lutte contre le phénomène les plus efficaces et quels sont les meilleurs modes de prise en charge des harceleurs, sur le plan de la justice pénale et des traitements psychologiques.
6. Le harcèlement est un schéma comportemental recouvrant un ensemble d’agissements qui portent atteinte à la vie privée d’une personne, gagnent en intensité avec le temps et peuvent aboutir à des violences physiques («harcèlement aggravé»). Souvent, le harcèlement vise non seulement la victime principale, mais également ses amis proches et sa famille.
7. 80 à 90 % des harceleurs sont des hommes et près de 80 % des victimes sont des femmes 
			(5) 
			Mullen
P.E, Pathe M.T. et Purcell R, op. cit.. L’âge moyen du harceleur se situe entre 30 et 35 ans, mais la palette est large. Les harceleurs et leurs victimes viennent de tous les milieux. Beaucoup de femmes sont harcelées après la fin d’une relation. Même si des femmes célèbres, essentiellement du monde du spectacle, ont récemment publiquement déclaré avoir été victimes de harcèlement, on aurait tort de penser que cette forme de violence affecte principalement des vedettes. Certes, les personnes en vue, comme les actrices ou les personnalités politiques, sont souvent la cible de harceleurs, mais la majorité des victimes sont des femmes ordinaires de toutes conditions.
8. Les victimes directes peuvent être réparties selon leur relation avec le harceleur, si elle existe. Celui-ci relève de trois catégories: celui qui était proche de la victime (partenaire sexuel, ami ou membre de la famille éloigné à la suite d’une brouille, par exemple), simple connaissance ou parfait inconnu. Telle est la base de certaines classifications du harcèlement 
			(6) 
			Mohandie K., Meloy
J.R., McGowan M.G. et Williams J., «The RECON typology of stalking:
Reliability and validity based upon a large sample of North American
stalkers», Journal of Forensic Sciences,
2006, 51(1), p. 147-155.. La proportion de harceleurs connus de leurs victimes varie d’une étude à l’autre 
			(7) 
			Purcell R., Pathé M.
et Mullen P.E., «When do repeated intrusions become stalking?», Journal of Forensic Psychiatry & Psychology,
2004, 15(4), p. 571-583.; cependant, ce sont les inconnus qui forment probablement le groupe le plus important, suivis des connaissances, puis des anciens partenaires. Les victimes secondaires sont les personnes auxquelles le harceleur s’attaque en raison de leurs liens avec la victime principale: amis, membres de la famille, nouveau partenaire, collègue de travail ou policier.
9. Les auteurs ont recours au harcèlement pour des raisons très diverses. Il existe cinq catégories de harceleurs: le partenaire éconduit, le prétendant en quête d’intimité, le prétendant incompétent, le rancunier et le prédateur 
			(8) 
			Mullen
P.E., Pathé M., Purcell R. et Stuart G.W., «Study of stalkers», American Journal of Psychiatry,
1999, p. 1244-1249.:
  • le partenaire éconduit est celui qui commence à harceler après la fin d’une relation importante qui s’accompagne, mais pas toujours, de rapports sexuels. Dans ce groupe, le harcèlement traduit une volonté de réconciliation, une revanche ou un mélange fluctuant des deux;
  • le prétendant en quête d’intimité («intimacy seeker») veut avoir une relation avec une personne pour laquelle il éprouve de l’affection; il est convaincu que cette personne en éprouve déjà (ou en éprouvera bientôt) pour lui, malgré les flagrants démentis opposés à cette réciprocité;
  • le prétendant incompétent commence aussi à harceler pour nouer une relation; cependant, contrairement au prétendant en quête d’intimité, il cherche simplement à sortir avec une personne ou à avoir des rapports sexuels avec elle;
  • le rancunier s’emploie à faire peur ou à intimider la victime pour se venger d’une blessure, réelle ou supposée. Le harceleur rancunier se distingue du harceleur en ce que la cause de son ressentiment ne réside pas dans l’éviction d’une relation intime;
  • le prédateur («predatory stalker») se met à traquer une personne pour satisfaire un désir sexuel ou préparer une agression, généralement sexuelle.

3. Le cyber-harcèlement, phénomène croissant

10. Le cyber-harcèlement suppose la présence persistante et menaçante en ligne d’un individu indésirable. Tout comme les harceleurs en chair et en os, les cyber-harceleurs font intrusion dans les vies des victimes de manière imprévisible et menaçante. Ce type de harceleur utilise la technologie comme médiation de ses activités – il peut faire des intrusions indésirables répétées, à tout moment, quel que soit l’endroit où lui-même ou sa victime se trouvent physiquement.
11. L’utilisation d’internet et des médias sociaux comme outils pour le harcèlement est de plus en plus fréquente. Elle pose problème à tous ceux qui cherchent à prévenir le harcèlement ou à intervenir dans les cas de ce type. Les agressions semblent pouvoir être regroupées en trois grandes catégories, et peuvent survenir séparément ou combinées entre elles:
  • la communication directe, où du matériel désagréable et menaçant et/ou un sabotage électronique est envoyé directement à la victime par le harceleur – qui peut ou non avoir dissimulé son identité ou adopté une autre identité;
  • la communication indirecte, qui consiste à poster ou diffuser dans des environnements en ligne des informations concernant la victime;
  • une présentation déformée de la victime en ligne, où l’identité de la victime est utilisée par un tiers pour adopter des comportements pouvant aboutir à des abus.
12. Une étude intitulée ECHO (Electronic Communication Harassment Observation) récemment réalisée au Royaume-Uni visait à recueillir des informations sur la question précise du cyber-harcèlement. Cette étude rend compte des expériences de personnes s’estimant victimes de cyber-harcèlement ou ayant été principalement atteintes par voie de cyber-harcèlement. Les résultats fournissent une image complexe et troublante. En règle générale, de nombreuses agressions ont des conséquences sur et portent atteinte à tous les aspects de la vie et de la réputation en ligne d’une personne, sa santé physique et psychologique, ainsi que son fonctionnement économique. Le plus souvent, le harceleur n’est pas identifié et demeure inconnu de la victime. Dans ces cas, l’imprévisibilité qu’ajoute l’anonymat rend encore plus difficile la possibilité pour la victime d’évaluer les risques au quotidien et peut donc accroître son degré d’anxiété et de peur.
13. Etant donné le degré des préjudices causés par le cyber-harcèlement, l’absence de soutien de la part des organismes et des réseaux individuels comme la famille, les amis et les collègues de travail des victimes est frappant. 61 % des victimes indiquent qu’elles n’ont reçu aucun soutien quel qu’il soit de la part d’organismes ou d’une personne de leur réseau personnel. L’absence de soutien rencontrée par les victimes révèle une méconnaissance inquiétante de la toxicité du harcèlement en ligne et le manque de compréhension rencontré par les victimes.
14. Il est important d’éduquer les professionnels de l’aide et les victimes à la manière dont fonctionnent ces technologies, de leur expliquer pourquoi elles les mettent en danger et quelles mesures prendre pour diminuer ces risques. Le monde numérique signifie qu’un harceleur a accès 24h sur 24h et sept jours sur sept aux informations. Cela non seulement nourrit son obsession, mais lui fournit aussi les outils dont il a besoin pour surveiller, contacter, intimider ou humilier sa victime. Les harceleurs n’ont plus besoin d’être physiquement présents ni de faire l’effort de poster une lettre pour importuner une victime. Il leur suffit de se servir de leur ordinateur et/ou de leur téléphone portable pour se livrer au harcèlement.
15. Le cyber-harcèlement laisse des preuves substantielles des infractions commises sur les réseaux sociaux, les sites internet et les courriers électroniques. Cependant, établir un lien entre l’auteur et ces éléments de preuve dépend de la coopération des fournisseurs de services. Cela pose un problème, car le volume d’informations relatives à des infractions et le coût pour les fournisseurs de services font qu’il leur est difficile de fournir rapidement les données demandées par la police, une fois que les barrières juridiques relatives à ces informations ont été levées. Cela décourage la police de demander les informations dont elle a besoin pour poursuivre les cas de harcèlement en ligne.
16. En outre, les logiciels et applications pour téléphones portables ayant diverses capacités de surveillance sont de plus en plus disponibles. Ces applications sont faciles à trouver et à utiliser, elles sont peu coûteuses et très puissantes en termes de possibilités. Elles peuvent donner au harceleur accès aux noms d’utilisateur, mots de passe, contacts, documents, situation géographique, activités en ligne, courriels de la victime, etc. Ces applications sont vendues comme des applications légales visant à surveiller les enfants ou les employés, ou à localiser les téléphones volés, mais elles peuvent être facilement utilisées par des harceleurs. Les logiciels-espions sont conçus pour permettre aux usagers d’obtenir des informations secrètes sur les activités informatiques d’autrui 
			(9) 
			<a href='http://oxforddictionaries.com/definition/english/spyware'>http://oxforddictionaries.com/definition/english/spyware</a>.. Ceux utilisés pour piéger un «époux tricheur» peuvent être très puissants et donner accès aux noms d’utilisateurs, mots de passe, contacts, situation géographique, et permettent de supprimer des données, pour moins de 40 euros.
17. Il y a accès à un compte ou piratage lorsque le harceleur connaît ou devine le nom d’utilisateur et le mot de passe de la victime et peut ainsi accéder aux comptes en ligne de celle-ci, notamment aux courriers électroniques, aux réseaux sociaux, aux sites d’achats ou à la banque en ligne. La Convention du Conseil de l’Europe sur la cybercriminalité (STE n° 185) demande aux Parties d’adopter les mesures législatives et autres qui se révèlent nécessaires pour ériger en infraction pénale, conformément à leur droit interne, lorsqu’il est commis intentionnellement, l’accès sans droit à tout ou partie d’un système informatique. Une Partie peut exiger que l’infraction soit commise en violation des mesures de sécurité, dans l’intention d’obtenir des données informatiques ou dans une autre intention délictueuse, ou en relation avec un système informatique connecté à un autre système informatique (article 2) 
			(10) 
			<a href='http://conventions.coe.int/Treaty/en/Treaties/Html/185.htm'>http://conventions.coe.int/Treaty/en/Treaties/Html/185.htm</a>..
18. Nombreux sont les défis juridiques et techniques à relever pour lutter contre le cyber-harcèlement, car tout le domaine des communications électroniques est en permanence sujet à des changements technologiques rapides. Seuls l’Australie, la Belgique, les Etats-Unis et le Royaume-Uni reconnaissent à ce jour le cyber-harcèlement comme infraction pénale. D’autres pays sanctionnent le cyber-harcèlement par des lois contre le harcèlement.

4. Fréquence des cas de harcèlement

19. Ces trente dernières années, en Europe, trois formes de comportement social ont été reconnues comme étant non seulement socialement inacceptables, mais aussi illicites: la violence domestique, la violence sexuelle et le harcèlement. Pour beaucoup, ce dernier terme n’évoquera que les scénarios cauchemardesques de films hollywoodiens, tels que «Attraction fatale», «Les nuits avec mon ennemi» et «Un frisson dans la nuit». Bien que ceux-ci restent une excellente entrée en matière sur le sujet pour ceux qui veulent comprendre rapidement de quoi il retourne, pour une minorité non négligeable de la population européenne, la peur et l’angoisse des victimes de harcèlement n’est que trop familière.
20. Des études de prévalence sur le harcèlement sont disponibles dans plusieurs pays européens. Leurs résultats sont assez semblables: 12 % de la population en Angleterre et au Pays de Galles, 12 % en Allemagne, 11 % dans la partie est de l’Autriche, 16,5 % aux Pays-Bas et 9 % en Suède. 
			(11) 
			Groupe
de Modène sur le harcèlement, Protecting
Women from the New Crime of Stalking: A Comparison of Legislative
Approaches within the European Union, Université de Modène
et Reggio Emilie, Modène, 2007. Copies disponibles sur: <a href='http://www.antiviolenzadonna.it/menu_servizio/documenti/studi/id204.pdf'>www.antiviolenzadonna.it/menu_servizio/documenti/studi/id204.pdf</a>.. Ces chiffres sont similaires à ceux observés en Australie et aux Etats-Unis.
21. Les statistiques criminelles présentent un intérêt limité dans la mesure où les infractions ne sont pas toutes signalées, et les chiffres concernant les condamnations pour harcèlement ne sont recueillies que lorsqu’une l’infraction spécifique de harcèlement existe. D’ailleurs, même dans les pays où le harcèlement est incriminé, ceux qui commettent des infractions graves dans le cadre d’un harcèlement sont condamnées pour les premières et non pour le second.

5. L’impact du harcèlement sur les victimes

22. Les victimes hésitent souvent à demander l’aide des autorités, soit parce qu’elles ont (ou ont eu) des liens affectifs avec l’auteur du harcèlement, soit parce qu’elles doutent d’être prises au sérieux. On estime que, au Royaume-Uni, 77 % des victimes de harcèlement laissent passer plus de 100 incidents (comportements indésirables) avant d’en parler à qui que ce soit.
23. Dans une étude australienne 
			(12) 
			Pathé M. et Mullen
P.E., «The impact of stalkers on their victims», British Journal of Psychiatry, 1997,
170, p. 12-17., les victimes de harcèlement présentaient au moins un des symptômes d’un état de stress post-traumatique; 55 % se plaignaient de souvenirs envahissants et récurrents du harcèlement et 38 % décrivaient des symptômes d’évitement ou d’asthénie. Il convient de noter que nombre des conséquences physiques énumérées ci-dessus s’observaient même lorsque la victime n’avait pas subi d’agressions physiques.
24. Le harcèlement peut avoir des effets dévastateurs sur le plan affectif et sur le plan physique. Au Japon, on a comparé les effets psychologiques à long terme de diverses formes de violences sexuelles ou psychosexuelles sur 434 étudiantes. Selon cette étude, les agressions sexuelles directes causaient les traumatismes psychologiques les plus graves et les plus persistants, mais le harcèlement arrivait en deuxième position.
25. Dans une étude, des victimes ont déclaré être moins amicales et moins ouvertes aux autres depuis qu’elles avaient été harcelées. D’autres enquêtes réalisées auprès de victimes, de communautés ou d’étudiants ont mis en évidence toute une série d’altérations de l’état de santé physique et psychologique. Bien que les études n’aboutissent pas toutes aux mêmes pourcentages – généralement en raison de différences concernant l’échantillonnage et le choix de la définition – la plupart montrent que le harcèlement provoque un sentiment de peur, une méfiance à l’égard d’autrui, des nausées ou des céphalées persistantes, une aggravation des pathologies existantes, une consommation parfois abusive de psychotropes, un état de confusion, de nervosité et d’anxiété, des maux d’estomac, des troubles du sommeil de type chronique, une faiblesse ou une fatigue persistantes et une perte d’appétit 
			(13) 
			Bjerregaard B., «An
Empirical Study of Stalking Victimisation», Violence
and Victims, 2000, 15(4), p. 389-406.. Dans certains cas, les victimes décident de mettre un terme à leurs souffrances en se suicidant. Au Canada, Rehtaeh Parsons, 17 ans, a mis fin à ses jours à la suite de la publication sur internet de photos prises d’elle lors d’un viol collectif 
			(14) 
			<a href='www.europe1.fr/International/Victime-de-cyber-harcelement-elle-se-suicide-1479639/'>www.europe1.fr/International/Victime-de-cyber-harcelement-elle-se-suicide-1479639/</a>..
26. Les victimes de harcèlement subissent également des pertes d’ordre social et économique, auxquelles aucune enquête n’a cependant été spécialement consacrée. Parmi les pertes de cet ordre évoquées par les victimes figurent un changement ou une perte d’emploi, des perturbations dans les études, le changement de numéro(s) de téléphone, des dépenses engagées pour des soins médicaux ou un accompagnement ou encore un déménagement.
27. Pour les victimes, le harcèlement a un coût financier. Un chercheur a interrogé 187 femmes qui avaient été harcelées dans un passé récent par d’anciens partenaires, constatant que 80 % d’entre elles avaient subi des pertes financières. Si certaines pertes étaient insignifiantes, d’autres pouvaient atteindre jusqu’à $US 100 000, la valeur moyenne étant de $US 1 000. L’étude ne précise pas comment les personnes interrogées étaient invitées à estimer les pertes financières 
			(15) 
			Brewster
M.P., An exploration of the experiences and needs of former intimate
stalking victims: final report submitted to the National Institute
of Justice, West Chester University, West Chester PA, 1997..
28. Les comportements de harcèlement ont des conséquences graves pour les victimes, tant sur le plan physique que sur le plan psychologique. Si certaines victimes ont perdu la vie faute d’une réaction suffisamment énergique de la société, des études récentes décrivent les ravages du harcèlement chez les individus en termes de troubles anxieux, de dépression et de stress post-traumatique. Le harcèlement a un coût élevé pour la société en termes d’arrêts de travail, de dépenses de santé et de financement du maintien de l’ordre et de la justice pénale; les réalités sociales et économiques amènent de plus en plus de pays d’adopter des lois contre le harcèlement.

6. Législations des Etats membres du Conseil de l’Europe

29. Il est préférable de définir une infraction spécifique pour le harcèlement parce que, considérés isolément, des agissements comme l’envoi de messages non souhaités ou le fait de se présenter au domicile de quelqu’un ou d’appeler ses amis ou ses proches n’ont rien d’illicite. La définition d’une infraction spécifique permet d’appréhender cette notion complexe. La plupart des Etats membres ne disposent pas de législation spécifique contre le harcèlement. Une compréhension plus large du phénomène du harcèlement est en partie entravée par des problèmes élémentaires tels que l’absence, dans de nombreuses langues, d’un équivalent du mot anglais «stalking». Faute de concept linguistique pour désigner un phénomène, il est très difficile de l’appréhender et plus difficile encore d’y apporter une réponse appropriée au plan juridique, policier et sociétal.
30. Les premières dispositions législatives contre le harcèlement ont été adoptées en 1990 en Californie. Depuis, la plupart des pays anglophones ont légiféré en la matière sous une forme ou une autre. Les pays européens suivants disposent de lois contre le harcèlement: l’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Allemagne, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, la Pologne et le Royaume-Uni 
			(16) 
			De Fazio L., «The Legal
Situation on Stalking among the European Member States», European Journal on Criminal Policy and Research,
2009, 15(3), p. 229-242.. La Bosnie-Herzégovine dispose d’une disposition anti-harcèlement qui s’applique uniquement aux membres de la famille. En Turquie, les victimes de harcèlement sont visées par la loi 6284 sur la prévention de la violence à l’égard des femmes et la protection de la famille, entrée en vigueur en 2012. Depuis la mise en œuvre de cette loi s’appuyant sur la Convention d’Istanbul, le harcèlement est reconnu en tant que forme de violence à l’égard des femmes. Cependant, ladite loi ne donne pas de définition du harcèlement et ne comporte pas de dispositions spécifiques anti-harcèlement.
31. Les dispositions législatives s’articulent généralement autour de trois éléments: une conduite, une intention et des effets sur la victime. Par conduite, on entend un schéma comportemental ou des actes qui relèvent du harcèlement. La plupart des lois requièrent au moins deux actes, mais un seul suffit dans certains pays. Par intention, on entend généralement une intention d’effrayer ou le fait d’agir sans se soucier que ses agissements soient propres à susciter la peur chez une personne raisonnable.
32. En Autriche, le harcèlement est un acte punissable, la «loi anti-harcèlement» 
			(17) 
			Strafrechtsänderungsgesetz
(2006), BGBl. I n° 56/2006, <a href='www.bka.gv.at/site/cob__37006/6845/default.aspx'>www.bka.gv.at/site/cob__37006/6845/default.aspx</a>. ayant pris effet le 1er juillet 2006. L’article 107a de cette loi, intitulé «Persécution persistante» (beharrliche Verfolgung), a été introduit en 2007 dans le Code pénal et permet de lutter contre la terreur psychologique causée par diverses formes de persécution persistante en appliquant le droit pénal. La seconde loi de 2009 sur la protection contre la violence améliore la protection des victimes. La «persécution persistante» est punissable si elle constitue une ingérence inacceptable dans la vie de la victime. Elle englobe les comportements suivants:
  • tenter de s’approcher de la victime (par exemple, la suivre en voiture ou l’importuner à son domicile ou sur son lieu de travail);
  • prendre contact avec elle en utilisant des moyens de télécommunication ou tout autre moyen de communication, ou par l’intermédiaire de tiers (par exemple, envois fréquents de lettres, de courriels ou de SMS);
  • commander des biens ou des services pour la victime en utilisant les données à caractère personnel de celle-ci (par exemple, commander des vêtements par correspondance);
  • inciter des tiers à prendre contact avec la victime en utilisant les données à caractère personnel de celle-ci (par exemple, diffuser des annonces précisant les coordonnées de la victime).
Cette infraction est punissable d’un an d’emprisonnement au maximum. Il est possible de demander une ordonnance provisoire de «Protection contre l’ingérence dans la vie privée». La législation autorise aussi les injonctions émanant des tribunaux destinées à éviter que de tels agissements se reproduisent.
33. En Belgique, le harcèlement est visé par l’article 442 bis du Code pénal 
			(18) 
			<a href='www.polfed-fedpol.be/crim/crim_fccu_stalking_nl.php%23_Wetgeving_en_juridische_middelen'>www.polfed-fedpol.be/crim/crim_fccu_stalking_nl.php#_Wetgeving_en_juridische_middelen</a> (en néerlandais ou en français).. La loi est libellée comme suit: «Quiconque harcèle une personne alors qu’il/elle savait ou aurait dû savoir que, par ce comportement, il/elle troublerait gravement la tranquillité de l’intéressé(e) est passible d’une peine d’emprisonnement de quinze jours à deux ans et d’une amende de cinquante euros à trois cents euros, ou de l’une de ces peines seulement.» L’infraction prévue par le présent article ne pourra donner lieu à des poursuites que sur la plainte de la personne se disant harcelée. La législation belge opère une distinction entre le harcèlement et le cyber-harcèlement. Le harcèlement ne peut être poursuivi que sur plainte de la victime, sauf cyber-harcèlement. Il faut en outre que le cyber-harcèlement ait pour intention de nuire à un correspondant 
			(19) 
			<a href='www.timelex.eu/fr/blog/detail/belgian-constitutional-court-upholds-cyber-stalking-provisions'>www.timelex.eu/fr/blog/detail/belgian-constitutional-court-upholds-cyber-stalking-provisions</a>.. L’article145.3bis de la loi de 2005 sur les télécommunications prévoit une peine identique en cas de cyber-harcèlement et de harcèlement classique. Dans son arrêt 198/2011, la Cour constitutionnelle belge expliquait que les règles en matière de harcèlement classique visaient à protéger la vie privée des victimes, alors que les dispositions relatives au cyber-harcèlement visaient à protéger les usagers des services de télécommunications, indépendamment de tout critère d’atteinte à la tranquillité ou d’empiétement sur la vie privée 
			(20) 
			Ibid. et <a href='http://www.const-court.be/public/f/2011/2011-198f.pdf'>www.const-court.be/public/f/2011/2011-198f.pdf.</a>.
34. En Bosnie-Herzégovine, la loi de 2005 sur la protection contre la violence domestique (article 14) interdit le harcèlement par les «membres de la famille» 
			(21) 
			<a href='www.hsph.harvard.edu/population/domesticviolence/bosnia.domesticviol.05.pdf'>www.hsph.harvard.edu/population/domesticviolence/bosnia.domesticviol.05.pdf</a> (en anglais).. La loi sur la protection contre la violence domestique autorise les mesures de restriction d’une durée allant d’un mois à un an, en cas de harcèlement. Cette loi ne couvre toutefois pas les cas de harcèlement lorsqu’ils se produisent en dehors de la sphère familiale.
35. Le Danemark a introduit l’infraction de harcèlement dans son Code pénal en 1933. «Quiconque trouble la tranquillité d’autrui en s’ingérant dans sa vie privée, par l’envoi répété de courriers ou en l’importunant de toute autre manière analogue en dépit d’avertissements de la police, est passible d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement allant jusqu’à deux ans. L’avertissement donné en vertu de cette disposition est valable pendant cinq ans.» Pour que d’autres mesures puissent être prises à l’encontre du harceleur, celui-ci doit être passé outre un avertissement de la police (Code pénal, chapitre 27, article 265) 
			(22) 
			<a href='www.logir.fo/foldb/lbk/1939/0000215.htm'>www.logir.fo/foldb/lbk/1939/0000215.htm</a> (en danois)..
36. L’Allemagne dispose d’une loi civile de lutte contre le harcèlement depuis 2002 et d’une loi pénale depuis 2007 
			(23) 
			<a href='http://dipbt.bundestag.de/dip21/btd/16/005/1600575.pdf'>http://dipbt.bundestag.de/dip21/btd/16/005/1600575.pdf</a>.. Le harcèlement est défini comme des actes graves et répétés commis «en vue d’une proximité physique et accomplis à l’aide de moyens de télécommunications ou autres moyens de communication, en ayant recours à des tiers pour entrer en contact avec la victime; en détournant des données personnelles pour commander des biens et des services; menaçant la vie, l’intégrité physique, la santé mentale ou la liberté». La peine prévue peut aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement. Lorsque la victime, ou ses proches, présentent des lésions graves ou sont en danger de mort, la peine peut aller jusqu’à 10 ans d’emprisonnement 
			(24) 
			<a href='http://stalking.medlegmo.unimo.it/RAPPORTO_versione_finale_011007.pdf'>http://stalking.medlegmo.unimo.it/RAPPORTO_versione_finale_011007.pdf</a>..
37. En Irlande, le harcèlement est visé par une loi de 1997 sur les atteintes aux personnes ne causant pas la mort 
			(25) 
			<a href='www.bailii.org/ie/legis/num_act/1997/0026.html%23zza26y1997s10'>www.bailii.org/ie/legis/num_act/1997/0026.html#zza26y1997s10</a>.. L’article 10 de la loi dispose que quiconque harcèle un tiers «en le suivant ou en le surveillant, en l’importunant, en ne le laissant pas en paix ou en tentant de prendre contact avec lui ou elle de manière insistante, est coupable d’une infraction». Le harcèlement s’entend du fait pour une personne, «de façon intentionnelle ou de manière dangereuse, de troubler gravement la tranquillité d’une personne ou sa vie privée, ou de l’inquiéter, de l’angoisser ou de lui nuire». La peine peut aller jusqu’à sept ans d’emprisonnement ou/et consister en une amende n’excédant pas 1 905 euros 
			(26) 
			<a href='http://stalking.medlegmo.unimo.it/RAPPORTO_versione_finale_011007.pdf'>http://stalking.medlegmo.unimo.it/RAPPORTO_versione_finale_011007.pdf</a>..
38. Une loi sur le harcèlement a été adoptée en Italie en 2009 (loi n° 38/2009 du 23 avril 2009 sur les «mesures urgentes de sûreté publique destinées à combattre les violences sexuelles et les actes de persécution») 
			(27) 
			De Fazio L., «Criminalisation
du harcèlement en Italie», Behavioural
Sciences and the Law, 2011, 29(2), p. 317-323.. La loi introduit l’article 612-bis dans le Code pénal, lequel prévoit que le harcèlement ne peut être poursuivi que sur plainte de la victime présumée. Le chef de la police locale peut réprimander l’auteur présumé. S’il ou elle récidive, «l’infraction donne lieu à des poursuites et les sanctions prévues sont une peine d’emprisonnement – de six mois à quatre ans – et l’interdiction de se rendre sur les lieux fréquentés par la victime» 
			(28) 
			<a href='www.oasisadvocates.org/italy2010.htm'>www.oasisadvocates.org/italy2010.htm</a>..
39. Au Luxembourg, l’article 442-2 du Code pénal adopté en 2009 couvre le harcèlement obsessionnel 
			(29) 
			<a href='www.legilux.public.lu/leg/a/archives/2009/0134/a134.pdf%23page=3'>www.legilux.public.lu/leg/a/archives/2009/0134/a134.pdf#page=3</a>.. Une sanction consistant en une peine de prison de deux semaines à deux ans de prison et/ou une amende de 251 à 3 000 euros est prévue.
40. A Malte, le harcèlement est incriminé depuis 2005 par l’article 251A du Code pénal, en vertu duquel «Toute personne qui adopte un comportement équivalant au harcèlement d’une autre personne, et dont il sait ou aurait dû savoir qu’il s’agit de harcèlement, est coupable d’une infraction au titre du présent article». L’article 251B ajoute: «Une personne dont la conduite amène autrui à redouter que des violences lui soient infligées, à elle ou à ses biens, ou à ses ascendants, descendants, frères, sœurs ou à toute personne mentionnée dans l’article 222(1) ou à leurs biens, est coupable d’une infraction si elle sait ou aurait dû savoir que son comportement amènerait cette personne à éprouver de la crainte à chacune de ces occasions, et est passible d’une peine d’emprisonnement de trois à six mois ou d’une amende (multa) d’un minimum de quatre mille six cent cinquante-huit euros et soixante-quinze cents (4 658,75) et d’un maximum de onze mille six cent quarante-six euros et quatre-vingt-sept cents (11 646,87), ou à la fois de cette amende et de cette peine d’emprisonnement 
			(30) 
			<a href='www.legislatien ligne.org/documents/section/criminal-codes'>www.legislatien
ligne.org/documents/section/criminal-codes</a>.
41. Aux Pays-Bas, l’article 285b du Code pénal définit le harcèlement comme suit: «Quiconque s’ingère illégalement, de manière répétée et volontairement dans la vie privée d’une personne avec l’intention de forcer l’intéressé à faire quelque chose ou à s’en abstenir, ou à lui faire peur, est passible d’une peine de prison allant jusqu’à trois ans ou d’une amende de quatrième catégorie, pour s’être rendu coupable de harcèlement (belaging). Les poursuites ne peuvent être engagées qu’à la demande de la personne contre laquelle l’infraction a été commise.» La sanction encourue peut aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement, assortie d’une amende d’un montant maximum de 11 250 euros 
			(31) 
			<a href='www.wetboek-en ligne.nl/wet/Wetboek van Strafrecht/285b.html'>www.wetboek-en
ligne.nl/wet/Wetboek%20van%20Strafrecht/285b.html</a> (en néerlandais)..
42. En Norvège, le Code général civil et pénal couvre le «harcèlement» (Code pénal, chapitre 39, article 390a). Selon ce Code, «quiconque intimide, trouble ou, par tout autre comportement inconsidéré, viole le droit d’un tiers de vivre en paix (…) est passible d’amendes ou d’une peine de prison n’excédant pas deux ans» 
			(32) 
			<a href='www.ub.uio.no/ujur/ulovdata/lov-19020522-010-eng.pdf'>www.ub.uio.no/ujur/ulovdata/lov-19020522-010-eng.pdf</a>..
43. En Pologne, le parlement a introduit la notion de «harcèlement» dans le Code pénal en 2011, définissant ce comportement comme tout acte de harcèlement persistant, et prévoyant une peine de prison de 3 à 10 ans en cas d’attention et de harcèlement persistants ou obsessionnels 
			(33) 
			<a href='www.arslege.pl/kodeks-karny/k1/s201/'>www.arslege.pl/kodeks-karny/k1/s201/</a>..
44. En décembre 2010, le Parlement écossais a établi une nouvelle infraction de harcèlement dans le cadre de la loi de 2010 sur la justice pénale et l’attribution de licences (Ecosse). Cette loi prévoit également la possibilité d’édicter des ordonnances de non-harcèlement 
			(34) 
			<a href='www.legislation.gov.uk/asp/2010/13/section/39'>www.legislation.gov.uk/asp/2010/13/section/39</a>. . En Angleterre et au Pays de Galles, la loi de 1997 sur la protection contre le harcèlement a créé l’infraction de «harcèlement»: l’article 2 (qui prévoit une peine de prison allant jusqu’à six mois d’emprisonnement) érige en infraction le fait pour une personne d’adopter un comportement équivalant au harcèlement d’autrui, lorsqu’elle sait ou aurait dû savoir que tel était le cas. L’article 4 crée une autre infraction, punissable de cinq ans d’emprisonnement au maximum. Ainsi, lorsqu’une personne dont le comportement amène une autre personne à craindre, à deux occasions au moins, que des violences ne soient exercées contre elle, est coupable d’une infraction s’il sait ou aurait dû savoir que son comportement amènerait cette personne à éprouver de la crainte à chacune de ces occasions. Ainsi que cela s’est produit dans d’autres systèmes juridiques, la législation a été largement critiquée pour son inefficacité, ce qui a conduit à la modifier par la loi sur la protection des libertés, adoptée en mai 2012, qui instaure deux infractions de harcèlement parallèles. L’article 2A énumère une série de comportements (actions ou omissions) associés au harcèlement. Quant à l’article 4B, il définit une infraction consistant à susciter la crainte de violences ou à susciter une inquiétude grave ou une détresse qui a d’importants effets indésirables sur les activités quotidiennes habituelles de la victime.
45. La Suède s’est dotée d’une loi anti-harcèlement le 1er octobre 2011. La sanction prévue peut notamment consister en une peine allant jusqu’à 4 ans d’emprisonnement.

7. La Convention d’Istanbul

46. La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE n° 210, «Convention d’Istanbul») marque une avancée importante dans la lutte contre le harcèlement en ce qu’elle demande aux Parties d’ériger le harcèlement en infraction pénale 
			(35) 
			<a href='www.coe.int/t/dghl/standardsetting/convention-violence/thematic_factsheets/Stalking_EN.pdf'>www.coe.int/t/dghl/standardsetting/convention-violence/thematic_factsheets/Stalking_EN.pdf</a>.. Elle a été ouverte à la signature le 11 mai 2011 et, à ce jour, quatre Etats (Albanie, Monténégro, Portugal et Turquie) l’ont ratifiée et 25 l’ont signée.
47. Toutefois, la convention offre la possibilité de formuler des réserves sur cette disposition (Article 78.3), car certains Etats membres ont préféré prévoir des sanctions non pénales pour le harcèlement.
48. La Convention d’Istanbul définit le harcèlement comme le fait «d’adopter, à plusieurs reprises, un comportement menaçant dirigé envers une autre personne, conduisant celle-ci à craindre pour sa sécurité». Son rapport explicatif vient compléter cette définition.

8. Intervention de la police

49. Les conséquences du harcèlement peuvent être graves, avec un taux élevé de séquelles psychologiques et un taux de violence non négligeable, parfois mortel. Cependant, le niveau d’intervention de la police et le degré d’investigation semblent souvent être limités de manière disproportionnée. Cela pose des problèmes de signalement insuffisant du harcèlement à la police. Jusqu’à une époque très récente, le harcèlement n’était pas pris au sérieux par la police et de nombreux fonctionnaires. La seule étude comparative transnationale européenne de l’appréhension du harcèlement par les policiers sur le terrain et de leur reconnaissance de ce comportement a été menée par le Groupe de Modène 
			(36) 
			Modena
Group on Stalking, Female Victims of
Stalking – Recognition and intervention models: a European Study. Franco
Angeli, Milan.. Cette étude concernait la Belgique, les Pays-Bas, l’Italie et le Royaume-Uni. La connaissance et la compréhension du problème du harcèlement était relativement limitée dans ces pays selon cette étude. En outre, la compréhension de ce que constitue le harcèlement variait suivant les pays. L’étude concluait que la formation des policiers à la reconnaissance du harcèlement, et de ses dangers, peut jouer un rôle important, mais que cette formation fait généralement défaut en Europe.
50. Jusqu’à un certain point, l’absence d’appréciation des dangers du harcèlement n’est pas surprenante. Au Royaume-Uni, par exemple, le harcèlement est traité par les équipes qui sont chargées de la violence domestique, bien que la majorité des cas de harcèlement n’aient rien à voir avec la violence domestique et que les facteurs de risque soient différents. S’occuper de cas de harcèlement implique un important travail de prévention, alors que la police est davantage habituée à faire face à des cas de violences physiques. Sa marge d’appréciation est en l’occurrence plus limitée. Les conséquences traumatiques du harcèlement sur les victimes sont chroniques et, même s’il n’y a pas de violences physiques, les blessures psychologiques sont souvent indécelables pour un œil non averti. Les tribunaux, pas plus que la police, ne peuvent appréhender facilement les séquelles émotionnelles dans l’esprit des victimes, ce qui tend à faire du harcèlement un crime invisible.
51. Les principes de la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5) suggèrent que le niveau d’intrusion et d’ingérence dans les droits des citoyens par la police doit être proportionnel au problème sur lequel elle enquête et à sa gravité. Toutefois, cela ne se produit pas de manière cohérente dans les cas de harcèlement. Dans la majorité d’entre eux, le harcèlement est considéré comme un facteur contributif ou une facette particulière d’une autre infraction grave, plutôt que comme une infraction grave en soi. Le schéma de comportement persistant, intrusif et obsessionnel qui caractérise le harcèlement et le distingue d’autres types de comportements antisociaux n’est pas reconnu comme une indication de risque élevé. En revanche, dans les cas où il y a une réaction forte de la police et où les risques, les schémas comportementaux et l’infraction de harcèlement ont été correctement identifiés, il y a de plus grandes chances d’empêcher une issue grave et éventuellement fatale pour la victime de harcèlement, remplissant ainsi le devoir de protection de l’Etat découlant de la Convention.
52. Les enquêtes effectives menées par la police sur le harcèlement font systématiquement preuve des mêmes qualités: une approche interinstitutionnelle solide, l’arrestation rapide du suspect, l’évaluation psychiatrique du délinquant, son identification effective, l’évaluation et la gestion des risques, une surveillance policière intensive et une direction stratégique solide menant une politique forte soumise à un contrôle indépendant.
53. Au Royaume-Uni, certains outils de dépistage ont été développés pour aider la police à déceler les cas à hauts risques, comme le Stalking Assessment Screen (site d’évaluation du harcèlement) 
			(37) 
			<a href='www.stalkingriskprofile.com/stalking-risk-profile/stalking-assessment-screen'>www.stalkingriskprofile.com/stalking-risk-profile/stalking-assessment-screen</a>. et la Risk Checklist for Stalking Cases (liste de contrôle des risques pour les cas de harcèlement) 
			(38) 
			De
Fazio L., Merzagora Betsos I., Sheridan L.P. et Sgarbi C., Stalking
and Risk of Violence, Final Report: A Risk Checklist for Use in
Stalking Cases, Presidenza del Consiglio dei Ministri Dipartimento
per le Pari Opportunita, 2012: 
			(38) 
			<a href='http://wop.ing.unimo.it/ Stalking _and_risk_of_violence-Final_Report.pdf'>http://wop.ing.unimo.it/
Stalking _and_risk_of_violence-Final_Report.pdf</a>.. Cependant, l’utilisation de ces outils manque de cohérence au Royaume-Uni.
54. Au Royaume-Uni, il semble y avoir des zones de bonnes pratiques policières en réaction aux plaintes pour harcèlement. Cependant, en dépit des conseils dans le cadre des bonnes pratiques locales et nationales et des politiques et procédures spécifiques, de nombreuses victimes indiquent que le soutien que leur apportent les forces de police locales est une question de chance. Des problèmes similaires ont été signalés aux Pays-Bas, la réaction des forces de police étant fonction des attitudes individuelles des policiers vis-à-vis du harcèlement, et des ressources limitées, le harcèlement n’étant pas considéré comme une priorité 
			(39) 
			Van der Aa S. Stalking in the Netherlands: nature and prevalence
of the problem and the effectiveness of anti-stalking measures,
Maklu, Apeldoorn, 2010, p. 168-169..

9. Les services d’aide aux victimes

55. Il existe des services d’aide aux victimes dans la plupart des pays pour porter assistance aux personnes qui ont été victimes d’infractions. Victim Support Europe, un réseau de 26 organisations non gouvernementales d’aide aux victimes dans 21 pays d’Europe, a pour but d’aider les victimes d’infractions en général. En outre, il existe des associations caritatives et autres organisations spécialisées dans la lutte contre le harcèlement dans plusieurs pays européens, dont l’Italie et le Royaume-Uni.
56. Dans une étude de 2009 portant sur 1 964 victimes de harcèlement au Royaume-Uni, les personnes interrogées ont indiqué ce qu’elles souhaiteraient que l’on propose aux victimes de harcèlement. Les principales conclusions étaient que les victimes souhaitaient qu’on les croie, qu’une permanence téléphonique soit créée pour fournir des conseils pratiques et que l’opinion publique soit mieux informée et sensibilisée au harcèlement. La ligne d’écoute téléphonique nationale National Stalking Helpline a été créée au Royaume-Uni en avril 2010, à l’issue d’une campagne menée par les associations caritatives Suzy Lamplugh Trust, Network for Surviving Stalking et Protection Against Stalking. Il s’agit du seul service national d’écoute téléphonique au monde spécialement dédié aux conseils spécialisés, aux informations et au soutien des victimes de harcèlement et de leurs proches. Cette permanence téléphonique est gérée par la Suzy Lamplugh Trust, une association caritative de plus de 25 ans d’expérience qui apporte son aide, éduque et fait campagne en faveur d’une société plus sûre.
57. Cette permanence téléphonique propose une expertise et des conseils sur des sujets comprenant la législation civile et pénale, la façon de rassembler des preuves, la sécurité personnelle et la démarche à suivre pour signaler un cas de harcèlement à la police. La cellule d’écoute dispose également d’un officier de contact au sein de chaque force de police du Royaume-Uni, auquel elle peut transférer les cas à hauts risques, si une victime ne reçoit pas l’aide adéquate. Dans les cas de harcèlement, une intervention précoce est vitale et donne aux victimes les meilleures chances de protection. Le personnel répondant au téléphone parle aux victimes des stratégies possibles pour faire face au harcèlement, diminuant ainsi le risque d’atteintes psychologiques ou physiques graves.
58. La permanence téléphonique a réussi à mettre en place une banque de données unique qui reflète les problèmes, les besoins et les difficultés des victimes de harcèlement au Royaume-Uni. La National Stalking Helpline apporte un soutien aux hommes et aux femmes. Les statistiques actuelles montrent que 78 % des victimes qui s’adressent à elles sont des femmes et 20 % des hommes. Comme cela a pu être constaté dans d’autres études sur le harcèlement, seule une minorité de harceleurs sont d’anciens partenaires (38 %), ce qui souligne qu’il s’agit d’un problème distinct de celui de la violence domestique. Entre avril 2010 (date de l’ouverture de la ligne d’écoute téléphonique) et octobre 2012, celle-ci a permis de conseiller et d’assister plus de 4 700 victimes de harcèlement.

10. Programmes de réadaptation pour harceleurs

59. Les mesures de protection de la victime, les sanctions pénales et les interventions en vue d’un traitement du harceleur se complètent les unes les autres. Les sanctions juridiques seules peuvent être inefficaces pour prévenir le harcèlement car, en l’absence de traitement, les problèmes fondamentaux qui poussent le harceleur à agir ne sont pas résolus. L’incarcération du harceleur ne constitue qu’un répit provisoire pour la victime car, dans la plupart des pays, cette forme d’infraction est généralement punie par des peines d’emprisonnement de courte durée, souvent de moins d’un an. Ainsi, la victime craint que le harcèlement ne recommence une fois que son harceleur aura été libéré. Cette crainte est souvent justifiée, car peu de harceleurs suivent un traitement pendant leur détention, traitement qui pourrait les amener à renoncer au harcèlement.
60. Une minorité non négligeable de harceleurs sont atteints de maladies psychotiques, plus couramment de schizophrénie. Lorsque la victime est une personnalité publique, ces cas constituent la majorité. En cas de maladie mentale, le traitement du harceleur impliquera un traitement de pharmacothérapie prescrit par des services psychiatriques. Toutefois les principaux traitements administrés aux harceleurs non-psychotiques sont des programmes d’intervention psychologique 
			(40) 
			MacKenzie
R.D. et James D.V., «Management and treatment of stalkers: problems,
options and solutions», Behavioral Sciences
and the Law, 2011, 29(2), p. 220-239.. Ils dépendent de la précision de l’évaluation de l’éventail des risques et de l’identification des déficiences psychologiques du harceleur.
61. Le comportement du harceleur est influencé par des facteurs internes en termes de convictions profondes ou schémas de base sur la façon dont fonctionne le monde, par des déficits de compétences et par des facteurs contextuels. Parmi les convictions erronées et les fonctions cognitives déviantes figurent notamment un sentiment exagéré que tout lui est dû, que la victime lui doit quelque chose, et la conviction que ses propres droits passent avant tout. Cela s’accompagne souvent d’un mépris délibéré pour la victime, ou d’une absence de préoccupation quant aux conséquences de son comportement. Les déficits en matière de compétences peuvent rendre l’identification de stratégies alternatives difficile ou rendre plus difficile la perception précise des problèmes et les réactions à avoir: parmi ces déficits, on peut citer des compétences sociales ou une capacité à s’exprimer peu développées, des difficultés à résoudre les conflits ou les problèmes, ou encore des problèmes pour gérer le stress ou ses propres émotions. Les facteurs contextuels peuvent contribuer à provoquer ou perpétuer le comportement du harceleur: la réaction de la victime, des contacts forcés permanents (comme des arrangements pour la garde d’enfants, des litiges juridiques), des intérêts ou un employeur communs, les réactions de la police, celles de pairs ou de membres de la famille qui soutiennent le comportement du harceleur, le chômage, qui laisse davantage de temps pour harceler, ou l’absence de domicile fixe, qui amène le harceleur à revenir chez la victime. L’identification de ces facteurs est importante dans la gestion et le traitement des harceleurs.
62. Un programme modulaire de traitement est adapté aux besoins individuels du harceleur. Les «étapes du changement» forment un cadre utile pour mettre en œuvre le traitement, qui donnera de meilleurs résultats dans le cadre du modèle des comportements à problèmes. Dans la plupart des cas, le traitement doit être, du moins au départ, obligatoire, par exemple comme condition d’une ordonnance de soins dans la collectivité, d’une remise de peine ou d’une libération sous caution. Le traitement nécessite du personnel ayant une formation spécialisée dans l’évaluation des risques de harcèlement et le traitement adapté. Le traitement est optimal lorsqu’il est administré dans un cadre spécialisé et la création de cliniques spécialisées dans le traitement du harcèlement impliquant psychiatres et psychologues, entretenant des liens étroits avec le système de justice pénale, comme la Melbourne Problem Behaviours Clinic 
			(41) 
			Warren
L., MacKenzie R., Mullen P.E. et Ogloff J.R.P., «The problem behaviour
model: the development of the harceleurs clinic and a threateners’
clinic», Behavioral Sciences and the
Law, 2005, 23, p. 387-397. en Australie et la National Stalking Clinic au Royaume-Uni, est généralement conseillée 
			(42) 
			<a href='www.beh-mht.nhs.uk/mental-health-service/mh-services/national-stalking-clinic.htm'>www.beh-mht.nhs.uk/mental-health-service/mh-services/national-stalking-clinic.htm</a>.. Il semble toutefois qu’il n’existe pas d’établissement spécialisé dans le traitement des harceleurs en Europe, si ce n’est la National Stalking Clinic et bien qu’il existe un centre de conseils à Berlin, accessible sans rendez-vous 
			(43) 
			<a href='http://www.stop-stalking-berlin.de/'>www.stop-stalking-berlin.de</a>/..

11. Sensibilisation du public

63. Le 21 mars 2013, le Conseil de l’Europe a lancé son «Mouvement contre le discours de haine», une campagne ayant pour objectif de sensibiliser le public au discours de haine en ligne, ainsi qu’aux risques qu’il comporte pour la démocratie et pour tous les jeunes. Il vise aussi à réduire les seuils de tolérance vis-à-vis du discours de haine en ligne. La campagne, qui se poursuivra jusqu’en avril 2014, combat le discours de haine en ligne sous toutes ses formes – dont celles qui touchent le plus les jeunes – comme l’intimidation et la haine en ligne, et pourra donc également compléter les actions de sensibilisation en matière de harcèlement 
			(44) 
			<a href='http://act4hre.coe.int/no_hate/No-hate-speech-movement/The-Campaign'>http://act4hre.coe.int/no_hate/No-hate-speech-movement/The-Campaign</a>..
64. Plusieurs organisations non gouvernementales ont été créées pour aider les victimes, militer pour un renforcement du cadre juridique et politique et sensibiliser l’opinion publique au problème du harcèlement. En Italie, la fondation Doppia Difesa mène des campagnes de sensibilisation. Le Network for Surviving Stalking, NSS (Réseau pour survivre au harcèlement) a été créé en 2000 au Royaume-Uni par une personnalité qui avait été victime de harcèlement. Le NSS affirme que l’expression la plus commune chez les victimes est «si seulement j’avais réalisé plus tôt ce qui se passait». Il ressort de l’expérience du NSS auprès des victimes de harcèlement ces dix dernières années que celles-ci laissent s’écouler un laps de temps très important avant de demander de l’aide. Cela prend généralement un certain temps avant qu’elles n’identifient le comportement qu’elles subissent comme constituant du harcèlement. Tout ce temps perdu met des vies en danger.
65. Tout le monde s’accorde à dire qu’une intervention précoce appropriée, dans n’importe quel cas de harcèlement, est susceptible d’aboutir à la meilleure issue possible pour toutes les personnes impliquées. Mais il y a un travail considérable à entreprendre avant que les victimes ne reconnaissent et ne signalent un comportement de harcèlement dès qu’il apparaît. Il faut éduquer, changer les mentalités et détruire les mythes sur le harcèlement. Eduquer l’opinion publique sauvera des vies.
66. Ecouter une victime de harcèlement ou ses proches raconter leur histoire contribue dans une large mesure à faire comprendre cette infraction par le public. Les gens réalisent que le harcèlement peut arriver à tout le monde, n’importe où. Cela pourrait arriver à leur fille, leur fils, leur frère, leur femme ou leur mari. Certaines victimes ne sont pas prêtes à en parler – presque tout le monde souhaite rester anonyme 
			(45) 
			<a href='http://www.trustyourinstinct.orgwww.trustyourinstinct.org/'>www.trustyourinstinct.orgwww.trustyourinstinct.org</a>.. Avertir le grand public des dangers du harcèlement est une tâche complexe. Souvent, les victimes d’un comportement de harcèlement se sentent paranoïaques et pensent qu’elles «font beaucoup de bruit pour rien». Un grand nombre d’entre elles se sentent au départ gênées ou honteuses de ce qui leur arrive, et non pas apeurées ou terrifiées – ces sentiments viennent plus tard. Contrairement à d’autres crimes, où quelqu’un est victime d’une agression physique, par exemple, réaliser son statut de «victime» de harcèlement et que les actions de la personne qui harcèle sont peut-être contraires à la loi prend du temps. Par conséquent, les campagnes de sensibilisation les plus efficaces vont prendre pour cible des personnes qui ne pensent pas être elles-mêmes des «victimes de harcèlement».
67. Le NSS a axé toutes ses campagnes de sensibilisation sur le grand public, considérant que cela constitue le meilleur moyen d’atteindre des victimes potentielles et les personnes susceptibles de leur venir en aide: les fonctionnaires de police, les agents de probation, les travailleurs sociaux, le personnel des tribunaux, etc. Le NSS a également pour but d’amener la famille, les amis, les voisins et les collègues à reconnaître le harcèlement et à comprendre sa gravité. La sensibilisation est une tâche colossale car cela suppose de convaincre la société de changer d’attitude vis-à-vis du harcèlement.
68. Le NSS a lancé une campagne intitulée «Trust Your Instinct» («Faites confiance à votre instinct») – une campagne sur internet qui reconnaît la tendance naturelle des gens à minimiser la gravité d’une situation. La plupart des gens ont un «instinct» qui leur dit que quelque chose ne va pas. La campagne «Faites confiance à votre instinct» vise à amener les gens à écouter leur «sonnette d’alarme intérieure» ou leur instinct de survie, car cela pourrait leur sauver la vie. Le site internet de la campagne 
			(46) 
			Ibid. présente un court-métrage et les détails de la «Stalking Risk Checklist» développée par les Dr Lorraine Sheridan et Karl Roberts. Il encourage les gens à identifier les comportements de harcèlement, à évaluer la gravité de la situation (la propre peur de la victime est souvent le meilleur indicateur) et, le cas échéant, à faire un signalement à la police.
69. Il ne faut pas nier que les médias ont un rôle crucial à jouer pour sensibiliser l’opinion publique au harcèlement et les «histoires personnelles» sont souvent la meilleure manière de faire passer le message de l’horrible réalité de ce crime. Cependant, des reportages peu utiles contribuent à répandre les mythes relatifs au harcèlement, qui peuvent accroître les souffrances des victimes, voire mettre des vies en danger. Certains journalistes semblent ne pas se rendre compte qu’une personne qui parle de son cas de harcèlement risque de mettre sa sécurité en danger. Les journalistes devraient effectuer une véritable évaluation des risques et, dans la mesure du possible, ne pas divulguer l’identité d’une victime. Ils doivent aussi comprendre que pour un grand nombre de victimes, le harcèlement n’est jamais «terminé» – la peur ne les abandonne jamais définitivement.
70. Souvent, les rédacteurs en chef n’utilisent des faits divers que lorsque l’affaire est allée devant les tribunaux et qu’il y a eu une condamnation. Le harcèlement est cependant un crime largement sous-dénoncé et de nombreux cas qui ont fait l’objet d’une enquête de police ne progressent pas en raison d’un manque de preuves. La plupart des cas de harcèlement sont extrêmement complexes et longs – rares sont ceux qui peuvent faire la une ou les petites phrases des journaux. Aussi frustrant que cela puisse être pour les médias, cette situation limite fortement le nombre de cas de harcèlement portés à la connaissance du grand public. Peut-être l’absence de cas «simples» impliquant des «individus ordinaires» explique-t-elle la multitude de cas de harcèlement de personnalités couverts par les grands médias, ce qui perpétue le mythe du harcèlement comme étant essentiellement un problème de personnes célèbres.

12. Conclusions

71. Le harcèlement, qui est l’ingérence intempestive, répétée, d’une personne dans la vie d’une autre, consiste à prendre le contrôle sur la vie d’autrui. Il s’agit d’un schéma qui répète des comportements parfois difficiles à repérer quand ils sont pris isolément. Le cyber-harcèlement est une forme de harcèlement qui prend de l’ampleur avec le développement de nouvelles technologies.
72. Le harcèlement survient partout, à la maison comme au travail ou dans la rue et pourtant, il n’est pas encore largement reconnu comme une infraction pénale. Minimisé et presque invisible, le harcèlement demeure un phénomène négligé.
73. Quoiqu’il en soit, le harcèlement peut avoir des conséquences dramatiques et conduire à d’autres violences, y compris la mort. Les victimes de harcèlement souffrent de traumatismes psychologiques dévastateurs mais, dans la majorité des Etats membres du Conseil de l’Europe, elles n’ont pas encore accès à des services d’accompagnement spécifiques.
74. Souvent, les victimes elles-mêmes ne se considèrent pas comme en danger ou, inconscientes du danger ou de la gravité des faits, hésitent à signaler un cas de harcèlement
75. Adopter des lois anti-harcèlement spécifiques est un premier pas dans la lutte contre le harcèlement. Le changement qui consiste à désigner le harcèlement comme une infraction spécifique marque un tournant politique et culturel significatif dans les mentalités vis-à-vis de cette infraction. Par conséquent, j’encourage vivement les Etats membres qui ne l’ont pas encore fait à ériger le harcèlement en infraction pénale.
76. Une loi contre le harcèlement pourrait inclure les éléments suivants:
  • Définition du harcèlement: le point de départ pourrait en être la définition présentée dans la Convention d’Istanbul: «Le fait, lorsqu’il est commis intentionnellement, d’adopter, à plusieurs reprises, un comportement menaçant dirigé envers une autre personne, conduisant celle-ci à craindre pour sa sécurité.» (article 34) Il conviendrait d’insister sur le caractère intentionnel, et sur la crainte de violences chez la personne soumise au harcèlement ou chez ses proches, ainsi que sur l’impact du harcèlement dans sa vie quotidienne. Cette définition pourrait être complétée par les éléments suivants, tirés du rapport explicatif de la Convention d’Istanbul:
    • suivre de manière répétée une personne;
    • engager une communication non désirée avec une personne;
    • faire savoir à une personne qu’elle est épiée;
    • suivre physiquement une personne;
    • apparaître sur son lieu de travail, son centre sportif ou son établissement scolaire;
    • la suivre dans le monde virtuel (espaces de discussion, sites de réseaux sociaux, etc.).
  • Le harcèlement en tant qu’infraction pénale: la loi prévoirait que l’infraction de harcèlement/cyber-harcèlement pourrait être punissable de cinq ans d’emprisonnement au maximum, en sus d’une amende.
  • Protection de la victime: la loi pourrait imposer au harceleur une ordonnance restrictive afin de protéger la victime.
  • Prévention du harcèlement: la loi pourrait également insister sur l’importance des actions de prévention. Des campagnes de sensibilisation sur le harcèlement pourraient accompagner l’entrée en vigueur d’une telle loi.
77. Il est en outre urgent d’éduquer le grand public et de faire évoluer les mentalités à propos de ce fléau. L’une de mes principales recommandations est donc d’y sensibiliser les législateurs, la police et le grand public, y compris à l’école.
78. Les médias ont eux aussi un rôle crucial à jouer pour sensibiliser l’opinion publique au harcèlement. Pourtant, trop souvent, il arrive que les victimes de violences s’exposent à des risques supplémentaires en apparaissant dans les médias. Je souhaiterais encourager l’élaboration de lignes de conduite à l’intention des médias sur la manière d’aborder les cas de violences domestiques et de violences à l’égard des femmes, dont les actes de harcèlement, afin d’assurer aux victimes la meilleure protection possible.
79. On constate en Europe une lacune dans la recherche sur l’ampleur du phénomène de la violence à l’égard des femmes, y compris le harcèlement. En effet, la collecte de données sur le harcèlement demeure difficile parce que ce phénomène n’est pas encore largement reconnu comme un danger. Je recommanderais donc de mener des recherches sur le harcèlement dans les Etats membres du Conseil de l’Europe. Je suis convaincue que des éléments démontrant l’ampleur du problème contribueraient fortement à ce que les gouvernements et les organes de justice pénale s’attaquent au problème du harcèlement.
80. Les victimes devraient être encouragées à dénoncer le harcèlement dès les tous premiers stades à la police afin de prévenir toute autre violence. Pour améliorer la compréhension du harcèlement et la qualité du soutien apporté aux victimes qui le signalent à la police, les policiers devraient suivre une formation spécialisée.
81. Les services d’aide aux victimes, comme les permanences téléphoniques, sont essentiels et devraient bénéficier d’un financement suffisant pour leur création et leur fonctionnement. Le personnel travaillant dans ces structures devrait également recevoir une formation appropriée.
82. Les programmes de réadaptation des harceleurs complètent efficacement les sanctions légales en vue de prévenir la récidive. Les Etats membres devraient commencer à réfléchir à la manière dont ce type de programmes pourrait être mis en œuvre au niveau national.
83. Le harcèlement n’est pas une fatalité et peut être évité. En tant que parlementaires, nous avons la responsabilité de condamner le harcèlement et d’intensifier nos efforts pour lutter contre ce fléau en le rendant plus visible. Ce faisant, nous pourrons contribuer à sauver des milliers de vies et à rendre l’existence de ceux qui ont survécu au harcèlement plus supportable.