1. Introduction
1.1. Procédure
1. Le 9 mars 2012, la proposition de recommandation
«Obligation des institutions internationales de répondre de leurs
actes en cas de violations des droits de l’homme» (
Doc. 12842) a été renvoyée à la commission des questions juridiques
et des droits de l’homme pour rapport. A sa réunion du 24 avril 2012,
la commission m’a nommé rapporteur.
2. Le 27 mai 2013, la commission des questions juridiques et
des droits de l’homme a procédé à une audition sur cette question
lors de la réunion d’Izmir, en Turquie, sur la base d’une
note
introductive. Les experts invités à cette audition, qui sont des spécialistes
de l’obligation des organisations internationales de répondre de
leurs actes en cas de violation des droits de l’homme et de la jurisprudence
pertinente de la Cour européenne des droits de l’homme («la Cour»,
«la Cour de Strasbourg»), étaient: M. Rick Lawson, professeur de
droits de l’homme et doyen de la Faculté de droit de l’Université
de Leyde; Mme Nina Vajić, professeur
de droit international à l’Université de Zagreb et ancienne juge
et présidente de section à la Cour européenne des droits de l’homme;
et Mme Marjorie Beulay, de l’Université
Paris Ouest Nanterre La Défense, directrice d’études à l’Institut
international des droits de l’homme de Strasbourg.
1.2. Les questions en
jeu
3. Les organisations internationales jouent un rôle
important au XXIe siècle. Leur progression
constante depuis la fin de la seconde guerre mondiale reflète une
tendance au développement et au renforcement de la coopération internationale
dans tous les domaines de la société moderne. Le Conseil de l’Europe
lui-même est un exemple notable de cette évolution. Cela étant,
le fait que les organisations internationales soient devenues de
puissants acteurs du droit international n’est pas sans conséquences.
Avec la multiplication de leurs activités, leurs travaux ont des
répercussions toujours plus grandes sur la vie des individus, ce
qui accroît le risque d’atteintes aux droits de l’homme. Leurs diverses
fonctions s’étendent à des domaines particulièrement sensibles sur
le plan des droits de l’homme, comme le maintien de la paix et de
la sécurité, l’administration des territoires, la lutte contre le
terrorisme et l’élaboration de politiques et de normes internationales.
Cela ouvre un vaste champ de violations potentielles des droits
de l’homme.
4. La participation des organisations internationales à des opérations
de rétablissement ou de maintien de la paix ou à des opérations
militaires a donné lieu à la présentation de requêtes individuelles
rejetant sur ces organisations la responsabilité de violations présumées
des droits de l’homme. La récente création, par la Résolution 2098
(2013) du Conseil de sécurité des Nations Unies, de la toute première
force d’intervention «offensive» des Nations Unies, chargée de prendre
part aux opérations menées en République démocratique du Congo,
témoigne de l’extension supplémentaire du rôle militaire joué par
certaines organisations internationales. A ce jour, la plupart de
ces initiatives d’accroître la responsabilité des organisations internationales
dans ce domaine sont toutefois restées infructueuses. L’administration
des territoires, qui est une fonction gouvernementale classique,
peut avoir des incidences sur les droits de l’homme de la population locale,
et ce à divers égards. L’administration par les Nations Unies du
Cambodge, du Timor oriental ou de régions de l’ex-Yougoslavie n’a
cessé de poser des difficultés sur le plan des droits de l’homme,
tout comme le récent renforcement de l’activité de l’Union européenne
dans ce domaine. Cette remarque vaut également pour les activités
du Conseil de sécurité des Nations Unies. Il y a une vingtaine d’années,
il semblait pour ainsi dire impossible que les résolutions du Conseil
de sécurité puissent directement léser les droits des individus. Or,
les sanctions dites «ciblées», qui visent certaines personnes en
particulier, et la «liste noire» du Comité du Conseil de sécurité
des Nations Unies concernant Al-Qaïda et les individus et entités
qui lui sont associés (Comité des sanctions) dans la lutte contre
le terrorisme international, ont des répercussions immédiates sur les
droits des individus. Les critiques n’ont pas épargné INTERPOL,
qui aurait inséré dans ses bases de données des victimes de persécutions
à caractère politique sans un contrôle suffisant de ces informations.
La Banque mondiale et le Fonds monétaire international ont eux aussi
été accusés de ne pas respecter suffisamment les droits des personnes
dans la mise en œuvre de leurs projets, et un certain nombre d’organisations,
dont la Banque mondiale et les Nations Unies, ont fait l’objet de
critiques au sujet de leurs mécanismes de règlement du contentieux
relatif à leurs agents.
5. Ce renforcement des pouvoirs des organisations internationales,
en particulier dans des domaines sensibles des droits de l’homme,
pose la question de l’existence de mécanismes effectifs permettant
de demander des comptes de leurs actions à ces organisations. Comme
l’a affirmé l’Association de droit international (ILA), «[l]e pouvoir
implique la responsabilité, ici au sens d’obligation de répondre
de ses actes (
accountability)
». Alors que le nombre, le rôle
et les pouvoirs des organisations internationales ont connu un développement
remarquable, le système juridique international régissant leurs
activités est resté nettement sous-développé. Si l’on confie de
vastes compétences aux organisations internationales, il faut prévoir
des instruments de contrôle appropriés.
6. Les demandes exigeant des organisations internationales qu’elles
répondent de leurs actes sont également motivées par la crainte
que les Etats n’utilisent ces organisations pour se soustraire à
leurs responsabilités. Les Etats membres pourraient en effet être
tentés de tirer parti abusivement de la personnalité juridique des
organisations internationales en leur confiant des fonctions et
des compétences décisionnelles délicates, et de se «cacher» derrière
leur propre personnalité juridique internationale distincte lorsque
se pose la question des responsabilités. De plus, le fait de veiller
à ce que les organisations internationales respectent les droits
de l’homme renforce la confiance de l’opinion publique dans ces
organisations, ce qui les rend plus efficaces. Les allégations de
violation des droits de l’homme sont susceptibles d’atténuer la
crédibilité des organisations internationales, comme cela a été
le cas à la suite du scandale du programme «Pétrole contre nourriture»
des Nations Unies, lié aux sanctions prises contre le régime irakien
.
7. Cependant, les organisations internationales doivent également
être en mesure d’exercer les fonctions qui leur ont été confiées.
Il leur faut pour cela bénéficier d’un certain degré d’autonomie
par rapport à leurs Etats membres: les exigences légitimes de transparence
ne doivent pas affaiblir leur position en les soumettant à des pressions
injustifiées. Tout l’enjeu consiste donc à réaliser un équilibre
délicat entre autonomie et obligation de répondre de ses actes.
Cela suppose l’existence d’instruments de contrôle adéquats lorsqu’un pouvoir
est accordé. Ce n’est que par la mise en place de tels mécanismes
de responsabilité que les organisations internationales bénéficieront
de la confiance requise pour se voir accorder un degré d’autonomie leur
permettant d’exercer leurs fonctions avec efficacité et de contribuer
au développement de l’ordre juridique international. Par conséquent,
si l’on veut sauvegarder la place importante des organisations internationales dans
l’ordre juridique international, il est primordial de veiller à
ce qu’elles rendent des comptes sur la manière dont elles exercent
leurs pouvoirs.
1.3. L’obligation de
répondre de ses actes
8. L’obligation de répondre de ses actes (accountability)
est un concept qui a suscité un intérêt grandissant au cours des
dernières décennies et sert souvent de terme générique englobant
des notions telles que la bonne gouvernance, la réactivité, la transparence,
la démocratie ou la prééminence du droit. L’obligation de répondre
de ses actes repose essentiellement sur la surveillance étroite
de la conduite de ceux qui exercent le pouvoir, par la recherche
d’informations, d’explications et de justifications. Pour les besoins
de ce rapport, on entend par «obligation de répondre de ses actes»
un mécanisme a posteriori caractérisé
en premier lieu par l’obligation de l’acteur concerné de présenter
des informations et d’expliquer et justifier sa conduite et en second
lieu, par un droit concomitant d’investigation et de surveillance.
L’obligation de répondre de ses actes peut être invoquée dans nombre
d’enceintes, en fonction de sa nature juridique, politique ou administrative.
9. La responsabilité juridique (responsibility)
et l’obligation juridique de répondre d’un dommage causé à autrui
(liability) incarnent la dimension
juridique de l’obligation de répondre de ses actes; on les associe souvent
au sens profond de ce concept. En droit international, la responsabilité
des sujets de droit international est engagée pour leurs actes illicites,
tandis que l’obligation de répondre d’un dommage est indépendante
de la légalité du comportement en question; en droit interne, le
concept de liability est souvent
associé à celui de responsabilité civile. L’obligation de répondre
de ses actes va au-delà de ces deux notions: de manière générale,
elle inclut également des modèles caractérisés par des mécanismes
moins formels et plus ouverts.
10. Ce rapport se focalise sur l’obligation de répondre de ses
actes dans le domaine de la protection internationale des droits
de l’homme, avec comme fil conducteur les droits de l’homme dans
le contexte européen. Compte tenu de son caractère «d’instrument
constitutionnel de l’ordre public européen» dans le domaine des
droits de l’homme, une attention particulière sera portée à la Convention
européenne des droits de l’homme (ETS n° 5, «la Convention»), en
privilégiant les questions qui présentent un intérêt particulier
pour les Etats membres du Conseil de l’Europe. Jusqu’à présent,
l’examen de la question de la responsabilité des organisations internationales
se limitait souvent à l’obligation de répondre de ses actes à leurs
Etats membres. Le présent rapport se penchera au contraire sur les
possibilités, pour le requérant individuel, d’invoquer la responsabilité
des organisations internationales. Compte tenu de la nature juridique
du critère étudié (la protection des droits de l’homme), l’accent
sera mis principalement sur les moyens juridictionnels de mise en œuvre
de l’obligation de répondre de ses actes.
2. Conditions
préalables à la mise en œuvre de l’obligation de répondre de ses
actes des organisations internationales
2.1. Les organisations
internationales en tant que sujets de droit international
11. Pour pouvoir être appelé à rendre des comptes, il
faut tout d’abord avoir la capacité d’être titulaire de droits et
d’obligations en droit international. La question de la personnalité
juridique internationale des organisations internationales doit
donc être posée avant toute discussion sur leur responsabilité.
12. Par opposition à la personnalité juridique dans les systèmes
juridiques internes, la personnalité juridique en droit international
est rarement accordée expressément aux organisations internationales.
Jusqu’au début du XXe siècle, les Etats
étaient généralement considérés comme les seuls sujets de droit
international. L’attribution de la personnalité juridique internationale
aux organisations internationales est donc un phénomène relativement
récent, qui est toutefois bien établi depuis l’avis consultatif
de la Cour internationale de Justice (CIJ) sur la
Réparation des dommages subis. La
CIJ a conclu que les l’Organisation des Nations Unies était dotée
de la personnalité juridique internationale car cela était nécessaire
à l’exercice de ses fonctions. Depuis, ce raisonnement a été étendu
à d’autres organisations internationales. Parmi les indicateurs de
la personnalité juridique internationale figurent la capacité à
conclure des traités et les privilèges et immunités accordés en
droit interne
.
13. Ainsi est-il est aujourd’hui reconnu que les organisations
internationales possèdent une personnalité juridique internationale
distincte de celle de leurs Etats membres. En fonction de l’étendue
des pouvoirs qui lui sont attribués, une organisation internationale
peut donc faire valoir ses droits en son nom propre au plan international.
Elle peut également – et c’est ce point qui nous intéresse le plus
ici – être tenue pour responsable, en droit international, en cas
de non-exécution de ses obligations.
2.2. Les organisations
internationales, porteuses d’obligations en matière de droits de
l’homme
14. Pour pouvoir exiger d’une organisation internationale
qu’elle rende des comptes en cas de non-respect des droits de l’homme,
il faut non seulement qu’elle ait la capacité d’être titulaire de
droits et d’obligations en droit international, mais également qu’elle
soit soumise aux obligations internationales en matière de droits
de l’homme. De manière générale, les organisations internationales
ne sont pas liées par les obligations en matière de droits de l’homme
en vertu du droit des traités, car à quelques exceptions près, elles
ne sont pas Parties aux traités relatifs aux droits de l’homme
.
Il s’agit donc de déterminer s’il existe pour les organisations internationales
d’autres sources d’obligations en matière de droits de l’homme.
15. En tant que sujets de droit international, les organisations
internationales sont «liées par toutes les obligations que leur
imposent les règles générales du droit international
».
Il est donc possible de faire reposer l’obligation de respecter
les droits de l’homme sur le droit international général, que ce
soit la coutume ou les principes généraux. Il est parfaitement justifié
de considérer les droits de l’homme comme des principes généraux
du droit international, car ils sont mis en œuvre au sein d’un grand
nombre de systèmes juridiques dans le monde entier. Qui plus est,
les normes de droits de l’homme peuvent également être considérées comme
relevant du droit international coutumier. Dans certains cas, les
organisations internationales sont soumises aux conventions en vigueur
en matière de droits de l’homme. Ainsi, les comités consultatifs
créés pour contrôler l’action des Nations Unies et de l’Union européenne
au Kosovo, qui ont mis en place respectivement la Mission d’administration
intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK)) et la Mission Etat
de droit de l’Union européenne au Kosovo (EULEX), dont elles assurent
le fonctionnement, sont habilités à appliquer la plupart des principaux
traités internationaux relatifs aux droits de l’homme, et notamment
la Convention européenne des droits de l’homme, même si leurs conclusions
ne présentent aucun caractère contraignant
.
16. Indépendamment de la source des obligations des organisations
internationales en matière de droits de l’homme, il importe de noter
que les droits de l’homme les plus fondamentaux font partie des
normes impératives du droit international (jus
cogens). Ces normes, telles que l’interdiction de la
torture et de l’esclavage, constituent un élément fondamental du
droit international et doivent être respectées par tous les sujets
de droit international, en toutes circonstances.
17. On peut par conséquent affirmer sans risque que les organisations
internationales sont au moins liées par quelques obligations en
matière de droits de l’homme. Cela dit, compte tenu de l’incertitude
qui existe quant à la source précise des obligations, il est particulièrement
difficile de définir l’étendue exacte de celles qui incombent à
une organisation internationale. Cela est regrettable du point de
vue de la sécurité juridique, à la fois pour les organisations elles-mêmes
et pour les tierces parties. Se pose alors la question de savoir
s’il serait souhaitable que les organisations internationales deviennent,
en leur nom propre, Parties aux traités relatifs aux droits de l’homme.
3. Règles relatives
à la responsabilité (accountability) des organisations internationales
3.1. L’Association de
droit international
18. L’augmentation du risque que les actes des organisations
internationales aient un impact direct sur la vie des individus
a fait prendre conscience de la nécessité d’un renforcement des
mécanismes de contrôle accessibles aux individus. Sur le plan juridique,
la priorité a souvent été donnée aux notions de responsabilité juridique
et d’obligation juridique de répondre d’un dommage causé à autrui.
Cela étant, compte tenu des incertitudes qui subsistent quant aux
obligations juridiquement contraignantes des organisations internationales,
cette approche a été remise en cause. La première tentative d’adoption
d’une approche plus globale, non limitée aux formes juridiques de
l’obligation de répondre de ses actes, a été le travail du «Comité international
sur la responsabilité des organisations internationales» établi
par l’ILA en mai 1996. Ce Comité considère l’obligation de répondre
de ses actes comme un «phénomène aux multiples facettes» et établit
une distinction entre ses formes juridique, politique, administrative
et financière. Il suggère qu’une «combinaison de ces quatre formes
offre les meilleures chances d’obtenir le degré de responsabilité
nécessaire
».
19. En 2004, le Comité a rendu son rapport final incluant un certain
nombre de «règles et pratiques recommandées» que les organisations
internationales sont invitées à mettre en œuvre pour renforcer leur responsabilité.
Le Comité recommande notamment l’application des principes de bonne
gouvernance, de bonne foi, de constitutionnalité, d’objectivité
et de diligence raisonnable, dont il convient d’apprécier le respect par
les organisations nationales. Il estime également que les organisations
internationales devraient observer les obligations de droits de
l’homme et les règles applicables du droit international humanitaire
lorsqu’elles agissent dans des domaines particulièrement sensibles
du point de vue des droits de l’homme. Il souligne que la difficulté
majeure, dans l’établissement d’un régime de responsabilité pour
les organisations internationales, est de maintenir l’équilibre
entre la préservation de leur autonomie et la garantie qu’elles
ne pourront se soustraire à leurs responsabilités. S’agissant des
recours contre les actes d’organisations internationales, le Comité
reconnaît que le droit à un recours effectif, en tant que principe
général du droit et norme internationale fondamentale en matière
de droits de l’homme, s’applique également aux organisations internationales
.
3.2. La Commission du
droit international
20. En 2011, la Commission du droit international (ILC)
a adopté les Articles sur la responsabilité des organisations internationales
(ARIO), dont l’Assemblée générale des Nations Unies a pris note
en décembre 2011
.
Les ARIO s’inspirent en grande partie des Articles sur la responsabilité
de l’Etat (ASR), adoptés par l’ILC en 2001
. L’une
des principales difficultés rencontrées par l’ILC dans la «codification»
du droit relatif à la responsabilité des organisations internationales
tenait au caractère limité et à l’hétérogénéité de la pratique.
Par conséquent, une partie au moins des travaux de l’ILC sur la
responsabilité des organisations internationales relève davantage
du développement progressif que de la codification du droit international existant.
Cependant, compte tenu de la haute qualité des textes produits par
l’ILC, ils pourraient tout à fait contribuer à la formation de la
coutume.
21. L’ILC part du principe que «[t]out fait internationalement
illicite d’une organisation internationale engage sa responsabilité
internationale
». Un
fait internationalement illicite se compose de deux éléments: le comportement
doit être attribuable à l’organisation et constituer une violation
d’une obligation internationale de cette dernière. Par conséquent,
lorsque par son «propre» comportement, une organisation internationale manque
à l’une de ses obligations en matière de droits de l’homme, sa responsabilité
est engagée en vertu du droit international. La règle fondamentale
s’agissant de l’attribution d’un comportement à une organisation internationale
est contenue dans l’article 6, qui dispose que le comportement d’un
organe ou agent d’une organisation internationale est attribuable
à cette organisation. L’article 7 revêt une importance particulière pour
la répartition des responsabilités entre l’organisation internationale
et ses Etats membres. Il prévoit que le comportement d’un organe
d’un Etat ou d’un organe ou agent d’une organisation internationale
mis à la disposition d’une autre organisation internationale est
considéré comme un fait de cette dernière, pour autant qu’elle exerce
un contrôle effectif sur ce comportement (pour plus de détails,
voir section 4.4).
22. Outre la responsabilité pour son propre comportement, les
ARIO prévoient d’autres cas où la responsabilité d’une organisation
internationale peut être engagée. Sous l’intitulé «Responsabilité
d’une organisation internationale à raison du fait d’un Etat ou
d’une autre organisation internationale», l’ILC regroupe un certain
nombre de situations ayant pour point commun que le fait internationalement
illicite est commis par un «tiers», que ce soit un autre Etat ou
une autre organisation internationale. L’organisation internationale
peut être jugée responsable pour son implication dans ce fait, implication
qui peut prendre la forme d’une aide ou d’une assistance, de la
direction et du contrôle ou de la contrainte d’un Etat ou d’une
autre organisation internationale dans la commission de ce fait
. Ce cas est qualifié de responsabilité
«indirecte».
23. Il s’est toutefois posé la question de savoir si la relation
spécifique entre les organisations internationales et leurs Etats
membres nécessitait une attention supplémentaire. En particulier,
le pouvoir de certaines organisations internationales d’autoriser,
voire d’obliger les Etats membres à adopter un comportement susceptible
de porter atteinte aux droits de l’homme posait problème pour le
régime de la responsabilité internationale. C’est pour tenir compte
de cette situation que l’article 17 a été inclus dans les ARIO.
Il dispose qu’une organisation internationale engage sa responsabilité
internationale si elle contourne l’une de ses obligations internationales
en adoptant une décision obligeant ou autorisant des Etats membres
à commettre un fait qui serait internationalement illicite s’il
avait été commis par elle.
24. Ces dispositions sont susceptibles de remédier aux lacunes
du régime de la responsabilité des organisations internationales
dans les cas où l’acte de mise en œuvre constituant un manquement
aux obligations internationales est attribuable à l’Etat membre
mais que ce dernier n’est pas en mesure de réparer licitement le
préjudice, car son comportement est déterminé par un acte d’une
organisation internationale. Cette situation s’est présentée, par
exemple, dans l’affaire Nada c. Suisse portée
devant la Cour européenne des droits de l’homme. Dans ce cas, la
Suisse a été jugée responsable des mesures qu’elle avait prises
pour mettre en œuvre ses obligations découlant de sa qualité de
membre des Nations Unies, alors que son comportement était clairement
déterminé par une résolution contraignante du Conseil de sécurité.
La résolution pertinente laissait une certaine marge de manœuvre
aux Etats pour pallier les déficiences en matière de protection
des droits de l’homme sans agir en violation de leurs obligations
découlant de la Charte des Nations Unies. L’article 17 fournit une
base sur laquelle fonder la responsabilité de l’organisation internationale,
qui est en mesure d’annuler l’acte «original».
25. L’adoption des ARIO a suscité diverses réactions. Il a été
dit que ces articles pourraient accroître la responsabilité des
organisations internationales en mettant en lumière l’ensemble des
règles secondaires qui s’appliquent lorsqu’une organisation internationale
agit en violation d’une norme du droit international. Toutefois,
les différents rôles et missions et les structures souvent spécifiques
des organisations internationales ont fait craindre qu’il ne soit
pas possible d’établir un ensemble de règles secondaires «universel».
Il est reproché aux ARIO de ne pas tenir compte des obstacles réels
auxquels les individus sont confrontés lorsqu’ils cherchent à demander
des comptes aux organisations internationales. Comme nous le verrons
ci-après, l’un des obstacles les plus importants est l’absence de
mécanismes permettant aux individus d’invoquer la responsabilité
d’une organisation internationale.
4. Obstacles à la
mise en œuvre de la responsabilité
26. Même si l’on convient que les organisations internationales,
en tant que sujets de droit international, sont liées par les obligations
relatives aux droits de l’homme et que toute violation de ces obligations
par l’une de ces organisations, en tant que fait internationalement
illicite, engage sa responsabilité internationale, il importe que
des mécanismes soient mis en place au niveau national, international
ou interne pour permettre aux individus d’invoquer la responsabilité
des organisations internationales. Cela étant, quel que soit le
niveau considéré, les individus victimes de violations de droits
de l’homme commises par des organisations internationales rencontrent
de sérieuses difficultés pour porter plainte.
4.1. Immunité des organisations
internationales devant les juridictions nationales
27. Les mécanismes les plus connus et les plus accessibles
aux individus pour obtenir réparation en cas de violation des droits
de l’homme sont bien souvent les systèmes judiciaires nationaux.
Or, en règle générale, les organisations internationales bénéficient
d’une immunité juridictionnelle devant les juridictions nationales. L’immunité
est accordée aux organisations internationales pour leur permettre
d’exercer leurs fonctions de manière indépendante en empêchant leurs
Etats membres – et l’Etat d’accueil en premier lieu – d’exercer
une influence injustifiée. Les organisations internationales sont
ainsi protégées contre toute pression abusive de la part des Etats
membres. L’immunité n’est toutefois qu’un simple obstacle procédural
et ne dispense pas les organisations internationales de respecter
les normes de droits de l’homme. Les obligations relatives aux droits de
l’homme continuent de s’appliquer; c’est leur mise en œuvre qui
est empêchée par l’octroi de l’immunité.
28. Alors que l’immunité des Etats a progressivement été restreinte,
aucune évolution comparable n’a été observée en ce qui concerne
les organisations internationales. Même là où l’immunité est accordée
aux organisations internationales uniquement dans la mesure où cela
est nécessaire à l’exercice effectif de leurs fonctions («immunité
fonctionnelle») ou fait l’objet d’autres restrictions, cette notion
est souvent interprétée au sens large, si bien qu’une immunité absolue
leur est accordée de fait. Dans l’affaire
Mères
de Srebrenica c. Pays-Bas et ONU, l’association des Mères
de Srebrenica a invoqué la responsabilité des Pays-Bas et des Nations
Unies pour leur incapacité à empêcher le génocide de Srebrenica
en 1995. En 2012, la Cour suprême néerlandaise a jugé que les tribunaux
néerlandais n’avaient pas compétence pour statuer sur cette requête dans
la mesure où celle-ci était dirigée contre les Nations Unies, qui
«jouit d’une immunité de juridiction absolue en ce sens qu’elle
ne peut être citée à comparaître devant une juridiction interne
d’un pays partie à la Convention
». La Cour de Strasbourg s’est
rangée à cette conclusion, en déclarant irrecevable la requête introduite
contre les Pays-Bas (au motif qu’elle était manifestement mal fondée),
considérant que «la Convention ne peut être interprétée de telle
sorte qu’elle soumettrait les actions et omissions du Conseil de sécurité
à une juridiction nationale en l’absence d’une décision de l’ONU
en ce sens»
.
29. Il importe de noter que l’immunité des Etats, outre le fait
qu’elle est plus limitée que l’immunité des organisations internationales,
ne met pas les Etats entièrement à l’abri d’un contrôle juridictionnel,
car ils n’échappent pas à la compétence de leur système judiciaire
interne. Les Etats ont également l’obligation, en vertu de l’article 13
de la Convention européenne des droits de l’homme, de garantir un
recours effectif à toute personne dont les droits découlant de la
Convention sont violés. A l’inverse, à quelques exceptions près,
les organisations internationales n’ont généralement pas de systèmes
judiciaires internes aussi forts (voir section 4.3). En outre, les
actes des Etats sont bien souvent soumis à des mécanismes qui les
obligent à répondre politiquement de leurs actes, notamment à travers
un contrôle parlementaire et plus généralement par le biais du processus
démocratique. En comparaison des décisions et des actes des Etats,
les activités des organisations internationales attirent moins l’attention
des médias et des milieux politiques, ce qui atténue d’autant leur
obligation de répondre de manière informelle et extra-juridictionnelle
de leurs actes. Les organisations internationales agissent bien
souvent hors des regards de l’opinion publique et, à moins que leurs
activités ne soient suffisamment controversées, il est peu probable
qu’elles soient examinées avec beaucoup d’attention. En raison de
cette absence de garantie, on peut considérer qu’il n’est pas justifié
que les organisations internationales jouissent, sur le plan de
l’obligation de répondre de leurs actes, d’un degré d’immunité identique
à celui qui prévaut pour les Etats.
30. Qui plus est, l’immunité juridictionnelle dont jouissent les
organisations internationales devant les juridictions nationales
est le plus souvent absolue et plus étendue que celle des gouvernements
étrangers, malgré l’absence des mécanismes susmentionnés destinés
à les obliger à répondre de leurs actes. Alors qu’elle était autrefois
absolue, l’immunité des Etats étrangers devant les juridictions
nationales est devenue relative au fil du temps. Il existe notamment
une distinction entre les
acta jure imperii,
c’est-à-dire les actes de nature souveraine qui émanent d’un Etat
étranger lorsqu’il exerce des fonctions purement gouvernementales, et
les
acta jure gestionis, qui
sont des actes à caractère commercial. Dans bien des pays, les Etats
étrangers jouissent d’une immunité en matière de contentieux pour
les premiers, mais pas pour les derniers
. L’immunité
des organisations internationales, en revanche, est d’ordinaire
générale et absolue. A moins qu’elles n’y renoncent elles-mêmes,
les organisations internationales jouissent d’une immunité de poursuites devant
les juridictions nationales pour le contentieux du droit du travail
et des contrats, dont l’étendue est comparable à l’absence de contestation
de la légalité de leurs décisions politiques. Il serait plus judicieux
qu’au lieu de cette immunité absolue, les organisations internationales
jouissent d’une simple immunité fonctionnelle. Cela signifie que
leur immunité ne s’appliquerait pas aux situations dans lesquelles
les actes des organisations ou de leurs agents seraient distincts
de l’exercice de leurs fonctions statutaires ou les outrepasseraient.
Bien qu’il soit difficile d’imaginer qu’une organisation internationale
puisse prendre part à de graves violations des droits de l’homme,
telles que le génocide, l’esclavage ou la torture, cette immunité
fonctionnelle supprimerait toute immunité dans ces situations extrêmes,
mais également en cas de violations moins graves qui outrepassent
néanmoins clairement le mandat de l’organisation. Il convient de
réfléchir davantage à la possibilité d’appliquer cette distinction
aux organisations internationales.
31. Compte tenu de l’équilibre à établir entre le fonctionnement
indépendant des organisations internationales et la protection juridique
contre leurs activités, les instruments qui octroient l’immunité
prévoient souvent une obligation de l’organisation internationale
de mettre en place des mécanismes de contrôle internes (internal accountability mechanisms).
Toutefois, dans bien des cas, ces mécanismes ne sont jamais créés
ou uniquement pour un ensemble de situations très limité, comme
les conflits en matière de ressources humaines. Il arrive régulièrement
que l’octroi de l’immunité aux organisations internationales ne
soit pas assorti d’autres moyens de règlement des différends. Compte
tenu de la raison d’être de l’immunité, on peut se demander si une
telle entrave à la protection juridique est strictement nécessaire.
32. La question de la compatibilité de cette immunité avec le
droit à un procès équitable énoncé à l’article 6 de la Convention
européenne des droits de l’homme a été examinée par la Cour européenne
des droits de l’homme dans les affaires
Beer
et Regan et
Waite et Kennedy.
La Cour a conclu qu’un facteur matériel permettant de déterminer
si l’ingérence dans le droit garanti par l’article 6 était proportionnée
«est d’examiner si les requérants disposaient d’autres voies raisonnables
pour protéger efficacement leurs droits garantis par la Convention
». Certaines juridictions
nationales ont suivi la même argumentation, en subordonnant l’exercice
du contrôle juridictionnel à l’existence d’autres mécanismes de
contrôle adéquats
.
C’est notamment le cas de la Cour de Cassation belge, qui, contrairement
à la Cour de Strasbourg dans sa jurisprudence antérieure en la matière,
a conclu dans l’arrêt
Siedler que
les autres moyens fournis par une organisation internationale –
en l’espèce l’Union de l’Europe occidentale – ne suffisaient pas
à protéger les droits garantis par la Convention aux requérants
et a, en conséquence, prononcé la nullité de cette immunité. Comme
elle incite les organisations internationales à établir des procédures
internes efficaces en matière de règlement des conflits, cette utilisation
de l’article 6 ou des dispositions similaires prévues par d’autres
régimes de protection des droits de l’homme peut s’avérer utile
pour obliger les institutions internationales à répondre de leurs
actes. Il serait souhaitable que les Etats et d’autres juridictions
internationales suivent de manière générale cette approche de la
Cour de Cassation belge.
33. Il convient toutefois de noter que les juridictions se sont
montrées réticentes à appliquer les normes pourtant relativement
mesurées de l’arrêt
Waite et Kennedy aux
affaires relatives aux organes des Nations Unies. L’article 103
de la Charte des Nations Unies, qui énonce la primauté de la Charte
sur tout autre instrument de droit international, et le statut sans
équivalent des Nations Unies, en tant qu’organe international chargé
de maintenir la paix et la sécurité internationales, leur ont permis
de faire valoir une immunité extrêmement étendue. Dans l’arrêt
Stichting Mothers
of Srebrenica, la Cour de Strasbourg a estimé que la Convention
ne pouvait être interprétée dans le sens d’une immunité relative
des Nations Unies, car cela risquerait de permettre à un Etat d’intervenir
dans l’accomplissement d’une mission essentielle des Nations Unies
et du Conseil de sécurité
. Ainsi, alors
que des instruments comme la Convention européenne des droits de
l’homme semblent donner aux juridictions le moyen d’invalider l’immunité
d’organisations telles que l’Union européenne ou la Banque mondiale,
cela s’avère plus difficile à l’égard des organes des Nations Unies. Toutefois,
le fait que la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) dans
l’arrêt
Kadi (sur la transposition d’un
acte de l’Union européenne) et la Cour de Strasbourg dans l’arrêt
Nada se montrent disposées à examiner la
compatibilité en matière de droits de l’homme des sanctions prises
par le Conseil de sécurité (tous deux sont abordées plus en détail
dans la partie 4.4, plus loin) montre que cette réticence est moins
importante lorsque le contentieux ne concerne pas l’immunité de
l’organisation, mais plutôt les textes d’application pris par les Etats
eux-mêmes.
34. Conformément aux conclusions de la Cour dans l’affaire
Al-Adsani confirmées dans l’affaire
Kalogeropoulou , les Etats ne sont pas dans l’obligation
de se soustraire à l’immunité même en cas de violations alléguées
de normes impératives, non susceptibles de dérogation. La Cour a
déclaré dans l’arrêt
Stichting Mothers
of Srebrenica que ce principe était également applicable
à l’immunité des Nations Unies
. D’après
la CIJ, dans l’affaire des
Immunités
juridictionnelles , «les règles qui régissent l’immunité
sont de nature procédurale et se bornent à déterminer si les Etats
sont fondés à exercer leur juridiction dans un cas donné mais sont
sans incidence sur la question de savoir si le comportement en question
était licite». Sur la base de ce raisonnement, la CIJ a conclu qu’en
l’absence de conflit de normes, une violation alléguée des normes
de
jus cogens n’a pas d’incidence
sur l’applicabilité du droit de l’immunité. Bien que ces affaires concernent
l’immunité des Etats, l’immunité des organisations internationales
est également de nature procédurale: des considérations similaires
peuvent donc s’appliquer. Cet argument a été admis par la Cour dans
l’arrêt
Stichting Mothers of Srebrenica, lorsqu’elle
a confirmé l’immunité des Nations Unies. Cela pose la question de
savoir si le fait d’octroyer l’immunité, même en cas de violations
graves des droits de l’homme, ne va pas trop loin
.
35. Admettre l’immunité des organisations internationales, même
en cas de graves violations, pourrait particulièrement poser problème
puisque, comme nous l’avons indiqué plus haut, les autres mécanismes
de contrôle dont disposent les Etats (dont la possibilité d’engager
une action devant les juridictions nationales et l’obligation de
rendre des comptes sur la scène politique interne) n’existent pas
pour les organisations internationales. De fait, les arrêts
Al-Adsani (à Strasbourg) et
Jurisdictional Immunities (à La
Haye), qui portaient uniquement sur l’immunité des Etats, ont donné
lieu à de fortes divergences d’opinion. Notamment les opinions dissidentes
du juge Cançado Trindade dans l’arrêt
Jurisdictional
Immunities et des juges Rozakis et Caflisch, auxquels
se sont associés les juges Wildhaber, Costa, Cabral Barreto et Vajić,
dans l’arrêt
Al-Adsani, soulignaient
que le principe de l’immunité des Etats n’avait pas pour but de
permettre aux Etats de s’exonérer de leur obligation de répondre
de leurs actes en cas de graves violations des droits de l’homme
et que, de même que certaines juridictions ont ordonné une levée
de l’immunité dans des affaires pénales ayant trait à de graves
violations des droits de l’homme
, l’immunité ne
devrait pas exister en matière civile en cas d’atteinte portée à
des normes non dérogables. Ces divergences ne remettent pas en cause
la légitimité des conclusions de ces deux juridictions, mais elles
soulignent le fait qu’on ignore si les organisations internationales
devraient bénéficier d’une immunité de principe immuable. En résumé,
il reste possible d’imaginer à l’avenir que l’immunité des organisations
internationales se limitera aux affaires qui n’ont pas trait à la
violation alléguée de droits non dérogables, en dépit des décisions
contraires de la Cour internationale de justice et de la Cour de
Strasbourg dans leur jurisprudence respective.
36. De fait, de solides arguments plaident en faveur de la levée
de l’immunité d’une organisation internationale, au moins en cas
de graves violations des droits de l’homme. Les droits concernés
seraient dans les grandes lignes analogues aux droits non dérogables
énumérés dans l’article 15 de la Convention européenne des droits
de l’homme: le droit à la vie, le droit à ne pas être soumis à la
torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants,
le droit à ne pas être tenu en esclavage et le droit à ne pas être condamné
à une peine prévue par une loi rétroactive. Comme il ne peut être
dérogé à ces droits même en période de guerre ou d’état d’urgence,
il n’est pas déraisonnable de penser qu’une immunité absolue serait déplacée
en de pareilles circonstances. De même, si l’immunité des organisations
internationales doit être fonctionnelle, la violation de ces droits
non dérogables ne saurait à l’évidence être considérée comme faisant partie
des fonctions statutaires des organisations internationales visant
à préserver la paix, la sécurité et le bien public dans le monde
ou dans une région. Bien que la Cour ait écarté cet argument à l’égard
des Nations Unies dans l’affaire Stichting
Mothers of Srebrenica, le statut unique des Nations Unies,
garantes de la paix et de la sécurité internationales, signifie
que le modèle d’une immunité au minimum fonctionnelle reste au moins valable
pour les autres organisations internationales.
37. En tout état de cause, les organisations internationales conservent
la possibilité de renoncer à leur immunité si elles ne la jugent
pas strictement nécessaire à l’exercice indépendant de leurs fonctions.
Dans le même ordre d’idées, le Comité de l’ILA a suggéré qu’il faudrait
renoncer à l’immunité «si une telle renonciation est requise pour
la bonne administration de la justice» et que «les situations dans
lesquelles une telle renonciation porterait préjudice à l’intérêt
de l’organisation internationale» doivent être interprétées de manière restrictive
.
38. Il arrive que les organisations internationales renoncent
à leur immunité, conformément à la recommandation précitée du Comité
de l’ILA, mais cela se limite bien souvent au cadre des poursuites
pénales engagées à l’encontre des agents d’une organisation, pour
leurs propres actes présumément répréhensibles et commis de manière
autonome. En matière civile et de droits de l’homme, les organisations
sont particulièrement peu susceptibles de renoncer à leur immunité
lorsqu’elles mettent en œuvre des politiques plus controversées
ou très largement répandues, qui s’avèrent préoccupantes sur le
plan des droits de l’homme ou impliquent la prise de mesures à haut
niveau au sein de l’organisation
. Ainsi, les Nations
Unies préfèrent négocier ou répondre devant de petites juridictions
aux actions engagées en matière civile à propos d’opérations de
maintien de la paix, plutôt que de renoncer à leur immunité
. Elles ont par exemple
refusé de renoncer à leur immunité lors de récentes tentatives faites
pour les tenir responsable des actes du contingent de maintien de
la paix en Haïti, qui ont entraîné une épidémie de choléra et, par
voie de conséquence, la mort de plusieurs milliers d’Haïtiens
;
elles ont adopté la même position à l’égard des forces de maintien
de la paix en Bosnie
et de l’action
de la MINUK au Kosovo
. Cela pose la question de savoir
comment les organisations internationales peuvent être incitées
à faire plus souvent usage de la possibilité de renonciation à l’immunité.
39. Plus généralement, il serait utile de procéder à une analyse
plus détaillée des circonstances particulières et sans équivalent
dans lesquelles s’inscrit l’immunité des organisations internationales
et des limites qui pourraient être fixées à cette immunité. Lors
de la réunion de la commission des questions juridiques et des droits
de l’homme à Izmir en mai 2013, le professeur Rick Lawson a proposé
que l’ILC engage une réflexion sur cette question et a encouragé
la Cour de Strasbourg à revoir sa jurisprudence en la matière.
4.2. Les organisations
internationales devant les instances juridictionnelles internationales
40. Lors de leur adhésion aux traités, les Etats acceptent
souvent les mécanismes (de nature juridictionnelle ou quasi-juridictionnelle)
de règlement des conflits qui y sont associés. De cette manière,
les particuliers, qui n’ont généralement pas la capacité de porter
plainte au niveau international, disposent tout de même de mécanismes
leur permettant de demander des comptes aux Etats. Tel est le cas,
notamment, dans le domaine de la protection des droits de l’homme.
Comme nous l’avons noté précédemment, les organisations internationales
ne sont généralement pas signataires des traités de droits de l’homme,
et ne sont donc pas soumises aux mécanismes correspondants de règlement
des conflits. De ce fait, il est pratiquement impossible pour un
particulier de demander directement des comptes à une organisation
internationale au niveau international.
41. Cela a été illustré dans les affaires
Behrami
et Behrami et
Saramati devant
la Cour européenne des droits de l’homme, qui portait sur des événements
découlant de la présence civile et de sécurité internationale au
Kosovo
. L’affaire
Behrami et Behrami concernait un
groupe d’enfants qui avait découvert des bombes de l’OTAN non désamorcées,
dont l’une avait explosé, tuant un garçon et en blessant gravement
un autre. L’affaire
Saramati concernait
l’arrestation de Ruzdhi Saramati sous l’autorité des présences internationales. Attribuant
le comportement en question aux Nations Unies, la Cour a rejeté
sa compétence
ratione personae. Si
le comportement avait été attribué aux Etats membres concernés,
la Cour aurait pu examiner la requête. Ces cas montrent bien les
lacunes auxquelles sont confrontés les individus dans le domaine
de la protection des droits de l’homme lorsqu’un comportement prétendument
en violation de ces droits est attribué à une organisation internationale
non soumise aux mécanismes de contrôle internationaux.
42. A ce jour, la seule décision de soumettre pleinement une organisation
internationale à un traité relatif aux droits de l’homme et au mécanisme
de contrôle correspondant a été adoptée dans l’article 6 du Traité
de Lisbonne, qui dispose que l’Union européenne «adhère» à la Convention
européenne des droits de l’homme. L’adhésion de l’Union européenne
à la Convention modifiera fondamentalement la relation entre les
deux systèmes juridiques et soumettra l’Union européenne à la compétence
de la Cour européenne des droits de l’homme, offrant à des requérants
individuels la possibilité de dénoncer l’action de l’Union européenne directement
devant la Cour. Etant donné que tous les Etats membres de l’Union
européenne ont ratifié la Convention et que cette situation ne changera
pas après l’adhésion de l’Union européenne à la Convention, on aboutira
à une situation unique, dans laquelle l’Union européenne et ses
Etats membres seront Parties à la Convention et pourront simultanément
être appelés à répondre de leurs actes devant la Cour.
43. Une évolution moins radicale, mais néanmoins remarquable,
est le choix volontaire de certains de se soumettre aux mécanismes
internationaux de suivi existants, sans devenir officiellement Partie
au traité de droits de l’homme correspondant. Tel a été le cas pour
la MINUK et l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN)
opérant au Kosovo. Ces derniers ont accepté unilatéralement d’être
liés par les dispositions d’un certain nombre de traités relatifs
aux droits de l’homme, mais également de se soumettre aux procédures
de suivi associées. Le premier acte de ce type a été la conclusion
d’un accord entre la MINUK et le Conseil de l’Europe en rapport
avec la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales
(STE n° 157) en 2004. Dans ce contexte, la MINUK est tenue de présenter
des rapports au Comité des Ministres, qui peut lui adresser des
recommandations. Des accords similaires ont été mis en place en
ce qui concerne les visites du Comité européen pour la prévention
de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants
(CPT) dans les lieux au Kosovo où des personnes sont privées de
liberté par la MINUK et l’OTAN
.
44. Si les organisations internationales devenaient, en leur nom
propre, Parties à des traités relatifs aux droits de l’homme, cela
permettrait non seulement de définir l’étendue exacte des obligations
qui leur incombent (voir section 2.2), mais également de les soumettre
aux mécanismes de contrôle respectifs. Cela pose la question de
savoir dans quelle mesure il est souhaitable et possible de prévoir
des dispositifs permettant aux organisations internationales de
devenir Parties aux traités internationaux relatifs aux droits de l’homme.
45. Afin de renforcer la protection des droits de l’homme au niveau
international de manière plus générale, il pourrait être possible
de modifier le statut de la Cour internationale de Justice, afin
de permettre aux organisations internationales d’être Parties à
une procédure engagée devant elle. A l’heure actuelle, seuls les principaux
organes et certaines agences spécialisées des Nations Unies peuvent
saisir la Cour de La Haye d’une demande d’avis consultatif. Grâce
à cette modification, les Etats et les autres organisations internationales
auraient la possibilité d’engager une action en justice contre les
actes des organisations internationales qui enfreignent les régimes
des traités, le droit international coutumier ou les principes généraux
du droit (des droits de l’homme). L’Association de droit international
avait songé à cette possibilité, tout en admettant que cette évolution
était politiquement peu probable au moment de la publication du
rapport (2004)
.
4.3. Points forts et
faiblesses des mécanismes internes de contrôle
46. Compte tenu des possibilités limitées d’exiger des
organisations internationales qu’elles répondent de leurs actes
devant des organes judiciaires nationaux ou internationaux, des
mécanismes internes pourraient offrir un moyen de remédier aux lacunes
en matière de responsabilité. Sans surprise, les mécanismes qui
ont été établis volontairement par les organisations internationales
sont aussi divers que ces organisations elles-mêmes. Le présent
rapport ne pourra donc en donner qu’une description succincte. Ce
sujet mérite néanmoins d’être étudié plus avant.
47. Les mécanismes internes les plus courants qui ont été établis
sont ceux qui permettent de traiter les conflits du travail au sein
des organisations internationales. N’englobant même pas la totalité
des litiges de droit privé, ces mécanismes ne prévoient pas de réparation
pour les activités publiques des organisations internationales.
Le traitement que les organisations internationales réservent à
leurs agents est néanmoins pour elles l’un des moyens les plus évidents
et les plus ordinaires d’avoir une incidence directe sur l’existence des
individus, sans passer par le truchement des Etats. Le contentieux
relatif aux agents retient souvent peu l’attention de l’opinion
publique et des milieux politiques; il est pourtant lourd de conséquences.
Ce contentieux peut en effet s’avérer préoccupant à l’égard d’un
certain nombre de droits de l’homme, dont le droit d’accès à un
tribunal effectif et le droit à être traité par son employeur de
façon équitable et sans discrimination ni harcèlement.
48. En raison de l’immunité dont jouissent la plupart des organisations
internationales devant les juridictions nationales, les litiges
qui opposent les organisations internationales et leurs agents sont
en principe réglés par un recours à d’autres procédures ou juridictions
internes de règlement des contentieux. Parmi ces tribunaux figurent
le Tribunal du contentieux administratif des Nations Unies (TCNU)
et le Tribunal d’appel des Nations Unies (TANU), le Tribunal administratif
de la Banque mondiale (WBAT) et le Tribunal administratif de l’Organisation
internationale du travail (TAOIT). Mais l’adéquation et le caractère
effectif de ces instances ont suscité un certain nombre de préoccupations,
notamment eu égard au faible nombre de décisions rendues à l’encontre
des organisations concernées, à l’accès à un défenseur, à la possibilité
de faire appel, à la dimension écrite et non orale des audiences
et à l’indépendance de ces tribunaux, dont les juges sont souvent nommés
par le chef de l’organisation concernée
.
A la suite de la publication en 2006 d’un rapport qui soulignait
ces problèmes, les Nations Unies ont engagé une réforme de leurs
procédures internes. Toutefois, bien que ce nouveau système remédie
à certaines défaillances susmentionnées, notamment en améliorant l’accès
à un défenseur, la possibilité de faire appel devant une instance
d’appel et une plus grande indépendance des juges, de nombreux requérants
ne bénéficient toujours pas de l’assistance de défenseurs qualifiés,
les juges sont quelquefois dépourvus d’expérience dans le droit
applicable en la matière et les tribunaux ne disposent pas de moyens
qui leur permettent d’assurer de manière certaine l’exécution de
leurs décisions
. Ces préoccupations
amènent à se demander si la Cour de Strasbourg a qualifié de façon
exacte, ou après un examen suffisamment détaillé, ces procédures
et les procédures appliquées par d’autres organisations internationales,
lorsqu’elle a estimé, notamment dans les affaires
Beer et Regan et
Waite et Kennedy, qu’elles représentaient
un autre moyen satisfaisant de règlement des litiges.
49. Il convient de souligner qu’il ne s’agit pas ici d’approfondir
l’examen des procédures de règlement du contentieux en matière de
contrat de travail des organisations internationales, ni d’indiquer
les procédures qu’il conviendrait d’appliquer. Cette question est
néanmoins pertinente, dans la mesure où le choix fait par les Etats de
reconnaître l’immunité procédurale de ces organisations devant les
juridictions nationales et la participation des Etats à l’élaboration
des procédures applicables ont une incidence sur l’obligation de
ces organisations de répondre de leurs actes en cas de violation
des droits de l’homme, ainsi que sur l’obligation des Etats membres du
Conseil de l’Europe de rendre des comptes. De fait, la Cour a eu
à connaître à de nombreuses reprises de ces procédures de règlement
des litiges.
50. La Cour a systématiquement choisi de ne pas appliquer la Convention
aux affaires de litiges entre les organisations internationales
et les agents à leur service. Dans les affaires susmentionnées
Beer et Regan et
Waite et Kennedy, la Cour a confirmé
l’immunité de l’Agence spatiale européenne devant les juridictions internes
des Etats concernés, alors que les requérants soutenaient que cette
immunité les privait de la possibilité d’un procès équitable
.
De même, dans les affaires
Boivin et
Connolly, qui portaient toutes deux sur
des litiges en matière de droit du travail au sein des institutions
de l’Union européenne, la Cour de Strasbourg a jugé les requêtes
irrecevables
ratione personae,
considérant que les actes en question avaient été commis directement
par des institutions internationales et non par les Etats membres
Parties à la Convention
.
Toutefois, dans l’affaire
Gasparini,
qui concernait un litige relatif à un agent de l’OTAN, la Cour a
adopté une autre position, en estimant que le grief soulevé était
lié à une défaillance structurelle de l’OTAN, qui impliquait les
Etats membres de l’OTAN et rendait par conséquent la requête recevable
.
La Cour a néanmoins considéré que l’instance d’appel de l’OTAN assurait
une protection équivalente à celle de la Convention européenne des
droits de l’homme et n’a dès lors pas fait droit à la demande du
requérant. Comme la Cour avait auparavant affirmé que la «protection
équivalente» des organisations internationales devait uniquement
être comparable et non identique à la protection assurée par la
Convention européenne des droits de l’homme
,
il est à nouveau difficile de dire dans quelle mesure la volonté
de tenir les Etats responsables des procédures de règlement des
litiges internes relatifs aux agents des organisations internationales, manifestée
dans l’arrêt
Gasparini, favorisera
l’appréciation sur le fond de ces procédures par la Cour.
51. Pour les activités considérées comme étant particulièrement
sensibles du point de vue des droits de l’homme, certaines organisations
internationales ont mis en place des mécanismes de contrôle spécifiques aux
droits de l’homme, allant au-delà du contexte restreint de l’emploi.
Ces mécanismes peuvent faciliter la surveillance des activités des
organisations et offrir aux personnes une voie de recours contre
d’éventuelles violations de leurs droits de l’homme. Les exemples
suivants donnent un aperçu des initiatives prises en la matière
par des organisations internationales.
52. La procédure de recours devant le Panel d’inspection de la
Banque mondiale est ouverte aux personnes qui considèrent qu’elles
ont été lésées par un projet. Toutefois, elle assure la conformité
avec les politiques opérationnelles de la Banque mondiale et ne
tient donc compte des droits de l’homme que dans la mesure où ils
sont intégrés à ces politiques. Certains soutiennent que cela restreint
considérablement l’efficacité du mécanisme en termes de protection
des droits de l’homme.
53. Les «listes noires» du Comité du Conseil de sécurité des Nations
Unies concernant Al-Qaida et les individus et entités qui lui sont
associés suscitent bien des difficultés sur le plan des droits de
l’homme. Le Comité des sanctions établit une liste d’individus suspectés
d’être associés aux Taliban ou à Al-Qaïda, sur la base d’informations
fournies principalement par les membres du Conseil de sécurité des
Nations Unies. Tous les Etats membres des Nations Unies ont l’obligation
d’imposer aux personnes qui figurent sur cette liste une interdiction
de déplacement, un gel des avoirs et un embargo sur les armes. Cette
procédure a été vivement critiquée en raison de sa non-conformité
avec les normes des droits de l’homme; lui sont notamment reprochés l’absence
de mécanisme d’examen approfondi des informations présentées à l’appui
des listes, l’impossibilité pour les personnes inscrites d’être
entendues et l’absence d’accès de ces personnes à une instance indépendante
et impartiale pour la révision des mesures adoptées
.
54. Ce régime a fait l’objet d’un certain nombre d’améliorations
du point de vue des droits de l’homme, notamment la création du
bureau de l’Ombudsman par la Résolution 1904 (2009) du Conseil de
sécurité des Nations Unies. Ce bureau est habilité à recevoir les
demandes de radiation de la liste déposées par les individus et
entités qui y figurent. Les pouvoirs limités de l’Ombudsman dans
le cadre de ce mécanisme interne ont toutefois été critiqués. Les
principales lacunes étaient l’absence de pouvoir décisionnel de
l’Ombudsman lui permettant de renverser la décision d’inscription
sur la liste prise par le Comité du Conseil de sécurité, le fait
que son mandat ne prévoie pas de possibilité formuler des recommandations
au Comité et le fait que son accès aux informations soit tributaire
de la disposition des Etats à les divulguer
. Certains de ces manquements
ont été corrigés par la Résolution 1989 (2011) du Conseil de sécurité
des Nations Unies, qui donne à l’Ombudsman le pouvoir de formuler
des recommandations concernant les radiations de la liste, recommandations
qui entrent automatiquement en application si le Comité ne s’y oppose
pas. Sans chercher à les minimiser, il se pose la question de savoir
si ces améliorations sont suffisantes pour assurer la protection des
droits de l’homme des personnes inscrites sur les listes
.
55. Le recours aux médiateurs ou à d’autres mécanismes similaires
pour contrôler les activités des organisations internationales représente
un moyen prometteur de renforcer leur obligation de répondre de leurs
actes. Il y a lieu de se féliciter du recours au médiateur dans
le cadre des sanctions prises en matière de lutte contre le terrorisme,
comme nous l’avons indiqué plus haut; mais les améliorations dans
ce domaine restent possibles. Il est indispensable de conférer aux
médiateurs des compétences et une autorité suffisantes pour qu’ils
puissent agir comme un véritable mécanisme de contrôle des activités
des organisations internationales. L’Ombudsman du Comité des sanctions
concernant Al Qaïda, par exemple, peut recommander la radiation
d’une personne inscrite sur la liste, mais cette recommandation
peut être rejetée par consensus si le Comité s’y oppose ou si elle
est renvoyée devant le Conseil de sécurité
. Il est également difficile
de dire dans quelle mesure l’Ombudsman a accès à toutes les informations
pertinentes, notamment aux informations classées secret défense
à partir desquelles les listes de personnes soupçonnées d’activités terroristes
sont bien souvent établies. Ainsi, bien qu’elles représentent une
amélioration importante de la situation antérieure, les compétences
de l’Ombudsman ne sont pas équivalentes à celles d’une juridiction
qui exerce un contrôle juridictionnel. Il reste toujours possible
de faire prévaloir les considérations politiques sur une appréciation
neutre des éléments de preuve et sur les préoccupations d’équité
et de respect de la procédure. De plus, le recours aux médiateurs
pourrait être étendu au-delà de la question des sanctions relatives
à Al Qaïda et à d’autres fonctions des Nations Unies, comme le maintien
de la paix. Des organisations autres que les Nations Unies pourraient
également recourir davantage aux médiateurs ou à des instances similaires
(le Panel d’inspection de la Banque mondiale, que nous avons examiné
plus haut, offre un exemple de ce type d’instance).
56. Une autre organisation fait usage de ces mécanismes de contrôle
interne: INTERPOL. En vertu de l’article 3 de la Constitution d’INTERPOL,
l’organisation ne peut intervenir pour prêter assistance aux activités politiques,
militaires, religieuses ou à caractère racial de ses Etats membres
. Elle a néanmoins
été critiquée pour avoir émis des «notices rouges» et avoir notifié
d’autres mandats d’arrêt lancés par un Etat membre et diffusés auprès
des autres Etats membres dans des affaires de poursuites motivées
par des considérations politiques
. L’arrestation d’un militant russe
de la défense de l’environnement par la police espagnole, qui l’a ensuite
remis en liberté
, tout comme celle
d’un militant pour l’indépendance de la Papouasie occidentale, ont suscité
un certain nombre de préoccupations
.
57. INTERPOL applique à l’heure actuelle un certain nombre de
procédures pour éviter de se rendre complice de poursuites motivées
par des considérations politiques. Le secrétariat général procède
à un contrôle en amont
(ex ante)
des demandes qu’il reçoit et conserve une liste des affaires douteuses
sous surveillance, bien qu’il dispose de peu d’éléments à leur sujet.
De plus, les personnes qui font l’objet de notices rouges peuvent
les contester auprès de la Commission de contrôle des fichiers d’INTERPOL;
les Etats membres ont également la possibilité de contester les
demandes provenant d’autres Etats membres, bien que cette démarche
soit rare. Cette possibilité de contestation offerte aux intéressés
est un exemple positif du type de mécanisme de contrôle qui pourrait
être élaboré par les organisations internationales. Toutefois, on
peut s’inquiéter du fait que la voie de recours qu’offre la Commission,
dont la procédure n’est pas contradictoire, dont les décisions ne
sont pas motivées, et dont les solutions ne sont pas contraignantes,
ne satisfait pas aux critères d’une procédure en bonne et due forme,
adaptée aux conséquences qu’elle entraîne pour les intéressés
.
Les défaillances alléguées de cette procédure, que nous venons d’exposer,
conduisent à penser que les améliorations restent possibles, peut-être
en faisant preuve d’une plus grande prudence et en renforçant le
degré de contrôle en amont des affaires douteuses par le secrétariat.
Ce contrôle en amont s’avère particulièrement important, puisque
les personnes contraintes à contester le bien-fondé de notices rouges
émises à tort peuvent être arrêtées ou sujettes à d’autres sanctions
avant que leur affaire ne soit contrôlée. Les Etats pourraient également
contrôler davantage le bien-fondé des notices rouges avant d’y donner
suite. Ce faisant, ils pourraient suivre l’exemple du Royaume-Uni,
pour qui ces notices rouges ne sont pas un motif suffisant d’arrestation
et qui les soumet à une évaluation des risques lorsqu’elles proviennent d’Etats
non membres de l’Union européenne
. Il convient
par ailleurs de ne pas oublier que les Etats n’ont pas l’obligation
de donner suite aux notices rouges et doivent être tenus pleinement
responsables des mesures qu’ils prennent à la suite des informations
communiquées par INTERPOL ou des organisations similaires, et donc
tenus d’en répondre.
58. Etant une fonction gouvernementale classique, l’administration
des territoires par des organisations internationales a un impact
direct sur la vie des individus et doit donc s’accompagner de garanties
juridiques appropriées. Pour la première fois dans l’histoire, des
mécanismes de recours en matière de droits de l’homme ont été créés
dans le cadre de l’administration du Kosovo par MINUK et EULEX.
En 2000, un bureau de l’Ombudsman a été créé et en 2006 un Comité
consultatif des droits de l’homme a été établi pour apporter un mécanisme
de mise en œuvre des responsabilités de la MINUK en matière de droits
de l’homme
. Un Comité d’examen
des droits de l’homme chargé de missions similaires a été créé pour
l’EULEX. Ces comités ont à ce jour rendu un certain nombre de décisions,
qui se fondent en général sur la Convention européenne des droits de
l’homme, et ont conclu à la violation, par les organisations concernées,
des droits consacrés par la Convention dans quelques affaires. Ils
se sont également montrés prêts à remédier à des violations graves
et controversées des droits de l’homme. Le HRAP a récemment conclu
dans l’affaire
Jočić que
la MINUK avait violé les articles 2 et 3 de la Convention en ne
menant pas d’enquête en bonne et due forme sur la disparition et
la mort d’un civil serbe du Kosovo
.
59. Bien que leur création constitue une amélioration considérable
sur le plan de la protection des droits de l’homme, ces comités
ont été la cible de critiques. Leurs recommandations ne sont pas
juridiquement contraignantes et la MINUK et l’EULEX ne sont pas
obligées d’y donner suite. En novembre 2013, la MINUK n’avait toujours
pas indemnisé les victimes de violations des droits de l’homme,
comme le recommandait pourtant le Comité
, tandis que le HRRP n’était
pas même autorisé à recommander le versement d’une indemnisation
par l’EULEX
. De plus, la compétence du HRAP
se limite aux actes commis par la MINUK, principalement, à partir
du 23 avril 2005, c’est-à-dire après la plus importante période
de violence de la région, ce qui souligne combien il importe d’instituer
des mécanismes de contrôle des droits de l’homme dès le
début de l’intervention des organisations
internationales, et non une fois que ces organisations ont déjà
été saisies d’un certain nombre de plaintes en matière de droits
de l’homme (comme cela a été le cas pour le HRRP). Les habitants
du Kosovo connaissent mal l’existence et la fonction des comités.
Toutefois, ces deux comités offrent un modèle d’utilisation possible
pour les situations futures dans lesquelles les organisations internationales exerceront
des fonctions d’administration. Le recours à ces comités à l’avenir,
ainsi que l’établissement indispensable d’organes chargés de contrôler
la mise en œuvre des décisions des comités, méritent toute notre
attention.
60. De fait, il convient de noter qu’aucune instance équivalente
de contrôle du respect des droits de l’homme n’existe pour la Bosnie-Herzégovine,
malgré la présence de la force militaire de l’Union européenne EUFOR ALTHEA
et les pouvoirs importants du Bureau du Haut Représentant (OHR),
créé par l’Accord de paix de Dayton et avalisé par le Conseil de
sécurité des Nations Unies
. L’OHR est tenu de remettre
ses rapports d’activité au Secrétaire Général des Nations Unies,
qui les transmet au Conseil de sécurité; mais il n’existe aucun
mécanisme de surveillance indépendant ni aucun moyen, pour un particulier,
d’obtenir réparation en cas de violation des droits de l’homme commise
par les forces et l’administration internationales, comme c’est possible
au Kosovo. Cette situation souligne encore à quel point la surveillance
d’une organisation internationale et l’obligation pour elle de répondre
de ses actes doivent être renforcées lorsque celle-ci assure l’administration
d’un territoire.
61. Bien qu’ils constituent une première étape vers davantage
de responsabilité, bon nombre de mécanismes internes ne donnent
pas lieu à des décisions contraignantes et sont dépourvus de pouvoirs d’exécution.
Le mécanisme de contrôle de loin le plus puissant en matière de
droits de l’homme a été établi au sein de l’Union européenne. Les
droits fondamentaux constituent des principes généraux de l’ordre
juridique de l’Union européenne et la Charte des droits fondamentaux
de l’Union européenne est juridiquement contraignante, ayant «la
même valeur juridique que les traités
».
Lorsqu’ils interprètent ces droits, les organes de l’Union européenne
ont l’obligation de tenir compte de l’interprétation des droits
équivalents de la Convention européenne des droits de l’homme retenue
par la Cour, la protection assurée par la Charte ne pouvant être
inférieure à celle de la Convention
. Bien qu’il n’y ait pas de procédure
spécifique de réclamation en matière de droits de l’homme, les deux
principales voies de recours directes contre l’Union offertes aux individus
sont le recours en annulation (qui comporte un examen de la légalité
des mesures prises par l’Union européenne) et le recours en réparation.
Il est à noter que l’Union européenne est la seule organisation internationale
qui a créé des tribunaux ayant compétence sur des questions de responsabilité
non contractuelle. La Cour de Justice de l’Union européenne peut
évaluer la conformité avec les droits de l’homme de l’activité des
institutions et organes de l’Union et des Etats membres de l’Union
européenne lorsqu’ils agissent dans le cadre du droit de l’Union
européenne.
62. Il pourrait être utile pour d’autres organisations internationales
de suivre à certains égards l’exemple de l’Union européenne. S’agissant
de décisions politiques de grande portée prises à haut niveau par
des organisations internationales, comme les résolutions du Conseil
de sécurité des Nations Unies ou une décision de lancement d’une
opération militaire prise par l’OTAN ou une organisation similaire,
il sera sans doute inopportun que les juridictions nationales ou
les juridictions administratives de première instance statuent sur la
légalité de ces décisions. Aussi, en l’absence de voie de recours
devant les juridictions internationales (voir plus haut la partie
4.2), les organisations internationales pourraient s’inspirer avantageusement
de l’exemple de l’Union européenne, en soumettant leurs décisions
à un contrôle interne, afin d’en assurer la conformité avec les
normes relatives aux droits de l’homme. La Commission européenne
procède à une analyse d’impact des propositions de textes de loi,
afin d’apprécier leurs effets probables sur les droits consacrés
par la Charte, et est tenue d’expliquer ces effets dans une note
. Le Royaume-Uni a adopté un mécanisme
similaire prévu par la loi relative aux droits de l’homme, qui a
codifié la Convention européenne des droits de l’homme dans la législation
nationale et impose à l’exécutif d’insérer, dans les projets de
loi déposés devant le parlement, une déclaration de compatibilité
qui explique en quoi ils sont conformes à la loi (ou déclare expressément
qu’ils ne sont pas conformes, mais que le parlement procédera à
leur examen)
. Le Conseil de sécurité
ou des organes équivalents ne pourraient-ils avoir l’obligation
d’insérer une déclaration sur la compatibilité de leurs actes avec les
obligations en matière de droits de l’homme de l’organisation (y
compris les obligations en matière de droits de l’homme consacrées
par le droit coutumier, celles prévues par un traité ou celles auxquelles
l’organisation elle-même décide de se soumettre)? Les Etats pourraient
également instituer des procédures internes similaires et tenir
compte de la compatibilité des actes des organisations internationales
dont ils partagent la responsabilité (par exemple les actes en faveur
desquels ils ont voté au sein des structures décisionnelles de l’organisation)
avec leurs propres obligations nationales ou internationales relatives
aux droits de l’homme.
63. Cela montre que les mécanismes internes peuvent même fournir
une «protection équivalente», comme l’a noté la Cour européenne
des droits de l’homme dans l’affaire Bosphorus. L’intérêt des mécanismes internes est
qu’ils permettent de contrôler l’activité des organisations internationales
tout en protégeant leur autonomie. En outre, ils peuvent être adaptés
aux besoins des organisations internationales et permettent donc
de tenir dûment compte de la diversité de ces dernières. Il serait
souhaitable de recenser les bonnes pratiques en la matière et d’encourager
les organisations internationales à les adopter. A cet égard, il
est important que les mécanismes internes soient suffisamment solides
pour assurer une protection effective aux individus victimes de
violations des droits de l’homme.
4.4. Répartition de
la responsabilité entre plusieurs acteurs
64. Le travail des organisations internationales se caractérise
souvent par une interaction étroite avec leurs Etats membres. Le
renforcement de l’interaction et de la coopération s’accompagne
néanmoins d’un risque accru de dommages résultant de l’action coopérative.
Dans de nombreux cas, comme dans les opérations de maintien et de
rétablissement de la paix, d’autres opérations militaires ou l’administration
de territoires, les organisations internationales ont recours au
personnel des Etats membres pour la réalisation de certaines missions.
Pour pouvoir demander des comptes à l’acteur responsable, il faut
déterminer qui a commis la violation des droits de l’homme présumée
– en d’autres termes, à qui attribuer le comportement en cause.
65. La disposition pertinente des ARIO précise que «[l]e comportement
d’un organe d’un Etat ou d’un organe ou agent d’une organisation
internationale mis à la disposition d’une autre organisation internationale est
considéré comme un fait de cette dernière d’après le droit international
pour autant qu’elle exerce un contrôle effectif sur ce comportement
». Cette disposition
a engendré d’importants désaccords sur le sens de l’expression «contrôle
effectif». De l’avis de l’ILC, cette notion renvoie au contrôle
qui est exercé dans les faits sur le comportement en cause, et non
aux liens institutionnels entre l’acteur individuel et l’Etat ou
l’organisation internationale
.
66. Dans l’affaire
Behrami,
la Cour européenne des droits de l’homme a attribué le comportement
relatif aux présences internationales au Kosovo aux Nations Unies
plutôt qu’aux Etats membres impliqués et a donc déclaré la requête
irrecevable
ratione personae.
De nombreux commentateurs de l’affaire
Behrami ont
critiqué l’application par la Cour des règles relatives à l’attribution
du comportement, notamment en ce qui concerne le comportement de
la KFOR. En particulier, sa décision de relier la notion de délégation
à l’évaluation de l’attribution du comportement et l’application
du critère de «l’autorité et du contrôle ultimes» plutôt que de
celui du «contrôle effectif» a été jugée non conforme à la disposition
pertinente des ARIO. Dans son arrêt ultérieur en l’affaire
Al-Jedda, la Cour, se référant expressément
au critère du contrôle effectif tel qu’énoncé à l’article 7 actuel
des ARIO, a attribué le comportement relatif à la présence internationale
en Irak aux Etats membres plutôt qu’aux Nations Unies
.
Cette conclusion a été bien accueillie par la plupart des commentateurs,
non seulement car le résultat correspondait mieux à la réalité,
mais également en raison de la prise en compte par la Cour du critère
du contrôle effectif.
67. Ces affaires illustrent le fait qu’à tous les échelons – international,
national ou interne – les organes chargés de la protection des individus
contre les violations de droits de l’homme commises dans le cadre
des activités des organisations internationales seront régulièrement
confrontés au problème de la répartition de la responsabilité entre
l’organisation et ses Etats membres. Les dispositions relatives
à l’attribution de la responsabilité manquent de clarté, ce qui
nuit à leur application cohérente par les juridictions compétentes
aux différents niveaux et place les individus concernés dans une
situation où ils ont du mal à savoir contre qui ils doivent porter
plainte.
5. Responsabilité
des Etats membres relativement aux actes des organisations internationales
68. Le fait de donner aux organisations internationales
une personnalité juridique internationale distincte de leurs Etats
membres et de leur transférer des pouvoirs sans les soumettre à
des mécanismes de contrôle effectifs pour remédier aux éventuelles
violations des droits de l’homme créé une lacune évidente en matière de
responsabilité. Cela risque de compromettre le droit à un recours
pour toute personne victime de violations des droits de l’homme.
La nécessité de combler cette lacune a engendré des discussions
sur la question de savoir si les Etats peuvent être tenus pour responsables
de faits des organisations internationales dont ils sont membres.
De manière générale, l’attribution aux Etats membres de la responsabilité
d’actes d’organisations internationales du simple fait de leur qualité
de membres de ces organisations serait en contradiction évidente avec
leur personnalité juridique distincte. Le principal défi à relever
consiste donc à octroyer un recours effectif aux individus tout
en garantissant la personnalité juridique indépendante des organisations
internationales.
69. D’ordinaire, les Etats ne voient pas leur responsabilité engagée
pour des violations des droits de l’homme commises par une organisation
internationale du simple fait de leur qualité de membres de cette organisation.
Néanmoins, il peut y avoir des circonstances dans lesquelles il
semble justifié de demander des comptes aux Etats membres, en lieu
et place de l’organisation internationale ou en plus de cette dernière,
soit en raison du degré d’implication de l’Etat membre, soit du
fait – évoqué à la section 4 – que, bien souvent, les individus
ne disposent pas de recours directs contre les organisations internationales.
Cela permet notamment d’empêcher que des Etats membres qui exercent
une influence considérable sur le comportement d’une organisation
internationale impliquant une violation des droits de l’homme ne
se «dissimulent» derrière l’organisation internationale.
70. La nécessité de rendre les Etats responsables de leur participation
au comportement d’une organisation internationale est examinée dans
la cinquième partie des ARIO. Les articles 58 à 60 disposent que
le fait, pour un Etat, d’aider et d’assister, de diriger et de contrôler
ou de contraindre une organisation internationale dans la commission
par celle-ci d’un fait entraîne une responsabilité «indirecte».
Bien que de toute évidence, les Etats disposent souvent de divers
moyens d’aider et d’assister ou de diriger et de contrôler le comportement des
organisations internationales, les articles 58 à 60 ne traitent
pas de la situation spécifique de la relation entre les organisations
internationales et leurs Etats membres.
71. En revanche, dans les articles 61 et 62 des ARIO, l’Etat qui
engage sa responsabilité est nécessairement un membre de l’organisation
internationale. L’article 61 aborde expressément la relation particulière
entre les organisations internationales et leurs Etats membres,
ainsi que le risque que les Etats membres utilisent les organisations
internationales pour se soustraire à leurs responsabilités. Aux
termes de l’article 61, un Etat membre d’une organisation internationale
engage sa responsabilité s’il contourne l’une de ses obligations
en amenant l’organisation à commettre un fait qui, s’il avait été
commis par cet Etat, aurait constitué une violation de cette obligation.
Cette idée a été développée par la Cour européenne des droits de l’homme,
en particulier dans des affaires concernant le transfert de pouvoirs
à l’Union européenne et les obligations des Etats membres découlant
de la Convention. Comme l’a affirmé la Cour dans l’arrêt
Bosphorus, «il serait contraire
au but et à l’objet de la Convention que les Etats contractants
soient exonérés de toute responsabilité au regard de la Convention
dans le domaine d’activité concerné [par ce transfert]
».
Les Etats doivent veiller à ce que l’organisation internationale
à laquelle ils transfèrent des pouvoirs offre une protection équivalente
des droits de l’homme. Leur responsabilité peut être mise en jeu
au regard de la Convention s’il s’avère que la protection offerte
par cette organisation internationale est entachée d’une insuffisance manifeste
.
72. Cette jurisprudence a pour but d’empêcher les Etats de compromettre
l’efficacité des garanties de la Convention en transférant des compétences
à des organisations internationales. L’article 61 vise de manière similaire
à éviter que les Etats ne contournent leurs obligations internationales
en se servant de la personnalité juridique distincte des organisations
internationales. Cela étant, la jurisprudence
Bosphorus envisage
la présomption de compatibilité avec les droits de l’homme comme
une exception à la règle selon laquelle une Partie Contractante
reste responsable «des actes et omissions en question, qu’ils découlent
du droit interne ou de la nécessité d’observer des obligations juridiques
internationales
». A l’inverse,
dans l’article 61 des ARIO, la responsabilité des Etats membres
est définie comme une exception, ne s’appliquant que lorsqu’un Etat
contourne ses obligations internationales.
73. D’aucuns se demanderont si les circonstances limitées dans
lesquelles la responsabilité des Etats membres peut être engagée
pour leur comportement relativement à des faits d’organisations
internationales sont suffisantes. L’ILC note que «[l]’idée que les
Etats membres ne sont pas en général responsables n’exclut pas qu’il
y ait certains cas, autres que ceux envisagés aux articles précédents,
dans lesquels l’Etat serait responsable du fait internationalement
illicite de l’organisation
».
Pour s’assurer que les individus disposent d’un recours contre les
violations de droits de l’homme commises par les organisations internationales,
il faudra peut-être lever le voile des organisations internationales
et demander aux Etats membres de répondre des actes de celles-ci
dès lors qu’aucune autre voie de recours n’est disponible. On peut
également se demander si les Etats membres ne seraient finalement
pas les mieux placés pour doter les organisations internationales
de mécanismes de contrôle effectifs lorsqu’ils les créent. Mais
le fait de tenir les Etats responsables des actes des organisations
internationales en se fondant uniquement sur leur qualité de membres
de ces dernières présente non seulement le risque que les Etats
aient à répondre d’actes dont ils n’ont pas véritablement eu la
maîtrise, mais également des difficultés d’ordre logistique à la
fois pour le requérant, qui devra engager une action à l’encontre
d’un très grand nombre d’Etats défendeurs, et pour les Etats défendeurs,
qui devront convenir d’une défense commune.
74. Pour accroître le nombre de voie de recours disponibles, tout
en garantissant l’existence d’un lien parfaitement clair entre les
actes des Etats et leur obligation d’en répondre, on pourrait imaginer
de tenir les Etats responsables des décisions qu’ils ont votées
ou des actes similaires adoptés dans l’administration des organisations
internationales. La raison de l’obligation faite aux Etats de répondre
des actes commis par suite de leurs propositions et de leur participation
pourrait s’interpréter comme un moyen de permettre que la responsabilité
des Etats soit engagée pour le rôle qu’ils ont joué dans la prise
de décision des organisations internationales. Ainsi, l’article
59 des ARIO, qui mentionne les actes «dirigés et contrôlés» par
un Etat, pourrait être appliqué pour tenir les Etats responsables
des actes en faveur desquels ils ont voté au sein du Conseil de sécurité
des Nations Unies ou d’une instance similaire
. Cette
forme d’obligation de répondre de ses actes semblerait parfaitement
légitime dans les situations où un Etat a voté en faveur d’un programme
qui implique ce qui pourrait être considéré en soi, à première vue,
comme une violation des droits de l’homme, par exemple un régime
de sanctions du Conseil de sécurité des Nations Unies; elle serait
plus délicate à justifier lorsque d’éventuelles violations des droits
de l’homme ont été commises dans le cadre de la mise en œuvre de programmes,
par exemple les activités de la MINUK au Kosovo. Dans l’affaire
Behrami, la Cour n’a pas voulu appliquer
la Convention à des actes tels que le vote des membres permanents
du Conseil de sécurité ou la participation de troupes à des missions
de sécurité des Nations Unies, considérant qu’une ingérence dans
la mission confiée aux Nations Unies, assurer la paix et la sécurité,
serait source de préoccupations
. Mais le fait que par la suite la Cour ait
été disposée dans l’affaire
Nada à
examiner les suites données par les Etats aux résolutions du Conseil
de sécurité des Nations Unies laisse penser que la Convention pourrait
être appliquée au rôle joué par un Etat dans la prise de décision.
Il est également possible que les juridictions se montrent davantage
prêtes à statuer en ce sens dès lors qu’il n’est plus question des
Nations Unies, les préoccupations exprimées dans l’arrêt
Behrami étant dans ce cas moins
évidentes. Il convient de réfléchir davantage à la viabilité et
aux conséquences du fait d’amener de la sorte les Etats à répondre
de leurs actes.
75. En l’absence de moyens juridictionnels permettant aux individus
de contester les faits d’organisations internationales, dans des
affaires récentes, les tribunaux les ont soumis à un contrôle indirect.
Dans l’affaire
Kadi et Al Barakaat,
la CJUE a annulé le Règlement de la CE mettant en œuvre le régime
de sanctions du Conseil de sécurité de des Nations Unies à l’encontre
de M. Kadi et de la fondation Al Barakaat pour violation des droits
fondamentaux. Cette décision a ouvert une possibilité pour les individus
de contester indirectement les «listes du terrorisme» du Comité
des sanctions du Conseil de sécurité des Nations Unies en s’attaquant aux
mesures d’application, même lorsque la violation des droits de l’homme
n’a pas été commise dans un domaine laissé à la discrétion de l’organe
chargé de l’application
.
Une approche similaire a été suivie par la Cour européenne des droits
de l’homme dans l’affaire
Nada,
dans laquelle la Cour a jugé la Suisse responsable d’une violation
des droits découlant de la Convention dans le cadre de la mise en
œuvre du régime de sanctions du Conseil de sécurité des Nations
Unies à l’encontre de M. Nada. Toutefois, dans l’affaire
Nada, la Cour a refusé d’examiner
la hiérarchie des normes entre la Charte des Nations Unies et la
Convention européenne des droits de l’homme et si la Charte des
Nations Unies doit garder automatiquement sa suprématie en vertu
de l’article 103 de la Charte même, lorsque les obligations nées
de la Charte pour un Etat lui imposent de ne pas respecter ses obligations
nées de la Convention. La Cour a au contraire conclu que le régime
de sanctions accordait à la Suisse un degré de souplesse qu’elle
n’avait pas exploité. Néanmoins, bien que la Cour ait jugé que la
Suisse «aurait dû convaincre la Cour qu’elle avait pris – ou au
moins tenté de prendre – toutes les mesures envisageables en vue
d’adapter le régime des sanctions à la situation individuelle du
requérant», il était clair qu’en retirant M. Nada de la liste, la
Suisse aurait nécessairement agi en violation de ses obligations
internationales
.
L’affaire
Nada a considérablement
accru la portée géographique de conception du recours à un contrôle
indirect.
76. Cette situation place les Etats membres devant un dilemme
lorsqu’ils sont soumis à des obligations internationales qui sont
sources de préoccupations en matière de droits de l’homme et n’autorisent
cependant aucune véritable souplesse (on pourrait dire que l’affaire Nada représente ce type de situation).
Ils sont contraints, soit de ne pas s’acquitter des obligations
qui s’imposent à eux en leur qualité de membre d’une organisation
internationale, soit ils contreviennent à leurs obligations en matière
de droits de l’homme. Cela dit, le contrôle indirect peut avoir
des répercussions sur les possibilités de contrôle direct. Tout
d’abord, le fait de se retrouver face à ce dilemme pourrait inciter
les Etats membres à proposer la création de mécanismes effectifs
de contrôle des actes des organisations internationales. D’un autre
côté, si les Etats membres persistent à ne pas respecter les obligations
découlant de leur qualité de membre d’une organisation internationale
en raison d’une non-conformité avec les droits de l’homme, l’efficacité
de l’organisation pourrait s’en trouver gravement compromise. Partant,
les organisations internationales jugeront peut-être utile de s’assurer
qu’elles ne demandent pas aux Etats membres d’agir en violation
des droits de l’homme dans le cadre des mesures d’application. Cet
effet du contrôle indirect sur les mécanismes de contrôle direct
peut être illustré par la création d’une institution de l’Ombudsman
relative aux «listes du terrorisme» du Conseil de l’Europe, juste
après l’arrêt de la CJUE dans l’affaire Kadi.
77. Ce dilemme pourrait être tranché en imposant à l’Etat défendeur
d’user de son influence au sein de l’organisation internationale
concernée pour exercer des pressions et voter en faveur d’un changement
de politique. La Cour, dans l’arrêt Nada,
et notamment dans l’opinion concordante des juges Bratza, Nicolaou
et Yudkivska en l’espèce, est allée dans ce sens. Cette interprétation
des obligations nées de la Convention pour un Etat présente l’avantage
de tenir les Etats responsables de leurs propres actes et omissions
substantiels, tout en préservant les personnalités juridiques distinctes
de l’organisation et de ses Etats membres, en amenant uniquement
les Etats à répondre des choix qui s’offraient à eux dans le cadre
statutaire de l’organisation. Toutefois, cette approche ne comblerait
pas le vide juridique qui concerne les actes commis de façon autonome
par les organisations elles-mêmes. Les Etats pourraient certes être
tenus de contester devant une juridiction les actes des organisations
internationales dont ils sont membres lorsque ceux-ci sont constitutifs
d’une violation de leurs obligations en matière de droits de l’homme;
mais il faudrait pour cela qu’une instance adéquate existe, devant
laquelle l’acte de l’organisation pourrait être contesté; l’absence
d’une telle instance est abordée plus en détail plus haut.
78. Le deuxième moyen de remédier à ce problème consisterait à
tenir compte de l’approche retenue par le juge Malinverni dans son
opinion concordante exprimée dans l’arrêt Nada.
Le juge Malinverni a admis l’existence d’un indéniable conflit entre
les obligations de la Suisse à l’égard des Nations Unies et ses obligations
relatives aux droits de l’homme, tout en affirmant que les obligations
à l’égard des Nations Unies devaient être examinées à la lumière
des droits consacrés par la Convention. Ainsi, selon lui, lorsqu’une organisation
internationale n’a pas mis en place de mécanisme de protection des
droits de l’homme comparable ou équivalent à celui qu’a institué
un Etat membre, l’Etat serait en situation de violation de ses obligations
relatives aux droits de l’homme quand bien même il respecterait
ce que l’organisation lui impose. Ce point de vue découle d’une
conception des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies équivalente
à celle de la hiérarchie des actes réglementaires au sein d’un ordre
juridique national. Dès lors, ces résolutions ne doivent pas primer
sur d’autres instruments de droit international, comme la Convention. Selon
cette conception, seule la Charte des Nations Unies elle-même (qui
équivaut à un acte législatif), et non l’ensemble des décisions
des organes des Nations Unies, prime en vertu de l’article 103 de
la Charte.
6. Conclusions
et propositions
79. Les organisations internationales sont devenues des
acteurs importants dans l’ordre juridique international et ont largement
contribué au développement de la protection des droits de l’homme
au niveau international. Néanmoins, le présent rapport montre qu’en
dépit de l’impact croissant que leurs travaux peuvent avoir sur
la vie des individus, il existe un certain nombre de déficiences
dans la protection des individus contre les violations des droits
de l’homme commises par les organisations internationales. Compte
tenu de la personnalité juridique distincte des organisations internationales,
leurs Etats membres ne sont généralement pas responsables des actes
de ces organisations. L’octroi de la personnalité juridique aux
organisations internationales sans l’assortir de mécanismes de contrôle
effectifs est à l’origine d’une lacune en matière de responsabilité.
En outre, cela fait courir le risque que les Etats membres se servent
des organisations internationales comme d’un «écran» lorsque se
pose la question des responsabilités. Les principales difficultés rencontrées
sont l’absence d’instances permettant aux individus de demander
des comptes aux organisations internationales et les obstacles procéduraux,
comme l’immunité devant les juridictions nationales.
80. En règle générale, les ordres juridiques internes prévoient
des mécanismes de contrôle relativement solides en matière de droits
de l’homme. Toutefois, le fait de soumettre les organisations internationales
à la compétence des juridictions nationales peut compromettre leur
autonomie. C’est pourquoi les organisations internationales se voient
accorder de fait une immunité juridictionnelle absolue devant les
juridictions nationales. Diverses options sont envisageables pour
limiter les effets préjudiciables de cette vaste immunité sur la
possibilité, pour les victimes individuelles, de demander des comptes
aux organisations internationales en cas de violations des droits
de l’homme. Lorsque l’on examine ces options, il importe d’avoir
conscience que des mécanismes différents pourraient être plus adaptés
à des situations différentes. Le recours à des juridictions nationales
ou locales pourrait être approprié en cas de contentieux relatif
au droit du travail ou à la (mauvaise) administration d’un territoire,
mais cette procédure pourrait être inadaptée à l’examen de la légalité d’un
régime de sanctions ou d’une opération militaire. En l’espèce, il
serait plus judicieux d’utiliser des mécanismes qui imposent l’appréciation
de la compatibilité d’une politique avec les obligations relatives
aux droits de l’homme, comme l’analyse d’impact à laquelle se livre
la Commission européenne. De même, le recours à des juridictions
internationales parfois lentes et coûteuses peut ne pas être adapté
à des griefs d’envergure modeste, soulevés par une personne dans
le cadre d’un contentieux du droit du travail ou d’une opération
de maintien de la paix.
81. Les organisations internationales pourraient être incitées
à recourir à la possibilité de renoncer à l’immunité, lorsque celle-ci
n’est pas strictement nécessaire à l’exercice indépendant de leurs
fonctions
. Les Nations Unies et les autres
organisations pourraient être encouragées à établir une politique
claire et actualisée en matière de renonciation à leur immunité
et l’Assemblée parlementaire pourrait inviter ces organes à débattre
de l’opportunité de procéder à des réformes dans ce domaine. En
outre, conformément à la jurisprudence pertinente de la Cour européenne
des droits de l’homme, l’immunité pourrait être subordonnée à l’établissement
d’autres mécanismes de contrôle de la responsabilité, qui seraient
examinés attentivement, afin de garantir qu’ils offrent un moyen
satisfaisant d’obtenir réparation, compatible avec les normes relatives aux
droits de l’homme. Cela inciterait les organisations internationales
à œuvrer plus activement en faveur de la mise en place de mécanismes
de contrôle internes. Une autre possibilité consisterait à ne pas
tenir compte de l’immunité lorsqu’une violation de normes non dérogables
est alléguée ou lorsque l’organisation outrepasse ses fonctions
statutaires. Comme cela a été proposé au cours de la réunion à Izmir
de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme,
la Commission de droit international pourrait être invitée à se pencher
sur la question de l’immunité des organisations internationales
devant les juridictions nationales et il pourrait être utile, pour
la Cour de Strasbourg, d’étoffer sa jurisprudence dans ce domaine.
82. L’ordre juridique international a une fonction importante
dans la protection des individus contre les violations des droits
de l’homme. Cela dit, à ce jour, les organisations internationales
n’étant pour la plupart pas parties aux traités relatifs aux droits
de l’homme, elles ne sont pas soumises aux mécanismes de contrôle correspondants.
Une exception remarquable est l’adhésion envisagée de l’Union européenne
à la Convention européenne des droits de l’homme. Un avantage non
négligeable des mécanismes internationaux, par rapport aux mécanismes
internes, est la perspective d’une indépendance et d’une objectivité
accrues des mécanismes de contrôle de responsabilité externes. Il
peut donc être souhaitable que des dispositions soient prises pour que
les organisations internationales aient à se soumettre aux mécanismes
internationaux de contrôle en matière de droits de l’homme et pour
qu’elles puissent être Parties à un litige devant les juridictions
existantes, comme la Cour internationale de Justice.
83. Les mécanismes de contrôle de responsabilité internes ont
connu un certain nombre d’évolutions positives. Leur intérêt réside
clairement dans le fait qu’ils ne compromettent pas l’autonomie
des organisations internationales tout en garantissant aux individus
une protection de leurs droits fondamentaux. En outre, ils peuvent
offrir des mécanismes adaptés aux besoins spécifiques des diverses
organisations internationales. Il serait souhaitable de recenser
les bonnes pratiques en la matière, notamment celles qui sont suffisamment solides
pour garantir une protection effective aux individus victimes de
violations des droits de l’homme, et d’encourager les organisations
internationales à les adopter. Il serait également utile d’examiner
de façon plus approfondie les avantages et les inconvénients des
mécanismes de surveillance en vigueur, comme ceux qui existent dans
le domaine du contentieux du droit du travail ou de l’administration
des territoires, de façon à pouvoir les réformer si besoin est et
à fournir des connaissances sur ce sujet, qui s’avéreront utiles
lors de l’établissement à l’avenir de régimes similaires. Enfin,
le recours aux médiateurs et à d’autres instances comparables devrait
être étendu à un plus grand nombre de domaines et les pouvoirs dont
ils disposent devraient être suffisants pour leur permettre de procéder
à un solide contrôle des décisions des organisations.
84. On pourrait affirmer qu’en l’absence d’autres voies de recours,
les Etats membres devraient non seulement avoir à répondre de leur
participation aux actes des organisations internationales mais aussi
de manière plus générale, avoir à répondre directement de ces actes.
Cette approche reviendrait toutefois à nier purement et simplement
la personnalité indépendante des organisations internationales.
Le contrôle indirect des actes des organisations internationales
par le contrôle juridictionnel des mesures d’application prises
par les Etats membres pourrait par ailleurs contribuer au renforcement
de la transparence, car il pourrait aboutir à la création de mécanismes
de contrôle internes. Cela dit, ce contrôle indirect n’est pas toujours
possible car il n’y a pas systématiquement de mesures d’application
par les Etats membres. Dans pareille situation, d’absence de voies
de recours alternatives, se pose la question de savoir si les Etats
devraient porter la responsabilité des actes des organisations internationales
dont ils sont membres, ou, de façon peut-être plus limitée, des
actes en faveur desquels ils ont voté, qu’ils ont encouragés ou
auxquels ils n’ont pas opposé leur veto (pour autant qu’ils disposent
d’un droit de veto). Il importe cependant de se montrer prudent
à l’égard des difficultés inhérentes au fait d’imposer une responsabilité
collective à un grand nombre d’Etats membres.
85. Une approche intéressante à noter est celle du Gouvernement
suisse, qui a informé le Conseil de sécurité des Nations Unies d’une
motion du Parlement suisse prévoyant la non-application de sanctions
contre les individus figurant sur la liste du Comité des sanctions,
lorsque certaines garanties minimales ne sont pas apportées
.
A l’instar du contrôle indirect, cette façon de procéder pourrait
inciter les organisations internationales à s’assurer qu’elles ne
demandent pas aux Etats membres d’agir en violation des droits de l’homme
dans le cadre des mesures de mise en œuvre, sous peine de voir ces
derniers délaisser les obligations découlant de leur qualité de
membre de l’organisation, ce qui risquerait de compromettre gravement
l’efficacité de l’organisation.
86. A la lumière des considérations qui précèdent, il pourrait
être opportun que le Conseil de l’Europe, en sa qualité d’organisation
internationale spécialisée dans les questions ayant trait aux droits
de l’homme, réfléchisse au moyen de répondre à l’invitation lancée
dans la
Résolution
66/100 (2011) de l’Assemblée générale des Nations Unies relative au texte de la Commission du droit international
sur la responsabilité des organisations internationales, et veille
à y donner suite dans le cadre de ses compétences, eu égard à l’obligation
de répondre de ses actes qui s’impose à lui ainsi qu’à celle qui
s’impose aux autres organisations internationales. L’invitation
lancée par l’Assemblée Générale des Nations Unies dans sa Résolution
66/100 du 9 décembre 2011 est libellée comme suit:
«3. Prend note des articles sur
la responsabilité des organisations internationales présentés par
la Commission du droit international, dont le texte figure en annexe
à la présente résolution, et les recommande à l’attention des gouvernements et des organisations internationales,
sans préjudice de leur adoption éventuelle ou de toute autre mesure
appropriée qui pourrait être prise…»