1. Introduction
1.1. Procédure
1. La proposition de résolution intitulée «La protection
des mineurs contre l’influence des sectes» présentée par M. Christos
Pourgourides et plusieurs de ses collègues (
Doc. 12595)
a été renvoyée à la commission des
questions juridiques et des droits de l’homme le 20 juin 2011. Le
7 septembre 2011, la commission m’a nommé rapporteur lors de sa
réunion qui s’est tenue à Paris.
2. Afin de faire la lumière sur la problématique en question,
la commission a tenu une audition sur ce sujet, le 6 septembre 2012
à Paris, avec la participation des experts suivants:
- Professeur Sophie van Bijsterveld,
Université de Tilburg, membre du Sénat, Pays-Bas;
- M. Georges Fenech, député à l’Assemblée nationale, ancien
président de la Miviludes;
- M. Maksym Yurchenko, avocat, membre de l’Association pour
la protection de la famille et de la Personnalité, Ukraine.
3. En mars 2013, un questionnaire a été envoyé aux délégations
parlementaires des Etats membres, par l’intermédiaire du Centre
européen de recherche et de documentation parlementaire (CERDP)
, en vue de recueillir davantage de
données sur l’étendue du phénomène sectaire et l’état de la législation
en matière de la protection des mineurs contre les dérives sectaires.
En outre, j’ai effectué deux missions d’enquête en vue de rencontrer
les représentants des institutions et de la société civile engagés
dans la lutte contre les dérives sectaires et la protection de l’enfance:
la première à Stockholm (Suède), le 12 décembre 2012
, et la deuxième à Berlin (Allemagne)
, le 7 juin 2013.
1.2. Problématique et
terminologie
4. La proposition de résolution rappelle l’engagement
du Conseil de l’Europe en faveur de la protection des intérêts des
mineurs et son acquis dans ce domaine. Elle met l’accent sur la
nécessité d’examiner la question de l’influence des sectes sur les
mineurs au niveau européen, le phénomène sectaire pouvant engendrer
des violations des droits de l’homme, notamment dans le domaine
de la santé, de l’éducation et du respect des libertés individuelles.
Vu leur vulnérabilité, les enfants et les adolescents peuvent facilement
être victimes de mauvais traitements tant physiques que psychologiques.
5. Plusieurs recherches démontrent l’impossibilité de trouver
un consensus sur la définition du terme «secte». Il est évident
que toute activité menée par des «sectes» n’est pas illégale, même
si certaines actions de ces groupes peuvent susciter des doutes
à cet égard. Ce qui nous intéresse dans le contexte de ce rapport ce
sont plutôt les «dérives sectaires», qui, selon la Miviludes (Mission
interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires)
française, se caractérisent «par la mise en œuvre de pressions ou
de techniques ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir
ou d’exploiter chez une personne un état de sujétion psychologique
ou physique, à l’origine de dommages pour cette personne ou pour
la société». Ce terme, qui n’est toutefois pas défini dans la législation
française
,
a été également employé par la Conférence des organisations internationales
non gouvernementales (OING) du Conseil de l’Europe dans sa recommandation du
27 janvier 2011
. Le
Centre d’Information et d’Avis sur les Organisations Sectaires Nuisibles
(CIAOSN) belge traite, en revanche, du “phénomène des organisations
sectaires nuisibles”
.
1.3. Les mineurs et
les dérives sectaires
6. Les dérives sectaires peuvent notamment influer sur
les relations familiales des mineurs, leur bien-être social, spirituel
et moral ainsi que leur santé ou peuvent engendrer la violence,
y inclus sexuelle, sous couvert de doctrine ou d’éducation
.
Selon la Miviludes, malgré la complexité du phénomène des dérives
sectaires affectant les mineurs, il est possible de distinguer trois
situations types: 1) lorsque l’enfant se trouve dans une famille
dont les parents sont des adeptes d’un mouvement sectaire; 2) lorsque
l’enfant est pris en charge par un praticien – adepte d’un tel mouvement;
3) lorsque le mineur (adolescent) est séduit par un discours alternatif et
absolu des membres de ces mouvements, ce qui peut le mener à rompre
tout lien avec sa famille
. Quand un mineur est
soumis à des pratiques de «dérives sectaires», on retient de manière
générale ce faisceau d’indices: isolement et désocialisation (ruptures
au sein du couple parental, ruptures des liens entre les parents et
les enfants, négligence de l’enfant par les parents, isolement social,
enfermement suite à une scolarisation à domicile ou dans des écoles
privées), atteintes physiques (maltraitance physiques, abus sexuels,
privation de sommeil ou de repos du fait de séances prolongées de
culte), régime alimentaire carencé (par exemple, suppression de
protéines animales, produits cuits), rupture de suivi thérapeutique
et privation de soins conventionnels (aussi refus des vaccinations
obligatoires, refus des transfusions), déscolarisation (par exemple,
abandon d’études), changement important du comportement de l’enfant,
embrigadement ou discours stéréotypé ou absence d’expression autonome
.
La déstabilisation mentale est toujours présente dans le cas de
ces dérives, quoiqu’elle puisse être combinée avec d’autres critères
(le caractère exorbitant des exigences financières, la rupture avec
l’environnement d’origine, l’existence d’atteintes à l’intégrité
physique, l’embrigadement des enfants, le discours antisocial, les
troubles à l’ordre public, etc.)
.
2. Les instruments
du droit international concernant la protection de l’enfance
7. Ainsi, il convient de se pencher sur l’état actuel
des travaux du Conseil de l’Europe, d’une part, dans le domaine
de la protection de l’enfance, et, d’autre part, dans celui de la
liberté de pensée, de conscience et de religion. Jusqu’ici le Conseil
de l’Europe n’a que rarement examiné la question des dérives sectaires.
Toutefois, il a toujours agi en faveur de l’intérêt supérieur de
l’enfant, ce que le nombre de conventions
et de recommandations du Comité des
Ministres
concernant les droits de l’enfant
illustre très bien. De plus, le Conseil de l’Europe promeut une
culture du «vivre ensemble»
et l’Assemblée parlementaire s’est
exprimée à plusieurs reprises en faveur de la liberté de pensée,
de conscience et de religion, en déplorant toute forme de discrimination
et d’intolérance envers les groupes religieux minoritaires, y inclus
ceux qui sont apparus récemment sur notre continent
.
8. Rappelons aussi que la Convention des Nations Unies relative
aux droits de l’enfant («la CDE»), adoptée à New York le 20 novembre
1989 et ratifiée par tous les Etats membres du Conseil de l’Europe,
est le texte fondateur en ce qui concerne la protection de l’enfant
en droit international
. Les obligations découlant de la
CDE sont de nature plutôt générale et requièrent des mesures d’application
(législatives, administratives et autres) au niveau national. Même
si la CDE n’aborde pas directement la question des dérives sectaires affectant
les enfants, elle se penche sur un nombre de sujets pertinents dans
ce contexte: les relations personnelles de l’enfant (article 9.3),
l’accès à la justice (article 12.2), le droit de s’exprimer librement
(articles 12 et 13), la liberté de pensée, de conscience et de religion
(article 14), la santé (article 24.1), l’éducation (articles 28
et 29), la protection contre l’exploitation et la violence sexuelle
et toute sorte d’exploitation (articles 24, 32 et 36). Le Préambule
de la Convention rappelle notamment que «l’enfant, pour l’épanouissement harmonieux
de sa personnalité, doit grandir dans le milieu familial, dans un
climat de bonheur, d’amour et de compréhension»: le rappel de ce
principe est particulièrement important au vu de la dévotion exigée
par certains mouvements religieux pouvant mener à une rupture avec
leurs familles, ou de la complexité des situations dans lesquelles
les parents, dont un est adepte d’un tel mouvement, se séparent.
3. Les travaux de
l’Assemblée parlementaire concernant la protection de l’enfance
contre les abus
9. L’Assemblée a, à plusieurs reprises, préconisé le
bien-être et la protection des enfants
. Dans sa
Résolution 1530 (2007) «Enfants victimes: éradiquons toutes les formes de violence,
d’exploitation et d’abus», elle a exprimé sa préoccupation quant
au nombre élevé d’enfants qui sont victimes de «violence, de maltraitance,
d’exploitation, de traite, du trafic de leurs organes, de prostitution
infantile et de pédopornographie, notamment du fait de leur vulnérabilité,
de leur incapacité juridique en tant que mineurs et de l’insuffisance
de la protection juridique et sociale qui leur est accordée». Elle
a appelé les Etats membres à prendre des mesures visant à renforcer
la protection de l’enfance, à mettre en place un organisme national centralisant
les informations concernant les enfants victimes desdits abus et
à créer «un observatoire de la maltraitance» aussi bien au niveau
national qu’européen.
10. En outre, dans sa
Recommandation
1778 (2007) «Enfants victimes: éradiquons toutes les formes de violence,
d’exploitation et d’abus», l’Assemblée a demandé au Comité de Ministres
d’adopter une convention qui viserait, entre autres, à protéger
les enfants contre «toutes les atteintes à leur intégrité physique
ou morale, quelles que soient leurs causes et leurs formes» et que
cette préconisation reste valable
, malgré l’adoption, en octobre
2007, de la Convention sur la protection des enfants contre l’exploitation
et les abus sexuels (STCE n° 201, «Convention de Lanzarote»)
. En outre, dans une autre recommandation
datant de 2002, l’Assemblée avait également demandé au Comité des
Ministres d’envisager la création d’un centre européen de données informatisées
sur les mineurs disparus, qui centraliserait les données et pourraient
offrir aux services de la police, aux familles, aux associations
de bénévoles, etc., les informations et l’aide nécessaires à leur localisation
et à leur recherche
, mais le Comité
des Ministres a jugé que donner suite à cette proposition était prématuré
. Récemment, l’Assemblée s’est penchée
sur la problématique du droit des enfants à l’intégrité physique
dans sa
Résolution 1952
(2013) et sa
Recommandation
2023 (2013) .
Dans cette dernière, elle a invité le Comité des Ministres «à prendre
pleinement en compte la question du droit des enfants à l’intégrité physique
lors de l’élaboration et de l’adoption de sa nouvelle stratégie
sur les droits de l’enfant (…), en particulier en ce qui concerne
la lutte contre toutes les formes de violence contre les enfants
et la promotion de la participation des enfants aux décisions qui
les concernent».
4. La liberté de religion
et les autres dispositions de la Convention européenne des droits
de l’homme applicables en matière de l’activité des «sectes»
11. Il n’existe pas de règles au niveau européen visant
spécifiquement les activités des «sectes» ou des «nouveaux mouvements
religieux». L’exercice de leurs activités tombe surtout dans le
champ de l’application de l’article 9 (liberté de pensée, de conscience
et de religion), de l’article 10 (liberté d’expression) et de l’article 11
(liberté d’association) de la Convention européenne des droits de
l’homme (STE n° 5, «la Convention»). L’article 9 comprend deux paragraphes.
Le premier définit le ou les droits à protéger, et le second paragraphe
précise les restrictions ou réserves qui peuvent légitimant s’appliquer
à la liberté de manifester sa religion ou ses convictions énoncée
au premier paragraphe. Le premier paragraphe garantit, à toute personne,
le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce
droit implique la liberté de changer de religion selon sa conscience
. Cela dit,
le droit de manifester sa religion peut être limité, si cette limitation
est «prévue par la loi» et «nécessaire dans une société démocratique»
pour une ou plusieurs raisons limitativement énoncées (article 9.2
de la Convention). Ainsi, même si la Cour européenne des droits
de l’homme («la Cour») accepte généralement que le prosélytisme
soit protégé sous l’angle de l’article 9 de la Convention, elle
a cependant admis qu’un prosélytisme abusif pouvait être interdit
ou restreint
.
12. Des restrictions peuvent également s’appliquer dans l’exercice
de la liberté d’expression et d’association (article 10.2 et article
11.2 de la Convention). De plus, d’autres dispositions de la Convention
peuvent être applicables dans ce domaine, en particulier: l’article
14 (de la Convention) et l’article 1 du Protocole n° 12 (interdiction
de discrimination), l’article 2 du Protocole n° 1 (droits des parents
d’assurer l’éducation et l’enseignement de leurs enfants conformément
à leurs convictions religieuses et philosophiques) ou l’article
17 (interdiction de l’abus des droits et des libertés prévus dans
la Convention, provenant de l’Etat ou des personnes privées). Toutefois,
les «dérives sectaires» peuvent porter atteinte aux autres droits
et libertés garantis par la Convention, notamment aux droits absolus,
tels que l’article 2 (droit à la vie), l’article 3 (interdiction
de la torture), article 4 (interdiction de l’esclavage et du travail
forcé), ainsi qu’au droit à la liberté et à la sûreté (article 5)
ou au droit au respect de la vie privée et familiale (article 8).
13. En ce qui concerne la jurisprudence de la Cour sur les sectes,
il convient de constater qu’elle est pour le moins très libérale.
Premièrement, la Cour s’abstient de donner une définition des sectes
et reconnaît l’existence de minorités religieuses en général. Deuxièmement,
la Cour ne s’est jamais prononcée sur la question d’interdiction
d’un mouvement religieux quelconque. Ainsi, même lorsqu’il y a des
faits portés à sa connaissance sur les pratiques sectaires pénalement
punissables, elle se limite (car ne pouvant agir autrement en raison
de son rôle bien spécifique) à donner une analyse sur la légalité,
la nécessité et la proportionnalité des mesures prises par les autorités
nationales
. Le peu d’arrêts
concernant cette problématique portent surtout sur l’instruction
, la garde d’enfants
, la liberté de religion
, la liberté d’expression
,
ainsi que sur la «déprogrammation» des leaders sectaires
.
L’analyse de la jurisprudence en la matière montre que la majorité
d’arrêts rendus concerne les Témoins de Jéhovah (notamment sous
l’angle de l’article 9 de la Convention).
14. La Cour n’a jamais rendu des arrêts portant directement sur
les mineurs – victimes de l’influence des sectes directement ou
par le biais de leurs parents ou des personnes les ayant pris en
charge. Cette absence d’arrêts s’explique en partie par la spécificité
de la procédure devant la Cour. Ainsi, si la Convention (article
34) prévoit la possibilité pour «toute personne physique» (donc,
par conséquent, pour les mineurs) de saisir la Cour en leur propre
nom, elle ne les dispense pas pour autant de l’obligation d’épuisement
des voies de recours internes. Or, en droit national les mineurs
rencontrent un problème lié au manque de capacité juridique pour
agir. Cela étant dit, il est difficile d’imaginer une situation,
dans laquelle les parents ou les représentants légaux – adeptes
d’un mouvement sectaire – saisiraient les tribunaux afin de protéger
ces enfants contre eux-mêmes.
5. La position des
instances européennes concernant le phénomène des dérives sectaires
5.1. Les initiatives
de l’Assemblée
15. La problématique des «sectes» est apparue dans les
textes de l’Assemblée pour la première fois en 1992. Le thème qui
a fait l’objet d’un rapport de notre commission dès 1992, sous l’impulsion
de Sir John Hunt (Royaume Uni)
a montré les difficultés d’ordre
terminologique de la question
ou même l’impossibilité d’apporter une définition du mot «secte».
Comme l’a noté le rapporteur, «les sectes elles-mêmes récusent pour la
plupart cette appellation et lui préfèrent celle de
nouveau mouvement religieux, voire
de
religion». Alors qu’il n’est
pas possible de donner une définition juridique de la religion,
pas plus que des sectes, certains éléments distinguent l’une des
autres. Le rapporteur a souligné notamment que «si la religion suppose
pour ceux qui s’engagent un consentement libre et éclairé, dans
le cas de certaines sectes l’adepte, s’il est libre au moment de
l’adhésion, n’est pas éclairé et lorsqu’il est éclairé il n’est
généralement pas libre»; c’est là où l’on touche au problème des
libertés fondamentales et des droits de l’homme.
16. La
Recommandation
1178 (1992) relative aux sectes et aux nouveaux mouvements religieux
a été adoptée par l’Assemblée sur la base de ce rapport. Elle préconisait
des mesures d’information auprès du grand public sur la nature et
la finalité des sectes; à cet effet, les Etats membres du Conseil
de l’Europe devaient établir des «organismes indépendants» pour
«collecter et diffuser cette information»
. De plus, les Etats membres
ont été invités à adopter des mesures législatives en vue d’accorder
la personnalité juridique aux sectes, mais cette proposition n’a
pas été retenue par le Comité des Ministres
.
17. La recommandation en question mettait aussi l’accent sur la
protection des mineurs. A cet effet, elle invitait les Etats membres:
1) à inclure dans le programme du système d’éducation générale des
informations objectives sur les religions; 2) concernant plus précisément
les cas d’enlèvement d’enfants, à ratifier la Convention européenne
sur la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière de
garde des enfants et le rétablissement de la garde des enfants (STE
n° 105), et à adopter une législation permettant de lui donner effet;
3) à appliquer de manière plus rigoureuse la législation existante
concernant la protection des enfants; de surcroît, les membres d’une
secte devaient être informés qu’ils avaient le droit de la quitter.
18. La seconde initiative prise concernant ce thème date du rapport
de M. Adrian Nastase (Roumanie, Groupe socialiste) de 1999, intitulé
«Activités illégales des sectes» inspiré par certains événements
graves qui se sont produits entre temps (comme la tuerie de la secte
du temple solaire et celle de la secte aoum au Japon)
. Ce rapport de notre commission
a débouché sur la
Recommandation
1412 (1999). L’Assemblée a décidé qu’il n’était pas nécessaire de
définir la notion de secte ni de l’assimiler à une religion, au
vu des difficultés terminologiques rencontrées dans ce domaine
.
Pour autant, il ne faisait pas de doute pour l’Assemblée que les
activités de ces groupes «religieux, ésotériques ou spirituels»
(terme utilisé dans la recommandation) devaient être légales et
conformes aux principes démocratiques comme celui de la liberté religieuse,
garanti par la Convention.
19. L’Assemblée a préconisé certaines mesures en mettant notamment
l’accent sur la nécessité d’informer le grand public sur l’activité
des sectes. Elle a réitéré, à ce titre, la nécessité pour les Etats
membres de créer des centres nationaux ou régionaux d’information
et, vu la situation inquiétante dans les Etats d’Europe centrale
et orientale, a demandé au Comité des Ministres de prévoir une action
spécifique à cet effet dans ses programmes d’aide à ces pays. En
outre, elle a invité de nouveau les Etats membres à introduire des programmes
d’enseignement de la philosophie et de l’histoire de la pensée des
grands courants religieux. Cette dernière mesure devait viser notamment
les adolescents, dans le cadre des programmes scolaires. En outre,
l’Assemblée a engagé les Etats membres à favoriser les procédures
civile et pénale contre les pratiques illégales des sectes.
20. Bien que presque toutes les recommandations de l’Assemblée
aient reçu l’appui du Comité des Ministres, une recommandation importante
n’a cependant pas reçu son aval, faute de ressources humaines et financières
; il s’agissait de la création
d’un observatoire européen sur «les groupes à caractère religieux, ésotérique
ou spirituel» dont la tâche serait de faciliter les échanges entre
les centres nationaux
. De plus, la proposition de l’Assemblée
visant à inclure des actions spécifiques dans les programmes d’aide
aux pays d’Europe centrale et orientale a été rejetée pour les mêmes
motifs.
21. Il convient de noter également que dans sa
Recommandation 1412(1999), l’Assemblée a attaché une «grande importance à la protection
des plus vulnérables, et notamment des enfants d’adeptes de groupes
à caractère religieux, ésotérique ou spirituel, en cas de mauvais
traitement, de viols, d’absence de soins, d’endoctrinement par lavage
de cerveau et de non-scolarisation qui rend impossible tout contrôle
de la part des services sociaux». De plus, elle a invité les Etats
membres à prendre des mesures concrètes (à part lesdites mesures
éducatives) comme celle de faire respecter sans exception l’obligation
de scolarité ou de créer des organisations non gouvernementales
pour les victimes ou les familles des victimes de ces groupes, notamment
dans les pays de l’Europe centrale et orientale.
5.2. L’initiative de
la Conférence des OING
22. Depuis 1999, l’Assemblée ne s’est plus penchée sur
la question du phénomène des sectes, à part quelques questions incidentes
. Par conséquent, en
janvier 2011, la Conférence internationale des organisations non
gouvernementales, regroupant près de 400 ONG (OING), a voté une
recommandation relative aux dérives sectaires et aux violations
des droits de l’homme
. Elle a manifesté sa préoccupation devant
l’inactivité du Conseil de l’Europe en la matière et elle a invité
l’Assemblée, le Comité des Ministres et le Congrès des pouvoirs
locaux et régionaux à y remédier, notamment par la création de centres
nationaux ou régionaux d’information sur les dérives sectaires.
Selon la Conférence des OING, les dérives sectaires entraînent des
violations des droits de l’homme, notamment dans le domaine de la
santé, de l’éducation et du respect de la vie familiale; les organisations
étant à leur origine “agissent souvent sous couvert de la liberté
de religion et mettent en péril des libertés fondamentales des citoyens
et constituent par là même une menace à la démocratie”. Ce phénomène
s’étend dans les pays de l’Europe centrale et orientale et ne diminue
pas en Europe de l’Ouest.
5.3. Les initiatives
du Parlement européen
23. Au sein de l’Union européenne, la problématique des
dérives sectaires a aussi fait l’objet de travaux du Parlement européen.
Deux résolutions portaient sur ce sujet – la résolution du 22 mai
1984, intitulée «Résolution sur une action commune des Etats membres
de la Communauté européenne à la suite de diverses violations de
la loi commises par de nouvelles organisations œuvrant sous le couvert
de la liberté religieuse» et contenue dans le «rapport Cottrell»
de 1984, et la résolution du 29 février 1996 intitulée «Les sectes
en Europe
». Les résolutions ont préconisé une
collecte de données quantitatives ainsi qu’un examen plus minutieux
des phénomènes sectaires, notamment dans les pays d’Europe centrale
et orientale. Néanmoins, le projet d’une troisième résolution sur
«Les sectes dans l’Union européenne», contenu dans le rapport de
Mme Maria Berger, n’a pas été retenu
. Ledit rapport constatait l’inactivité
des instances communautaires – de la Commission et du Conseil –
vis-à-vis des recommandations contenues dans les résolutions du
Parlement européen de 1984 et 1996. Ainsi, le bilan des travaux
du Parlement européen dans ce domaine demeure mitigé
.
24. Le bilan de la mise en œuvre des propositions contenues
dans les
Recommandation
1178 (1992) et
Recommandation
1412 (1999) de l’Assemblée demeure très modeste, vu le temps écoulé
depuis 1999. Même si ces deux résolutions ont préconisé la création
de centres d’information sur le plan national, seulement quelques
Etats membres ont répondu à cet appel en prenant des mesures concrètes.
Ainsi, deux Etats, la France et la Belgique, ont pris des mesures
législatives. La France a institué en 2002 la Miviludes, qui est
une mission interministérielle opérant auprès du Premier ministre
. La Miviludes
mène une action d’observation du phénomène sectaire, coordonne l’action
préventive et répressive des pouvoirs publics à l’encontre des dérives
sectaires, informe le public sur les risques liés à ce phénomène
et facilite l’aide aux victimes. Dans l’accomplissement de ces tâches,
elle coopère en particulier avec des partenaires associatifs, dont
la Fédération européenne des centres de recherche et d’information
sur le sectarisme (la FECRIS) et l’association australienne Cult
Information and Family Support. En outre, la loi dite About-Picard
détermine les conditions dans lesquelles
l’abus frauduleux de l’état de faiblesse d'une personne en situation
de sujétion psychologique est caractérisé et réprimé. Elle permet
même, dans certaines circonstances, la dissolution des personnes
morales exerçant des activités visant à la sujétion psychologique
ou physique des personnes
. Une loi similaire, portant incrimination
de l’abus de faiblesse, a été adoptée au Luxembourg le 21 février 2013
.
25. En Belgique, le CIAOSN est un centre indépendant institué
auprès du Service Public Fédéral de la Justice; il répond aux questions
du public et formule des avis et des recommandations à la demande
d’une autorité publique
.
26. Quelques autres Etats, dont l’Allemagne (au niveau du ministère
fédéral de la Famille, des Personnes âgées, de la Femme et de la
Jeunesse
et du Bureau de l’Office fédéral
d’administration
), l’Autriche (au niveau du ministère
des Affaires sociales, de la Famille et de la Jeunesse
), et la Suisse
ont pris ou soutenu des mesures
d’observation des dérives sectaires, mais ces mesures ont été de
moindre envergure.
7. Expérience des
Etats membres du Conseil de l’Europe en matière de protection des
mineurs contre les dérives sectaires
27. En Europe, le niveau de protection des mineurs contre
les dérives sectaires et l’étendue des informations à ce sujet varient
considérablement d’un pays à un autre. Ce qui est le plus frappant,
c’est l’absence d’information sur l’ampleur du phénomène sectaire.
Un recensement non-exhaustif établi par la FECRIS à la demande de
la Miviludes en 2011 sur les «dérives sectaires visant les mineurs»
mentionne 70 cas provenant de 13 pays: Belgique, Bosnie et Herzégovine,
Bulgarie, Chypre, Croatie, France, Italie, Royaume-Uni, Fédération
de Russie, Serbie, Slovénie, Suisse et Ukraine. Les groupes impliqués
dans ces dérives sont surtout des groupes religieux relevant de
la tradition occidentale (20), des groupes se revendiquant de tradition
orientale (20), des groupes New Age (15), des thérapeutes proposant
des Pratiques Non Conventionnelles à Visées Thérapeutiques (PNCAVT)
(10) et des groupes relevant de sous-cultures «jeunes» (5)
.
28. Selon la Miviludes, certains pays «ne se sont pas donné les
moyens juridiques et administratifs d’apprécier la gravité et l’étendue
du phénomène et de mettre en place les voies et moyens pour le traiter»
. Ainsi, la Miviludes, sur la base d’informations
qu’elle a recueillies auprès des missions diplomatiques françaises
en Europe, distingue trois groupes d’Etats
:
- des Etats dans lesquels le phénomène
sectaire a peu d’impact sur la jeunesse (le Royaume-Uni) ou les pouvoirs
publics le suivent régulièrement (Autriche, Allemagne, Belgique,
Slovaquie et République tchèque);
- des pays qui ont une vision très libérale à l’égard de
la liberté de religion, et par conséquent du phénomène sectaire
(Danemark et Suède) ou dont le dispositif à l’égard de la collecte
des données sur ce phénomène est faible ou inexistant (Chypre, Grèce,
Hongrie, Pays-Bas, Portugal, Russie et Ukraine);
- des pays dans lesquels on n’a pas relevé de cas graves
de dérives sectaires affectant les mineurs (Albanie, Bulgarie, Estonie,
Finlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pologne,
Roumanie et Slovénie).
29. Par conséquent, la Miviludes a constaté que la plupart des
Etats européens ont choisi, pour des raisons liées à leur histoire,
de ne pas légiférer au sujet de la protection des mineurs contre
les dérives sectaires. En revanche, ils encouragent et subventionnent
souvent les associations privées qui assurent l’information puis l’assistance
aux victimes de ce phénomène
.
30. En vue d’obtenir davantage d’informations sur l’étendue du
phénomène sectaire et l’état de la législation en matière de protection
des mineurs contre les dérives sectaires, en mars 2013 j’ai envoyé
un questionnaire aux délégations parlementaires des Etats membres
en utilisant le Centre européen de recherche et de documentation
parlementaire (CERDP). Vingt-cinq Etats membres nous ont envoyés
des réponses, dont certaines incomplètes. Les informations ainsi
obtenues confirment les constats ci-dessus de la Miviludes concernant
les trois catégories d’Etats; malheureusement les données concernant
certains Etats susmentionnés (Albanie, Chypre, Danemark, Hongrie,
Lettonie, Luxembourg, Malte, Slovaquie, République tchèque et Ukraine)
n’ont pas pu être vérifiées ou mises à jour faute de réponse à notre
questionnaire. Ce qui est le plus flagrant c’est l’absence d’information
de la part des Etats de l’Europe centrale et orientale (dont les pays
de l’ex-Union soviétique) et de la Turquie.
31. Les réponses au questionnaire sont résumées dans un document
de la commission
.
Dans l’intervalle, j’ai pu obtenir davantage de données grâce à
l’audition du 6 septembre 2012 et à mes visites d’information en Allemagne
et en Suède.
32. En ce qui concerne le premier groupe d’Etats mentionnés ci-dessus,
j’ai pu recueillir davantage d’informations sur l’Allemagne lors
de ma visite à Berlin en juin 2013. Je me suis alors entretenu avec
les membres du Bundestag, des représentants de l’administration
du Sénat de Berlin (le gouvernement du Land) et
des Eglises protestante et catholique. Je ne peux que saluer la
volonté des autorités allemandes de combattre le phénomène des «dérives
sectaires». Leur tâche dans ce domaine est facilitée par le fait
que l’Etat allemand ne reconnaît de droit que quelques religions,
comme les Eglises catholique et protestante ainsi que la communauté
juive et certaines communautés musulmanes, ce qui exclut d’office
l’obtention du statut de «religion» par d’autres mouvements. A ce
sujet, je salue surtout la convergence des points de vues des groupes
politiques au sein du Bundestag sur ce sujet (même si le dernier
rapport parlementaire à ce sujet date de 1998) et les démarches
prises par les autorités fédérales et celles des Länder, qui entre autres effectuent un
contrôle très efficace de la réalisation de l’obligation de scolarité,
pour prévenir les abus sectaires auprès des mineurs. Les Eglises
catholique et protestante jouent un rôle important en matière de
conseil aux victimes des dérives sectaires et de collecte d’information
sur les mouvements sectaires.
33. Quant au deuxième groupe d’Etats, la Suède est certes un Etat
qui a une approche très libérale vis-à-vis de la liberté de religion,
ce qui peut parfois jouer au détriment de la protection des mineurs.
Tels ont été notamment les constats contenus dans le livre de la
journaliste Charlotte Essén «Choisis pour le paradis – les enfants
dans les sectes», publié en 2008
, avec qui
je me suis entretenu lors de ma visite à Stockholm le 12 décembre
2012. Dans cet ouvrage, basé sur plusieurs entretiens avec des jeunes
ayant réussi à quitter des mouvements «sectaires», la journaliste
s’est penchée sur la situation des mineurs élevés dans ces mouvements,
notamment les Témoins de Jéhovah, l’église pentecostale de Knutby,
la communauté de Hare Krishna et les mouvements des «Intercesseurs
finlandais» et de «la Famille». La journaliste a conclu que tous ces
groupes ont un point en commun: ils sont minoritaires et élitistes,
s’appuient sur la personnalité d’un leader charismatique et une
hiérarchie très rigide, visent la «vérité» et la «pureté», en contrôlant
tout contact avec le monde extérieur (entre autres, en préférant
la scolarité à domicile ou les écoles privés) et en adoptant une approche
très rigoureuse vis-à-vis de la sexualité; l’argent y joue un rôle
primordial. Ceux qui ont réussi à échapper à ces mouvements se heurtent
à une incompréhension générale de la société ignorant le fonctionnement
de ces «cultes». Les entretiens ont révélé aussi la passivité totale
des autorités suédoises quant aux conditions anormales dans lesquelles
sont élevés les enfants des parents engagés dans ces mouvements.
34. Au cours de ma visite à Stockholm, je me suis entretenu avec
les membres du Parlement suédois (Riksdag), des représentants de
la Commission gouvernementale pour le soutien des communautés religieuses,
de l‘Inspection des écoles, l’Agence nationale pour la jeunesse
et des associations d’aide aux victimes des abus sectaires. A l’issue
de cette visite, j’ai conclu qu’en Suède, le système d’éducation
nationale, et notamment celui du financement des écoles privées,
ainsi que le système d’enregistrement des associations contenaient
des failles pouvant engendrer des abus de la part des mouvements
à caractère sectaire. J’ai également préconisé l’idée de créer un
groupe d’étude parlementaire sur le phénomène sectaire, car depuis une
initiative parlementaire de Mme Barbro Westerholm qui a mené à l’élaboration
d’un rapport gouvernemental sur ce sujet «En bonne foi» en 1998,
le Riksdag ne semble pas s’intéresser particulièrement à ce problème.
35. L’approche des Pays-Bas paraît aussi très libérale vis-à-vis
des «nouveaux mouvements religieux (NMR)», ce qui a été confirmé
par notre experte, le professeur Van Bijsterveld. Dans ce pays,
il n’existe aucune politique ou législation spécifique à l'égard
des NMR. En 1984, le rapport consacré par une commission parlementaire
aux NMR a conclu qu'aucune législation ou politique spécifique n’était
souhaitable ni nécessaire à l'égard des NMR, tant sur le plan de
la prévention que sur celui de la répression et ce principe reste d'actualité.
Quoique le rôle de la religion dans le domaine public fasse aujourd'hui
l'objet d'un vif débat, aucune attention particulière n’est accordée
aux NMR.
36. Selon notre expert M. Yurchenko, en Ukraine, l'interaction
entre les droits de l’enfant (tels que garantis par la Convention
des Nations Unies relative aux droits de l’enfant) et la liberté
de pensée, de conscience et de religion n'est pas dûment ni intégralement
organisée par l'Etat. La législation ukrainienne en la matière est sommaire
et trop peu précise pour prendre en compte la diversité des situations
susceptibles de conflit; les services sociaux et les services répressifs
ne savent pas comment déceler les dommages physiques ou psychologiques
causés aux mineurs.
37. En ce qui concerne le troisième groupe de pays, les réponses
à notre questionnaire fournies par la Bulgarie, l’Estonie, la Finlande,
l’Italie, la Lituanie, la Pologne, la Roumanie et la Slovénie et
ne font pas état de graves cas de dérives sectaires dans ces pays.
8. Conclusion
38. Les divergences autour de la problématique des «sectes»
démontrent qu’il est difficile de trouver un consensus européen
sur ce sujet et dressent un constat d’échec de plusieurs initiatives
européennes. Toutefois, cela ne veut pas dire qu’il faut abandonner
l’idée d’établir des règles et des politiques au niveau européen
pour protéger les mineurs contre les dérives sectaires. Vu la vulnérabilité
des enfants et des adolescents, il est indispensable de rester vigilant
et de réprimer toute pratique de leur sujétion au nom des croyances.
Le Conseil de l’Europe, et notamment l’Assemblée, ont un rôle important
à jouer dans la lutte contre ce phénomène très préoccupant. L’acquis
du Conseil de l’Europe en matière de protection de l’enfance et
de liberté de religion pourrait servir de base pour élaborer de
nouvelles politiques et pour adopter de nouveaux instruments. Concernant
la protection des mineurs contre les dérives sectaires dans les
Etats membres, la situation est complexe et se prête à une analyse
plus minutieuse: même si la Miviludes demeure une structure unique
en Europe, au vu de la spécificité de la situation en France, et
notamment de sa conception de la laïcité, les principes concernant
la répression des délits liés aux dérives sectaires et l’assistance
aux victimes sont aussi appliqués dans d’autres Etats sous une forme
ou une autre (par des structures d’aide publiques ou privées)
.
39. Il est difficile de définir l’ampleur de ce problème, qui
influe sur les droits fondamentaux des mineurs, faute de données,
aussi bien au niveau national qu’européen. C’est pour cela qu’il
faudrait préconiser l’élaboration de statistiques appropriées sur
les dérives sectaires et, le cas échéant, la création de centres nationaux
sur les mouvements religieux et spirituels ainsi que des mesures
pour faciliter l’échange de données entre ces organismes. Promouvoir
l’enseignement de l’histoire des religions et des grands courants
de pensée dans les écoles est aussi important pour prévenir l’embrigadement
et le lavage des cerveaux des mineurs. En outre, il conviendrait
que tous les Etats membres du Conseil de l’Europe, le cas échéant,
signent et/ou ratifient les conventions pertinentes sur la protection
de l’enfance, notamment la Convention de Lanzarote et la convention
sur la lutte contre la traite des êtres humains.
40. Des mesures de grande envergure de sensibilisation des services
sociaux, des juges (dans les affaires du droit de la famille, surtout
en cas de séparation des parents), des fonctionnaires, de la police
et des services du Médiateur sont indispensables afin de détecter
les dangers pour le bien-être des mineurs et aider ces derniers
à quitter les mouvements «sectaires». Notamment en ce qui concerne
la scolarité, y inclus la scolarité à domicile et les écoles privées
pouvant être sous l’emprise de ces mouvements, un contrôle étatique
rapide et efficace s’impose, notamment en matière de conformité
de programmes et de qualité du personnel enseignant. En matière
de scolarité à domicile, il serait utile que les enfants soient
suivis par les services compétents des collectivités locales pour
que ces dernières puissent facilement agir en cas de déscolarisation ou
d’autres dérives.
41. A titre d’exemple, en France, le rapport de la Commission
d’Enquête Parlementaire sur l’influence des mouvements à caractère
sectaire dans le domaine de la santé, publié en avril 2013
, contient quatre recommandations
visant plus spécifiquement les mineurs
: 1) rendre obligatoire
un contrôle médical annuel par un médecin assermenté pour les enfants
de plus de six ans scolarisés à domicile ou dans des établissements
hors contrat; 2) inciter les équipes de la protection maternelle
et infantile (PMI) à détecter les enfants dont les familles sont
susceptibles d’être impliquées dans des dérives sectaires et veiller
au suivi médical de ces enfants; 3) rappeler l’obligation du ministère
de l’éducation nationale de contrôler annuellement les modalités
d’instruction à domicile, et appliquer cette obligation dans une
logique de veille contre les dérives sectaires; 4) s’assurer que
les programmes de l’enseignement secondaire, tant au collège qu’au
lycée, intègrent une sensibilisation aux dérives thérapeutiques
et sectaires. Ces recommandations peuvent être aussi d’utilité pour
d’autres Etats membres du Conseil de l’Europe.
42. A l’instar de certains Etats, comme la Belgique, la France
ou le Luxembourg, la pénalisation de l’abus de faiblesse psychologique
et/ou physique de la personne par le biais d’introduction d’une
disposition dans le Code pénal serait d’une grande utilité et pourrait
avoir un effet non seulement répressif, mais aussi dissuasif. Il
conviendrait également de permettre aux associations d’utilité publique
agissant pour la défense des droits des victimes de pouvoir se porter
partie civile dans des affaires pénales concernant les abus sectaires,
si ce n’est pas encore le cas.
43. En matière de prévention et de lutte contre les dérives sectaires,
certains Etats membres laissent une grande marge de manœuvre à la
société civile et aux Eglises «traditionnelles» (catholique, orthodoxe
et protestante). Il est alors important d’accorder suffisamment
de moyens financiers à ces acteurs pour qu’ils puissent accomplir
efficacement leurs tâches en matière de conseil et d’assistance
aux victimes des dérives sectaires et à leurs proches.
44. Je préconise également l’idée de créer un groupe d’étude parlementaire
sur le phénomène sectaire pour sensibiliser les décideurs politiques
à cette problématique. Dans les quatre dernières décennies, les parlements
nationaux de plusieurs Etats membres ont pris des initiatives dans
ce domaine, mais la plupart d’entre eux ont abandonné leurs travaux
(sauf en France). Le travail parlementaire, et notamment l’élaboration de
rapports, ont été très utiles en émettant des recommandations aux
autorités publiques (par exemple en Belgique ou en Suisse) et en
sensibilisant l’opinion publique.
45. L’ouverture des frontières dans l’Union européenne permet
aux mouvements sectaires de se déplacer dans d’autres pays, notamment
pour assurer un enseignement à leur manière, d’où la nécessité d’établir
des normes communes en Europe pour protéger les mineurs. Il serait
donc utile que le Comité des Ministres réalise une étude sur l’ampleur
du phénomène sectaire touchant les mineurs au niveau européen et
mette en place un groupe de travail à ce sujet pour assurer un meilleur
échange d’informations.
46. Le problème des dérives sectaires touchant les mineurs demeure
très inquiétant en Europe et il faut agir pour le contrer. Quand
l’intérêt supérieur de l’enfant entre en jeu, il faut trouver un
juste équilibre entre ses droits fondamentaux et la liberté de religion,
et, le cas échéant, faire prévaloir l’intérêt supérieur de l’enfant, conformément
à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant.
Ceci est dans l’intérêt de nos sociétés et du respect de nos valeurs
communes, et en tout premier lieu, des mineurs vulnérables eux-mêmes.