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Rapport | Doc. 13532 | 09 juin 2014

Le “bateau cercueil”: actions et réactions

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteure : Mme Tineke STRIK, Pays-Bas, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13164, Renvoi 3954 du 26 avril 2013. 2014 - Troisième partie de session

Résumé

La tragédie du «bateau cercueil», qui s’est déroulée en mars/avril 2011, laisse de nombreuses questions sans réponse. L’inventaire des défaillances sur le plan de la coopération ainsi que de la définition et de la reconnaissance des responsabilités dans les opérations de recherche et de sauvetage en Méditerranée semble sans fin. En attendant, des femmes, des hommes et des enfants continuent de périr ou de disparaître en mer.

Le rapport souligne que, si les Etats membres, et l’Italie en particulier, ont déployé d’importants efforts pour sauver davantage de vies en mer, nombre de préoccupations demeurent et il reste à tirer des enseignements de ces événements en vue de prendre les mesures qui s’imposent. Les synergies européennes devraient tendre vers une tolérance zéro au regard de la perte de vies humaines en mer en remédiant aux lacunes dans le cadre juridique, les politiques et les pratiques en matière de sauvetage en mer et de débarquement.

Le rapport recense un certain nombre de mesures concrètes que devraient prendre les Etats membres pour éviter à l’avenir les problèmes de communication et de responsabilité dans le sauvetage en mer. Il encourage en outre la création de voies de migration légales et sûres et un partage des responsabilités en matière d’asile en Europe.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 3 juin 2014.

(open)
1. L’Assemblée renvoie à sa Résolution 1872 (2012) «Vies perdues en Méditerranée: qui est responsable?», adoptée à la suite d’une enquête approfondie sur les responsabilités de ceux qui auraient pu porter secours aux 72 personnes embarquées le 26 mars 2011 à bord d’un petit canot pneumatique – connu plus tard sous le nom de «bateau cercueil» – dans un voyage vers l’Europe auquel neuf personnes seulement ont survécu.
2. Malheureusement, l’inventaire des vies perdues en mer ne s’est pas clos sur cet incident. Plus récemment, en octobre 2013, deux navires ont chaviré à proximité des côtes de Lampedusa, entraînant la mort de plus de 400 personnes. En mai 2014, il y a également eu des dizaines de morts et des centaines de personnes portées disparues à la suite de deux autres naufrages. Ces catastrophes ont révélé une nouvelle fois la nécessité impérieuse pour l’Europe et le reste du monde de combler les lacunes du cadre juridique, des politiques et des pratiques en matière de sauvetage en mer.
3. L’Assemblée reconnaît que d’importants efforts ont été consentis par les Etats membres, et l’Italie en particulier, pour sauver davantage de vies en mer. Elle constate toutefois avec préoccupation qu’il subsiste des défaillances sur le plan de la coopération, de la définition et de la reconnaissance des responsabilités ainsi que des enseignements qu’il faut en tirer. L’incident du bateau cercueil a clairement mis en relief l’urgence de garantir les droits fondamentaux, tout en respectant les impératifs de sécurité légitimes en termes de contrôle des frontières.
4. En conséquence, l’Assemblée veut renforcer ses précédentes recommandations et encourager l’adoption de mesures supplémentaires pour éviter à l’avenir les problèmes de communication et de responsabilités s’agissant du sauvetage des personnes en détresse.
5. En vue d’appliquer une tolérance zéro au regard de la perte de vies humaines en mer, l’Assemblée recommande en outre aux Etats membres:
5.1. concernant le sauvetage en mer et les pertes de vies humaines:
5.1.1. d’adopter des normes communes, précises, contraignantes et exécutoires en ce qui concerne les opérations de recherche et de sauvetage, y compris le débarquement, qui soient pleinement conformes au droit maritime international et aux obligations découlant du droit international relatif aux droits de l’homme et du droit international des réfugiés;
5.1.2. d’œuvrer pour que les règles récemment adoptées en matière de surveillance des frontières maritimes extérieures de l’Union européenne dans le cadre des opérations de l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l’Union européenne (Frontex) soient étendues aux opérations nationales menées en dehors des opérations Frontex;
5.1.3. de s’engager à améliorer l’enregistrement et l’identification des migrants morts ou disparus en mer, et de faire en sorte que les survivants et les familles des victimes disposent d’un accès rapide aux informations sur les personnes les concernant;
5.1.4. d’assurer le maintien ou le rétablissement des liens familiaux à la suite d’opérations de sauvetage;
5.1.5. de s’engager à mener des enquêtes rapides, indépendantes et approfondies sur toute allégation de non-assistance à personnes en danger en mer et à déterminer les responsabilités en la matière;
5.1.6. de s’engager à aider les Etats côtiers afin d’accroître les ressources pour les opérations de recherche et de sauvetage;
5.2. concernant la criminalisation de la migration irrégulière:
5.2.1. de supprimer tout facteur pouvant dissuader les navires privés de procéder à des sauvetages, en faisant en sorte que les personnes secourues soient autorisées à débarquer rapidement et en mettant fin à la menace de poursuites pour complicité à l’immigration irrégulière, à l’origine de préjudices moraux et financiers;
5.2.2. d’enjoindre aux capitaines et aux pêcheurs de se conformer aux obligations qui leur incombent en vertu du droit international, d’aider et de signaler aux autorités compétentes des Etats membres tout bateau migrant en détresse;
5.2.3. d’assurer aux capitaines et aux pêcheurs une indemnisation pour les éventuelles pertes financières occasionnées par des opérations de sauvetage;
5.3. concernant les pratiques de renvoi:
5.3.1. de mettre fin à toutes pratiques de renvoi et de s’assurer que les pratiques de sauvetage en mer respectent le droit de demander l’asile et le droit d’être protégé contre le refoulement;
5.3.2. de veiller à la crédibilité de toute enquête judiciaire ou mesure d’instruction dans une affaire de renvoi en garantissant leur indépendance, leur impartialité et leur transparence;
5.3.3. de condamner publiquement tout cas d’expulsion sommaire ou d’expulsions collectives dont ils auraient connaissance et de déterminer les responsabilités en la matière;
5.3.4. de veiller en particulier à ce que les procédures d’asile accélérées et l’évaluation de la situation personnelle menées dans le cadre d’opérations de recherche et de sauvetage respectent le droit des individus à la protection contre le refoulement, conformément aux Lignes directrices de 2009 du Conseil de l’Europe sur la protection des droits de l’homme dans le contexte des procédures d’asile accélérées; de veiller à ce que toutes les personnes interceptées aient accès à des procédures individuelles pour demander une protection internationale ou mettre en avant d’autres besoins en matière de protection, et qu’elles bénéficient d’un recours effectif contre toute décision de retour;
5.3.5. de veiller à ce que les accords de réadmission bilatéraux soient rédigés et mis en œuvre en totale conformité avec les normes du droit international relatif aux droits de l’homme et du droit international des réfugiés, et qu’ils incluent une protection effective des droits de l’homme et un accès à une évaluation individualisée appropriée et équitable;
5.4. concernant l’affaire du bateau cercueil:
5.4.1. de coopérer sans réserve pour trouver des réponses aux questions en suspens, en informant convenablement et rapidement la rapporteure de la position de leurs bâtiments au moment où l’embarcation concernée dérivait en quête de secours, et des messages reçus par leurs bâtiments;
5.4.2. d’accorder un droit de séjour aux survivants dont les demandes d’asile ou d’autorisation de séjour pour des motifs humanitaires sont encore en instance;
5.5. de faire preuve d’encore plus de solidarité avec les pays tiers en permettant à un plus grand nombre de réfugiés de bénéficier de programmes de réinstallation ou d’accueil temporaire, et de garantir un accès à la protection en toute sécurité.
6. Afin d’encourager la création de voies de migration légales et sûres, de dissuader les migrants irréguliers, les demandeurs d’asile et les réfugiés d’entreprendre des périples risqués vers l’Europe et d’établir un partage des responsabilités en matière d’asile au sein de l’Union européenne, l’Assemblée recommande à l’Union européenne:
6.1. d’encourager ses Etats membres à augmenter les quotas de réinstallation pour les personnes nécessitant une protection internationale et d’adopter une approche commune en ce qui concerne les visas humanitaires; d’examiner toutes les possibilités d’entrée protégée et de voies de migration permettant aux migrants d’entrer légalement en Europe.
6.2. de prendre des mesures pour poursuivre l’harmonisation des normes et procédures communes en matière d’asile au sein de l’Union européenne, par exemple en envisageant un traitement conjoint des demandes d’asile et la création d’un statut uniforme; d’étudier toutes les possibilités d’accroître la solidarité à l’égard des demandeurs d’asile et des réfugiés au sein de l’Union européenne;
6.3. de renforcer les programmes de protection régionale et d’assurer leur pérennité par un financement adéquat; de soutenir ses pays voisins dans l’amélioration de leurs systèmes d’asile et de protection par le biais de partenariats pour la mobilité, et de subordonner la poursuite de la coopération en matière de migration et de contrôle des frontières à un niveau suffisant de protection des demandeurs d’asile dans ces pays;
6.4. de veiller à ce que Frontex fasse de la protection des droits fondamentaux une priorité de ses opérations conjointes, et notamment qu’elle cherche à acquérir la faculté – qui n’est toujours pas prévue dans la réglementation récemment adoptée – d’appliquer les règles (en matière de recherche et de sauvetage, de débarquement et de non-refoulement) aux bateaux de migrants dans les eaux territoriales d’Etats tiers se trouvant clairement dans l’incapacité de remplir leurs obligations internationales en matière de recherche et de sauvetage en mer et de garantir les droits des migrants irréguliers, des demandeurs d’asile et des réfugiés;
6.5. de veiller à ce que Frontex établisse un mécanisme effectif de requêtes individuelles contre les violations des droits fondamentaux, afin de mieux rendre compte de son action;
6.6. de veiller à ce que le mécanisme du Système européen de surveillance des frontières (EUROSUR) contribue à protéger et à sauver des vies aux frontières extérieures de l’Union européenne;
6.7. d’adopter des mesures pour interdire les sanctions pénales à l’égard de navires privés lorsque ceux-ci effectuent des opérations de sauvetage et de recherche et les dédommager s’ils subissent un préjudice économique pour avoir participé à des opérations de sauvetage;
6.8. de mettre en place un système adéquat de collecte d’informations sur les dépouilles des personnes mortes en Méditerranée et de le rendre accessible rapidement aux familles.
7. L’Assemblée recommande à l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN):
7.1. de tenir compte, dans toute opération de l’OTAN, des éventuels mouvements de personnes nécessitant une protection internationale et de passer des accords avec tous les pays concernés pour s’assurer que ces personnes soient prises en charge;
7.2. de s’assurer que toutes les unités de l’OTAN soient équipées de l’une des versions du système mondial de détresse et de sécurité en mer (SMSDM) et ont les moyens de recevoir des messages de détresse;
7.3. de publier les conclusions du processus de retour d’expérience par lequel elle a examiné les moyens de renforcer le partage d’informations et les procédures relatives à la recherche et au sauvetage maritimes lors d’opérations conduites par l’OTAN.
8. L’Assemblée estime que l’Organisation maritime internationale (OMI) devrait contribuer à promouvoir une application commune du cadre juridique relatif au sauvetage en mer, car aujourd’hui encore, les différences d’approche retardent excessivement, voire empêchent le sauvetage de personnes en détresse en mer. A cette fin, elle recommande à l’OMI d’intensifier ses efforts pour élaborer un mémorandum d’accord régional relatif aux procédures visant à faciliter le débarquement de personnes secourues en Méditerranée.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet
de recommandation adopté à l’unanimité par la commission le 3 juin
2014.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire renvoie à sa Résolution ... (2014) «Le “bateau cercueil”: actions et réactions».
2. Il faut que la tragédie du «bateau cercueil» et les autres drames récents ayant entraîné la mort de centaines de personnes provoquent un changement radical dans les politiques et pratiques de recherche et sauvetage (SAR) en Europe. L’absence de responsabilité, de transparence et de coordination a créé de graves problèmes. L’Assemblée considère que le Conseil de l’Europe a un rôle important à jouer pour aider les Etats membres dans ce domaine.
3. Dans le but de prévenir les violations des droits de l’homme résultant d’un vide en termes de responsabilité dans la recherche, le sauvetage et le débarquement, mais également d’assurer la solidarité entre Etats membres, l’Assemblée invite le Comité des Ministres:
3.1. à charger le Comité directeur pour les droits de l’homme (CDDH) de réaliser une étude de faisabilité sur une approche commune pour combler les graves lacunes du cadre juridique en matière de recherche et sauvetage dans la mer Méditerranée, à savoir la définition de la détresse, l’obligation de répondre immédiatement à tout appel de détresse, quelle que soit la zone SAR d’où il émane, les critères de responsabilité des Etats membres en matière de débarquement et la suppression des facteurs qui dissuadent les capitaines et les pêcheurs de procéder à des sauvetages;
3.2. sur la base de cette étude de faisabilité, à tenir un débat thématique avec la participation de l’Assemblée, sur les questions précitées, sur la recherche de voies sûres pour les personnes nécessitant une protection internationale (par la réinstallation et d’autres types d’entrées protégées) ainsi que sur les mécanismes de solidarité pour un partage des responsabilités des Etats membres de l’Union européenne s’agissant des personnes secourues (par exemple, la relocalisation et le traitement conjoint des demandes d’asile dans ou en dehors de l’Europe), afin d’échanger des bonnes pratiques, de proposer des solutions et de trouver des moyens de faciliter des accords entre les Etats régulièrement en conflit sur la question de la coordination des sauvetages en mer et des débarquements;
3.3. à adopter des lignes directrices sur la manière de se conformer à l’arrêt Hirsi Jamaa et autres c. Italie de la Cour européenne des droits de l’homme et à enjoindre aux Etats membres de s’abstenir de pratiquer des renvois.

C. Exposé des motifs, par Mme Strik, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. En 2011, j’ai été chargée d’étudier les circonstances de la mort tragique de 63 hommes, femmes et enfants abandonnés dans un bateau à la dérive au large des côtes européennes pendant 15 jours en mars/avril 2011.
2. En avril 2012, l’Assemblée parlementaire a adopté la Résolution 1872 (2012) «Vies perdues en Méditerranée: qui est responsable?» 
			(3) 
			Doc. 12895, paragraphe 133.. Nombre de questions fondamentales restent aujourd’hui encore sans réponse: la tendance est à rejeter la faute ailleurs et à occulter la question de la responsabilité. Aucune entité ne s’en sort honorablement.
3. Comme je l’ai conclu dans mon rapport précédent, la tragédie du «bateau cercueil» constitue très nettement une défaillance collective de tous les principaux acteurs et à toutes les étapes. En dépit des critiques sévères formulées contre le défaut de coopération, le refus de reconnaître les responsabilités et l’incapacité à tirer des leçons du passé, il aura fallu d’autres événements encore plus tragiques, survenus vers la fin 2013 et le milieu de 2014, pour voir enfin une action concertée être menée.
4. En octobre 2013, deux faits particulièrement graves ont attiré l’attention internationale sur la question. Deux navires ont chaviré au large des côtes de Lampedusa à neuf jours d’intervalle, faisant plus de 400 victimes 
			(4) 
			«Lampedusa:
appel à une enquête sur des allégations de non-assistance à personnes
en détresse», communiqué de presse de l’Assemblée, 4 octobre 2013;
«La rapporteure déplore qu’aucun enseignement n’ait été tiré sur
les vies perdues en Méditerranée», communiqué de presse de l’Assemblée,
29 novembre 2013; Associated Press, «Migrants claim Libyan forces
fired on boat», 14 octobre 2013. Voir également Doc. 13531, «L’arrivée massive de flux migratoires mixtes sur les
côtes italiennes», commission des migrations, des réfugiés et des
personnes déplacées (rapporteur: Christopher Chope, Royaume-Uni,
GDE).. Une nouvelle fois, en avril et mai 2014, des dizaines de migrants ont péri en mer et des centaines sont portés disparus.
5. Le présent rapport cherche à faire la lumière sur les mesures prises après l’adoption de la Résolution 1872 (2012). Je saisis cette opportunité pour remercier toutes les autorités, organisations et experts qui y ont apporté une contribution.

2. Le bateau cercueil : réponses manquantes dans l’enquête

6. Bien que moi-même et d’autres poursuivions l’enquête, des questions essentielles figurant dans mon rapport d’avril 2012 demeurent sans réponse. Bien souvent, je me suis heurtée à des dénégations ou ai été renvoyée à l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et/ou aux Etats membres; il est également arrivé que mes demandes de renseignements restent sans suite. N’ayant pas le statut juridique requis, notamment parce que ces questions touchaient à des sujets militaires, je n’ai pu contraindre mes interlocuteurs à fournir des réponses. Des procédures judiciaires et des demandes d’accès à l’information sont en cours dans plusieurs des Etats membres impliqués mais semblent vaines.

2.1. Responsabilités sous commandement de l’OTAN

7. Dans la Résolution 1872 (2012), l’Assemblée soulignait un manque de clarté quant aux responsabilités des bâtiments sous commandement de l’OTAN concernant les sauvetages en mer.
8. Depuis avril 2012, elle n’a toujours pas reçu d’informations détaillées sur le rôle joué par les unités respectives de l’OTAN et des Etats membres concernés 
			(5) 
			L’hélicoptère prétendument
militaire qui a largué des provisions et n’est jamais revenu, ainsi
que le gros bâtiment de la marine qui aurait ignoré les appels de
détresse du bateau alors que la moitié des passagers avait déjà
péri, n’ont jamais été identifiés..
9. A la veille du débat en assemblée plénière qui s’est tenu à Strasbourg le 24 avril 2012, j’ai reçu une lettre de l’OTAN (voir annexe) m’informant que l’OTAN n’avait pas déclaré de «zone militaire» dans la mer Méditerranée et qu’elle n’avait donc pas un rôle de coordination générale des opérations de recherche et de sauvetage (SAR) dans la région où se sont déroulés les faits.
10. J’ai été surprise d’apprendre que l’OTAN ne disposait pas de clichés pris par satellite qui pourraient aider à «identifier des navires militaires, marchands ou autres présents dans la zone (…) car elle n’a pas utilisé l’imagerie par satellite pour améliorer sa connaissance de la situation maritime et ainsi asseoir l’embargo décrété par les Nations-Unies (...) ou pour établir une Situation maritime générale (RMP)». Il est également décevant de lire que l’outil RMP actuellement utilisé par l’OTAN dans certaines circonstances ne permet pas d’enregistrer de données.
11. L’OTAN m’a informée que, au moment du drame, «il y avait seulement huit bâtiments sous commandement de l’OTAN en Méditerranée, couvrant une zone d’opérations de plus de 61 000 milles nautiques carrés». L’OTAN a également confirmé que «des hélicoptères opérant à partir de navires sous commandement de l’OTAN survolaient le secteur général où se trouvait l’embarcation de migrants». On ne dispose cependant d’aucun élément qui permettrait d’identifier l’hélicoptère en question.
12. L’OTAN a confirmé que la frégate espagnole Mendez Nuñez, sous commandement de l’OTAN, se trouvait à 24 milles nautiques environ et «avait mené des recherches [infructueuses] dans une zone de 60 milles nautiques, conformément à une instruction transmise le matin du 28 mars par l’ITS Etna». L’ITS Borsini se serait trouvé à 37 milles nautiques de la position signalée.
13. Je reste très sceptique quant à la déclaration de l’OTAN qui affirme que les bâtiments militaires prenant part à ses opérations ne sont pas tous équipés de l’une des versions du système mondial de détresse et de sécurité en mer (SMDSM) ou n’ont pas tous les moyens de capter des messages de détresse (Hydrolant). Les règles relatives aux systèmes de communication tactique dont doivent être dotés les navires lorsqu’ils interviennent dans des opérations ou des entraînements et exercices en tant qu’éléments d’une force dirigée par l’OTAN ne leur imposent pas d’être équipés de systèmes de communication civils comme INMARSAT.
14. Je m’inquiète par ailleurs de lire que ni les navires, ni le «Commandement maritime à Naples [n’ont] reçu du Centre de Coordination de Sauvetage Maritime (MRCC) de Rome [d’autres] messages concernant le bateau naufragé» que l’appel de détresse du 27 mars.
15. L’OTAN a déclaré «continuer à passer au crible [ses] dossiers afin de déterminer ce qui s’est passé». Il semblerait que ces travaux se poursuivent. Bien qu’elle se soit engagée dans un processus «global» de retour d’expérience, dans le cadre duquel elle a «recherché des moyens de renforcer le partage de l’information [au sein de l’OTAN] et les procédures de recherche et sauvetage en mer lors des opérations menées par l’OTAN», je n’ai pas plus de précisions sur la teneur exacte de ce processus.
16. Des lacunes préoccupantes dans l’information continuent d’empêcher notre Assemblée de se faire une idée d’ensemble des personnes qui ont échangé des informations sur l’appel de détresse et de la teneur de ces informations. Nous ne savons pas encore précisément quel système de communication les alliés ont employé, et comment il peut être possible de communiquer si certains systèmes ne sont pas obligatoires.

2.2. Enquêtes menées par des parlements et gouvernements nationaux

17. Les réponses complémentaires qui m’ont été communiquées par l’Italie, l’Espagne et le Royaume-Uni après l’adoption de la Résolution 1872 (2012) (voir annexe) ne me permettent toujours pas d’établir les faits et responsabilités dans cette affaire du bateau cercueil.
18. Les Etats membres participant à l’opération coordonnée par l’OTAN sont invités à coopérer sans réserve avec l’Assemblée pour faire la lumière sur les acteurs impliqués dans cette affaire. Bien qu’ayant reçu des réponses de la quasi-totalité des pays auxquels je me suis adressée, je prie instamment les Etats-Unis de répondre aux questions en suspens et les parlementaires français, grecs, italiens, roumains, espagnols, turcs et britanniques de presser leurs gouvernements de fournir des informations complètes, si nécessaire en instituant une commission d’enquête.
19. En juillet 2012, la Commission spéciale du Sénat italien sur la protection et la promotion des droits de l’homme a organisé une audition au cours de laquelle j’ai fait part des inquiétudes de l’Assemblée. Cette initiative n’a abouti à aucun résultat concret.

2.3. Enquêtes du Parlement européen sur les responsabilités

20. Lors de la présentation de mes conclusions devant la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) du Parlement européen, j’ai lancé un appel aux membres du Parlement européen afin qu’ils coopèrent pour obtenir un accès à des sources pertinentes, telles que des informations satellitaires. Malheureusement, aucune action n’a été engagée en ce sens. Rien n’a donc été fait pour donner suite à la lettre dans laquelle la Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité/Vice-présidente de la Commission européenne, Mme Catherine Ashton, affirmait qu’elle ne disposait pas d’images satellites pertinentes.
21. Il reste indispensable de mettre la main sur des images prises par satellite pendant cette période dans cette zone précise. Il est difficile de croire qu’il n’en existe pas.

2.4. Actions en justice au niveau national

22. Avec le soutien d’organisations non gouvernementales (ONG) et en particulier de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), des affaires ont été portées devant les tribunaux en Italie, en France, en Espagne et en Belgique, et des demandes d’accès à l’information ont été déposées au Canada, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.
23. En France, une première plainte a été déposée devant le Tribunal de grande instance en avril 2012 pour omission de porter secours à personnes en péril; sur avis du ministère de la Défense, le parquet a classé cette affaire sans suite en décembre 2012.
24. Une seconde plainte, au civil, a été portée devant les tribunaux au titre de l’article 86 du Code de procédure pénale français en juin 2013 par deux survivants soutenus par trois ONG. Dans cette affaire, le juge a rendu une ordonnance de non-lieu au motif que les «enquêtes exhaustives effectuées par des organismes à rayonnement international» n’avaient pas permis d’apporter des preuves de la responsabilité de la France et qu’en tout état de cause, aucun navire français ne se trouvait à proximité de l’embarcation à la dérive et aucun aéronef français n’avait de mission de surveillance de ce secteur maritime. Le 11 décembre 2013, les requérants ont fait appel de cette décision.
25. Une autre action civile a été intentée en Espagne en juin 2013 au nom des mêmes deux survivants. En novembre 2013, l’avocat qui avait porté l’affaire devant la justice a été informé du rejet de la plainte au vu d’un rapport de la marine espagnole déclarant que le navire espagnol Mendez Nuñez était trop éloigné de l’embarcation des migrants. Il a également été fait appel de cette décision.
26. En Belgique, une procédure pénale a été engagée fin novembre 2013 devant le tribunal de première instance de Bruxelles au nom de trois des survivants.
27. Les demandes d’accès à l’information formulées auprès du Canada, du Royaume-Uni et des Etats-Unis portaient sur les mouvements des navires en Méditerranée au moment du drame 
			(6) 
			«Par ailleurs, [aux
Etats-Unis], au Royaume-Uni et au Canada, où il n’est pas permis
aux victimes d’engager elles-mêmes des poursuites, des demandes
de communication d’informations ont été déposées, afin d’obtenir
des précisions sur les positions et les actions des armées de ces
pays en Méditerranée à la période des faits litigieux». FIDH, 63 migrants
abandonnés à la mort en Méditerranée, 4 mars 2014. . A l’heure où nous écrivons, le Canada a répondu en partie à la demande d’information, tout en indiquant que le secret défense empêchait d’autres révélations. Les informations fournies n’apportent pas plus de lumière sur les faits de 2011. Le Royaume-Uni et les Etats-Unis n’ont pas répondu.
28. Pour ce qui est des survivants du bateau cercueil dont les demandes d’asile ou de permis de séjour pour des motifs humanitaires sont encore en instance, je demande instamment aux Etats membres dans lesquels ils résident de leur accorder le droit de séjour.

3. Les tragédies en Méditerranée : en a-t-on tiré les enseignements qui s’imposent?

29. J’espère que nous connaîtrons un jour tous les détails de ce drame afin que nous puissions tirer de cette tragique inaction les leçons qui s’imposent. En attendant, je persiste à affirmer qu’un navire d’Etat sous commandement de l’OTAN doit assumer ses responsabilités. Je veux croire que cet élément sera pleinement pris en compte dans le bilan des enseignements à tirer de cette affaire. Certaines initiatives nationales et internationales ont donné matière à espérer, mais il reste bien du chemin à parcourir pour arriver à faire en sorte qu’il n’y ait plus aucun mort ou renvoi en Méditerranée.

3.1. Italie

30. En juillet 2012, en exécution de l’arrêt Hirsi Jamaa et autres c. Italie 
			(7) 
			Requête n° 27765/09,
arrêt du 23 février 2012.rendu par la Cour européenne des droits de l’homme, l’Italie a informé le Comité des Ministres que son accord bilatéral avec la Libye concernant le retour des migrants interceptés en mer avait été suspendu à la suite du conflit de 2011. Le gouvernement a souligné qu’à l’avenir, les personnes interceptées en mer seront amenées vers des centres spécifiques en Italie en vue de l’analyse de leur situation individuelle avec toutes les garanties exigées par la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5) 
			(8) 
			Plan
d’action du Gouvernement italien en l’affaire Hirsi
Jamaa et autres c. Italie, document DH-DD(2012)671. . Jusqu’à récemment on ignorait si cela signifie également que l’Italie respectera la règle imposant de répondre immédiatement à tout appel à l’aide en mer.
31. Le remaniement du gouvernement italien en avril 2013 a fait naître l’espoir de voir le problème résolu dans le respect du droit international relatif aux droits de l’homme et du droit des réfugiés. Le Premier ministre nommé à ce moment-là, Enrico Letta, a exprimé sa honte face aux lois draconiennes sur l’immigration imposées par le précédent gouvernement de coalition, et notamment celles qui visaient à dissuader quiconque d’aider des navires en difficulté. D’aucuns ont cependant affirmé qu’il était difficile de les abroger en raison des réalités politiques. 2013 et 2014 ont vu une nouvelle multiplication du nombre d’embarcations en provenance des côtes africaines. Le nouveau Premier ministre italien, Matteo Renzi, nommé en février 2014, a confirmé que la Méditerranée serait au cœur des priorités de la présidence italienne de l’Union européenne.
32. Le 3 octobre 2013, un bateau parti de Libye dans lequel s’entassaient plus de 500 hommes, femmes et enfants érythréens et, dans une moindre mesure, somaliens, a pris feu et chaviré au large de Lampedusa. Seules 155 personnes ont survécu au naufrage; quelque 366 corps – d’hommes, de femmes et d’enfants – ont ensuite été repêchés. De tels drames se produisent à présent régulièrement, mais celui-ci, par son ampleur, a suscité horreur et indignation dans le monde entier et n’a pu être ignoré. J’ai demandé l’ouverture immédiate d’une enquête sur des allégations selon lesquelles des bateaux de pêche et autres embarcations n’auraient pas porté secours aux personnes qui étaient en train de se noyer au large de l’île de Lampedusa 
			(9) 
			«Lampedusa: appel à
une enquête sur des allégations de non-assistance à personnes en
détresse», communiqué de presse de l’Assemblée, 4 octobre 2013.
Voir également le rapport sur «L’arrivée massive de flux migratoires
mixtes sur les côtes italiennes», op.
cit..
33. Tout juste une semaine plus tard, le 11 octobre 2013, une autre embarcation, criblée de balles par des soldats libyens pour l’empêcher de quitter le pays, a sombré à 65 milles nautiques au sud-est de Lampedusa, dans une zone sous responsabilité SAR maltaise. Au moins 34 personnes y auraient trouvé la mort 
			(10) 
			«La rapporteure déplore
qu’aucun enseignement n’ait été tiré sur les vies perdues en Méditerranée»,
communiqué de presse de l’Assemblée, 29 novembre 2013; CERE, «Survivors
of “left to die” boat accuse the Belgian army of failing to aid
persons in distress», 29 novembre 2013; BBC, Mediterranean “A Cemetery”
– Maltese PM Muscat, 12 octobre 2013.. En fin de compte, les équipes SAR italiennes et maltaises sont intervenues et ont réussi à sauver plus de 200 réfugiés syriens. Elles auraient cependant tardé à porter assistance au bateau naufragé 
			(11) 
			Une demande d’accès
à l’information adressée aux forces armées maltaises pour obtenir
des éclaircissements sur le déroulement de la mission de sauvetage
a été rejetée en janvier 2014 au motif que cela « nuirait ou serait raisonnablement
susceptible de nuire à la sécurité, à la défense ou aux relations
internationales entre Malte et l’Italie ». Malta
Today, «AFM turns down complaint on refusal to disclose
Lampedusa rescue mission timeline», 13 janvier 2014..
34. Une fois de plus, ces retards semblaient être dus en premier lieu à un va-et-vient entre l’Italie et Malte pour établir qui devait assumer la responsabilité du sauvetage et en second lieu au fait que les signaux de détresse envoyés ne présentaient pas le caractère d’urgence requis pour déclencher une assistance immédiate. Il est triste à dire que si les défaillances identifiées plus d’un an auparavant ne s’étaient pas répétées, de nombreuses autres vies auraient vraisemblablement pu être sauvées.
35. Constatant l’urgence de remédier à cette situation alors que les débats se poursuivaient au niveau européen, l’Italie a lancé l’opération Mare Nostrum, présentée par l’ancien ministre de la Défense, Mario Mauro, comme une «opération humanitaire» destinée à «sauver des vies humaines», de même qu’une opération «de sécurité» 
			(12) 
			ANSAMed, «Immigration:
Italy launches Mare Nostrum, 400 more saved», 15 octobre 2013. . Le 18 octobre 2013, l’Italie a triplé ses unités aériennes et navales déployées dans le détroit de Sicile 
			(13) 
			The
Guardian, «Italy to triple Mediterranean naval and air
units to address migrant safety», 13 octobre 2013.. Bien qu’elle ait permis de sauver des milliers de vies depuis son lancement, cette opération restera de courte durée, à moins que l’Europe ne parvienne à fournir les moyens nécessaires pour assurer sa pérennité. D’autres pays du Sud, parmi lesquels la Grèce, le Portugal, l’Espagne et Malte, ont également demandé un soutien accru de l’Union européenne pour les patrouilles en Méditerranée.
36. Depuis l’opération Mare Nostrum, l’Italie semble avoir adopté une nouvelle approche, interprétant la notion de «situation de détresse» au sens très large et apportant un secours rapide. Cela dit, les réponses de l’Italie à mes questions laissent entendre qu’elle ne reconnaît pas le fait que, selon le droit maritime, un Etat est tenu de réagir immédiatement à tout appel de détresse, que celui-ci émane de sa propre zone de recherche et de sauvetage ou de celle d’un autre Etat. L’obligation de coordonner ou de lancer une opération de sauvetage n’est levée que si l’autorité chargée de la SAR prend la relève. Cette règle est fondée sur un raisonnement simple: chaque minute compte lorsque des vies sont menacées en mer. Il faut que l’Italie admette que le droit maritime impose une action immédiate en réponse à tout appel de détresse, d’où qu’il vienne.
37. Dès lors, nul ne pouvait nier qu’il était urgent de prendre des mesures dignes de ce nom; pourtant, on ne s’est guère soucié du sort des survivants de ces catastrophes. En janvier 2014, il a été révélé qu’un certain nombre d’entre eux avaient été retenus pendant plus de 100 jours dans un centre d’accueil sur l’île de Lampedusa. Il s’agissait d’un centre de premier niveau, rudimentaire et totalement saturé, dans lequel les nouveaux arrivants n’étaient pas censés rester plus de 48 heures. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) s’est élevé auprès des autorités judiciaires contre ce qui équivalait à son sens à une détention prolongée de personnes nécessitant une aide d’urgence. Le député Khalid Chaouki, qui a passé Noël dans le centre, a jugé saisissant le contraste entre le traitement accordé aux survivants du drame du 3 octobre et le torrent de témoignages de solidarité exprimés immédiatement après. Le HCR a demandé aux autorités italiennes de veiller à ce que cette situation ne se reproduise plus. Aujourd’hui, le centre de Lampedusa est en cours de rénovation et aucun migrant n’est placé en rétention sur l’île.

3.2. Malte

38. En août 2013, les autorités italiennes ont demandé à deux navires marchands, le MV Salamis et l’Adakent, de venir en aide à deux groupes de migrants en danger au large des côtes libyennes, la Libye étant dans l’incapacité d’assumer la responsabilité de sa zone SAR. Tous deux ont reçu l’ordre de reconduire les migrants en Libye et les débarquer dans le port de Tripoli, l’Adakent directement des autorités libyennes et le MV Salamis du MRCC de Rome, au nom des autorités libyennes. L’Adakent a suivi ces instructions. Le MV Salamis, pétrolier grec, a quant à lui secouru 102 migrants qui se trouvaient dans un bateau à près de 45 milles nautiques des côtes libyennes, mais a refusé de les ramener et a poursuivi sa traversée vers Malte. Le Gouvernement de Malte a informé le capitaine du pétrolier qu’il ne serait pas autorisé à débarquer les migrants à Malte. Alors que le Salamis approchait de l’île, il a été arraisonné par les forces armées maltaises. Le navire s’est trouvé dans une impasse, l’Italie et Malte refusant toutes deux de laisser débarquer les migrants.
39. Le 6 août 2013, la Commissaire européenne, Cecilia Malmström, a ordonné à Malte d’autoriser les migrants à débarquer compte tenu de leurs besoins humanitaires urgents. Il n’a pas été donné suite à sa demande. Le ministre de la Sécurité nationale de Malte a déclaré qu’en tant qu’Etat souverain, Malte ne pouvait céder à la violation éhontée du droit international par ce capitaine 
			(14) 
			Times
of Malta, «Migrants sent to Italy», 6 août 2013.. Le procureur général a écrit à la succursale locale du pétrolier, le tenant pour responsable de tout préjudice que pourrait subir Malte en raison de ces événements. Le 7 août, après trois jours dans l’impasse, les autorités italiennes ont accepté d’autoriser le Salamis à débarquer les 102 migrants dans le port de Syracuse.
40. Ces affaires soulèvent deux questions très préoccupantes. Premièrement, les migrants n’ont eu aucune possibilité de demander l’asile et risquaient d’être renvoyés vers une situation dangereuse dans leur pays d’origine, les côtes libyennes, où ils avaient embarqué, ne pouvant être considérées comme étant pour eux un «lieu sûr» au sens de la Convention internationale de 1979 sur la recherche et le sauvetage maritimes (Convention SAR). Deuxièmement, le blocage en mer pendant plusieurs jours met non seulement en péril la santé et le bien-être des migrants secourus, mais a également des conséquences préjudiciables au plan économique pour le navire marchand. Les retards au débarquement augmentent donc le risque que les bateaux privés hésitent davantage à secourir les migrants en mer.

3.3. Grèce

41. En novembre 2013, l’ONG ProAsyl a dénoncé les conséquences fatales de la fermeture de la frontière terrestre dans la région d’Evros, en Grèce, qui, après le mois d’août 2012, a conduit les migrants à changer d’itinéraire et à emprunter celui de la mer Egée. L’ONG a également fait état d’une augmentation des renvois illégaux de réfugiés en provenance de Syrie, d’Afghanistan, de Somalie et d’Erythrée, des eaux territoriales et des îles grecques ainsi que de la frontière terrestre 
			(15) 
			ProAsyl, Pushed-Back: Systematic human rights violations
against refugees in the Aegean Sea and at the Greek-Turkish land
border, 7 novembre 2013.. Le rapport décrit les maltraitances que subissent les personnes appréhendées avant d’être reconduites de force en Turquie. Amnesty International 
			(16) 
			Amnesty International,
Frontier Europe: Human rights abuses on Greece’s border with Turkey,
9 juillet 2013; Frontier of hope and fear: Migrants and refugees
pushed back at Europe’s border, 29 avril 2014. et Human Rights Watch (HRW) ont également interrogé des réfugiés ayant connu semblable expérience. Selon le rapport de ProAsyl, les unités spéciales des garde-côtes grecs abandonnent les réfugiés dans les eaux territoriales turques sans se soucier de leur sécurité: au moins 149 personnes, pour la plupart des réfugiés syriens et afghans, ont perdu la vie dans cette zone maritime.
42. Depuis le début de l’année 2014, au moins 43 personnes sont mortes alors qu’elles tentaient de rejoindre les côtes grecques. Le 20 janvier 2014, neuf enfants et trois femmes ont péri dans le naufrage de leur embarcation à proximité d’une île grecque alors qu’ils étaient remorqués par les garde-côtes grecs 
			(17) 
			Les survivants ont
affirmé que le bateau des garde-côtes naviguait à grande vitesse
vers les côtes turques lorsque leur embarcation a chaviré. Les autorités
portuaires grecques maintiennent quant à elles que lors du remorquage
vers une île grecque, un grand nombre de passagers se sont massés
sur un même côté du bateau, ce qui a provoqué le naufrage. Voir
HCR, Déclaration sur la toute dernière tragédie maritime au large
des côtes grecques, 21 janvier 2014..
43. Face aux critiques de plus en plus virulentes de la part de diverses instances, dont le Conseil de l’Europe 
			(18) 
			Lettre du Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Nils Muižnieks, à
M. Nikolaos Dendias, ministre de l’Ordre public et de la Protection
des citoyens, et à M. Miltiadis Varvitsiotis, ministre de la Marine
marchande, des Affaires maritimes et de la mer Egée, à propos des
expulsions collectives (Grèce), 5 décembre 2013., le HCR, des ONG et des partis politiques, ainsi que de la Commissaire européenne, Cecilia Malmström, le ministre grec de la Marine marchande, Militiadis Varvitsiotis, a ordonné l’ouverture d’une enquête judiciaire sur ces faits. L’indépendance et l’impartialité d’une telle enquête sont d’une importance cruciale. Malheureusement, le manque de transparence ne permet pas de suivre l’évolution de l’enquête et d’évaluer les méthodes employées. Des ONG ont enjoint au ministre de faire renflouer l’épave et rechercher les corps des noyés.
44. Au cours d’une réunion avec le HCR et des ONG travaillant en Grèce tenue en février de cette année, j’ai également pris connaissance de nombreux signes et éléments d’information montrant que la Grèce pratique de manière structurelle le renvoi vers la Turquie 
			(19) 
			Amnesty International,
Frontier of hope and fear: Migrants and refugees pushed back at
Europe’s border, 29 avril 2014.. J’ai fait part de mes inquiétudes au ministre Dendias face à ces allégations provenant de sources fiables. De telles pratiques constitueraient une violation grave du principe de non-refoulement: il est donc urgent de diligenter une enquête approfondie sur ce point. Quoi qu’il en soit, d’autres décès en mer ont été signalés depuis 
			(20) 
			Le 5 mai 2014, au moins
22 personnes ont péri près de l’île grecque de Samos. La rapporteure
de l’Assemblée réagit à la tragédie du bateau migrant en mer Egée,
7 mai 2014; AP, Greece: Smuggling boats capsize, 22 migrants drown, 5 mai
2014.: d’après Amnesty International, ils résultent de nouvelles tentatives des autorités grecques de renvoyer des migrants en Turquie.
45. La fermeture de la frontière terrestre entre la Grèce et la Turquie s’est effectuée en coopération avec l’Union européenne et l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l’Union européenne (Frontex). «Ce sont là des frontières européennes, gérées par les deniers européens, avec le soutien de Frontex» a déclaré le Secrétaire Général du Conseil européen des réfugiés et exilés, Michael Diedring. «L’UE a la responsabilité de prendre toute mesure nécessaire pour veiller à ce que la priorité soit accordée à la vie et que les droits fondamentaux soient respectés à ses frontières 
			(21) 
			ProAsyl, «12 refugees
die during alleged push-back operation off Greek island – ECRE and
Pro Asyl call for independent and effective investigation», communiqué de
presse, 22 janvier 2014..» La Grèce ayant accédé à la présidence de l’Union européenne en janvier 2014, il est d’autant plus important qu’elle donne l’exemple en la matière.

4. Une politique étrangère européenne sur les migrations, l’asile et le devoir de porter secours en Méditerranée

46. Lors de la présentation de mes conclusions devant le Parlement européen, j’ai proposé que le Parlement prenne l’initiative d’un «pacte pour la Méditerranée», c’est à dire un protocole de l’Union européenne pour la région méditerranéenne, qui s’attaquerait aux divers facteurs à l’origine des défaillances en matière de sauvetage et de protection. Les manquements dont j’ai fait état dans mon précédent rapport persistent. Le Parlement européen a laissé passer une belle occasion d’agir en ne donnant pas suite à ma proposition. Il a préféré renvoyer la question au Conseil après les récentes catastrophes. Les propositions de la task-force pour la Méditerranée (TFM) de l’Union européenne, créée en octobre 2013, offrent certes aux Etats membres différents outils et méthodes pour améliorer leurs politiques et pratiques, mais un pacte formulé par le PE aurait pu être axé davantage sur les droits de l’homme et moins sur la sécurité 
			(22) 
			«Deux sommets européens
et un groupe de travail plus tard (...) le seul résultat que nous
ayons obtenu est la réaffirmation des principes politiques qui sont
à l’origine même du problème: la surveillance et la prévention,
et non le sauvetage et la protection», Amnesty International, Secretary
General Salil Shetty to European Policy Council (EPC), Sixty Minute
Briefing, 21 janvier 2014.. Cela dit, le PE aura encore la possibilité de prendre des mesures pour s’assurer que la réponse de l’Union européenne garantit le respect des droits fondamentaux: il n’est pas trop tard.

4.1. L’action de l’Europe sera-t-elle à la hauteur de ses déclarations?

47. Lors de sa réunion des 24 et 25 octobre 2013, le Conseil européen a débattu des flux migratoires 
			(23) 
			Conclusions du Conseil
européen, 24-25 octobre 2013, p. 17-18, EUCO 169/13 – CO EUR 13/
CONCL 7.. Se déclarant profondément attristé par la mort tragique de centaines de personnes aux abords de Lampedusa en octobre 2013, un événement qui a «bouleversé tous les Européens», le Conseil a décidé qu’il convenait d’agir avec détermination pour prévenir les pertes de vies en mer et empêcher que de telles tragédies ne se reproduisent. Il s’est félicité de la création de la TFM en vue d’élaborer un ensemble de mesures en ce sens. La TFM, présidée par la Commission européenne, a tenu deux réunions auxquelles ont participé le Service européen pour l’action extérieure, les Etats membres, le Bureau européen d’appui en matière d’asile (BEA), Frontex, Europol, l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) et l’Agence européenne pour la sécurité maritime (EMSA) 
			(24) 
			D’autres entités ont
également été consultées, notamment les pays associés, le HCR, l’Organisation
Internationale pour les Migrations, le Centre international pour
le développement des politiques migratoires (CIDPM), le Centre européen
des politiques migratoires, l’Organisation maritime internationale,
l’ONUDC et Interpol.. Elle a rendu compte de ses travaux dans une communication au Parlement européen et au Conseil européen en décembre 2013 
			(25) 
			Communication
de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur les travaux
de la task-force pour la Méditerranée, 4 décembre 2013, COM(2013)869..
48. La TFM a défini quelque 38 actions à mettre en œuvre. La communication précise qu’elles devront être «totalement conformes aux normes internationales en matière de droits de l'homme». Le document met l’accent sur l’importance d'éviter que des personnes tentent d'entrer dans l'Union par des voies illégales et mettent leur vie en danger en entreprenant des voyages périlleux pour rejoindre l'Europe. Les mesures proposées incluent le renforcement du rôle de Frontex et de la coopération avec les pays de transit voisins (en matière de contrôle aux frontières, de réadmission, de lutte contre le trafic et la traite d’êtres humains et d’accès aux procédures d’asile), ainsi que l’examen de nouvelles possibilités d’«entrée protégée» dans l’Union pour les personnes ayant besoin d’une protection internationale.
49. La TFM a notamment incité les Etats membres à recourir davantage aux visas humanitaires ou aux programmes de relocalisation et de réinstallation, et proposé de lancer une étude de faisabilité sur le traitement conjoint éventuel des demandes de protection en dehors de l’Union européenne sans préjudice du droit actuel d’accès aux procédures d’asile dans l’Union européenne. La plupart des Etats membres ont cependant rejeté l’idée d’une politique d’invitation plus dynamique. La Commissaire Malmström a indiqué lors d’une réunion interparlementaire tenue à Athènes en février 2014 qu’elle n’était pas en mesure d’engager un projet pilote sur le traitement conjoint des demandes en dehors de l’Union européenne car les Etats membres n’étaient pas disposés à admettre ceux qui seraient reconnus comme étant des réfugiés.
50. Cela dit, il convient de souscrire d’urgence aux propositions de la Commission de créer des entrées protégées en Europe pour les personnes ayant besoin d’une protection internationale, pour montrer des signes de solidarité avec les pays riverains de zones de conflit (aujourd’hui notamment le Liban, la Jordanie et la Turquie) et les réfugiés 
			(26) 
			Amnesty
International, An International Failure: The Syrian Refugee crisis,
réunion d’information, 13 décembre 2013. qui, craignant la violence et les retours forcés, sont prêts à courir les dangers d’un voyage vers un lieu plus sûr. Le recours à des Centres d’Evacuation et de Transit (Evacuation Transit Centres – ETC) pourrait faciliter l’examen des dossiers vers les Etats membres du Conseil de l’Europe ou les pays non européens.
51. La communication de la TFM se penche sur le problème de l’insuffisance des normes en matière de droits de l’homme dans les pays de transit, mais ne propose pas de commencer par exiger un niveau de protection adéquat (en ce qui concerne le non-refoulement, l’accès aux mécanismes d’asile et de protection, la non-discrimination, l’accès aux services et la dignité) avant d’engager une coopération avec ces pays sur les questions de migration. Le rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme des migrants, François Crépeau, avait pourtant déjà insisté sur la nécessité d’imposer une telle condition 
			(27) 
			François Crépeau, Etude
régionale: la gestion des frontières extérieures de l’UE et ses
incidences sur les droits de l’homme des migrants, 24 avril 2013..
52. Je tiens à saluer les deux partenariats de mobilité conclus avec la Tunisie et le Maroc, ainsi que celui qui est en cours de négociation avec la Jordanie, dans le cadre de l’Approche globale de la question des migrations et de la mobilité (AGMM). L’AGMM repose sur quatre piliers: l’immigration légale et la mobilité; l’impact des migrations sur le développement; la lutte contre l’immigration irrégulière et la traite des êtres humains; la protection internationale et la politique d’asile. On a reproché à cette coopération avec des pays tiers de se solder par des politiques encore plus draconiennes envers les migrants dans les pays de transit, pays qui ont gagné un intérêt à se soustraire à toute responsabilité envers les migrants et à s’assurer que ceux-ci n’atteignent pas les frontières de l’Union européenne 
			(28) 
			Voir
par exemple, Réseau euro-méditerranéen des droits de l’homme, Document
d’analyse du Partenariat de mobilité signé entre le Royaume du Maroc,
l’Union Européenne et neuf Etats membres le 7 juin 2013, février
2014. Human Rights Watch, Abused and expelled. Ill-Treatment of
Sub-Saharan African Migrants in Morocco, février 2014. Amnesty International,
Les dirigeants de l'Union européenne doivent agir de toute urgence
pour que le nombre de morts en Méditerranée cesse de croître, déclaration
publique, Bruxelles, 13 mai 2014.. Afin d’éviter ces effets pervers, il conviendrait d’accorder la priorité au dernier de ces piliers. La coopération sur les trois autres thèmes devrait être subordonnée à l’existence d’un niveau de protection adéquat. L’AGMM devrait en outre viser un partage des responsabilités pour les réfugiés et ouvrir des voies d’accès sûres et légales vers l’Europe pour ceux qui cherchent une protection.
53. Par ailleurs, le règlement de Dublin 
			(29) 
			Règlement (UE) n° 604/2013
du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant
les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable
de l’examen d’une demande de protection internationale introduite
dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou
un apatride (refonte), 26 juin 2013. dissuade de fait les Etats membres méridionaux d’améliorer leurs normes d’accueil des demandeurs d’asile et les procédures applicables en matière d’asile, et compromet donc les objectifs d’un régime d’asile européen commun. Dans sa proposition relative au programme post-Stockholm, la Commission a recommandé la création d’un statut uniforme en matière d’asile 
			(30) 
			Commission
européenne, Faire de l’Europe ouverte et sûre une réalité, COM(2014)154,
11 mars 2014., qui renforcerait la confiance mutuelle dans les décisions nationales en matière d’asile et faciliterait aussi la mobilité au sein de l’Union. Ce droit à la mobilité offre aux réfugiés et aux personnes bénéficiant d’une protection subsidiaire la possibilité de choisir leur lieu d’installation, créant ainsi un une solidarité naturelle.
54. En parallèle, l’Union européenne pourrait également améliorer et harmoniser davantage l’application de l’acquis en matière d’asile par le lancement d’un projet pilote sur le traitement conjoint des demandes au sein de l’Union européenne, en offrant un soutien adéquat aux Etats membres qui ne disposent pas encore de normes suffisantes en matière de protection et en encourageant la Commission européenne à engager des procédures d’infraction.
55. Il reste à voir dans quelle mesure les propositions de la TFM seront adoptées et comment elles contribueront à réduire le risque de tragédies futures. Par ailleurs, le Conseil a reporté à juin 2014 les discussions sur les questions d’asile et de migration.

4.2. Un rôle renforcé pour Frontex et EUROSUR

56. La TFM a recommandé en particulier un soutien accru et l’assistance aux Etats membres de la région et un renforcement des activités de Frontex en Méditerranée.
57. Le Conseil a conclu en octobre qu’une «mise en œuvre rapide par les Etats membres du nouveau système européen de surveillance des frontières (EUROSUR) sera cruciale pour aider à la détection de navires et d’entrées illégales, ce qui contribuera à protéger et à sauver des vies aux frontières extérieures de l’UE». Ce système est entré en vigueur le 2 décembre 2013 pour un coût estimé à 244 millions d’euros jusqu’en 2020.
58. «L’appui de moyens militaires aériens et navals des Etats membres aux opérations de surveillance des frontières coordonnées par Frontex (...) peut améliorer la connaissance de la situation et les capacité de détection précoce des migrants irréguliers en mer, permettant ainsi de prévenir plus efficacement les pertes de vies humaines.» La TFM a proposé par ailleurs d’intensifier la surveillance des points de départ connus des migrants irréguliers en Méditerranée, y compris dans les parties du littoral servant de plaque tournante à cette migration irrégulière.
59. On peut toutefois se demander si un renforcement des échanges d’information entraînera une multiplication des actions de recherche et sauvetage. Mon rapport justifie un certain scepticisme puisqu’il a clairement montré qu’aucune opération de recherche ou de sauvetage n’avait été lancée malgré la réception d’un appel de détresse et la connaissance de la localisation du bateau de cercueil. Si l’on ne remédie pas à l’absence de volonté politique, l’augmentation du volume d’informations pourrait très bien avoir l’effet inverse, à savoir un renforcement des mesures dissuasives, voire du nombre de renvois.
60. En outre, si EUROSUR vise effectivement à protéger et à sauver des vies, ainsi qu’à prévenir la migration irrégulière et à s’attaquer à la criminalité transfrontalière, il devra s’appuyer sur des normes précises, contraignantes et exécutoires sur les règles d’engagement en matière de détection, d’interception et d’opérations de sauvetage et de débarquement. Il devra également appliquer une conception plus vaste de la détresse, compatible avec les règles Frontex de l’Union européenne ainsi que des critères bien établis pour déterminer où les personnes secourues seront autorisées à débarquer, conformément au droit de demander l’asile; enfin, il devra s’engager clairement à respecter les droits des migrants et des demandeurs d’asile. Afin de mieux rendre compte de son action et conformément à la recommandation de la Médiatrice de l’Union européenne, Frontex devrait établir un mécanisme effectif de requêtes individuelles contre les violations des droits fondamentaux 
			(31) 
			Voir
les recommandations de l’enquête n°OI/5/2012/BEH-MHZ. Voir aussi,
Médiateur européen, La Médiatrice demande à Frontex de traiter les
plaintes relatives aux violations des droits fondamentaux, communiqué
de presse, 14 novembre 2013..
61. Le règlement relatif aux opérations aux frontières maritimes coordonnées par Frontex, adopté par le Conseil de l’Union européenne le 13 mai 2014, comblera en partie ces lacunes 
			(32) 
			Conseil de l’Union
européenne, Le Conseil adopte de nouvelles règles pour la surveillance
des frontières maritimes extérieures de l’Union européenne, communiqué
de presse, Bruxelles, 13 mai 2014. Voir également le Règlement du Parlement
européen et du Conseil établissant des règles pour la surveillance
des frontières maritimes extérieures dans le cadre de la coopération
opérationnelle coordonnée par l’Agence européenne pour la gestion
de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des
Etats membres de l’Union européenne, PE-CONS 35/14.. Toutefois, il ne s’applique qu’à ce type d’opérations conjointes: c’est pourquoi je recommande d’appliquer ces dispositions à l’ensemble des actions de recherche et sauvetage entreprises par chacun des Etats membres, et de s’assurer que l’évaluation individuelle de la sécurité du retour vers un pays tiers, qui ne peut se faire correctement en haute mer, aura lieu sur le territoire de l’Union européenne.
62. En outre, le nouveau règlement ne se limitera pas à la détection des tentatives de franchissements non autorisés des frontières, mais s’étendra également à l’interception des navires soupçonnés d’essayer d’entrer sur le territoire de l’Union européenne sans se soumettre aux contrôles aux frontières, ainsi qu’aux activités de recherche et de sauvetage au cours d’une opération en mer
63. Je tiens à saluer en particulier les efforts du Parlement européen pour définir clairement dans le Règlement la notion de «navire ou passagers en phase de détresse». Les règles énoncent que les «Etats membres s’acquittent de leur obligation de prêter assistance à tout navire ou à toute personne en détresse en mer». Cela étant, j’invite Frontex à s’assurer que la marge d’interprétation relative à la distinction entre la phase d’alerte et la phase de détresse ainsi que les erreurs potentielles en la matière sont accompagnées de garanties adéquates.
64. Les plans opérationnels de Frontex, qui doivent être mis en œuvre dans le respect du droit international et des droits fondamentaux 
			(33) 
			Résolution 1932 (2013) de l’Assemblée «Frontex: responsabilités en matière
de droits de l’homme», et Doc.
13161. , prévoiront également «des procédures garantissant que les personnes ayant besoin d'une protection internationale, les victimes de la traite des êtres humains, les mineurs non accompagnés et les autres personnes vulnérables soient identifiés et qu'il leur soit fourni une assistance appropriée, y compris l'accès à la protection internationale». Cette évaluation peut toutefois avoir lieu durant l’opération en mer. On peut d’ailleurs se demander s’il s’agit là d’une véritable évaluation en l’absence d’importantes garanties comme l’aide juridique et l’existence d’un recours effectif contre une décision négative. En dépit des lacunes concernant l’adéquation des garanties, le règlement autorise Frontex et les Etats membres à laisser un migrant débarquer dans un pays tiers.
65. Les nouvelles règles Frontex rappellent la nécessité «d’une coopération avec les pays tiers voisins (…) pour empêcher le franchissement non autorisé des frontières, lutter contre la criminalité transfrontalière et éviter les pertes humaines en mer». Bien que efforts soient prévus pour renforcer les capacités de recherche et de sauvetage en Afrique du Nord, ces capacités demeurent faibles pour l’heure. Il sera donc indispensable, du moins à court terme, que les centres européens de coordination de sauvetage soient immédiatement contactés lorsque des bateaux en détresse en mer sont repérés, afin de démarrer au plus vite les opérations de sauvetage. L’expérience vécue en 2011 s’agissant de la zone SAR libyenne fait ressortir immédiatement toute l’importance d’une attribution précise des responsabilités en de telles circonstances.

4.3. Appels à trouver des solutions aux tragédies en Méditerranée

66. Un grand nombre d’ONG, internationales et locales, continuent de suivre ce dossier sous tous ses aspects, par des démarches individuelles ou en collaboration, afin d’élaborer une stratégie collective et de faire pression sur Bruxelles et sur les pays concernés. Plusieurs d’entre elles échangent des informations dans le cadre de Boats for People, via le site internet Watch the Med et par le biais de projets comme The Migrants Files. Leur engagement en la matière et leur travail inlassable méritent d’être reconnus.
67. Peu après les tragédies d’octobre 2013, le HCR a appelé au renforcement immédiat des capacités de recherche et de sauvetage en mer en Méditerranée centrale. Dans une proposition en faveur d’une Initiative pour la Méditerranée centrale 
			(34) 
			HCR, Proposal for a
Central Mediterranean Sea Initiative: EU solidarity for rescue-at-sea,
protection and comprehensive responses, 16 octobre 2013., le HCR s’est penché sur les lacunes persistantes dans l’attribution des responsabilités en cas de débarquement et a déclaré que les «divergences de vues sur ces questions sont directement liées à la question de savoir quel(s) Etat(s) accepterai(en)t la responsabilité à plus long terme d’accorder l’asile». Il a recommandé un renforcement des patrouilles SAR le long des voies de navigation en Méditerranée, une collaboration plus concrète entre Etats membres de l’Union européenne, un soutien de l’Organisation maritime internationale (OMI) et une assistance aux capitaines de navires marchands procédant à des sauvetages, ainsi que l’élaboration de nouvelles directives à l’intention des capitaines 
			(35) 
			Le
HCR a inclus le développement de ces lignes directrices parmi ses
priorités de travail pour les deux prochaines années. et des participants aux plans opérationnels de Frontex, sur ce qui constitue une situation de détresse.
68. Amnesty International a continué de réclamer des réponses concernant l’affaire du Salamis et de l’Adakent ainsi que les naufrages d’octobre 2013 et d’autres plus récents. Elle a fait des déclarations publiques, s’est exprimée dans des tribunes libres et a rédigé des communiqués de presse sur les solutions permettant à l’Union européenne de prévenir efficacement de nouvelles pertes humaines. Elle a également appelé l’attention sur les «renvois» et la nécessité pour l’Europe de cesser d’«externaliser» la migration vers des pays comme la Libye et l’Egypte, où les garanties en matière de droits de l’homme font défaut.
69. Human Rights Watch a diffusé plusieurs publications sur le décès de migrants en Méditerranée et formulé des recommandations concrètes quant à la manière dont l’Europe devrait réagir. En préparation des discussions reportées à juin 2014, entres autres, l’ONG européenne Platform on Asylum and Migration, regroupant 26 ONG basées en Europe, a préparé une déclaration sur les grandes priorités des futures politiques européennes en matière de migrations et d’asile 
			(36) 
			Déclaration de l’ONG
européenne Platform on EU Asylum and Migration (EPAM) sur les éléments
du futur programme de l’Union européenne en matière d’asile et de
migration, 20 janvier 2014..

5. Mesures à prendre

70. Les enseignements tirés du passé qui sont relevés dans ce rapport mettent en évidence d’autres mesures spécifiques qui doivent encore être prises par les Etats membres, l’OTAN et l’OMI.

5.1. Améliorer les méthodes de travail de l’OTAN

71. L’OTAN s’est déclarée vivement préoccupée par les décès de migrants en mer et a réaffirmé que les navires sous son commandement répondraient systématiquement aux bateaux en détresse, conformément à leurs obligations découlant du droit maritime. Elle a confirmé que le rapport de l’Assemblée était utilisé dans le cadre d’un processus de retour d’expérience visant à améliorer ses méthodes de travail pour éviter toute nouvelle perte humaine.
72. L’opération «Unified Protector» dirigée par l’OTAN, qui avait déployé plusieurs navires en mer Méditerranée en mars/avril 2011, a pris fin en octobre de la même année. L’Organisation dispose actuellement d’un groupe maritime permanent (Groupe maritime permanent de l’OTAN – SNMG) stationné en Méditerranée. Nous ne doutons pas que le SNMG, ainsi que toute nouvelle opération ultérieure, adapteront leurs procédures à la lumière des conclusions de cet exercice.
73. L’OTAN a expliqué que les bâtiments militaires n’étaient pas tous équipés de l’une des versions du système mondial de détresse et de sécurité en mer (SMDSM) et n’avaient pas tous les moyens de recevoir des messages de détresse. Tant que ce système ne sera pas rendu obligatoire, il est peu probable que tous les bâtiments en seront dotés. Ces navires disposeront cependant d’équipements de communication sophistiqués qui leur permettront de réceptionner les signaux de détresse. L’OMI, instance de l’ONU chargée de la sécurité en mer, qui s’occupe notamment du suivi des conventions SOLAS 
			(37) 
			Convention
internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS),
1er novembre 1974. et SAR, a lancé en 2010 une étude visant à déterminer s’il y avait lieu de revoir le système mondial de détresse et de sécurité en mer (SMDSM) et à quels égards.

5.2. Clarifier les responsabilités en matière de recherche et de sauvetage

74. En enquêtant sur le drame de mars/avril 2011, je me suis heurtée à des avis très divergents sur la question de savoir à qui il incombe au premier chef de répondre aux appels de détresse. Dans les tragédies ultérieures, ce point est toujours apparu comme un facteur déterminant. Lorsque j’ai cherché à éclaircir un certain nombre de questions fondamentales que j’avais identifiées, les Etats membres ont continué à me renvoyer à l’OTAN et l’OTAN aux Etats membres. A mon sens, la responsabilité n’était ni clairement attribuée ni clairement admise, du moins concernant les obligations en matière de droits de l’homme.
75. Il semble que des désaccords continuent d’opposer régulièrement Malte et l’Italie – l’une étant géographiquement plus proche pour effectuer les sauvetages, l’autre étant responsable au premier chef de la zone en question – ce qui se solde par d’importants retards dans toute intervention. La coordination des opérations de recherche et sauvetage doit être améliorée considérablement si l’on veut sauver des vies; j’espère que l’Italie mettra à profit sa présidence de l’Union européenne à venir pour afficher une volonté politique de résoudre ces querelles avec Malte.
76. Alors que débutent les opérations EUROSUR visant à améliorer la surveillance et la coordination entre Etats membres de l’Union européenne en Méditerranée, il est essentiel de définir clairement à qui incombe la responsabilité principale d’agir au sein du réseau EUROSUR ainsi que parmi les centres nationaux de coordination.
77. Il importe de savoir dans quelle mesure le système EUROSUR, avec ses centres nationaux de coordination chargés de la surveillance des frontières, pourra garantir une réponse rapide et adéquate aux migrants en détresse en mer Méditerranée et la responsabilisation de l’ensemble des acteurs concernés.
78. Qui plus est, le règlement relatif aux opérations aux frontières maritimes coordonnées par Frontex contient des dispositions concernant l’interception, la réponse aux appels de détresse et le débarquement. Je réaffirme que ces règles pourraient combler certaines lacunes si les Etats membres les appliquaient aux opérations nationales d’interception et de recherche et sauvetage.

5.3. Encourager la recherche et le sauvetage par des navires privés

79. Sur ce point, il est primordial de dissiper les craintes des pêcheurs qui redoutent des ennuis s’ils viennent au secours des migrants. Toutefois, il existe encore dans certains Etats membres des lois qui pénalisent l’aide à l’entrée irrégulière 
			(38) 
			En Italie, la situation
est encourageante, car le Sénat italien a abrogé la loi érigeant
la migration irrégulière en infraction pénale le 21 janvier 2014.
Néanmoins, cette décision doit encore être approuvée par la Chambre
basse du Parlement pour entrer en vigueur.. Des poursuites seraient donc toujours possibles contre des entreprises privées ou des particuliers qui aideraient des migrants en détresse. Ces lois doivent être abrogées dans les meilleurs délais.
80. Dans sa communication du mois de décembre 2013, la TFM de la Commission européenne a proposé de lancer au niveau national un appel enjoignant aux capitaines de navires marchands et de bateaux de pêche de se conformer à leur obligation, au titre du droit international (Conventions CNUDM, SOLAS et SAR), de porter assistance à tout bateau de migrants en détresse et de le signaler aux autorités compétentes de leur Etat membre. Selon la TFM, il faudrait également, en parallèle, leur assurer publiquement qu’ils seront toujours autorisés à débarquer les migrants rapidement et «qu’ils ne subiront aucune conséquence juridique négative en raison de cette assistance, à condition qu’ils soient de bonne foi» 
			(39) 
			Communication
de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur les travaux
de la task-force pour la Méditerranée, COM(2013)869déf, 4 décembre
2013.. Les récentes règles Frontex favorisent la protection des capitaines et des équipages en prévoyant qu’ils ne devraient pas encourir «des sanctions pénales au seul motif qu’ils ont porté secours à des personnes en détresse en mer et qu’ils les ont menées en lieu sûr».
81. Dans sa résolution de 2012, l’Assemblée a également souligné la nécessité de prendre en compte les conséquences économiques pour le navire qui porte secours et ses propriétaires. L’affaire du MV Salamis, évoquée ci-dessus, illustre très clairement le coût prohibitif que cela peut avoir à titre individuel. La FRA a recommandé aux Etats membres de l’Union européenne d’étudier les moyens de soutenir les navires privés, notamment les navires de pêche, lorsqu’ils sont confrontés à des pertes économiques du fait de leur implication dans des opérations de sauvetage 
			(40) 
			Agence des droits fondamentaux
de l’Union européenne, Les droits fondamentaux aux frontières maritimes méridionales
de l’Europe, mars 2013.. La TFM ne semble pas s’être penchée sur la question de l’indemnisation de ces navires.

5.4. Préserver le principe de non-refoulement

82. Les affaires précitées, très récentes pour certaines, montrent qu’en dépit d’affirmations contraires formulées devant le Comité des Ministres et d’autres instances, certains Etats membres poursuivent leur politique de renvoi 
			(41) 
			Voir également le cas
de Malte, qui a été contrainte en juillet 2013 par des mesures provisoires
de s’abstenir de procéder au refoulement prévu de réfugiés somaliens
vers la Libye. VOA News, Malta force
to cancel repatriation of African refugees, 10 juillet
2013. .
83. La position du Conseil de l’Europe sur cette question est claire. Conformément à l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme rendu en l’affaire Hirsi Jamaa et autres c. Italie, les Etats membres ont l’obligation de veiller à ce que nul ne soit renvoyé dans un pays où il risque de subir des traitements constituant une violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. Cette obligation vient s’ajouter à celle incombant aux Etats au titre de la Convention SAR.
84. On peut supposer que la plupart des personnes interceptées ont besoin d’une protection; il faut alors qu’elles aient la possibilité de demander l’asile dans le lieu où elles sont emmenées. Pour le moment, une telle garantie n’existe absolument pas dans des pays tels que la Libye ou l’Egypte. Même en Turquie, les demandeurs d’asile non européens ont du mal à obtenir une protection en raison de la réserve géographique qu’elle maintient à la Convention de Genève relative au statut des réfugiés (1951).
85. Les Etats membres doivent cesser toute réadmission, même dans le cadre du règlement de Dublin, lorsque le pays de réadmission ne protège pas suffisamment les droits fondamentaux des individus et leur droit à ne pas être renvoyés dans un pays où ils s’exposeraient à des persécutions ou à des traitements inhumains ou dégradants. A cet égard, on peut citer en exemple l’accord entre l’Italie et la Libye, qui empêche les migrants de quitter la Libye (où leurs droits fondamentaux subissent de graves violations) et d’obtenir une protection en Europe.
86. Les nouvelles règles Frontex autorisent également le retour vers des pays tiers de personnes interceptées en haute mer, après une brève évaluation de leurs besoins en matière de protection et de la situation dans le pays où elles seraient renvoyées. Selon HRW, ces interceptions et renvois ne peuvent que perpétuer le cycle des traversées dangereuses entreprises par les migrants et les demandeurs d’asile.

5.5. Identifier les morts et rétablir les liens familiaux

87. Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe avait dès 2007 demandé l’identification des migrants morts ou disparus en mer. Dans sa Déclaration de Stockholm prononcée en 2009, l’Union européenne s’est engagée à améliorer l’enregistrement et l’identification des migrants tentant de rejoindre l’Europe. Pourtant, jusqu’à une date récente, cette question n’a guère suscité de débats publics.
88. Bien que des efforts considérables soient faits pour identifier ceux qui réussissent à atteindre les côtes européennes, pour des questions de régulation de l’immigration et de traitement des demandes d’asile, les Etats membres ne semblent pas faire grand-chose pour les autres qui n’atteignent pas les côtes. De nombreuses personnes périssent donc sans que leurs familles sachent ce qu’il est advenu d’elles. Les familles sont rarement en mesure de poursuivre leurs démarches. Dans certains cas, le pays d’origine peut même utiliser les informations éventuellement obtenues pour faire pression sur les membres de la famille restés dans le pays. Il faudra donc faire preuve de compassion et d’une extrême prudence dans ce processus.
89. En novembre 2013, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), la Croix-Rouge italienne et l’université de Milan se sont saisies de la question et ont organisé une première conférence sur la gestion et l’identification des victimes, en mettant l’accent sur l’expérience des pays méditerranéens européens relative aux dépouilles de migrants. Il s’agissait de sensibiliser l’opinion à cette tragédie humanitaire, de partager les informations relatives aux pratiques actuelles de l’Italie, de l’Espagne, de la Grèce, de Malte, de la France et du Portugal et de mettre en valeur les meilleures pratiques en la matière aux niveaux national et régional.
90. J’adhère aux recommandations du CICR portant sur l’élaboration de protocoles et de normes médico-légales et la création d’une base de données européenne des corps non identifiés repêchés en Méditerranée et des personnes portées disparues. Ces informations devraient être accessibles facilement aux familles des victimes, afin qu’elles puissent accomplir leur travail de deuil.
91. Les activités du CICR englobent en général la collecte de demandes de recherche formulées par les proches afin d’essayer de rétablir les liens entre les membres séparés d’une même famille. A cet égard, je soutiens la recommandation du CICR aux autorités d’assurer le maintien et le rétablissement des liens familiaux. Il convient d’éviter une «séparation secondaire» des membres d’une même famille au cours des opérations de sauvetage ou ultérieurement, par exemple pour des raisons médicales. A défaut, les familles doivent être informées de la situation de leurs proches.
92. Le Conseil de l’Europe accorde une grande importance à cette question. Si ces personnes étaient mortes au combat ou sur la terre ferme, tout serait fait pour les identifier et annoncer leur décès aux familles. On ne peut accepter que leur statut de migrants en situation irrégulière ne leur permette pas de jouir de la même considération.

5.6. Surveiller les pratiques maritimes

93. L’OMI devrait jouer un rôle dans la diffusion et la promotion d’une application correcte du droit maritime. Elle m’a fait savoir que le suivi de ses conventions, jusqu’alors facultatif, deviendrait obligatoire à partir du mois de janvier 2015, afin d’améliorer la mise en œuvre de ses instruments. Cela dit, ces contrôles se limiteront à vérifier que les systèmes nationaux de mise en œuvre ont été mis en place et ne porteront donc pas sur l’application effective des règles. Il est recommandé que les Etats membres de l’OMI élargissent le mandat de cette dernière en ce sens.
94. Le 1er juillet 2006, des amendements aux Conventions SOLAS et SAR sont entrés en vigueur, faisant obligation aux Etats de coopérer et de coordonner leurs efforts en vue d’assurer le débarquement des personnes secourues en mer en un lieu sûr dans les plus brefs délais. Cela continue d’occasionner des délais excessifs au débarquement. Les directives 2004 de l’OMI sur le traitement des personnes secourues en mer définissent – contrairement à la Convention SAR – la notion de «lieu sûr» 
			(42) 
			Selon les directives
de l’OMI sur le traitement des personnes secourues en mer, un lieu
sûr « est un emplacement où les opérations de sauvetage sont censées
prendre fin. C’est aussi un endroit où la vie des survivants n’est
plus menacée et où l’on peut subvenir à leurs besoins fondamentaux
(tels que des vivres, un abri et des soins médicaux). De plus, c’est un
endroit à partir duquel peut s’organiser le transport des survivants
vers leur prochaine destination ou leur destination finale ». Cette
définition a été reprise dans les règles Frontex de 2014 qui vont
même plus loin en ajoutant l’obligation de « tenir compte de la
protection de leurs droits fondamentaux dans le respect du principe
de non-refoulement ». et stipulent que les gouvernements et le RCC responsable doivent «tout mettre en œuvre pour réduire au minimum la durée de séjour des survivants à bord du navire prêtant assistance».
95. Cela étant, il manque toujours une disposition obligeant clairement les Etats membres à assurer le débarquement des personnes secourues. De plus, les directives de l’OMI ne sont pas contraignantes. Certains Etats comme Malte ne les ont pas acceptées et continuent de faire une distinction entre un lieu sûr au regard de la SAR et un lieu sûr au regard du droit humanitaire. L’affaire du Salamis illustre bien les lacunes persistantes du cadre juridique international et de l’Union européenne quant aux obligations des Etats membres en matière de débarquement.
96. L’OMI m’a informée dans une lettre du 7 février 2012 qu’elle avait pris l’initiative d’apporter son concours à la rédaction d’un mémorandum d’accord non contraignant sur les procédures visant à faciliter le débarquement des personnes secourues en Méditerranée 
			(43) 
			Voir également l’allocution
du Secrétaire Général de l’OMI prononcée lors de l’ouverture de
la 37e session du Comité de la simplification des formalités de
l’OMI, 2011.. Ce dernier entend améliorer la coordination entre les gouvernements participants pour que les survivants soient conduits aussi rapidement que possible dans des ports ou des lieux sûrs adaptés. Il n’imposera pas de nouvelles obligations aux Etats parties. En juin 2013, dans un nouveau courrier, l’OMI m’a fait savoir que l’examen d’un mémorandum d’accord régional n’avait pas encore abouti et que sa rédaction était toujours en cours.
97. Il serait hautement souhaitable que l’OMI poursuive son travail de médiation entre Malte et d’Italie afin que ces pays parviennent à un terrain d’entente sur les responsabilités en matière de SAR et de débarquement, par exemple dans le cadre d’un mémorandum d’accord bilatéral. Entre 2009 et 2010, de tels mémorandums d’accord relatifs aux régions SAR et à la coordination des services SAR ont déjà été signés entre l’Italie et plusieurs de ses voisins méditerranéens (Croatie, Grèce, Albanie, Slovénie) et notifiés à l’OMI. La conclusion d’un accord semblable entre l’Italie et Malte constituerait sans nul doute une étape aussi importante que prometteuse. L’Union européenne devrait examiner les moyens de faciliter et de promouvoir la réalisation de ce mémorandum d’accord bilatéral.

Annexe – Sélection de réponses officielles adressées à la rapporteure

(open)

Lettre de M. Richard Froh, Secrétaire Général adjoint délégué, Division des opérations de l’OTAN, à Mme Strik, rapporteure de la Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, datée du lundi 23 avril 2012

[traduction non officielle]

Je vous remercie vivement de la lettre que vous avez adressée le 12 avril à M. l’Ambassadeur Evans pour demander un complément d’information sur l’accident tragique d’un bateau de migrants survenu l’année dernière en mer Méditerranée. J’adhère aux conclusions de votre rapport selon lesquelles ce drame semble être la conséquence d’un enchaînement malheureux d’événements, provoqué dans un certain sens par un manque de communication apparent entre la plupart des acteurs concernés. Si nous avons laissé échapper une occasion de nous rendre utiles, nous le regrettons profondément. Il est cependant évident que la responsabilité première de cette tragédie revient au gouvernement Kadhafi, aux trafiquants d’êtres humains et au capitaine du navire, tous coupables d’avoir mis en danger la vie des personnes innocentes qui se trouvaient à bord de l’embarcation. Les commandants de l’ensemble des navires alliés – qu’ils soient ou non sous commandement de l’OTAN – sont pleinement conscients des obligations qui leur incombent en vertu du droit maritime. Ces obligations s’appliquent à tous les bâtiments, à leurs équipages et à leur capitaines, qu’il s’agisse d’une flotte militaire ou marchande.

L’OTAN et les alliés continuent à passer au crible nos dossiers afin de déterminer ce qui s’est passé durant les deux semaines que ce bateau a passées en mer. Ces travaux se poursuivent mais, dans l’attente de leurs conclusions, je pensais qu’il était important de vous soumettre, avant le débat de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe qui aura lieu le 24 avril, les informations que nous avons pu recueillir à ce jour.

L’OTAN ne dispose pas de clichés pris par satellite qui pourraient aider à identifier des navires marchands, militaires ou autres présents dans la zone à l’époque des faits car elle n’a pas utilisé l’imagerie par satellite pour améliorer sa connaissance de la situation maritime et ainsi asseoir l’embargo décrété par les Nations-Unies. Cela s’explique par notre capacité satellitaire limitée qui, la plupart du temps, ne permet pas de fournir des images continues en temps réel. Je soulignerai également que l’OTAN n’avait pas déclaré de «zone militaire» dans la mer Méditerranée et, comme vous le savez, n’avait pas de rôle de coordination générale des opérations de recherche et de sauvetage dans la région.

La mission première de notre force d’intervention navale était d’empêcher l’afflux d’armes en provenance de Libye, de faire appliquer l’embargo des Nations Unies sur la livraison d’armes, tâche que nous avons accomplie avec succès, bien qu’ayant à de nombreuses reprises essuyé les tirs des forces pro-Kadhafi. Au moment du drame, à la fin du mois de mars, il y avait seulement huit bâtiments sous commandement de l’OTAN en Méditerranée, couvrant une zone d’opérations de plus de 61 000 milles nautiques carrés. Ils ont pleinement respecté l’ensemble de leurs obligations découlant du droit international, et en particulier de la SOLAS.

Je peux confirmer que des hélicoptères déployés à partir de navires sous commandement de l’OTAN survolaient le secteur général où se trouvait l’embarcation de migrants, y compris le 27 mars. Nous ne disposons cependant d’aucun élément qui permettrait de relier l’un de ces hélicoptères sous commandement de l’OTAN au moment et au lieu où des biscuits et de l’eau auraient été largués aux survivants, selon les déclarations de ces derniers. J’ai demandé aux nations de me dire si l’un de leurs hélicoptères survolant cette partie de la Méditerranée au cours de ces deux semaines portait l’inscription «army» ou «armée». Les navires de guerre sous commandement de l’OTAN engagés dans les opérations d’embargo n’étaient bien sûr pas les seuls à utiliser des hélicoptères dans cette zone à ce moment-là. Des aéronefs à voilure fixe et des aéronefs à voilure tournante appartenant aux alliés, à des pays non-membres de l’OTAN et à des organisations non militaires étaient également en activité.

Outre les informations déjà fournies dans la lettre de M. l’Ambassadeur Evans datée du 27 mars 2012 relatives à la distance des autres bâtiments de l’OTAN opérant dans la même zone, je peux vous confirmer que la frégate espagnole Mendez Nunez, sous commandement de l’OTAN, se trouvait à quelque 24 milles nautiques de là. Les autorités espagnoles m’ont également confirmé que l’hélicoptère de la frégate se trouvait sur le pont, et non en vol, à l’heure mentionnée par les survivants. Il convient de noter que la position relative des navires par rapport à la position estimée du bateau en question, mentionnée dans le projet de rapport de l’APCE, ne présente qu’un intérêt minime, aucun cas de détresse n’ayant été analysé sous l’angle de l’OTAN pendant cette période. Par ailleurs, comme il est mentionné plus haut, de nombreux autres navires, civils et n’appartenant pas à l’OTAN, opéraient ou transitaient dans la zone.

Dans sa lettre, M. l’Ambassadeur Evans vous a également fourni des informations sur les navires italiens opérant dans cette partie de la Méditerranée. Les autorités italiennes nous ont affirmé très clairement qu’aucun navire, avion ou hélicoptère italien n’était entré en contact avec l’embarcation des migrants. Selon eux, cela inclut l’ITS Borsini qui se trouvait à 37 milles nautiques de la position signalée dans votre rapport. Ce dernier n’a par ailleurs jamais capté d’appel de détresse concernant l’embarcation.

Nous apprécions que l’Assemblée parlementaire se mobilise pour résoudre la question importante des décès de migrants en mer Méditerranée et attendons avec intérêt de prendre connaissance de la résolution finale de l’Assemblée. Dans l’intervalle, les alliés de l’OTAN prennent d’ores et déjà les projets de recommandations très au sérieux. L’OTAN recherche des moyens de renforcer le partage de l’information et les procédures de recherche et sauvetage en mer lors des opérations menées par l’OTAN. Une fois encore, comme l’a mentionné M. l’Ambassadeur Evans, sur toute la durée des opérations d’embargo l’année dernière, les navires et aéronefs de l’OTAN ont directement contribué au sauvetage de plus de 600 personnes, y compris les jours précédant et suivant ce drame. De même, par la coordination avec les autorités nationales, nous avons aidé à en sauver des centaines d’autres. La procédure appliquée par l’OTAN consistait à alerter les garde-côtes nationaux responsables, ainsi que l’OIM et le HCR, lorsque des navires en détresse étaient repérés. Enfin, l’OTAN a engagé un processus global de retour d’expérience sur l’opération en Libye, qui examinera également les aspects relatifs à la recherche et au sauvetage mentionnés dans votre rapport.

J’espère que ce complément d’informations vous aidera dans vos délibérations. Nous vous transmettrons des éléments supplémentaires dès que ceux-ci nous auront été transmis par les nations ou par nos chaînes de commandement militaire.

Lettre de M. Nick Harvey, Secrétaire d’Etat aux forces armées britanniques, à Mme Strik, rapporteure de la Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, datée du 2 mai 2012

[traduction non officielle]

Je vous remercie de votre lettre au ministre de la Défense concernant l’enquête menée par le Conseil de l’Europe sur la perte de vies humaines à bord d’un navire en mer Méditerranée.

Je vous prie tout d’abord de nous excuser d’avoir tardé à vous répondre. Il y a eu une méprise de notre part. En effet, votre lettre d’octobre dernier ne nous est parvenue qu’à la mi-février et, ayant déjà transmis des informations au niveau national par l’intermédiaire de l’OTAN, nous pensions que notre contribution avait été intégrée à la réponse de l’OTAN du 8 février.

Je tiens à souligner que le Royaume-Uni prend très à cœur ses responsabilités. Nous sommes entièrement convaincus de la nécessité de faire preuve de transparence. Tous nos bâtiments militaires opérant en mer sont pleinement conscients des obligations qui leur incombent en vertu du droit maritime de prêter assistance aux personnes en détresse. Pour vous aider dans votre enquête, nous avons recherché dans nos bases de données nationales la position de nos navires dans la région aux dates, heures et lieux précisés dans votre lettre. Les enregistrements montrent qu’aucune unité militaire britannique n’a vu ou contacté le bateau accidenté, qu’il s’agisse d’unités sous commandement ou contrôle national, de l’OTAN ou autre.

Nous vous assurons de notre soutien indéfectible dans votre enquête, dans l’espoir que des enseignements pourront être tirés de ce tragique accident.

Lettre de M. Giampaolo Di Paolo, ministre italien de la Défense, à Mme Strik, rapporteure de la Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, datée du 10 mai 2012

[traduction non officielle]

Par la présente, je fais suite à votre lettre du 4 avril 2012 demandant de plus amples informations sur les «appels de détresse» et le Borsini, qui croisait en mer Méditerranée, ainsi que sur les activités de l’hélicoptère qui se trouvait à bord.

Je vous informe à cet égard que le Borsini n’a reçu aucun signal de détresse, que ce soit par le système automatique ou par son équipement radio. De plus, l’hélicoptère stationné à bord n’a effectué aucun vol ce 27 mars 2011. Le lendemain, il a réalisé un seul vol de surveillance aérienne et maritime, au cours duquel il a repéré un navire faisant route vers Lampedusa, dont la présence a déclenché une action de la police douanière et financière, ainsi que des autorités portuaires de Lampedusa.

Lettre de M. Richard Froh, Secrétaire Général adjoint délégué, Division des opérations de l’OTAN, à Mme Strik, rapporteure de la Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, datée du mercredi 12 septembre 2012

[traduction non officielle]

Je vous remercie de votre courrier du 18 mai demandant de nouvelles précisions techniques sur la tragédie qui a coûté la vie à des migrants embarqués en mer Méditerranée en mars 2011, et sur laquelle vous enquêtez. Je traiterai vos questions l’une après l’autre.

Tout d’abord, concernant les communications à bord des bâtiments militaires au cours d’opérations de l’OTAN, sachez que ces navires ne sont pas tous nécessairement équipés de l’une des versions du système mondial de détresse et de sécurité en mer (SMDSM) ou en mesure de capter des messages de détresse. Les règles de l’OTAN relatives aux systèmes de communication tactique dont doivent être dotés les navires lorsqu’ils interviennent dans des opérations ou des entraînements et exercices en tant qu’éléments d’une force dirigée par l’OTAN ne leur imposent pas d’être équipés de systèmes de communication civils comme INMARSAT.

Ensuite, comme l’a mentionné M. l’Ambassadeur Evans dans sa lettre du 27 mars 2012, le Commandement maritime de l’OTAN à Naples a bien reçu une copie du fax envoyé par le Centre italien de coordination de sauvetage maritime (MRCC) de Rome à 21h39 le 27 mars 2011. Comme je l’ai dit dans ma réponse à votre premier courrier, ce fax n’a pas été considéré comme un appel de détresse du fait de sa forme et de son contenu. L’équipe de garde a donc transmis l’information contenue dans le fax au Commandant opérationnel de l’OTAN à bord de l’ITS Etna, via des systèmes de communication militaires tactiques, par simple routine. Dans pareil cas, il n’est pas d’usage d’enregistrer la date et l’heure auxquelles sont envoyés les messages, et aucun accusé de réception n’est requis. Ce type d’échange est considéré comme «non soumis à justification». Les autorités italiennes m’ont confirmé que l’ITS Etna avait reçu des informations du Commandement maritime à Naples et les avait transférées aux navires sous son commandement. Cependant, les Italiens ne sont pas en mesure de confirmer si l’ensemble des navires sous commandement de l’ITS Etna ou une partie seulement ont reçu les informations. Les autorités espagnoles ont confirmé que leur bâtiment ESPS Mendez-Nunez n’avait pas reçu ces informations et n’avait par ailleurs aucune trace de réception des informations du MRCC de Rome envoyées par l’ITS Etna. Quoi qu’il en soit, dans la matinée du 28 mars 2011, l’hélicoptère du Mendez Nuñez a mené des recherches dans une zone à 60 milles nautiques au nord de Tripoli, conformément à une instruction transmise le matin même du 28 mars par l’ITS Etna. L’hélicoptère n’a malheureusement pas retrouvé le bateau en question. Si nous l’avions repéré, nous aurions secouru les personnes en détresse, comme l’ont fait des bâtiments de l’OTAN en de nombreuses occasions au cours de l’opération menée en Libye l’année dernière et par la suite. La semaine dernière encore, des navires de l’OTAN ont participé au sauvetage de plus de 50 migrants au large des côtes italiennes, dans la région de Lampedusa.

Concernant votre troisième question, le Commandement maritime à Naples n’a reçu aucun autre message du MRCC de Rome concernant le bateau naufragé. À notre demande, les nations concernées m’ont elles aussi informé qu’aucun de leurs navires n’avait reçu de tels messages.

Enfin, je peux confirmer que l’OTAN n’a pas eu recours à l’imagerie satellitaire pour contrôler le trafic maritime au cours de l’opération «Unified Protector» ou pour établir une situation maritime générale (RMP). Quant à votre demande de copies de la RMP concernant les secteurs et jours précis présentant un intérêt pour votre enquête, je ne suis pas en mesure de vous les fournir, puisqu’il n’en existe pas. L’outil RMP actuel de l’OTAN est employé au cours des opérations par les commandants tactiques et opérationnels. Il peut décrire avec précision et en temps réel la position de navires militaires mais, sous sa forme actuelle, n’est pas doté d’une fonction d’enregistrement qui nous permettrait de conserver des bases de données.

Pour conclure, permettez-moi de vous dire que nous avons pris bonne note des informations fournies par votre enquête extrêmement minutieuse. Nous les utilisons pour alimenter notre processus de retour d’expérience pour l’opération «Unified Protector». Comme je l’ai dit plus haut, je serai heureux de vous en communiquer les conclusions pertinentes lorsque nous aurons mené à bien ce processus. Tout comme vous, notre objectif est d’améliorer nos méthodes de travail, de manière à ce que dans toute la mesure du possible, de telles pertes humaines puissent être désormais évitées.

A l’issue de notre quatrième échange, je peux vous confirmer qu’aucune autre information concernant cet événement tragique ne nous a été transmise au quartier général de l’OTAN, que ce soit par notre chaîne de commandement militaire ou par des canaux nationaux.

Je vous souhaite bonne chance pour vos travaux à venir.

Lettre de M. Alejandro Alvargonzález San Martín, Secrétaire Général de la politique de défense de l’Espagne, à Mme Strik, rapporteure de la Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, datée du 21 septembre 2012

[traduction non officielle]

J’ai le plaisir de répondre à la lettre que vous avez adressée au ministre de la Défense, M. Pedro Morenés, concernant le drame en rapport avec la Convention SOLAS.

Je tiens à réaffirmer que toutes les informations transmises à l’époque, sans aucune exception, sont exactes et correspondent à la réalité des faits, puisqu’il ne peut en être autrement.

Je peux certifier que la frégate Mendez Nuñez n’a reçu ni fax ni autre communication en rapport avec le drame du 27 mars 2011. Une instruction de l’ITS Etna, reçue à 11h58 le matin du 28 mars 2011, a conduit à une recherche à 60 milles nautiques au nord de Tripoli, zone qui inclut les coordonnées mentionnées dans votre rapport. L’hélicoptère n’y a observé la présence d’aucun navire.

Ces données, ainsi que les informations complémentaires demandées sur l’affaire, se trouvent dans la lettre que M. Richard Froh (Secrétaire Général adjoint délégué, Division des opérations de l’OTAN) vous a envoyée le 12 septembre dernier.