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Résolution 2001 (2014) Version finale
Violence véhiculée dans et par les médias
1. L’Assemblée parlementaire note
que les médias jouent un rôle prépondérant dans la vie quotidienne
des sociétés modernes. Dans ce contexte, il est alarmant de constater
que des actes d’une violence extrême ont été commis par des individus
qui avaient été exposés de manière intensive à la violence dans
les médias. Il est donc de la plus haute importance que les sociétés
démocratiques traitent cette corrélation de façon appropriée.
2. Le paysage des médias a beaucoup changé au cours des dix dernières
années, en raison notamment du développement considérable de l’internet
et des médias en ligne. Ces médias, ainsi que la convergence des
médias traditionnels avec les réseaux sociaux et le partage de contenus
entre les utilisateurs, ont créé de nouvelles formes de violence
qu’ils véhiculent. Les politiques et réglementations existantes
qui visent la violence dans les médias sont confrontées à des défis
tant sur le plan juridique que sur le plan pratique.
3. La violence véhiculée dans et par les médias peut prendre
des formes différentes, allant de la violence verbale ou implicite
à la représentation de la violence physique ou psychologique, y
compris la violence sexuelle. Cette violence peut être dirigée contre
des personnages de fiction ou des êtres humains, la distinction entre
les deux catégories étant brouillée par les progrès techniques réalisés
dans le domaine des images de synthèse. L’interactivité des jeux
informatiques, des outils internet (réseaux sociaux, chats, moteurs
de recherche, achats en ligne, etc.) et l’accessibilité universelle
de ces médias (par «smartphone») créent pour les utilisateurs de
multiples possibilités d’exploiter la violence véhiculée dans et
par les médias, et de s’y identifier.
4. De par leur forte activité dans certains nouveaux médias,
les enfants (jusqu’à 18 ans) sont particulièrement exposés aux nouvelles
formes de violence véhiculée dans et par les médias, et à tous les risques
encourus; leur situation mérite donc une attention particulière.
5. Un aspect particulièrement grave de ce développement est l’incitation
à la violence par les médias, c’est-à-dire l’apologie de comportements
violents faite par un produit ou un service médiatique. Le cyber-harcèlement
est une forme d’agression interpersonnelle qui utilise internet
et les téléphones mobiles comme armes, mais qui peut être une conséquence
de l’incitation à la violence par le truchement des médias. Dans des
circonstances mettant en cause d’autres facteurs, une telle agression
pourrait également conduire à l'auto-agression ou au suicide.
6. La perception de la violence peut varier selon les individus
et les sociétés, et elle peut évoluer avec le temps, mais il est
généralement admis en Europe que la liberté d’expression et d’information
garantie par l’article 10 de la Convention européenne des droits
de l’homme (STE n° 5) ne s’applique ni à la pédopornographie ni
au discours de haine. La pédopornographie et les images d’abus d’enfants
en tant que violations graves des droits de l’enfant ont été couvertes
par l’Assemblée dans ses travaux menant à la Résolution 1834 (2011) et à la Recommandation 1980 (2011) «Combattre
les images d'abus commis sur des enfants par une action engagée,
transversale et internationalement coordonnée». La violence peut
aussi être véhiculée par les médias de manière insidieuse, par exemple
dans la représentation de l’hypersexualisation des enfants.
7. Afin de traiter efficacement la violence dans les médias,
tous les acteurs concernés doivent reconnaître et assumer leurs
responsabilités respectives, et être conscients de la vulnérabilité
particulière des enfants dans ce domaine. Les Etats sont tenus de
combattre les formes illégales de violence dans les médias, de protéger les
mineurs contre les effets dommageables de cette violence et de fournir
aux utilisateurs des informations sur la violence d’un produit ou
d’un service médiatique. Les producteurs, en particulier les producteurs commerciaux,
de médias à caractère violent ont une responsabilité commerciale
et éditoriale. Les utilisateurs, ainsi que les parents de jeunes
utilisateurs, sont aussi responsables de l’utilisation qui est faite
de ces médias.
8. S’il est difficile de trouver un lien de causalité direct
entre l’exposition d’une personne à un produit ou un service de
médias à caractère violent et un acte d’agression ou de violence
qui serait ensuite commis par cette personne, il est indéniable
que la violence dans les médias a un impact général sur le comportement
des individus et des sociétés dans leur ensemble. Les producteurs
commerciaux de médias à caractère violent ont la responsabilité
sociale de lutter contre la violence dans la société. Un système
rigoureux d’octroi de licences, des obligations de transparence
plus contraignantes ou des mesures fiscales dissuasives peuvent
donc être appropriés dans ces circonstances.
9. Les mesures appliquées par les autorités publiques contre
la violence dans les médias doivent être prescrites par la loi et
nécessaires dans une société démocratique. Elles ne doivent pas
être utilisées pour museler l’opposition politique ou violer le
droit à la liberté d’expression et d’information garanti par l’article
10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Les médias
d’information et d’actualités sont tenus de relater les faits violents,
mais ils doivent respecter les droits des victimes qui apparaissent
dans ces médias et les droits des enfants qui les regardent.
10. En conséquence, convaincue que les gouvernements, les parlements
nationaux et les fournisseurs de services médiatiques ont la responsabilité
de lutter contre la violence dans les médias, l’Assemblée leur demande
de prendre les mesures suivantes:
10.1. toute
incitation à la violence véhiculée par les médias doit être interdite
par la loi, conformément à l’article 20 du Pacte international relatif
aux droits civils et politiques; l'utilisation directe des médias dans
le but d'infliger une violence psychologique sur autrui, telle que
le cyber-harcèlement, devrait être interdite par la loi;
10.2. la production, la diffusion publique, la vente et la possession
de médias dont la violence gratuite viole la dignité humaine doivent
être punies par la loi; la dignité humaine est en jeu lorsqu’un
être humain est essentiellement présenté d’une manière déshumanisée
et qu’il est assimilé à un objet pouvant légitimement subir des
violences et des souffrances sexuelles, psychologiques ou physiques
gratuites et explicites;
10.3. la production, la diffusion publique et la vente de médias
dont le contenu à caractère violent est susceptible de nuire au
développement physique, mental ou moral des enfants et des adolescents doivent
être limitées par le droit interne des Etats membres; la réglementation
nationale doit tenir dûment compte du fait que l’accès aux contenus
de ces médias exige une vérification préalable de l’âge des utilisateurs;
10.4. ceux qui produisent des médias dans lesquels la violence
joue un rôle central devraient être tenus par la loi d’indiquer
publiquement le type, le degré et la quantité de violence contenue
dans ces médias; les auteurs de contenus à caractère violent doivent
s’identifier eux-mêmes ou être identifiables par l’intermédiaire
des éditeurs de médias ou des fournisseurs de produits ou de services
de médias, sauf si ces derniers sont juridiquement responsables
des contenus en question;
10.5. les fournisseurs de produits ou de services de médias
(tels que les diffuseurs, les fournisseurs de services ou d’accès
internet, les fournisseurs de médias de téléphonie mobile ainsi
que les vendeurs de vidéos, de jeux ou de médias imprimés) doivent
veiller à ce que tous les produits et services de médias qui sont
accessibles par leur intermédiaire indiquent publiquement le niveau
et le type de violence qu’ils contiennent, notamment si la violence
y joue un rôle central;
10.6. les fournisseurs de produits ou de services médiatiques
devraient être tenus de fournir des lignes directes ou d’autres
mécanismes publics de dépôt de plaintes, qui peuvent être utilisés
en cas de problème avec un média à caractère violent ou la violence
véhiculée par les médias. Ces mécanismes devraient être complétés
par un code de conduite concernant la violence dans les médias,
qui inclue une classification des contenus et des restrictions d’accès,
et par une coopération avec les services de répression en cas de
contenu potentiellement illicite;
10.7. les producteurs de matériels de réception des médias (téléviseurs,
lecteurs de vidéos, appareils de communication mobiles audiovisuels,
ordinateurs personnels ou smartphones) devraient être incités à
fournir des dispositifs techniques gratuits ou intégrés permettant
de filtrer les contenus violents conformément aux indicateurs normalisés
de ces contenus; les parents devraient être informés qu’il existe
des filtres pour la protection de leurs enfants; à cet effet, des
manuels faciles à utiliser et gratuits devraient être mis à disposition
sur demande, et contenir les informations et indications nécessaires.
11. L’Assemblée recommande aux Etats membres:
11.1. de concevoir et de mettre en
œuvre des programmes nationaux de sensibilisation à la violence et
aux compétences médiatiques pour les professionnels en contact avec
les enfants, pour les familles et pour les enfants eux-mêmes;
11.2. de créer, en coopération avec des sociétés de médias et
des professionnels du secteur, des organismes chargés de classifier
la violence dans les médias, de développer des mesures de protection contre
celle-ci et de surveiller le respect de ces mesures; si ces organismes
n'existent pas, les autorités publiques de régulation devraient
avoir ces compétences dans les Etats membres;
11.3. d’incriminer la production, la distribution et la possession
de matériel pornographique à caractère violent et extrême, notamment
là où il s’agit d’images de violence et d’agression sur des enfants;
11.4. de fournir une éducation qui traite de la violence dans
les médias dans les programmes scolaires et les programmes de formation
des enseignants.
12. L’Assemblée invite:
12.1. les
professionnels des médias à élaborer, par l’intermédiaire de leurs
organisations professionnelles, un code de conduite pour les journalistes,
les photographes et les éditeurs qui traitent ou produisent des
contenus à caractère violent;
12.2. l’Union européenne de radio-télévision et l’Association
des télévisions commerciales européennes à s’attaquer clairement
au problème de la violence dans les médias dans le contexte de la
télévision connectée, c’est-à-dire les téléviseurs ayant une connexion
à internet.