1. Introduction
1. L’Albanie a adhéré au Conseil de l’Europe le 29 juin
1995. Lors de son adhésion, elle s’est engagée à respecter les obligations
que l’article 3 du Statut du Conseil de l’Europe impose à chaque
Etat membre concernant la démocratie pluraliste, la prééminence
du droit et les droits de l’homme. Elle a également pris un certain
nombre d’engagements spécifiques dont la liste figure dans l’
Avis 189 (1995) sur la demande d’adhésion de l’Albanie au Conseil de
l’Europe, adopté par l’Assemblée parlementaire le 29 juin 1995.
2. Conformément à la procédure de suivi établie dans la
Résolution 1115 (1997), l’Assemblée a régulièrement évalué les progrès accomplis
par l’Albanie dans l’exécution de ses obligations et de ses engagements.
Le précédent rapport sur le respect des obligations et engagements
de l’Albanie

a été examiné par l’Assemblée le
27 janvier 2007 et a conduit à l’adoption de la
Résolution 1538 (2007). Un autre rapport sur le respect des obligations et
engagements de l’Albanie devait être examiné lors de la partie de
session de l’Assemblée de janvier 2010. La commission de suivi avait
donc examiné un avant-projet de rapport, ainsi que les observations
des autorités albanaises sur ce texte. Toutefois, en raison de la
crise politique qui a éclaté après les élections de juin 2009, et
notamment du boycott du parlement par l’opposition – qui a paralysé
les principales réformes et bloqué le fonctionnement global du parlement
–, ce rapport a été remplacé par un rapport sur le fonctionnement
des institutions démocratiques en Albanie

. Ce rapport a été examiné à l’Assemblée
le 28 janvier 2010 et a abouti à l’adoption de la
Résolution 1709 (2010). Ensuite, le Comité des Présidents et les corapporteurs
se sont rendus en Albanie les 22 et 23 février 2010 pour rechercher
une solution, avec les parties concernées, à la crise politique
que traversait le pays.
3. Cette crise politique se doublait d’une nouvelle impasse politique
résultant d’une polémique sur le résultat des élections municipales
ayant eu lieu à Tirana le 8 mai 2011. La situation a fini par se
débloquer en septembre 2011 lorsque le Parti socialiste (PS) a mis
fin à son boycott
de facto des
travaux du parlement après avoir conclu un accord avec le Parti
démocrate (PD) au pouvoir. Le contexte politique est resté néanmoins polarisé
et agressif. La situation politique a radicalement changé après
les élections législatives qui ont débouché sur un changement de
gouvernement en Albanie

.
Nous considérons donc que le moment est opportun pour dresser le
bilan des progrès accomplis par l’Albanie dans l’exécution des obligations
et engagements qu’elle a souscrits lors de son adhésion au Conseil
de l’Europe.
4. Depuis la mission menée conjointement avec le Comité des Présidents
après les élections de 2009, les corapporteurs ont effectué cinq
visites d’information

dans
le pays et participé aux missions d’observation et préélectorales
de l’Assemblée pour les élections législatives de 2013. Les notes
d’information

rédigées
sur la base de ces visites d’information ont été déclassifiées par
la commission.
5. Le 24 janvier 2011, M. Tomas Jirsa (République tchèque, GDE)
a été désigné corapporteur pour remplacer M. David Wilshire (Royaume-Uni,
GDE). Le 30 mai 2011, M. Grigore Petrenco a remplacé M. Jaakko Laakso
en tant que corapporteur. Par la suite, M. Jirsa a été remplacé
par M. Jonathan Evans (Royaume-Uni, GDE) le 23 janvier 2013.
2. Principaux
événements politiques
2.1. Répercussions des
élections législatives de 2009
6. Comme il a été indiqué dans le dernier rapport de
la commission à l’Assemblée (
Doc.
12113), les élections législatives de juin 2009 ont débouché
sur une impasse politique entre les principaux partis albanais, le
Parti démocrate, qui était encore récemment dirigé par l’ancien
premier ministre Sali Berisha, et le Parti socialiste, conduit par
M. Edi Rama, qui était à l’époque maire de Tirana. Cette impasse
a plongé le pays dans une crise politique profonde. L’animosité
ouverte entre M. Berisha et M. Rama a eu une influence considérable sur
les relations entre les partis et leurs stratégies, et a nui aux
efforts déployés par la communauté internationale pour dénouer la
crise.
7. Les élections législatives de 2009 se sont déroulées sur la
base d’un nouveau Code électoral dont l’élaboration et l’adoption
ont fait l’objet d’un consensus entre les principaux partis politiques.
Le Code introduit une variante de système électoral proportionnel
régional. Ces élections ont été remportées par le Parti démocrate
qui a gagné 70 sièges de députés sur 140. Le Parti socialiste obtenu
66 sièges et le Mouvement socialiste pour l’intégration (MSI), de
l’ancien Premier ministre Ilir Meta, les quatre sièges restants.
Une coalition a été formée entre le PD et le MSI et M. Berisha a
été nommé Premier ministre de l’Albanie pour la deuxième fois.
8. Le PS, alléguant que des fraudes avaient été commises dans
un certain nombre de circonscriptions, a contesté les résultats
des élections législatives de 2009 devant la Commission électorale
centrale (CEC), puis devant le Collège électoral

.
Dans les deux cas, les recours du PS ont été rejetés. Pour protester
contre l’issue des élections, le PS a donc décidé de boycotter les
travaux du parlement et d’un certain nombre d’institutions publiques.
La majorité au pouvoir n’ayant pas la majorité qualifiée des deux
tiers nécessaire pour procéder à des modifications constitutionnelles,
ce boycott a eu des effets négatifs sur la mise en œuvre d’un certain
nombre de réformes importantes et nécessaires pour obtenir le statut
de candidat à l’adhésion à l’Union européenne, qui est la priorité
politique affichée de tous les partis.
9. Le PS a ensuite annoncé qu’il reviendrait au parlement si
un certain nombre de conditions étaient remplies, à savoir, principalement,
la création d’une commission d’enquête spéciale sur les manquements électoraux
présumés et l’ouverture des urnes pour établir la preuve d’éventuelles
fraudes électorales. Dans les réunions tenues ensuite avec les rapporteurs
de l’époque, des responsables du PS ont expliqué que, s’ils acceptaient
officiellement les résultats des élections, ils souhaitaient néanmoins
faire ouvrir les urnes afin d’enquêter et de collecter des preuves
de la fraude électorale qui, selon eux, avait eu lieu. Les autorités
étaient prêtes à créer une commission d’enquête spéciale mais elles
ont refusé fermement, avec le soutien des tribunaux, d’autoriser
la réouverture des urnes au motif que les résultats définitifs avaient
été annoncés conformément à la législation en vigueur et qu’ils
avaient été homologués par les tribunaux. Le processus électoral
avait dont légalement pris fin et par conséquent les urnes ne pouvaient
légalement être rouvertes.
10. La plupart des observateurs sont d’avis que la politique intérieure
et les relations de pouvoir au sein du PS ont joué un rôle important
dans l’impasse de 2009. Selon les statuts du PS, introduits par
M. Rama, le chef du parti doit démissionner en cas d’échec électoral
sous sa présidence. Toutefois, sur la proposition de M. Rama, le
PS a adopté une résolution indiquant que le parti n’avait pas perdu
l’élection mais que celle-ci lui avait été volée. M. Rama n’était
donc pas obligé de démissionner de son poste de chef de son parti.
Notons que cette décision ainsi que la stratégie de boycott n’ont
pas fait l’unanimité des membres du parti, comme en témoigne la
décision d’un certain nombre de députés du PS qui se sont rendus
au parlement malgré le boycott.
11. Au milieu de 2010, le PS a mis fin à son boycott officiel
du parlement et l’a remplacé par une «relation conditionnelle avec
le parlement». Cette décision était essentiellement dictée par le
souhait de ne pas perdre ses mandats parlementaires, ce qui aurait
été le cas si ses membres n’avaient pas prêté serment dans un délai de
six mois après la convocation du nouveau parlement. Le PS était
certes revenu officiellement au parlement mais son boycott de facto s’est poursuivi jusqu’au
5 septembre 2011, date à laquelle un accord a été conclu entre le
PS et le PD sur l’orientation des réformes essentielles pour le
pays, notamment une réforme électorale et une réforme des méthodes
de travail du parlement.
2.2. Elections locales
12. Le 8 mai 2011, des élections locales ont eu lieu
en Albanie pour les conseillers municipaux et les maires. Etant
donné que M. Rama briguait un nouveau mandat de maire de Tirana,
beaucoup considéraient que ces élections étaient un référendum sur
la décision politique du PS de boycotter les travaux du parlement.
13. Les élections locales albanaises de 2011 ont été observées
par des observateurs internationaux issus notamment du Bureau des
institutions démocratiques et des droits de l'homme de l’Organisation
pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH) et du
Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe.
Le Congrès et l’OSCE/BIDDH ont conclu que ces élections, malgré
le climat politique polarisé et antagoniste, s’étaient déroulées
globalement de manière démocratique, même si des problèmes de procédure
avaient été constatés

.
14. Nombreux étaient ceux qui espéraient que les élections locales
apaiseraient le climat politique en Albanie. Malheureusement, elles
n’ont fait qu’attiser les tensions et l’animosité entre le PD et
le PS. Lorsque les résultats préliminaires ont été annoncés, le
maire sortant de Tirana, M. Rama (PS), semblait avoir remporté les
élections avec un écart de dix voix sur son adversaire, M. Basha
(PD). Cependant, la Commission électorale centrale a été saisie
de plaintes d’un certain nombre de bureaux de vote de Tirana.
15. Pour chaque élection

(maires,
conseillers municipaux, responsables communaux), les bulletins devaient
être placés dans des urnes distinctes. Selon les plaintes déposées,
un nombre considérable de suffrages auraient été déclarés invalides
au simple prétexte que les bulletins avaient été placés dans la mauvaise
urne. Dans une circonscription, la commission électorale de la circonscription
n’a donc pas pu se mettre d’accord sur les résultats. La CEC a statué
sur ces plaintes en estimant qu’il fallait considérer comme valides
les bulletins valides placés dans les mauvaises urnes. La CEC a
donc ordonné de procéder au décompte de ces suffrages dans les bureaux
électoraux concernés par les plaintes. Après le décompte de ces voix,
le gagnant des élections s’est avéré être M. Basha, avec 80 voix
de plus que M. Rama.
16. Les décisions de la CEC ont été vivement contestées, les membres
de la commission étant divisés sur cette question selon leur obédience
partisane. Le PS a contesté les résultats devant le Collège électoral,
qui a estimé que les bulletins valides placés dans les mauvaises
urnes devaient être considérés comme valides, et ordonné à la CEC
de rouvrir toutes les urnes de Tirana – et pas uniquement celles
des bureaux de vote concernés par les plaintes – pour compter tous
les bulletins placés dans les mauvaises urnes. Le 23 juin 2011, M. Basha
a été officiellement déclaré vainqueur de l’élection municipale
de Tirana de 2011 avec un écart de 93 voix sur son adversaire, le
maire sortant M. Rama. Les recours du PS contre ces résultats ont
été rejetés par le Collège électoral et, le 1er août
2011, M. Basha a été investi nouveau maire de Tirana.
17. L’issue de ces élections a aggravé les tensions entre le PD
et le PS, mais elle a été généralement bien acceptée par la population
albanaise. Un climat d’apaisement a fini par s’instaurer rapidement
après l’accord conclu entre les deux partis, et les députés du PS
ont tous repris leurs travaux au parlement.
2.3. Election présidentielle
18. En Albanie, le président est élu par le parlement
dans le cadre d’un scrutin de type indirect. Le président sortant,
M. Bamir Topi, était un candidat du PD. Cependant, les relations
entre M. Topi et M. Berisha se sont envenimées et le PD a annoncé
qu’il ne soutiendrait pas la candidature de M. Topi à un second
mandat. Les élections du nouveau président ont eu lieu au parlement
le 30 mai, ainsi que les 4, 8 et 11 juin 2012. Pour être élu, un
candidat à la présidentielle doit recueillir les trois cinquièmes
des suffrages au cours des trois premiers tours de scrutin. Si aucun
candidat n’est élu après trois tours, une majorité simple suffit
lors des tours suivants. Le PS ayant boycotté le vote, aucun candidat
n’a reçu la majorité qualifiée des trois cinquièmes lors des trois premiers
tours. Finalement, c’est M. Bujar Nishani, proposé par le PD, qui
a été élu Président de l’Albanie à la majorité simple au quatrième
tour de scrutin par 73 voix sur 76.
2.4. Evénements du 21 janvier
2011
19. Le 21 janvier 2011, quatre manifestants ont été tués
par balle lors d’une manifestation organisée par l’opposition devant
le parlement et les bureaux du Premier ministre, et qui a dégénéré.
Les policiers qui ont tiré les coups de feu gardaient les bureaux
du Premier ministre. De nombreuses questions se sont posées alors sur
le caractère éventuellement disproportionné de l’usage de la force
par la police

,
et sur l’incapacité apparente des organisateurs de contrôler les
manifestants. Chaque camp a donc accusé l’autre d’avoir fait preuve
d’intentions malveillantes. Dans un tel contexte de tensions politiques,
les enquêtes concernant les événements susmentionnés ont été très
politisées. A cela s’ajoute le fait que M. Basha, ministre de l’Intérieur de
l’époque et candidat démocrate, est sorti vainqueur de l’élection
à la mairie de Tirana.
20. La politisation des événements a eu des conséquences néfastes
sur l’indépendance institutionnelle de la magistrature et du parquet.
La Procureure générale a été accusée d’être partisane lorsqu’elle
a engagé une enquête pénale sur les événements de janvier et le
Premier ministre a demandé à la police de ne pas coopérer à son
enquête. Autre élément inquiétant, des éléments de preuve enregistrés
par des caméras de surveillance avaient été effacés illégalement
par le service de sécurité du Premier ministre Berisha. La commission parlementaire
spéciale chargée d’enquêter sur ces événements n’a pu tirer aucune
conclusion en raison des joutes politiques continuelles entre les
membres du Parti socialiste et du Parti démocrate sur ces questions. La
politisation de l’enquête a été condamnée par la communauté internationale,
qui a demandé à tous les partis de s’abstenir de nuire à l’indépendance
de la magistrature et des institutions chargées de l’ordre public.
21. A la suite de son enquête sur les événements, la Procureure
générale a engagé des poursuites pénales contre le garde républicain
qui aurait ouvert le feu sur les manifestants, et contre son supérieur
hiérarchique. Une action pénale a également été engagée contre un
garde républicain qui aurait effacé le disque dur contenant les
séquences vidéo des événements du 21 janvier enregistrées par les
caméras de surveillance situées à l’extérieur des bureaux du Premier
ministre. Le 17 juillet 2012, le tribunal de district de Tirana
a acquitté ce policier, qui était accusé de dissimulation de preuves
et d’entrave à la justice. Le 7 février 2013, ce même tribunal a
estimé que les deux autres policiers n’avaient pas de responsabilité
ou commis d’actes répréhensibles dans le décès des quatre manifestants
le 21 janvier 2011 et les a acquittés. Cette décision du tribunal
de district de Tirana a été largement condamnée dans la société
albanaise et par certains acteurs internationaux, notamment l’ambassadeur
des Etats-Unis à Tirana. Le bureau de la Procureure générale a fait appel
de cette décision. En septembre 2013, la Cour d’appel de Tirana
a annulé l’acquittement et condamné deux des trois accusés à des
peines de prison respectives d’un an et trois ans pour homicide
volontaire.
2.5. Statut de candidat
à l’Union européenne
22. L’Albanie a présenté sa demande d’adhésion à l’Union
européenne le 28 avril 2009. Suite à une demande du Conseil européen,
la Commission européenne a élaboré un avis sur la demande d’adhésion
de l’Albanie, qui a été remis au Conseil en novembre 2010 et approuvé
par celui-ci en décembre 2010. Dans ce document, la Commission a
conclu que les autorités albanaises devront déployer des efforts
considérables avant que le statut de candidat puisse être examiné,
notamment dans les domaines de la stabilité des institutions, de
la gouvernance démocratique et de la prééminence du droit. La Commission
a donc estimé que les négociations en vue de l’adhésion de l’Albanie
à l’Union européenne devraient débuter dès que le pays aura atteint
le niveau nécessaire de conformité aux critères politiques de Copenhague,
notamment ceux qui sont liés au fonctionnement des institutions
démocratiques, à l’indépendance du système judiciaire et à la primauté
du droit. A cet égard, l’Albanie devra répondre à 12 priorités essentielles
avant que son statut de candidat soit accepté

.
23. Le 8 novembre 2010, le Conseil européen a adopté une proposition
concernant un régime d’exemption de visas pour les détenteurs de
passeports albanais. Cette décision a été mise en œuvre le 16 décembre
2010.
24. En raison de la crise politique, le gouvernement ne disposait
pas de la majorité des deux tiers qui lui était nécessaire pour
adopter la législation cruciale requise pour répondre aux 12 priorités
fixées par l’Union européenne. En outre, l’impasse politique montrait
clairement que le Parlement albanais ne fonctionnait pas «sur la
base d’un dialogue constructif et soutenu entre tous les partis
politiques», qui était une des 12 priorités énoncées par la Commission
européenne. Il n’est donc pas surprenant que, le 12 octobre 2011,
le Conseil européen, sur recommandation de la Commission européenne,
ait refusé d’accorder le statut d’Etat candidat à l’Albanie et de
débuter les négociations en vue de l’adhésion.
25. Après le retour au parlement du Parti socialiste, les députés
ont adopté un certain nombre de réformes et de lois qui étaient
nécessaires pour répondre aux 12 priorités fixées par l’Union européenne.
Cependant, des questions subsistaient concernant le fonctionnement
des institutions démocratiques et un certain nombre de réformes
essentielles n’avaient pas été mises en œuvre à la fin de 2012.
Le 10 octobre 2012, la Commission européenne, prenant note des progrès
considérables accomplis par l’Albanie dans la mise en œuvre des
réformes de fond qu’elle avait identifiées, a décidé que le statut
de candidat pourrait être accordé dès que l’Albanie adopterait la
loi sur la fonction publique, la loi sur la Cour suprême ainsi que
des nouvelles règles de procédure parlementaire. La Commission a
également déclaré que l’Albanie devait organiser en 2013 des élections
législatives pleinement conformes aux normes internationales avant
que les négociations en vue de l’adhésion puissent commencer.
26. Le 31 mai 2013, au cours d’une session extraordinaire, le
Parlement albanais a adopté la loi sur la fonction publique, la
loi sur la Cour suprême ainsi que les nouvelles règles de procédure
parlementaire avec le consensus de la majorité et de l’opposition.
Ces lois ayant été adoptées, l’Albanie n’avait plus qu’à remplir la
dernière condition exigée par la Commission européenne pour obtenir
le statut de candidat: l’organisation d’élections véritablement
démocratiques conformes aux normes internationales.
27. Le 16 octobre 2013, la Commission européenne a adopté son
rapport 2013 concernant les progrès accomplis par l’Albanie. Dans
ce rapport, elle notait que les élections législatives du 23 juin
2013 s’étaient déroulées avec succès et que l’Albanie avait ainsi
réalisé les priorités fixées par la Commission européenne dans sa
décision de 2012. Elle recommandait donc de lui octroyer le statut
de pays candidat. Cependant, la Commission soulignait également
que des mesures supplémentaires devraient être prises et les efforts
se poursuivre pour assurer l’indépendance et la responsabilité du
système judiciaire, mener à bien des enquêtes efficaces et les poursuites
dans les affaires de corruption, et favoriser l’instauration d’un
dialogue inclusif entre la majorité au pouvoir et l’opposition.
La Commission a donc recommandé que des négociations d’adhésion soient
ouvertes lorsque l’Albanie aura mis en œuvre les cinq priorités
suivantes

.
L’Albanie devra:
- poursuivre
la mise en œuvre de la réforme de l’administration publique afin
de renforcer le professionnalisme et la dépolitisation de cette
dernière;
- prendre de nouvelles mesures visant à renforcer l’indépendance,
l’efficacité et la responsabilité des institutions judiciaires;
- être déterminée à fournir de nouveaux efforts dans la
lutte contre la corruption, visant notamment à obtenir des résultats
probants grâce à une approche proactive en matière d’enquêtes, de
poursuites et de condamnations;
- être déterminée à fournir de nouveaux efforts dans la
lutte contre la criminalité organisée, visant notamment à obtenir
des résultats probants grâce à une approche proactive en matière
d’enquêtes, de poursuites et de condamnations;
- prendre des mesures efficaces pour renforcer la protection
des droits de l’homme, notamment les droits des Roms, et les politiques
de lutte contre la discrimination, et mettre en œuvre les droits
de propriété.
28. Malgré ces conditions préalables, exposées dans les recommandations
de la Commission européenne, plusieurs Etats membres de l’Union
européenne ont annoncé qu’ils avaient des doutes sur la capacité
de l’Albanie à être prête à s’acquitter des obligations d’un pays
candidat. D’aucuns ont estimé également qu’il fallait donner davantage
de temps au nouveau gouvernement élu pour démontrer qu’il avait
la capacité et la volonté politique de mettre en œuvre les réformes
nécessaires pour démarrer les négociations d’adhésion, notamment
en ce qui concerne la lutte contre la corruption et la criminalité
organisée ainsi que l’indépendance du système judiciaire. Le 17 décembre
2013, le Conseil européen a donc décidé de reporter sa décision concernant
l’octroi du statut de candidat à l’Albanie jusqu’en juin 2014, en
attendant que la Commission européenne publie un nouveau rapport
sur les progrès accomplis par les autorités dans la mise en œuvre
des stratégies concernant la lutte contre la corruption et la réforme
du système judiciaire, et de la législation ayant été adoptée à
cette fin. Le 4 juin 2014 a été publié le Rapport de la Commission
au Conseil et au Parlement européen sur les progrès réalisés par
l’Albanie dans les domaines de la lutte contre la corruption et
la criminalité organisée et de la réforme judiciaire

.
Dans ce rapport, la Commission confirme sa recommandation précédente
d’accorder le statut de candidat à l’Albanie, et lui demande instamment
de centrer ses efforts sur la mise en œuvre d’une législation de
lutte contre la corruption, comprenant une profonde réforme judiciaire
et d’accroître la coopération interagences et internationale en
vue de combattre la criminalité organisée et de renforcer l’efficacité
de ses enquêtes proactives. En outre, la Commission souligne que
les autorités devraient «poursuivre [leur] réforme judiciaire de
manière rigoureuse», en particulier dans l’optique de garantir l’indépendance
et la responsabilité du pouvoir judiciaire

.
29. Nous appuyons sans réserve le principe d’une adhésion de l’Albanie
à l’Union européenne et considérons que la mise en œuvre des réformes
nécessaires pour être membre de l’Union européenne – notamment celles
qui ont été soulignées par la Commission européenne dans les cinq
priorités susmentionnées – permettra à ce pays de respecter tous
les engagements et obligations restants en vue d’obtenir le statut
de pays candidat. Nous comprenons que les autorités soient déçues
que le Conseil européen ait décidé de reporter la décision relative
à l’octroi de ce statut en décembre 2013. Tant les autorités que l’opposition
ont déployé tardivement de gros efforts pour répondre aux conditions
fixées par la Commission européenne pour accorder le statut de candidat,
et ces efforts doivent être salués et reconnus. Cela étant, nous tenons
aussi à souligner que nous sommes préoccupés par le fait que la
mise en œuvre des lois continue d’être insuffisante ou inexistante,
bien que l’Albanie ait adopté de nombreuses lois et stratégies pour
régler les problèmes concernant ses obligations en matière de droits
de l’homme, de démocratie et de prééminence du droit. Nous exhortons
donc les autorités à faire tout leur possible pour que les stratégies
et les réformes juridiques qui ont déjà été adoptées soient mises
en œuvre de manière rapide et complète.
2.6. Elections législatives
de 2013
30. Les élections législatives qui ont eu lieu en Albanie
le 23 juin 2013 étaient d’autant plus cruciales pour le pays que
leur déroulement démocratique, conforme aux normes internationales,
était un des principaux critères fixés pour obtenir le statut de
candidat à l’adhésion à l’Union européenne. Après l’accord conclu
entre le PD et le PS sur les priorités politiques du pays, un groupe
de travail sur la réforme électorale a été créé par le parlement.
Ce groupe de travail a soumis une série de propositions d’amendement
au Code électoral, qui ont été adoptées par le parlement le 19 juillet
2012. Les amendements portaient notamment sur des questions telles
que l’inscription des électeurs et des candidats, le financement
des campagnes électorales, les procédures de dépôt de plainte et
de recours, la composition de la Commission électorale centrale
et des commissions de niveau inférieur ainsi que les procédures
de nomination de leurs membres, ainsi que des mesures pour renforcer
l’indépendance du Collège électoral.
31. Aux termes du Code électoral albanais, les commissions électorales
sont composées en fonction des propositions soumises par les partis
politiques et du principe de juste équilibre entre l’opposition
et la majorité au pouvoir. Il spécifie également que les membres
des commissions électorales sont institutionnellement indépendants
et impartiaux et doivent agir en tant que tels.
32. Quelques mois avant le jour du scrutin, la coalition gouvernementale
formée par le PD et le MSI était considérée comme très stable car
le groupe MSI soutenait loyalement son partenaire de coalition dans
tous les votes importants au parlement. Pourtant, le 1er avril
2013, le MSI et le PS ont annoncé qu’ils formeraient une coalition
électorale pour les prochaines élections législatives. Le 3 avril,
le MSI quittait la coalition majoritaire et formait avec le PS une
nouvelle coalition baptisée «Alliance pour une Albanie européenne». Trente-cinq
partis plus petits ont ensuite rejoint cette Alliance.
33. Le changement d’allégeance du MSI s’est produit après la formation
des commissions électorales dans lesquelles ce parti avait obtenu
des sièges dans le cadre du quota réservé à la coalition au pouvoir.
Suite au revirement politique, l’opposition, composée désormais
du MSI et du PS, obtint le contrôle
de
facto 
de l’administration des élections, notamment
la Commission électorale centrale. Cette situation fut considérée comme
inacceptable par le PD, qui utilisa, de manière contestable

,
sa majorité parlementaire pour révoquer le membre de la CEC désigné
par le MSI et nommer un nouveau membre désigné par un autre parti
de la coalition au pouvoir. En réponse, les membres de la CEC nommés
par les partis d’opposition démissionnèrent et les partis d’opposition
refusèrent de désigner leurs remplaçants. La CEC fut dès lors contrainte
d’exercer ses activités avec les quatre membres restants, ce qui
ne manqua pas de susciter des interrogations quant à la légalité
d’un certain nombre de ses décisions. Il est clair que le remplacement
d’un membre de la CEC par le parlement, ainsi que la démission et
le non-remplacement qui ont suivi des membres désignés par l’opposition,
sont des agissements contestables du point de vue du Code électoral,
qui contredisent et affaiblissent gravement le principe d’une administration
électorale impartiale et indépendante institutionnellement.
34. Les élections législatives ont été observées par une commission
ad hoc du Bureau de l’Assemblée parlementaire dans le cadre d’une
mission internationale d’observation électorale (MIOE) qui comprenait également
la mission d’observation électorale de l’OSCE/BIDDH et une délégation
de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE. Les deux corapporteurs de
la commission de suivi sur l’Albanie étaient des membres de droit
de la commission ad hoc.
35. La MIOE a conclu que les élections s’étaient déroulées conformément
aux normes internationales et avaient été «véritablement pluralistes,
avec la participation active des citoyens pendant toute la campagne
et le respect réel des libertés fondamentales

». Mais la commission
ad hoc de l’Assemblée, ainsi que la MIOE, ont également souligné
que les divergences et la défiance réciproque entre les deux principaux
partis avaient dégradé le climat électoral et compliqué l’administration
de l’ensemble du processus électoral

.
36. Le 26 juin 2013, avec 98 % des votes décomptés, le Premier
ministre Berisha a reconnu la défaite de sa coalition «Alliance
pour l’emploi, la prospérité et l’intégration» et la victoire de
la coalition PS/MSI «Alliance pour une Albanie européenne» conduite
par M. Rama. Les résultats définitifs ont été annoncés par la CEC
le 6 août 2012. L’Alliance pour une Albanie européenne a obtenu
57,6 % des votes et 83 sièges au nouveau parlement. L’Alliance pour
l’emploi, la prospérité et l’intégration a rassemblé 39,5 % des
votes et obtenu 57 sièges. Il est important de noter que, sur les
83 sièges de l’Alliance pour une Albanie européenne, 16 ont été gagnés
par le MSI, qui confirme son rôle de «faiseur de roi» dans ces élections,
comme c’était le cas en 2009.
37. Le 10 septembre 2013, à la séance d’ouverture du nouveau parlement,
le Premier ministre Berisha a remis la démission de son cabinet
au président Nishani, qui a nommé M. Rama nouveau Premier ministre
sur proposition du PS et des partis alliés. M. Ilir Meta, dirigeant
du MSI, a été élu Président du parlement.
38. Après les élections, un membre de l’opposition a changé de
camp et rejoint la coalition au pouvoir. La majorité a donc disposé
des 84 sièges nécessaires à l’adoption de lois exigeant une majorité
qualifiée des trois cinquièmes des députés, sans le consentement
de l’opposition. Ce point peut être utile pour empêcher un éventuel
blocage des lois et des réformes mais ne doit nuire ni au dialogue
ni à la concertation entre l’opposition et la majorité au pouvoir
concernant la gouvernance du pays. C’est pourquoi nous invitons
la coalition au pouvoir à rechercher, dans la mesure du possible,
le consensus sur les réformes nécessaires et à ne pas utiliser sa
majorité qualifiée pour contourner l’opposition.
39. Après l’arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement, des changements
considérables de personnel ont eu lieu dans la fonction publique,
notamment dans les services de police. En effet, le directeur national
de la police et son adjoint ont été remplacés, ainsi que les directeurs
et les directeurs adjoints des 12 districts de police. Des informations
analogues ont été rapportées concernant le personnel de l’administration
pénitentiaire et celui de l’administration des douanes. Les profonds
changements de personnel dans l’administration pénitentiaire ont
suscité de nombreuses inquiétudes. La mission de l’OSCE à Tirana,
par exemple, a fait part de ses craintes concernant la poursuite
de son programme de réforme des prisons, notamment les programmes
de formation du personnel carcéral organisés dans ce cadre. Ces
réorganisations montrent à quel point la fonction publique est politisée
à tous les niveaux par les principaux partis lorsqu’ils sont au
pouvoir, et sapent la confiance du public dans ses institutions
publiques, ce qui est un sujet de préoccupation constant.
3. Institutions démocratiques
3.1. Réforme électorale
40. Le déroulement des élections a continué d’être un
grand motif de discorde entre les principaux partis politiques.
Un nouveau Code électoral, qui a introduit un nouveau système proportionnel
régional, a été adopté en décembre 2008 grâce au consensus obtenu
entre le PD et le PS. Les dispositions du Code concernant le système
électoral et l’administration des élections sont considérées par
beaucoup comme favorables aux deux grands partis et défavorables
aux partis plus petits et aux nouveaux entrants dans l’arène politique.
41. Dans son avis sur le Code électoral de 2008

,
la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise) concluait qu’il offrait «une solide base technique pour
l’organisation d’élections» s’il était mis en œuvre intégralement,
correctement et de bonne foi par toutes les parties prenantes. Elle
notait également que le Code présentait des lacunes à combler, des
ambiguïtés à lever et des dispositions à améliorer afin que le texte
soit pleinement conforme aux normes internationales. A cet égard,
nous tenons à ajouter que les ambiguïtés et les lacunes peuvent
donner lieu à des abus et des litiges possibles, compte tenu notamment
du climat politique polarisé qui règne en Albanie. Cette vulnérabilité
a été confirmée durant les élections locales de 2011.
42. Le Code électoral de 2008 donne au plus grand parti d’opposition
et au principal parti au pouvoir – c’est-à-dire le PD et le PS dans
le contexte politique de l’Albanie – des responsabilités considérables
à chaque étape du processus électoral. La Commission de Venise a
noté que, de ce fait, le Code était excessivement détaillé et complexe
et que cela «pouvait poser des problèmes dans l’administration des
élections et donner la possibilité aux représentants des deux plus
grands partis d’entraver le processus électoral»

.
43. A la suite des élections locales contestées, notamment à Tirana,
et de l’impasse politique entre la majorité et l’opposition, le
Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, M. Thorbjørn Jagland,
a demandé, le 24 août 2011, l’avis de la Commission de Venise sur
des améliorations possibles de la législation et des pratiques électorales
à la lumière des enseignements tirés des élections législatives
de 2009 et des élections locales de 2011.
44. Dans son avis conjoint avec l’OSCE/BIDDH

,
adopté les 16 et 17 décembre 2011, la Commission de Venise a rappelé
son avis précédent sur la législation, qui énonçait que le cadre
légal offrait une base solide pour l’organisation d’élections s’il
était mis en œuvre intégralement et de bonne foi. Elle notait également
que plusieurs incohérences et ambiguïtés n’avaient pas été levées
et pourraient donner lieu à des abus ou des obstructions si l’un
des deux principaux partis souhaitait les exploiter. Dans ce contexte,
la Commission de Venise a indiqué que les membres de l’administration
chargée de l’organisation des élections, à tous les niveaux, étaient
nommés conformément aux propositions soumises par le plus grand
parti de l’opposition et le plus grand parti de la majorité au pouvoir.
Bien que ce mode de désignation équilibré ait pour but de renforcer la
confiance dans l’administration des élections, celle-ci reste néanmoins
divisée par des logiques partisanes qui entravent le déroulement
efficace et impartial des élections et permettent à l’un des deux
principaux partis de bloquer les travaux de la CEC – ou des commissions
électorales de base – en se retirant de l’administration des élections
ou en boycottant le processus de prise de décision. C’est exactement
ce qui s’est produit lors des élections législatives de juin 2013.
45. Le Code électoral de 2008 prévoyait la création de centres
spécialisés de dépouillement des bulletins de vote, à raison d’un
centre dans chaque zone d’administration des élections

. L’utilisation de ce système a entraîné
des retards importants dans le décompte des bulletins de vote. L’administration
des élections pourrait ainsi exercer une influence politique sur
le processus de décompte des votes et le processus de prise de décision,
et cette influence peut avoir, aux yeux du public, une incidence
négative sur la légitimité globale du résultat des élections.
46. Après le retour du PS au parlement, un groupe de travail parlementaire
spécial sur la réforme électorale a été créé pour préparer des amendements
au Code électoral afin de répondre aux recommandations de la Commission
de Venise et de l’OSCE/BIDDH, ainsi qu’à diverses insuffisances
relevées lors des élections précédentes. Il a de plus rédigé des
amendements au Code pénal, établissant un certain nombre d’infractions électorales.
Les amendements formulés par ce groupe de travail ont été adoptés
à l’unanimité par le parlement. Ceux apportés au Code électoral
portaient notamment sur les questions suivantes: le processus de
sélection des membres des commissions électorales; la suppression
du droit des partis de retirer leurs membres des commissions électorales
après que ceux-ci ont été nommés; l’amélioration de la procédure
de vérification des listes électorales; le renforcement des conditions
concernant l’égalité d’accès de tous les partis aux médias; la clarification
de certaines questions relatives aux réclamations électorales; et
une procédure simplifiée d’inscription des candidats. Ces amendements
sont généralement considérés comme une amélioration de la législation
électorale. Cependant, un certain nombre de recommandations importantes
de la Commission de Venise portant sur des aspects cruciaux n’ont
pas été prises en compte, notamment les droits des candidats indépendants,
le financement des campagnes électorales, le processus de dépôt
de plaintes en matière électorale et l’usage abusif éventuel de
ressources administratives.
47. Nous nous félicitons des améliorations apportées au Code électoral,
mais nous tenons à souligner que les versions précédentes de ce
Code ont été considérées comme une base adéquate, voire solide,
pour l’organisation d’élections en Albanie, à condition que le Code
soit appliqué dans son intégralité, de bonne foi, et pas uniquement
à la lettre, mais aussi dans l’esprit. Malheureusement, les précédentes
élections ont montré que c’est le manque de volonté des principaux
acteurs politiques de mettre en œuvre le Code électoral de bonne
foi et de s’abstenir de toute ingérence dans le processus électoral
qui est à l’origine des dysfonctionnements notés durant les élections.
A eux seuls, les changements apportés au Code électoral ne suffisent
pas à corriger les dysfonctionnements récurrents et à assurer un
déroulement des élections démocratiques qui soit conforme aux normes
internationales. Il faut également que tous les acteurs du jeu politique
changent d’attitude et de pratiques et fassent preuve d’une véritable
volonté pour qu’un processus électoral solide et authentiquement
démocratique puisse être mis en place durablement en Albanie.
48. Nous invitons le Parlement albanais à rechercher le consensus
entre toutes les parties sur les amendements au Code électoral qui
tiendront compte des recommandations restantes de la Commission
de Venise, et réduiront la vulnérabilité de l’administration des
élections et du processus électoral aux ingérences du politique
et à la possibilité d’une obstruction par des responsables politiques.
Nous invitons également tous les acteurs politiques à faire la preuve
qu’ils sont déterminés à mettre en place un processus électoral démocratique
et impartial, et à s’abstenir de toute action qui pourrait politiser
inutilement le déroulement des élections et affaiblir la confiance
du public envers ce processus.
49. Le Parlement albanais avait décidé de mettre en œuvre, durant
les élections législatives de 2013, deux projets pilotes en vue
d’utiliser des nouvelles technologies visant à accroître l’efficacité
du processus électoral et à renforcer la confiance du public dans
son déroulement. L’un des projets pilotes, exécuté à Tirana, consistait
à évaluer l’inscription électronique des électeurs. Le deuxième,
exécuté à Fier, avait pour but d’évaluer le décompte électronique
des bulletins de vote. Tirana et Fier sont deux des plus grandes circonscriptions
électorales d’Albanie. Cependant, les préparatifs de ces projets
ainsi que leur évaluation n’ont pas pu être achevés dans les délais
légaux. En outre, un certain nombre de décisions politiques ont
nui à leur exécution technique. Les 17 et 18 juin 2013, peu avant
la date des élections, la CEC a donc décidé d’annuler la réalisation
de ces deux projets pilotes. Certes, nous nous félicitons qu’un
mécanisme soit créé pour améliorer la confiance des électeurs dans
le système électoral, notamment en ce qui concerne le décompte des
bulletins de vote, mais nous demandons aux autorités de veiller
à ce que ces technologies soient évaluées avec rigueur et certifiées
de manière indépendante bien avant la tenue des élections. En outre,
même si ces projets pilotes font l’objet d’une évaluation positive,
il convient de prêter une attention toute particulière à la façon
dont ils sont déployés dans le reste du pays, compte tenu des écarts
qui existent entre les infrastructures techniques des différentes
régions. Toute défaillance dans ce domaine pourrait affaiblir la
confiance du public dans le processus électoral.
3.2. Réforme parlementaire
50. Dans un tel contexte politique polarisé, le syndrome
du scrutin où le «vainqueur remporte tout» prédomine souvent au
parlement, qui ne parvient pas à donner la place et le rôle que
l’opposition mérite dans les travaux parlementaires et la gouvernance
du pays, et à instaurer un dialogue constructif entre toutes les différentes
forces politiques du pays. Les problèmes que pose le bon déroulement
des travaux du parlement ont été mis en évidence lorsque le PS a
boycotté celui-ci après les élections de 2009. En conséquence, dans son
avis sur la demande d’adhésion de l’Albanie à l’Union européenne,
la Commission européenne a décidé que «le bon fonctionnement du
parlement sur la base d’un dialogue politique constructif et soutenu
entre tous les partis politiques»

était une des priorités essentielles
auxquelles l’Albanie devait répondre avant que les négociations
en vue de l’adhésion du pays à l’Union européenne puissent commencer.
Ce point a été de nouveau souligné dans la Communication de la Commission
européenne

au Parlement européen
et au Conseil, dans laquelle la Commission recommandait que le Conseil
accorde à l’Albanie le statut de pays candidat après l’adoption
des nouvelles règles de procédure parlementaire

.
51. Après le retour du PS au parlement, une Commission ad hoc
sur la réforme parlementaire a été instituée et chargée d’élaborer
un nouvel ensemble de règles de procédure pour le Parlement albanais.
Le Règlement d’origine, élaboré en coopération avec notre Assemblée,
avait été adopté avec le consensus de tous les partis, mais les
amendements qui y avaient été apportés ensuite n’étaient pas consensuels,
et les principaux partis avaient donc décidé d’adopter un Règlement
entièrement nouveau qui aurait l’accord des deux principaux partis
politiques. Le Règlement du Parlement européen aurait servi de base
à celui du Parlement albanais.
52. La commission ad hoc a adopté à l’unanimité l’essentiel des
règles de procédure. Cependant, les discussions achoppaient sur
deux questions. La première, soulevée par le PS, concernait le droit
du chef de l’opposition parlementaire d’intervenir directement après
l’allocution hebdomadaire du Premier ministre devant le parlement
tout en bénéficiant du même temps de parole. La deuxième était la
possibilité de voter à bulletin secret pour confirmer les décrets
présidentiels. Ce point est moins anodin qu’il n’y paraît de prime
abord. La Constitution donne au Président le pouvoir de proposer
des candidats à de hautes fonctions publiques telles que le Haut
Conseil de la Justice, la direction des services secrets, etc. Ses
propositions au parlement prennent la forme d’un décret. Les nominations
des candidats proposés par le Président seraient donc décidées par
un vote par appel nominal et non par un vote à bulletin secret comme
c’est généralement le cas pour les nominations. Le PS a contesté
cet écart par rapport à la procédure normale et soutenu que cela donnerait
aux partis un contrôle excessif sur les votes de leurs députés en
ce qui concerne les nominations.
53. Les divergences d’opinion du PS et du PD sur ces questions
ont longtemps empêché tout accord sur les nouvelles règles de procédure.
Il a fallu attendre le tout dernier moment pour qu’il soit conclu.
Le 31 mai 2013, lors d’une session extraordinaire, le Parlement
albanais a adopté son nouveau Règlement ainsi que les deux autres
lois qui étaient nécessaires pour obtenir le statut de candidat
à l’adhésion. Selon le nouveau Règlement, les décrets contenant
les nominations ne seront votés par scrutin nominal que si le parlement approuve
ce mode de scrutin. Dans le cas contraire, les nominations seront
adoptées par vote secret, soit par voie électronique soit par bulletin
de vote. Le vote à bulletin secret n’a lieu que s’il est demandé
par écrit par au moins 25 % des députés. Le nouveau Règlement prévoit
également que le temps de parole des ministres est pris en compte
dans le temps de parole total de leur groupe politique. Il n’y a
pas de restrictions concernant le temps de parole du Premier ministre,
qui peut parler quand et aussi longtemps qu’il le souhaite. Bien
que cela ne soit pas prévu dans le Règlement, l’ancien Premier ministre
Berisha dispose des mêmes prérogatives que le Premier ministre pour
s’exprimer. Si cet arrangement officieux a supprimé un obstacle
potentiel à la coopération entre la majorité au pouvoir et le gouvernement,
il dépend néanmoins du bon vouloir de cette majorité. Nous recommandons
qu’un accord institutionnel approprié soit trouvé entre l’opposition
et la majorité au pouvoir afin que ce type d’arrangement ne dépende
ni du bon vouloir de la majorité au pouvoir, ni de la personnalité
de l’ancien Premier ministre

.
54. Nous nous félicitons de l’adoption du nouveau Règlement, mais
nous tenons à souligner qu’une coopération constructive entre la
majorité et l’opposition, fondée sur un respect mutuel du rôle constitutionnel et
de la place de chacun dans un système démocratique, ne peut pas
être imposée uniquement par des règles de procédure. Elle passe
également par un changement d’attitude, le développement d’une culture
de la coopération et le renforcement des valeurs démocratiques.
Nous espérons que l’opposition et la majorité au pouvoir s’efforceront
de créer une telle culture démocratique et travailleront ensemble
d’une manière constructive, en respectant comme il se doit le rôle
de chacun et en poursuivant le développement démocratique et l’intégration
européenne du pays. A cet égard, nous regrettons que la rhétorique
agressive qui a également caractérisé la période préélectorale ne
semble pas faiblir.
3.3. Pluralisme des
médias
55. Globalement, l’environnement médiatique est pluraliste
et diversifié en Albanie

,
mais cet environnement est extrêmement politisé. En effet, la plupart
des médias, sinon tous, servent les intérêts de leurs propriétaires
et font leur promotion, notamment dans leurs politiques éditoriales.
Cette tendance à la politisation a constamment progressé au cours
des dernières années et soulève beaucoup de questions concernant
l’indépendance des médias

. A cet égard, plusieurs interlocuteurs
ont indiqué que, depuis quelques années, la publicité était en grande
partie diffusée par des médias favorables au gouvernement et que
cette situation était préoccupante, car les propriétaires de ces
médias font pression sur les journalistes et les rédactions pour
qu’ils évitent de critiquer la majorité au pouvoir.
56. Le radiodiffuseur albanais de service public est considéré
comme étant placé sous le contrôle de fait du gouvernement, qui
s’ingérerait régulièrement dans sa gestion

.
57. Le passage de la diffusion analogique à la diffusion numérique
joue un rôle déterminant dans l’évolution du paysage médiatique
albanais. La transition, qui est en cours, s’inscrit dans la stratégie
de passage au numérique qui a été adoptée le 2 mai 2012. Un des
principaux éléments de cette stratégie a été l’adoption d’une nouvelle
loi sur la radiodiffusion de service public: la loi relative aux
services de médias audiovisuels. L’adoption de cette loi a été retardée
jusqu’au début septembre suite à des désaccords entre le PD et le
PS.
58. Le principal point de désaccord entre la majorité au pouvoir
et l’opposition concernant la loi relative aux services de médias
audiovisuels était la procédure de nomination des membres du Conseil
national de la radio et de la télévision (ci-après le CNRT) (qui
octroie les licences aux médias) et le Conseil albanais de la radio
et de la télévision (qui supervise la radio et la télévision publiques).
Malheureusement, la nouvelle loi ne contient pas de dispositions
adéquates concernant une procédure de nomination qui garantirait
l’indépendance de ces deux organes.
59. L’adoption d’une nouvelle procédure de nomination des membres
du CNRT est cruciale pour l’indépendance et le pluralisme de l’environnement
médiatique. A l’heure actuelle, le CNRT est très politisé et considéré
comme un instrument dont se servent les autorités pour contrôler
la radio et la télévision publiques, et l’environnement médiatique
en général. Nous espérons que les forces politiques en Albanie feront désormais
tout leur possible pour trouver un consensus sur la procédure de
nomination des membres du CNRT, et que la nouvelle procédure permettra
à cet organe de fonctionner en toute indépendance par rapport aux
autorités, aux forces politiques et à d’autres intérêts. En outre,
nous les invitons instamment à renforcer l’indépendance du radiodiffuseur
de service public, notamment en apportant si nécessaire d’autres modifications
aux lois sur la radiodiffusion.
60. Après son arrivée au pouvoir, la majorité a proposé une série
d’amendements à la loi relative aux services de médias audiovisuels.
Ces amendements prévoyaient notamment une restructuration du CNRT.
En janvier 2014, la Représentante de l’OSCE pour la liberté des
médias a proposé aux autorités de procéder à une analyse juridique
de ces amendements. Cela étant, ces amendements ont été retirés
ultérieurement par leur auteur. Les autorités nous ont informés
que la majorité au pouvoir n’envisage pas d’apporter dans l’immédiat
de modification à la loi relative aux services de médias audiovisuels.
61. La création d’un Centre national d’enregistrement des entreprises
est une évolution positive qui a considérablement augmenté la transparence
de la propriété des médias en Albanie. En outre, de récents amendements
portés aux Codes civil et pénal ont supprimé les peines d’emprisonnement
pour diffamation ainsi que la protection spéciale contre la diffamation
dont jouissaient certaines catégories de personnes. Cependant, la
diffamation n’est pas dépénalisée pour autant et les journalistes
jugés coupables de diffamation peuvent encore risquer de lourdes
amendes, qui ont cependant besoin d’être proportionnées et ne peuvent pas
mettre en danger la capacité de survie financière du média incriminé

. Cela
étant, la diffamation continue d’être incriminée, ce qui peut avoir
un effet paralysant sur les journalistes et les inciter à pratiquer l’autocensure.
Nous invitons donc le nouveau parlement élu à adopter des amendements
qui dépénaliseraient la diffamation, et à inclure dans le Code civil
des dispositions à cet égard qui soient conformes aux normes généralement
convenues du Conseil de l’Europe.
3.4. Loi sur la fonction
publique
62. Le fonctionnement des institutions démocratiques
en Albanie subit les conséquences négatives de l’esprit partisan
qui règne dans les institutions d’Etat et de la forte ingérence
du politique dans la fonction publique. La procédure de nomination
des fonctionnaires manque de transparence et ces derniers sont souvent
nommés, ou révoqués, en fonction de leur affiliation à un parti,
quel que soit l’échelon administratif considéré. Ce système entraîne
un renouvellement fréquent du personnel ainsi qu’une perte d’expérience
et de compétences professionnelles. En outre, le manque d’impartialité
sape la confiance du citoyen dans l’administration publique.
63. La réforme de l’administration publique visant à renforcer
l’indépendance et l’impartialité est une recommandation récurrente
de l’Assemblée parlementaire et une des conditions fixées par la
Commission européenne auxquelles l’Albanie doit répondre avant que
le statut de pays candidat puisse lui être accordé.
64. Des progrès ont été accomplis à cet égard avec l’adoption
de la loi sur les tribunaux administratifs le 3 mai 2012, ainsi
que l’élection d’un nouveau médiateur le 22 décembre 2011. Ce poste
était en effet resté vacant pendant plus de deux ans en raison de
la crise politique qui avait suivi les élections législatives de
2009. En outre, le parlement a adopté, avec un retard considérable,
deux textes législatifs essentiels pour la réforme de l’administration
publique: le 27 septembre 2012, le parlement a adopté la loi sur
l’organisation et le fonctionnement de l’administration publique,
et le 31 mai 2012, la loi sur la fonction publique.
65. Selon ses dispositions, la loi sur la fonction publique, qui
encadre notamment les procédures de révocation et d’embauche des
fonctionnaires, devait entrer en vigueur le 1er octobre
2013. Cependant, le 26 septembre 2013, le nouveau ministre de l’Intérieur
a annoncé que les autorités considéraient que la nouvelle loi n’était
pas applicable et que le gouvernement s’efforcerait en conséquence
de reporter sa mise en application afin qu’on puisse l’amender.
Les autorités ont déposé un acte normatif à cet égard au Parlement albanais.
66. La coalition dirigée par le PD s’est vigoureusement opposée
au projet de texte normatif tel que déposé par la majorité au pouvoir
et a rejeté les affirmations selon lesquelles la loi sur la fonction
publique n’était pas applicable. Faisant référence au nombre élevé
de révocations et de nominations effectuées par les nouvelles autorités,
elle a allégué que la véritable raison du report était que les autorités
souhaitaient contourner les procédures de nomination et de révocation
au mérite prescrites par la loi, dans le but de placer le maximum de
sympathisants du PS dans la fonction publique avant que la nouvelle
loi entre en vigueur. Le gouvernement a exprimé sa volonté d’engager
un dialogue avec l’opposition concernant l’acte normatif, tout en
menaçant d’utiliser sa majorité au parlement pour la faire adopter
au besoin sans le soutien de l’opposition.
67. Dans sa communication jointe au rapport 2013 sur les progrès
accomplis par l’Albanie, la Commission européenne a souligné qu’il
était nécessaire d’appliquer rapidement la loi sur la fonction publique
et que les négociations d’adhésion étaient subordonnées à la poursuite
de la réforme de l’administration publique en vue de la dépolitiser
et de renforcer son indépendance. La polémique qui entoure la mise
en application de la loi sur la fonction publique ne fait pas avancer
les choses sur ce point.
68. Le PD a saisi la Cour constitutionnelle d’Albanie pour contester
l’adoption de la loi normative du Conseil des Ministres. Le 5 février
2014, la Cour constitutionnelle a publié sa décision dans laquelle
elle déclare l’adoption de la loi normative inconstitutionnelle
et l’annule. Les conséquences de ce jugement, notamment sur la situation
des fonctionnaires licenciés ou recrutés entre le 1er octobre
2013, date à laquelle la loi sur la fonction publique était censée
entrer en vigueur, et la date de sa promulgation formelle, n’étaient
pas claires au moment de la rédaction du présent document. Conformément
à la décision de la Cour constitutionnelle, la loi sur la fonction
publique est entrée en vigueur le 26 février 2014. Les textes d’application
ont été adoptés et promulgués le 1er avril 2014.
Depuis cette date, les dispositions juridiques relatives au recrutement
et au licenciement des agents de la fonction publique sont pleinement
en vigueur.
69. Les événements qui ont marqué la loi sur la fonction publique
soulignent l’importance de la question de la politisation de l’administration
publique dans le paysage politique de l’Albanie. Les changements
de personnel très fréquents effectués par le nouveau gouvernement
à tous les niveaux de la fonction publique, ainsi que la décision
contestable de reporter l’adoption de la loi sur la fonction publique,
donnent du crédit aux allégations selon lesquelles la nouvelle majorité
au pouvoir souhaite placer le maximum de fonctionnaires dont la
loyauté lui est acquise. Nous invitons instamment les autorités
à faire en sorte que tous les changements de personnel effectués
soient pleinement conformes aux dispositions relatives à la révocation
et à la nomination des fonctionnaires sur la base du mérite, telles
que prévues dans la loi sur la fonction publique.
3.5. Collectivités locales
70. Conformément à ses engagements d’adhésion, l’Albanie
a signé la Charte européenne de l’autonomie locale (STE n° 122)
le 27 mai 1998 et l’a ratifiée le 4 avril 2000. La charte est entrée
en vigueur le 1er août 2000. L’Albanie
n’a pas signé le protocole additionnel à cette charte sur le droit
de participer aux affaires des collectivités locales (STE n° 207).
Compte tenu de l’importance du principe du droit de tous les citoyens,
et des résidents, de participer aux affaires de leurs collectivités
locales, nous recommandons aux autorités albanaises de signer et
de ratifier ce protocole.
71. Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de
l’Europe a adopté à sa session plénière d’octobre 2013 à Strasbourg
un rapport sur la démocratie locale et régionale en Albanie. Les
deux précédents rapports du Congrès sur ce sujet avaient été adoptés
en 1997 et 2006. Dans son nouveau rapport, le Congrès a noté que
la décentralisation des pouvoirs de l’Etat était une «composante
majeure» de la démocratisation en Albanie. Il estime que le système
albanais d’autonomie locale et régionale correspond en général à
l’esprit et aux principes de la Charte européenne de l’autonomie
locale, mais qu’il subsiste plusieurs dysfonctionnements majeurs,
dont certains sont en contradiction apparente avec les dispositions
de la Charte

. En outre, le Congrès a recommandé que les
autorités albanaises «intensifient le processus de décentralisation,
à la lumière de la Charte et des recommandations formulées par le
Congrès, et lancent une réforme du système territorial permettant
aux petites communes d’assumer pleinement leurs compétences, en particulier
dans le domaine de l’aménagement et du développement de leur territoire».

72. Il existe aujourd’hui deux niveaux d’administration en Albanie.
Le premier niveau est constitué par 373 collectivités locales

, et le second consiste en 12 régions
ou «
qarks». En raison du grand
nombre de collectivités locales, plusieurs d’entre elles sont trop
petites pour gérer efficacement leurs affaires locales et manquent
de ressources et de capacités pour être des institutions financièrement
et politiquement viables. Le Congrès, ainsi que d’autres institutions
internationales, ont recommandé aux autorités albanaises d’envisager de
réduire le nombre de collectivités locales en vue de créer des communes
plus grandes et plus fortes qui puissent être des unités viables
de démocratie locale. Par ailleurs, le nombre de régions (12) serait,
de l’avis général, trop élevé pour un pays de la taille de l’Albanie.
En effet, le nombre optimal de régions devrait être de six ou sept
pour qu’elles soient fortes et autogérées

.
73. Malheureusement, la polarisation susmentionnée entre les principaux
partis politiques au niveau national semble s’être répercutée au
niveau local. En conséquence, les collectivités locales qui ont
une couleur politique différente ne peuvent pas trouver un terrain
d’entente avec le gouvernement central et défendre leurs intérêts.
Cette situation affaiblit l’autonomie locale et freine le développement
en Albanie de collectivités locales fortes, qui pourraient représenter
les intérêts locaux auprès du gouvernement central.
74. Les maires et les conseillers municipaux sont élus au suffrage
direct, et les conseils régionaux sont composés de membres de droit
délégués par chaque collectivité locale de la région concernée.
Chaque collectivité locale doit inclure le maire élu dans sa délégation.
Une des faiblesses de la loi sur l’organisation et le fonctionnement
des collectivités locales est que le conseil municipal n’a aucune
autorité sur le maire élu, ce qui peut entraîner des conflits. Les
régions sont dirigées par un préfet, qui est nommé par le Conseil
des Ministres. Le préfet est le représentant du pouvoir central
au niveau régional, et sa mission consiste à veiller à ce que les
politiques nationales soient appliquées au niveau local. Il nous
a cependant été rapporté que, dans de nombreux cas, les ministères
ont leurs propres représentants directs au niveau régional. Les
représentants de la préfecture et des ministères au niveau régional
sont considérés par un certain nombre d’interlocuteurs comme un
mécanisme permettant au pouvoir central d’exercer un contrôle direct
sur les collectivités locales et régionales. Ce contrôle est d’autant
plus efficace que les conseils régionaux sont généralement faibles
et que les structures régionales sont dominées par la préfecture.
75. Nous recommandons que le fonctionnement et les compétences
des structures régionales en tant que deuxième niveau d’administration
locale, d’une part, et en tant qu’unités administratives du pouvoir
central, d’autre part, soient clarifiés et définis précisément par
la loi. Nous recommandons aux autorités d’envisager que les conseils
régionaux soient élus au suffrage direct à l’avenir, afin d’être
en conformité avec la Charte.
76. Bien que la part des recettes propres dans leurs budgets ait
considérablement augmenté au cours des dernières années, les collectivités
locales sont encore excessivement tributaires des fonds et ressources
du pouvoir central, notamment parce qu’elles ne peuvent pas collecter
les impôts locaux. Les collectivités locales devraient donc avoir
les moyens de se financer à la mesure de leurs compétences, afin
de réduire leur dépendance vis-à-vis du pouvoir central.
77. Les nouvelles autorités ont annoncé qu’une de leurs priorités
était de mettre en œuvre une réforme administrative et territoriale
afin que les collectivités locales soient indépendantes du point
de vue politique, administratif et financier. Cette annonce est
une bonne chose. Il est primordial que cette réforme soit ouverte à
tous les acteurs et fasse l’objet d’un consensus, non seulement
entre la majorité au pouvoir et l’opposition, mais aussi entre le
gouvernement central et les collectivités locales concernées. Nous
invitons instamment les autorités à élaborer et à mettre en œuvre
cette réforme en concertation étroite avec les institutions et départements
compétents du Conseil de l’Europe, notamment le Congrès des pouvoirs
locaux et régionaux.
78. Le 24 janvier 2014, le parlement a institué une commission
ad hoc bipartisane sur la réforme de l’administration territoriale.
Malheureusement, l’opposition a jusqu’à présent refusé d’y participer,
bien que la majorité au pouvoir ait proposé de la constituer de
façon paritaire et d’accorder un droit de véto à l’opposition sur
les décisions de la commission.
79. Le 16 mai 2014, le ministre chargé des Pouvoirs locaux, M. Bledar
Çuçi, a présenté cinq versions de la division administrative du
pays envisagée, selon laquelle les collectivités locales, actuellement
au nombre de 385, passeraient au nombre de 30, 39, 47, 57 ou 63
respectivement. Il était proposé initialement d’abaisser le nombre
de régions à six. Toutefois, à la suite d’allégations selon lesquelles
la réforme territoriale envisagée pourrait avoir une incidence sur
la composition du parlement, il a été décidé de conserver le même
nombre de régions. Certains interlocuteurs se sont déclarés préoccupés
par le fait que la réforme envisagée semble être essentiellement
centrée sur la division administrative du pays, et moins sur les
aspects fonctionnels de l’autonomie locale, en particulier sur la
manière dont celles-ci obtiendront les ressources nécessaires à
la mise en œuvre des services que la loi, et les citoyens, attendent
d’elle. Ces inquiétudes font écho aux critiques émises par l’opposition
à l’encontre de cette réforme.
4. Prééminence du
droit
4.1. Indépendance du
système judiciaire et de l’administration de la justice
80. L’indépendance et l’impartialité de la justice ne
sont pas suffisamment garanties et le système judiciaire continue
de souffrir des pressions et des ingérences politiques

.
Le manque d’indépendance du système judiciaire

et
d’efficacité de l’administration de la justice continuent d’être
des points préoccupants concernant l’Albanie. Ce manque d’indépendance,
la corruption endémique du système judiciaire et le manque de ressources
sont autant de facteurs qui sapent la confiance du public dans la
justice. La poursuite de la réforme de la justice, notamment pour
garantir son indépendance et lutter contre la corruption, est donc
une priorité.
81. Des progrès ont été accomplis dans ce domaine pendant la période
examinée. Une stratégie pour la réforme judiciaire en 2011-2013
a été adoptée, mais sa mise en œuvre est incomplète et connaît des
retards. Il est important de réaliser une évaluation complète de
la stratégie et de sa mise en œuvre, afin de créer une base solide
pour les autres réformes qui seront menées dans ce secteur.
82. Un certain nombre de lois essentielles ont été adoptées, notamment
la loi sur la Cour suprême, la loi sur les tribunaux administratifs
et la loi sur l’administration judiciaire. En outre, le Code pénal,
le Code civil et le Code de procédure pénale ont été profondément
modifiés. Un examen du Code de procédure pénale est prévu, ainsi
que des amendements à la loi sur la Cour constitutionnelle et à
la loi sur le Haut Conseil de la justice, en vue de les aligner
sur les normes et les pratiques optimales européennes. A notre grande satisfaction,
les autorités albanaises ont mis en place une étroite coopération
avec les instances compétentes du Conseil de l’Europe, en particulier
la Commission de Venise, sur les changements apportés à ces lois.
83. Jusqu’à présent, la réforme de la justice a porté essentiellement
sur l’adoption et la modification des lois. Toutefois, la mise en
œuvre de celles-ci prend du retard, notamment à cause du manque
de ressources – humaines et financières – et d’une mauvaise coopération
entre les institutions

. Il est
crucial que toutes les principales forces politiques albanaises
fassent preuve d’une volonté politique sans faille et alloue les ressources
nécessaires pour assurer une mise en œuvre efficace de la réforme
de la justice et du système judiciaire.
84. La marge de manœuvre du Haut Conseil de la justice dans la
nomination, le transfert et la promotion des juges est trop grande,
et la décision d’engager ou de clore une procédure disciplinaire
à l’encontre d’un juge relève encore entièrement du ministère de
la Justice. Le processus de nomination des juges à la Cour constitutionnelle,
à la Cour suprême et au Haut Conseil de la justice peut être facilement
politisé et nuire à l’indépendance et à l’impartialité de ces institutions
et, par extension, au système judiciaire. Pour le modifier, il faudrait
adopter des amendements constitutionnels, mais il n’existe jusqu’à
présent aucune volonté ou consensus parmi les principales forces
politiques du pays pour lancer le processus. Nous demandons aux autorités
actuelles d’adopter sans délai, et en consultation étroite avec
l’opposition, les amendements à la Constitution ainsi que la législation
d’application qui s’y rapporte, afin de renforcer l’indépendance
et l’impartialité de la justice. Nous attendons des autorités qu’elles
poursuivent leur étroite coopération avec la Commission de Venise
dans la rédaction de ces amendements.
85. Deux remplacements contestables de membres éminents du système
judiciaire ont accru le sentiment d’une forte politisation de la
justice. Le vice-président du Haut Conseil de la justice, M. Kreshnik
Spahiu, a démissionné après avoir été accusé d’abus de pouvoir et
d’activités politiques illégales liées à sa participation au mouvement
nationaliste «Alliance rouge et noire». Une commission d’enquête
a été créée à ce sujet. La Procureure générale d’Albanie, Mme Ina
Rama, qui avait ouvert un certain nombre d’enquêtes sur des allégations
de corruption de hauts fonctionnaires d’Etat, ainsi que sur les
événements du 21 janvier 2010, a été remplacée après une interprétation
contestable de la durée de son mandat.
86. Comme il a été mentionné plus haut, la corruption parmi les
juges continue de susciter une vive inquiétude et reste le principal
obstacle dans la lutte contre la corruption en général. On peut
se féliciter que le parlement albanais ait adopté, après un laps
de temps très long, une série d’amendements à la Constitution qui
limitent l’immunité des membres du gouvernement, des députés, des
juges et des hauts fonctionnaires d’Etat, et permettent d’enquêter
sur ces personnes et de les poursuivre sans autorisation préalable.
Ces amendements sont demandés depuis longtemps par l’Assemblée.
87. En mars 2014, l’adoption des amendements au Code de procédure
pénale a permis de mettre en œuvre cette modification de la Constitution.
Selon ces dispositions, les fouilles corporelles, les perquisitions
à domicile et l’arrestation des membres du gouvernement, des parlementaires,
des juges et des hauts fonctionnaires doivent toujours être menées
par les autorités compétentes, à savoir le Haut Conseil de la justice
pour les juges des juridictions ordinaires, et la Cour suprême pour
les juges de la Cour suprême et de la Cour constitutionnelle. En
outre, on peut se féliciter que les responsables publics accusés
de corruption soient désormais poursuivis par le bureau du procureur
chargé des infractions graves et traduits devant la Cour chargée
des infractions graves. Selon certains interlocuteurs, ces dispositions
mériteraient parfois davantage d’éclaircissements pour lever quelques
ambiguïtés qui pourraient nuire à l’efficacité de leur application.
De plus, des modifications apportées à d’autres lois, comme la loi
sur le Haut Conseil de la justice, sont nécessaires pour garantir
la pleine mise en œuvre des modifications constitutionnelles.
4.2. Lutte contre la
corruption
88. La corruption persistante et endémique qui règne
en Albanie entrave le développement démocratique et socio-économique
du pays. Selon l’indice 2012 de la perception de la corruption,
publié par Transparency International, l’Albanie occupe le 133e rang
sur 176 pays avec une note de 33 sur 100

. Dans son Baromètre mondial
de la corruption 2013, Transparency International indiquait que
40 % de la population avait le sentiment que la corruption avait
considérablement augmenté au cours des deux dernières années et
26 % estimait que la corruption avait légèrement augmenté. En outre,
50 % de la population albanaise considère que la corruption est
un grave problème, et 30 % qu’elle est un problème. Pour 66 % de
la population, le gouvernement est entièrement ou en grande partie
dirigé par quelques grands groupes qui agissent au mieux de leurs
propres intérêts. Enfin, 58 % de la population pense que les actions
du gouvernement contre la corruption sont inefficaces. Le sentiment
que la corruption est présente dans presque toutes les couches de la
société est attesté par les chiffres. En effet, 72 % des personnes
interrogées ont répondu que les partis politiques étaient corrompus
ou très corrompus, 66 % ont indiqué que la corruption touchait le
parlement, 81 % le système judiciaire, 58 % la police et 52 % les
responsables gouvernementaux et les fonctionnaires

. De même,
dans son rapport
Nations in Transit 2013,
Freedom House a donné à l’Albanie une note de 5,25, contre 5,0 précédemment,
un (1) étant la note la plus élevée et sept (7) la plus basse. Le
niveau élevé de corruption a été confirmé, notamment, par des hauts
fonctionnaires de la police et de la justice.
89. Le gouvernement albanais a adopté un plan d’action anticorruption
pour 2011-2013, ainsi qu’un ensemble de mesures en ce sens en mars 2014.
En outre, un coordinateur national pour la lutte contre la corruption
et des points de contact au sein des ministères et des organismes
publics concernés ont été désignés en novembre 2013. Comme indiqué
dans la section sur l’indépendance du système judiciaire, les amendements
à la Constitution et au Code de procédure pénale qui ont été adoptés
limitent l’immunité des hauts fonctionnaires de l’Etat et facilitent
les poursuites à leur encontre en cas de corruption. Une évaluation de
la stratégie de lutte contre la corruption est prévue pour janvier 2015.
Le nombre de poursuites menées à bien a certes augmenté au cours
des dernières années

–
et, à notre connaissance, cette tendance devrait se poursuivre –
mais les efforts déployés par les autorités pour lutter contre la
corruption n’ont malheureusement produit que des résultats limités
compte tenu de l’ampleur du problème. De nombreux interlocuteurs
ont déclaré que ces résultats médiocres étaient dus au manque de
volonté politique et aux capacités institutionnelles insuffisantes.
90. Dans deux affaires très médiatisées ayant impliqué des ministres,
toutes les charges ont été abandonnées lorsque la Cour suprême a
jugé que l’authenticité des enregistrements vidéo qui montraient apparemment
des actes de corruption ne pouvait pas être vérifiée, malgré des
rapports d’experts internationaux indiquant le contraire. Nous n’avons
pas ici l’intention d’examiner la pertinence de ces décisions de
justice, mais nous craignons que ces deux affaires très médiatisées
aient contribué à donner au public le sentiment que des hauts responsables
de l’Etat peuvent agir en toute impunité. On peut se féliciter qu’un
petit nombre d’enquêtes et de poursuites judiciaires concernant
des affaires de corruption à haut niveau aient été entreprises au
cours du premier semestre 2014.
91. Comme il a été mentionné dans la section précédente, il faut
se féliciter de l’adoption d’amendements constitutionnels qui limitent
l’immunité des responsables publics, en particulier les députés
et les juges. La manière dont les membres de la Cour suprême sont
nommés doit changer. Outre le risque de politisation de la Cour,
la procédure de nomination actuelle est considérée comme étant de
nature à encourager le sentiment d’impunité en cas de corruption.
Les membres de la Cour suprême sont nommés par le parlement sur proposition
du Président. La Cour suprême est la cour de première instance pour
les affaires de corruption impliquant des hauts responsables de
l’Etat, notamment les ministres et les députés, mais, de l’avis
général, elle est incapable de se prononcer contre des membres du
gouvernement et de la majorité au pouvoir.
92. La Haute inspection pour la déclaration et la vérification
du patrimoine (HIDVP) est un instrument déterminant dans la lutte
contre la corruption. Tous les élus, juges et hauts fonctionnaires
doivent déclarer leur patrimoine – ainsi que celui de leurs épouses,
de leurs enfants et des personnes qui cohabitent – à la HIDVP, qui
est une institution indépendante. Cette obligation concerne actuellement
6 000 personnes. En avril 2014, la loi sur la déclaration du patrimoine
a été amendée, en conséquence de quoi toutes les déclarations feront l’objet
d’une vérification, le système de tirage au sort des déclarations
à examiner n’ayant plus cours désormais. En vertu de cette loi,
tous les juges et les procureurs feront en outre partie des personnes
devant remplir une déclaration annuelle de leur patrimoine. Celle-ci
devra être vérifiée au moins tous les quatre ans. Il est difficile
de dire comment la HIDVP pourra assumer cette charge de travail
supplémentaire

. Malheureusement,
cette institution manque d’effectifs

et de ressources
par rapport à sa charge de travail et l’importance de sa mission.
Certains éléments indiquent que le bureau du Procureur général ne
donne pas suite aux conclusions de la HIDVP, ce qui est préoccupant.
En 2012, 14 affaires ont été transmises au procureur afin qu’il
engage des poursuites pénales. Toutes les poursuites ont été suspendues,
malgré la gravité des charges retenues par la HIDVP. Nous exhortons
les autorités à veiller à ce que les services du procureur assurent
un suivi exemplaire et rapide de tous les cas de fraude et de toutes
les demandes d’ouverture d’enquêtes pénales soumis par la HIDVP.
A cet égard, nous nous félicitons de l’ouverture au premier semestre 2014
de sept procédures

par
les services du procureur dans des affaires de déclarations erronées.
93. En général, les institutions publiques qui sont chargées de
la lutte contre la corruption sont vulnérables aux pressions et
intérêts politiques. Il est donc crucial de mettre rapidement en
œuvre la loi sur la fonction publique, qui vise à réduire l’influence
et les pressions politiques en introduisant des procédures de nomination et
de révocation fondées sur le mérite.
94. Le nombre d’enquêtes ouvertes par le Département du contrôle
interne et de la lutte contre la corruption et la Haute inspection
pour la déclaration et la vérification du patrimoine a augmenté.
Les autorités doivent veiller à ce que des ressources suffisantes
soient allouées à ces deux organes pour renforcer leurs capacités d’enquête
et de vérification. Nous relevons avec satisfaction que, depuis
avril 2014, les juges et les procureurs sont effectivement couverts
par la loi sur la déclaration du patrimoine ce qui est important
car il est clair que l’élimination de la corruption parmi les magistrats
est indispensable pour obtenir des résultats dans la lutte contre
la corruption en général.
95. Le 11 novembre 2013, un protocole d’accord a été signé entre
la police d’Etat albanaise, le bureau du Procureur général et le
Service d’information de l’Etat (SHISH), dans le but d’améliorer
la lutte contre la criminalité organisée et la corruption.
96. A sa 60e réunion plénière, qui
s’est tenue du 17 au 21 juin 2013, le GRECO a adopté son deuxième rapport
de conformité

aux recommandations qu’il a
formulées dans le cadre de son rapport d’évaluation du troisième
cycle consacré à l’Albanie. Le troisième cycle d’évaluation couvre
deux thèmes distincts, à savoir les incriminations pour faits de
corruption dans la législation albanaise, et la transparence du
financement des partis. Ce rapport de conformité conclue que l’Albanie
a mis en œuvre ou traité de façon satisfaisante l’ensemble des 12
recommandations énoncées dans le rapport d’évaluation du troisième
cycle. Le GRECO souligne également qu’il est important désormais
que toutes les dispositions soient bien mises en pratique. Le quatrième
cycle d’évaluation du GRECO désigne plusieurs secteurs nécessitant
des améliorations de la part de l’Albanie

. Celle-ci
a reçu 10 recommandations portant sur l’amélioration de la transparence
du processus législatif, de la procédure de déclaration du patrimoine
et de l’évaluation des juges et des procureurs.
97. Le 16 janvier 2014, le Commissaire aux droits de l’homme du
Conseil de l’Europe, M. Nils Muižnieks, a publié un rapport

dans
lequel il se montre préoccupé du niveau élevé de corruption dans
le système judiciaire, «qui entrave gravement le bon fonctionnement
du système judiciaire et sape la confiance du public dans la justice
et la prééminence du droit».
4.3. Exécution des décisions
de la Cour européenne des droits de l’homme
98. Au 17 janvier 2014

, 478 plaintes étaient déposées contre
l’Albanie, dont 424 ont déjà été déclarées recevables. La plupart
des affaires qui ont été déclarées recevables concernent des plaintes
pour violation du droit à un procès équitable et du droit à un recours
effectif.
99. Les décisions prononcées par la Cour européenne des droits
de l’homme («la Cour») dans 32 affaires contre l’Albanie n’ont pas
encore été exécutées. La plupart de ces décisions concernent l’inexécution
de décisions administratives et judiciaires visant la restitution
de biens nationalisés sous le régime communiste ou le versement
d’indemnisations appropriées. L’inexécution est une violation

de l’article 1
du Protocole n° 1 à la Convention européenne des droits de l’homme
(STE nos 5 et 9) (protection de la propriété).
Ces affaires ont révélé un tel dysfonctionnement structurel permanent
dans l’application des décisions prononcées par les tribunaux nationaux
et un tel manque de recours effectif qu’elles sont suivies par le
Comité des Ministres dans le cadre d’une procédure de supervision
renforcée

. Compte tenu de l’ampleur du problème,
la Cour a prononcé un arrêt pilote dans l’affaire
Manushaqe Puto et autres c. Albanie.
100. Dans cet arrêt pilote, la Cour a demandé qu’un régime de compensation
soit créé dans un délai de 18 mois à compter de la date à laquelle
l’arrêt sera devenu définitif (avant le 17 juin 2014). En outre,
la Cour a indiqué que la compilation de données précises permettrait
aux autorités de calculer les implications financières globales
de l’opération d’indemnisation, et elle a proposé la révision et
la mise à jour des tableaux d’évaluation tenant compte des évolutions
sur le plan foncier. Elle a souligné enfin qu’il était important
de fixer des délais réalistes et contraignants. En attendant que
les autorités albanaises adoptent les mesures générales ordonnées
par la Cour, celle-ci a décidé d’ajourner, jusqu’au 17 juin 2014,
l’examen de toutes les nouvelles requêtes similaires qui seront
introduites après le prononcé de l’arrêt pilote. Elle continuera cependant
d’examiner les requêtes similaires introduites avant l’entrée en
vigueur de l’arrêt pilote. Le greffe de la Cour estime qu’il y a
actuellement 83 affaires pendantes

qui
entrent dans cette catégorie.
101. Dans sa résolution

concernant
l’exécution de l’arrêt pilote, adoptée lors de la 1 172e réunion
du 6 juin 2013, le Comité des Ministres a relevé «avec vive préoccupation
qu’à ce jour, seule une des mesures identifiées a été finalisée,
à savoir la carte d’évaluation foncière, et qu’aucun plan d’action
n’a été soumis démontrant la capacité des autorités albanaises à
mettre en place, dans le délai imparti par la Cour, un mécanisme
d’indemnisation efficace». Etant donné que le nombre important d’affaires
analogues pendantes et introduites devant la Cour nuit gravement
à l’efficacité du travail qu’elle accomplit, nous saluons les progrès réalisés
par les autorités albanaises pour remédier à ce problème.
102. Le plan d’action que ces dernières ont soumis au Comité des
Ministres en se fondant sur les consultations engagées avec le service
de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme en
février 2014, définit un train complet de mesures visant à adopter
un mécanisme efficace d’ici juin 2015. Tout en regrettant que le
délai fixé par l’arrêt pilote ne sera pas respecté, le Comité des
Ministres, lors de sa 1 193e réunion
en mars 2014, a relevé avec satisfaction la priorité accordée à
cette question par les autorités. Le plan d’action a été adopté
par le Conseil des ministres albanais le 24 avril 2014 et mis à
jour lors de son entrée en vigueur le 15 mai 2014, ce qui lui a
conféré un caractère contraignant. Au cours de sa 1 201e réunion du
3 au 5 juin 2014, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe
a salué l’adoption de ce plan d’action par les autorités albanaises,
mais, compte tenu du délai imparti pour sa mise en œuvre, les a
exhortées à redoubler d’efforts pour accélérer le processus autant
que possible. Selon les informations en notre possession, les autorités
auraient demandé à la Cour une prorogation du délai initial fixé
dans l’arrêt Manushaqe Puto et autres.
5. Droits de l’homme
5.1. Protection des
droits de l’homme
103. Des progrès ont été accomplis dans le renforcement
des mécanismes de protection des droits de l’homme en Albanie. Les
libertés de réunion, d’association, de pensée et de religion sont
généralement respectées dans le pays. Les préoccupations concernant
la liberté d’expression ont déjà été mentionnées dans la section
consacrée à la liberté et au pluralisme des médias, et celles relatives
au droit à un procès équitable ont été exprimées dans la section
consacrée à la prééminence du droit.
104. Durant la période examinée, l’Albanie a signé et ratifié un
certain nombre de conventions du Conseil de l’Europe, notamment
la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à
l’égard des femmes et la violence domestique (STCE n° 210).
105. Il a déjà été indiqué plus haut que le nombre de requêtes
introduites devant la Cour européenne des droits de l’homme était
préoccupant ainsi que les retards pris dans l’exécution de ses décisions.
Dans ce contexte, le respect des droits de propriété reste un point
préoccupant auquel les autorités s’attaquent dorénavant.
106. Les crimes d’honneur et les vendettas sont un sujet d’inquiétude
en Albanie. Le rapport 2012 du Département d’Etat américain sur
les droits de l’homme dans le monde indique que ces meurtres sont
en augmentation et note que des mineurs et des femmes ont été ciblés
dans plusieurs cas, contrairement aux traditions liées à cette pratique.
Le Comité albanais de réconciliation nationale a recensé 152 crimes
d’honneur en 2012. Les crimes d’honneur ou les vendettas constituent
des circonstances aggravantes en cas de meurtre avec préméditation.
Les autorités albanaises ont déclaré reconnaître l’importance de
ce problème. Les modifications du Code pénal ont relevé la peine
maximale applicable aux crimes d’honneur de 20 à 30 ans d’emprisonnement
ou à la réclusion à perpétuité. Le Bureau du médiateur a élaboré
un rapport spécial sur les crimes d’honneur, qui a été présenté
au parlement et dans lequel il concluait que la loi de 2005 sur
les crimes d’honneur n’était pas encore appliquée par les autorités.
Ce rapport, ainsi que les autres rapports produits par son bureau,
n’ont malheureusement pas (encore) été examinés par le parlement.
5.2. Torture et traitement
cruel, inhumain ou dégradant
107. Le 20 mars 2012, le Comité européen pour la prévention
de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants
(CPT) a rendu public son rapport sur la visite qu’il a effectuée
en Albanie du 10 au 21 mai 2010. Le CPT a noté que la coopération
avec les autorités avait été très bonne.
108. En ce qui concerne la détention provisoire, le CPT a noté
que les centres de détention provisoire relèvent de la responsabilité
du ministère de la Justice et sont conformes aux normes européennes.
Il n’existe pas cependant de procédure appropriée pour le transfert
des détenus des cellules des postes de police aux centres de mise
en détention provisoire. Les détenus devaient donc rester dans les
cellules de police, qui ne sont pas équipées pour des détentions
longues, pendant des périodes bien supérieures aux limites réglementaires.
109. Malheureusement, malgré certains progrès accomplis dans ce
domaine depuis les visites précédentes, le CPT a continué de recevoir
un nombre important d’allégations de mauvais traitements de personnes détenues
par la police, notamment lors des interrogatoires, dans le but d’obtenir
des aveux ou des preuves. Cette situation est particulièrement préoccupante,
surtout si l’on considère qu’aucune enquête indépendante n’a été
ouverte après le dépôt officiel des plaintes. Les autorités doivent
prendre des mesures urgentes pour y remédier.
110. Le droit de consulter un avocat et un médecin pendant la garde
à vue est un mécanisme important pour empêcher les mauvais traitements.
Des progrès considérables ont été accomplis en vue d’aider les détenus
à consulter un avocat ou un médecin, mais des retards se produisent
à ce sujet, ce qui nuit à l’efficacité de ce mécanisme

. L’enregistrement systématique des interrogatoires
menés par la police est également recommandé, car il s’agit d’un
mécanisme de protection contre les mauvais traitements qui pourraient
être infligés pendant la garde à vue. Les modifications du Code
de procédure pénale adoptées en avril 2014 incluraient des dispositions
qui renforcent les droits des prisonniers et des détenus.
111. Dans son rapport, le CPT constate avec regret que, lors de
sa visite en 2012, les recommandations qu’elle avait formulées précédemment
concernant les conditions de détention dans les postes de police n’avaient
quasiment pas été mises en œuvre par les autorités albanaises. En
effet, les cellules de détention provisoire (d’une durée maximale
de 10 heures) étaient généralement dépourvues de chaises ou de bancs pour
que les détenus puissent se reposer. Quant aux cellules de garde
à vue (pour les détentions d’une durée maximale de 96 heures), les
conditions étaient décrites par le CPT comme «désastreuses»: absence
générale de ventilation, accès limité à la lumière naturelle et
conditions minimales d’hygiène.
112. En revanche, le CPT a reconnu que les autorités albanaises
avaient réussi à réduire la surpopulation carcérale et à améliorer
les conditions de détention, même si celles-ci restent préoccupantes
en raison notamment des crédits limités. Nous nous félicitons que
le CPT n’ait quasiment pas reçu d’allégations de mauvais traitements,
mais nous sommes d’avis, comme le CPT, que les autorités doivent
continuer d’être vigilantes à cet égard.
113. Les conclusions de la dernière visite du CPT soulignent que
la qualité des soins de santé dans les prisons reste un sujet de
préoccupation qui mérite la plus grande attention des autorités,
compte tenu de son impact sur la santé publique en général.
114. Le Mécanisme national pour la prévention de la torture, qui
relève du Bureau du médiateur, est devenu de plus en plus actif
dans l’inspection des prisons et d’autres lieux de détention.
5.3. Minorités et discrimination
115. Le Comité consultatif de la Convention-cadre pour
la protection des minorités nationales a adopté son troisième avis
sur l’Albanie le 23 novembre 2011

.
Le rapport le plus récent

de
la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI)
a été adopté le 15 décembre 2009 dans le cadre du quatrième cycle de
suivi.
116. La législation albanaise ne reconnaît comme entités juridiques
distinctes que trois minorités nationales (grecque, macédonienne
et serbo-monténégrine) et deux minorités ethno-linguistiques (rom
et valaque/aroumaine). Les personnes qui appartiennent à d’autres
groupes, par exemple les Bosniaques et les Egyptiens, ne sont pas
considérées comme appartenant à des minorités nationales et ne bénéficient
donc pas des instruments nationaux et internationaux protégeant
les droits des minorités tels que la Convention-cadre du Conseil
de l’Europe pour la protection des minorités nationales (STE n°
157). En outre, du fait également de cette reconnaissance limitée,
plusieurs minorités ne sont pas représentées dans les organes officiels
créés pour représenter les intérêts des minorités auprès des autorités.
Le système actuel de reconnaissance des minorités, trop limité et
inadéquat, devrait être changé afin d’être plus souple.
117. Le cadre législatif pour la protection des minorités a été
amélioré au cours de la période examinée. Il manque cependant une
loi sur les minorités qui intégrerait toutes les recommandations
de la convention-cadre. Nous espérons que le nouveau parlement adoptera
une loi de ce type dans les plus brefs délais et qu’il travaillera
pour cela en coopération étroite avec les organes compétents du
Conseil de l’Europe.
118. Un recensement de la population a été réalisé en Albanie en
octobre 2011. La loi sur le recensement a été modifiée plusieurs
fois avant qu’il n’ait eu lieu. Initialement, il avait été institué
une amende pour toute réponse inexacte à la question sur l’origine
ethnique. Cette disposition aurait été retirée seulement trois mois avant
le recensement. Les réponses données devaient être contrôlées par
recoupement avec le registre d’état civil, dont l’inexactitude des
données à cet égard est notoire. On peut donc légitimement se demander
si ces dispositions sont compatibles avec les principes de la convention-cadre
et si les données du recensement sont exactes en ce qui concerne
l’ethnicité et la nationalité.
119. Le projet pour une résolution sur les Chams

qui
circule actuellement au parlement est à l’origine d’une polémique.
Ce projet de résolution porte sur plusieurs questions qui sont importantes
pour la communauté cham en Albanie, notamment l’abrogation de la
loi de 1940 sur la guerre entre la Grèce et l’Albanie et la restitution
des biens abandonnés lorsque les Chams musulmans ont été contraints
de fuir la Grèce. La valeur des biens contestés serait d’environ
10 milliards d’euros. Il n’est pas surprenant que ce projet de résolution pèse
sur les relations avec la Grèce, qui a jugé «inacceptable» le texte
du projet de résolution dans sa forme actuelle. Toutes les principales
forces politiques albanaises ont souligné qu’elles ne souhaitaient
pas que les débats sur cette question nuisent aux relations amicales
nouées avec la Grèce. Il faut sans doute considérer que la décision
de soumettre un projet de résolution sur cette question s’explique
par le climat de plus en plus nationaliste qui régnait en Albanie
à l’approche des élections législatives de 2013.
120. L’enseignement des langues minoritaires (reconnues ou non)
reste inapproprié. Dans les «zones minoritaires», les écoles assurent
un enseignement en grec et macédonien, mais à l’extérieur desdites «zones»,
les demandes d’enseignement dans ces langues sont généralement rejetées.
Aucun enseignement n’est prévu en rom, serbo-monténégrin ou valaque.
Il est regrettable que l’Albanie n’ait ni signé ni ratifié la Charte
européenne des langues régionales ou minoritaires (STE n° 148),
bien que cela fasse partie explicitement des engagements d’adhésion

. Nous invitons
les autorités à honorer cet engagement d’adhésion dans les plus
brefs délais.
121. Des progrès importants ont été accomplis dans la lutte contre
la discrimination. Le Code pénal a été amendé afin de prendre en
compte les délits avec circonstances aggravantes commis dans le
cadre de discriminations fondées sur le genre, la race, l’ethnicité,
l’orientation sexuelle, la religion, l’opinion politique ou la santé.
Un Commissaire à la protection contre les discriminations a été
établi par la loi. La création et la nomination d’un commissaire
est une recommandation de longue date formulée par l’ECRI et il
convient de se féliciter de cette avancée. Cependant, plusieurs
interlocuteurs ont fait remarquer que les rôles respectifs du Commissaire
à la protection contre les discriminations et du médiateur doivent
être clarifiés et précisés afin d’éviter tout chevauchement et interférence
possibles. Le 4 février 2010, le Parlement albanais a adopté une loi
très complète contre les discriminations, conformément aux recommandations
de l’ECRI et du Comité consultatif de la Convention-cadre. Les autorités
devraient faire tout leur possible pour que cette loi soit désormais
mise en application, dans son intégralité et avec efficacité.
122. Des progrès significatifs ont été accomplis concernant la
lutte contre la discrimination à l’égard des personnes lesbiennes,
gays, bisexuelles et transgenres (LGBT). Un groupe de travail pour
la défense des droits de ces personnes a été créé au sein du ministère
des Affaires sociales et les principaux partis ont manifesté leur
soutien appuyé en faveur du renforcement des droits des LGBT.
123. L’Albanie est une société qui est généralement tolérante à
l’égard des minorités, mais la discrimination des Roms demeure un
sujet de préoccupation. Dans leurs rapports récents, l’ECRI et le
Comité consultatif de la Convention-cadre ont demandé aux autorités
d’élaborer et d’exécuter un plan d’action – et, plus généralement,
d’intensifier leurs efforts – en vue de lutter contre la discrimination
des Roms et de faciliter leur bonne intégration dans la société.
Le ministère albanais du Bien-être social et de la Jeunesse a entrepris
la rédaction d’un plan d’action concret pour améliorer la situation
de la communauté rom.
124. En février 2012, alors qu’il évoquait certains des problèmes
rencontrés par les Roms en Albanie, le médiateur albanais a autorisé
37 familles de Roms à s’installer provisoirement sur le site où
se trouvent ses bureaux. Ces familles avaient été expulsées du terrain
qu’elles occupaient sans qu’on leur propose une solution de relogement.
5.4. Médiateur
125. Nous nous félicitons que le médiateur participe de
plus en plus activement à la protection des droits de l’homme et
aide les citoyens à affirmer leurs droits vis-à-vis du gouvernement.
Dans ce contexte, nous regrettons que sa nomination ait pris du
retard à cause de l’impasse politique qui s’est produite entre la
majorité au pouvoir et l’opposition suite aux élections législatives
de 2009.
126. Les recommandations du médiateur sont de plus en plus suivies
d’effet, mais ses rapports au parlement n’ont pas été jusqu’à présent
inscrits à l’ordre du jour du parlement et ne sont donc pas examinés
dans l’enceinte parlementaire. Nous appelons le Parlement albanais
à inscrire systématiquement les rapports – statutaires et spéciaux
– du médiateur à l’ordre du jour du parlement afin qu’ils soient
examinés par les députés. Nous saluons la nette amélioration de
la coopération entre le médiateur et le président du parlement ainsi
que la promesse de ce dernier d’inscrire prochainement l’examen
de ces rapports à l’ordre du jour des sessions plénières du parlement.
127. Comme susmentionné, le médiateur intervient également en tant
que mécanisme national pour la prévention de la torture. Au total,
5 200 plaintes ont été reçues en 2012. Cependant, les ressources
humaines et financières du médiateur sont limitées. En effet, ses
effectifs s’élèvent au total à 48 personnes, qui sont chargées d’exécuter
efficacement toutes les fonctions que le législateur lui a confiées.
Nous demandons aux autorités d’allouer des ressources suffisantes
à ses services pour que le médiateur puisse accomplir les tâches qui
lui incombent, notamment celles qui sont liées à la mise en place
de bureaux régionaux dotés de professionnels qualifiés. A l’heure
actuelle, ce sont en effet des bénévoles d’organisations de la société
civile qui assurent le fonctionnement de ces bureaux.
5.5. Suivi du rapport
de l’Assemblée sur le traitement inhumain de personnes et le trafic
illicite d’organes humains au Kosovo
128. Le 25 janvier 2011, l’Assemblée a adopté la
Résolution 1782 (2011) sur l’enquête sur les allégations de traitement inhumain
de personnes et de trafic illicite d’organes humains au Kosovo.
Ce document a été élaboré sur la base d’un rapport

rédigé par M. Dick Marty. Dans son
rapport, M. Marty fournit des éléments crédibles indiquant que des
Serbes et des Kosovars albanais faits prisonniers pendant le conflit
au Kosovo ont été assassinés afin de prélever leurs organes et de
vendre ceux-ci au marché noir. Le rapport ne fait pas mention d’une
éventuelle responsabilité ou complicité de l’Albanie dans ce domaine,
mais ces crimes auraient eu lieu dans des lieux de détention secrets
placés sous le contrôle de l’Armée de libération du Kosovo (UÇK)
dans le nord de l’Albanie. Dans la
Résolution 1782 (2011), l’Assemblée a donc invité les autorités albanaises
à coopérer sans réserve avec la Mission de police et de justice
de l’Union européenne (EULEX) et les autorités de Serbie dans le
cadre des procédures destinées à faire la lumière sur ces crimes,
et à ouvrir une enquête sérieuse et crédible concernant des faits
de nature criminelle qui se seraient produits sur le territoire albanais

.
129. Nous nous félicitons que les autorités albanaises coopèrent
pleinement et sans réserve avec les enquêteurs d’EULEX sur les crimes
qui se seraient produits sur le territoire albanais. Considérant
qu’il est de la plus haute importance que les allégations formulées
dans ce rapport fassent l’objet d’une enquête complète et transparente,
le Parlement albanais a adopté en mai 2012 la loi relative aux relations
juridictionnelles en matière pénale avec l’Equipe spéciale d’enquête
d’EULEX. En vertu de ce texte, les procureurs d’EULEX ont le pouvoir
d’enquêter sur le territoire albanais au sujet des accusations d’implication
du pays dans le trafic illicite d’organes humains sur le territoire
albanais. Ils ont reçu le plein soutien de toutes les institutions compétentes.
En ce qui concerne l’enquête indépendante et distincte menée par
les autorités albanaises à la demande de l’Assemblée, celles-ci
ont déclaré que leurs investigations n’ont pas confirmé jusqu’à
présent les conclusions de M. Marty.
6. Conclusions
130. L’avant-projet de rapport a été transmis aux autorités
albanaises le 11 mars 2014 pour commentaires. Ceux-ci ont été reçus
le 30 mai 2014 et pris en compte lors de la finalisation du rapport.
131. Durant la période examinée, l’Albanie a fait, quoique tardivement,
des progrès substantiels pour honorer ses obligations et engagements
à l’égard du Conseil de l’Europe. Cependant, dans plusieurs domaines concernant
notamment l’impartialité des institutions démocratiques et de la
fonction publique, l’indépendance de la justice et la lutte contre
la corruption, de graves préoccupations subsistent, en particulier
quant à la mise en œuvre des nombreuses réformes et «paquets législatifs»
qui ont été adoptés. A la lumière des considérations qui précèdent,
nous recommandons par conséquent que l’Assemblée continue de suivre
le respect des obligations et engagements contractés par l’Albanie
jusqu’à ce que ces sujets de préoccupation soient résolus de manière
satisfaisante.