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Résolution 2010 (2014) Version finale
Une justice pénale des mineurs adaptée aux enfants: de la rhétorique à la réalité
1. Les droits de l’enfant se sont
considérablement développés depuis trente ans. Au cours de ce processus,
il est devenu évident que les enfants présentent des besoins bien
particuliers qu’il convient de prendre en considération, notamment
lorsque ces enfants ont affaire à la justice. Cette question est spécifiquement
traitée dans plusieurs instruments internationaux et régionaux consacrés
aux droits de l’enfant, comme les Lignes directrices du Comité des
Ministres du Conseil de l’Europe sur une justice adaptée aux enfants,
adoptées en 2010.
2. Les enfants sont confrontés à la justice dans différentes
circonstances, notamment lorsqu’ils sont en conflit avec la loi.
La recherche du meilleur moyen de traiter la délinquance juvénile
est une mission difficile pour tous les gouvernements, tenus de
trouver le juste équilibre entre protection de la société et intérêt supérieur
de l’enfant, qui est un être humain en devenir, qui apprend et reste
ouvert à des influences positives pour sa socialisation. Cependant,
les pressions que subissent les responsables politiques pour faire
preuve de fermeté face à la délinquance ont engendré l’adoption
de mesures de plus en plus sévères à l’égard des enfants en conflit
avec la loi.
3. En outre, malgré l’arsenal de normes internationales et régionales
offrant un cadre bien établi pour régir la justice pénale des mineurs,
une importante dissonance persiste entre le discours relatif aux
droits humains et la réalité des mesures prises à l’égard de nombreux
enfants dans le cadre de la justice pénale des mineurs, en particulier
de leur détention. Les organes de suivi des Nations Unies et du
Conseil de l’Europe font état d’une situation plutôt insatisfaisante
en ce qui concerne la mise en œuvre des normes relatives aux droits humains
dans le domaine de la justice pénale et de la détention des mineurs.
Dans ce contexte, la surreprésentation d’enfants vulnérables en
détention a été considérée comme alarmante.
4. Afin d’améliorer les droits de l’enfant et les pratiques en
matière de justice pénale des mineurs dans toute l’Europe, il est
primordial de se concentrer sur la mise en œuvre des normes y afférentes.
Prévenir la délinquance juvénile, éviter que les jeunes soient confrontés
à la justice pénale en relevant l’âge minimum de responsabilité
pénale et en encourageant la déjudiciarisation, promouvoir la mise
en œuvre de mesures alternatives non privatives de liberté et réduire
le nombre d’enfants détenus sont autant d’éléments essentiels au
succès de la justice pénale des mineurs. Ces solutions sont également
moins coûteuses et plus à même d’assurer la sécurité publique et
d’aider les jeunes à exploiter leur potentiel.
5. Compte tenu de ce qui précède, l’Assemblée parlementaire invite
instamment les Etats membres du Conseil de l’Europe à mettre en
conformité leur législation et leurs pratiques avec les normes relatives
aux droits humains régissant la justice pénale des mineurs.
6. L’Assemblée appelle notamment les Etats membres:
6.1. à établir un système spécialisé
de justice pénale des mineurs en mettant en place des lois, des procédures
et des institutions spécialement conçues pour les enfants en conflit
avec la loi, entre autres l’institution d’une ombudspersonne pour
les enfants, au vu de la pratique positive de certains Etats membres;
6.2. à fixer l’âge minimum de responsabilité pénale à au moins
14 ans, tout en définissant un éventail de solutions adaptées aux
plus jeunes délinquants pour remplacer les poursuites pénales traditionnelles;
6.3. à interdire les dérogations à l’âge minimum de responsabilité
pénale, même en cas d’infraction grave;
6.4. à veiller à ce que la détention de mineurs ne soit qu’une
mesure de dernier ressort et d’une durée aussi brève que possible,
en particulier:
6.4.1. en définissant une limite d’âge au-dessous
de laquelle il est interdit de priver un enfant de sa liberté, qui
soit de préférence supérieure à l’âge minimum de responsabilité
pénale;
6.4.2. en mettant au point un large éventail de mesures et de
sanctions alternatives non privatives de liberté en remplacement
de la détention provisoire et de l’incarcération après le procès,
y compris des mesures éducatives, des sanctions appliquées dans
la communauté et des programmes de traitement;
6.4.3. en abolissant les peines d’emprisonnement à perpétuité
sous toutes leurs formes pour les enfants;
6.4.4. en définissant une durée maximale d’emprisonnement raisonnable
pour les enfants;
6.4.5. en prévoyant un réexamen régulier des mesures et/ou des
sanctions non privatives de liberté appliquées aux enfants;
6.5. à veiller à ce que la privation de liberté, utilisée
en tant que mesure de dernier ressort, vise à assurer la réadaptation
des enfants et leur réinsertion dans la société, notamment en prévoyant
des programmes de formation et de traitement appropriés;
6.6. à établir un large éventail de programmes de déjudiciarisation,
respectueux des normes en matière de droits humains et fondés, inter alia, sur les principes de
la justice réparatrice, en vue de prendre en charge les délinquants
mineurs sans avoir recours à une procédure judiciaire;
6.7. à dépénaliser les délits d’état, c'est-à-dire des actes
qui ne constituent des infractions que s’ils sont commis par des
enfants;
6.8. à garantir que tous les acteurs chargés de l’administration
de la justice pénale des mineurs reçoivent une formation appropriée
afin d’assurer une mise en œuvre effective des droits de l’enfant dans
ce contexte;
6.9. à prévenir la détention de jeunes délinquants, entre autres
en introduisant un système d’intervention rapide destiné à permettre
à une équipe multidisciplinaire, réunissant la police, des travailleurs
sociaux, des infirmiers psychiatriques et des travailleurs de jeunesse,
de faciliter l’enquête sur les infractions commises par de jeunes
délinquants et de proposer à ceux-ci, ainsi qu’à leur famille, un
soutien et une réadaptation.
7. L’Assemblée invite tous les Etats membres à soutenir l’appel
en faveur d’une étude mondiale sur les enfants privés de liberté
initié par Défense des Enfants International, appuyé par plusieurs
autres organisations de la société civile, et lancé le 13 mars 2014.
8. Enfin, l’Assemblée renvoie à sa Résolution 1796 (2011) «Jeunes délinquants:
mesures sociales, éducation et réadaptation», dans laquelle elle
a promu des réponses fondées sur l’assistance sociale afin de prévenir
la délinquance juvénile, qui favorisent une insertion sociale et
une participation plus importantes, et renforcent l’intérêt pour
l’éducation et les comportements sociaux acceptables.