1. Introduction
1. En juin 2012, l’Assemblée parlementaire a tenu un
débat d’actualité sur «Les institutions européennes et les droits
de l’homme en Europe», motivé par la décision de l’Union européenne
de nommer un représentant spécial pour les droits de l’homme qui
a fait craindre des doubles emplois avec les activités du Conseil
de l’Europe. Le 29 juin 2012, le Bureau de l’Assemblée a décidé
de renvoyer cette question à la commission des questions juridiques
et des droits de l’homme pour rapport et a demandé à la commission
des questions politiques et de la démocratie de préparer le rapport
sur «Le mémorandum d’accord entre le Conseil de l’Europe et l’Union
européenne – évaluation cinq ans après», ainsi qu’un rapport sur
«Les défis d’une Europe fédérale»
.
2. Un rapport préparé par M. Andreas Gross (Suisse, Groupe socialiste),
intitulé «Vers une meilleure démocratie européenne: faire face aux
enjeux d’une Europe fédérale», a conduit à l’adoption de la
Résolution 2003 (2014) en juin 2014. Tandis que M. Michael McNamara, rapporteur
pour la commission des questions juridiques, élaborera un rapport
sur les institutions des droits de l’homme en Europe, je me pencherai
sur les aspects politiques et techniques de la coopération entre
le Conseil de l’Europe et l’Union européenne et examinerai les moyens
de créer davantage de synergies. Sur ma proposition, la commission
a convenu, le 28 janvier 2014, de modifier comme suit l’intitulé
de mon rapport: «La mise en œuvre du Mémorandum d’accord entre le
Conseil de l’Europe et l’Union européenne». Ce nouveau titre reflète
plus fidèlement l’objet du présent rapport, qui est précisément
d’évaluer non pas le Mémorandum d’accord proprement dit, mais sa
mise en œuvre tant par le Conseil de l’Europe que l’Union européenne.
3. Le Mémorandum d’accord qui régit actuellement la coopération
entre les deux organisations a été conclu le 23 mai 2007. Ce document
souligne le rôle du Conseil de l’Europe en tant que «référence en
matière de droits de l’homme, de primauté du droit et de démocratie
en Europe». Il stipule également que l’Union européenne «considère
le Conseil de l’Europe comme la source paneuropéenne de référence
en matière de droits de l’homme» et qu’«en préparant de nouvelles
initiatives dans ce domaine, le Conseil de l’Europe et les institutions
de l’Union européenne s’appuieront sur leur expertise respective
selon le cas au travers de consultations».
4. Ces sept dernières années, la coopération a été renforcée
sur la base du Mémorandum d’accord existant, qui demeure un socle
solide pour guider et structurer les relations, comme l’a souligné
le Comité des Ministres le 16 mai 2013. Les 47 ministres ont également
réaffirmé que le Conseil de l’Europe reste «la référence en matière
de droits de l’homme, de démocratie et de primauté du droit en Europe»
.
5. Eviter les doubles emplois et améliorer les synergies et les
complémentarités restent des préoccupations majeures de notre Assemblée,
comme cela a été souligné à de nombreuses reprises dans diverses
résolutions et recommandations, parmi lesquelles la
Résolution 1836 (2011) et la
Recommandation 1982
(2011) sur l’impact du Traité de Lisbonne sur le Conseil de
l’Europe, adoptées en octobre 2011 sur la base d’un rapport préparé
par mes soins
.
6. En octobre 2013, après un débat selon la procédure d’urgence
demandé à la suite d’une proposition faite au sein de l’Union européenne
de créer un mécanisme pour s’assurer du respect par les Etats membres de
l’Union européenne des normes en matière de droits de l’homme, de
démocratie et d’Etat de droit, l’Assemblée a adopté la
Résolution 2027 (2013) «Programmes de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe
en matière de droits de l’homme: des synergies, pas des doubles
emplois». Bien que considérant favorablement l’élévation du niveau
de protection des droits de l’homme, l’Assemblée craignait que l’instauration
de mécanismes parallèles ne donne lieu à des normes divergentes,
n’incite les Etats à rechercher la juridiction la plus favorable
et ne se traduise par un abaissement des normes du Conseil de l’Europe.
Elle a souligné que toute initiative dans ce domaine devrait tenir
compte du rôle du Conseil de l’Europe en tant que référence pour
les droits de l’homme, l’Etat de droit et la démocratie en Europe.
Elle a également rappelé que la pleine cohérence des normes ne pouvait
être assurée que par l’adhésion de l’Union européenne à la Convention
européenne des droits de l’homme (STE n° 5, «la Convention») qui
est à l’examen depuis plus de trente ans et constitue désormais
une obligation au titre de l’article 6 du Traité de Lisbonne.
7. Dans sa réponse formulée en février 2014, le Comité des Ministres,
tout en partageant certaines préoccupations de l’Assemblée, s’est
félicité «des initiatives prises par l’Union européenne pour renforcer
sa capacité à contribuer à la protection des droits de l’homme et
de l’Etat de droit, tout en soulignant la nécessité d’éviter les
doubles emplois et d’assurer une cohérence et une complémentarité
entre son système de protection et celui du Conseil de l’Europe»
.
8. Je tiens à remercier le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe
M. Thorbjørn Jagland, et l’ex-ambassadrice de l’Union européenne
auprès du Conseil de l’Europe Mme Luisella
Pavan-Woolfe pour leur intervention devant notre commission lors
de la partie de session de janvier 2014, au cours de laquelle ils
ont présenté un état des lieux de la coopération entre les deux
organisations. Je remercie également Mme Gabriella
Battaini-Dragoni, Secrétaire Générale adjointe du Conseil de l’Europe,
pour les informations actualisées qu’elle nous a fournies lors de
la réunion de la commission le 5 septembre 2014, à Paris.
9. Dans le cadre de la préparation de mon rapport, j’ai tenu
une série de consultations avec plusieurs représentants du Conseil
de l’Europe et me suis rendue à Bruxelles les 20 et 21 mars 2014
pour y rencontrer la rapporteure du Parlement européen sur l’évaluation
de la justice en relation avec le droit pénal et l’Etat de droit;
le président de la commission Libertés civiles, justice et affaires
intérieures du Parlement européen, les agents de la Commission européenne
chargés des relations multilatérales au Service européen pour l’action extérieure,
ainsi que les cabinets de l’ex-Commissaire aux affaires intérieures
et de l’ex-Vice-présidente de la Commission européenne en charge
de la justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté. J’ai
également tenu des échanges de vues avec des représentants de la
société civile à Bruxelles, et notamment Amnesty International.
10. Le présent rapport ne se veut pas une étude approfondie des
relations entre le Conseil de l’Europe et d’autres institutions
des droits de l’homme de l’Union européenne comme le représentant
spécial de l’Union européenne pour les droits de l’homme et l’Agence
des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui feront l’objet
du rapport de M. McNamara. Mon but est de fournir non seulement
une vue d’ensemble objective et simplifiée de l’état de la coopération
entre les deux organisations sur la base du Mémorandum d’accord,
mais aussi d’examiner les initiatives de l’Union européenne en cours
pour renforcer les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de
droit en son sein et de déterminer si les dispositions du Mémorandum
d’accord et des déclarations d’intention adoptées ultérieurement
par les deux parties sont effectivement mises en œuvre.
2. Vue d’ensemble
des principales activités de coopération
11. Le dialogue politique avec l’Union européenne relève,
outre celle du Comité des Ministres, de la responsabilité principale
du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe. La Direction des relations
extérieures, avec le Bureau de liaison de Bruxelles, a quant à elle
la responsabilité globale de la coopération et assiste et conseille
le Secrétaire Général et les instances de l’Organisation sur les
questions politiques spécifiques affectant les relations avec l’Union
européenne. Au sein de l’Union européenne, le Haut Représentant
de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité,
qui dirige le Service européen pour l’action extérieure, est chargé
des relations avec le Conseil de l’Europe.
12. Le Conseil de l’Europe est représenté à Bruxelles et l’Union
européenne à Strasbourg. Par ailleurs, le chef de la délégation
de l’Union européenne auprès du Conseil de l’Europe à Strasbourg
participe régulièrement aux réunions des Délégués des Ministres
et des groupes de rapporteurs.
13. Chaque année, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe
présente une synthèse de la coopération entre le Conseil de l’Europe
et l’Union européenne. Le dernier rapport en date adopté par les
ministres les 5-6 mai 2014 souligne que «depuis la signature du
Mémorandum d’accord, un changement qualitatif sans précédent est
intervenu dans les relations entre les deux organisations, qui se
sont transformées en un véritable partenariat stratégique dans les
domaines du dialogue politique, de la coopération juridique et des activités
de coopération concrète, comme en témoigne la poursuite des consultations
à haut niveau avec des représentants de l’UE». Il ajoute que «ce
partenariat stratégique a également débouché sur l’intensification
de la coordination politique et la poursuite du renforcement du
rôle de référence joué par le Conseil de l’Europe concernant les
politiques de l’UE, pour ce qui est de ses Etats membres et dans
le contexte de ses Politiques d’élargissement et de voisinage, en
particulier à travers des consultations étroites et des initiatives
conjointes avec le Commissaire Füle»
.
14. Le 18 novembre 2013, le Conseil des affaires étrangères de
l’Union européenne a également adopté les Priorités de l’Union européenne
pour la coopération avec le Conseil de l’Europe 2014-2015, qui définissent un
certain nombre de priorités géographiques et thématiques et incluent
le dialogue politique en tant que principale composante de la coopération,
au côté de ses dimensions juridique et d’assistance.
2.1. Dialogue politique
15. Le Mémorandum d’accord stipule que le Conseil de
l’Europe et l’Union européenne se consulteront régulièrement et
étroitement tant au niveau politique que technique sur les questions
relevant des domaines prioritaires communs. Le dialogue politique
à haut niveau entre les deux organisations s’est considérablement amélioré
depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne en 2009 et le lancement
en 2010 d’une réforme globale du Conseil de l’Europe.
16. Des réunions de dialogue politique ont lieu à haut niveau
entre la présidence du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe,
le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe et le Haut représentant
de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité,
afin de débattre de questions d’actualité présentant un intérêt pour
les deux organisations. Elles sont complétées par des réunions ponctuelles
entre le Secrétaire Général et/ou la Secrétaire Générale adjointe
et les dirigeants de l’Union européenne. Ces dernières années, des rencontres
de haut niveau ont également eu lieu régulièrement avec d’anciens
dirigeants de l’Union européenne, et notamment le Président José
Manuel Barroso, la Haute-représentante/Vice-présidente Catherine
Ashton, la Vice-présidente Viviane Reding, les Commissaires Štefan
Füle, Cecilia Malmström et László Andor, le Président du Parlement
européen Martin Schulz, ainsi que des députés européens. Enfin,
des échanges réguliers ont lieu entre la présidence de l’Union européenne
et le Secrétariat du Conseil de l’Europe sur les évolutions normatives
dans le domaine de la justice, de l’Etat de droit, des droits de
l’homme et des affaires intérieures.
17. Il ressort du discours politique, des déclarations publiques
et des documents directifs que le mandat et les domaines de spécialisation
particuliers du Conseil de l’Europe sont de plus en plus reconnus
par l’Union européenne et ce à tous les niveaux. En témoigne également
la coopération renforcée entre les deux organisations dans la réponse
aux récents défis politiques, comme la crise en Ukraine, ainsi que
les déclarations communes du Secrétaire Général M. Jagland et de
l’ex-Président de la Commission européenne M. Barroso, de l’ex-Haute
Représentante Mme Ashton et de l’ex-Commissaire
à l’élargissement de l’Union européenne M. Füle, sur des questions
telles que la peine de mort ainsi que sur la situation politique
dans certains Etats membres.
18. Après la nomination de la nouvelle Commission européenne le
1er novembre 2014, le Secrétaire Général
Jagland s’est rendu le 12 novembre à Bruxelles, pour y rencontrer
des représentants de haut niveau de l’Union européenne dont le Premier
Vice-Président de la Commission européenne, Frans Timmermans, et le
Commissaire européen chargé de la politique européenne de voisinage
et des négociations d’élargissement, Johannes Hahn. M. Jagland a
également tenu une réunion trilatérale avec le ministre belge des
Affaires étrangères, Didier Reynders, et avec la Haute représentante
de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique
de sécurité, Federica Mogherini. Ils sont convenus d’intensifier
leur coopération sur des questions d’intérêt commun, en particulier
la crise en Ukraine
.
19. Le dialogue technique au niveau opérationnel s’est également
intensifié dans le cadre des réunions des hauts responsables consacrées
à la planification, à la coordination de la coopération et à l’élaboration
de propositions pour l’action future. Dans l’ensemble, les deux
parties se sont montrées satisfaites de ce processus de consultation
dont elles reconnaissent l’utilité, et ont appelé à des échanges
plus réguliers.
2.2. Coopération en
matière d’assistance et programmes conjoints
20. Conformément au Mémorandum d’accord, la coopération
a été renforcée dans le cadre des programmes conjoints (PJ). En
2013, le volume financier global des contrats s’élevait à 95,1 millions
d’euros, les contributions de l’Union européenne et du Conseil de
l’Europe représentant respectivement 81,9 (86 %) et 13,2 millions
d’euros (14 %). Les PJ étaient axés sur
les pays de l’élargissement de l’Union européenne, la Facilité pour
les pays du Partenariat oriental de l’Union européenne en 2011-2014,
ainsi que sur le soutien aux processus de réforme dans les pays
du sud de la Méditerranée et de l’Asie centrale.
21. Une forme de coopération plus stratégique, structurée et fiable
a été définie dans la Perspective financière 2014-2020 de l’Union
européenne, conformément notamment à la proposition que j’avais
formulée en ce sens dès 2011 et à la
Recommandation 1982 (2011) de l’Assemblée. Une «déclaration d’intention» a été
signée par les deux organisations le 1er avril
2014, mettant en place un nouveau cadre de coopération, par le biais
de programmes conjoints, dans la région de l’élargissement de l’Union
européenne (Turquie et Balkans occidentaux) ainsi que dans les pays
du Partenariat oriental de l’Union européenne (Arménie, Azerbaïdjan, Bélarus,
Géorgie, République de Moldova et Ukraine) et du sud de la Méditerranée
(initialement le Maroc et la Tunisie). Cette coopération se focalisera
sur les domaines dans lesquels le Conseil de l’Europe présente des atouts
particuliers, comme cela a également été recommandé dans un rapport
d’évaluation commandé par l’Union européenne pour la période 2000-2010
.
22. La coopération entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe
sur les PJ a progressivement gagné en ampleur et en qualité et la
gestion du cycle de projet s’est considérablement améliorée à la
suite d’une recommandation faite dans le cadre de l’évaluation précitée.
Une réunion d’évaluation («scoreboard») sur les PJ est également
organisée chaque année et des contacts de travail ont lieu dans
ce domaine
.
23. Le processus de décentralisation et la création de bureaux
extérieurs du Conseil de l’Europe, chargés de mettre en œuvre les
PJ sur la base de plans d’action convenus avec le pays concerné,
ont également contribué à l’amélioration de la gestion d’ensemble
de l’assistance portée aux programmes conjoints et de coopération.
2.3. Coopération juridique
24. Les normes du Conseil de l’Europe relatives aux droits
de l’homme sont souvent prises en considération et citées dans la
législation de l’Union européenne; dans la majorité des cas, des
consultations ont lieu aux premiers stades du travail normatif,
sous la forme notamment de contributions écrites et d’échanges de
vues. L’Union européenne est invitée dans le cadre des activités
normatives du Conseil de l’Europe.
25. Des améliorations notables ont été constatées depuis la création
du bureau de liaison du Conseil de l’Europe à Bruxelles, qui suit
de près les évolutions normatives au sein de l’Union européenne
et s’assure de la prise en compte des travaux du Conseil de l’Europe.
26. Le Traité de Lisbonne élargit le champ d’action de l’Union
européenne dans de nombreux domaines où le Conseil de l’Europe dispose
déjà d’une expérience et d’une expertise considérables. Cela a abouti
à une coopération accrue sur des questions telles que la lutte contre
la discrimination et la violence, l’égalité hommes–femmes, les droits
des enfants, les Roms, l’indépendance et l’efficacité du système
judiciaire, la lutte contre la corruption et le blanchiment de capitaux,
la cybercriminalité, la gouvernance de l’internet et la protection
des minorités.
27. J’ai discuté de ce point avec des agents de la Division du
droit et de la politique des droits de l’homme du Conseil de l’Europe,
qui coordonne les contributions relatives aux nouveaux textes législatifs
de l’Union européenne pouvant avoir un impact sur les droits fondamentaux,
lorsque le Conseil de l’Europe est consulté sur des questions telles
que le cadre de l’Union européenne en matière de protection des
données, la directive de l’Union européenne sur le droit d’accès
à un avocat ou celle sur les droits de l’homme et les entreprises. Des
références aux instruments et normes du Conseil de l’Europe apparaissent
également dans les accords de l’Union européenne avec des pays tiers.
Durant la période 2010-2014, l’Union européenne s’est largement appuyée
sur l’expertise du Conseil de l’Europe dans la mise en œuvre du
«Programme de Stockholm – Une Europe ouverte et sûre qui sert et
protège les citoyens»
.
28. Cependant, l’Union européenne ne consulte pas de manière systématique
et cohérente le Conseil de l’Europe au sujet de ses projets de législation;
ce dernier est sollicité à des stades d’avancement différents de l’élaboration
de la législation et par diverses institutions de l’Union. Le Conseil
de l’Europe a fait part de son intérêt à être consulté au sujet
des derniers développements législatifs. Malgré cette évolution
positive, les deux principaux systèmes européens de protection des
droits fondamentaux, appliqués respectivement par la Convention
européenne des droits de l’homme et le droit communautaire, demeurent
distincts et risqueraient de prendre des voies opposées. Ceci pourrait
arriver si la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) adapte
son interprétation des droits fondamentaux aux besoins spécifiques
du système de l’Union européenne, en vue de préserver l’efficacité
des mécanismes opérant dans l’espace de liberté, de sécurité et de
justice (par exemple, dans le cadre de la reconnaissance mutuelle
des décisions judiciaires d’autres Etats membres de l’Union européenne,
la présomption qu’ils respectent de façon satisfaisante les droits fondamentaux)
.
29. Le Traité de Lisbonne a créé une obligation pour l’Union européenne
d’adhérer à la Convention et lui a ouvert la possibilité de devenir
Partie à d’autres accords du Conseil de l’Europe. Dans l’intervalle,
grâce à la réforme du système de la Cour européenne des droits de
l’homme engagée par le Secrétaire Général et mise en œuvre ces dernières
années, l’ensemble du système de la Convention a gagné en efficacité.
L’adhésion de l’Union européenne à la Convention revêt une importance
primordiale pour assurer une coopération juridique approfondie,
renforcer la cohérence des normes juridiques et offrir un cadre
sans équivalent en matière de droits de l’homme, de démocratie et
d’Etat de droit en Europe, comme l’a souligné le Conseil des affaires
étrangères de l’Union européenne le 18 novembre 2013.
30. Le 18 décembre 2014, la CJUE rendra un avis sur la compatibilité
avec le droit de l’Union européenne du projet d’accord d’adhésion,
texte convenu au niveau des négociateurs en avril 2013
.
Le texte devra être ratifié par les 47 Etats Parties à la Convention
et une entité non étatique, l’Union européenne
. La présidence italienne sortante
de l’Union européenne (1er juillet-31
décembre 2014) a fortement soutenu ce processus
.
31. L’Union européenne promeut également de plus en plus d’autres
conventions du Conseil de l’Europe. Elle a signé et/ou ratifié un
certain nombre de traités (y compris dans le domaine de l’Etat de
droit, mais aucun ne relève stricto sensu du domaine des droits
de l’homme
)
et encourage ses Etats membres et non membres à les signer. L’Union
européenne a par ailleurs soutenu activement la Convention pour
la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des
données à caractère personnel (STE no 108),
la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à
l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210, «Convention
d’Istanbul»), la Convention sur la lutte contre la traite des êtres
humains (STCE no 197), la Convention
sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus
sexuels (STCE no 201), les lignes directrices
du Conseil de l’Europe sur une justice adaptée aux enfants et la
Convention sur la cybercriminalité (STE no 185).
32. L’Union européenne est associée à l’Observatoire européen
de l’audiovisuel, à la Pharmacopée européenne et au Groupe Pompidou.
Elle bénéficie d’un statut spécial au sein de la Commission européenne pour
la démocratie par le droit (Commission de Venise) et a de plus en
plus fait appel à l’expertise de celle-ci en lui demandant à plusieurs
reprises des avis juridiques ces dernières années. La coopération
est également active dans le domaine des médias, de l’éducation,
du dialogue interculturel, de la jeunesse et des sports.
33. Par ailleurs, l’Union européenne a la possibilité d’envoyer
des représentants, sans droit de vote, aux réunions d’un grand nombre
de comités intergouvernementaux du Conseil de l’Europe.
34. Des consultations régulières ont lieu au niveau du secrétariat
dans le cadre de la politique de voisinage de l’Union européenne
et en ce qui concerne les pays du Partenariat oriental.
35. Les questions relevant du domaine d’activité principal du
Conseil de l’Europe occupant une place plus centrale dans la politique
d’élargissement de l’Union européenne ainsi qu’au sein de la politique
européenne de voisinage pour les pays d’Europe de l’Est, les synergies
se sont également développées entre l’Union européenne et les organes
de suivi du Conseil de l’Europe. L’article 49 du Traité sur l’Union
européenne fait du respect de l’Etat de droit une condition préalable
pour l’adhésion à l’Union européenne. Les «dossiers élargissement»
de l’Union européenne en 2012 et 2013 étaient axés sur les questions
relatives à l’Etat de droit et en particulier les «chapitres 23»
(pouvoir judiciaire et droits fondamentaux) et «24» (justice, liberté
et sécurité) des négociations d’adhésion. Les pays qui aspirent
à rejoindre l’Union européenne doivent apporter la preuve de leur
capacité et de leur volonté d’asseoir et d’encourager, dès la phase
initiale du processus, le bon fonctionnement des principales institutions
nécessaires à la gouvernance démocratique et à l’Etat de droit, depuis
le parlement national jusqu’au gouvernement en passant par les systèmes
policier et judiciaire. Ils devront adopter la législation nécessaire
et afficher des bilans solides en matière de mise en œuvre des réformes
dans les domaines du système judiciaire, de l’administration publique
et de la lutte contre la criminalité organisée et la corruption.
La garantie de la liberté d’expression dans les médias continue également
de revêtir une importance cruciale
. L’Union
européenne s’appuie sur les données et analyses du Conseil de l’Europe
pour l’élaboration de ses rapports de situation et le Service européen
pour l’action extérieure se rend régulièrement à Strasbourg et sollicite
la contribution du Conseil de l’Europe.
36. L’Union européenne coopère activement avec la Commission européenne
pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) et le Comité des conseillers
juridiques en droit international public (CAHDI).
37. Par ailleurs, l’Union européenne s’est déclarée disposée à
établir des relations de travail plus étroites avec le Groupe d’Etats
contre la corruption (GRECO). Ce dernier a toujours affirmé que
la participation de l’Union européenne en son sein contribuerait
à une meilleure coordination des politiques de lutte contre la corruption
en Europe et renforcerait leur impact. Il est aussi d’avis que,
pour respecter le principe de l’égalité de traitement entre les
membres, la participation de l’Union européenne devrait impliquer
l’évaluation par le GRECO des institutions de l’Union européenne
. La Commission européenne a
lancé une analyse d’impact pour étudier la faisabilité et les modalités
éventuelles d’une telle adhésion. Dans les Conclusions du Conseil de
l’Union européenne sur le rapport anticorruption de l’Union européenne,
adoptées les 5 et 6 juin 2014, le Conseil «demande que l’UE adhère
pleinement et le plus rapidement possible au GRECO et que les institutions
de l’UE soient soumises à l’évaluation qui en découle, dans le cadre
du mécanisme d’évaluation du GRECO, les caractéristiques différentes
propres aux Etats et aux institutions de l’UE étant prises en compte,
et demande à la Commission d’accélérer les travaux préparatoires
à cet effet». Mes échanges de vues en interne avec les deux parties
ont révélé clairement que l’Union européenne devra respecter le
principe de reconnaissance mutuelle si elle veut devenir membre
à part entière du GRECO. Cela signifie que ses institutions seraient
soumises à évaluation au même titre que les autres membres, mais
en tenant compte de sa spécificité en tant qu’entité non étatique,
en particulier en ces temps d’inquiétudes de plus en plus vives
du public quant à des fraudes dans le versement de fonds de l’Union
européenne.
38. Des discussions sont en cours entre le représentant spécial
de l’Union européenne pour les droits de l’homme, M. Stavros Lambrinidis,
et les représentants du Conseil de l’Europe, en particulier le Commissaire aux
droits de l’homme, en vue d’assurer une complémentarité dans le
contexte du «Cadre stratégique et du plan d’action de l’Union européenne
sur les droits de l’homme et la démocratie» adoptés en 2012 et axés
sur les actions extérieures de l’Union européenne. Près de 150 stratégies
nationales en matière de droits de l’homme ont été adoptées en 2013.
En 2013, l’Union européenne a également adopté des orientations
pour protéger la liberté de religion ou de conviction et des lignes
directrices visant à promouvoir et garantir le respect de tous les
droits fondamentaux des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles,
transgenres et intersexuées (LGBTI). M. McNamara se focalisera dans
son rapport sur les relations entre le représentant spécial de l’Union européenne
pour les droits de l’homme et le Conseil de l’Europe.
3. Relations entre
l’Assemblée parlementaire et le Parlement européen et la Commission
européenne
39. La coopération entre notre Assemblée et le Parlement
européen repose sur l’Accord conclu par leurs présidents respectifs
le 28 novembre 2007, qui ajoute une dimension parlementaire au Mémorandum
d’accord.
40. Des réunions annuelles ont lieu entre le Comité des Présidents
de notre Assemblée et la Conférence des Présidents du Parlement
européen. A la dernière en date le 9 janvier 2014 à Bruxelles, le
Président Schulz et l’ancien Président Mignon ont discuté de la
nécessité d’assurer une plus grande complémentarité entre l’Union
européenne et le Conseil de l’Europe en ce qui concerne le respect
des droits de l’homme, la coopération après le sommet de Vilnius
et la montée des propos extrémistes dans les débats politiques. S’exprimant
à la partie de session de janvier de l’Assemblée le 29 janvier 2014,
M. Schulz a souligné que «le Parlement européen et l’Assemblée parlementaire
sont des partenaires naturels» et dit espérer un renforcement de
la coopération entre les deux assemblées. Il a également eu un entretien
bilatéral avec notre Présidente, Mme Anne
Brasseur.
41. Après que M. Schulz ait été réélu Président du Parlement européen,
Mme Brasseur l’a de nouveau rencontré
le 17 septembre 2014, pour discuter des questions politiques actuelles
et des moyens d’améliorer l’interaction entre l’Assemblée parlementaire
et le Parlement européen. Lors d’une réunion ultérieure tenue le 18
novembre 2014, en présence également de leurs Secrétaires généraux,
les deux Présidents ont examiné les moyens d’étendre et d’améliorer
la coordination et la coopération entre les deux organes parlementaires
et leurs groupes politiques, et notamment les possibilités d’améliorer
le format de discussions régulières entre notre Comité des Présidents
et la Conférence des Présidents du Parlement européen. Mme Brasseur
a déclaré à cette occasion: «Nous partageons pour l’essentiel les
mêmes préoccupations, qu’il s’agisse des défis posés par l’extrémisme
grandissant ou du traitement de la crise en Russie et en Ukraine.
Nous avons été en mesure de discuter du problème politique de la
Russie dans le contexte du Parlement européen et de l’Assemblée parlementaire,
mais aussi des moyens de rapprocher les chefs des groupes politiques
.»
42. J’ai l’espoir que l’intensification des contacts entre les
deux Présidents engendre une certaine réciprocité et, qu’à terme,
la Présidente de notre Assemblée soit invitée à son tour à s’exprimer
lors d’une prochaine session plénière du Parlement européen.
43. Par ailleurs, à la suite de ses contacts informels au Luxembourg
avec le nouveau Président de la Commission européenne, la Présidente
de notre Assemblée a, le 23 octobre 2014, invité M. Jean-Claude Juncker
à s’adresser à l’Assemblée. Mme Brasseur
a aussi rencontré Mme Federica Mogherini
le 16 septembre 2014 en sa qualité de ministre des Affaires étrangères
de l’Italie et de Haute Représentante désignée de l’Union européenne
pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Elles
sont convenues de se rencontrer régulièrement pour procéder à des
échanges de vues sur des questions d’intérêt commun. Une nouvelle
réunion a eu lieu le 19 novembre, réunissant Mme Brasseur,
M. Juncker et Mme Morgherini, ancienne membre
active de notre Assemblée. Le même jour, Mme Brasseur
s’est également entretenue avec M. Johannes Hahn, Commissaire européen
chargé de la politique européenne de voisinage et des négociations
d’élargissement.
44. Je crois comprendre que les rencontres et échanges informels
réguliers entre la Présidente de l’Assemblée et les nouveaux dirigeants
de l’Union européenne, afin d’aborder les enjeux politiques actuels, devraient
s’intensifier dans un proche avenir. Comme l’a déclaré Mme Brasseur
à l’issue de ses dernières réunions à Bruxelles et en référence
à l’évolution du conflit auquel l’Ukraine et la Russie sont parties,
il est particulièrement important que l’Union européenne et le Conseil
de l’Europe aient des positions coordonnées afin d’adresser des
messages clairs et de trouver les bonnes solutions.
45. Les échanges d’information réguliers entre les rapporteurs
du Parlement européen et de l’Assemblée parlementaire, les auditions
au niveau des commissions et les contacts au niveau du Secrétariat,
qui ont lieu régulièrement, sont autant de moyens concrets de coopération.
Au cours de mes discussions à Bruxelles, certains députés européens
de la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires
intérieures (LIBE) ont proposé de désigner des parlementaires de
référence au sein des commissions correspondantes de l’Assemblée
parlementaire et du Parlement européen afin de coordonner les travaux
sur les questions présentant un intérêt commun. Les missions électorales
pourraient également intensifier leur coopération par le biais de
consultations et d’un échange d’informations.
46. Dans le domaine de l’observation des élections, la Division
de la coopération interparlementaire et observation des élections
de l’Assemblée entretient des contacts de travail réguliers avec
son homologue au sein du Secrétariat du Parlement européen.
47. D’autres propositions concrètes ont été présentées au Bureau
le 2 septembre 2013 par l’ancien Président de l’Assemblée M. Mignon,
et notamment:
- établir des contacts
plus étroits entre les missions préélectorales de l’Assemblée parlementaire
et le Parlement européen, qui n’organise pas de telles missions;
- développer des contacts plus réguliers pour échanger des
informations sur les futures activités du Parlement européen et
de l’Assemblée, notamment par la participation de l’une aux sessions
de l’autre;
- tenir un événement à Bruxelles, par exemple dans le cadre
de la Journée internationale de la démocratie;
- chercher des moyens d’associer davantage les députés européens
aux activités de l’Assemblée parlementaire dans la zone d’élargissement
de l’Union européenne.
48. La Résolution du Parlement européen du 12 mars 2014 sur l’évaluation
de la justice en rapport avec le droit pénal et l’Etat de droit
(dont j’ai rencontré la rapporteure, Mme Kinga
Göncz, à Bruxelles) propose quelques mesures pour relancer la coopération,
par exemple l’organisation de réunions ad hoc entre les commissions,
la désignation de points de contact des deux côtés, des invitations
ciblées adressées aux experts du Conseil de l’Europe et de l’Union
européenne dans les deux Assemblées, une mise à jour de l’accord
de 2007 entre l’Assemblée et le Parlement européen et le renforcement
de la coopération entre le Parlement européen et la Commission de
Venise.
49. J’ai attiré l’attention sur le fait qu’un certain nombre de
difficultés d’ordre technique, notamment l’utilisation des langues
officielles et une représentation équilibrée, devront être examinées
de manière approfondie afin d’évaluer la faisabilité de ces propositions.
Cela étant, je serais favorable à une discussion au niveau de notre
Comité des Présidents et de leur Conférence des Présidents, dans
la mesure où ces organes pourraient discuter des modalités pratiques.
50. L’organisation, sur la base d’un ordre du jour précis, de
réunions et d’échanges informels entre les deux Présidents et les
chefs des groupes politiques des deux organes parlementaires, permettant
d’aborder les défis politiques actuellement posés, peut s’avérer
un moyen d’intensifier le dialogue politique à haut niveau.
51. L’article 6 du projet d’accord révisé sur l’adhésion de l’Union
européenne à la Convention européenne des droits de l’homme prévoit
la participation avec droit de vote d’une délégation du Parlement
européen aux séances de l’Assemblée parlementaire du Conseil de
l’Europe relatives à l’élection des juges. Cette question a été
examinée par un groupe de travail Parlement européen–Assemblée parlementaire
et
un rapport distinct de la commission des questions juridiques et
des droits de l’homme est en cours de préparation.
4. Initiatives récentes
de l’Union européenne dans le domaine de la justice, des affaires
intérieures et de l’Etat de droit
52. L’Union européenne élabore actuellement des politiques
pour créer un espace de liberté, de sécurité et de justice où la
démocratie, l’Etat de droit et le respect des droits de l’homme
sont défendus. Du point de vue du Conseil de l’Europe, cette évolution
ne peut être que saluée. Je partage l’avis du Commissaire aux droits de
l’homme du Conseil de l’Europe selon lequel «si les annonces de
l’Union européenne en matière de droits de l’homme sont une bonne
nouvelle dont il convient de se féliciter, ses actes doivent s’améliorer
si elle veut laisser une empreinte positive pour l’avenir de l’Europe»
.
53. Le Traité de Lisbonne renforce l’importance des droits de
l’homme dans les politiques de l’Union européenne, tant au sein
de l’Union qu’en dehors, notamment en rendant la Charte des droits
fondamentaux de l’Union européenne juridiquement contraignante.
Comme le montre le quatrième rapport de la Commission européenne
d’avril 2014 sur la mise en œuvre de la Charte des droits fondamentaux,
la Cour de justice de l’Union européenne applique de plus en plus
la Charte dans ses arrêts tandis que les juges nationaux sont de plus
en plus conscients de sa portée et sollicitent l’éclairage de la
Cour de justice sur ce texte. Depuis 2010, la Commission européenne
s’est dotée d’une «liste de contrôle des droits fondamentaux» avec
laquelle elle passe au crible chaque proposition législative pour
s’assurer qu’elle satisfait aux exigences en la matière
.
54. Le Traité de Lisbonne crée également les conditions d’une
sphère de coopération plus responsable au plan démocratique, juridique
et judiciaire dans de nombreux secteurs comme l’espace de liberté,
de sécurité et de justice de l’Union européenne, avec une Commission
européenne plus forte, un Parlement européen en position de co-législateur
et une Cour de justice dotée de compétences plus vastes.
55. Je tiens à saluer les évolutions apportées par le programme
de Stockholm dans le domaine de la liberté, de la sécurité et de
la justice durant la période 2009-2014. Cependant, les informations
qui paraissent dans la presse et les documents directifs d’un certain
nombre d’organisations nationales et internationales ainsi que d’organisations
non gouvernementales (ONG) font apparaître que l’Union européenne
demeure un espace où certains groupes, comme les Roms, subissent
une discrimination endémique, où la violence à l’égard des femmes
reste très répandue, où l’intolérance envers les personnes LGBTI
persiste, où les droits des migrants, des réfugiés et des demandeurs
d’asile ne sont pas protégés et où l’on assiste à une montée de
la radicalisation et du discours de haine
.
La corruption continue de poser problème et coûte chaque année près de
120 milliards d’euros à l’économie européenne. Dans tous ces domaines
et bien d’autres, le Conseil de l’Europe a mené un travail considérable
ces 60 dernières années et élaboré tout un ensemble de normes et d’instruments
juridiques qui pourraient servir les intérêts de l’Union européenne.
Toutefois, nous devrions également nous demander pourquoi nous n’avons
pas obtenu de meilleurs résultats et comment nous pourrions améliorer
la situation des droits de l’homme en Europe, en exploitant notamment
davantage les synergies entre les deux organisations.
56. Le 11 mars 2014, la Commission européenne a présenté un ensemble
de communications sur l’avenir de la justice et des affaires intérieures
et l’initiative pour l’Etat de droit qui ont servi de contribution
pour le Conseil européen de juin 2014, lequel a adopté plus tard
en juin des orientations stratégiques en matière de liberté, de
sécurité et de justice. Ce document contient trois domaines principaux
dans lesquels le Conseil de l’Europe a acquis expérience et savoir-faire.
4.1. Renforcement de
l’Etat de droit
57. Le «nouveau cadre de l’UE pour renforcer l’Etat de
droit» est un mécanisme visant à contrer les menaces systémiques
qui pèsent sur l’Etat de droit dans les Etats membres de l’Union
européenne
. Il viendra compléter
la procédure d’infraction, lorsque le droit de l’Union européenne
n’est pas respecté, et la procédure dite «de l’article 7» du Traité
de Lisbonne qui prévoit la suspension des droits de vote en cas
de «violation grave et persistante» des valeurs de l’Union européenne
par un Etat membre
.
58. Le nouveau «cadre» établit un outil d’alerte précoce qui permet
à la Commission européenne d’entamer le dialogue avec l’Etat membre
concerné afin d’éviter une escalade des menaces systémiques pesant
sur l’Etat de droit. L’ex-Commissaire en charge de la Justice, de
la citoyenneté et des droits fondamentaux, Mme Reding, tout
en faisant observer que l’Union européenne s’appuiera sur l’expertise
externe du Conseil de l’Europe, a insisté sur le fait que l’article
7 était une procédure spécifique à l’Union et qu’il incombait exclusivement
à cette dernière de protéger l’Etat de droit dans l’Union en défendant
les valeurs énoncées à l’article 2 du Traité.
59. La communication de la Commission européenne souligne «qu’avec
la démocratie et les droits de l’homme, l’Etat de droit forme l’un
des trois piliers du Conseil de l’Europe et il est consacré (…)
dans le préambule de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales» et que, «d’un point
de vue plus large à l’échelle européenne, ce cadre doit contribuer
à la réalisation des objectifs du Conseil de l’Europe», notamment
grâce à l’expertise de la Commission de Venise. L’évaluation de la
situation de l’Etat de droit peut être basée sur «des indications
provenant des sources disponibles et d’institutions reconnues, dont
notamment les instances du Conseil de l’Europe et l’Agence des droits fondamentaux»
et la Commission européenne «en règle générale et lorsque cela est
approprié, demandera l’avis du Conseil de l’Europe et/ou de sa Commission
de Venise et effectuera son analyse en coordination avec ces instances
dans tous les cas où la question est également en cours d’examen
et d’analyse auprès d’elles».
60. Je me félicite de cette reconnaissance explicite du rôle joué
par le Conseil de l’Europe, qui depuis plus de soixante ans fournit
des références, des indicateurs et une assistance concrète sur les
questions relatives à l’Etat de droit, pilier étroitement lié à
la démocratie et au respect des droits de l’homme. La promotion
de l’Etat de droit et de la démocratie est également l’un des objectifs
statutaires de la Commission de Venise, institution forte de 24
années d’expérience qui a apporté son assistance à de nombreux pays.
En règle générale, les problèmes systémiques liés à l’Etat de droit
en Europe sont mis en évidence dans les arrêts de la Cour européenne
des droits de l’homme et les rapports analytiques par pays établis
par le Conseil de l’Europe – en particulier ceux de ses organes
de suivi compétents – sur la base de procédures bien établies (souvent fondées
sur des traités) dans lesquelles l’Etat a la possibilité de s’exprimer.
La mesure dans laquelle les arrêts de la Cour sont exécutés devrait
également être mise en avant, car elle donne un aperçu plus actuel
de la situation que les arrêts proprement dits. Comme l’a souligné
M. Gianni Buquicchio, président de la Commission de Venise, aux
Assises de la Justice qui ont eu lieu le 21 novembre 2013 à Bruxelles,
«le Conseil de l’Europe représente à bien des égards la source idéale
d’information sur la situation de l’Etat de droit en Europe, étant
en mesure de détecter, de manière précise et à temps, les défaillances
dans la mise en œuvre de ce principe».
61. La Commission de Venise prépare aussi actuellement une liste
de contrôle pour l’évaluation de la situation de l’Etat de droit
dans les différents Etats, qui sera disponible d’ici 2015. Cette
liste servira d’instrument de détection et d’analyse des problèmes
systématiques liés à l’Etat de droit en Europe et pourra être utilisée
par tout observateur compétent, y compris l’Union européenne. Dans
le cas d’une violation «délibérée» de l’Etat de droit, découlant
d’une réforme constitutionnelle ou juridique inattendue, la Commission de
Venise peut également fournir des avis ponctuels et la Commission
européenne recourir à ses propres moyens de pression ou activer
tout mécanisme de sanction complémentaire.
62. En plus de la coordination avec la Commission de Venise, l’Union
européenne doit assurer une complémentarité avec les organes de
suivi compétents du Conseil de l’Europe.
4.2. Une Europe ouverte
et sûre
63. La Communication de la Commission européenne «Faire
de l’Europe ouverte et sûre une réalité» prend comme point de départ
les résultats du programme de Stockholm dans le domaine des migrations
et de l’asile ainsi que dans la réponse aux problèmes de sécurité
(par exemple criminalité organisée, traite, abus sexuels commis
contre des enfants, cybercriminalité, corruption et radicalisation).
L’ex-Commissaire aux affaires intérieures de l’Union européenne,
Mme Malmström, a insisté sur la nécessité
de mettre en œuvre la législation adoptée et de consolider le cadre
existant compte tenu des nouvelles menaces auxquelles seront confrontés l’Union
européenne et ses Etats membres, et notamment le nationalisme et
la xénophobie.
64. Les secteurs prioritaires englobent la question des migrations,
de l’asile et de la liberté de circulation, les réseaux criminels
internationaux, le terrorisme, en particulier la radicalisation
et le recrutement, la cybercriminalité, la gestion des frontières,
la résilience face aux crises et la sécurité dans un contexte global. En
ce qui concerne la cybercriminalité, la Commission européenne reconnaît
que «la Convention de Budapest du Conseil de l’Europe sur la cybercriminalité
continuera à jouer un rôle important pour la coopération internationale
dans ce domaine et les Etats membres qui n’ont pas encore ratifié
cette convention devraient le faire».
65. Il est essentiel que toute nouvelle initiative tienne compte
des normes et recommandations déjà établies par le Conseil de l’Europe
et que la concertation entre les deux organisations s’intensifie
dans ces domaines fondamentaux au cours des cinq prochaines années.
4.3. Justice
66. «L’agenda de l’UE en matière de justice pour 2020
– améliorer la confiance, la mobilité et la croissance au sein de
l’Union» vise à accroître la confiance mutuelle et la reconnaissance
mutuelle des décisions de justice au sein de l’Union européenne,
à lever les obstacles pour faciliter la circulation des citoyens
et des entreprises et à promouvoir des réformes structurelles des
systèmes judiciaires pour rendre une justice rapide et digne de
confiance.
67. La Commission européenne y évoque également l’adhésion de
l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme
et la nécessité de «surmonter les derniers obstacles» afin d’agir rapidement,
lorsque la Cour de justice aura rendu son avis, pour conclure les
négociations et mener à bien le processus de ratification dans tous
les Etats membres de l’Union européenne.
68. En outre, dans son rapport anti-corruption de février 2014,
la Commission européenne a montré que la corruption méritait une
plus grande attention dans l’ensemble des Etats membres de l’Union
européenne. Ce rapport s’inspire en les étayant des recommandations
précédemment formulées dans le cadre d’autres mécanismes de suivi
de la corruption, notamment le GRECO et l’Organisation de coopération
et de développement économiques (OCDE), dont certaines n’ont pas
encore été suivies par les Etats membres, et encourage activement
leur mise en œuvre. Il souligne l’importance de la synergie avec
le GRECO, qui couvre tous les Etats membres de l’Union européenne
et d’autres pays concernés par un élargissement futur, ainsi que
le Partenariat oriental. Il ajoute que la Commission européenne
prend actuellement des mesures qui permettront la pleine adhésion
de l’Union européenne au GRECO à l’avenir, ce qui favorisera également
une coopération plus étroite dans la perspective des éditions ultérieures
du rapport anti-corruption de l’Union européenne.
69. Le 17 mars 2014, la Commission européenne a publié la deuxième
édition du Tableau de bord de la justice dans l’Union européenne,
qui a pour objectif de promouvoir la qualité, l’indépendance et
l’efficacité des systèmes judiciaires dans l’Union européenne. La
plupart des données quantitatives sur les systèmes judiciaires dans
les Etats membres ont été fournies par la CEPEJ du Conseil de l’Europe,
qui les recueille auprès des Etats membres.
4.4. L’avenir des politiques
relatives à la liberté, à la sécurité et à la justice dans l’Union européenne
70. Dans ses Conclusions des 26-27 juin 2014, le Conseil
européen a adopté les nouvelles «orientations stratégiques pour
la planification législative et opérationnelle au sein de l’espace
de liberté, de sécurité et de justice de l’UE» pour la période 2015-2020.
Ces orientations soulignent la nécessité impérative de mettre en place
un espace de liberté, de sécurité et de justice garantissant le
plein respect des droits fondamentaux, afin d’améliorer l’articulation
entre les politiques intérieure et extérieure de l’Union européenne
et de garantir la cohérence des politiques internes dans des domaines
tels que:
- la protection des
données;
- les politiques en matière de migration, d’asile et de
frontières;
- la prévention et la lutte contre la grande criminalité
organisée, y compris la traite des êtres humains et le trafic de
migrants, ainsi que contre la corruption;
- la lutte contre le terrorisme;
- la poursuite des travaux relatifs à la mise en place d’une
approche globale pour la cybersécurité et la lutte contre la cybercriminalité;
- la prévention de la radicalisation et de l’extrémisme;
- le bon fonctionnement d’un véritable espace européen de
la justice.
71. Il est regrettable que l’adhésion de l’Union européenne à
la Convention européenne des droits de l’homme ne figure pas parmi
les priorités de ces orientations; néanmoins, je salue l’engagement
du Trio présidentiel de l’Union européenne composé de l’Italie,
de la Lettonie et du Luxembourg, de mener à bien ce processus dans
les meilleurs délais dans le cadre de leur programme de 18 mois
(1er juillet 2014–31 décembre 2015).
Lorsque la Cour de justice de l’Union européenne aura rendu son
avis, le Conseil européen pourra engager des négociations transparentes
sur les règles internes de l’Union européenne nécessaires pour l’adhésion
de l’Union européenne à la Convention, en vue de renforcer de manière
effective le système de protection des droits de l’homme de l’Europe.
72. Il est intéressant de constater que les «orientations» insistent
sur le fait que la crédibilité de l’Union européenne dépend de sa
capacité à donner une suite appropriée aux décisions et engagements,
ce qui nécessite des institutions fortes et crédibles, mais aussi
qu’elle pourra tirer avantage d’une participation plus active des
parlements nationaux. J’ai la conviction que notre Assemblée peut
soutenir les objectifs de l’Union européenne, que ce soit dans le
cadre de nos travaux à Strasbourg ou au sein de nos propres parlements.
73. Au cours de ma visite à Bruxelles les 20 et 21 mars 2014,
j’ai examiné ces questions en profondeur avec mes différents interlocuteurs
au sein de la Commission européenne et du Parlement européen. Tous semblaient
reconnaître à sa juste valeur le savoir-faire que peut apporter
le Conseil de l’Europe dans un certain nombre de domaines, et notamment
la justice, la sécurité et l’Etat de droit. Il reste à voir comment
le Conseil de l’Europe et ses organes spécialisés seront concrètement
associés au processus de mise en œuvre.
74. Le 13 octobre 2014, au cours d’une conférence organisée à
Rome dans le cadre du semestre de la présidence italienne du Conseil
de l’Union européenne, la Commissaire par intérim de l’Union européenne chargée
de la justice, Martine Reicherts, a adressé un signal positif, soulignant
que «[l]orsqu’il s’agit de la protection de nos valeurs communes,
les institutions européennes doivent être capables de parler d’une
seule voix». Elle a également reconnu la complémentarité entre l’Union
européenne et le Conseil de l’Europe, «qui joue un rôle essentiel
dans la promotion de la démocratie, des droits de l’homme et de
l’Etat de droit». Evoquant le nouveau cadre de l’Union européenne
pour renforcer l’Etat de droit, elle a ajouté que «les deux institutions
se soutiendront mutuellement dans leurs efforts pour promouvoir
l’Etat de droit en Europe»
.
5. Conclusions
75. L’Assemblée s’est félicitée que l’entrée en vigueur
du Traité de Lisbonne en 2009 ait eu pour effet de placer les droits
de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit au cœur des politiques
de l’Union européenne
. Ce
développement a ouvert de nouvelles perspectives de renforcement
du partenariat entre les deux organisations, sur la base de l’acquis
et des atouts propres à chacune. Nous avons en effet constaté le
rôle accru de l’Union européenne dans les domaines d’activité traditionnels
du Conseil de l’Europe comme la justice, la liberté et la sécurité,
et l’Etat de droit, l’Union européenne ayant acquis la personnalité
juridique et une voix nouvelle au sein des organisations régionales
et internationales, y compris les Nations Unies et le Conseil de
l’Europe.
76. Comme l’a souligné le Conseil des Affaires étrangères de l’Union
européenne, la coopération revêt des aspects multiples et est fondée
sur la complémentarité, la cohérence et la valeur ajoutée
. Le Comité des Ministres
du Conseil de l’Europe a également noté que l’intensification du
partenariat «fait partie de la réforme de l’Organisation qui permettra
au Conseil de l’Europe de jouer pleinement son rôle en Europe, notamment
en tant que référence en matière de droits de l’homme, de primauté
du droit et de démocratie, conformément au Mémorandum d’accord conclu
entre les deux organisations en 2007»
.
77. Cependant, comme l’a aussi fait remarquer la Secrétaire Générale
adjointe du Conseil de l’Europe lors de la réunion de la commission
en septembre 2014, le Mémorandum d’accord est un contrat assorti
d’une obligation de résultats de part et d’autre. Mon évaluation
de sa mise en œuvre au cours des sept dernières années montre que
la coopération entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne
est bel et bien devenue plus structurée, stratégique et politique
qu’elle ne l’était, et que le rôle du Conseil de l’Europe est de
plus en plus reconnu par toutes les institutions de l’Union européenne.
78. Les contacts tant au niveau politique que technique/opérationnel
n’ont cessé de se multiplier. Il faudrait toutefois poursuivre et
intensifier les échanges réguliers – au minimum une fois par présidence
de l’Union européenne – et institutionnalisés entre les responsables
du Conseil et de la Commission de l’Union européenne et du Conseil
de l’Europe, notamment en ce qui concerne les évolutions normatives
dans le domaine des droits de l’homme, de la justice, de l’Etat
de droit et des affaires intérieures.
79. Un nombre croissant de documents de l’Union européenne font
expressément référence aux travaux et aux instruments du Conseil
de l’Europe. La représentation mutuelle à Bruxelles et à Strasbourg
facilite grandement la coordination, améliore les relations, la
communication d’informations et les présentations et renforce leur
impact.
80. Un accord programmatique global sur le financement des programmes
conjoints entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe montre
un niveau de confiance élevé entre les deux organisations, ce qui
permet d’accroître la coordination, l’impact et la durabilité des
programmes de coopération.
81. Des évolutions positives peuvent également être constatées
sur le plan de la coopération juridique. Toutefois, il s’agit à
mon sens d’un domaine dans lequel l’Union européenne devrait faire
davantage d’efforts pour prendre en considération les normes en
matière de droits de l’homme, de démocratie et d’Etat de droit élaborées
par le Conseil de l’Europe dans le cadre des travaux de ses organes
de suivi et comités d’experts. Les discussions actuelles concernant
la réforme des systèmes de suivi du Conseil de l’Europe peuvent conduire
à une meilleure cohérence et synergie avec l’action de l’Union européenne.
82. On ne peut que se féliciter d’un renforcement de l’action
de l’Union européenne dans le domaine de la justice, des affaires
intérieures et de l’Etat de droit si cela se traduit par une protection
accrue de la démocratie, de l’Etat de droit et des droits de l’homme
dans ses 28 Etats membres. L’importante contribution du Conseil de
l’Europe à la promotion des droits de l’homme dans les pays de l’Union
européenne doit faire pendant à une action plus poussée de l’Union
européenne, qui pourrait par exemple prévoir des sanctions pour
faire en sorte que le respect des droits de l’homme soit le fondement
de toutes ses politiques. Cela ne peut se faire sans l’engagement
des deux organisations, qui doivent plus que jamais travailler ensemble
et exploiter leurs atouts, expérience, ressources et capacités respectives.
Telle était finalement la raison d’être du Mémorandum d’accord.
83. Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe doit pour sa
part veiller à ce que l’Organisation reste une référence en matière
de normes relatives aux droits de l’homme et à l’Etat de droit en
Europe en continuant de renforcer ses organes de suivi et d’experts.
84. De nombreuses organisations de droits de l’homme, parmi lesquelles
Amnesty International, des groupes de réflexion ainsi qu’un certain
nombre de députés européens que j’ai rencontrés, demandaient un engagement
plus fort en faveur d’une véritable stratégie interne en matière
de droits de l’homme pour l’Union européenne
.
L’existence de normes divergentes (par exemple, en ce qui concerne
la discrimination à l’égard des LGBTI) ou l’absence de protection
des droits de l’homme dans la législation de l’Union européenne
sont à l’origine d’une insuffisance de la protection des droits
fondamentaux au sein de l’Union européenne; de plus, les normes
de l’Union européenne restent quelquefois inférieures à celles du
Conseil de l’Europe. J’estime qu’afin d’éviter l’application de
normes différentes à des situations comparables et l’incitation
à rechercher la juridiction la plus favorable, l’Union européenne
devrait se baser sur les normes les plus élevées qui existent, ce
qui se ferait automatiquement si elle devenait Partie aux conventions
du Conseil de l’Europe et des Nations Unies. Néanmoins, l’Union
européenne devrait être encouragée à aller au-delà des normes du
Conseil de l’Europe ou des Nations Unies dès lors que cela va dans
le sens d’un renforcement de la protection des droits de l’homme.
85. Si de nouveaux mécanismes de droits de l’homme doivent être
créés pour mettre en œuvre une stratégie interne de droits de l’homme
au sein de l’Union européenne, ces derniers devraient faire suite
aux procédures et recommandations de suivi existantes du Conseil
de l’Europe et des Nations Unies et veiller à leur application dans
les Etats membres de l’Union européenne. Pour y parvenir, les deux
organisations pourraient utiliser la voie du dialogue régulier et
structuré, qui permettrait d’établir un partenariat véritablement synergique:
- par le biais de consultations,
pour veiller à ce que les propositions de politiques et de législation
de l’Union européenne respectent les normes des droits de l’homme;
- en donnant suite aux travaux de suivi et aux recommandations
adressées aux Etats membres par le Conseil de l’Europe, et en facilitant
l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme.
86. Le mandat de cinq ans de la nouvelle Commission européenne
a débuté le 1er novembre 2014 et Frans Timmermans,
premier Vice-Président, pilotera et coordonnera les actions de la
Commission dans ses domaines de compétence que sont l’amélioration
de la réglementation, les relations interinstitutionnelles, l’Etat de
droit et la Charte des droits fondamentaux. Dans sa lettre de mission
du10 septembre 2014, le Président de la Commission européenne, Jean-Claude
Juncker, a précisé que les principales priorités du Vice-Président Timmermans
seraient notamment:
- de finaliser
l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des
droits de l’homme;
- de coordonner les différentes dimensions de l’Etat de
droit dans le cadre de l’action de la Commission;
- de resserrer les liens entre les parlements nationaux;
- de veiller à ce que l’ensemble des propositions de la
Commission européenne soit compatible avec la Charte des droits
fondamentaux.
87. Le 8 octobre 2014, lors d’une audition au Parlement européen,
M. Timmermans a souligné son engagement en faveur de l’adhésion
rapide de l’Union européenne à la Convention européenne des droits
de l’homme. Il a par ailleurs ajouté que l’Union envisagera également
d’adhérer à la Charte sociale européenne (révisée) et a réaffirmé
son attachement au respect de la primauté du droit par les Etats
membres de l’Union européenne ainsi que son intention d’organiser
un colloque annuel sur la situation des droits de l’homme en Europe,
en coopération avec le Conseil de l’Europe, la Commission de Venise,
le Commissaire aux droits de l’homme, l’Agence des droits fondamentaux
de l’Union européenne et des ONG. Dans une déclaration commune le
12 novembre 2014, le Secrétaire Général Jagland et le Vice-Président
Timmermans ont déclaré que la coopération entre les deux organisations
«est vigoureuse et a produit d’excellents résultats» et qu’elle devrait
être encore intensifiée «dans un esprit de complémentarité et de
soutien mutuels». Ils ont également réaffirmé leur conviction que
l’Union européenne devrait adhérer rapidement à la Convention européenne
des droits de l’homme et fait part de leur espoir que l’accord d’adhésion
négocié en avril 2013 puisse bientôt entrer en vigueur.
88. La Commission européenne devra veiller à ce que les obligations
de l’Union européenne et de ses Etats membres en matière de droits
de l’homme soient respectées et à inscrire les droits de l’homme
en tant que partie intégrante de son programme de travail pour les
cinq prochaines années. Elle devra également mettre en application
le nouveau cadre de l’Union européenne pour renforcer l’Etat de
droit en s’appuyant sur les instruments et le savoir-faire du Conseil
de l’Europe et en les complétant, en donnant suite au travail de
suivi et en facilitant l’exécution des décisions de la Cour européenne
des droits de l’homme. Seule une coopération sincère, continue et
étendue entre les deux organisations peut contribuer à la création
d’une Union européenne véritablement sûre et juste, où les droits
de l’homme et l’Etat de droit sont pleinement respectés, protégés
et promus.
89. Je tiens à rappeler qu’à terme, seule l’adhésion de l’Union
européenne à la Convention et au Conseil de l’Europe permettra une
coopération juridique plus approfondie, renforcera la cohérence
des politiques et fournira un cadre unique pour les droits de l’homme,
la démocratie et l’Etat de droit sur tout le continent. Elle apportera
aux citoyens une protection face à l’action de l’Union européenne,
semblable à celle dont ils jouissent déjà face à l’action de tous
les Etats membres de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe.
Dès que la CJUE aura rendu son avis sur le projet d’accord d’adhésion,
les 47 Etats membres et l’Union européenne d’une part et le Conseil
de l’Europe d’autre part devront agir rapidement pour conclure les négociations
et mener à bien le processus de ratification. Les Etats membres
de l’Union européenne devraient également être invités à sensibiliser
les citoyens à la protection renforcée de leurs droits à la suite
de l’adhésion de l’Union européenne.
90. En ce qui concerne les autres conventions du Conseil de l’Europe,
l’Union européenne s’est déclarée prête à examiner avec le Conseil
de l’Europe la possibilité d’adhérer à certaines d’entre elles,
et a convenu que cela devrait être fait en temps opportun afin d’éviter
toute interférence avec les négociations en cours sur l’adhésion
de l’Union européenne à la Convention. Comme déjà souligné dans
la
Résolution 1836 (2011), l’Union européenne devrait poursuivre la construction
d’un espace commun de protection des droits de l’homme au niveau
paneuropéen et garantir la cohérence des normes en adhérant aux
conventions clés du Conseil de l’Europe qui s’attaquent aux grands
problèmes de la société européenne d’aujourd’hui
.
91. L’Union européenne devrait également devenir le plus rapidement
possible membre à part entière du GRECO et respecter le principe
de l’égalité de traitement entre les membres du GRECO, qui implique l’évaluation,
par les mécanismes du GRECO, des institutions de l’Union européenne,
en tenant compte de sa spécificité en tant qu’entité non étatique.
Elle devrait également poursuivre les discussions sur les modalités de
sa participation aux mécanismes et organes de suivi du Conseil de
l’Europe qui ne reposent pas sur une convention, tels que la Commission
européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), la Commission européenne
pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) ou la Commission européenne
pour la démocratie par le droit (Commission de Venise). Enfin, l’Union
européenne devrait utiliser pleinement les rapports des organes et
mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe, tels que ceux du Comité
européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements
inhumains ou dégradants (CPT) et le Groupe d’experts sur la lutte
contre la traite des êtres humains (GRETA), et coopérer avec le
Conseil de l’Europe dans les domaines pertinents.
92. Il reste essentiel de continuer de promouvoir, parmi les Etats
membres de l’Union européenne ainsi que dans le cadre des politiques
d’élargissement et de voisinage de l’Union, selon le cas, l’adhésion
aux conventions clés et aux mécanismes et organes de suivi du Conseil
de l’Europe.
93. Par ailleurs, je tiens à réitérer un point que j’avais abordé
dans mon précédent rapport sur l’impact du Traité de Lisbonne sur
le Conseil de l’Europe, faisant référence à une proposition formulée
en 2006 par le Premier ministre du Grand-Duché du Luxembourg, M. Jean-Claude
Juncker, aujourd’hui Président de la Commission européenne, dans
le rapport sur les relations entre le Conseil de l’Europe et l’Union
européenne qu’il avait préparé à la demande des chefs d’Etat et
de gouvernement du Conseil de l’Europe réunis au Sommet du Conseil
de l’Europe de Varsovie. Dans la conclusion de son rapport, il y
a huit ans, M. Juncker écrivait: «Il résulte de la relation de complémentarité
entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne (…) et du renforcement
de la coopération entre les deux ensembles, qui s’impose dans l’intérêt
de la sécurité démocratique des citoyens du continent, qu’un pas
supplémentaire doit être envisagé dans cette relation dès que l’Union
européenne aura été dotée d’une personnalité juridique: l’adhésion
de l’Union européenne au Conseil de l’Europe d’ici à 2010. (…) Elle
pourra ainsi parler directement en son nom dans toutes les instances du
Conseil de l’Europe, et ce sur toutes les questions qui touchent
aux intérêts de l’Union européenne et qui sont de sa compétence.
Le tout dans le cadre d’une dynamique paneuropéenne, que l’Union
européenne contribuera à faire avancer dans l’intérêt général du
continent»
.
94. Le fait que M. Juncker ait accepté l’invitation à s’adresser
à notre Assemblée est selon moi positif et j’espère que cet échange
avec les parlementaires des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe
nous permettra d’intensifier encore la coopération avec l’Union
européenne sur des questions liées à la démocratie et aux droits
de l’homme en ces temps particulièrement difficiles.
95. Enfin, il est temps d’examiner les moyens d’étendre et d’améliorer
la coordination et la coopération entre notre Assemblée et le Parlement
européen et leurs groupes politiques, comme l’ont évoqué les Présidents Brasseur
et Schulz lors de leur dernière réunion en novembre 2014, et d’étudier
éventuellement l’opportunité de mettre à jour l’accord de 2007 entre
l’Assemblée parlementaire et le Parlement européen relatif au renforcement
de leur coopération afin de tenir compte des évolutions les plus
récentes depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne.