1. Les faits
1. Le 7 janvier 2015, deux jeunes Français sont entrés
dans les locaux de l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo et
ont tué 12 personnes, criant «Allah Akbar» et disant avoir vengé
le Prophète Mahomet. Au nombre des victimes figuraient des journalistes,
des analystes, des caricaturistes et des membres du personnel ainsi que
deux policiers en faction. Les tueurs, qui étaient parvenus à s’échapper,
ont été tués par la police deux jours plus tard. Ils déclaraient
avoir agi au nom de «Al Qaeda au Yémen».
2. Le 8 janvier, un autre Français tuait, de sang-froid, d’un
coup de feu une policière à Paris et, le 9 janvier, prenait plus
de 20 otages dans un supermarché casher, tuant immédiatement quatre
d’entre eux; le preneur d’otage a été tué par la police et les autres
otages libérés. Les quatre personnes tuées étaient juives. Le tueur avait
prétendu agir en coordination avec les deux autres meurtriers et
se réclamait de l’organisation terroriste connue sous le nom d’
«Etat islamique».
3. La police française a établi que les trois meurtriers avaient
eu des contacts entre eux et avec des djihadistes connus, en prison
mais aussi ailleurs, et qu’au moins l’un d’entre eux s’était rendu
au Yémen, où il avait suivi un entraînement militaire. «Al Qaeda
au Yémen» a revendiqué les attaques une semaine après.
4. La Présidente de l’Assemblée parlementaire, le Secrétaire
Général du Conseil de l’Europe et le Président en exercice du Comité
des Ministres se sont joints aux dirigeants du monde entier pour
condamner les attaques. De nombreux chefs religieux musulmans ont
également condamné les attaques.
5. Le 11 janvier, la manifestation à Paris en soutien à la liberté
d’expression et aux valeurs de la démocratie, en solidarité aux
victimes des attaques et pour rejeter la violence a été un raz-de-marée.
De nombreux chefs d’Etats et de gouvernement européens – et certains
non européens – étaient présents à Paris en signe de solidarité
et de soutien.
6. Le 14 janvier, une semaine après l’attaque, Charlie Hebdo a sorti un autre numéro
avec, en couverture, un dessin censé représenter Mahomet, ce qui
a déclenché des manifestations dans certaines parties du monde musulman,
notamment au Pakistan, au Niger et dans la République tchétchène
de la Fédération de Russie.
7. Le 14 janvier, le Gouvernement allemand a adopté plusieurs
mesures contre le terrorisme, visant pour l’essentiel à empêcher
de jeunes Européens de se rendre en Syrie et en Irak pour y combattre.
8. Le 15 janvier, la police belge a démantelé un réseau terroriste
qui planifiait des attentats contre la police. Deux djihadistes
récemment revenus de Syrie ont été tués dans la confrontation avec
les forces de l’ordre.
9. Le fait que les trois terroristes de Paris aient clamé qu’ils
agissaient “au nom de l’Islam”, insultant par là-même la religion
qu’ils prétendaient défendre, a incité bon nombre de chefs religieux
musulmans, de représentants d’associations islamiques mais aussi
un grand nombre de citoyens de confession musulmane à mettre en
garde contre le risque de stigmatisation.
10. Les autorités françaises ont rapidement réagi, réaffirmant
avec fermeté, au plus niveau, leur volonté de défendre les citoyens
de confession musulmane et leurs lieux de culte, et de lutter contre
les phénomènes d’islamophobie, qui sont actuellement en augmentation.
11. Dans le même temps, le fait que les trois djihadistes aient
été des français, qui sont nés et ont grandi dans un milieu défavorisé,
et que bon nombre de gens se disant musulmans, en particulier parmi
les jeunes, aient pris le parti des terroristes dans les réseaux
sociaux, a déclenché un double débat: d’une part sur la nécessité
d’apporter d’urgence une réponse commune, internationale mais aussi
spécifiquement européenne, à la menace djihadiste, et d’autre part
sur la nécessité de combattre l’exclusion sociale, la discrimination,
la violence et la ségrégation, qui font le lit du terrorisme et
du fanatisme religieux.
12. De nombreux intellectuels, pour la plupart de confession musulmane,
ont également réagi, proposant une réflexion sur la nécessité de
revoir les textes traditionnels de la foi islamique et de les confronter
aux défis du monde d’aujourd’hui, ce qui permettrait d’offrir une
alternative libérale crédible au djihadisme et à d’autres interprétations
violentes des textes sacrés.
13. Alors que l’essence même des valeurs de la démocratie et de
la liberté sont attaquées en Europe, les Européens doivent trouver
ensemble la réponse démocratique appropriée, dans le plein respect
des valeurs qu’ils souhaitent défendre. Les événements de Paris
posent plusieurs questions, notamment la liberté d’expression et
son lien avec la liberté de religion, la lutte contre le terrorisme
en Europe et la nécessité de prévenir la radicalisation et de lutter
contre les causes du djihadisme.
2. Protection de la
liberté d’expression et son lien avec la liberté de religion
14. Le débat critique, la liberté artistique et l’humour
sont nécessaires dans une société libre. Seuls les systèmes totalitaires
les craignent. Une société qui est incapable de se moquer d’elle-même
est une société malade. Ceux qui prétendent que les caricaturistes
de Charlie Hebdo ont bien
cherché ce qui leur est arrivé justifient l’injustifiable.
15. Au lendemain des attaques dans les locaux de Charlie Hebdo, certains journaux
et chaînes de télévision ont décidé de ne pas publier de caricatures
par crainte des représailles, si elles étaient perçues comme offensantes
par des musulmans. Mais n’est-il pas cependant plus offensant de
publier les noms et photographies de prétendus représentants d’organisations
terroristes et parfois même de les laisser justifier le terrorisme
à la télévision? Il serait souhaitable que les journaux et chaînes
de télévision établissent un code de conduite quant à une couverture
responsable des événements terroristes, conciliant la nécessaire
liberté d’information avec les nécessités de l’action policière
16. En Turquie, tant le Premier Ministre, à peine de retour de
la réunion des chefs politiques européens du 11 janvier à Paris
en soutien à la manifestation, qu’un Vice-Premier Ministre ont fait
des déclarations publiques contre la liberté de la presse. Par la
suite, le quotidien turc Cumhurriyet a
fait l’objet d’une enquête policière et des sites internet ont été
bloqués sur décision des procureurs, au prétexte qu’ils pouvaient
héberger des contenus offensants. Parmi les nombreuses voix qui
se sont élevées, Amnesty International et le Président de la Fédération
européenne des journalistes ont critiqué la position du Gouvernement
turc. L’Assemblée devrait se joindre à eux.
17. Au vu des événements de Paris et des réactions qui ont suivi,
il est bon de rappeler brièvement le cadre juridique pertinent en
matière de liberté d’expression telle que garantie par la Convention
européenne des droits de l’homme (STE no 5,
«la Convention»).
18. Conformément à une jurisprudence bien établie de la Cour européenne
des droits de l’homme

, l’utilisation de la satire,
y compris irrévérencieuse, et les informations ou idées qui «heurtent,
choquent ou inquiètent», y compris les critiques de la religion,
sont protégées dans le cadre de la liberté d’expression consacrée
par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.
«Ce sont là les conditions de ce pluralisme, de cette tolérance
et de cette ouverture d’esprit sans lesquels il ne saurait y avoir
de société démocratique.»
19. Toutefois, liberté rime avec responsabilité, et il incombe
aux institutions démocratiques, y compris les tribunaux, de trouver
le juste équilibre entre la liberté d’expression et ses limitations
autorisées, conformément également au deuxième paragraphe de l’Article
10 de la Convention, comme par exemple le discours de haine ou l’incitation
à la violence. La Cour européenne des droits de l’homme dit le droit
de manière définitive en ce domaine.
20. Dans ce contexte, il importe de rappeler que, dans sa
Résolution 1510 (2006) sur la liberté d’expression et le respect des croyances
religieuses, adoptée à la suite de la controverse sur les caricatures
danoises, l’Assemblée déclarait que «la liberté d’expression, telle
qu’elle est protégée en vertu de l’article 10 de la Convention,
ne doit pas être davantage restreinte pour répondre à la sensibilité
croissante de certains groupes religieux».
21. A la demande de l’Assemblée figurant dans cette résolution,
la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise) a publié, en 2008, un rapport sur les relations entre
liberté d’expression et liberté de religion: réglementation et répression
du blasphème, de l’injure à caractère religieux et de l’incitation
à la haine religieuse

, dans lequel elle confirmait
que la liberté d’expression, qui est garantie par l’article 10 de
la Convention, constitue l’un des fondements essentiels de toute
société démocratique, ainsi que l’une des conditions primordiales
de son progrès et de l’épanouissement de chacun. Le rapport répétait
la jurisprudence bien établie de la Cour européenne des droits de
l’homme selon laquelle, sous réserve du paragraphe 2 de l’article
10, la liberté d’expression vaut non seulement pour les «informations»
ou «idées» accueillies favorablement ou considérées comme inoffensives
ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent
ou inquiètent.
22. Selon la Commission de Venise, une démocratie ne doit pas
craindre le débat, même lorsqu’il porte sur les idées les plus choquantes
ou antidémocratiques. C’est par des discussions ouvertes que l’on
pourra combattre ces idées et démontrer la supériorité des valeurs
démocratiques. Sans débat ouvert, pas de compréhension ni de respect
mutuels. A l’opposé de l’interdiction ou de la répression, la persuasion
par le débat public est le moyen le plus démocratique de préserver
les valeurs fondamentales.
23. De l’avis de la Commission de Venise cependant, dans une véritable
démocratie, la possibilité d’imposer des restrictions à la liberté
d’expression ne doit pas être utilisée comme moyen de préserver
la société contre des points de vue divergents, voire extrêmes.
24. Toute restriction à la liberté d’expression doit avoir pour
but de protéger les personnes qui ont des croyances ou opinions
spécifiques, et non de protéger des systèmes de croyance de la critique.
Le droit à la liberté d’expression implique qu’elle devrait être
autorisée à examiner, débattre ouvertement, et critiquer, même durement
et déraisonnablement, des systèmes de croyance, opinions et institutions,
tant que cela n’aboutit pas à prôner la haine contre un individu
ou des groupes d’individus.
25. Ce qui peut offenser gravement des personnes d’une obédience
religieuse donnée varie grandement d’une époque et d’un lieu à l’autre.
26. La Commission de Venise est d’accord avec l’Assemblée parlementaire
sur le fait que «compte tenu de la diversification des croyances
religieuses en Europe et du principe démocratique de séparation
de la religion et de l’Etat, les gouvernements et les parlements
des Etats membres devraient réexaminer les lois sur le blasphème»
et que «le blasphème, en tant qu’insulte à une religion, ne devrait
pas être érigé en infraction pénale».
27. La Commission de Venise ne juge pas qu’il soit nécessaire
ni souhaitable de créer une infraction d’injure religieuse (c’est-à-dire
d’insulte au sentiment religieux) en tant que telle, en l’absence
de l’élément essentiel de l’incitation à la haine. Dès lors qu’une
déclaration ou une œuvre d’art ne comporte pas d’incitation à la
haine, elle ne devrait pas donner lieu à des sanctions pénales.
28. Cela étant, la Commission de Venise n’est pas partisane du
libéralisme absolu. S’il est vrai que, dans une démocratie, toutes
les idées, y compris les idées choquantes ou dérangeantes, doivent
en principe être protégées, il est également vrai que toutes les
idées ne méritent pas d’être diffusées. L’exercice de la liberté d’expression
impliquant des devoirs et des responsabilités, on peut légitimement
attendre de chaque membre d’une société démocratique qu’il évite,
dans la mesure du possible, d’employer des expressions témoignant du
mépris ou gratuitement offensantes à l’égard d’autres personnes.
29. Il faut toutefois souligner que les sociétés démocratiques
ne doivent pas être prises en otage par ces sensibilités et que
la liberté d’expression ne doit pas reculer sans discernement face
à des réactions violentes. Le seuil de sensibilité de certains individus
peut s’avérer trop bas dans certaines circonstances particulières, et
des incidents peuvent même se produire dans des lieux différents,
et parfois très distants, de l’endroit où un problème est survenu
au départ, et cela ne devrait pas constituer en soi une raison d’empêcher
toute forme de discussion sur des questions religieuses touchant
à ladite religion: sans quoi, le droit à la liberté d’expression
dans une société démocratique risque d’être compromis. Il appartient
à chacun de garder à l’esprit que le respect de sa liberté d’expression
nécessite aussi le respect de la conscience de l’autre.
3. La lutte contre
le terrorisme en Europe
30. Les attaques survenues à Paris appellent à prendre
des mesures pour renforcer la lutte contre le terrorisme et le djihadisme,
mais pas au détriment des droits de l’homme, de l’état de droit
et de la défense de nos valeurs communes. Dans ce contexte, l’Assemblée
rappelle sa
Résolution
1840 (2011) sur les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme,
dans laquelle elle déclarait que «le concept d’une “guerre contre
la terreur” est fallacieux et de peu d’utilité, et menace l’ensemble
du cadre des droits de l’homme internationaux. Les terroristes sont
des criminels, pas des soldats, et les crimes terroristes ne s’apparentent
pas à des actes de guerre.»
31. Selon les estimations, quelque 5 000 jeunes Européens sont
partis combattre en Syrie et en Irak et bon nombre d’entre eux reviennent
en Europe aguerris à des techniques de combat. Ils constituent une
menace considérable en Europe et doivent être suivis de près. Dans
sa
Résolution 2016 (2014) traitant des menaces contre l’humanité posées par le
groupe terroriste connu sous le nom de «EI», l’Assemblée incitait
déjà les Etats membres du Conseil de l’Europe à intensifier leurs
efforts pour identifier les Européens combattant pour «l’EI», ainsi
que pour identifier et démanteler les canaux de recrutement, poursuivre
les responsables et échanger les informations et coordonner leur
réponses face aux djihadistes de retour. La commission des questions politiques
et de la démocratie prépare actuellement un rapport sur les combattants
étrangers en Syrie et en Irak.
32. Des propositions ont été faites visant à retirer leur passeport
européen aux djihadistes qui reviennent, s’ils ont une autre nationalité.
33. Les services répressifs, de sécurité et de renseignement devraient
être dotés des moyens appropriés pour faire face à la situation
et les services des divers pays européens devraient intensifier
leur coopération. La surveillance massive indiscriminée s’est toutefois
révélée inefficace pour la prévention du terrorisme et donc est
non seulement dangereuse pour le respect des droits de l’homme mais
constitue aussi un gaspillage de ressources.
34. Les registres nationaux des personnes condamnées pour des
chefs d’infraction terroriste devraient être partagés ainsi que
les informations opérationnelles concernant les actions ou mouvements
de terroristes ou de réseaux terroristes, y compris pour ce qui
est des combattants terroristes étrangers, conformément à la Résolution
2178 (2014) du Conseil de Sécurité des Nations Unies. A cet égard,
le Parlement européen s’est vu demander de reconsidérer sa position
concernant le système de registre des noms des passagers (PNR), sous
réserve de garanties appropriées concernant la protection des données.
35. Il conviendrait de suivre sérieusement les filières permettant
d’acheminer de l’argent et des armes à des terroristes potentiels,
pour démanteler ces réseaux et punir les coupables.
4. La nécessité de
prévenir la radicalisation et de combattre les causes du djihadisme
36. Dans sa
Résolution
1258 (2001) sur les démocraties face au terrorisme, l’Assemblée
déclarait que «la prévention à long terme du terrorisme passe par
une compréhension appropriée de ses origines sociales, économiques,
politiques et religieuses, et de l’aptitude à la haine de l’individu.
En s’attaquant aux racines du terrorisme, il est possible de porter
sérieusement atteinte au support sur lequel s’appuient les terroristes
et à leurs réseaux de recrutement».
37. Dans sa
Résolution
1754 (2010) «Lutte contre l’extrémisme: réalisations, faiblesses
et échecs», l’Assemblée avait déclaré que «l’opinion publique et
les gouvernements européens sont de plus en plus conscients de l’ampleur
de la menace que représente l’intégrisme islamique, une idéologie
qui, bien qu’elle reste marginale en Europe, exerce un attrait croissant
sur les jeunes musulmans, trouvant un terrain fertile dans leurs
frustrations causées par le racisme, la discrimination, l’exclusion
sociale et le chômage, dont ils tendent à souffrir davantage que
le reste de la population. Cette forme d’extrémisme a conduit à
la perpétration de plusieurs attentats terroristes meurtriers».
38. Les trois djihadistes français qui ont tué 17 personnes à
Paris avaient rencontré des islamistes radicaux en prison et ailleurs.
Deux d’entre eux avaient purgé des peines de prison pour avoir mis
au point une filière permettant d’envoyer des jeunes Européens combattre
en Syrie et en Irak. L’un des trois avait suivi un entraînement
militaire au Yémen.
39. Nous devrions prêter davantage attention aux moyens mis en
œuvre pour endoctriner des jeunes et en faire des terroristes, par
exemple dans les prisons et, c’est vrai également, dans certaines
mosquées. Internet et les médias sociaux devraient être surveillés
plus étroitement en vue de lutter contre le discours de haine, la radicalisation
et le cyber-djihadisme.
40. Le Conseil de l’Europe pourrait peut-être lancer un débat
public sur la compatibilité des différentes visions du monde, y
compris l’Islam, avec le fonctionnement d’un Etat démocratique où
tous les droits de l’homme, tels que définis dans la Convention
européenne des droits de l’homme sont effectivement protégés.
41. Nous renouvelons l’appel lancé par notre Assemblée dans sa
Résolution 1754 (2010), l’Assemblée soulignant que «prendre des mesures fermes
contre la discrimination, mettre l’accent sur l’éducation civique et
le dialogue interculturel et interreligieux, associer la société
civile et les organisations non gouvernementales – en particulier
celles qui représentent des catégories de la société exclues, de
droit ou de fait
, des voies
de participation ordinaires – aux processus de consultation ou de
prise des décisions constituent les principaux moyens de réduire
l’attrait potentiel des groupes et des mouvements extrémistes»,
y compris les djihadistes.
42. C’est pourquoi l’Assemblée invitait les Etats membres du Conseil
de l’Europe à «répondre efficacement à cette menace, tout en évitant
de stigmatiser l’islam en tant que religion. Des efforts supplémentaires
doivent être faits pour lutter contre l’islamophobie et la diffusion
de stéréotypes négatifs sur l’islam et les musulmans dans la société».
43. Le fait que les trois terroristes de Paris aient été scolarisés
dans le système de l’éducation nationale française est un signe
que nos systèmes éducatifs européens devraient être revus. Il y
a quelques années, le Conseil de l’Europe avait lancé des initiatives
dans le domaine de l’éducation à la citoyenneté démocratique; il
est vraisemblablement utile d’en relancer certaines. Il conviendrait
de porter une attention particulière à l’éducation dans des contextes
marginalisés et défavorisés.
5. Conclusions
44. Plus qu’une attaque contre la liberté d’expression,
qui avait pour but de réduire au silence et d’intimider des voix
critiques, ou qu’un nouvel acte de violence antisémite – ce qu’elles
étaient aussi – les attaques terroristes de Paris visaient les valeurs
mêmes de démocratie et de liberté en général, le type de société
que notre Organisation paneuropéenne s’attache à bâtir depuis la
fin de la seconde guerre mondiale.
45. Dans le projet de résolution, j’ai tenté de résumer les grands
principes et normes du Conseil de l’Europe qui sont en jeu, en particulier
ceux qui concernent la liberté d’expression. J’ai aussi adressé
un certain nombre de recommandations aux Etats membres du Conseil
de l’Europe à prendre en compte dans leur lutte contre le terrorisme
et la menace djihadiste, et tenté d’énumérer les principaux défis
que les démocraties européennes devraient relever si elles veulent
prévenir la radicalisation et combattre les causes du fanatisme religieux.
46. Bon nombre de ces propositions et de ces défis vont dans le
sens des actions immédiates que le Secrétaire Général du Conseil
de l’Europe a proposé pour «combattre la radicalisation qui aboutit
à l’extrémisme», qui pourraient être prises par l’Organisation d’ici
la Session ministérielle de mai 2015 à Bruxelles

.
47. Je pense que, pour sa part, l’Assemblée devrait continuer
de suivre de près et de s’efforcer de relever, par les travaux de
ses commissions et de l’Alliance parlementaire contre la haine,
nouvellement créée, les principaux défis posés par les récentes
attaques terroristes à Paris, à savoir: la montée de la menace djihadiste et
la question des combattants terroristes étrangers; la protection
des droits de l’homme dans la lutte contre le terrorisme; la nécessité
de combattre les causes de la radicalisation et du fanatisme religieux,
telles que l’exclusion sociale, la discrimination voire la ségrégation;
le processus de radicalisation dans les prisons; la poursuite de
la lutte contre le discours de haine, le racisme et l’intolérance,
y compris l’antisémitisme et l’islamophobie; et le rôle de l’éducation
à la citoyenneté démocratique et au dialogue interculturel.