1. Introduction
1. Le 26 janvier 2015, M. Robert Walter (Royaume-Uni,
Groupe des conservateurs européens), soutenu par plus de 30 membres
appartenant à cinq délégations nationales au moins, a contesté les
pouvoirs non encore ratifiés de la délégation russe sur la base
des articles 8.1 et 8.2 du Règlement de l’Assemblée au motif que
le rôle et la participation de la Fédération de Russie dans le conflit
qui touche l’est de l’Ukraine, ainsi que le maintien de son annexion
illégale de la Crimée, étaient contraires au Statut du Conseil de
l’Europe ainsi qu’aux engagements qu’elle a contractés lors de son
adhésion au Conseil de l’Europe, ce qui, d’une manière générale,
remettait en cause le respect par la délégation russe des principes
de l’Organisation et des obligations imposées à ses Etats membres.
En application de l’article 8.3 du Règlement, la Commission pour le
respect des obligations et engagements (commission de suivi) a été
saisie pour rapport et la commission du règlement, des immunités
et des affaires institutionnelles pour avis.
2. A sa réunion du 26 janvier 2015, la commission de suivi m’a
nommé rapporteur pour le présent rapport.
3. Le 10 avril 2014, l’Assemblée a adopté la
Résolution 1990 (2014) relative au réexamen, pour des raisons substantielles,
des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation russe. Dans cette résolution,
l’Assemblée a considéré que les actions et interventions de la Fédération
de Russie ayant abouti à l’annexion illégale de la Crimée par la
Fédération de Russie et cette annexion elle-même constituaient une
grave violation du droit international et étaient clairement contraires
au Statut du Conseil de l’Europe et aux engagements pris par la Fédération
de Russie lors de son adhésion
. L’Assemblée
a condamné fermement la violation de la souveraineté et de l’intégrité
territoriale de l’Ukraine par la Fédération de Russie et considéré
que cette violation appelait un message fort de désapprobation de
la part de l’Assemblée. Dans le même temps, elle a souligné la nécessité
de poursuivre le dialogue avec la Fédération de Russie, notamment
sur les obligations de cette dernière et son respect des valeurs
et principes du Conseil de l’Europe
. Par conséquent, l’Assemblée a
décidé de ne pas retirer ses pouvoirs à la délégation russe, mais
de suspendre jusqu’à la fin de la session de 2014 son droit de vote,
son droit d’être représentée au Bureau de l’Assemblée, au Comité
des Présidents et à la Commission permanente ainsi que son droit
de participer à des missions d’observation d’élections.
4. Déjà préoccupée par les événements dans l’est de l’Ukraine,
qui allaient s’aggraver peu après, l’Assemblée a exprimé sa préoccupation
quant aux intentions de la Fédération de Russie, compte tenu du regroupement
constant et observable de forces militaires russes le long de la
frontière entre la Russie et l’Ukraine. En conséquence, elle s’est
expressément réservé le droit d’annuler les pouvoirs de la délégation russe
si la Fédération de Russie n’amorçait pas une désescalade de la
situation ou ne faisait pas marche arrière sur l’annexion de la
Crimée
.
5. Outre sa condamnation de l’annexion de la Crimée et ses craintes
concernant l’évolution de la situation en Crimée et dans l’est de
l’Ukraine, l’Assemblée s’est dite vivement préoccupée par l’absence
de mise en œuvre par la Russie des Résolutions 1633 (2008), 1647
(2009) et 1683 (2009) sur la guerre entre la Russie et la Géorgie,
ainsi que par la situation de la liberté des médias et de la liberté
d’expression en Russie, notamment eu égard à la répression permanente
contre les médias indépendants, y compris les médias en ligne et
les journalistes
.
6. Le présent rapport se penchera dans un premier temps sur les
principaux faits survenus récemment en Crimée et dans l’est de l’Ukraine.
Une courte section sera ensuite consacrée aux évolutions concernant d’autres
obligations et engagements de la Fédération de Russie à faire entrer
en ligne de compte ici. Il importera de prendre en considération,
lors de l’examen de la contestation des pouvoirs de la délégation
russe, la volonté de la Fédération de Russie, et en particulier
de la Douma d’Etat et du Conseil de la Fédération, de répondre aux
préoccupations et aux demandes de l’Assemblée et d’engager un dialogue
ouvert et constructif à ce propos. Les derniers développements dans
ce domaine feront l’objet d’une partie distincte.
2. Evolution
de la situation en Crimée
7. Dans sa
Résolution 1990 (2014), l’Assemblée s’est réservé le droit d’annuler les pouvoirs
de la délégation russe si la Fédération de Russie n’amorçait pas
une désescalade de la situation ou ne faisait pas marche arrière
sur l’annexion de la Crimée.
8. Depuis l’adoption de la
Résolution
1990 (2014), la Crimée est restée pleinement intégrée à la Fédération de
Russie. L’irréversibilité de l’annexion de la Crimée par la Fédération
de Russie a été soulignée par le Président Poutine dans son discours
annuel devant l’Assemblée fédérale russe, dans lequel il a qualifié l’annexion
de la Crimée d’«unification historique», affirmant que la Crimée
était «la source spirituelle du développement d’une nation russe
très diverse mais solide, et d’un Etat russe centralisé». Insistant
sur ce point, il a ajouté que «la Crimée, l’ancienne Korsun ou Chersonèse,
et Sébastopol ont pour la Russie une valeur civilisationnelle inestimable,
voire sacrée, comme le Mont du Temple à Jérusalem pour les fidèles
de l’islam et du judaïsme» avant de conclure «et c’est ainsi que
nous les considérerons toujours»
.
9. Le maintien de l’annexion de la Crimée par la Fédération de
Russie constitue une violation persistante du droit international
et notamment de la Charte des Nations Unies, de l’Acte d’Helsinki
de l’OSCE et du Statut du Conseil de l’Europe, ainsi que des engagements
pris par la Russie lors de son adhésion à ce dernier.
10. Des organisations internationales et des organisations de
la société civile ont exprimé leur inquiétude devant la détérioration
de la situation en matière de droits de l’homme en Crimée.
11. Dans le rapport qu’il a établi à la suite de sa mission à
Kiev, à Moscou et en Crimée, le Commissaire aux droits de l’homme
du Conseil de l’Europe, M. Nils Muižnieks, s’est dit préoccupé par
des informations faisant état de décès et de disparitions, dans
des circonstances suspectes, de militants de la société civile qui s’étaient
montrés critiques à propos de la tournure des événements en Crimée
.
M. Muižnieks a exhorté les autorités de fait de Crimée à mener des
enquêtes approfondies sur ces décès et disparitions, ainsi que sur
les plaintes relatives aux pratiques abusives de la police et des
forces (para)militaires présentes dans la région. Il a également
exprimé des inquiétudes quant à la liberté des médias en Crimée.
Plusieurs médias qui n’avaient pas soutenu l’annexion de la Crimée
ont été fermés ou ont subi des pressions, exercées sur leurs journalistes et
rédactions. La chaîne de télévision tatare de Crimée ATR a reçu
une mise en garde des autorités l’avertissant que le contenu de
ses émissions et les points de vue exprimés dans ses programmes
pouvaient être interprétés comme une activité extrémiste.
12. La situation des minorités en Crimée, et en particulier de
la communauté des Tatars de Crimée, est préoccupante.
13. Les Tatars de Crimée s’opposent de manière générale à l’annexion
de la Crimée par la Fédération de Russie et le Mejlis tatar
a appelé à
boycotter le référendum illégal sur la sécession de la Crimée vis-à-vis
de l’Ukraine et les élections locales du 14 septembre 2014.
14. Les forces russes, prétextant la recherche de propagande extrémiste,
ont effectué des perquisitions dans des organisations et des institutions
religieuses des Tatars de Crimée, ainsi que dans des entreprises
et au domicile de membres de la communauté tatare. Ces actes ont
été dénoncés par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil
de l’Europe, qui les a jugés «disproportionnés et excessifs»
.
Par ailleurs, le chef des Tatars de Crimée, M. Mustafa Djemilev,
et son successeur à la fonction de président du Mejlis, M. Refat Tchoubarov,
ont été déclarés
persona non grata par
les autorités russes et se sont vu interdire l’entrée sur le territoire
de la Crimée. Les livres écrits par M. Djemilev, dissident soviétique
bien connu, auraient été interdits car considérés comme de la littérature
extrémiste. Le 16 septembre 2014, les bureaux du Mejlis tatar ont
été perquisitionnés par les autorités russes et des ordinateurs
et des documents ont été saisis, ce qui a eu un effet paralysant
sur la communauté tatare en Crimée.
15. Les autorités russes ont pour leur part affirmé que le revenu
moyen, en particulier des retraités et des personnes travaillant
dans le secteur public, avait augmenté de manière exponentielle
en Crimée. Elles ont ajouté avoir pris diverses mesures pour améliorer
la situation économique et sociale de la communauté des Tatars de
Crimée, notamment la protection de leur langue et l’«amnistie foncière»
visant à régler leurs problèmes de logement.
16. La minorité ethnique ukrainienne s’est dite préoccupée par
la diminution de l’offre d’éducation en ukrainien et a fait part
d’un sentiment général d’insécurité. Par voie de conséquence, un
certain nombre de familles de souche ukrainienne ont quitté la Crimée
pour d’autres régions de l’Ukraine. En janvier 2015, le Haut Commissariat
des Nations Unies pour les réfugiés a indiqué que près de 20 000 personnes
déplacées de la Crimée vers l’Ukraine, principalement d’origine
tatare et ukrainienne, avaient été enregistrées. Cela dit, les chiffres
réels sont sans doute plus élevés, ceux qui sont partis dans d’autres
régions de l’Ukraine ne s’étant pas tous fait enregistrer en tant
que personnes déplacées.
17. Il y a relativement peu de restrictions à la circulation des
citoyens à la frontière administrative. Toutefois, la présence de
postes de contrôle des deux côtés de la ligne de démarcation et
les contrôles des véhicules rendraient le passage très long et contraignant,
surtout pour le fret. La loi relative aux garanties juridiques des droits
et libertés des personnes se trouvant sur les territoires temporairement
occupés de l’Ukraine, qui a été adoptée par la Verkhovna Rada à
la suite de l’annexion de la Crimée par la Russie, ne prévoit aucune restriction
à la liberté de circulation des citoyens ukrainiens à la ligne de
démarcation administrative. En revanche, les étrangers doivent solliciter
une autorisation spéciale à cette fin. Cette obligation, à laquelle viennent
s’ajouter des considérations d’ordre juridique et politique, limite
l’accès des organisations internationales en Crimée. A ma connaissance,
les autorités russes n’imposent aucune restriction à la circulation
des citoyens ukrainiens à la ligne de démarcation administrative.
Toutefois, la plupart des étrangers doivent aujourd’hui disposer
d’un visa russe pour entrer en Crimée, ce qui constitue un obstacle
à l’accès des organisations internationales dans la région. Jusqu’à
une date récente, les transports en commun continuaient de franchir
la ligne de démarcation. Toutefois, en décembre 2014, les autorités
ukrainiennes ont suspendu les liaisons ferroviaires et par autocar,
pour des raisons de sécurité.
18. Les autorités ukrainiennes ont continué à assurer l’approvisionnement
de la Crimée en eau et en électricité. En décembre 2014, l’Ukraine
a stoppé l’alimentation de la péninsule en électricité en raison
de pannes de courant, le pays ayant besoin du charbon de la région
du Donbass – devenu inaccessible – pour sa production d’électricité.
En réponse à cela, la Russie a annoncé qu’elle reprendrait la livraison
de charbon et d’électricité vers l’Ukraine sans paiement préalable
.
3. Evolution de la
situation dans l’est de l’Ukraine
19. Le durcissement du conflit dans l’est de l’Ukraine
et le rôle joué par la Fédération de Russie dans ce dernier ont
éclipsé l’annexion de la Crimée par la Russie et les incidents qui
ont eu lieu par la suite dans cette région. Le présent rapport n’a
pas pour objet d’exposer en détail les événements survenus dans
l’est de l’Ukraine depuis la partie de session d’avril 2014 de l’Assemblée.
Je me limiterai ici aux faits nouveaux qui revêtent de l’importance
pour le présent rapport.
20. Au lendemain du référendum en Crimée, plusieurs manifestations
protestataires ont été organisées dans l’est de l’Ukraine (à Kharkiv,
Odessa, Marioupol, Donetsk et Louhansk) pour appeler à la tenue
de référendums similaires dans ces oblasts de l’est de l’Ukraine,
en vue de leur sécession de l’Ukraine et de leur éventuelle intégration
à la Fédération de Russie. De grandes manifestations en faveur de
l’unité de l’Ukraine ont également été organisées.
21. Les manifestations pro-russes sont devenues de plus en plus
violentes; des mairies ont été prises d’assaut. Il y a souvent eu
des heurts entre manifestations concurrentes. De nombreux observateurs
et journalistes ont noté que les manifestations pro-russes étaient
bien orchestrées et visiblement organisées, n’ayant pas la spontanéité
d’un mouvement de masse
. D’autres ont souligné la participation
de grands nombres de citoyens russes à ces rassemblements. Les autorités
ukrainiennes ont fait remarquer à ce propos qu’à Kharkiv, les manifestants
avaient pris d’assaut le théâtre municipal, qu’ils avaient confondu
avec la mairie
. Le 18 mars 2014, le Premier ministre
Iatseniouk a fait savoir que son gouvernement allait engager un
processus de décentralisation, notamment par l’adoption d’une nouvelle
Constitution. Le 28 mars 2014, le ministre de l’Intérieur a annoncé
que le nombre de manifestations pro-russes dans l’est de l’Ukraine
était en nette régression.
22. L’insurrection armée a officiellement débuté le 7 avril 2014,
lorsqu’un millier de manifestants ont envahi les bureaux du SBU
à Donetsk et Louhansk, prenant le contrôle de leurs armureries.
Les manifestants alors armés ont déclaré qu’un référendum sur l’indépendance,
suivi de l’intégration à la Fédération de Russie, devait être organisé
au plus tard le 11 mai. En réponse à ces événements, le président
par intérim Tourtchinov a annoncé le lancement d’une opération anti-terroriste
(OAT) dans l’est de l’Ukraine pour permettre au gouvernement central
de reprendre totalement le contrôle de ces régions.
23. La situation s’est considérablement dégradée le 12 avril 2014
lorsque des hommes armés et encagoulés, placés sous le commandement
de l’ancien agent du Service fédéral de sécurité russe (FSB) Igor Guirkine
, ont
pris d’assaut le commissariat de police, l’antenne locale du SBU
et d’autres bâtiments municipaux, d’abord à Sloviansk puis à Kramatorsk,
dans une tentative de reproduire le scénario que ce dernier avait
contribué à mettre en œuvre en Crimée en février 2014. A la suite
de ces événements, des groupes armés ont commencé à s’emparer d’immeubles
à Droujkivka, Horlivka, Marioupol et Yenakiieve entre autres, ainsi
qu’à Donetsk même. Les membres des groupes de M. Guirkine étaient
principalement des volontaires de Russie et de Crimée, aidés par
un nombre relativement restreint de volontaires de l’est de l’Ukraine
.
24. Pour le ministère de l’Intérieur ukrainien, l’occupation des
bâtiments de l’administration locale a été soutenue, si ce n’est
orchestrée, par les forces spéciales russes à l’œuvre sur le territoire
ukrainien. Les autorités russes ont fermement démenti ces affirmations,
niant toute présence de troupes russes sur le territoire ukrainien.
Après la capture de plusieurs soldats russes par l’armée ukrainienne,
la Russie a reconnu que des militaires russes ayant pris congé de
leur régiment combattaient en Ukraine de leur propre initiative. On
ne peut pas dire en revanche que M. Guirkine ait particulièrement
cherché à dissimuler son rôle dans l’aggravation du conflit dans
l’est de l’Ukraine. Dans un entretien, il a affirmé: «c’est moi
qui ai déclenché la guerre. Si notre groupe n’avait pas franchi
la frontière, tout se serait terminé comme à Kharkiv ou à Odessa. Quelques
dizaines de personnes auraient été tuées, brûlées et arrêtées. Et
cela aurait mis fin à tout», ajoutant: «Notre groupe a mis la guerre
en branle. Nous avons rebattu toutes les cartes»
.
25. L’opération anti-terroriste lancée contre l’occupation des
bâtiments de l’administration locale a été mise en difficulté lorsque,
dans un premier temps, des soldats ont déserté ou changé de camp,
passant chez les séparatistes pro-russes
.
26. Le 17 avril 2014, les représentants de la Russie, de l’Ukraine,
des Etats-Unis et de l’Union européenne se sont réunis à Genève
pour trouver une solution négociée à la montée de l’insurrection
dans l’est de l’Ukraine. Au cours de cette réunion, les participants
ont adopté la «Déclaration de Genève sur l’Ukraine» dans laquelle
ils ont convenu notamment:
- de
dissoudre toutes les formations militaires illégales en Ukraine;
- de mettre fin à l’occupation des bâtiments de l’administration
locale et de demander aux protestataires de déposer les armes;
- d’accorder l’amnistie à tous les manifestants anti-gouvernement;
- de modifier la Constitution de l’Ukraine selon un processus
inclusif, transparent et responsable.
Il a été
convenu que la dissolution des groupes armés illégaux et l’arrêt
de l’occupation des bâtiments publics serait supervisée par des
observateurs de l’OSCE.
27. En dépit de cet accord, l’occupation des bâtiments publics
s’est poursuivie et aucun des groupes d’insurgés illégaux n’a déposé
les armes. Au contraire, il est apparu au cours du conflit qu’ils
avaient à leur disposition des armes de plus en plus lourdes et
perfectionnées, avec des pièces d’artillerie, des chars et des missiles
sol-air, fournis par la Fédération de Russie. L’introduction d’un
tel niveau d’armement dans le conflit – sur lequel les forces armées
ukrainiennes se sont alignées –, a considérablement accru le pouvoir
meurtrier du conflit et les risques de dommages collatéraux parmi
les civils.
28. Les autorités russes ont démenti avoir fourni des armes aux
insurgés et affirmé que les équipements de ces derniers provenaient
de caches d’armes laissées à l’abandon ou saisies à l’armée ukrainienne.
Plusieurs gouvernements européens et experts militaires ont toutefois
fait remarquer que les rebelles avaient accès à des armes de fabrication
russe, dont des chars et des systèmes de missiles, qui n’avaient
jamais été achetées par les forces armées ukrainiennes ni fournies
à ces dernières.
29. Devant l’aggravation du conflit, les combats s’intensifiant
de jour en jour, le président Poutine a demandé aux insurgés, le
7 mai 2014, de reporter les référendums sur le statut des oblasts
de Donetsk et de Louhansk prévus le 11 mai 2014. Ils ont cependant
écarté cette possibilité. Le caractère tardif de la proposition
et la rapidité avec laquelle elle a été rejetée par les insurgés
ont jeté le doute sur sa sincérité, en particulier au sein du gouvernement
ukrainien.
30. Les «référendums» sur le statut des oblasts de Donetsk et
Louhansk ont eu lieu le 11 mai 2014. Ils n’ont pas été observés
par des organisations internationales indépendantes crédibles mais
des journalistes ont affirmé que la façon dont ils avaient été conduits
était contestable à l’extrême: il n’y avait pas de listes électorales
et les gens pouvaient voter autant de fois qu’ils le souhaitaient
. D’après les chefs des insurgés, près
de 90 % des électeurs s’étaient prononcés en faveur de l’indépendance
des républiques populaires autoproclamées de Louhansk et Donetsk,
avec des taux de participation de 81 % à Louhansk et 75 % dans l’oblast
de Donetsk. Ces référendums sont illégaux en droit ukrainien; leur
déroulement et leurs résultats ne sont pas reconnus par la communauté
internationale qui les a dénoncés, y voyant une escalade inutile
des tensions.
31. Peu à peu, l’opération antiterroriste a pris de l’ampleur,
l’armée ukrainienne étant de mieux en mieux organisée et reprenant
des villes qui se trouvaient précédemment sous le contrôle des séparatistes.
Des acteurs importants du monde politique et économique ont exprimé
avec plus de force leur soutien à l’unité ukrainienne. Le 15 mai 2014,
Rinat Akhmetov, homme d’affaires influent de la région du Donbass,
s’est prononcé en faveur de l’unité ukrainienne et a ordonné à ses
ouvriers de Marioupol de patrouiller dans la ville aux côtés de
la police locale. Cela a permis de mettre fin à l’occupation des
bâtiments publics de Marioupol le 16 mai 2014.
32. L’opération antiterroriste a trouvé un nouveau souffle après
l’élection du président Porochenko à une large majorité le 25 mai 2014.
Le 20 juin 2014, ce dernier a annoncé un vaste plan de paix en 15 points
. Dans le cadre
de ce plan, il a déclaré un cessez-le-feu unilatéral d’une semaine,
qui a ensuite été prolongé de trois jours. Malheureusement, les
insurgés ont rejeté le cessez-le-feu et poursuivi leurs attaques
armées contre les forces militaires ukrainiennes. Après une attaque
à la roquette ayant provoqué la mort de 19 soldats ukrainiens, le
président Porochenko a mis fin au cessez-le-feu.
33. Le 17 juillet 2014, les événements ont pris un tour tragique
et déplorable lorsque le vol MH17 de la Malaysian Airlines qui assurait
la liaison Amsterdam-Kuala Lumpur a été détruit par un missile antiaérien, provoquant
la mort des 283 passagers et 15 membres d’équipage qui se trouvaient
à bord. A la demande des autorités ukrainiennes
,
le Bureau pour la sécurité néerlandais a été chargé de diriger l’enquête
sur l’accident. Dans son rapport préliminaire
publié le 9 septembre 2014, celui-ci
a conclu que le vol MH17 s’était désintégré en plein vol après avoir
été touché par des projectiles à haute vitesse venant de l’extérieur
et ayant provoqué une multitude d’impacts (sur le fuselage avant
et le cockpit). Le Bureau pour la sécurité néerlandais poursuit
son enquête sur l’origine de ces projectiles mais de nombreux experts
ont noté que les impacts et leur forme étaient compatibles avec
l’explosion d’un missile antiaérien sol-air. S’appuyant sur les
renseignements dont ils disposaient ainsi que sur des informations
relevant du domaine public, un certain nombre de pays européens,
ainsi que les Etats-Unis, l’Ukraine et l’Otan ont affirmé que le
vol MH17 avait été abattu par un missile lancé d’un système mobile
BUK M1 fourni par la Fédération de Russie, à partir de la ville
voisine de Snizhne qui se trouve sur le territoire aux mains des
rebelles. Plusieurs experts militaires et un journaliste ont fait
remarquer que les systèmes de missiles BUK sont un équipement complexe
qui ne peut être manié que par des opérateurs qualifiés. Ils en
ont conclu que le système de missiles BUK en question avait non
seulement été fourni par la Fédération de Russie, mais également
selon toute vraisemblance commandé par du personnel militaire russe
qui, d’après les informations disponibles, appartiendrait à la 53e brigade
de missiles antiaériens basée à Koursk
. Les autorités russes ont démenti
fermement toute implication dans la destruction en vol du MH17,
que ce soit de la part de leur armée ou des insurgés. Au cours d’une
conférence de presse organisée par le ministère de la Défense le
21 juin 2014, elles ont affirmé que le vol MH17 avait été détruit
en vol par un avion d’attaque au sol SU25 des forces armées ukrainiennes.
Cependant, plusieurs experts militaires ont fait observer que ce
type d’aéronef n’avait ni les capacités techniques ni l’arsenal
nécessaire pour abattre en vol un Boeing 777 se trouvant à une altitude
de 33 000 pieds (environ 10 060 mètres). Il importe de relever à
ce propos que le gouvernement néerlandais a fait savoir qu’il entendait
engager des poursuites pour crime de guerre dans l’affaire de la
destruction du vol MH17.
34. A la fin du cessez-le-feu décrété par le président Porochenko,
l’armée ukrainienne a lancé une contre-offensive pour récupérer
les territoires et les villes qui se trouvaient sous le contrôle
des insurgés. Celle-ci a en grande partie réussi. Fin août 2014,
les troupes militaires ukrainiennes avaient regagné une grande partie du
territoire précédemment aux mains des rebelles – elles étaient notamment
présentes à la périphérie de Louhansk et Donetsk –, ce qui laissait
entrevoir la perspective d’une reprise du contrôle total du territoire
par les autorités ukrainiennes. Cependant, un afflux croissant de
militaires russes et d’un armement lourd et sophistiqué en soutien
aux insurgés a été noté
.
35. Le 25 août 2014, alors que rien ne le laissait prévoir, les
insurgés ont engagé une contre-offensive avec l’aide secrète des
troupes militaires russes dans l’est de l’Ukraine. Simultanément,
l’artillerie russe a ouvert le feu sur les positions militaires
ukrainiennes depuis la Russie même. En l’espace de quelques jours,
les insurgés sont parvenus à reprendre une partie considérable du
territoire perdu et à ouvrir un nouveau front vers la ville de Marioupol.
36. Le 31 juillet 2014, de nouvelles négociations de paix ont
débuté à Minsk sous les auspices de l’OSCE. Le 5 septembre, les
protocoles de Minsk ont été signés par des représentants de l’Ukraine,
de la Russie, de l’OSCE et des républiques populaires autoproclamées
de Donetsk et Louhansk. Ils établissaient notamment un cessez-le-feu
immédiat dans l’est de l’Ukraine. Leurs modalités ont été énoncées
dans un mémorandum que ces représentants ont signé à Minsk le 19 septembre 2014.
Le texte du protocole de Minsk et du mémorandum figure en annexe 1
au présent rapport.
37. A la date où ce rapport est rédigé, le cessez-le-feu décidé
à Minsk est encore en vigueur. Cependant, selon des observateurs
internationaux déployés par l’OSCE, il continue d’être régulièrement
et quasi-systématiquement violé des deux côtés. Depuis début janvier
2015, ces violations du cessez-le-feu semblent avoir connu une augmentation
exponentielle. Malheureusement – et cela serait en contradiction
flagrante avec les protocoles et le mémorandum signés à Minsk –
la Fédération de Russie aurait continué à fournir des armes aux
insurgés et aurait déployé du personnel militaire sur le territoire
souverain de l’Ukraine. La mission d’observation de l’OSCE a mis
en garde contre le risque de durcissement du conflit et le 12 novembre 2014, le
Secrétaire Général de l’Otan, Jens Stoltenberg, a appelé la Russie
à retirer ses forces
.
38. Les autorités russes continuent de démentir la présence de
militaires russes en Ukraine. Cela semble toutefois contredit par
le fait qu’un nombre considérable de citoyens russes, disant faire
partie du personnel militaire russe, ont été capturés sur le territoire
ukrainien par l’armée ukrainienne
. Le 28 août 2014, l’Otan a publié
des images satellite montrant de façon probante la présence de personnel
militaire russe sur le territoire souverain de l’Ukraine
. Ces conclusions ont été confirmées
par une analyse indépendante d’images satellite obtenues commercialement,
réalisée à la demande d’Amnesty International et étayée par des
rapports de ses chercheurs, qui montre clairement la présence de
troupes militaires russes en Ukraine
.
39. Il convient de souligner que la présence de troupes militaires
russes en Ukraine sans l’autorisation des autorités ukrainiennes
ou du Conseil de sécurité de l’ONU peut être interprétée comme un
acte d’agression au regard de la Charte des Nations Unies et comme
une violation du droit international et du Statut du Conseil de l’Europe
ainsi que des engagements pris par la Russie lors de son adhésion
à cette Organisation. En outre, cela constitue également une violation
de la législation russe dans la mesure où, le 25 juin 2014, le Parlement russe
a retiré l’autorisation – fortement critiquée – qu’il avait donnée
au Président Poutine, de déployer des troupes russes en Ukraine
s’il le souhaitait
. L’Assemblée devrait demander à
la Russie de retirer immédiatement toutes ses troupes militaires
du sol ukrainien et de mettre un terme à la fourniture d’armes aux insurgés.
40. L’article 208 du Code pénal russe interdit la constitution
de groupes armés illégaux et son article 359 le recrutement, l’entraînement,
le financement et l’emploi de mercenaires. Cependant, aucun des
combattants volontaires dont la Russie a reconnu la participation
au conflit n’ont fait l’objet de poursuites en application de ces
articles, officiellement car il est impossible de prouver qu’ils
ont été rémunérés pour leur participation aux opérations militaires
en Ukraine. Dans ces circonstances, il est donc plutôt étonnant
de constater que la Commission d’enquête russe a invoqué l’article 359
pour engager des poursuites contre Roman Zheleznov, un citoyen russe
qui avait rejoint le bataillon volontaire d’Azov combattant aux
côtés de l’armée ukrainienne. Le Parlement russe se doit d’adopter
sans tarder des amendements au Code pénal afin d’ériger en infraction pénale
toute participation à titre privé de citoyens russes à des conflits
armés à l’étranger, qu’elle soit rémunérée ou non.
41. Le conflit dans l’est de l’Ukraine a provoqué d’immenses souffrances
et fait un grand nombre de victimes. D’après le Bureau des Nations
Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), au 9 janvier 2015,
il y avait eu plus de 4 800 morts en relation avec le conflit
. Le HCR a également indiqué qu’à la
même date, plus de 630 000 personnes avaient été déplacées dans
le pays, venant s’ajouter aux quelque 245 000 personnes ayant fui
vers la Russie
. Les conséquences humanitaires du
conflit dans l’est de l’Ukraine et de l’annexion de la Crimée sont
présentées en détail dans l’excellent rapport sur la situation humanitaire
en Ukraine
, établi par mon collègue
M. Jim Sheridan, qui sera examiné par l’Assemblée au cours de cette
partie de session de janvier, et dont je valide sans réserve les
conclusions et les recommandations.
42. Les corapporteures de la commission de suivi pour l’Ukraine,
Mme Mailis Reps et Mme Marietta
de Pourbaix-Lundin, se sont à plusieurs reprises déclarées vivement
préoccupées par les récits crédibles faisant état de graves violations
des droits de l’homme, voire de crimes de guerre, commis dans les
régions sous le contrôle des républiques populaires autoproclamées
de Louhansk et de Donetsk, ainsi que dans les zones contrôlées par
certains bataillons de volontaires combattant aux côtés des forces
militaires ukrainiennes
. Des préoccupations similaires
ont été exprimées par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil
de l’Europe, Nils Muižnieks, à la suite de sa visite en Ukraine
du 30 novembre au 5 décembre 2014
.
43. Un cas particulier est celui de l’ancienne pilote ukrainienne
Nadia Savtchenko, qui faisait partie de l’un des bataillons volontaires
dans l’est de l’Ukraine. Le 18 juin 2014, elle a été capturée par
des insurgés armés combattant pour la république populaire autoproclamée
de Louhansk. Le 24 juin 2014, elle a été transférée illégalement
en Fédération de Russie
et accusée par le Bureau
d’enquête russe de complicité dans l’assassinat de deux journalistes
russes décédés pendant une attaque au mortier à la périphérie de
Louhansk en Ukraine. Il convient de noter que le transfert de Mme Savtchenko
et sa mise en examen par les autorités russes constituent une violation
directe du protocole de Minsk. En outre, les crimes dont elle est
accusée se sont produits sur le territoire de l’Ukraine et ne relèvent
pas de la compétence des tribunaux russes, ce qui jette le doute
sur la légalité de son maintien en détention. Le 26 octobre 2014,
Mme Nadia Savtchenko a été élue au Parlement
ukrainien pour le parti Batkivshchyna. Le 25 décembre 2014, elle
a été nommée membre de la délégation ukrainienne auprès de notre
Assemblée. Il est inacceptable qu’un membre de notre Assemblée soit détenu
illégalement par un autre Etat membre du Conseil de l’Europe. J’appelle
donc les autorités russes à la libérer immédiatement et à autoriser
son retour en Ukraine.
44. Le rétablissement, sous supervision internationale, du contrôle
total par les autorités ukrainiennes de la frontière entre l’Ukraine
et la Fédération de Russie est une condition indispensable au règlement
politique du conflit, comme cela a été souligné dans le protocole
de Minsk. La réalisation de cette condition dépend en grande partie,
si ce n’est exclusivement, de la coopération et de la volonté politique
de la Russie.
45. A l’initiative du Président Porochenko, un sommet devait se
tenir le 15 janvier 2015 à Astana (Kazakhstan) entre le Président
Porochenko, le Président Poutine, le Président Hollande et la chancelière Merkel
– ce que l’on appelle le format «Normandie» – pour trouver des solutions
au conflit dans l’est de l’Ukraine. Cependant, le 10 janvier 2015,
la chancelière Merkel a informé le Président Poutine qu’elle ne participerait
pas au sommet si aucun progrès visible n’était constaté dans la
mise en œuvre des accords de Minsk, notamment en ce qui concerne
le contrôle total par les autorités ukrainiennes des frontières
extérieures de l’Ukraine. Le Président Hollande a fait une déclaration
dans le même sens. Le 12 janvier 2015, devant l’augmentation du
nombre de violations de l’accord de cessez-le-feu et en l’absence
de réelle perspective de progrès, les ministres des Affaires étrangères
des pays du format Normandie ont décidé d’annuler le sommet du 15 janvier.
Le 16 janvier, le Président Porochenko et son homologue du Kazakhstan,
M. Nazarbaïev, ont fait savoir qu’ils prévoyaient d’organiser le
sommet fin janvier, si les développements le permettaient.
46. Le 22 janvier 2015, les autorités ukrainiennes ont annoncé
qu’elles avaient dû retirer leur armée de ses positions à l’aéroport
de Donetsk, qui se trouvaient de son côté de la ligne de contact
établie par les accords de Minsk, en raison d’intenses bombardements
des forces séparatistes.
47. Le 23 janvier 2015, le chef rebelle prorusse Alexander Zakhartchenko
a annoncé que ses forces ne respecteraient plus aucun accord de
cessez-le-feu avec les autorités ukrainiennes, ni ne s’y intéressaient,
et lanceraient une offensive pour occuper le reste de la région
de Donetsk. Cette initiative constitue une violation manifeste des
protocoles de Minsk et représente une grave escalade du conflit
dans l’est de l’Ukraine.
4. Développements
concernant d’autres engagements et obligations de la Fédération
de Russie
48. Comme cela a déjà été noté dans la
Résolution 1990 (2014) et dans les paragraphes précédents du présent rapport,
les actions de la Russie en Crimée, ainsi que son rôle et sa participation
dans le conflit à l’est de l’Ukraine, constituent une violation
directe du Statut du Conseil de l’Europe et des engagements pris
par elle lors de son adhésion à l’Organisation, et en particulier
des paragraphes 10.7, 10.8 et 10.11 de l’Avis 193 (1996) de l’Assemblée
. En outre, les événements
survenus en Ukraine ont aggravé un certain nombre de tendances négatives
– souvent liées à la montée de l’idéologie de «l’eurasisme» – en
Fédération de Russie, relativement à d’autres obligations et engagements
entrant dans le cadre du présent rapport. Cela se traduit par une
marginalisation croissante de l’opposition politique, un contrôle
accru des médias et le musellement des voix indépendantes qui s’élèvent
au sein de la société civile.
49. Comme cela a été mentionné dans la
Résolution 1990 (2014) de l’Assemblée, le contrôle de l’information est au
cœur du conflit en Ukraine. On peut citer en particulier l’adoption
d’un ensemble de mesures qui ont aggravé l’érosion de la liberté
d’information et accru l’emprise du gouvernement sur internet
. Ces
atteintes au pluralisme des médias, à la liberté sur internet et
au droit à la liberté d’expression concourent à la guerre de propagande
et permettent une couverture partiale de la situation par les médias
russes sous contrôle de l’Etat. En ajoutant les ONG de soutien aux
médias à la liste des «agents étrangers», les autorités ont encore
accentué la régression de la liberté d’information en Russie.
50. Bien que l’intervention de la Russie dans le conflit en Ukraine
semble largement soutenue par l’opinion publique, notamment en raison
du traitement monolithique de ces événements par les médias, tous
ne partagent pas ce point de vue et un certain nombre d’organisations
de la société civile ont remis en cause le rôle et la participation
de la Russie dans le conflit. Dans ces circonstances, les changements
législatifs
conjugués
aux craintes exprimées
au cours de l’année passée
au sujet de la situation des ONG et des défenseurs des droits de
l’homme, accentuent l’effet paralysant sur l’exercice de la liberté
d’expression et de la liberté d’association. La nouvelle législation
sur les ONG ne respecte pas les normes internationales en matière
de démocratie et de droits de l’homme
. Malgré les très nombreuses
critiques formulées au sujet de la législation sur les ONG, les
autorités ont inclus plusieurs organisations dans le registre des
«agents étrangers» et poursuivent leurs inspections. Le ministre
de la Justice a enregistré en tant qu’«agents étrangers» plusieurs
ONG, dont celle des Mères de soldats de Saint Pétersbourg, après
que cette dernière a demandé l’ouverture d’une enquête sur les décès
de soldats russes ayant combattu en Ukraine contre les forces ukrainiennes.
51. Des dispositions ont été prises pour accroître la capacité
des autorités russes à contrôler le discours public et à restreindre
le droit de manifester. Des lois ont été adoptées pour ériger en
infraction pénale les manifestations de rue non autorisées; elles
prévoient de lourdes sanctions
et notamment
des amendes très élevées, des peines de travaux forcés et des peines
d’emprisonnement (jusqu’à cinq ans). Des chefs de l’opposition,
comme Alexei Navalny, ont été assignés à résidence ou incarcérés.
Ces mesures sont des tentatives manifestes pour décourager la participation
aux manifestations et au débat politique ouvert. Dans l’affaire
Nemtsov c. Russie, la Cour européenne
des droits de l’homme
a conclu que l’ingérence
dans l’exercice par le requérant de son droit à la liberté de réunion
était arbitraire et qu’il y avait eu violation de l’article 11 de
la CEDH.
52. La sous-commission ad hoc sur «la politique de voisinage de
la Russie à l’égard des autres Etats membres du Conseil de l’Europe»
de la commission de suivi a examiné avec la Fédération de Russie
un certain nombre de recommandations dont la mise en œuvre pourrait
être interprétée comme une manifestation claire de la volonté de
la Fédération de Russie d’honorer les engagements qu’elle a pris
lors de l’adhésion en ce qui concerne ses relations avec ses voisins.
Ces recommandations apparaissent dans les paragraphes suivants.
53. Dans sa
Résolution
1990 (2014), l’Assemblée s’est dite vivement préoccupée «par l’absence
de mise en œuvre par la Fédération de Russie des Résolutions
1633 (2008) sur les conséquences de la guerre entre la Géorgie et
la Russie,
1647 (2009) sur la mise en œuvre de la
Résolution 1633 et
1683 (2009) sur la guerre entre la Géorgie et la Russie: un an après,
par l’occupation des provinces géorgiennes de l’Abkhazie et de l’Ossétie
du Sud par des troupes russes et par le refus de la Fédération de
Russie d’autoriser la venue d’observateurs de l’Union européenne
et de revenir sur le nettoyage ethnique»
. Aucun progrès n’a malheureusement
été noté sur ces questions depuis avril 2014 et j’exhorte une nouvelle
fois les autorités à se conformer à ces résolutions de l’Assemblée.
Une question importante, dont la résolution pourrait constituer
un grand pas en avant, est celle de la libre circulation des civils
pour le franchissement des lignes de démarcation administrative
entre l’Ossétie du Sud, l’Abkhazie et le reste de la Géorgie, qui
sont contrôlées par la Fédération de Russie. Du fait de la poursuite
du processus de «frontiérisation» des lignes de démarcation administrative, les
obstacles se multiplient, aussi bien pour les civils de part et
d’autre des lignes qui souhaitent se rendre dans leurs propriétés
et s’occuper des tombes des membres de leur famille que pour les
résidents d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie en termes d’accès aux services
de santé et autres services sociaux, y compris en cas d’urgence. Ne
serait-ce que pour des raisons humanitaires, la Fédération de Russie
et les autorités de facto d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie se doivent
de lever tout obstacle à la libre circulation des civils pour le
franchissement des lignes de démarcation administrative.
54. S’agissant de la République de Moldova, la Russie, lors de
son adhésion au Conseil de l’Europe, s’était engagée à procéder
au retrait de la 14e armée et de son
matériel du territoire de la Moldova dans un délai de trois ans
à compter de la date de signature de l’accord
intervenu entre
les gouvernements russe et moldove il y a dix-neuf ans de cela.
Il est donc grand temps que les autorités russes procèdent au retrait
des forces militaires russes restantes et de leur équipement du
territoire de la République de Moldova, et ce sans plus tarder.
La Russie et les autorités de fait de la Transnistrie se doivent
de mettre en œuvre sans délai l’arrêt de la Cour européenne des
droits de l’homme dans l’affaire
Catan
et autres c. Fédération de Russie et République de Moldova concernant
le droit à la scolarisation dans des écoles employant l’alphabet
latin, et de respecter la décision du Comité des Ministres
.
En outre, les autorités russes se doivent de lever l’embargo sur
les exportations de produits moldoves vers la Fédération de Russie.
Beaucoup ont vu dans cet embargo une tentative de faire pression
sur les autorités moldoves compte tenu de l’Accord d’association
qu’elles ont signé avec l’Union européenne en juin 2014, ainsi qu’un
moyen d’influer sur les élections législatives du 30 novembre 2014.
Il convient de noter à cet égard que l’embargo ne s’applique pas
aux produits de l’Unité territoriale autonome de Gagaouzie, où s’est
tenu le 2 février 2014 un référendum inconstitutionnel lors duquel 98 %
des électeurs se sont prononcés en faveur d’une adhésion à l’Union
douanière russe
.
55. En ce qui concerne l’Arménie, les autorités russes – et en
particulier l’ancien président et actuel Premier ministre Medvedev
– ont globalement joué un rôle constructif dans la recherche d’une
solution au conflit du Haut-Karabakh dans le cadre du Groupe de
Minsk de l’OSCE. Cependant, il a été noté que la Fédération de Russie
continuait de fournir des armes, y compris offensives, à l’Arménie
et à l’Azerbaïdjan et qu’elle s’était servi de cela comme moyen
de pression pour contraindre ces deux pays à s’aligner sur ses objectifs
de politique étrangère, ce qui a été le cas récemment avec l’adhésion
de l’Arménie à l’Union eurasiatique. J’appelle la Fédération de
Russie à mettre un terme à la fourniture d’armes offensives à l’Arménie
et à l’Azerbaïdjan.
5. Dialogue
56. Dans sa
Résolution 1990 (2014), l’Assemblée s’est dite convaincue que «le dialogue
politique doit rester la voie privilégiée pour trouver un compromis»
et a décidé en conséquence de ne pas suspendre les pouvoirs de la
délégation russe, car cela rendrait «ce dialogue impossible» et
empêcherait l’Assemblée de «continuer à obliger la délégation russe
à rendre des comptes sur la base des valeurs et des principes du
Conseil de l’Europe». Les sanctions appliquées par l’Assemblée en
avril 2014 sont donc considérées comme une réponse minimale, permettant
de laisser ouvertes les voies du dialogue et de la communication.
57. Malheureusement, le 18 avril 2014, la Douma russe a adopté
une déclaration sur «la résolution anti-russe de l’Assemblée parlementaire
du Conseil de l’Europe». Le texte de cette déclaration figure en
annexe 2 au présent rapport. La Douma y a considéré que l’adoption
de la
Résolution 1990
(2014) faisait «deux poids, deux mesures» et qu’il s’agissait
d’une manifestation de «discrimination» à l’égard de la délégation
russe. Les critiques qui avaient été exprimées au sujet des actions
de la Fédération de Russie dans le cadre des débats sur les pouvoirs
de la délégation russe et sur les événements de la place Maidan
en Ukraine ont été qualifiées par elle de «discours russophobe et
d’injures directes à l’encontre de la Fédération de Russie» par
des membres qui n’ont «aucun droit moral de juger la Russie et d’adopter
des sanctions à son encontre». En conséquence, la Douma d’Etat a
décidé qu’elle ne prendrait part aux travaux de l’Assemblée que
lorsque les droits de la délégation russe seraient pleinement rétablis
et que cette dernière aurait la possibilité de participer aux processus
décisionnels. Elle a ajouté qu’«aucune proposition de reprise du
dialogue sur fond de sanctions et de discrimination à l’égard de
la Russie n’est acceptable».
58. Je ne peux que déplorer et réprouver cette déclaration de
la Douma russe, qui rejette de fait les possibilités de dialogue
que l’Assemblée avait expressément laissées ouvertes en décidant
de ne pas suspendre les pouvoirs de la délégation russe. En dépit
de cette déclaration, l’Assemblée parlementaire a continué à prendre
des initiatives pour poursuivre le dialogue, notamment par le biais
du Comité des Présidents et de la commission de suivi.
59. Certains responsables de groupes politiques à l’Assemblée
ont maintenu des contacts avec la Douma d’Etat russe et en particulier
avec son président, M. Sergey Narychkine. Par ailleurs, la présidente
de l’Assemblée, Mme Anne Brasseur, s’est
entretenue à plusieurs reprises au téléphone avec M. Narychkine, exhortant
la Douma d’Etat à engager le dialogue et à participer aux travaux
de l’Assemblée, à moins que la délégation russe ne tienne à s’isoler
encore plus de cette dernière. A la suite d’une visite de présidents
de groupes politiques à Moscou, il a été décidé d’organiser une
réunion entre M. Narychkine et le Comité des Présidents à Paris
en septembre 2014. A l’issue de cette réunion, les autorités russes
ont accepté de lever leurs objections à une visite planifiée des
corapporteurs de la commission de suivi sur la Russie et consenti
à la participation des membres russes à la commission de suivi et
à sa sous-commission ad hoc sur la politique de voisinage de la
Russie; elles ont également autorisé Mme Olga
Kazakova à présenter l’avis de la commission sur l’égalité et la
non-discrimination «Faire barrage aux manifestations de néonazisme»
à la partie de session de septembre 2014 de l’Assemblée. D’autres
réunions entre M. Narychkine et le Comité des Présidents ont eu
lieu par la suite pour discuter des relations entre l’Assemblée
et la délégation russe.
60. La commission de suivi a contribué activement à l’établissement
d’un dialogue avec la délégation russe. Dans la
Résolution 1990 (2014) sur le réexamen, pour des raisons substantielles, des
pouvoirs déjà ratifiés de la délégation russe, la commission de
suivi avait été invitée à envisager la création d’une sous-commission d’enquête
chargée d’examiner et de suivre les développements liés au conflit.
Lorsque j’ai présenté cette proposition à la commission et à l’Assemblée,
en tant que rapporteur et président de la commission de suivi, j’ai
indiqué clairement que le but de cette sous-commission ad hoc était
de réunir les corapporteurs de la commission sur la Russie, l’Ukraine,
l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Géorgie et la République de Moldova
avec des représentants de la délégation russe pour examiner la politique
de voisinage de la Russie à l’égard de ces pays et évoquer les conflits
concernant ces pays auxquels la Fédération de Russie est directement
partie prenante et/ou dans lesquels elle fait office de médiateur
ou de force de maintien de la paix. Cette proposition reposait sur
la conviction qu’il fallait s’attendre à une nouvelle contestation
des pouvoirs de la délégation russe, étant donné que les actions
de la Russie contre l’Ukraine et sa politique de voisinage à l’égard
d’autres anciennes républiques soviétiques continueraient de violer
ses obligations et engagements d’adhésion au Conseil de l’Europe.
61. Sur proposition de ma part, la commission a donc décidé, le
26 juin 2014, de créer une sous-commission ad hoc sur la politique
de voisinage de la Russie à l’égard des autres Etats membres du
Conseil de l’Europe, composée des présidents des groupes politiques
de l’Assemblée et des rapporteurs de la commission de suivi sur
l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Géorgie, la République de Moldova,
l’Ukraine et la Russie, ainsi que du président de la commission
de suivi et de deux membres de la délégation russe à l’Assemblée.
62. La sous-commission ad hoc s’est réunie le 22 septembre 2014
à Vienne, le 2 décembre 2014 à Berlin et le 20 janvier 2015 à Paris.
Je tiens à remercier le Bundestag allemand et le Parlement autrichien
d’avoir accueilli ces réunions dans leurs locaux et d’avoir apporté
leur assistance à la sous-commission pour ces travaux importants.
Il est encourageant de noter que M. Slutsky et M. Pouchkov ont participé
à toutes les réunions de la sous-commission et contribué activement
aux discussions sur des questions fort complexes. A sa troisième
et dernière réunion à Paris, le 20 janvier 2015, la sous-commission
a examiné un certain nombre de recommandations sur la politique
de la Russie à l’égard de ses voisins, qui ont été intégrées à la
précédente partie du présent rapport.
63. En ce qui concerne la contestation des pouvoirs de la délégation
russe, il importe de souligner la nécessité de maintenir le dialogue
avec les autorités russes et la délégation russe. Il ne fait aucun
doute que la Russie n’est pas étrangère à ce qui se passe en Ukraine,
et il ne peut donc y avoir de règlement du conflit dans l’est de
l’Ukraine sans sa participation. Le Conseil de l’Europe et son Assemblée
se doivent de jouer un rôle actif dans la résolution du conflit
en Ukraine, mais cela implique de maintenir un dialogue constructif
avec la délégation russe. Or, le maintien d’un dialogue entre deux
acteurs ne peut se faire sans leur participation à tous les deux,
de bonne foi. Il est donc important que le Parlement russe et sa
délégation expriment leur volonté claire d’engager avec l’Assemblée
un dialogue sans conditions préalables sur le respect par la Russie
de ses obligations et engagements à l’égard du Conseil de l’Europe,
notamment en ce qui concerne sa politique vis-à-vis de ses voisins.
L’acceptation d’un tel dialogue est un principe fondamental de l’adhésion
à l’Assemblée parlementaire, qui incombe à toutes les délégations.
64. On notera enfin que, pour les autorités russes, les relations
actuelles entre le Parlement russe et l’Assemblée sont essentiellement
une problématique qui concerne ces deux entités; cela ne compromet
pas la coopération de la Russie avec les autres organes et institutions
du Conseil de l’Europe et sa participation à ces dernières. La Russie
continue de jouer un rôle actif dans les travaux du Comité des Ministres
et a établi une relation constructive et efficace avec le Bureau
du Conseil de l’Europe à Moscou pour la mise en œuvre des programmes
de coopération du Conseil de l’Europe.
6. Sanctions prises
par l’Assemblée
65. Conformément à l’article 10 du Règlement de l’Assemblée,
tout rapport soumis à cette dernière contestant les pouvoirs d’une
délégation en application des articles 7, 8 ou 9 doit proposer l’une
des trois options suivantes: a) la ratification ou la confirmation
des pouvoirs; b) la non-ratification ou la non-confirmation des
pouvoirs; c) la ratification ou la confirmation des pouvoirs, assortie
de la privation ou de la suspension, applicable aux membres de la
délégation concernée, de l’exercice de certains des droits de participation
ou de représentation aux activités de l’Assemblée et de ses organes.
66. Le 11 avril 2014, le Bureau de l’Assemblée a invité la commission
du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles à
«élaborer une liste des droits de participation ou de représentation
dont l’exercice peut faire l’objet d’une privation ou d’une suspension
dans le cadre d’une contestation ou d’un réexamen des pouvoirs (...)».
Le 30 septembre 2014, la commission a approuvé un avis pour le Bureau
sur
cette question, préparé par Mme Nataša
Vučković (Serbie, SOC). Cet avis a été approuvé par le Bureau de
l’Assemblée à sa réunion du 30 septembre 2014.
67. Dans son avis, Mme Vučković a souligné
qu’il serait impossible de donner une liste exhaustive des droits de
participation
ou de représentation
susceptibles
d’être retirés à une délégation ou suspendus, car les possibilités
n’auraient de limite que l’imagination des membres
. Elle a toutefois précisé dans
son exposé des motifs que toute sanction devrait être cohérente
et reposer sur les principes de la sécurité juridique et de la proportionnalité
avec la gravité de l’infraction en cause.
68. Les principes de sécurité juridique et de proportionnalité
sont par conséquent d’importants critères à prendre en considération
lors des discussions et des décisions sur les éventuelles sanctions
à appliquer à la délégation parlementaire russe. En l’occurrence,
la sécurité juridique implique de veiller à ce que des violations similaires
conduisent à des sanctions similaires si elles venaient à se répéter,
et que des actions similaires d’autres délégations entraînent des
sanctions de même niveau. Le respect de la proportionnalité signifie
que, s’il est décidé d’appliquer des sanctions, ces dernières –
ou l’absence de ces dernières – ne devront pas, par leur trop grande
sévérité ou leur trop grande légèreté, empêcher l’Assemblée de sanctionner
par la suite un pays donné pour des violations plus graves ou moins
graves de ses obligations et engagements.
7. Conclusions
69. Il ressort clairement de ce qui précède que, tant
pour ce qui est de la Crimée qu’en ce qui concerne l’évolution de
la situation dans l’est de l’Ukraine, la Russie enfreint le droit
international, agit en violation du Statut du Conseil de l’Europe
et ne respecte pas les engagements qu’elle a pris envers l’Organisation
au moment de son adhésion à cette dernière. Face à ces atteintes,
l’Assemblée se devait de réagir.
70. Pour autant, si la Russie tient indubitablement une part dans
les événements qui se déroulent dans l’est de l’Ukraine et en Crimée
– et en est même, à bien des égards, la cause -, aucune solution
ne pourra à l’évidence être trouvée sans une participation et un
engagement à part entière de la Fédération de Russie. Aussi l’Assemblée
se doit-elle, plus que jamais, de maintenir avec la délégation russe
un dialogue constructif sur cette question ainsi que sur le respect
de ses engagements et obligations envers le Conseil de l’Europe. Si
le Parlement russe a dans un premier temps rejeté ce dialogue avec
l’Assemblée, des signes clairs montrent que la Douma est à présent
prête à l’accepter.
71. C’est la raison pour laquelle je propose, afin de favoriser
un tel dialogue, que l’Assemblée ratifie les pouvoirs de la délégation
russe. Comme je l’ai indiqué dans la
Résolution 1990 (2014), la participation de la délégation russe aux travaux
de l’Assemblée est une condition indispensable pour que celle-ci
puisse l’obliger à rendre des comptes sur la base des valeurs et
des principes du Conseil de l’Europe. Dans le même temps, l’Assemblée
ne peut que maintenir un certain nombre de sanctions pour indiquer
qu’elle condamne la poursuite des graves violations du Statut du
Conseil de l’Europe et le non-respect des engagements pris par la
Russie au moment de son adhésion, mais sans empêcher le nécessaire
dialogue. Je propose par conséquent à l’Assemblée de suspendre les
droits ci-après de la délégation russe pour la durée de la session
2015: droit être désigné rapporteur, droit d’être membre d’une commission
ad hoc d’observation des élections, et droit de représenter l’Assemblée
dans les instances du Conseil de l’Europe ainsi qu’auprès d’institutions
et d’organisations extérieures, tant sur instruction qu’à titre
occasionnel.
72. Il va de soi que l’Assemblée entend que l’importance qu’elle
attache manifestement au dialogue soit réciproque et débouche sur
des résultats concrets. Elle ne saurait accepter que son offre de
dialogue soit rejetée ou que la Russie continue d’ignorer ses obligations
essentielles et les engagements auxquels elle a souscrit en devenant
membre du Conseil de l’Europe. Outre les sanctions énoncées ci-dessus,
l’Assemblée devrait par conséquent envisager la possibilité de suspendre,
lors de l’ouverture de la partie de session de juin 2015, les droits
de vote et de représentation de la délégation russe au Bureau de
l’Assemblée, au Comité des Présidents et à la Commission permanente
s’il devait s’avérer que la Russie n’a pas fait de progrès tangibles
et mesurables pour améliorer la situation des droits de l’homme
en Crimée, n’a pas retiré ses forces militaires d’Ukraine et n’a
pas cessé de livrer des armes aux rebelles, si des avancées tangibles
et mesurables n’ont pas été réalisées concernant le respect des
obligations qui incombent aux Etats membres à l’égard des pays voisins,
comme indiqué aux paragraphes 53 à 55, ou si la Russie n’apporte
pas sa pleine et entière coopération aux initiatives prises par
l’Assemblée pour appuyer la mise en œuvre des protocoles de Minsk.