I. Remarques
préliminaires
1. La présente annexe comporte
des informations actualisées initialement fournies par les mémorandums établis
pour les auditions que la commission des questions juridiques et
des droits de l’homme (ci-après «la commission») a tenues entre
avril 2012 et janvier 2013. Il tient également compte des informations
apportées par certaines délégations en réponse à mes courriers du
7 juin 2013 qui les invitaient à faire des observations sur l’Addendum
à mon précédent document de mai 2013, «Mise en œuvre des arrêts
de la Cour européenne des droits de l’homme: préparation du 8e rapport.
Bilan et propositions du rapporteur»
. Au second semestre 2013,
les délégations suivantes ont répondu à ma demande: la Bulgarie,
la Grèce, l’Italie, la Pologne, la Roumanie, le Royaume-Uni, la
Turquie et l’Ukraine.
2. Cette annexe a pour objectif de donner une vue d’ensemble
des principales difficultés en matière de mise en œuvre des arrêts
de la Cour européenne des droits de l’homme («la Cour») rencontrées
par les neuf Etats qui font l’objet de ce 8e rapport,
à savoir l'Italie, la Turquie, la Fédération de Russie, l’Ukraine,
la Roumanie, la Grèce, la Pologne, la Hongrie – qui ne figurait
pas dans l’Addendum de 2013 – et la Bulgarie. Les problèmes examinés
sont notamment la durée excessive des procédures judiciaires (particulièrement endémique
en Italie, mais présente également en Bulgarie, en Grèce, en Hongrie,
en Pologne, en Roumanie et en Ukraine), l’inexécution chronique
des décisions judiciaires internes (phénomène très largement répandu, notamment
en Fédération de Russie et en Ukraine), les décès et les mauvais
traitements infligés par des membres des forces de l’ordre et l’absence
d’enquêtes effectives à cet égard (tout particulièrement en Fédération
de Russie), les mauvaises conditions de détention (en particulier
en Bulgarie, en Roumanie, en Fédération de Russie et en Ukraine),
la détention illégale ou la durée excessive de la détention provisoire (notamment
en Fédération de Russie, en Turquie et en Ukraine) et diverses violations
de la Convention subies par des étrangers faisant l’objet d’une
expulsion ou demandant l’asile (surtout en Grèce et en Italie).
L’annexe fait le point sur les progrès réalisés depuis le 7e rapport
de M. Pourgourides
et met l’accent sur les affaires qui
sont soumises à la procédure de surveillance soutenue du Comité
des Ministres et qui soulèvent des problèmes structurels et/ou complexes
d’après le 8e Rapport annuel du Comité
des Ministres 2014 sur la surveillance de l’exécution des arrêts
et décisions de la Cour européenne des droits de l’homme
.
Je n’étais pas en mesure d’inclure dans cette annexe les problèmes
qui ont été soulevés lors de la dernière – 1230e – réunion
DH du Comité des Ministres (les 9-11 juin 2015)
.
3. Bien que la question ne soit pas directement pertinente dans
le cadre de l’examen des problèmes les plus difficiles en matière
de droits de l’homme, la fin du présent document traite des problèmes
non résolus liés à l’inexécution de certains arrêts de la Cour par
le Royaume-Uni.
II. Vue d’ensemble par Etat
1. Italie
4. Pour l'Italie, le rapport de
M. Pourgourides a recensé les principaux problèmes suivants:
- durée excessive de la procédure
judiciaire;
- absence de recours effectif à cet égard;
- expulsion de ressortissants étrangers en violation de
la Convention .
5. Le rapport porte également sur la question de «l’expropriation
indirecte»
.
J’ai effectué une visite d’information à Rome les 22 et 23 octobre
2014, durant laquelle j’ai évoqué ces problèmes avec les autorités et
des représentants de la société civile (Amnesty International, Associazione
Antigone, axée sur les droits des personnes détenues, et Centro
Astalli, qui traite des questions liées aux migrants).
1.1 Durée excessive de la procédure
judiciaire
6. Le système judiciaire italien
est rongé depuis des décennies par ce problème, qui a accru chaque
année l'arriéré d'affaires à traiter. Le Comité des Ministres examine
à l'heure actuelle plus de 2 000 affaires en la matière. La plupart
de ces affaires concernent des situations d’avant 2001, quand le
recours compensatoire a été introduit en Italie, alors que les affaires
plus récentes concernent le fonctionnement de ce recours.
7. Dans sa dernière Résolution intérimaire (2010) 224 du 2 décembre
2010
,
le Comité des Ministres a invité instamment l'Italie à lui transmettre
des statistiques sur la situation de l'arriéré d'affaires à traiter
et à adopter des mesures efficaces pour régler ce problème. D'après
les dernières statistiques fournies par les autorités italiennes
dans leur plan d'action du 25 octobre 2011
, une évolution
importante s’est produite. Fin 2010, le nombre d'affaires civiles
pendantes devant les juridictions italiennes avait diminué d'environ
360 000 (c’est-à-dire de 4 %), pour se situer à 5 466 346. En outre,
à la date du plan d’action le nombre d'affaires civiles nouvelles
avait décliné par rapport aux années précédentes, principalement
grâce à une nouvelle procédure de médiation préliminaire obligatoire
dans certains litiges de droit civil.
8. Le plan d'action correspondant mentionne d’autres mesures
prises: l’introduction de procédures simplifiées pour des litiges
civils moins complexes et la mise en place d'un montant minimal
de frais judiciaires pour les procédures engagées à l'encontre des
sanctions administratives, afin de dissuader les requêtes manifestement
mal fondées. Le 6 octobre 2011, une nouvelle législation est entrée
en vigueur, qui vise à simplifier les procédures civiles, en les
limitant à trois types
.
D'autres mesures ont été adoptées, dont la numérisation des dossiers,
ce qui permet de les consulter plus facilement et bien plus rapidement
par des moyens informatiques. Un mode de gestion uniforme des dossiers
des affaires civiles en appel a été mis en place dans toute l'Italie
fin mars 2011. Enfin, les bonnes pratiques ont été diffusées très
largement et des juges honoraires ont été nommés pour éliminer l’arriéré
des affaires.
9. Lors de sa 1136e réunion en mars
2012, le Comité des Ministres a salué l'engagement pris une nouvelle fois
par les autorités italiennes à prendre des mesures supplémentaires
et suivre les résultats de celles qui avaient déjà été adoptées,
ainsi que la légère diminution de la durée de la procédure de faillite
et de l'arriéré d'affaires civiles. Il a cependant demandé que des
«mesures additionnelles d'envergure» soient adoptées, considérant
que cette situation était «extrêmement préoccupante»
, constituait «un
grave danger pour le respect de la prééminence du droit, conduisant
à un déni des droits consacrés par la Convention» et représentait
une «menace sérieuse pour l’efficacité du système de la Convention».
Cette évaluation était à nouveau soulignée par une lettre du 14 décembre
2011, adressée par le greffe de la Cour au Président du Comité des
Ministres, qui attire l'attention du Comité des Ministres sur la
gravité de la situation, compte tenu du nombre significatif d'affaires
qui continuent à affluer devant la Cour
.
10. En dépit des appels répétés du Comité des Ministres (voir
la décision adoptée lors de sa 1144e réunion (DH)
de juin 2012)
, il apparaît que les autorités ne
sont toujours pas parvenues à régler les questions relatives au
suivi de l’impact des mesures déjà prises en matière de procédures
civiles. S’agissant des procédures administratives, la dernière
information fournie remonte au 30 juillet 2012
. Les autorités ont indiqué qu'une
réforme législative avait abouti à l'adoption en 2010 d'un nouveau
Code de procédure administrative, lequel est entré en vigueur le
26 septembre 2010. A la suite de cette réforme, en 2011, les juridictions
administratives (le Conseil d’Etat et les tribunaux administratifs
régionaux) ont enregistré une baisse globale de l’arriéré des affaires.
Selon les autorités italiennes, même si les résultats de cette réforme sont
«freinés» par la nécessité de traiter l'arriéré, la durée des procédures
administratives se trouve à présent en bien meilleure position que
celle des procédures civiles. Les autorités n’ont toutefois pas
chiffré l’arriéré des procédures administratives et n’ont pas davantage
établi un calendrier des résultats escomptés à moyen terme, afin
d’évaluer l’impact de cette réforme sur l’arriéré et de définir
les mesures additionnelles, le cas échéant
dont le Comité des Ministres a
tenu compte dans sa décision prise lors de sa 1157e réunion
(DH) en décembre 2012
.
11. Il ressort de la lettre du greffier de la Cour à la Présidence
du Comité des Ministres en date du 22 juin 2012 que l’Italie occupe
le premier rang parmi les sept Etats membres qui totalisent le plus
grand nombre de requêtes répétitives pendantes devant la Cour avec
plus de 8 000 requêtes portant sur la durée des procédures et l’exécution
des décisions prises en vertu de la loi Pinto
. Au cours de sa 1157e réunion
(DH) de décembre 2012, le Comité des Ministres a rappelé une nouvelle
fois que les retards excessifs dans l'administration de la justice
conduisent à «un déni des droits consacrés dans la Convention» et
constituent «une menace sérieuse pour l’efficacité du système de
la Convention» et a «[souligné] à nouveau l’urgence d’arrêter le
flux de nouvelles requêtes répétitives devant la Cour européenne
et l’urgence d’aboutir à une solution durable du problème structurel
des durées excessives des procédures»; il a par conséquent demandé instamment
aux autorités italiennes de lui soumettre un «plan d’action consolidé»
.
12. En avril 2013, les autorités italiennes ont fourni des informations
actualisées au sujet des mesures prises ou envisagées
, qui ont fait l’objet
d’un examen attentif du Service de l'exécution des arrêts de la
Cour européenne des droits de l'homme présenté dans le document
d’information
CM/Inf(2013)21 du 6 mai 2013. Les autorités ont annoncé certaines mesures
visant à améliorer l’efficacité du système judiciaire comme la spécialisation
des juges, des mesures organisationnelles à la charge des chefs
des bureaux judiciaires (par ex. la préparation de plans d’action
annuels pour la gestion des affaires) ou à la charge des juges civils
(comme la fixation d’un «calendrier du procès»), la diffusion des
bonnes pratiques et la généralisation du recours aux technologies
de l’information. En ce qui concerne les affaires civiles, de nouvelles
règles de procédure s’appliquant aux demandes d’appel sont entrées
en vigueur le 11 septembre 2012 et permettent aux juges de filtrer
plus rapidement les appels manifestement mal fondés. La médiation
obligatoire en matière civile et commerciale introduite en 2010
a été jugée inconstitutionnelle en 2012 par la Cour constitutionnelle.
Les autorités ont également fourni des données statistiques relatives
uniquement toutefois aux juridictions de première instance. Ces
données témoignent d’un allongement de la durée moyenne des procédures
civiles (1 139 jours en 2012) et d’une tendance à la baisse pour
l’arriéré des affaires. S’agissant des affaires pénales, les autorités
ont fait part de leur intention de dépénaliser un certain nombre
d’infractions mineures mais ont omis de fournir des données statistiques
actualisées. De leur côté, les juridictions administratives ont enregistré
une baisse globale de l’arriéré d’affaires en 2012. Les autorités
ont également communiqué des informations montrant une diminution
de la durée moyenne des procédures de faillite en 2012.
13. Lors de sa 1172e réunion (DH) de
juin 2013
, le Comité des Ministres
a de nouveau souligné la nécessité d’adopter un mécanisme interne
de suivi pour évaluer l’impact des réformes et a aussi invité les autorités
italiennes à finaliser le «plan d’action consolidé», en étroite
coopération avec le Service de l'exécution des arrêts de la Cour
européenne des droits de l'homme et en tenant compte de ses observations
formulées dans le document d’information CM/Inf(2013)21. Il a salué
la détermination des autorités italiennes à adopter les mesures
nécessaires pour éradiquer le problème structurel de la durée excessive
des procédures judiciaires. Le Comité des Ministres a rappelé certaines
tendances encourageantes pour les procédures de faillite et administratives
et relevé que la plupart des réformes annoncées au Comité pour les
procédures civiles ont été adoptées. Il a toutefois indiqué que
des informations complémentaires (notamment concernant les procédures
pénales) et des données précises et actualisées étaient encore nécessaires
pour permettre une pleine évaluation de la situation
.
14. Durant et après ma visite à Rome, j’ai reçu des informations
supplémentaires concernant les mesures prises par les autorités
italiennes entre 2013 et 2014 pour réduire la durée des procédures
civiles (y compris celles introduites par les décrets lois 69/2013,
132/2014 et 90/2014): la «négociation assistée» (procédure extrajudiciaire
de résolution des litiges, avec l’aide d’avocats), le transfert
à un arbitre (obligatoirement un avocat), de nouvelles règles en
matière de médiation, un recours plus fréquent à la procédure sommaire,
une rationalisation et accélération de la procédure d’exécution
forcée, un renforcement de l’informatisation (rendant obligatoire
dans certains cas la soumission de documents en format électronique),
le recrutement de personnel qualifié supplémentaire chargé d’assister
les juges (
ufficio per il processo),
l’embauche de 400 «juges référendaires» au sein des juridictions
d’appel, et la désignation de juges en tant qu’auxiliaires juridiques
à la Cour de cassation (
magistrato assistente
di studio). Selon le ministère de la Justice, les retards
dans les procédures civiles étaient principalement dus à l’arriéré
d’affaires des juridictions d’appel et/ou de la Cour de cassation.
Lors de mon entrevue avec le Président de la Cour de cassation,
ce dernier a soulevé la question de l’accès à cette juridiction,
soulignant que les recours en cassation ne devraient pas être possibles
dans le cadre de petits litiges. Au 31 décembre 2013, 5,16 millions
d’affaires civiles étaient pendantes (contre 6 millions fin 2009;
ce chiffre témoigne d’une tendance à la baisse). Il est intéressant
de noter que, d’après le rapport 2014 de la Commission européenne
pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) fondé sur les données de
2012
, les juges italiens sont parmi les
plus productifs d’Europe. En ce qui concerne les affaires pénales,
j’ai appris lors de ma réunion à la Chambre des députés que l’initiative
visant à dépénaliser certaines infractions (mineures), la réforme
des délais de prescription et d’autres mesures structurelles étaient
en cours de mise en œuvre. Les procédures devant les juridictions
administratives s’étalaient habituellement sur cinq ans (pour deux
niveaux de recours), durée qui d’après les conseillers juridiques
du bureau du Conseil des Ministres, n’était pas satisfaisante.
1.2 Absence de recours effectif
15. Le groupe d'affaires
Mostacciuolo Giuseppe(I) porte sur plus de 160 affaires de
ce type. L’arrêt quasi pilote en 2010,
Gaglione
et autres ,
concerne 475 requérants qui se plaignaient d'un retard dans le versement
de leur indemnisation. La Cour a constaté en l'espèce que le retard
pris par les autorités italiennes pour l'exécution des «décisions
Pinto»
allait
de 9 à 49 mois et qu’il avait été de 19 mois dans 65 % ou plus de
ces affaires
. La
Cour a considéré qu'il s'agissait non seulement d'un facteur aggravant
de la responsabilité de l'Italie au titre de la Convention, mais
également d'une menace pour l'avenir du système européen des droits
de l'homme
.
Elle a également observé que près de 4 000 affaires portant sur
les retards de paiement de «l'indemnisation Pinto» étaient pendantes
devant elle.
16. Dans ses Résolutions intérimaires (2009) 42 du 19 mars 2009
et (2010) 224 du 2 décembre 2010
, le Comité des Ministres demandait à l'Italie
de modifier la «loi Pinto», qui accorde une indemnisation aux victimes
de procédures judiciaires excessivement longues
.
L'évolution de la jurisprudence nationale montrait une conformité
avec les critères définis par la Cour pour la fixation du montant
de l'indemnisation, mais le retard de paiement de l'indemnisation
accordée par les juridictions nationales continuait à poser de sérieux problèmes
.
Dans sa Résolution intérimaire CM/ResDH(2010) 224, le Comité des
Ministres a fait plusieurs propositions, y compris la modification
de la loi Pinto. Le 18 octobre 2011, l'Italie a transmis un plan
d'action, en expliquant que les propositions de la Cour et du Comité
des Ministres n'avaient pas été mises en œuvre à l'échelon national
à cause de la crise financière. L'Italie a en revanche jugé plus
efficace de consacrer des fonds supplémentaires pour s'attaquer
à la cause première de cette situation, à savoir la durée excessive
des procédures, et régler le nombre considérable d'actions en justice
.
17. Lors de leur 1136e réunion (DH)
en mars 2012, le Comité des Ministres a salué le fait que les autorités italiennes
se soient engagées à trouver une solution pour les retards de paiement
des indemnisations accordées au titre de la loi Pinto, et invité
les autorités à soumettre des propositions concrètes en la matière, ainsi
qu'un calendrier de mise en œuvre de ces propositions
. Malgré la soumission
d’un plan d'action actualisé en date du 30 mars 2012, conformément
à la décision adoptée lors de la 1144e réunion
(DH) en juin 2012, les autorités italiennes devaient encore fournir
au Comité des Ministres des explications détaillées sur le plan
annoncé pour le paiement de l’arriéré des sommes octroyées au titre
de la loi Pinto. Elles ont uniquement confirmé que, le 30 octobre
2012, le ministère de la Justice avait commencé à effectuer le paiement
de l’arriéré de ces sommes pour la période allant de 2005 à 2008
.
18. Des modifications ont été apportées à la loi Pinto par le
décret-loi no 83, adopté le 22 juin 2012
et entré en vigueur le 26 juin 2012. Les nouvelles dispositions
mettent en place une procédure écrite pour l’examen des demandes
d’indemnisation. D’autres dispositions subordonnent l’accès au recours
Pinto au règlement définitif de la procédure principale et excluent
ou limitent l’indemnisation dans certains cas. Ces modifications ont
donné lieu à un échange entre le Secrétariat du Comité des Ministres
et les autorités au sujet de leur compatibilité avec la Convention
et la jurisprudence de la Cour en matière d’efficacité des voies
de recours et de critères d’indemnisation
. L’article 3.7 de la loi Pinto prévoyant
que le paiement des indemnités est effectué dans la limite des ressources
disponibles, n’a pas fait l’objet de modifications. La nouvelle
législation maintient le caractère purement indemnitaire du recours
Pinto. Lors de sa 1157e réunion (DH)
en décembre 2012, le Comité des Ministres a observé avec inquiétude
que ces modifications pourraient être susceptibles de soulever des
questions de compatibilité avec la Convention et la jurisprudence
de la Cour
.
19. En novembre 2012, les autorités ont annoncé qu’elles envisageaient
de modifier le système de financement des compensations «Pinto»
, d’exclure
de la saisie les fonds octroyés pour leur paiement et ont alloué
50 millions d’euros pour ces paiements dans le budget pour 2013.
Cependant, aucun calendrier pour l’adoption de la réforme du système
de financement prévu par la loi «Pinto» n’a été présenté
.
20. Dans sa décision prise lors de sa 1172e réunion
(DH) en juin 2013
, le Comité des Ministres
a une nouvelle fois invité les autorités italiennes à fournir des
informations concernant la levée des limites budgétaires aux paiements
des indemnités octroyées en vertu de la loi «Pinto» et l’attribution
des fonds nécessaires pour le paiement de l’arriéré de ces indemnités.
Il a insisté sur l’urgence d’endiguer le flot de requêtes répétitives
devant la Cour provoqué par les lacunes du recours «Pinto».
21. Le 5 septembre 2013, l’Italie a communiqué de nouvelles informations
relatives aux progrès réalisés en vue de liquider les recours répétitifs
devant la Cour européenne des droits de l’homme concernant le fonctionnement
du mécanisme prévu par la loi Pinto
. Aux termes du plan d’action établi
pour la période 2012-2014, et avec l’accord du greffe de la Cour,
les autorités cherchaient à conclure les plus de 7 000 affaires pendantes
devant la Cour avec des propositions de règlement amiable ou des
déclarations unilatérales.
22. A la suite de ma visite à Rome, j’ai été informé de l’augmentation
des fonds alloués pour le paiement des indemnités octroyées en vertu
de la loi Pinto, le ministère de la Justice disposant à cet effet
de 100 millions d’euros (55 millions attribués pour 2013-2015 auxquels
s’ajoutent les 45 millions alloués en 2014). En 2013, le ministre
italien des Finances en qualité d’ordonnateur des finances publiques
au niveau national a autorisé le ministère de la Justice à régler
ces indemnités, en dépit même de l’absence de fonds dans le chapitre budgétaire
concerné, en recourant à la procédure du «compte d’attente» (qui
consiste à utiliser de l’argent avancé par la Banque d’Italie).
En d’autres termes, dans la pratique, l’article 3.7 de la loi Pinto
n’avait plus aucune importance.
1.3 Expulsion des ressortissants
étrangers
23. Le groupe d’affaires
Saadi concernait des violations
potentielles de l'article 3 de la Convention si les requérants avaient
été expulsés vers leur pays d'origine (en l'espèce la Tunisie),
alors qu'il existait un risque réel qu’ils fassent l'objet de mauvais
traitements
. Le groupe d’affaires
Ben Khemais (qui
inclut aussi les arrêts
Mannai ,
Toumi et
Trabelsi ), concerne des violations
des articles 3 et 34 en raison de l’expulsion des requérants en
Tunisie, malgré le risque réel de mauvais traitement auquel ils
étaient exposés dans ce pays, et du non-respect des mesures provisoires
de la Cour qui ordonnaient à l’Italie la mainlevée des ordonnances
d'expulsion jusqu’à nouvel ordre
.
24. Dans une série de décisions d’irrecevabilité prises à l’égard
de l’Italie en 2012, la Cour a confirmé sa nouvelle position
selon laquelle il
n’existe aucun motif sérieux de croire que les requérants courraient
un risque réel d’être soumis à des mauvais traitements en Tunisie
en raison de la récente transition démocratique engagée dans ce
pays. A la suite de ces décisions et des mesures individuelles et
générales prises par les autorités italiennes afin de mettre en
œuvre les arrêts rendus dans le groupe d’affaires
Saadi, le Comité des Ministres a,
lors de sa 1211e réunion (DH) en novembre
2014, décidé de clore l’examen de ces affaires
.
25. S’agissant plus spécifiquement du groupe d’affaires
Ben Khemais, au cours de sa 1108e réunion
(DH) en mars 2011, le Comité des Ministres a une nouvelle fois demandé
aux autorités de fournir des exemples démontrant que les mesures
provisoires indiquées par la Cour européenne sont respectées en
pratique, «notamment dans le cas où les juges de paix doivent valider
les décisions d’expulsion du Ministère de l’Intérieur ou des préfets»,
de fournir des informations «sur le suivi de la mise en œuvre des
exigences de la Convention, demandé par le ministère de la Justice
aux cours d’appel et sur les mesures envisagées pour créer un mécanisme
permettant d’informer rapidement toutes les autorités concernées
lorsqu’une mesure provisoire est indiquée par la Cour européenne»
.
Les autorités italiennes ont par la suite fourni un bilan d’action
; néanmoins, il
semble que les autorités sont toujours censées clarifier certains
aspects concernant les mesures individuelles et générales prises
dans ce groupe d’affaires
.
26. Fait intéressant, le Comité des Ministres procède également
actuellement à l’examen de l’affaire
Hirsi Jamaa
et autres , qui a trait à l’interception en mer et
au transfert vers la Libye par les autorités militaires italiennes
de 11 ressortissants somaliens et 13 ressortissants érythréens en
mai 2009. Selon la Cour, les requérants ont été exposés au risque
de subir des mauvais traitements en Libye et au risque d’être rapatriés arbitrairement
dans leur pays d’origine (deux violations de l’article 3 de la Convention).
Leur expulsion vers la Libye était de nature collective (violation
de l’article 4 du Protocole no 4) et
ils n’ont pas disposé d’un recours effectif (violation de l’article
13 combiné avec l’article 3 de la Convention et l’article 4 du Protocole
no 4). Le Comité des Ministres a reçu
plusieurs communications de la société civile
et du
HCR
,
appelant les autorités italiennes à prévenir à l’avenir les affaires
similaires de
refoulement.
Les autorités italiennes ont, le 6 juillet 2012, fourni un plan
d’action
. Le 25 juin 2014, les autorités italiennes
ont présenté un bilan d’action
, dans lequel elles assurent que
depuis que l’arrêt est devenu définitif en 2012, les renvois comme ceux
étant à l’origine des violations en l’espèce n’avaient plus eu lieu.
Les autorités ont aussi confirmé que les migrants interceptés en
mer jouissaient d’une protection entière en vertu de la législation
italienne et qu’ils pouvaient déposer des plaintes à une autorité
compétente pour obtenir une évaluation de leurs demandes d’asile
avant la mise en œuvre des mesures d’expulsion. De plus, les procédures
appliquées par la marine italienne étaient conformes au droit international
et à la législation nationale, y compris celles qui portent sur les
droits fondamentaux.
27. Lors de sa 1208e réunion (DH) en
septembre 2014
, le Comité des
Ministres a noté avec intérêt les efforts des autorités italiennes
afin d’obtenir les assurances que les requérants ne seront pas soumis
à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention en Libye
ou à un rapatriement arbitraire vers la Somalie ou l’Erythrée. Il
a par ailleurs rappelé les assurances fermes données par les autorités
que les précisions apportées dans le présent arrêt quant aux exigences
de la Convention ont été incorporées dans le droit et la pratique
italiens pour prévenir à l’avenir des renvois ou expulsions de ressortissants
étrangers. Le Comité a invité les autorités à fournir d’ici le 1er décembre
2014 davantage d’informations détaillées sur les mesures concrètes
de mise en œuvre prises, y compris les instructions, lignes directrices
et formations afin de lui permettre d’examiner la possibilité de
clôturer l’affaire. Comme l’ont souligné mes interlocuteurs à Rome,
tant les autorités que les ONG, l’Italie déploie des efforts considérables
pour sauver des vies humaines en mer, grâce notamment à l’opération
Mare Nostrum, qui a permis de secourir
plus de 140 000 personnes depuis octobre 2013, remplacée depuis
le 1er novembre 2014 par l’opération
Triton de l’agence Frontex
. Cependant, un soutien accru
de l’Union européenne et d’autres Etats s’avérait indispensable
pour répondre à ce problème
.
1.4 Questions diverses
1.4.1 «Expropriation indirecte»
28. La pratique dite de «l’expropriation
indirecte» (violation de l’article 1 du Protocole no 1)
doit
encore être réglée
. Le Comité
des Ministres examine en ce moment le groupe d'affaires
Belvedere Alberghiera SRL , qui se compose de plus
de 80 affaires
. Les autorités
italiennes ont adopté plusieurs mesures législatives dont le Comité
des Ministres s'est félicité dans sa Résolution intérimaire CM/ResDH(2007)3.
En octobre 2007, la Cour constitutionnelle a déclaré inconstitutionnelles
certaines dispositions relatives à l’expropriation dans l’intérêt
public. Cependant, le Comité des Ministres est toujours dans l’attente d’informations
portant sur les mesures de caractère général supplémentaires (en
particulier, l'éventuelle diminution ou suppression de la pratique
de l'expropriation indirecte, ainsi que de l'effet dissuasif de
la loi no 296/2006, en vertu de laquelle
les préjudices causés par l'occupation illicite d'un terrain sont
pris en charge par le budget de l'administration responsable).
1.4.2 Conditions de détention
29. Depuis 2009, le Comité des
Ministres a également été amené à examiner des questions liées au surpeuplement
carcéral et aux conditions de détention en Italie. Ce point a déjà
été soulevé avec l’affaire
Sulejmanovic , dans laquelle la
Cour a conclu à une violation de l’article 3 de la Convention eu
égard aux conditions de détention du requérant. Par ailleurs, dans
l’affaire
Cirillo c. Italie, la
Cour a conclu à une violation de l’article 3 de la Convention en
raison de l’inadéquation des soins médicaux dispensés en détention
. Etant donné que le problème
des conditions de détention inhumaines et dégradantes découle principalement
d’un problème structurel de surpeuplement dans les établissements
pénitentiaires d’Italie
,
la Cour a rendu un arrêt pilote dans l’affaire
Torreggiani et autres c. Italie , demandant
aux autorités de mettre en place, avant le 27 mai 2014, un recours
ou un ensemble de recours internes effectifs aptes à offrir un redressement
adéquat et suffisant s’agissant des violations de la Convention
en raison d’un surpeuplement carcéral. La Cour a également souligné
que des efforts soutenus sur le long terme s’avéraient nécessaires
pour résoudre le problème et noté qu’à la date du 13 avril 2012,
l’Italie affichait un taux de surpeuplement des prisons de 148 %, avec
42 % des détenus en attente d’être jugés et placés en détention
provisoire.
30. Les autorités ont fourni un plan d’action
le 29 novembre 2013, puis des informations complémentaires
et un plan d’action révisé le 15 septembre 2014
. Lors de sa 1201e réunion
(DH) de juin 2014, le Comité des Ministres s’est félicité de l’engagement
des autorités à résoudre le problème de la surpopulation carcérale
en Italie et des résultats significatifs obtenus en ce domaine,
dont la baisse importante et continue de la population carcérale
et l’augmentation de l'espace de vie à au moins 3m² par détenu.
Il a également salué la création d'un recours préventif et les mesures
prises pour établir le recours indemnitaire. Après l’adoption, en
septembre 2014, d’un décret-loi sur ce recours compensatoire, la
Cour a conclu, en principe, à l’efficacité des recours introduits
par l’Italie afin de permettre aux personnes détenues de se plaindre d’éventuelles
violations de l’article 3 de la Convention
.
Lors de sa 1214e réunion (DH) (2-4 décembre
2014), le Comité des Ministres s’est félicité des nouveaux recours
et a souligné l’importance du suivi de leur mise en œuvre. Il a
noté avec intérêt les dernières statistiques fournies par les autorités,
qui continuent à démontrer une baisse du taux de surpeuplement,
et a invité les autorités à fournir un plan d’action consolidé d’ici
le 1er décembre 2015. Au vu de l’avancée
dans la mise en œuvre de ces arrêts, le Comité des Ministres a décidé de
les examiner selon la procédure de surveillance standard.
31. Au cours de ma visite à Rome, les autorités m’ont informé
des efforts entrepris pour limiter le problème du surpeuplement
carcéral. Des représentants d’ONG ont convenu que certaines améliorations
étaient visibles mais se sont plaints des conditions de rétention
particulièrement médiocres des migrants dans les centres temporaires.
1.4.3 L’affaire M.C. et autres
32. Une autre affaire –
M.C. et autres –
est actuellement à l’examen par le Comité des Ministres dans le cadre
de sa procédure de surveillance soutenue. Elle concerne un problème
systémique découlant d’une intervention législative qui a annulé
rétroactivement et de manière discriminatoire la réévaluation annuelle
de la partie complémentaire d’une indemnité versée aux requérants
ou à leurs proches décédés pour avoir subi des contaminations virales
accidentelles (violations de l’article 6.1 de la Convention et de
l’article 1 du Protocole no 1 seul ou
combiné avec l’article 14 de la Convention). La Cour a invité les
autorités à fixer, d’ici le 3 juin 2014, un délai impératif dans
lequel elles s’engagent à garantir la réalisation effective et rapide
du droit à une réévaluation annuelle. Les autorités italiennes ont,
le 22 septembre 2014, soumis une communication concernant l’adoption
de mesures générales
. En décembre 2014, le Comité des
Ministres a décidé de reprendre l’examen de l’affaire au plus tard
lors de sa 1242e réunion (décembre 2015),
en vue d’examiner l’état de l’adoption et de mise en œuvre des mesures
générales encore requises
.
2. Turquie
33. Le rapport de M. Pourgourides
a résumé les principaux problèmes rencontrés en Turquie comme suit:
- impossibilité de rouvrir une
procédure;
- emprisonnement à répétition pour objection de conscience;
- violations du droit à la liberté d’expression;
- durée excessive de la détention provisoire;
- actes des forces de sécurité;
- questions relatives à Chypre .
34. L’examen des problèmes de la durée excessive des procédures
judiciaires et de l’absence de recours effectif à cet égard, mentionnés
dans mon précédent document d’information – AS/Jur (2013) 14 Addendum –
(voir les affaires
Ormanci et autres
c. Turquie et
Ümmühan Kaplan c. Turquie )
, a
été clos par le Comité des Ministres en décembre 2014
à
la suite de l’adoption par la Turquie de mesures individuelles et générales.
Les 24 et 25 avril 2014, je me suis rendu à Ankara, où j’ai rencontré
les autorités compétentes et des représentants de la société civile
(de l’IHOP – Plate-forme des droits de l’homme).
2.1 Impossibilité de rouvrir
une procédure
35. Dans le groupe d’affaires
Hulki Günes c. Turquie ,
la Cour a estimé que les requérants avaient été condamnés au terme
d’une procédure pénale inéquitable et sur la base de dépositions
de témoins qui ne se sont jamais présentés à la barre ou de déclarations
obtenues sous la contrainte et en l’absence d’un avocat (violations
des articles 3 et 6 paragraphes 1 et 3.
c de
la Convention
).
La Cour a demandé la réouverture de la procédure
, mais
le Code turc de procédure pénale prévoit uniquement la réouverture
des décisions de justice devenues définitives avant le 4 février
2003 et des requêtes introduites devant la Cour après cette date
.
37. La loi susmentionnée est entrée en vigueur le 30 avril 2013.
Le requérant dans l’affaire
Hulki Günes a
alors déposé une demande de réouverture de la procédure, qui a été
acceptée par la juridiction nationale compétente, et une nouvelle
instruction a commencé. Lors de sa 1172e réunion
(DH) (4-6 juin 2013
), le Comité des Ministres a invité
les autorités turques à fournir des informations supplémentaires
sur les progrès accomplis dans la réouverture des procédures par
les autres requérants de ce groupe et décidé de poursuivre la surveillance
des affaires de ce groupe selon la procédure standard. Le 31 mars
2015, les autorités turques ont fourni un bilan d’action concernant
les mesures individuelles et générales
. D’après ce document,
la condamnation de M. Hulki Günes a été maintenue et les autres
requérants n’ont pas demandé la réouverture des procédures ou l’ont
demandée après le délai de trois mois.
2.2 Emprisonnement à répétition
pour objection de conscience
38. Dans l’affaire
Ülke c. Turquie , la Cour a conclu à
la violation de l’article 3 de la Convention par la Turquie en raison
de la condamnation et de l’emprisonnement à répétition du requérant
pour objection de conscience
.
Selon la Cour, l’attitude des autorités turques a contraint le requérant
à entrer dans la clandestinité et à mener une existence qui équivaut
à une «mort civile
».
39. Après plusieurs années d’inaction et d’absence de communication
des autorités turques
, le Comité des
Ministres a finalement pu se féliciter, lors de sa 1144e réunion
(DH) (juin 2012), de la levée par le tribunal militaire d’Eskisehir
du mandat d’arrêt pour désertion lancé contre le requérant
.
Le Comité des Ministres ignore cependant «si le requérant fait toujours
l’objet de poursuites ou d’une condamnation et s’il peut exercer ses
droits civiques sans entrave
». Comme
l’a souligné l’avocat du requérant, «la levée du mandat d’arrêt est
certes importante», mais «elle supprime seulement une partie du
problème
». Le Comité
des Ministres a demandé aux autorités turques de le tenir informé
de la situation du requérant et de lui fournir un calendrier précis
de l’adoption des mesures générales exigées, qui font actuellement
l’objet de consultations entre les autorités turques compétentes
.
40. Lors de sa 1150e réunion (DH) (septembre
2012), le Comité des Ministres a pris note avec intérêt des assurances
données par les autorités turques
sur la possibilité
pour le requérant d’exercer ses droits civiques sans aucune entrave,
d’obtenir un passeport et de voyager à l’étranger
. Toutefois, par suite de l’application
de la législation en vigueur, une enquête ouverte au sujet du requérant
pour désertion était toujours pendante; il pouvait donc encore,
en théorie, être poursuivi et condamné
. Lors de sa 1157e réunion (DH),
en décembre 2012, le Comité des Ministres a constaté avec préoccupation
que d’autres mesures individuelles devaient encore être prises dans
les affaires
Erçep et
Feti Demirtaş .
Il a invité instamment les autorités turques à supprimer tous les
effets des violations pour les requérants
et à «prendre les mesures législatives
nécessaires afin de prévenir les poursuites et condamnations des
objecteurs de conscience et de s’assurer qu’une procédure efficace
et accessible leur soit ouverte afin d’établir s’ils peuvent avoir
le statut d’objecteur de conscience
». Depuis lors, le requérant a déposé
une requête devant la Cour constitutionnelle le 2 juin 2014 et la
procédure est actuellement en cours
. Entre temps, le gouvernement a présenté
une autre communication dans ce groupe d’affaires
. Au cours de ma visite
à Ankara (24-25 avril 2014), j’ai abordé ce point avec mes interlocuteurs
de la Grande Assemblée nationale, qui m’ont signalé que l’initiative
visant la mise en place d’une alternative au service militaire était
repoussée pour le moment, principalement du fait de considérations
géopolitiques.
2.3 Liberté d’expression
41. La Cour a constaté des violations
du droit à la liberté d’expression dans plus de 100 affaires contre
la Turquie, qui sont en attente d’exécution devant le Comité des
Ministres
.
42. Bien que la Turquie ait adopté depuis 1998 un certain nombre
de réformes destinées à protéger de manière satisfaisante la liberté
d’expression et le pluralisme
, M. Pourgourides
a conclu dans son rapport que les modifications apportées à la législation
et les initiatives prises en matière de formation «ne suppriment néanmoins
pas la cause du problème et reprennent le même contenu contraire
à la Convention, mais en des termes différents
».
Le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe a annoncé en novembre
2011 que le Conseil de l’Europe mettrait en œuvre un projet sur
«la liberté d’expression et des médias en Turquie», qui vise tout
spécialement à remédier aux problèmes nés de ce groupe d’arrêts.
Le projet a été réalisé entre janvier 2012 et avril 2014: un nombre
d’activités de sensibilisation, notamment des formations pour les
juges et les procureurs, ont été organisées dans ce cadre. Par conséquent,
plusieurs mesures législatives ont été adoptées en vue d’aligner
la loi turque sur les normes résultant de la jurisprudence de la
Cour et les juridictions supérieures ont commencé à rendre des arrêts
de plus en plus conformes avec les normes de la Convention
.
43. Dans son rapport de 2011, le Commissaire aux droits de l’homme
de l’époque, M. Thomas Hammarberg
, a fait écho
aux préoccupations exprimées par le rapport Pourgourides en affirmant:
«Les diverses modifications du Code pénal turc et de la loi relative
à la lutte contre le terrorisme ne suffisent pas à garantir la liberté
d’expression
».
Parmi les questions soulignées par le rapport de M. Hammarberg figuraient l’absence
actuelle de proportionnalité de l’interprétation des dispositions
légales et leur application par les tribunaux et les procureurs,
l’absence dans l’ordre juridique turc des exceptions de vérité et
d’intérêt général, ainsi que l’iniquité de la détention et du procès
dans les affaires de liberté d’expression. M. Hammarberg a «invit[é]
instamment les autorités turques à remédier à ces problèmes par
des mesures législatives et concrètes, ainsi que par des activités
de formation et de sensibilisation systématiques au sein du système judiciaire
».
Malgré la réalisation dudit projet sur la liberté d’expression,
l’actuel Commissaire aux droits de l’homme, M. Nils Muižnieks, a
également fait part de ses préoccupations quant à l’état de la liberté
des médias en Turquie, notamment dans le contexte des arrestations
de journalistes et de professionnels des médias survenues en décembre
2014
.
44. Au cours de sa 1201e réunion (DH)
(3-5 juin 2014), le Comité des Ministres a noté avec satisfaction
que «les récents amendements législatifs apportés à la loi sur la
lutte contre le terrorisme et au Code pénal restreignent le champ
d’application de certaines infractions pour ne pénaliser que l’expression
d’une opinion contenant une incitation à la haine et à la violence».
Bien que le Comité des Ministres se soit félicité «de l’évolution
positive de la jurisprudence interne», il a aussi souligné la nécessité
«que les juridictions internes intègrent pleinement la jurisprudence
de la Cour à la fois dans leur évaluation et dans leur raisonnement»
et décidé de réexaminer le progrès accomplis dans ces affaires au
plus tard lors de leur réunion DH de juin 2015
.
Le projet «La liberté d’expression et des médias en Turquie», mentionné
plus haut, semble avoir joué un rôle déclencheur dans l’adoption
des modifications législatives et constituer un bon exemple de coopération entre
le Conseil de l’Europe et les autorités turques
. En avril
2015, les autorités turques ont fourni au Comité des Ministres un
plan d’action mis à jour
, comprenant des informations
sur les réformes législatives entrées en vigueur entre 2012 et 2013
et sur les nouvelles tendances dans les pratiques judiciaires. Ce
groupe d’affaires a été examiné par le Comité des Ministres lors
de sa 1230e réunion (DH) en juin 2015.
45. Le Comité des Ministres examine également l’affaire
Ahmet Yildirim c. Turquie , concernant
la restriction de l’accès à internet et le blocage de sites internet
(examinée pour la dernière fois lors de sa 1208e réunion
(DH), en septembre 2014
). En avril 2014, notre Commission
a adopté une déclaration condamnant les restrictions imposées à
l’accès aux services internet fournis par Google, Twitter et YouTube
pendant la campagne électorale en Turquie
. Lors de ma visite à Ankara (avril
2014), j’ai souligné la nécessité de protéger la liberté d’expression,
y compris sur internet, auprès de mes interlocuteurs au ministère
de la Justice, à la Cour constitutionnelle et à la Cour de cassation,
et j’ai été informé de l’organisation de diverses activités de formation
à cet effet.
2.4 Durée excessive de la détention
provisoire
46. Près de 170 affaires de durée
excessive de la détention provisoire contre la Turquie sont actuellement en
attente d’exécution devant le Comité des Ministres (concernant principalement
des violations de l’article 5, paragraphes 3, 4 et 5 de la Convention
).
47. Dans son rapport, M. Pourgourides saluait les modifications
du Code de procédure pénale entrées en vigueur en 2005, qui visaient
à renforcer les justifications au placement en détention provisoire,
et invitait instamment la Turquie à mettre en place «une voie de
recours effective pour contester la légalité de la détention provisoire
». De même, dans un rapport rédigé à
la suite de sa visite en Turquie en octobre 2011, M. Hammarberg
reconnaissait les initiatives prises par la Turquie pour supprimer
ce problème systémique, mais faisait observer que des mesures supplémentaires
devaient être adoptées, notamment en faisant appel à des solutions
alternatives et en mettant en place un recours effectif
. Depuis
l’entrée en vigueur du Code de procédure pénale, l’exécution de
ces arrêts a peu à peu progressé, en particulier concernant la diminution de
la durée de la détention provisoire
.
48. En juin 2011, les autorités turques ont indiqué au Comité
des Ministres qu’un groupe de travail avait été créé au sein du
ministère de la Justice pour examiner les modifications de la législation
nécessaires à l’exécution de ces arrêts et qu’il était prévu de
dispenser une formation supplémentaire aux juges
. Le gouvernement
a présenté le 3 mai 2013 un deuxième plan d’action
.
49. Lors de sa 1172e réunion (DH) (4-6
juin 2013
), rappelant la nature structurelle
du problème, le Comité des Ministres s’est félicité des récents
efforts faits par les autorités turques, notamment dans le contexte
des «troisième et quatrième paquets de réforme», en vue de mettre
la législation et la pratique turques en conformité avec les exigences
de la Convention, et a noté avec satisfaction la baisse significative
des durées de détention provisoire ainsi qu’un recours accru aux
mesures préventives. Considérant dans le même temps que la législation
turque prévoit toujours la possibilité de prolonger la durée de
la détention provisoire jusqu’à dix ans pour certains crimes, dont
le terrorisme, le Comité des Ministres a invité les autorités à
fournir des informations statistiques supplémentaires à ce sujet,
ainsi que sur la pratique judiciaire depuis la réforme législative.
Le Comité des Ministres s’est par ailleurs félicité de l’introduction
d’un recours permettant de contester la légalité de la détention
provisoire et de l’élargissement du champ d’application du droit
à compensation. Il a invité les autorités turques à préciser si
le droit à compensation pouvait s’exercer lorsque la détention provisoire
se prolongeait et que les procédures étaient pendantes.
2.5 Actes des forces de sécurité
50. Malgré la modification positive
du cadre législatif turc qui régit la conduite des forces de sécurité
et la formation des fonctionnaires de police
, plus de soixante affaires
relatives à l’absence d’enquêtes effectives ouvertes au sujet des
actes des forces de sécurité turques sont actuellement en attente
d’exécution devant le Comité des Ministres
.
51. Selon le plan d’action des autorités turques du 29 juillet
2011 pour l’exécution du groupe d’affaires
Bati et
autres c. Turquie ,
le nouveau Code pénal (no 5237) étend
le délai de prescription au-delà duquel les actes répréhensibles
des forces de sécurité ne pourront plus faire l’objet d’enquêtes
ou de poursuites. Par ailleurs, en novembre 2011, le ministère de
la Justice a organisé un séminaire international sur l’exécution
des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. La question
de l’ouverture d’enquêtes effectives doit être appréciée dans le
cadre de la formation professionnelle des juges et des procureurs;
une feuille de route est en cours d’élaboration pour l’exécution
des arrêts de ce groupe
. Dans sa lettre du 19 août 2013
, Mme Nursuna
Memecan, qui dirigeait alors la délégation turque à l’Assemblée,
précise qu’à la suite de l’adoption du «quatrième paquet de réformes»,
les limites associées à l’infraction de torture ont été ôtées du Code
pénal et qu’il est désormais possible de rouvrir, après un arrêt
de la Cour européenne des droits de l’homme, une enquête ayant abouti
à l’absence du poursuites contre les auteurs présumés d’actes de
torture. Selon le rapport annuel du Comité des Ministres pour 2014,
des contacts bilatéraux sont en cours en vue d’établir un plan d’action
par les autorités turques
.
2.6 Questions relatives à Chypre
52. Dans l’arrêt interétatique
Chypre c. Turquie , la Cour a constaté de
multiples violations de la Convention liées à l’intervention militaire
de la Turquie à Chypre en 1974 et principalement relatives à des Chypriotes
grecs disparus et aux membres de leur famille, aux droits de propriété
des Chypriotes grecs déplacés, ainsi qu’aux conditions de vie des
Chypriotes grecs dans la partie nord de Chypre. Dans son rapport, M. Pourgourides
a souligné l’absence d’avancées dans le règlement de la question
des personnes disparues et s’est aussi focalisé sur le problème
des biens immobiliers des Chypriotes grecs déplacés
.
53. Malgré la surveillance étroite exercée par le Comité des Ministres,
les problèmes qui se posent à Chypre n’ont pas quitté son ordre
du jour depuis 2001
. S’agissant de la question des
Chypriotes grecs disparus et des membres de leur famille (violations
des articles 2, 3 et 5 de la Convention; voir aussi l’arrêt dans
l’affaire
Varnava et autres c. Turquie ),
des progrès ont été enregistrés à la suite de l’identification des
personnes disparues par le Comité sur les personnes disparues à
Chypre («CMP»). Le Comité des Ministres a examiné cette question
lors de sa 1186e réunion (DH
) (décembre 2013); il a pris note
de son échange de vues avec les membres du CMP, des nouvelles informations
fournies par les autorités turques et des autorisations d’accès
aux zones militaires accordées au CMP. Dans le même temps, le Comité
des Ministres a rappelé ses conclusions précédentes, sur la nécessité
d’adopter une approche proactive, et a appelé les autorités turques à
continuer à fournir toutes les informations pertinentes au CMP et
à lui donner accès à tous les lieux pertinents. S’agissant des personnes
identifiées, le Comité des Ministres a pris note de l’avancement
des enquêtes menées sur leur décès. Les autorités turques ont fourni
en avril 2015 de nouvelles informations
.
54. S’agissant de la question du domicile et des autres biens
immeubles des Chypriotes grecs déplacés (violation des articles
8 et 13 de la Convention et de l’article premier du Protocole no 1),
le Comité des Ministres a entrepris d’analyser les incidences, sur
la mise en œuvre de cette partie de l’arrêt, de la décision d’irrecevabilité
rendue en 2010 par la Cour européenne des droits de l’homme dans
l’affaire
Demopoulos c. Turquie . En décembre 2011, la
délégation chypriote a demandé au Comité des Ministres de repousser
son examen, la Cour s’étant prononcée sur une demande déposée par
son gouvernement au titre de l’article 41
. Le 12 mai 2014, la Cour (Grande
Chambre) a rendu son arrêt sur la question de la satisfaction équitable, ordonnant
à la Turquie de verser à Chypre 30 millions d’euros pour le dommage
moral subi par les familles des personnes disparues et 60 millions
d’euros pour le dommage moral subi par les Chypriotes grecs enclavés dans
la péninsule du Karpas
.
55. S’agissant des conditions de vie des Chypriotes grecs résidant
dans la partie nord de Chypre (région du Karpas), le Comité des
Ministres poursuit son examen de la question de leurs droits de
propriété et des recours effectifs à ce sujet (violations de l’article
premier du Protocole no 1 et de l’article
13 de la Convention). Une analyse de ces questions a été préparée
par le Secrétariat du Comité des Ministres pour la 1172e réunion
(DH) (juin 2013
),
à la suite de quoi les Turcs et les Chypriotes ont présenté leurs
observations sur les questions en suspens
.
56. Dans son rapport, M. Pourgourides
a fait part de ses préoccupations au sujet
de l’affaire
Xenides-Arestis c. Turquie (concernant
également les droits de propriété des Chypriotes grecs déplacés),
qui n’a enregistré aucune avancée dans le versement de la satisfaction
équitable octroyée par la Cour en 2006, en dépit des deux résolutions
intérimaires du Comité des Ministres. Il a souligné que cette situation
était «inacceptable». Lors de sa 1208e réunion
(DH) (septembre 2014), le Comité des Ministres a adopté la Résolution
intérimaire
CM/ResDH(2014)185 concernant l’affaire
Varnava
et autres et trente-trois affaires du groupe Xenides-Arestis.
Il y déplore que «les autorités turques ne se soient pas conformées
à leur obligation de payer les sommes allouées par la Cour aux requérants
dans ces affaires (…) au motif que ce paiement ne peut être dissocié
des mesures de fond dans ces affaires». Le Comité des Ministres
déclare que «ce refus continu de la Turquie est en contradiction
flagrante avec ses obligations internationales, à la fois en tant
que Haute Partie Contractante à la Convention et en tant qu’Etat
membre du Conseil de l’Europe» et exhorte la Turquie «à reconsidérer
sa position et à payer sans retard supplémentaire la satisfaction
équitable allouée aux requérants par la Cour, ainsi que les intérêts
moratoires dus». Le Comité des Ministres a examiné de nouveau ces
affaires, ainsi que l’affaire
Chypre
c. Turquie, lors de sa 1230e réunion
(DH) en juin 2015.
57. Au cours de ma visite à Ankara (avril 2014), mes interlocuteurs
au ministère des Affaires étrangères ont réaffirmé la position des
autorités turques, selon laquelle les deux dernières parties de
l’arrêt – les droits de propriété des Chypriotes grecs déplacés
et des Chypriotes grecs de la région du Karpas – devaient être closes par
le Comité des Ministres, les mesures générales requises ayant été
adoptées. J’ai été informé que les autorités comptaient verser la
satisfaction équitable dans les affaires Xenides
Arestis une fois la question des mesures générales close
par le Comité des Ministres.
2.7 Nouveau problème: mauvais
traitements et recours excessif à la force contre des manifestants pacifiques
58. Dans le groupe d’affaires
Oya Ataman , la Cour européenne
des droits de l’homme a constaté des violations du droit de réunion
pacifique des requérants et/ou des mauvais traitements contre les
requérants du fait du recours excessif à la force pour disperser
des manifestations pacifiques; certaines affaires concernent aussi
l’absence d’enquête effective sur les allégations de mauvais traitements
avancées par les requérants ou sur l’absence de recours effectif
(violations des articles 3, 11 et 13 de la Convention). Ce groupe
comprend aujourd’hui quarante-six affaires faisant l’objet d’une
surveillance du Comité des Ministres
. En particulier, dans ses arrêts
Izci et
Abdullah Yasa (juillet
2013), la Cour a observé au titre de l’article 46 de la Convention
que les problèmes à l’origine des violations étaient d’ordre structurel
et que la Turquie devait adopter des mesures générales pour empêcher
des violations similaires à l’avenir. Il est ainsi nécessaire d’encadrer
plus clairement l’usage des gaz lacrymogènes (ou spray au poivre)
et des grenades lacrymogènes, de veiller à ce que les forces de
l’ordre soient dûment formées et suffisamment contrôlées et surveillées pendant
les manifestations et de prévoir une vérification effective, après
une manifestation, du caractère nécessaire, proportionné et raisonnable
de tout recours à la force. La Cour a réitéré ses conclusions de
l’arrêt
Abdullah Yasa dans
l’affaire
Ataykaya , concernant le décès
du fils du requérant, touché à la tête par une grenade lacrymogène
tirée par la police.
59. Les autorités turques ont fourni deux plans d’action
et
ont répondu à une communication présentée par IHOP
en janvier 2015
. Lors de sa 1222e réunion
(DH) (11-12 mars 2015), le Comité des Ministres a adopté une autre
décision
, invitant instamment les autorités
turques à modifier la législation concernée, en particulier la loi
sur les réunions et les manifestations (no 2911)
«afin d’établir en droit turc l’exigence d’évaluer la nécessité
d’une ingérence dans le droit à la liberté de réunion, en particulier
dans les situations où les manifestations se déroulent de manière
pacifique et ne présentent pas de danger pour l’ordre public». Il
a aussi demandé aux autorités de consolider les différentes réglementations
régissant la conduite des forces de l’ordre et établissant les normes
relatives au recours à la force lors de manifestations, et de veiller
à ce que la législation pertinente exige que tout recours à la force
par les forces de l’ordre lors de manifestations soit proportionné
et prévoie un contrôle adéquat
ex post
facto de la nécessité, de la proportionnalité et du caractère raisonnable
d’un tel recours à la force. Enfin, le Comité des Ministres a de
nouveau appelé les autorités à enquêter avec célérité et diligence
sur les allégations de mauvais traitements et à veiller à ce que
tous les membres des forces de l’ordre responsables aient à répondre
de leurs actes.
60. Il convient de noter qu’un nouveau projet de loi sur la sécurité,
qui renforce les pouvoirs de la police, a récemment été présenté
au Parlement turc. Le 6 février 2015, le Commissaire aux droits
de l’homme du Conseil de l’Europe a fait part de son inquiétude
devant ce projet de loi
, inquiétude à l’image
de celle qu’il avait exprimée après les événements de Gezi en mai-juin
2013
.
Dans son rapport paru en janvier 2015, le Comité pour la prévention
de la torture (CPT) a également accordé une attention particulière
au sort des personnes privées de liberté après les manifestations
de Gezi
. En outre, le
rapporteur de notre Commission, Mme Ermira
Mehmeti Devaja (“l'ex-République yougoslave de Macédoine”, Groupe
socialiste) prépare actuellement un rapport intitulé «Empêcher de
toute urgence les violations des droits de l’homme lors des manifestations
pacifiques
». Au cours de ma visite à Ankara
(avril 2014), j’ai souligné la nécessité de ne pas abuser de la
force lors de manifestations pacifiques et de sanctionner les membres
des forces de l’ordre responsables de tels abus auprès de mes interlocuteurs
à la Grande Assemblée nationale, au ministère de l’Intérieur et
au parquet général, et j’ai reçu des informations sur les activités
de formation et l’application de sanctions disciplinaires.
2.8 Nouveaux problèmes complexes
/ structurels
61. Le rapport annuel 2014 du Comité
des Ministres mentionne également l’arrêt dans l’affaire
Söyler c. Turquie , concernant la privation
automatique du droit de vote pour un détenu condamné (violation
de l’article 3 du Protocole no 1). Les
autorités turques ont présenté un plan d’action en décembre 2014
et cette affaire
fait désormais l’objet d’une surveillance soutenue de la part du
Comité des Ministres. En outre, le Comité des Ministres a récemment
transféré
sous sa surveillance soutenue l’affaire
Opuz
c. Turquie , concernant un incident de violence
domestique (violation de l’article 2 de la Convention).
3. Fédération de Russie
62. Le rapport Pourgourides a défini
un certain nombre de questions particulièrement préoccupantes qui contribuent
à l’engorgement du système de la Convention en raison de problèmes
structurels sous-jacents:
- l’inexécution
des décisions de justice internes;
- la violation du principe de sécurité juridique en raison
de l’annulation de décisions judiciaires définitives par la «procédure
de contrôle en vue de révision» (nadzor);
- les conditions inacceptables de la détention provisoire,
en particulier dans les maisons d’arrêt;
- la durée excessive de la détention et l’absence de raisons
pertinentes et suffisantes pour justifier une telle détention;
- la torture et les mauvais traitements en garde à vue et
l’absence d’enquête interne effective à ce sujet .
63. Le rapport portait également sur les actions menées par les
forces de sécurité russes en République tchétchène
. Lors de sa réunion de juin
2012, notre commission a, en outre, attiré l’attention sur le non-respect
par la Fédération de Russie des mesures provisoires indiquées par
la Cour en vertu de l’article 39 du Règlement de la Cour européenne
des droits de l’homme et sur les violations à la liberté de réunion,
combinées à la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle.
Pour autant, dans le droit fil de la pratique adoptée par mes prédécesseurs,
j’ai souhaité ouvrir le dialogue avec les autorités russes à propos
des problèmes mentionnés plus haut, à l’occasion d’une visite d’information;
la visite que je devais effectuer à Moscou et qui avait été programmée
pour mai 2014 à l’issue d’un accord auquel nous étions parvenus
avec les autorités en février 2014, avait été ajournée
sine die et annulée
de facto par la délégation russe
après l’adoption, le 10 avril 2014, de la
Résolution 1990(2014) de l’Assemblée relative au réexamen, pour des
raisons substantielles, des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation
russe, qui emportait suspension des droits de vote de la délégation
russe à l’Assemblée. Dans sa décision relative au «report» de ma
visite, la délégation russe faisait référence à la déclaration de
la Douma d’Etat «sur la résolution anti-russe adoptée par l’Assemblée
parlementaire du Conseil de l’Europe»
, par laquelle il était précisé
que, dans le contexte des représailles et restrictions imposées
à la délégation de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie,
la poursuite de sa participation constructive aux activités de l’Assemblée
parlementaire n’était plus possible.
3.1 Inexécution des décisions
de justice internes
64. En 2009, la Cour a rendu un
arrêt pilote dans l’affaire
Burdov c.
Russie (no
2) qui impose aux autorités russes
l’obligation de mettre en place dans leur système juridique national
un recours effectif en cas d’inexécution de décisions de justice
internes. Deux nouvelles lois fédérales instaurant un nouveau recours interne
sont ainsi entrées en vigueur le 4 mai 2010. Ce nouveau recours
permet de déposer des demandes d’indemnisation en cas de durée excessive
des procédures judiciaires ou de retard dans l’exécution des décisions
de justice internes rendues contre l’Etat. Depuis, la Cour demande
aux requérants d’invoquer cette loi avant de lui soumettre une requête
.
65. Dans sa Résolution intérimaire CM/ResDH(2011)293
, le
Comité des Ministres s’est félicité des améliorations constatées
après le prononcé de l’arrêt pilote sur ce sujet. Il a également
décidé de clore l’examen de la question, compte tenu des obligations
spécifiques
énoncées
dans l’arrêt pilote, et d’associer l’examen des autres mesures de
caractère général au groupe d’affaires
Timofeyev , le premier groupe d’affaires dans
lequel toutes les questions relatives à l’inexécution des décisions
judiciaires internes avait été examinées, y compris les problèmes
structurels sous-jacents d’inexécution des arrêts.
66. En dépit de ces progrès, la Cour a conclu dans deux arrêts
ultérieurs
que la nouvelle législation
ne résolvait pas le problème spécifique de l’inexécution de décisions
ordonnant l’octroi d’un logement à 50 membres des forces armées
russes. La Cour a constaté avec regret qu’il n’existait toujours
pas en Russie de recours pour les griefs concernant de tels retards
et que la loi sur l’indemnisation ne résolvait pas cette partie du
problème. La Cour a rendu un autre arrêt le 20 février 2014
concernant l’inexécution de décisions internes
qui accordaient le versement d’arriérés de prestations sociales
à d’anciens policiers (41 requérants). Dans le même temps, la Cour
a abordé le problème structurel en cause dans le contexte d’un autre
groupe d’affaires (
Gerasimov et autres
c. Russie ) qui a conduit au prononcé d’un arrêt pilote
(1er juillet 2014) relatif à l’inexécution
ou au retard dans l’exécution de décisions de justice imposant des
obligations en nature ou pécuniaires à l’Etat ou aux autorités municipales
(violations des articles 6, paragraphe 1 et 13 de la Convention et
1 du Protocole no 1)
. La Cour a conclu que ces violations
résultaient d’une pratique incompatible avec la Convention et a
précisé que les autorités russes devraient instaurer, pour le 1er octobre
2015, et en étroite coopération avec le Comité des Ministres, un
recours interne effectif en cas d’inexécution des obligations en nature
et l’octroi d’une réparation pour le 1er octobre
2016 aux requérants concernés par des affaires pendantes similaires
(et qui ont été ajournées). Lors de sa 1222e réunion
(11-12 mars 2015), le Comité des Ministres s’est félicité de la
promptitude avec laquelle les autorités russes ont réagi au prononcé
de cet arrêt, plus particulièrement en adoptant des projets d’amendement
à la loi sur l’indemnisation préparés rapidement par le ministère
de la Justice et visant à étendre la portée du texte aux obligations
en nature. Le Comité des Ministres a également invité les autorités
à lui soumettre un plan d’action global à propos des mesures prises/envisagées
en vue de la bonne exécution de l’arrêt pilote précité, à trouver
une solution au problème posé de longue date et soumis à examen
dans le cadre du groupe d’affaires
Timofeyev et
à coopérer étroitement avec son Secrétariat pour préparer la réforme
législative
.
3.2 Violation du principe de
sécurité juridique en raison de l’annulation de décisions judiciaires
définitives par la «procédure de contrôle en vue de révision»
67. La procédure de contrôle en
vue de révision (
nadzor),
qui a entraîné l’annulation de décisions judiciaires définitives
en application du Code de procédure civile, est également à l’origine
d’un grand nombre d’affaires clones devant la Cour européenne des
droits de l’homme. En 2003, la Cour a conclu à une violation de
l’article 6, paragraphe 1 de la Convention européenne des droits
de l’homme dans l’affaire
Ryabykh c.
Russie .
Bien que deux réformes législatives aient été engagées depuis lors,
la Cour les a jugées insuffisantes pour résoudre le problème
. Une troisième réforme
du Code de procédure civile, qui vise à mettre en place des tribunaux d’appel
dans le système des juridictions ordinaires russes, a été adoptée
en décembre 2010 et est entrée en vigueur en janvier 2012. Très
récemment, cette réforme a fait l’objet d’une évaluation par la
Cour européenne des droits de l’homme: dans sa décision dans l’affaire
Abramyan et autres c. Russie ,
la Cour a examiné, pour la première fois, la nouvelle procédure
relative au pourvoi en cassation devant les
presidia des
tribunaux régionaux et la Cour suprême dans les affaires civiles.
Elle a conclu que la nouvelle procédure devrait être considérée
comme un appel ordinaire sur les points du droit, similaire à celui
existant devant les juridictions des autres Etats Parties.
3.3 Mauvaises conditions et durée
excessive de la détention provisoire
68. Le groupe
Kalashnikov comporte 71 affaires
sous la surveillance du Comité des Ministres, dans lesquelles la
Cour européenne des droits de l’homme a conclu que les mauvaises
conditions de détention provisoire, notamment en raison d’une forte
surpopulation carcérale et d’insuffisances sanitaires, constituaient un
traitement dégradant (violations des articles 3 et 13 de la Convention
européenne des droits de l’homme)
. 61 autres affaires concernent
la détention illégale, la durée excessive de la détention provisoire et
l’insuffisance des motifs produits pour la prolonger (violations
de l’article 5)
. Des communications concernant
un certain nombre d’affaires spécifiques
ont été présentées au Comité des
Ministres mais, jusqu’à présent, les mesures prises (et envisagées)
n’ont pas été jugées pleinement satisfaisantes
.
69. En janvier 2012, la Cour a rendu un arrêt pilote dans l’affaire
Ananyev et autres c. Russie , dans lequel elle a
conclu que les mauvaises conditions de détention étaient un problème
structurel récurrent en Russie, aboutissant à un mauvais fonctionnement
de son système pénitentiaire, avec des garanties juridiques et administratives
insuffisantes (violations des articles 3 et 13 de la Convention).
Elle a également observé que la cause principale de la surpopulation
carcérale est à rechercher dans le recours abusif et injustifié
à la détention provisoire, ainsi que dans la durée excessive de
celle-ci. La détention provisoire doit être l’exception plutôt que
la norme, et des recours préventifs et compensatoires doivent être
mis en place. La Cour a demandé aux autorités russes d’établir,
dans un délai de six mois à compter du jour où cet arrêt serait
devenu définitif, un calendrier contraignant pour le règlement des
problèmes constatés. Vu le caractère fondamental de l’article 3
de la Convention, la Cour a décidé de ne pas ajourner l’examen des
requêtes analogues pendantes devant elle. Lors de sa 1157e réunion
(DH) (décembre 2012), le Comité des Ministres s’est félicité de
la soumission, par les autorités russes, en octobre 2012
et en novembre
2012, respectivement, d’un plan d’action
et d’un bilan d’action fondés sur une stratégie globale et à long
terme élaborée pour résoudre le problème structurel évoqué; postérieurement,
ces autorités ont fourni un plan d’action additionnel en février
2013
et un nouveau bilan d’action en août
2013
, et, en avril 2014, elles ont soumis
un plan d’action actualisé
qui n’a pas encore été entièrement
analysé par le Comité des Ministres
. Lors de sa 1201e réunion
(DH) (3‑5 juin 2014)
, le Comité des Ministres a fait
part de sa satisfaction de voir les autorités russes déployer des
efforts significatifs pour assurer la prompte résolution d’affaires
analogues toujours pendantes devant la Cour et il a pris note avec
intérêt de l’information fournie à propos de la création de voies
de recours judiciaires internes ayant des effets préventifs et compensatoires.
Le Comité des Ministres a instamment demandé aux autorités russes
d’accélérer l’adoption et l’entrée en vigueur d’un système de recours
efficaces avant la fin de 2014 au plus tard, et les a vivement encouragées
à tirer pleinement parti des possibilités offertes par le projet Fonds
fiduciaire «Droits de l’Homme» (HRTF) no 18.
3.4 Torture/mauvais traitements
en garde à vue et absence d’enquête interne effective à cet égard
70. Dans l’affaire
Mikheyev et plus de 60 autres affaires
similaires, la Cour a conclu que les requérants avaient subi des
tortures ou des mauvais traitements lors de leur garde à vue et
que, par la suite, soit l’Etat n’avait pas mené d’enquêtes effectives
sur les agissements répréhensibles de ses propres agents, soit ne
les avait pas diligentées de façon effective (s’agissant, pour l’essentiel,
de violations substantielles et procédurales de l’article 3 durant
la période 1998-2006
). Des
plans d’action ont été soumis par les autorités russes en novembre
2010
et en août 2013
. Les autorités ont fourni des informations
sur les mesures suivantes: adoption d’une nouvelle loi «sur les
forces de police» et publication d’un certain nombre de décrets d’application,
améliorations dans la supervision des autorités en charge des poursuites,
renforcement des contrôles exercés par la société civile, création
de la Commission d’enquête de la Fédération de Russie ainsi que
d’unités d’investigation spécialisées, amendements au Code de procédure
pénale, renforcement du contrôle judiciaire sur les enquêtes, formation
et mesures de sensibilisation
.
71. Lors de sa 1201e réunion (DH)(3-5
juin 2014)
, le
Comité des Ministres a pris note du plan d’action global fourni
par les autorités mais a souligné qu’un certain nombre de problèmes
étaient encore en attente d’une solution, notamment en ce qui concerne
les mesures de caractère général
. Plus particulièrement, le Comité
des Ministres a attiré l’attention des autorités sur la nécessité
«d’adresser, à un niveau politique élevé, un signal clair et ferme
de tolérance zéro» à l’égard de la torture et des mauvais traitements,
d’améliorer les garanties contre de tels actes et de renforcer le
contrôle judiciaire sur les enquêtes»
.
Il a également «invité instamment les autorités russes à traiter,
sans retard, le problème de l’expiration des délais de prescription,
en particulier en cas d’infractions graves, telles que la torture
commise par des agents de l’Etat» et «à adopter des mesures effectives
afin d’assurer que les tribunaux nationaux excluent toute preuve
considérée comme ayant été obtenue en violation de l’article 3 de
la Convention»
. Le Comité des Ministres
a également examiné la question des mesures individuelles et noté
«avec une grande préoccupation qu’aucun progrès tangible n’a été
accompli dans la majorité des affaires de ce groupe» en ce qui concerne
les enquêtes internes diligentées dans les cas d’allégation de torture.
Le Comité des Ministres a également fait part de sa préoccupation
à propos de l’affaire
Tangiyev c. Russie dans
laquelle le requérant avait été condamné sur la base de preuves
obtenues sous la torture et a pris note avec préoccupation des allégations
formulées par le requérant selon lesquelles il aurait été soumis
à des actes d’intimidation de la part des services de sécurité fédéraux
(FSB) après avoir demandé la réouverture de la procédure pénale
le concernant à la suite du prononcé de l’arrêt de la Cour européenne
des droits de l’homme
.
72. En décembre 2014, les autorités russes ont fourni des informations
complémentaires
que
le Comité des Ministres a pu examiner lors de sa 1222e réunion
(DH) en mars 2015
. En ce qui concerne les mesures individuelles,
le CM a, une nouvelle fois, fait part de sa préoccupation à propos
de l’absence de progrès accomplis dans la conduite des enquêtes
internes et, s’agissant de l’affaire
Tangiyev,
il a pris note des informations relatives au nouveau procès du requérant
devant un jury – au cours duquel les aveux du requérant obtenus
sous la contrainte ont été déclarés illégaux – et il a sollicité
une copie de la décision de justice intervenue. En ce qui concerne
les mesures de caractère général, le Comité des Ministres s’est
félicité des récentes modifications réglementaires et législatives
introduites par les autorités russes pour assurer de meilleures
garanties contre les mauvais traitements et favoriser l’adoption
de mesures de sensibilisation, et il a demandé que lui soient communiquées
des informations complémentaires à propos d’un certain nombre de problèmes
liés au fonctionnement de la Commission d’enquête de la Fédération
de Russie. Cela dit, il a également réitéré son appel aux autorités
russes pour qu’elles adoptent des mesures visant à diffuser parmi les
forces de police un message «de tolérance zéro» et à résoudre le
problème de l’expiration des délais de prescription.
3.5 Actions des forces de sécurité
en République tchétchène.
73. Depuis 2005, la Cour a conclu
à de graves violations des droits de l’homme dans plus de 220 affaires contre
la Fédération de Russie, résultant de l’action des forces de sécurité
dans le Caucase du Nord, notamment en République tchétchène entre
1999 et 2006 (homicides illégaux, détentions non reconnues, disparitions,
actes de torture, destruction de biens, absence d’enquêtes effectives
et absence de recours internes effectifs
).
74. Depuis lors, les problèmes systémiques liés au manquement
de l’Etat à son obligation de mener des enquêtes effectives et de
prévoir des recours internes, persistent. Le Comité des Ministres
n’a cessé d’exhorter les autorités russes à améliorer le cadre juridique
et réglementaire applicable aux activités antiterroristes des forces
de sécurité, à veiller à ce que les auteurs aient à répondre de
leurs actes, à prévoir des recours internes pour les victimes et
à renforcer les actions de sensibilisation et de formation des membres
des forces de sécurité.
75. Bien que, tout au long de l’année 2011, les autorités russes
aient fourni des informations portant sur les mesures adoptées à
l’échelon national en vue d’offrir des recours internes aux victimes
et de mener des enquêtes effectives
, dans sa Résolution intérimaire
CM/ResDH(2011)292, adoptée lors de sa 1128e réunion
(DH) en novembre 2011, le Comité des Ministres a déploré l’absence
de progrès décisifs dans les enquêtes internes menées au sujet des
graves violations des droits de l’homme constatées dans les arrêts
de la Cour européenne des droits de l’homme, même lorsque les éléments
essentiels avaient été établis avec suffisamment de clarté
. D’autres problèmes
gravement préoccupants y sont également évoqués, notamment le risque
de voir des preuves disparaître avec le temps et, plus particulièrement,
la question de l’expiration des délais de prescription dans la législation
pertinente, qui empêcherait de traduire les responsables en justice
. Le
Comité des Ministres a donc vivement invité les autorités russes
à mener des enquêtes indépendantes et approfondies en collaboration
avec tous les organes militaires et de maintien de l’ordre (ainsi
qu’avec les victimes et leur famille en vue de rendre plus effectifs
les recours mis à leur disposition). Il a également exhorté les
autorités à prendre rapidement des mesures pour intensifier la recherche
des personnes disparues par une meilleure coordination des services
concernés, en coopération avec les proches de ces personnes. Bien
que les autorités russes aient fourni des informations supplémentaires
le 14 mai 2012
, le Comité des Ministres
a réitéré les préoccupations qu’il avait déjà formulées en juin
et septembre 2012
.
76. Le 18 décembre 2012, la Cour a rendu son arrêt dans l’affaire
Aslakhanova et autres c. Russie dans lequel elle conclut
que ces disparitions résultent d’un problème systémique tenant à
l’absence d’enquête sur pareils crimes, pour lesquels il n’existe
aucun recours effectif au niveau national. Elle souligne, en vertu
de l’article 46 de la Convention, deux types de mesures générales
que les autorités russes devraient prendre pour résoudre ces problèmes,
à savoir, 1) soulager la souffrance continue des familles des victimes;
et, 2) remédier aux défauts structurels de la procédure pénale.
La Cour a étayé ses conclusions non seulement sur les circonstances
spécifiques de cette affaire, mais également sur une évaluation
générale des progrès constatés dans l’exécution des arrêts rendus
dans le groupe d’affaires
Khashiyev.
La Russie devait élaborer sans délai la stratégie correspondante
et la soumettre au Comité des Ministres aux fins de surveillance
de son exécution. En même temps, la Cour a décidé de ne pas ajourner
l’examen des affaires similaires pendantes devant elle.
77. En dépit d’informations complémentaires fournies par les autorités
russes en août 2013
et en juillet 2014
, aucun progrès significatif n’a été
constaté dans l’exécution des arrêts rendus dans ce groupe d’affaires
. En juillet 2014,
les autorités russes ont soumis un autre plan d’action
qui a été examiné par le Comité des
Ministres lors de sa 1208e réunion (DH)(23-25
septembre 2014)
. Le Comité des Ministres note «avec
vive préoccupation que les informations fournies n’attestent pas
d’une amélioration de la capacité du système actuel des enquêtes
pénales à traiter le problème des personnes portées disparues» et
insiste pour que les autorités russes créent «un organe unique de
haut niveau chargé de la recherche des personnes portées disparues
suite à des opérations antiterroristes dans le Caucase du Nord».
Il résulte d’un autre plan d’action soumis en décembre 2014
que tel n’est toujours pas le cas.
Ainsi, lors de sa 1222e réunion (DH) (11-12
mars 2015)
, le Comité des Ministres a adopté
sa Résolution intérimaire
CM/ResDH(2015)45 par laquelle il «invite instamment» les autorités russes
à prendre les mesures nécessaires pour créer cet organe unique.
Dans sa décision adoptée lors de la même réunion, il a également
invité les autorités russes à lui fournir des informations sur les
mesures concrètes prises par les services de médecine légale et
sollicité de nouvelles précisions sur le sort des personnes portées
disparues; il a une fois encore exhorté ces mêmes autorités à faire
en sorte que le droit interne et la pratique judiciaire relatifs
aux modalités d’application du délai de prescription tiennent compte
des normes instituées par la Convention. En ce qui concerne les
mesures de caractère individuel, une fois de plus le Comité des
Ministres a sollicité des informations sur le déroulement de la
procédure pénale
.
78. Il convient de rappeler ici que, comme indiqué par M. Dick
Marty dans son rapport de juin 2010, la situation en Tchétchénie
«constitue à l’heure actuelle la situation la plus grave du point
de vue de la protection des droits de l’homme et de l’affirmation
de l’Etat de droit dans toute la zone géographique couverte par
le Conseil de l’Europe»
. Tant le rapport
Pourgourides
que
la
Résolution 1787(2011)
de l’Assemblée déplorent
l’absence de progrès tangibles dans ces affaires. Notre collègue
de la commission, Michael McNamara (Irlande, Groupe socialiste),
prépare actuellement un rapport intitulé «Les droits de l’homme
dans le Caucase du Nord: quelles suites à donner à la
Résolution 1738 (2010)?» qui sera l’occasion de procéder à un examen approfondi
des questions soulevées par l’inexécution des arrêts rendus dans
ce groupe d’affaires
.
3.6 Risque de mauvais traitements
dans les affaires d’extradition (et/ou d’expulsion), non-respect
des mesures provisoires indiquées par la Cour européenne des droits
de l’homme en vertu de l’article 39 de son Règlement ainsi qu’enlèvements
illégaux et transferts forcés
79. Le problème est examiné dans
le cadre du groupe d’affaires
Garabayev. Dans
l’affaire
Iskandarov c. Russie,
la Cour a conclu à une violation de l’article 3 de la Convention
par la Fédération de Russie, en raison de l’enlèvement inexpliqué
du requérant par des individus non identifiés dont la Cour a conclu
qu’il s’agissait d’agents de l’Etat russe et de son transfert forcé
au Tadjikistan dans un contexte tel que les autorités devaient savoir
qu’il serait exposé à un risque réel de mauvais traitements
. Quelques affaires
similaires relatives à des enlèvements/des disparitions et des transferts
forcés vers le Tadjikistan et l’Ouzbékistan sont actuellement examinées
par le Comité des Ministres
,
dont certaines concernent des violations de l’article 34 en raison
du non-respect des mesures provisoires mentionnées par la Cour au
titre de l’article 39 de son Règlement
. Dans l’affaire
Abdulkhakov, la Cour a conclu que
tout transfert ou tout renvoi forcé – dans la mesure où l’un comme
l’autre témoignent d’une volonté délibérée de contourner la loi
– est une négation absolue de l’Etat de droit et des valeurs protégées
par la Convention
. Le 25 avril 2013, la Cour a rendu un important
arrêt dans l’affaire
Savriddin Dzhurayev
c. Russie ,
dans lequel elle a démontré que les disparitions des personnes ayant
fait l’objet de demandes d’extradition ont suivi un certain schéma
et qu’elles se sont produites avec la participation directe ou indirecte
des autorités. Elle a aussi indiqué, sous l’angle de l’article 46
de la Convention, un certain nombre de mesures que la Russie devrait
prendre pour résoudre ce problème récurrent dans les meilleurs délais
.
80. Depuis l’arrêt
Iskandarov rendu
en 2010, le Comité des Ministres a été informé à plusieurs reprises
de l’occurrence d’incidents de cette nature, soit par le Greffe
de la Cour européenne des droits de l’homme, soit par des ONG/des
représentants de requérants
. En dépit d’un certain nombre d’instructions
transmises et de mesures de sensibilisation adoptées par les autorités
russes, le Comité des Ministres a adopté en septembre 2013 une Résolution
intérimaire
par laquelle il exhortait
les autorités russes à mettre sur pied un mécanisme de protection
contre tout transfert illégal ou irrégulier hors du territoire de
la Russie et hors du ressort des juridictions russes. Bien que les
autorités aient fourni des informations complémentaires en janvier 2014
, de nouveaux enlèvements présumés
ont été signalés au Comité des Ministres durant l’année 2014
. En conséquence, les autorités
ont fourni en novembre 2014
un plan d’action actualisé dans lequel elles
présentaient d’autres mesures de sensibilisation; pour autant, lors
de sa 1214e réunion (DH) en décembre 2014,
le Comité des Ministres a estimé que ces mesures n’étaient pas suffisantes
et a sollicité des autorités la communication d’autres informations
afin de pouvoir examiner l’éventuelle nécessité d’adopter une seconde Résolution
intérimaire lors de sa 1229e réunion
(DH) en juin 2015. Il a également pris la décision d’examiner ce
groupe d’affaires lors de sa première réunion ordinaire, dans le
cas où lui seraient signalés de nouveaux cas d’enlèvements ou de
disparitions analogues. En ce qui concerne les mesures individuelles,
le Comité des Ministres a fait part de sa profonde préoccupation
à propos du sort de plusieurs requérants (enlevés/portés disparus)
. Après que les autorités ont fourni
un plan d’action action actualisé en avril 2015
, le Comité des Ministres a examiné
ce groupe d’affaires lors de sa 1230e réunion
(DH) en juin 2015.
81. Dans ce contexte, il convient de faire remarquer que le problème
de l’absence de coopération avec la Cour à propos des mesures intérimaires
a déjà été examiné par notre Commission et par l’Assemblée
. Le problème posé
par le transfert «clandestin» de personnes vers le Tadjikistan et
l’Ouzbékistan a été examiné en détail dans le rapport de notre collègue
de la Commission, M. Kimo Sasi (Finlande, PPE/DC), intitulé: «Nécessité
de s’occuper d’urgence des nouveaux cas de défaut de coopération
avec la Cour européenne des droits de l’homme»
.
Selon Amnesty International, la recrudescence des enlèvements/disparitions,
tels que mentionnés dans le groupe d’affaires
Iskandarov,
résulte d’un programme de retours forcés à l’échelon régional élaboré
par la Communauté des Etats Indépendants (CEI)
.
3.7 Violation de la liberté de
réunion et discrimination fondée sur l’orientation sexuelle
82. Dans l’affaire
Alekseyev c. Russie , la Cour a conclu à
une violation de la liberté de réunion du requérant, à l’absence
de recours effectif à cet égard et à une discrimination fondée sur
l’orientation sexuelle, du fait que les autorités de Moscou, n’ayant
pas évalué de façon adéquate le risque à la fois pour la sécurité des
participants et pour l’ordre public (violations de l’article 11,
de l’article 13 combiné avec l’article 11 et article 14 combiné
avec l’article 11 de la Convention), avaient interdit à plusieurs
reprises, sur une période de trois ans (entre 2006 et 2008), l’organisation
de marches ou de manifestations pour les droits des homosexuels.
En dépit des conclusions de cet arrêt, la situation des personnes
LGBT et des défenseurs de leurs droits est la source de nouvelles
préoccupations, compte tenu de la législation récemment adoptée
qui restreint la liberté d’expression des personnes LGBT
.
83. Bien que, depuis 2011, le Comité des Ministres ait appelé
à plusieurs reprises à l’adoption de mesures générales et ait fait
part de sa préoccupation à propos de l’exécution de cet arrêt, les
autorités compétentes de la Fédération de Russie n’ont pas cessé
depuis 2005 de refuser leur autorisation à l’organisation de manifestations
publiques en défense des droits des personnes LGBT. Dans son examen
de cette affaire, le Comité des Ministres s’est particulièrement
intéressé à deux aspects de la question: les lois portant interdiction de
la «propagande homosexuelle» parmi les mineurs et la procédure d’organisation
de réunions publiques.
84. Bien qu’en de nombreuses occasions le Comité des Ministres
ait fait part de sa préoccupation après l’adoption de lois régionales
portant interdiction de la «propagande homosexuelle» parmi les mineurs,
le 11 juin 2013, la Douma d’Etat a adopté des dispositions similaires
au niveau fédéral, sans tenir aucun compte de l’Avis de la Commission
de Venise
. Lors de sa 1179e réunion
(DH) en septembre 2013, le Comité des Ministres a exprimé ses préoccupations
à propos de cette loi et noté qu’elle «pourrait compromettre l’exercice effectif
de la liberté de réunion
».
85. Après la soumission par les autorités en juillet 2014
d’un autre plan d’action, lors de
sa 1208e réunion (DH) (23-25 septembre
2014), le Comité des Ministres a exprimé ses vives préoccupations
de ce que la majorité des demandes formulées à Moscou, Saint-Pétersbourg,
Kostroma et Arkhangelsk entre le 1er juillet 2013
et le 1er mai 2014 pour la tenue de manifestations
publiques similaires à celles décrites dans l’arrêt
Alekseyev, aient été refusées sur
la base de la loi fédérale interdisant «la promotion des relations
sexuelles non traditionnelles parmi les mineurs». Il a appelé les
autorités à prendre les mesures nécessaires pour que la loi fédérale
précitée ne compromette pas l’exercice effectif de la liberté de
réunion et noté qu’une affaire est actuellement pendante devant
la Cour constitutionnelle à propos de cette loi.
86. En ce qui concerne la question d’un recours effectif, le Comité
des Ministres a vivement encouragé les autorités russes à adopter
aussi vite que possible le projet de Code de procédure administrative
qui contraindrait les tribunaux à régler les différends concernant
l’organisation de manifestations publiques avant la date prévue
pour leur déroulement. Il a également invité les autorités à poursuivre
le contrôle de l’exécution de la décision de la Cour constitutionnelle
du 14 février 2013 qui insistait sur la nécessité, pour les tribunaux, de
régler les différends relatifs à l’organisation de manifestions
publiques avant la date prévue pour leur déroulement. Après que
les autorités ont présenté un plan d’action actualisé en avril 2015
,
le Comité des Ministres a examiné ce groupe d’affaires lors de sa
1230e réunion (DH) en juin 2015.
3.8 Autres questions nouvelles
87. Dans son rapport annuel pour
2014, le Comité des Ministres mentionne deux autres questions complexes/structurelles
relatives à l’exécution des arrêts rendus contre la Russie et qui
sont en cours d’examen en application de la procédure de contrôle
renforcé: interdiction générale et systématique de l’exercice de
leur droit de vote par les prisonniers (
Anchugov
et Gladkov)
, violation du droit à l’éducation
des enfants et des parents en moldave/roumain dans les établissements
scolaires de la région de Transnistrie en République de Moldova
(
Catan et autres ) et lacunes constatées
dans le système de révision par voie judiciaire de l’expulsion des
étrangers fondée sur des motifs liés à la sécurité nationale (groupe
d’affaires
Liu no
2 ). Notamment l’affaire
Catan et autres, qui a été examinée
dernièrement lors de la 1230e réunion
(DH) en juin 2015, a été l’objet d’une supervision attentive du
Comité des Ministres en 2014 et 2015, au vu de l’absence d’information
sur quelconque mesure qui serait conforme à l’arrêt de la Cour.
4. Ukraine
88. Le rapport de M. Pourgourides
résumait comme suit les principaux problèmes qui se posaient en Ukraine:
- inexécution des décisions de
justice internes;
- durée des procédures civiles et pénales;
- questions relatives à la détention provisoire (mauvaises
conditions de détention, durée, mauvais traitement);
- procès inéquitable faute notamment d’impartialité et d’indépendance
des juges .
89. Le rapport portait également sur les problèmes liés à l’affaire
Gongadze .
4.1 Inexécution des décisions
de justice internes
90. Le groupe d’affaires
Zhovner compte plus de 400 affaires
portant sur l’inexécution de décisions de justice internes définitives,
principalement rendues contre l’Etat ou des entreprises publiques,
et sur l’absence de recours effectifs à cet égard (violation des
articles 6§1 et 13 de la Convention, ainsi que de l’article 1 du Protocole
no 1)
.
Dans l’arrêt pilote
Yuriy Nikolayevich
Ivanov c. Ukraine de 2009, la Cour a
observé que l’Ukraine «a fait preuve d’une mauvaise volonté presque
systématique» à régler les problèmes structurels d’inexécution des
décisions de justice internes et a fixé au 15 janvier 2011 le délai
de la mise en place de recours internes effectifs. Après avoir repoussé
une première fois ce délai et constaté que les mesures préconisées
par la Cour dans l’arrêt pilote n’avaient toujours pas été adoptées
au 21 février 2012, la Cour a décidé de reprendre l’examen des requêtes
qui soulèvent des questions analogues, faisant ainsi de l’Ukraine le
premier Etat dans l’histoire de la Cour qui n’a pas exécuté l’arrêt
pilote.
91. La loi relative aux «garanties apportées par l’Etat en matière
d’exécution des décisions judiciaires» a finalement été adoptée
le 5 juin 2012 et est entrée en vigueur le 1er janvier
2013
. Elle a mis en place une nouvelle mesure
spécifique pour l’exécution des décisions de justice rendues à l’encontre
de l’Etat après son entrée en vigueur: les dettes pécuniaires sont
à la charge du Trésor Public, passés certains délais, si le débiteur
(organes de l’Etat, entreprises publiques ou entités juridiques
dont les biens ne peuvent faire l’objet d’une vente forcée dans
le cadre de procédures d’exécution) ne paye pas en temps voulu.
La loi met aussi en place une indemnisation automatique si les autorités
retardent le paiement dans le cadre de cette procédure spécifique.
Les répercussions concrètes du recours prévu par cette nouvelle
loi sur le problème général de l’inexécution des décisions de justice
internes restent encore à évaluer.
92. Lors de sa 1164e réunion (DH) de
mars 2013, le Comité des Ministres a exprimé ses préoccupations quant
à l’efficacité des mesures prises pour assurer cette exécution dans
un délai raisonnable dans toutes les situations, en particulier
en raison de la rigidité du nouveau système, y compris le niveau
d’indemnisation, et l’absence d’adaptation d’autres législations,
en particulier les lois relatives aux moratoires. Il a également encouragé
les autorités ukrainiennes à adopter de toute urgence la législation
nécessaire, en tenant compte des recommandations formulées, et à
développer, en attendant les réformes, une pratique viable de règlements
à l’amiable et de déclarations unilatérales devant la Cour, ainsi
qu’à résoudre la question de l’inexécution des décisions de justice
imposant des obligations de nature non pécuniaire
.
93. Le 19 septembre 2013, le Parlement ukrainien a adopté des
amendements visant à mettre en place un recours pour inexécution
des décisions de justice internes rendues avant le 1er janvier
2013. Lors de sa 1186e réunion (DH) du
5 décembre 2013, le Comité des Ministres a pris acte avec satisfaction
de cette évolution et a invité les autorités ukrainiennes à prendre
toutes les mesures nécessaires pour garantir la mise en œuvre effective
de ce nouveau recours.
94. Le 11 mars 2014, la Cour européenne des droits de l’homme
a décidé de suspendre l’examen de ce type d’affaires d’inexécution
et de reprendre l’examen de la situation dans six mois; il y avait
alors 10 440 affaires pendantes devant la Cour, dont 1 585 avait
été communiquées au Gouvernement ukrainien
. En avril 2014,
les autorités ont fourni des informations
sur le nombre de demandes d’indemnisation déposées
au niveau national, en reconnaissant que le manque de fonds continuait
à poser problème. Elles n’ont par ailleurs pas démontré le caractère
effectif de ce nouveau recours interne. En septembre 2014, le Conseil
des ministres a adopté le «Règlement sur le paiement de dettes résultant
des décisions de justice dont l’exécution est garantie par l’Etat»,
qui définit la procédure de paiement au titre de ce nouveau recours;
un groupe de travail a par ailleurs été institué pour assurer une
meilleure mise en œuvre de cette procédure
. Le ministère de la Justice élabore actuellement
un registre électronique des informations relatives aux paiements
concernés
. Un nouveau
plan d’action a été présenté par les autorités en avril 2015, mais
il doit encore être évalué par le Comité des Ministres
.
95. Comme l’a précisé le Comité des Ministres lors de sa 1214e réunion
(DH) de décembre 2014
, les mesures adoptées n’ont pas
permis d’empêcher que des violations similaires soient commises
et, dans un grand nombre d’affaires, la satisfaction équitable octroyée
par la Cour n’a pas été versée aux requérants et les décisions de
justice internes n’ont pas été exécutées. Le Comité des Ministres
a encouragé les autorités «à explorer toutes les possibilités de
coopération que le Conseil de l’Europe peut offrir pour assurer
une solution viable à ce problème»
. En résumé, malgré l’adoption par
le Comité des Ministres de cinq résolutions intérimaires dans ce
groupe d’affaires
, l’exécution de ces arrêts n’a connu
aucun progrès tangible depuis 2004.
96. En avril 2015
, les autorités ukrainiennes ont fourni
leur dernier plan d’action concernant les mesures générales dans
ce groupe d’affaires. Le Comité des Ministres l’a examiné lors de
sa 1230e réunion (DH) en juin 2015
.
4.2 Durée excessive des procédures
civiles et pénales
97. Deux groupes d’affaires, qui
concernent principalement la durée excessive des procédures civiles
(le groupe d’affaires
Svetlana Naumenko)
et pénales (le groupe
d’affaires
Merit)
et l’absence de recours effectif
à cet égard (violations des articles 6, alinéa 1, et 13) sont en
attente d’exécution devant le Comité des Ministres (soit près de
270 affaires au total)
depuis
2004.
98. Depuis 2005, le Comité des Ministres a été informé de l’élaboration
d’une législation qui vise notamment à mettre en place une voie
de recours interne contre la durée des procédures judiciaires. Toutefois,
aucune loi ni aucune autre mesure susceptible de remédier efficacement
à la durée excessive des procédures internes n’a été adoptée. Les
informations reçues portaient essentiellement sur la question d’une
voie de recours et non sur les solutions apportées aux causes profondes
de cette durée excessive
. Le Comité des Ministres avait donc,
dans sa décision de mars 2012, instamment invité les autorités ukrainiennes
à prendre des mesures concrètes pour régler ce problème structurel
constaté
, en rappelant sa Recommandation
CM/Rec(2010)3 sur des recours effectifs face à la durée excessive
des procédures
. Entre juillet
2012 et février 2013, les autorités ont fourni des informations
sur les mesures législatives telles que l’adoption de la loi de
2010 relative au système judiciaire et au statut des juges, les
modifications apportées au Code de procédure civile de 2011 et le
nouveau Code de procédure pénale de 2012
. Lors de sa 1164e réunion
en mars 2013, le Comité des Ministres a demandé des renseignements
supplémentaires et «[a réitéré ses] profond regret et préoccupation» à
propos du fait que, malgré les nombreux arrêts de la Cour, aucun
progrès n’a été réalisé dans la mise en place d’un recours effectif
contre la durée excessive de la procédure
.
99. Comme les autorités ukrainiennes n’ont pas fourni les informations
demandées, le Comité des Ministres, lors de sa 1179e réunion
(DH) de septembre 2013
, a instamment invité les autorités
ukrainiennes à lui soumettre, avant le 31 décembre 2013, l’analyse
exigée, qui devait préciser la manière dont les mesures adoptées
devaient permettre de remédier à l’ensemble des lacunes constatées
par la Cour, ainsi qu’une évaluation de leurs répercussions concrètes
et les statistiques pertinentes en matière de durée de la procédure.
Le Comité des Ministres a par ailleurs réitéré sa demande précédente:
l’adoption de mesures concrètes visant à la mise en place des recours
internes effectifs qui soient applicables à un certain nombre de
requêtes répétitives similaires dont est saisie la Cour européenne
des droits de l’homme et la communication d’informations à cet égard
avant le 31 décembre 2013
. Un plan d’action actualisé, présenté le
20 janvier 2015
, est en cours d’évaluation.
4.3 Questions relatives à la
détention provisoire
4.3.1 Mauvaises conditions de
détention
100. Le rapport de M. Pourgourides
mettait en avant plusieurs problèmes posés par les centres de détention. Dans
plus de quarante affaires, les violations de l’article 3 de la Convention
découlaient principalement de la surpopulation carcérale, du manque
d’hygiène et de l’absence d’une assistance médicale adéquate, notamment
pour les détenus atteints de tuberculose et d’hépatite ou séropositifs
. Les autorités ukrainiennes ont
tenté d’apporter des solutions à ces problèmes, mais on attend toujours
d’elles qu’elles communiquent davantage d’informations sur les faits
nouveaux survenus dans ce domaine
.
Le Comité des Ministres attend un projet précisant ces améliorations
depuis 2005. Lors de sa 1144e réunion
(DH) en juin 2012, et en dépit des informations fournies par les
autorités ukrainiennes en mai 2012
, le Comité des Ministres
les a invitées à «fournir d’urgence un plan d’action visant à remédier
aux problèmes structurels soulignés par la Cour en ce qui concerne
les conditions de détention et les soins médicaux (...)
. Selon le
Rapport annuel 2014 du Comité des Ministres
, les consultations entre le Secrétariat
du Comité des Ministres et les autorités se sont poursuivies tout
au long de l’année 2014 afin d’élaborer un plan d’action global
et d’organiser des réunions spéciales dans le cadre du projet no 18
du Fonds fiduciaire «droits de l’homme» (HRTF).
101. Dans les observations préliminaires formulées à propos de
sa visite de 2011, le CPT a fait part de sa profonde inquiétude
au sujet des conditions de détention déplorables des prisons ukrainiennes,
notamment du mauvais état de nombreuses cellules et de la forte
surpopulation de certains établissements
. En outre, dans les observations préliminaires
portant sur sa visite de 2013, le CPT a souligné l’insuffisance
d’accès à la lumière naturelle et d’aération, le manque d’intimité
des toilettes situées à l’intérieur des cellules, la dimension réduite
et le caractère oppressant des cours d’exercices en plein air, le
piètre niveau de salubrité des cellules d’isolement provisoire (ITT),
ainsi que le caractère inadapté à la détention des établissements
du ministère de l’Intérieur
. Dans son rapport périodique de
2013 sur l’Ukraine, publié le 29 avril 2014
,
le CPT a constaté une nette diminution du nombre de détenus, mais
a souligné qu’il était indispensable de continuer à prendre des
mesures pour mettre un terme à la surpopulation dans les centres
de détention provisoire. Il a également relevé qu’aucune mesure
déterminante n’avait été prise pour améliorer les conditions matérielles
de la plupart des centres qu’il avait visités. L’effet cumulé de
ces conditions et restrictions pourrait être considéré par de nombreux
détenus comme une forme de traitement inhumain et dégradant.
4.3.2 Mauvais traitements infligés
par la police et absence d’enquêtes effectives à ce sujet
102. Plus de 35 affaires sont actuellement
en attente d’exécution dans ce domaine et portent principalement sur
des violations des articles 3 et 5 de la Convention
. Dans l’arrêt
Kaverzin c. Ukraine, qui concernait également
le menottage systématique du requérant lorsqu’il était hors de sa
cellule, et en vertu de l’article 46 de la Convention, la Cour a
conclu que les mauvais traitements infligés lors d’une garde à vue
constituaient un problème systémique. En décembre 2012, les autorités
ukrainiennes ont soumis une communication indiquant qu’un certain
nombre de mesures législatives et administratives avaient été mises
en place pour remédier au problème, notamment la création d’une
commission spéciale de surveillance des droits de l’homme au sein
du ministère de l’Intérieur et l’adoption d’un nouveau Code de procédure
pénale en avril 2012
. En avril 2013, les
autorités ukrainiennes ont par ailleurs présenté leur plan d’action
, que le Comité des Ministres a
évalué lors de sa 1172e réunion (DH)
en juin 2013
. Le
Comité des Ministres s’est félicité de l’adoption d’un certain nombre
de mesures législatives et concrètes, notamment la mise en place
d’un Mécanisme national de prévention (MNP) dans le cadre du Protocole
facultatif des Nations Unies à la Convention contre la torture et autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (OPCAT) et
des modifications apportées au nouveau Code de procédure pénale.
Il a également invité les autorités ukrainiennes à lui fournir des informations
sur les répercussions pratiques de ces mesures, ainsi que sur les
mesures visant à garantir que les enquêtes menées sur des allégations
de mauvais traitements sont conformes aux normes de la Convention.
Le Comité des Ministres a pris note de l’intention des autorités
de créer au plus tard en 2017 un Bureau d’enquête national. Enfin,
les autorités ukrainiennes ont été encouragées à tirer profit des
possibilités qu’offre le Conseil de l’Europe dans le cadre de ses
divers programmes techniques et de coopération. Deux nouveaux plans
d’action ont été présentés en 2014
. Lors de sa 1201e réunion
(DH) en juin 2014, le Comité des Ministres a réitéré sa satisfaction
quant aux améliorations significatives apportées par le nouveau
Code de procédure pénale et a invité les autorités à fournir un
plan d’action actualisé, contenant leur évaluation de l’impact des
réformes et des informations sur les mesures supplémentaires envisagées
pour mettre en œuvre les recommandations du CPT. Le 31 octobre 2014,
les autorités ukrainiennes ont présenté un plan d’action actualisé
, qui est en train d’être évalué.
103. Selon un rapport établi par Amnesty International le 12 octobre
2011
, «la criminalité endémique
au sein de la police», telle que le recours des fonctionnaires de
police à la torture, aux coups et à l’extorsion était toujours un
phénomène largement répandu. Ce constat a été confirmé par le CPT
dans les observations formulées dans le cadre de ses visites en
Ukraine de 2011 et de 2013; le CPT a observé que les mauvais traitements
infligés par les fonctionnaires de police étaient dans un certain
nombre d’affaires d’une telle gravité qu’ils pouvaient parfaitement
s’apparenter à des actes de torture
. Son rapport, publié le 29 avril 2014,
faisait le même constat. Dans son rapport d’avril 2015 consacré
à une visite ad hoc effectuée en septembre 2014 dans quelques colonies
pénitentiaires de la région de Kharkiv, le CPT a constaté quelques
avancées et a invité une nouvelle fois les autorités à poursuivre
les initiatives prises pour lutter contre le phénomène des mauvais traitements
infligés dans les colonies visitées
.
4.3.3 Détention provisoire illégale
et/ou excessivement longue
104. Plusieurs arrêts rendus par
la Cour sur la question de la détention provisoire illégale et/ou excessivement
longue
(violations de l’article 5) sont
actuellement en attente d’exécution par l’Ukraine; certains sont
pendants depuis plusieurs années (depuis 2005). La Cour a rendu
en février 2011 un arrêt «quasi-pilote» dans l’affaire
Kharchenko c. Ukraine ; elle
y a mis en avant le caractère structurel de ce problème, qui a trait
au cadre juridique régissant la détention provisoire en Ukraine.
La Cour a souligné que des réformes spécifiques de la législation
et de la pratique administrative devaient être mises en œuvre d’urgence,
afin qu’elles soient toutes deux conformes aux exigences de l’article
5.
105. La Cour a fixé un délai de six mois à l’Ukraine pour présenter
au Comité des Ministres une stratégie adoptée en la matière. Le
9 novembre 2011, les autorités ukrainiennes ont soumis un plan d’action
, qui prévoyait
l’adoption d’un nouveau Code de procédure pénale. Ce nouveau Code
de procédure pénale est entré en vigueur le 20 novembre 2012; le
Conseil de l’Europe a dispensé à son sujet de très nombreux conseils experts
. Ce texte vise à mettre en place
une procédure pénale contradictoire moderne fondée sur l’égalité des
armes des parties à la procédure et d’autres garanties de procès
équitable et devrait créer les conditions nécessaires à la bonne
mise en œuvre de la Convention européenne des droits de l’homme
en Ukraine. En dépit de ces améliorations, le Comité des Ministres
attend des informations sur d’autres mesures prises ou envisagées
pour régler l’ensemble des problèmes recensés dans les autres affaires
de ce groupe, comme la pratique de la détention non enregistrée
par les forces de police ou le recours à l’arrestation administrative
à des fins d’investigation
.
Lors de sa 1128e réunion (DH) (29 novembre
– 2 décembre 2011), le Comité des Ministres a salué le fait que
le document stratégique des autorités ukrainiennes exigé dans l’arrêt
Kharchenko ait été remis à temps
et a invité les autorités à le mettre en œuvre rapidement
. Le Comité des Ministres a toutefois également
invité les autorités ukrainiennes à fournir des informations sur
les mesures prises ou prévues pour régler les problèmes mis en avant
dans les autres affaires de ce groupe et qui perdurent. En réponse,
les autorités ukrainiennes ont fourni en août 2012 des informations
relatives aux mesures générales dans le cadre de l’affaire
Balitskiy contre Ukraine
et en octobre 2012 dans le cadre
du groupe d’affaires
Kharchenko . Dans les deux communications, les
autorités ont principalement fait référence aux dispositions du
nouveau Code de procédure pénale. Elles ont par ailleurs fourni
des statistiques sur le recours à la détention provisoire couvrant
les années 2010 et 2011, ainsi que le premier semestre 2012, qui
révèlent une légère tendance à la baisse du recours à la détention
provisoire. En février 2013, les autorités ont fourni un plan d’action
révisé
, dont le Comité des Ministres a
pris connaissance lors de sa 1164e réunion
(DH) (mars 2013). Le Comité des Ministres a chargé son Secrétariat
de préparer une évaluation approfondie de ces nouvelles informations
et a encouragé les autorités ukrainiennes à tirer profit de la coopération
proposée dans le cadre du projet no 18
du Fonds fiduciaire «droits de l’homme» HRTF
.
106. Le 9 octobre 2014, la Cour a rendu un autre arrêt portant
sur une détention en l’absence de décision de justice en 2013 (violation
de l’article 5.1) dans l’affaire
Chanyev
c. Ukraine .
En vertu de l’article 46 de la Convention, elle a indiqué que de
nouvelles modifications devaient être apportées à la législation,
y compris au Code de procédure pénale de 2012
.
107. Comme l’indiquait le Rapport annuel 2014
du Comité des Ministres, des problèmes
subsistent en ce qui concerne l’exécution de deux arrêts relatifs
à la détention provisoire illégale et au recours à la détention pour
des motifs autres que ceux autorisés par l’article 5 de la Convention
dans le cadre d’une procédure pénale engagée à l’encontre des requérants
–
Lutsenko c. Ukraine et
Tymoshenko c. Ukraine (violations des articles
5.1, 5.4, 5.5 et de l’article 18 combiné à l’article 5). Bien que
les deux requérants aient été libérés, le Comité des Ministres examine
encore la question des mesures générales visant à prévenir un contournement de
la législation par les procureurs et les juges
.
Ce problème a également été abordé par notre collègue de la commission,
M. Pieter Omtzigt (Pays-Bas, PPE/DC) dans son rapport intitulé «Séparer
la responsabilité politique de la responsabilité pénale»
.
4.4 Procès inéquitable, en raison
notamment du manque d’impartialité et d’indépendance des juges
108. Plusieurs arrêts sont pendants
devant le Comité des Ministres sur ce point (violations de l’article
6.1)
. En vue de remédier aux problèmes identifiés
dans les arrêts de la Cour de Strasbourg, le 7 juillet 2010, la Verkhovna
Rada a adopté la loi relative à la magistrature et au statut des
juges
. Il convient
de noter que cette réforme législative a fait l’objet de plusieurs
avis de la Commission de Venise
. En juin 2013, la Commission de
Venise a publié un avis sur le projet de loi de révision de la Constitution
renforçant l’indépendance des juges
.
109. Dans un arrêt plus récent rendu dans l’affaire
Oleksandr Volkov c. Ukraine , la Cour européenne
des droits de l’homme a relevé de graves problèmes systémiques dans
le fonctionnement du système judiciaire ukrainien. L’affaire en
question portait sur quatre violations du droit à un procès équitable
reconnu au requérant en raison de sa révocation illégale de son
poste de juge à la Cour suprême d’Ukraine. La Cour a ordonné la mise
en œuvre d’urgence d’une réforme de la législation ainsi que la
réintégration du requérant à son ancien poste de juge de la Cour
suprême dans les plus brefs délais. Il convient par ailleurs de
noter que le 15 janvier 2014, la Cour européenne des droits de l’homme
a communiqué au Gouvernement ukrainien 18 requêtes similaires
.
110. En ce qui concerne les mesures individuelles prises en l’espèce,
le requérant a été réintégré à son poste de juge de la Cour suprême
à compter du 2 février 2015, à la suite des pressions répétées du
Comité des Ministres et de l’adoption de sa
Résolution
intérimaire CM/ ResDH (2014) 275
du 4 décembre 2014. Le Conseil des Ministres s’est félicité
de cette avancée lors de sa 1222e réunion
(DH) qui s’est tenue les 11 et 12 mars 2015
. Les Délégués ont évalué le dernier
bilan d’action
qui leur a été présenté en janvier
2015 et ont invité les autorités ukrainiennes à leur communiquer
un plan d’action actualisé et complet sur les mesures générales
envisagées et à profiter pleinement de toutes les possibilités de
coopération offertes par le Conseil de l’Europe afin de garantir
que la réforme du pouvoir judiciaire soit conforme aux normes de
la Convention.
111. En ce qui concerne les mesures générales dans cette affaire,
il convient de noter que, selon les autorités ukrainiennes, certaines
questions ont été résolues par la nouvelle loi «sur assurer le droit
à un procès équitable», qui a été adoptée par le parlement le 12
février 2015 et est entrée en vigueur le 29 mars 2015
. Le
3 mars 2015, une commission constitutionnelle a été établie par
le Président dont la mission consiste à élaborer des propositions
coordonnées pour amender la Constitution, notamment en vue de réformer
la magistrature.
112. Dans ses
Résolution
1862 (2012)
et
Résolution 1988 (2014) l’Assemblée
a fait une nouvelle fois part de sa profonde préoccupation au sujet
du manque d’indépendance de la magistrature et considère ce point
comme le principal défi du système judiciaire en Ukraine.
4.5 Questions diverses
4.5.1 L’Affaire Gongadze
113. L’affaire
Gongadze c. Ukraine, dans laquelle
la Cour a constaté une violation des articles 2 et 3 de la Convention
à la suite du décès d’un journaliste et de l’absence d’enquête effective
à cet égard, s’avère particulièrement préoccupante
. Il s’agit d’une affaire
politiquement très sensible, car plusieurs hauts responsables de
l’Etat, dont un ancien Président, y sont impliqués
. Lors de sa 1157e réunion
(DH) en décembre 2012, le Comité des Ministres a pris note de certaines
avancées et a insisté à ce que les autorités ukrainiennes poursuivent
leurs efforts en vue de trouver les instigateurs et les organisateurs
de l’assassinat de G. Gongadze. Lors de sa 1172e réunion
(DH), qui s’est tenue du 4 au 6 juin 2013
, le Comité des Ministres s’est félicité
de ce que le procès du général Oleksiy Poukatch, supérieur hiérarchique
des trois fonctionnaires de police impliqués dans l’assassinat de
M. Gongadze, se soit achevé en première instance le 29 janvier 2013. Tout
en observant que les services du Procureur général poursuivent leur
enquête sur les circonstances de la mort de M. Gongadze, le Comité
des Ministres a une nouvelle fois exhorté les autorités ukrainiennes
à poursuivre et à renforcer les initiatives visant à garantir la
prise d’urgence de toutes les mesures d’investigation indispensables
à cette fin. Jusqu’à ce jour, le Comité des Ministres n’a pas reçu
de nouvelles informations.
114. Comme l’indiquait le rapport Pourgourides, «tout retard dans
la mise en place d’une telle stratégie devrait faire l’objet d’un
contrôle étroit du parlement qui devrait disposer de moyens appropriés
pour obliger le gouvernement à résoudre ces problèmes en priorité»
. Cette question a
été examinée par l’Assemblée en 2009
et, plus récemment,
en mars 2015, à la suite d’un rapport consacré aux «Menaces contre
la prééminence du droit dans les Etats membres du Conseil de l’Europe:
affirmer l’autorité de l’Assemblée parlementaire» par notre collègue
de la commission, Mme Marieluise Beck
(Allemagne, ADLE)
. Dans sa
Résolution 2040 (2015), l’Assemblée a observé que ses précédentes recommandations
relatives à cette affaire n’avaient été que partiellement mises
en œuvre. Bien que trois fonctionnaires du ministère de l’Intérieur et
leur supérieur hiérarchique, le général Poukatch, aient été reconnus
coupables de ce meurtre, leur ancien ministre s’est suicidé dans
des circonstances suspectes et les accusations portées par le général
Poukatch à l’encontre de l’ancien Président et de l’ancien chef
de l’administration présidentielle n’ont pas été suivies d’effet
.
4.5.2 Liberté de réunion
115. L’affaire
Vyerentsov c. Ukraine, dans laquelle
la Cour a constaté des violations des articles 11 et 7 de la Convention
en raison de la condamnation du requérant pour avoir organisé une
manifestation pacifique en octobre 2010, fait l’objet d’une surveillance
renforcée de la part du Comité des Ministres. La Cour a en effet constaté
que la législation ukrainienne présentait une lacune dans la procédure
applicable à la tenue de manifestations et a exigé que cette disposition
soit modifiée d’urgence
.
116. Lors de sa 1201e réunion (DH) en
juin 2014
, le Comité des Ministres a évalué
le deuxième plan d’action
présenté par l’Ukraine le 7 avril
2014. Tout en se félicitant de la décision rendue par la Cour suprême
le 3 mars 2014, qui a annulé la condamnation administrative du requérant,
et de la coopération entre son Secrétariat et les autorités ukrainiennes,
le Comité de Ministres a néanmoins insisté une nouvelle fois sur l’urgence
de la mise en conformité du cadre législatif applicable à la liberté
de réunion et de la pratique administrative avec les exigences de
la Convention. Néanmoins, le Comité des Ministres a noté qu’aucun projet
de loi concernant la liberté de réunion n’était actuellement en
cours d’examen au parlement ukrainien.
5. Roumanie
117. Le rapport Pourgourides a relevé
que la vaste majorité des problèmes se rencontrait dans les domaines suivants:
- le défaut de restituer ou d’indemniser
des biens nationalisés;
- la durée excessive de la procédure judiciaire et l’absence
de recours effectif;
- l’inexécution des décisions de justice internes;
- les mauvaises conditions de détention .
118. Le rapport portait également sur l’affaire
Rotaru c. Romanie relative à une violation du droit
au respect de la vie privée (article 8 de la Convention) imputable
au système roumain de conservation et d’utilisation des informations
utilisé par les services secrets qui opérait en Roumanie avant la
chute du régime communiste. A la suite de l’adoption de mesures
individuelles et générales par la Roumanie, le Comité des Ministres
a clos l'examen de cette affaire en novembre 2014
. Le
Comité des Ministres continue de suivre l’adoption des mesures législatives
dans le cadre de l’examen de l’affaire
Bucur
et Toma c. Roumanie concernant la surveillance
secrète permanente pour des motifs de sécurité nationale.
119. Un autre important groupe d’affaires ayant trait à des mauvais
traitements infligés par les forces de police et à l'absence d'enquête
effective a été identifié dans les rapports annuels 2011, 2012,
2013 et 2014 du Comité des Ministres
.
5.1 Défaut de restituer ou d’indemniser
des biens nationalisés
120. La question des biens nationalisés
est un problème systémique tenant à l’efficacité du système mis
en place par la Roumanie après 1989 pour permettre la restitution
ou l’indemnisation des biens nationalisés durant l’ère communiste.
La Cour européenne des droits de l’homme a très souvent conclu à
une violation de l’article 1 du Protocole additionnel et de l’article 6.1
de la Convention européenne des droits de l’homme en ce qui concerne
ce problème, et au total, 180 affaires portant sur cette question
sont actuellement pendantes devant le Comité des Ministres
.
121. Au vu de l’envergure du problème, la Cour européenne des droits
de l’homme avait rendu en 2010 un arrêt pilote dans l’affaire Maria Atanasiu et autres c. Roumanie. La
Cour avait demandé à la Roumanie de mettre en place des procédures
claires et simplifiées pour offrir une réparation aux victimes.
Le délai fixé par la Cour pour l’adoption des mesures appropriées
a expiré le 12 juillet 2012, mais a été prolongé jusqu’au 12 mai
2013.
122. Le 22 avril 2013, en réponse à l’arrêt pilote et suite aux
consultations entre des représentants de haut niveau du Gouvernement
roumain et le Service de l’Exécution des Arrêts et le Greffe de
la Cour, le Parlement roumain a adopté une loi visant à réformer
le mécanisme d’indemnisation, qui est entrée en vigueur le 20 mai 2013.
Cette nouvelle loi prévoit la restitution des biens et, lorsque
celle-ci s’avère impossible, met en place un mécanisme d’indemnisation.
Elle envisage par ailleurs l’adoption d’un certain nombre de mesures préparatoires,
telles que l’établissement d'un inventaire des terrains agricoles
et forestiers disponibles et la constitution d’un Fonds national
des terrains agricoles et d’autres biens immobiliers. Le décret
d'application de la loi est entré en vigueur le 29 juin 2013
.
123. Lors de sa 1172e réunion (DH) qui
s’est tenue du 4 au 6 juin 2013
, le Comité des Ministres s’était félicité
de l’adoption de cette loi, avait souligné l’importance d'un suivi
approfondi et constant de sa mise en œuvre sur le plan interne et
avait encouragé les autorités roumaines à poursuivre leur coopération
avec le Service de l'exécution afin d’apporter des éclaircissements
aux questions en suspens recensées dans le Mémorandum CM/Inf/DH(2013)24
et à informer régulièrement le Comité des
Ministres sur la mise en œuvre des premières étapes de la nouvelle
loi, en vue de pouvoir évaluer les progrès accomplis.
124. Le 29 avril 2014, la Cour a rendu un arrêt qui fait suite
à l’arrêt pilote de l’affaire
Preda et
autres c. Roumanie , dans lequel elle a conclu que
la nouvelle loi prévoyait, en principe, un cadre accessible et effectif de
redressement pour l’immense majorité des situations qui se présentent
dans le processus de réparation. Certaines questions recensées par
cet arrêt continuent toutefois à poser problème, comme l’absence
de disposition accordant une réparation, lorsqu’il existe plusieurs
titres de propriété pour un même immeuble bâti, ou l’absence d’accès
à une indemnisation pour les anciens propriétaires pouvant y prétendre
et qui ne peuvent bénéficier d’une restitution en nature, lorsque
le fait rendant cette restitution impossible n’a été connu qu’après l’expiration
des délais fixés pour l’introduction d’une demande en dédommagement
. En vertu de l’arrêt
Preda
et autres, la Cour a rejeté 442 requêtes pour non-épuisement
des recours internes.
125. Le 22 octobre 2014, les autorités roumaines ont soumis un
plan d'action révisé
, qui a été évalué par le Comité des
Ministres lors de sa 1214e réunion (DH)
du 2 au 4 décembre 2014
. Le Comité des Ministres a observé
avec intérêt les progrès réalisés dans la mise en œuvre des premières
étapes de la loi et a par conséquent décidé de clore l'examen des
affaires relatives aux situations recensées par l’arrêt
Preda et autres, auxquelles s’applique
désormais le nouveau mécanisme et pour lesquelles toutes les mesures
individuelles ont été prises,
i.e. 85
affaires de ce groupe
. Toutefois, en ce qui concerne les
autres affaires et l'arrêt pilote
Maria
Atanasiu et autres, le Comité des Ministres a décidé
de surveiller les évolutions ayant trait aux questions en suspens
identifiées par la Cour. En mars 2015, les autorités ont fourni
de nouvelles informations sur les mesures générales exigées pour
ce groupe d’affaires
.
5.2 Durée excessive de la procédure
judiciaire et absence de recours effectif
126. Les affaires
Nicolau c. Roumanie et
Stoianova et Nedelcu c. Roumanie portent sur la durée excessive
des procédures civiles et pénales et dans certains cas également
sur l’absence de recours effectif en la matière (violations des
articles 6 et 13). Actuellement, plus de 80 affaires similaires
concernant ce problème structurel sont pendantes devant le Comité
des Ministres
.
Le 10 octobre 2011, la Roumanie a présenté au Comité des Ministres
un plan d’action qui précisait un certain nombre de mesures prises
par la Roumanie pour résoudre ces problèmes
.
127. Tout d’abord, en vue de
simplifier
et d’accélérer la procédure judiciaire, une «petite réforme»
a été décidée en 2010, qui a apporté un certain nombre de modifications
au Code de procédure civile et au Code de procédure pénale
.
Le nouveau Code de procédure civile et le nouveau Code de procédure
pénale, adoptés en juillet 2010 et entrés en vigueur respectivement
en février 2013 et février 2014, prévoient des mesures législatives
à grande échelle.
128. En ce qui concerne l’absence de recours effectif, le nouveau
Code de procédure civile précité a mis en place un recours qui permettra
d'accélérer les procédures civiles. Aucune disposition légale (y
compris dans les nouveaux codes) ne prévoit pour l’heure de recours
en indemnisation. Les autorités roumaines ont indiqué que la Convention
était appliquée directement en droit interne et que la jurisprudence
des tribunaux internes a ainsi évolué. Elle offre donc aux personnes
concernées des recours et permet aussi bien l’accélération des procédures
que la réparation des dommages subis.
129. Le 26 juin 2013, les autorités roumaines ont présenté leur
plan d'action révisé
. S’agissant de la durée excessive
de la procédure, le Comité des Ministres a pris acte, lors de sa
1179e réunion (DH) qui s’est tenue du
24 au 26 septembre 2013
, de l'entrée en vigueur du nouveau
Code de procédure civile et des répercussions positives de cette
«petite réforme» et a appelé les autorités à poursuivre le suivi
des effets de ces réformes. En matière de recours effectif, le Comité
des Ministres a invité les autorités à lui indiquer les raisons
pour lesquelles le recours accélératoire mis en place par le nouveau
Code de procédure civile s’appliquait uniquement aux procédures
engagées après son entrée en vigueur le 15 février 2013, et a invité les
autorités à lui fournir des précisions sur un certain nombre d’autres
questions en suspens, parmi lesquelles figure le déroulement de
l'action civile en dommages-intérêts au titre de réparation compensatoire.
Le 26 novembre 2013, la Cour a rendu un arrêt dans l'affaire
Vlad et autres c. Roumanie ,
dans lequel elle s’est félicitée des mesures générales prises par
la Roumanie pour remédier au problème structurel de la durée excessive
des procédures civiles et pénales. En vertu de l'article 46, la
Cour européenne des droits de l’homme a toutefois invité les autorités
à prendre de nouvelles mesures pour garantir un recours spécifique
et clairement réglementé applicable à la durée excessive des procédures.
5.3 Inexécution des décisions
de justice internes
130. Depuis plus de dix ans, le
Comité des Ministres examine un certain nombre d’affaires portant
sur l’inexécution par l’Etat des décisions définitives rendues par
des juridictions internes (violations de l’article 6.1 de la Convention
et/ou de l’article 1 du Protocole no 1)
.
131. En novembre 2011, les autorités roumaines ont présenté au
Comité des Ministres un bilan d’action révisé concernant le groupe
Ruianu .
Un plan d’action relatif au groupe d'affaires
Sacaleanu a
par ailleurs été présenté en janvier 2012
et
un plan d’action concernant le groupe d’affaires
Strungariu a été présenté en juin
2012
, suivi
d’une version révisée en mars 2013
. Dans le bilan d'action révisé présenté
pour le groupe d’affaires
Ruianu en novembre 2011, les
autorités ont affirmé dans ces deux documents que les violations
constatées dans ces affaires n’étaient pas dues à un problème structurel
sous-jacent dans le système judiciaire roumain, mais qu’il s’agissait
plutôt de cas individuels. Cette position a été justifiée en citant diverses
affaires similaires portant sur l’exécution des décisions de justice
dont avait été saisie la Cour de Strasbourg et jugées irrecevables
en raison du non-épuisement des voies de recours internes ou parce qu’elles
étaient manifestement mal fondées
. Les autorités roumaines ont
expliqué plus en détail les diverses mesures générales qui ont été
prises concernant les affaires en question
et
ont demandé au Comité des Ministres de clore l’examen de ce groupe
d’affaires. Le 6 septembre 2012, elles ont soumis des observations
complémentaires relatives au groupe d’affaires
Sacaleanu, dans lesquelles elles
affirment notamment que le nouveau Code de procédure civile entré
en vigueur le 1er janvier 2013 comporte
des dispositions visant à simplifier la procédure d’exécution interne
et par conséquent à garantir une meilleure protection des droits
des créanciers
.
132. Lors de sa 1150e réunion (DH) de
septembre 2012
,
le Comité des Ministres a pris acte avec intérêt du dernier plan
d’action concernant le groupe d’affaires
Sacaleanu,
tout en s’inquiétant du fait que plusieurs questions cruciales relatives
aux mesures générales étaient toujours pendantes, notamment celles
des mécanismes et des garanties prévus en droit interne pour assurer
l’exécution volontaire et rapide des décisions de justice par l’administration
et des recours disponibles à cet égard
. Il a observé que les violations constatées
par la Cour dans ces affaires révélaient l’existence d’importants
problèmes complexes à l’époque des faits.
133. Le 16 décembre 2014, les autorités roumaines ont communiqué
des informations mises à jour
sur les mesures adoptées dans le
groupe d’affaires
Sacaleanu, qui
comportent notamment des informations sur la mise en place d’un
groupe de travail ministériel chargé d’examiner le problème de l’inexécution
des décisions de justice rendues à l’encontre de débiteurs publics.
Le 29 janvier 2015, les autorités ont présenté un nouveau plan d’action
relatif au groupe d’affaires
Ruianu .
5.4 Mauvaises conditions de détention
134. Dans les affaires du groupe
Bragadireanu c. Roumanie , la Cour
a conclu que les conditions de détention des requérants s’apparentaient
à un traitement inhumain ou dégradant (violations des articles 3
et 13), notamment en raison de la surpopulation carcérale et de
mauvaises conditions de détention, ainsi que de l’absence de recours
effectif pour obtenir une réparation dans ce genre de situations.
A l’heure actuelle, plus de 90 affaires similaires concernant ces
problèmes structurels dans les prisons et les locaux de détention
de la police
sont
pendantes devant le Comité des Ministres.
135. Les autorités roumaines ont présenté deux plans d’action en
avril 2011
et en mars
2012
, exposant les mesures prises et
envisagées pour résoudre les problèmes soulignés dans ces arrêts
et affectant les prisons et les centres de détention de la police.
Lors de sa 1144e réunion de juin 2012
,
le Comité des Ministres s’est félicité de l’utilisation par le mécanisme
national de surveillance des prisons de critères d’évaluation semblables
à ceux de la Cour et de l’accessibilité de ses constats par la société
civile; il avait toutefois fait part de sa préoccupation quant à
l’incapacité de la majorité des centres de détention à respecter la
norme d’espace de vie minimal garantie par le droit national à chaque
détenu
.
Le Comité des Ministres a également encouragé les autorités roumaines
à mettre en place un mécanisme de suivi similaire pour les centres
de détention de la police, à intensifier les mesures prises pour
remédier aux mauvaises conditions de détention et à lui fournir
des informations sur d’autres mesures concrètes prises en réponse
aux autres questions en suspens soulevées par le Secrétariat du
Comité des Ministres
et leurs effets concrets, notamment
sur la mise en place de recours internes effectifs
.
136. En 2012, la Cour a rendu son arrêt dans l'affaire
Iacov Stanciu, dans lequel elle
a conclu que les mesures prises par les autorités s’étaient traduites
par une amélioration des conditions de vie et d’hygiène dans les
prisons roumaines. En vertu de l’article 46 de la Convention, elle
a toutefois invité les autorités à prendre d’autres mesures à cet
égard et à mettre en place un système de recours effectifs contre
les violations de l’article 3
. A la suite de cet arrêt
et de l’évaluation par le Comité des Ministres des mesures prises,
le Gouvernement roumain a fixé en septembre 2012 de nouvelles lignes
d’action prioritaires afin de régler le problème structurel en question;
il a également mis en place un groupe de travail chargé du suivi
de leur mise en œuvre. La Roumanie est par ailleurs devenue l’un
des bénéficiaires du projet no 18 du
Fonds fiduciaire pour les droits de l’homme, qui vise à mettre en
œuvre les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme révélant
des problèmes structurels en matière de détention provisoire et
de recours effectifs pour dénoncer les conditions de détention.
137. Le plan d’action révisé présenté au Comité des Ministres en
octobre 2014
a été évalué lors de sa 1222e réunion
(DH) des 11 et 12 mars 2015
. Le Comité des Ministres a observé
avec intérêt les mesures prises par les autorités dans le cadre
de la réforme de la politique pénale de l’Etat. Il a cependant exprimé
son inquiétude quant à l’insuffisance des mesures législatives adoptées
au vu de l’ampleur de la surpopulation carcérale dans les centres
de détention et a noté que les autorités maintenaient le système
de détention provisoire dans les centres de détention de la police
malgré le caractère inadapté à la détention d’un certain nombre
de ces établissements. Il a également noté que l’information fournie
jusqu’à cette date par les autorités ne permettait pas de conclure
que les procédures existantes s’apparentaient à un recours effectif
contre les mauvaises conditions de détention. Le Comité des Ministres
a par conséquent instamment invité les autorités à élaborer et à
mettre en œuvre dans les plus brefs délais des mesures supplémentaires
appropriées et à lui fournir avant le 1er juin
2015 des informations sur la stratégie qu'elles envisageaient de
mettre en place pour l’exécution de ces arrêts et les a encouragées
à s’inspirer des solutions proposées dans le cadre du projet pertinent
du Fonds fiduciaire pour les droits de l’homme.
138. En outre, dans son rapport établi après sa visite en Roumanie
en septembre 2010, le CPT s’est dit préoccupé par plusieurs insuffisances
des conditions de détention
. Il faisait notamment état d’une
forte surpopulation dans les établissements de l’ensemble du pays
(150 % de la capacité), de l’insuffisance de l’espace de vie minimum
dans les centres de détention de la police (moins de 4m2 dans
la plupart des établissements visités), du médiocre état de propreté
des cellules et des installations sanitaires, de la qualité et de
la quantité insuffisante des repas servis dans certains établissements,
ainsi que du manque d’activités de plein air pour les détenus
. Le CPT a en outre formulé plusieurs
recommandations concernant les insuffisances en matière de fourniture
de services médicaux.
5.5 Mauvais traitements infligés
par la police et absence d’enquêtes effectives
139. A l’heure actuelle, plus de
20 affaires portant sur ce problème sont pendantes devant le Comité
des Ministres
. La Cour a constaté dans le groupe
d’affaires
Barbu Anghelescu un
certain nombre de violations de la Convention découlant de plusieurs
problèmes parmi lesquels figurent notamment les mauvais traitements
infligés aux requérants au cours de leur garde à vue, l'absence
d'enquêtes effectives sur ces abus et les mauvais traitements à
caractère raciste infligés aux détenus issus de la minorité rom
(violations des articles 3, 13 et 14, combinés aux articles 3 et
13). Dans l’affaire
Carabulea c. Roumanie, le
Comité des Ministres a conclu à une violation substantielle de l’article
2 de la Convention, dans la mesure où le requérant était décédé
à la suite des mauvais traitements qui lui avaient été infligés
par les forces de l’ordre
.
140. Le 9 janvier 2013, les autorités roumaines ont soumis un plan
d'action pour l'exécution de ce groupe d’arrêts
, mais le Secrétariat du Comité des
Ministres y a décelé de multiples défaillances
.
Tout d'abord, les garanties procédurales fondamentales contre les
mauvais traitements, parmi lesquelles figurent le droit à bénéficier
d’une assistance juridique et médicale et le droit d’informer un
tiers de sa détention, qui restent uniquement reconnues aux personnes
officiellement placées en détention provisoire. Il convient également
de noter les problèmes dans la mise en œuvre des dispositions réglementaires
applicables à l’examen médical des personnes détenues, comme le
non-respect de la confidentialité des examens et des dossiers médicaux des
détenus, le caractère incomplet de tels examens et des informations
consignées dans les dossiers médicaux et le non-respect de l’obligation
faite au médecin de signaler aux autorités judiciaires compétentes les
signes de violence et d’agression éventuellement observés. En outre,
les dispositions réglementaires sur l'examen médico-légal des personnes
détenues dans les centres de détention de la police qui présentent
des lésions traumatiques semblent avoir pour effet de retarder cet
examen et d’en laisser la réalisation à l’appréciation d’une autorité
qui ne dispose pas d’indépendance fonctionnelle (le responsable
du centre de détention). Les mesures de sensibilisation et de formation
prises ne semblent pas être parvenues à éradiquer totalement ces
actes contraires aux articles 2 et 3 de la Convention. Des mesures
additionnelles s’inscrivant dans une politique de «tolérance zéro»
de pareils actes semblent par conséquent nécessaires à l'égard de l’ensemble
des forces de l’ordre.
141. S’agissant de l'efficacité des enquêtes pénales relatives
à des abus commis par des fonctionnaires de police, aucune condamnation
pour des actes contraires aux articles 2 et 3 de la Convention n’a
été signalée pendant la période de référence (2003-2012) et des
problèmes persistent quant au respect, par les procureurs, des instructions
données par les juges sur la conduite de l’enquête.
142. Lors de sa 1164e réunion (DH) de
mars 2013, le Comité des Ministres a demandé des informations supplémentaires
sur les mesures individuelles et générales prises par les autorités
roumaines
. Il
a par ailleurs souligné la nécessité d’une action systématique dans
l’esprit d’une politique de «tolérance zéro» des actes contraires
aux articles 2 et 3 de la Convention
.
Le 17 juillet 2013, les autorités roumaines ont fourni des informations
sur les mesures individuelles adoptées en l’espèce
. Les consultations bilatérales entre
les autorités et le Secrétariat du Comité des Ministres se sont
poursuivies en 2014 et ont pris en considération les répercussions
de l’entrée en vigueur le 1er février
2014 d’un nouveau Code pénal et d’une nouveau Code de procédure
pénale
.
5.6 Sujets de préoccupation particuliers
143. Le rapport annuel 2014 du Comité
des Ministres souligne également d'autres affaires impliquant des problèmes
structurels et/ou complexes importants. La plupart de ces affaires
portent sur des violations des articles 2 et 3 de la Convention
et mettent en lumière les problèmes suivants: l’inefficacité des
enquêtes pénales sur les violentes répressions des manifestations
antigouvernementales organisées à la suite de la chute du régime
communiste dans le cadre du groupe d'affaires
Association
‘21 Decembre 1989’ et Maries c. Roumanie (principalement
des violations procédurales de l’article 2), l’absence de protection
juridique, sociale et de soins médicaux adéquats en faveur d’un
jeune homme séropositif diagnostiqué comme «souffrant d’un grave
handicap intellectuel» et issu de la minorité rom, qui était décédé
en 2004 dans un établissement psychiatrique (violations de l'article
2 et 13) dans l’affaire
Centre de ressources
juridiques au nom de Valentin Câmpeanu , le
caractère inadapté du régime de détention spécifique pour les détenus «dangereux»
(violation de l’article 3) dans l’affaire
Enache
c. Roumanie et la mauvaise prise en charge des troubles
psychiatriques des détenus en prison (violation de l’article 3)
dans l’affaire
Ţicu c. Roumanie)
.
6. Grèce
144. Le rapport de M. Pourgourides
a résumé les principaux problèmes rencontrés en Grèce comme suit:
- durée excessive de la procédure
judiciaire et absence de recours effectif;
- recours à la force létale et à des mauvais traitements
par des membres des forces de l’ordre et absence d’enquête effective
sur ces abus .
145. La commission des questions juridiques et des droits de l’homme
a abordé deux autres problèmes lors de ses auditions en janvier
2013: les conditions de rétention des ressortissants étrangers et
les procédures de demande d’asile, ainsi que les atteintes au droit
à la liberté d’association des minorités musulmanes. Ces problèmes
sont également évoqués dans le Rapport annuel 2014 du Comité des
Ministres.
146. Le Rapport annuel 2014 du Comité des Ministres précise par
ailleurs que les mauvaises conditions de détention des prisons constituent
un problème particulièrement important.
6.1 Durée excessive de la procédure
147. Plus de 320 arrêts prononcés
contre la Grèce sont actuellement en attente d’exécution; la Cour
y a constaté des violations du droit à un procès équitable en raison
de la durée excessive de la procédure et de l’absence de recours
effectif (articles 6.1 et 13 de la Convention européenne des droits
de l’homme)
.
Une résolution intérimaire adoptée en 2007 par le Comité des Ministres
a souligné ces violations chroniques et a exhorté les autorités
grecques à adopter un projet de loi visant à l’accélération de la
procédure et au versement d’une indemnisation aux victimes
. Du fait
de la persistance de ce problème, la Cour européenne des droits de
l’homme a décidé d’appliquer la procédure de l’arrêt-pilote dans
l’affaire
Vassilios Athanasiou et autres
c. Grèce, en constatant que la durée excessive de la
procédure devant les juridictions administratives constituait un
problème structurel et en concluant que la Grèce devait mettre en
place un recours effectif ou une combinaison de recours à l’échelon
national en vue de prévenir de semblables violations, dans un délai
d’un an à compter du moment où l’arrêt sera devenu définitif (c’est-à-dire
le 21 mars 2012)
. Certaines mesures de caractère
général ont ainsi été prises ou sont en voie de l’être.
148. La loi no 3900/2010, intitulée
«rationalisation et accélération de la procédure devant les juridictions administratives
et autres dispositions», est entrée en vigueur le 1er janvier
2011
. Le nouveau texte
prévoit que les contentieux qui soulèvent de nouvelles questions
similaires dans plusieurs affaires peuvent être classés selon un
ordre de priorité et portés devant une commission de trois juges
du Conseil d’Etat, dont l’arrêt tiendra lieu de lignes directrices
pour les autres affaires pendantes devant les juridictions administratives.
Le Conseil d’Etat a pu transférer 4 333 affaires à des juridictions
administratives inférieures au cours des cinq premiers mois de l’entrée
en vigueur de la loi. En outre, des conditions plus strictes ont
été fixées pour la procédure prévue pour interjeter appel, un système
de juge unique a été mis en place dans les juridictions d’appel
et le nombre des postes de juge administratif a été augmenté à tous
les degrés de juridiction
.
Lors de sa 1136e réunion (DH) de mars
2012, le Comité des Ministres a pris note de ces mesures avec intérêt
et a encouragé les autorités grecques à le tenir régulièrement informé
des effets de cette loi
.
149. Le 6 mars 2012, la loi no 4055/2012,
qui prévoit la mise en place d’un accélératoire et d’un recours
en indemnisation en cas de durée excessive de la procédure devant
les juridictions administratives et le Conseil d’Etat, a été adoptée
par le Parlement avant l’expiration du délai fixé par la Cour européenne
des droits de l’homme (c’est-à-dire le 21 mars 2012) et est entrée
en vigueur le 2 avril 2012
. Selon
cette nouvelle loi, toute personne qui allègue la durée excessive
d’une procédure devant les juridictions administratives peut demander
l’indemnisation du préjudice subi. En outre, les juridictions apprécient
le caractère raisonnable de la durée de la procédure et le montant
de l’indemnisation à octroyer, conformément à la jurisprudence de
la Cour européenne des droits de l’homme. Le Comité des Ministres
a salué, lors de sa 1136e réunion (DH)
de mars 2012, l’adoption de la loi et a pris acte de l’intention
manifestée par les autorités grecques de suivre la mise en œuvre
du recours en indemnisation et de réfléchir à l’opportunité d’éventuels
ajustements à la lumière de son fonctionnement
.
150. Le 8 avril 2013, les autorités grecques ont présenté un plan
d'action révisé
dans lequel elles rappelaient que
plusieurs résultats satisfaisants avaient été obtenus huit mois
après l’entrée en vigueur de la loi no 3900/2010
et que la mise en œuvre de la loi no 4055/2012
s’était traduite par une diminution de la charge de travail du Conseil
d'Etat. Le 1er octobre 2013, la Cour
a rendu une décision dans laquelle elle a déclaré que les voies
de recours prévues par la loi no 4055/2012
étaient effectives et accessibles
.
A la suite de cette décision, le Comité des Ministres a décidé,
lors de sa 1193e réunion (DH) qui s’est
tenue du 4 au 6 mars 2014
, d’exercer une surveillance
de l’exécution de ce groupe d’affaires sur la base d’une procédure standard
et a invité les autorités grecques à lui fournir de plus amples
informations sur l'impact concret des mesures visant à réduire la
durée des procédures administratives
.
151. Indépendamment des progrès constatés sur le plan de l’accélération
de la procédure devant les juridictions administratives et le Conseil
d’Etat, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu, le 4 avril 2012,
un arrêt pilote dans l’affaire
Michelioudakis
c. Grèce au sujet de la durée excessive de la procédure pénale
. Dans son
arrêt, la Cour a souligné le caractère structurel du problème posé
en l’espèce et a demandé à la Grèce de mettre en place, dans un
délai d’un an (c’est-à-dire d’ici au 3 juillet 2013), un recours interne
ou une série de recours permettant l’octroi d’une réparation en
cas de durée déraisonnable de la procédure pénale; elle a décidé
d’ajourner toutes les affaires identiques pendant cette période
(50 des 250 affaires pendantes devant la Cour concernent une procédure
pénale). Elle a observé que, en dépit de l’adoption de la loi no 3904/2010,
qui comporte une série de dispositions visant à simplifier et à
accélérer la procédure pénale et diverses autres initiatives législatives,
l’ordre juridique interne n’offre pas aux parties concernées un
ou des recours qui leur permettent d’exercer leur droit à ce que
leur affaire soit entendue dans un délai raisonnable
.
152. De même, le 30 octobre 2012, un arrêt pilote a été rendu dans
l’affaire
Glykantzi c. Grèce à
propos de la durée excessive de la procédure devant les juridictions
civiles et de l’absence de recours effectif à cet égard. La Cour
a demandé à la Grèce de mettre en place un recours effectif en matière
de durée excessive de procédures civiles avant le 30 janvier 2014.
La Cour européenne des droits de l’homme a dans l’intervalle prolongé
jusqu’au 30 janvier 2014
le délai d’introduction d’un recours
dans l’affaire
Michelioudakis,
de manière à ce qu’il corresponde au délai fixé pour l’exécution
de l’arrêt pilote
Glykantzi.
153. Lors de sa 1193e réunion (DH) de
mars 2014
, le Comité des Ministres a pris
acte avec satisfaction de l’adoption, par le Parlement grec le 13
février 2014 (loi no 4239/2014), d’une
loi visant à mettre en place un recours en indemnisation, qui est
entrée en vigueur le 20 février 2014.
154. En octobre 2014, la Cour a rendu un arrêt dans l’affaire
Xynos c. Grèce , dans lequel elle a
conclu que le recours en indemnisation mentionné ci-dessus constitue
une réponse suffisante à l'obligation faite à l’Etat de mettre en
place un recours effectif contre la durée excessive des procédures
civiles et pénales, ainsi que de la procédure devant la Cour des
comptes. Lors de sa 1214e réunion (DH),
du 2 au 4 décembre 2014, le Comité des Ministres a observé que la
Cour européenne avait conclu que le recours en indemnisation prévu par
la loi no 4239/2014 pouvait être jugé
effectif et accessible et a invité les autorités à lui fournir de
plus amples informations sur son fonctionnement dans la pratique
.
155. Entre 2012 et 2014, les autorités grecques ont présenté au
Comité des Ministres un certain nombre de mesures
visant à réduire la durée des procédures
civiles et pénales. S’agissant de la procédure civile, elles ont
notamment fait part de la mise en place de cours d’appel à juge
unique, d’un système informatisé de gestion des tribunaux, d’une
évaluation des résultats du travail des juges; en ce qui concerne
la procédure pénale, les autorités ont informé le Comité des Ministres
de la mise en place d’une formation de juge unique, de la requalification
de certains délits en infractions mineures et de l'irrecevabilité
des plaintes anonymes. Le Comité des Ministres a examiné ces mesures
lors de sa 1172e réunion (DH) de juin
2013, de sa 1179e réunion (DH) de septembre
2013 et de sa 1186e réunion (DH) de décembre
2013. Lors de sa 1186e réunion (DH),
le Comité des Ministres a demandé aux autorités de lui fournir des
informations (y compris des données statistiques) sur l'impact de
ces mesures sur la réduction de la durée des procédures civiles
et pénales et a réitéré cette demande à l’occasion de sa 1214e réunion
(DH) de décembre 2014
. Un
nouveau plan d'action et un bilan d'action mis à jour ont été respectivement
transmis en mars
et
en juin 2015
.
6.2 Recours à la force létale
et à des mauvais traitements par des membres des forces de l'ordre
et absence d'enquête effective sur ces abus
156. Un certain nombre de violations
des articles 2 et 3 de la Convention européenne des droits de l’homme sont
dues au recours excessif à la force létale et à des mauvais traitements
par des membres des forces de l'ordre, ainsi qu’au manquement ultérieur
des autorités grecques à mener des enquêtes effectives sur ces abus.
Il y a actuellement 11 affaires pendantes devant le Comité des Ministres
.
157. S’agissant du recours à la force létale par des fonctionnaires
de police en l’absence d’un cadre législatif et réglementaire adéquat
en matière d’usage des armes à feu, les autorités grecques ont pris
un certain nombre de mesures pour éviter la répétition de violations
similaires de l’article 2 de la Convention
. La loi no 29/1943
relative à l’utilisation des armes à feu, qui avait été critiquée
par la Cour européenne des droits de l’homme, a ainsi été abrogée.
Une nouvelle législation complète précise les règles applicables
à l’utilisation des armes à feu par les fonctionnaires de police
.
En outre, depuis 2003, aucune affaire similaire n’a été signalée
ni n’est pendante devant la Cour. En conséquence, le Comité des
Ministres a décidé de clore l’examen de cet aspect des affaires
lors de sa 1157e réunion (DH) de décembre
2012
.
158. Pour ce qui est des mauvais traitements commis sous la responsabilité
des services de police (violations de l’article 3), plusieurs mesures
ont été prises par les autorités grecques, comme l’adoption d’un
nouveau Code disciplinaire
, la diffusion de circulaires
dans les commissariats de police et auprès des procureurs pour leur
rappeler leur obligation de mener des enquêtes effectives sur les
violations des droits de l’homme et de former de manière plus approfondie
les fonctionnaires de police aux questions relatives aux droits
de l’homme
.
159. En outre, en application de la loi no 3938/2011,
une commission indépendante composée de trois membres et chargée
d’évaluer l’opportunité de l’ouverture de nouvelles enquêtes administratives
à la suite des arrêts de la Cour a été créée pour garantir que les
décès et les autres abus commis par les fonctionnaires de police
fassent l’objet d’enquêtes effectives (violations des articles 2
et 3 sous leur volet procédural)
.
Lors de sa 1157e réunion (DH) de décembre
2012, le Comité des Ministres s’est félicité de cette avancée et
a invité les autorités grecques à le maintenir informé de la mise
en place et du fonctionnement effectif de cette commission
. Selon le Rapport annuel 2014 du Comité
des Ministres, les autorités ont présenté en novembre 2014 un bilan
d’action qui est actuellement en cours d’évaluation
.
160. Il convient de noter que selon certaines importantes ONG internationales,
le recours abusif à la force par les fonctionnaires de police reste
un phénomène inquiétant en Grèce, surtout à l’encontre des manifestants opposés
aux mesures d’austérité
, des migrants et des demandeurs d’asile
. Dans son rapport établi à la suite
de sa visite en Grèce en avril 2013, le CPT a en outre constaté
que le problème des mauvais traitements infligés par la police semblait
s’intensifier et que rien n’indiquait que ces abus avaient fait
l’objet d’enquêtes immédiates et approfondies
. Cette
question a également été examinée au cours de sa visite en Grèce
en avril 2015
.
6.3 Conditions de rétention des
étrangers et procédure de demande d’asile
161. Dans près de 20 affaires examinées
par le Comité des Ministres à la suite de l’affaire
M.S.S c. Belgique et Grèce , la Cour a constaté une violation
de l’article 3 due aux conditions dans lesquelles les requérants (y
compris des mineurs non accompagnés)
étaient retenus en leur
qualité de migrants en situation irrégulière (surpopulation, manque
de lits et de matelas, aération insuffisante, aucun accès régulier
aux toilettes ou aux installations sanitaires et aucun exercice
en plein air). L’affaire
M.S.S. c. Belgique
et Grèce portait également sur
les défaillances de l’examen par les autorités grecques de la demande
d’asile du requérant et du risque encouru par ce dernier d’être
refoulé directement ou indirectement vers son pays d’origine. La
Cour a conclu que le bien-fondé de sa demande d'asile n’avait pas
été sérieusement examiné et qu’il n’avait pas bénéficié d’un accès
à un recours effectif (violation de l'article 13, combiné à l'article
3). Par ailleurs, en octobre 2014, la Cour a notamment conclu dans
l’affaire
Sharifi et autres c. Italie
et Grèce que l'Italie
avait violé l’article 3 de la Convention, en refoulant les demandeurs
d’asile vers la Grèce, où ils n’avaient aucun accès à une procédure
de demande d’asile adéquate et risquaient d’être refoulés vers l’Afghanistan. Elle
a également conclu à une violation de l'article 13 de la Convention,
combiné à l'article 3, à l'égard de la Grèce.
162. En mars 2011, le Comité européen pour la prévention de la
torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants a publié
une déclaration publique sur le traitement et les conditions de
détention des personnes privées de liberté en Grèce, notamment les
migrants en situation irrégulière
, et a formulé une série
de recommandations dans son rapport connexe consacré à sa visite
en Grèce en janvier 2011
.
La déclaration du CPT et la réponse des autorités grecques ont également
été examinées au cours de la réunion de la sous-commission des droits
de l’homme de la commission des questions juridiques et des droits
de l’homme du 4 octobre 2012
. A l’issue de
sa visite en Grèce, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil
de l’Europe, M. Nils Muižnieks, a publié en avril 2013 une déclaration
dans laquelle il exhortait notamment la Grèce «à combler certaines
lacunes graves et persistantes qui nuisent aux droits de l'homme des
migrants, y compris des demandeurs d'asile et des réfugiés (…)»
.
Dans son rapport consacré à la Grèce d’octobre 2014
, le CPT a réitéré ses préoccupations au
sujet des conditions de détention des migrants en situation irrégulière
et a été particulièrement critique sur le traitement des mineurs
non accompagnés (qui sont parfois détenus avec des adultes) et sur
les conditions matérielles déplorables des locaux spéciaux de rétention
de l’aéroport d’Athènes, de Fylakio et de Petrou Ralli.
163. Les autorités grecques, des ONG et le Haut-Commissariat des
Nations Unies pour les réfugiés (HCR) ont présenté au Comité des
Ministres un certain nombre de communications relatives à ce groupe d’affaires
. Les premières mesures prises par
les autorités grecques ont été évaluées dans le Mémorandum CM/Inf/DH(2012)19
.
164. En ce qui concerne les conditions de détention des demandeurs
d'asile et des migrants en situation irrégulière, les autorités
grecques ont indiqué au Comité des Ministres que les migrants en
situation irrégulière n’étaient désormais plus retenus dans les
postes de police; le HCR affirme cependant qu’il n’en est rien
. Les autorités ont également informé
le Comité des Ministres des progrès réalisés en matière de soins médicaux
et psychologiques dispensés aux migrants en situation irrégulière
dans un certain nombre de centres de rétention. Toutefois, un certain
nombre de problèmes persistent. Lors de sa 1222e réunion
(DH) de mars 2015, et bien qu’il se soit félicité des améliorations
apportées aux conditions de détention des centres de pré-éloignement
et qu’il ait pris note du fait que les autorités grecques aient
indiqué que les étrangers dans l’attente de leur éloignement n’étaient
plus placés en détention dans les postes de police, le Comité des
Ministres a instamment invité les autorités à améliorer les conditions
de leur détention, en particulier dans les centres de détention
de l'aéroport d'Athènes, de Fylakio et de Petrou Ralli (comme l’a
constaté le CPT). Il a également exhorté les autorités à garantir
en priorité la pleine protection des droits des mineurs non accompagnés,
afin que des mesures de substitution à la détention soient recherchées
pour ces mineurs en tenant compte de «l’intérêt supérieur de l’enfant».
165. Pour ce qui est d’un recours permettant aux demandeurs d'asile
et aux migrants en situation irrégulière de porter plainte au sujet
de leurs conditions de détention, les autorités ont affirmé qu'ils
en avaient la possibilité en vertu de l'article 76 de la loi no 3386/2005.
Dans sa décision sur la recevabilité rendue le 8 juillet 2014 dans
l’affaire
S.B. c. Grèce , la Cour a reconnu
l'existence de ce recours, sans pour autant reconnaître son caractère
effectif
. Lors de sa 1222e réunion
(DH) de mars 2015, le Comité des Ministres a invité les autorités
à veiller à ce que ce recours soit effectif dans la pratique et
à lui communiquer les évolutions de la jurisprudence interne sur
ce point
.
166. En ce qui concerne les manquements en matière de procédure
de demande d'asile, le Comité des Ministres a noté avec satisfaction,
lors de sa 1186e réunion (DH) du 3 au
5 décembre 2013
, que les trois services institués
par la loi no 3907/2011, à savoir le
Service d’asile, l’Instance d’appels et les Centres de premier accueil
avaient débuté leurs activités depuis le 7 juin 2013. Depuis la
mise en place du nouveau système d’asile, l’ancien et le nouveau
régime d’asile coexistent
et l’arriéré des demandes déposées
avant le 3 juin 2013 est examiné par un comité composé d’officiers
de police et, le cas échéant, par des comités de deuxième instance.
Lors de sa 1222e réunion (DH) de mars
2015, le Comité des Ministres a noté avec intérêt les répercussions
positives des nouveaux services d'asile sur l'efficacité de la procédure
d'asile. Il a également appelé les autorités à assurer la pleine
protection des droits des mineurs sur base d’un système effectif
de tutelle, à garantir le droit à une aide judiciaire gratuite et
à résorber l’arriéré des demandes d’asile déposées avant le 7 juin
2013
.
167. Il convient de noter que dans son rapport du 30 janvier 2015
, le Haut-Commissariat des Nations Unies
pour les réfugiés a félicité les autorités grecques d’avoir engagé
la réforme de leur système d’asile alors qu’elles étaient confrontées
à d’importantes difficultés économiques et politiques. Il a cependant
souligné un certain nombre de carences et de préoccupations et a
recommandé aux Etats membres de l’Union européenne de ne pas refouler
les demandeurs d’asile vers la Grèce, en vertu du règlement de Dublin.
Les problèmes persistent et se sont même aggravés en raison de l’augmentation
massive ces derniers temps des arrivées de réfugiés et de migrants,
principalement par mer, de Syrie, d’Afghanistan, d'Erythrée et de
Somalie
. La question des migrants en situation
irrégulière qui arrivent en Europe en traversant la Méditerranée
ou par tout autre moyen a été examinée à maintes reprises par l'Assemblée
au cours de ces dernières années
.
6.4 Liberté d’association
168. La Cour a constaté, dans l’arrêt
Bekir-Ousta et autres, ainsi que
dans un certain nombre d’affaires similaires, des violations du
droit à la liberté d’association dues au refus des autorités grecques
d’enregistrer des associations
et à la dissolution d’une
association qui promouvait l’idée de l’existence d’une minorité ethnique
turque en Grèce (violations de l’article 11)
.
169. Après le prononcé des arrêts de la Cour, les requérants de
l’ensemble de ces affaires ont demandé l’annulation des décisions
de justice interne contestées, mais leurs demandes ont été rejetées
pour vice de forme en deuxième degré de juridiction. Dans les affaires
Bekir-Ousta et autres et
Emin et autres, les requérants s’étaient
pourvus en cassation et leur pourvoi était pendant à cette époque
L’association
Tourkiki Enosi Xanthis a été déboutée
par la Cour de cassation
, qui a estimé qu’un arrêt de
la Cour européenne des droits de l’homme ne constituait pas, dans
une procédure ne relevant pas du contentieux, «un changement de
situation» permettant la révision ou l’annulation d’une décision
de justice interne définitive
.
170. D’après les informations communiquées par la Grèce, 43 demandes
d’enregistrement d’associations dont l’intitulé comportait le qualificatif
«minoritaire» ou mentionnait parfois leur origine minoritaire, ont
été agréées entre janvier 2008 et février 2012; seules quatre associations
ont vu leur enregistrement refusé
. En
outre, par l’arrêt 24/2012, la Cour de cassation grecque a cassé
l’arrêt d’une juridiction thrace qui avait refusé l’enregistrement
de «l’Association culturelle et éducative de la minorité de Thrace
occidentale de l’Evros du Sud», considérant, par un renvoi à l’article
11 de la Convention, que le simple soupçon né de l’ambiguïté de
l’intitulé de l’association ne suffisait pas à établir l’existence
d’un risque pour l’ordre public et qu’aucun besoin social pressant
n’imposait de refuser de reconnaître cette même association
. En novembre 2012, les
autorités grecques ont indiqué que cette affaire serait à nouveau
entendue par la cour d’appel de Thrace le 7 décembre 2012 et que
l’arrêt de la Cour de cassation pouvait être suivi par les juridictions
inférieures
.
171. Lors de sa 1157e réunion (DH) de
décembre 2012, le Comité des Ministres a pris acte de ce fait nouveau et
«a rappelé l’engagement réitéré par les autorités grecques d’exécuter
pleinement et intégralement les arrêts examinés qui font l’objet
de la surveillance du Comité des Ministres depuis 2008, sans exclure
aucun moyen à cet égard»
. Il a également invité
les autorités grecques à communiquer des informations précises et concrètes
sur les mesures prises ou envisagées
. Le 8 avril 2013, le Gouvernement grec a soumis
de nouvelles informations
.
172. Lors de sa 1186e réunion (DH)
, du 3 au 5 décembre 2013, le Comité
des Ministres a constaté que suite aux arrêts de la Cour européenne
des droits de l’homme, la procédure judiciaire engagée par les associations
requérantes dans les affaires
Bekir-Ousta
et autres et
Emin et autres n’a
pas conduit aux résultats escomptés, dans la mesure où les pourvois
en cassation des requérants ont été rejetés, tout comme dans l’affaire
Tourkiki Enosis Xanthis, pour des
vices de procédure sans avoir fait l’objet d’un examen sur le fond. Le
Comité des Ministres a par ailleurs observé avec regret que la solution
consistant à modifier le Code de procédure civile pour la mise en
œuvre des mesures individuelles des présents arrêts semblait être
toujours à l'étude. Dans la mesure où les autorités grecques n’avaient
pas fourni de plus amples informations, le Comité des Ministres
a adopté à l’occasion de sa 1201e réunion
(DH) de juin 2014 une résolution intérimaire pour ce groupe d’affaires
. Le Comité
des Ministres a rappelé que les autorités exploraient depuis juin
2013 «la solution la plus appropriée» pour la mise en œuvre des
mesures individuelles et a exprimé sa grande déception qu’aucune
information concrète et tangible ne lui ait été fournie à cet égard.
Il a par conséquent invité les autorités grecques à lui soumettre
sans plus tarder l’ensemble des mesures nécessaires pour que les requérants
puissent bénéficier d’une procédure conforme aux exigences de la
Convention. Jusqu'à présent, aucune réponse n'a été fournie par
les autorités à cette résolution intérimaire.
173. Il convient de rappeler à ce propos que la situation de la
minorité musulmane de Thrace occidentale a fait l’objet de plusieurs
rapports de notre commission
. Dans sa
Résolution 1704 (2010), l’Assemblée invitait instamment les autorités grecques
à «mettre pleinement en œuvre les arrêts de la Cour européenne des
droits de l’homme concernant la liberté de religion et d’association,
notamment eu égard à la dénomination des associations, et d’autoriser
ces dernières à utiliser le qualificatif “turc” dans leur nom si
elles le souhaitent»
.
6.5 Autres questions en suspens
174. Le Comité des Ministres examine
actuellement, conformément à la procédure de surveillance soutenue, un
certain nombre d’affaires qui portent sur les mauvaises conditions
de détention dues principalement à la surpopulation carcérale dans
les prisons d’Ioannina, de Korydallos et de Larissa (violations
de l’article 3). Dans l'arrêt
Nisiotis
c. Grèce ,
la Cour a conclu que la surpopulation carcérale semblait être un
problème structurel en Grèce. Ce point a également été souligné
par le rapport du CPT consacré à la Grèce en 2014
. Le Comité des Ministres a examiné ce groupe
d’affaires pour la dernière fois à l’occasion de sa 1230e réunion
(DH) de juin 2015.
175. Depuis 2006, le Comité des Ministres a examiné un certain
nombre d’affaires (
Beka-Koulocheri c. Grèce)
portant sur l’absence
ou le retard considérable d’exécution des décisions définitives
des juridictions internes et sur l’absence de recours effectif à
cet égard (violations des articles 6.1 et 13). La plupart de ces affaires
concernaient l’inexécution des décisions de justice internes qui
ordonnaient la levée de l’expropriation. Le Comité des Ministres
a examiné ce groupe d’affaires pour la dernière fois au cours de
sa 1214e réunion (DH) de décembre 2014
.
7. Pologne
176. Le rapport de M. Pourgourides
résume les principaux problèmes structurels en Pologne: durée excessive
de la procédure et absence de recours effectif, et durée excessive
de la détention provisoire
.
177. Le rapport porte également sur certains autres problèmes,
parmi lesquels les mauvaises conditions de détention, la violation
du droit à la liberté de réunion et l’iniquité des procédures de
lustration
.
Depuis lors, le Comité des Ministres a estimé que les autorités
avaient pris des mesures suffisantes pour mettre en œuvre les arrêts
concernant la durée excessive de la détention provisoire (groupe
Trzaska c. Pologne et
Kauczor c. Pologne , comprenant
173 affaires
) et l’iniquité
des procédures de lustration (groupe d’affaires
Matyjek c. Pologne)
et a clos l’examen des
affaires de ces groupes. Cependant, d’autres points restent problématiques
(voir ci-dessous). Au cours de ma visite à Varsovie, (du 3 au 5
décembre 2014), j’ai abordé l’ensemble de ces problèmes avec les
autorités compétentes et les représentants de la Fondation Helsinki
des Droits de l’Homme et du barreau de Varsovie.
7.1 Durée excessive de la procédure
judiciaire et absence de recours effectif
178. Le rapport Pourgourides demandait
à la Pologne de fournir des statistiques sur le caractère effectif
des diverses mesures nationales prises pour mettre un terme à la
durée excessive des procédures
. Depuis lors, des informations
complémentaires ont été fournies concernant les avancées réalisées
sur le plan de la diminution de la durée des procédures pénales
(
Kudła c. Pologne et autres affaires)
et civiles (
Podbielski c. Pologne et
autres affaires)
ainsi
que sur le plan des procédures engagées devant les autorités et
les juridictions administratives (
Fuchs
c. Pologne et autres affaires)
.
179. Le 22 novembre 2011, les autorités polonaises ont présenté
un plan d'action
pour les groupes d'affaires
Kudla c. Pologne et
Podbielski c. Pologne ; le
23 novembre 2011, elles ont présenté pour le groupe d’affaires
Fuchs c. Pologne un plan d’action distinct
. Ces deux plans
d'action résumaient les mesures législatives et autres prises par
les autorités polonaises pour remédier à ce problème (dont l'informatisation
de la procédure judiciaire et l'augmentation du budget et des effectifs
de la justice)
, et fournissaient
des données statistiques sur la question de la durée des procédures
judiciaires jusqu'en 2010. Lors de la 1128e réunion
(DH) (novembre-décembre 2011)
, le Comité des Ministres a pris
note de ces mesures.
180. En octobre 2012, la Cour a communiqué aux autorités polonaises
cinq affaires (
Suchecki c. Pologne et
quatre autres affaires)
, concernant
la durée excessive de la procédure et l’efficacité du recours interne introduit
en 2004. La Cour a appliqué la procédure de l’arrêt pilote et demandé
aux autorités si les affaires transmises présentaient un problème
structurel lié au dysfonctionnement de la pratique judiciaire interne,
au motif que les tribunaux n’ont pas respecté les critères y afférents
découlant de la Convention. A cette date, quelque 400 affaires relatives
à ce problème étaient pendantes devant la Cour.
181. Les autorités ont, le 4 juillet 2013, présenté un plan d’action
actualisé concernant les groupes d’affaires
Kudla
c. Pologne et
Podbielski c.
Pologne . Elles ont confirmé la poursuite
des mesures annoncées en 2011 et fait part de plusieurs nouvelles
mesures législatives ayant pour objectif la simplification et l’accélération
des procédures, à savoir: le transfert de certaines compétences
des juges au profit d'agents publics extérieurs à l'appareil judiciaire
et des tribunaux à d’autres professionnels du droit comme les notaires.
Selon les statistiques pour 2012, tous types d’affaires confondus,
les tribunaux ont traité plus d’affaires que le nombre de celles
entrantes, parvenant ainsi à diminuer l’arriéré des affaires pendantes
pour la première fois depuis quelques années. En 2012, les juridictions
polonaises ont mené à terme les procédures relatives à plus de 14 millions
d’affaires mais au 31 décembre 2012, quelque 1,8 million de dossiers
restaient à traiter
.
182. Le plan d’action actualisé contient aussi des informations
sur l’efficacité du recours interne contre la durée excessive de
la procédure judiciaire, introduit en 2004 et amélioré grâce à l’amendement
législatif adopté en 2009. Les autorités polonaises estiment que
les juridictions nationales tiennent davantage compte de la jurisprudence
de la Cour, bien que le nombre de ces recours ait augmenté de près
de 35 % entre 2009 et 2010
, de 23 % entre
2010 et 2011, et de 32 % entre 2011 et 2012
. En 2012,
la proportion de recours recevables approchait les 18 %; dans 95 %
d’entre eux, les demandeurs ont obtenu une indemnisation pécuniaire
.
La plupart des recours concernaient des procédures civiles (62 %,
contre 25 % de procédures pénales). Dans sa résolution du 28 mars
2013
, la Cour suprême a déclaré que les
juridictions devaient prendre en considération la durée globale
de la procédure dans l’examen des allégations de durée excessive. Dans
sa communication au Comité des Ministres du 6 décembre 2013
, le Conseil national
du barreau s’est plaint du prolongement fréquent des procédures
judiciaires et du manque d’efficacité du recours interne en raison
de la «fragmentation des procédures» (c.-à-d. la non prise en compte
de la durée globale de la procédure), d’une motivation incomplète
des décisions de justice et du manque d’information quant à la manière
d’accélérer la procédure, ainsi que du faible montant des indemnisations
accordées (bien que la loi prévoit des indemnisations comprises
entre €500 et €5 000, le montant accordé par les juridictions est
de l’ordre de €700 à €1 000).
183. En évaluant le plan d’action lors de sa 1179e réunion
(DH) en septembre 2013
,
le Comité des Ministres a encouragé les autorités à «établir une
stratégie claire» pour stabiliser la récente tendance positive concernant
la diminution de l’arriéré d’affaires pendantes. Il a toutefois
exprimé sa préoccupation concernant le fonctionnement du recours
interne, estimé que des mesures substantielles semblent encore nécessaires pour
y remédier et invité les autorités à mener une réflexion approfondie
sur les mesures requises et à fournir un plan d’action mis à jour.
Les autorités ont, par la suite, présenté au Comité des Ministres
un plan d’action mis à jour le 26 mai 2015
.
184. Pour ce qui est de la durée excessive de la procédure administrative,
les informations statistiques données dans le plan d'action de 2011
pour le groupe d'affaires
Fuchs montrent
que les juridictions administratives ont traité les recours déposés
contre l'inaction des autorités administratives dans un délai de trois
à six mois
et que la charge
de travail de la Cour suprême administrative est restée stable
. Une nouvelle loi relative à
la responsabilité financière des agents publics pour infraction
grave à la législation
et de
nouvelles modifications apportées au Code de procédure administrative
(«CPA») sont entrées en vigueur en 2011. Grâce à ces amendements,
il est désormais possible de se plaindre de l’inaction des autorités administratives
mais également des retards dans les procédures en cours devant ces
dernières (article 37 du Code de procédure administrative). Cependant,
ce nouveau recours n’a pas d’effets compensatoires (contrairement
à la voie de recours précitée introduite en 2004, qui s’applique
également aux durées excessives de procédures devant les juridictions
administratives).
185. Ce plan d’action et ce groupe d’affaires ont été examinés
lors de la 1128e réunion (DH) du Comité
des Ministres (novembre-décembre 2011)
et
lors de sa 1179e réunion (DH), le 26
septembre 2013
. Dans leur décision adoptée à l’occasion
de cette dernière, le Comité des Ministres a fait part de ses préoccupations devant
l’absence de nouvelles informations et la situation d’ensemble,
notant que le nombre d’affaires pendantes devant les juridictions
administratives a augmenté et qu’aucune information n’est disponible
sur la durée des procédures devant les organes administratifs. Il
a également souligné que cette question est pendante devant le Comité
depuis plus de dix ans.
186. En janvier 2014, les autorités ont fourni un plan d’action
actualisé
, accompagné
d’informations mises à jour relatives à l’utilisation du nouveau
recours en vertu de l’article 37 du CPA, de statistiques concernant
les procédures devant les tribunaux administratifs, ainsi que des
mesures de surveillance et organisationnelles prises en leur sein.
Il ressort que le nombre de recours fondés sur l’article 37 du CPA,
y compris ceux jugés recevables, a connu une hausse constante. En
2012, les juridictions administratives régionales ont traité la plupart
des affaires (78 %) dans l’année. Cependant, malgré leur efficacité,
elles enregistraient un arriéré d’affaires en suspens à la fin de
l’année 2012. Il en va de même de la Cour suprême administrative,
qui a eu à traiter un nombre sans cesse croissant de pourvois en
cassation (dont 47 % ont été examinés dans un délai d’un an et 53 %
dans un délai de 12 à 24 mois). Aucune information n’a été transmise
quant à la durée des procédures devant les organes administratifs.
En avril 2015, les autorités ont fourni un nouveau plan d’action actualisé
.
187. Au cours de ma visite à Varsovie, les autorités m’ont dit
avoir fait tout leur possible pour éradiquer le problème chronique
de durée excessive des procédures judiciaires, en dépit du nombre
important de nouvelles affaires portées devant les tribunaux (près
de 15 millions par an). Les représentants du ministère de la Justice ont
indiqué que ce problème était dans une certaine mesure lié aux lacunes
du système des experts judiciaires et précisé que les autorités
envisageaient de réexaminer la législation régissant leur statut.
En ce qui concerne les procédures pénales, les nouvelles dispositions
du Code de procédure pénale censées entrer en vigueur au 1er juillet
2015 devraient raccourcir la durée des procédures grâce à la mise
en place de procédures contradictoires. Des actions de sensibilisation
ont été menées, notamment des sessions de formation pour les juges
et procureurs ou des publications relatives à la Convention et la
jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. En mars
2014, le ministère des Affaires étrangères, le ministère de la Justice,
la Cour suprême administrative et la Cour constitutionnelle ont
signé un accord quant au partage des traductions en polonais d’arrêts
de la Cour européenne des droits de l’homme et d’autres informations
pertinentes. S’agissant du caractère effectif du recours interne
contre la durée excessive de la procédure judiciaire (en particulier
la «fragmentation des procédures» et le faible montant des indemnisations),
j’ai évoqué la question avec le président et les juges de la Cour
suprême. Pour ce qui est des procédures administratives, leur durée excessive
serait, m’a-t-on dit lors de ma visite à la Cour suprême administrative,
principalement due à l’inaction des organes administratifs et j’ai
été informé de l’imminence d’une réforme des procédures devant les tribunaux
administratifs.
7.2 Questions en suspens
7.2.1 Mauvaises conditions de
détention
188. Plusieurs affaires contre la
Pologne pendantes devant le Comité des Ministres concernent les traitements
inhumains et dégradants dus à des conditions de détention inadaptées,
en raison notamment de la surpopulation carcérale (
Orchowski c. Pologne et
Norbert Sikorski c. Pologne) et
du manque de soins médicaux adéquats (
Kaprykowski
c. Pologne et autres affaires)
.
Comme la Cour l’a rappelé dans l'affaire
Orchowski
c. Pologne, les conditions de détention inadaptées constituent
un problème récurrent en Pologne, tandis que la surpopulation des
prisons et des maisons d'arrêt polonaises forment un problème structurel persistant
.
189. Le 17 mars 2010
et le 12 septembre
2011
, les autorités
polonaises ont présenté des plans d'action pour les affaires
Orchowski et
Norbert
Sikorski . Le deuxième plan d'action a témoigné
de la diminution du nombre de détenus et d’une forte augmentation
de la capacité des prisons et des maisons d'arrêt de 2005 à 2010
.
Par ailleurs, la Cour européenne des droits de l'homme a rendu deux
décisions d'irrecevabilité en 2010, dans lesquelles elle a estimé
qu'il existait un recours effectif contre la surpopulation des établissements de
détention (demande en indemnisation faite au civil) et a déclaré
qu'elle pouvait dorénavant exiger des requérants qu'ils utilisent
le nouveau mécanisme de recours prévu par le Code d'exécution des
peines
.
190. Lors de sa 1120e réunion (DH) (septembre 2011)
, le Comité
des Ministres a noté ces avancées et a souligné, s’agissant des
affaires
Orchowski et
Norbert Sikorski, qu'il ne disposait
toujours pas d’informations relatives aux circonstances aggravantes
relevées par la Cour et a invité les autorités polonaises à lui communiquer
ces éléments supplémentaires. Ces informations, qui lui ont été
transmises par les autorités polonaises en janvier 2013, évoquaient
deux facteurs: les fréquents transferts de détenus et les possibilités offertes
aux détenus de faire de l’exercice. Aucune information sur d’autres
facteurs aggravants relevés par la Cour n’a été fournie, parmi lesquels
figurent l’impossibilité de s’isoler, l’insalubrité et l’absence
de prise en charge des détenus vulnérables ayant des problèmes de
santé
. Lors de sa 1164e réunion
(DH) de mars 2013, le Comité des Ministres a invité les autorités
polonaises à lui soumettre un bilan d’action consolidé comportant
l’ensemble des informations complémentaires attendues
.
Les autorités ont fourni en août 2014 un bilan d’action consolidé
dans lequel elles mentionnaient notamment l’augmentation, entre
2006 et 2010, des capacités d’accueil des détenus et une meilleure
utilisation des mesures de surveillance électronique des personnes
condamnées tant au niveau législatif qu’organisationnel. Les autorités
ont également souligné que le taux d’occupation des établissements
pénitentiaires et des maisons d’arrêt s’élevait à 98 % au 31 décembre 2012
et à 96,4 % au 30 avril 2013 (les normes légales polonaises de l'espace
de vie par détenu étant de 3 m2).
191. Le Comité européen pour la prévention de la torture et des
peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) a estimé dans
son rapport de juillet 2011, consacré à la visite qu'il avait effectuée
en Pologne en 2009, que les établissements de détention continuaient
à connaître une surpopulation et a recommandé aux autorités polonaises
de revoir les normes légales de l'espace de vie par détenu, de manière
à garantir à chacun d’eux 4 m2
. Parallèlement,
dans sa communication de novembre 2011 au Comité des Ministres,
la médiatrice polonaise a souligné que la question de la surpopulation
des établissements de détention polonais n'était toujours pas réglée,
même si la densité de population des centres de détention représentait
à ce moment-là 96,4 % de la capacité nationale globale
.
Ces chiffres d’ensemble peuvent masquer d'importantes différences
régionales ou refléter des différences dans les méthodes utilisées
pour produire les statistiques. Par ailleurs, dans leurs communications,
les ONG
estiment
que la situation actuelle est contraire au principe de l’Etat de
droit et préconisent un réexamen de la pratique concernant l’application
de la détention provisoire et de mesures non privatives de liberté
plutôt que la création de nouveaux établissements de détention.
En évaluant cette information lors de sa 1164e réunion (DH) en mars
2013, le Comité des Ministres a aussi noté avec intérêt l’engagement
des autorités à poursuivre leurs efforts pour prendre en compte
les recommandations du CPT concernant notamment l’espace vital des
détenus. Dans le rapport relatif à sa visite effectuée en Pologne
en juin 2013, le CPT a confirmé que le surpeuplement reste un problème
dans toutes les prisons visitées. Il appelait les autorités à redoubler
d’efforts afin de combattre ce phénomène négatif et à revoir au
plus tôt les normes légales actuelles en matière d’espace vital
par détenu (soit 3 m2)
.
192. Un premier bilan/plan d'action pour le groupe d'affaires
Kaprykowski a été remis au Comité
des Ministres en mars 2010
puis complété
le 12 septembre 2011
. Des informations supplémentaires
ont été fournies par le gouvernement le 11 janvier 2013
. Les autorités ont déclaré qu'une
réforme des installations hospitalières pénitentiaires visant à
améliorer la qualité et la cohérence du traitement médical de l'ensemble des
détenus, était en cours
.
En outre, en décembre 2010, le ministre de la Justice a pris un
décret «relatif à la fourniture de services médicaux aux personnes
placées en détention par les établissements de soins des personnes
privées de liberté», qui définit le cadre des services médicaux
proposés aux détenus
. D’autres informations
ont été communiquées au Comité des Ministres en janvier 2013
. Dans leur décision adoptée lors
de la 1164e réunion CM(-DH) (5-7 mars
2013), les Délégués ont noté avec intérêt les développements positifs
présentés par les autorités, en particulier l'augmentation systématique
des dépenses de santé en milieu pénitentiaire, mais ont considéré
que des informations complémentaires restaient nécessaires en vue de
clarifier l'étendue et l'impact réel de ces mesures et d’examiner
les voies de recours ouvertes aux détenus en matière d'accès aux
soins médicaux
.
Selon le Conseil national du barreau
, la législation
actuellement en vigueur constitue une base suffisante pour garantir
aux détenus des soins médicaux adéquats, le problème soulevé ayant
trait à la situation extrajudiciaire et notamment au manque de sensibilité
de certains agents pénitentiaires. Les autorités ont indiqué en
réponse que le Comité central du service pénitentiaire a organisé plusieurs
sessions de formation à l’attention du personnel carcéral. A l’occasion
de sa visite en Pologne en juin 2013, le CPT a constaté que les
effectifs de soins dans certains établissements n’étaient pas adéquats
et a recueilli, dans tous les établissements visités, des plaintes
concernant les délais pour accéder à ces services
.
193. Au cours de ma visite à Varsovie, les autorités m’ont informé
de la réduction du nombre de détenus (la densité de population dans
les établissements pénitentiaires représentant 90 % de la capacité
nationale globale), tout en précisant qu’elles devaient encore remédier
au problème «des listes d’attente» pour purger sa peine dans un
établissement pénitentiaire. Ce qui explique le recours accru et
de plus en plus fréquent à la surveillance électronique: plus de
30 000 personnes ont fait l’objet d’une telle mesure depuis 2009
et près de 4 600 sont actuellement sous surveillance électronique.
Le ministère de la Justice a proposé la construction de nouveaux
établissements en dehors des grandes villes et les parlementaires
de la commission de la justice et des droits de l'homme ont appuyé
cette initiative. Les autorités ont par ailleurs estimé qu’il leur
faudrait quelques années pour mettre en œuvre la norme du CPT de
4 m2 d’espace vital par détenu et convenu
de la nécessité d’améliorer encore les services de santé dans les
centres de détention.
7.2.2 Violation du droit à la
liberté de réunion
194. Dans l'affaire
Bączkowski et autres c. Pologne , la Cour a conclu à la violation
du droit du requérant à la liberté de réunion, à l'absence de recours
effectif contre cette violation et au traitement discriminatoire
dû au refus des autorités polonaises, qui «n'était pas prévu par
la loi», d'autoriser la tenue en 2005 de manifestations visant à
sensibiliser les citoyens à la discrimination subie par les minorités,
les femmes et les personnes handicapées
.
195. Alors qu’un certain nombre de mesures ont été adoptées, l'absence
de recours effectif contre le refus des autorités locales d'autoriser
la tenue d'une manifestation continue à poser problème. Selon le
plan d'action présenté le 17 février 2012
, des mesures intérimaires
(notamment une large diffusion de l’arrêt de la Cour) ont été prises,
en attente d’une solution législative définitive.
196. A la suite des propositions formulées par le Président de
la Pologne, des amendements à la loi relative aux réunions de 1990
ont été adoptés le 14 septembre 2012 par le Sejm. Cependant, les
organisateurs d’une réunion restent susceptibles de ne recevoir
la décision de l’instance d’appel qu’après la date prévue pour la manifestation.
Le 18 septembre 2014, la Cour constitutionnelle a rendu un arrêt
sur la constitutionnalité de la loi relative aux réunions telle
qu’amendée
. S’agissant de la procédure d’appel
dans le cadre de l’interdiction d’une réunion, elle a conclu que
les législateurs n’avaient pas fixé de date butoir avant laquelle
les organes de l’Etat étaient tenus d’agir et avaient empêché toute
possibilité de contrôle judiciaire des décisions négatives rendues
par de telles instances. Il est par conséquent impossible de qualifier
d’efficace la procédure d’appel en vigueur. Le ministère de l’Administration
et de la numérisation a, publié, en mars 2015, un projet de loi
aux fins de la mise en œuvre de cet arrêt de la Cour constitutionnelle,
dont les détails sont présentés dans le plan d’action révisé soumis
au Comité des Ministres par les autorités le 27 avril 2015
. Lors de ma visite
à Varsovie, j’ai longuement abordé cette question avec le ministre
de l’Administration et de la Numérisation – M. Andrzej Halicki,
ancien membre de l’Assemblée et chef de la délégation polonaise
auprès de l’Assemblée parlementaire.
7.3 Autres questions en suspens
197. Quelques affaires relatives
aux mauvais traitements infligés par la police, entre 1997 et 2006,
et à l’absence d’enquête effective à cet égard (violations substantielle
et procédurale de l’article 3)
sont pendantes
devant le Comité des Ministres, qui a décidé, lors de sa 1201e réunion
(DH) (3-5 juin 2014), de transférer les affaires de la procédure
standard vers la procédure soutenue, compte tenu de l’arrêt rendu
par la Cour dans l’affaire
Przemyk . La
Cour a en effet estimé que la durée excessive des procédures judiciaires et
les retards des enquêtes sur les allégations de violations des droits
de l’homme consacrés par les articles 2 et 3 de la Convention font
l’objet de plaintes récurrentes portées devant elle qui semblent
révélatrices d’un problème structurel, lequel suppose de prendre
des mesures générales adéquates. Au cours de ma visite à Varsovie,
j’ai soulevé ce problème à l’occasion de mon entretien avec le procureur
général; ce dernier a souligné que bien qu’il soit habilité, depuis
la réforme de 2009, à prendre des mesures disciplinaires à l’encontre
de procureurs, il dispose de compétences limitées pour influer sur
les enquêtes en cours.
198. La durée excessive des enquêtes faisait également l’objet
de critiques de la Cour notamment dans les affaires
Al Nashiri et
Husayn
(Abu Zubaydah) concernant la restitution et la
détention secrètes en Pologne par la CIA des requérants qui étaient
soupçonnés d’actes terroristes. Dans les deux affaires, la Cour
a conclu à des violations de l’article 3 (en ce qui concerne les
aspects substantiel et procédural), et des articles 5, 8, 13
, 6.1 et 38 de la Convention
et, dans
Al Nashiri, de l’article
1 du Protocole no 6. L’exécution de ces
arrêts est actuellement sous la surveillance du Comité des Ministres
.
Les autorités ont payé la satisfaction équitable dans l’affaire
Al Nashiri et, en ce qui concerne
l’affaire
Husayn, elles ont
fait une demande en vue de déposer les sommes dues auprès d’une
juridiction interne compétente (car la loi polonaise ne permet pas
de verser de l’argent aux personnes qui figurent sur les «listes
noires» de l’Union européenne et des Nations Unies)
.
Même si les autorités polonaises ont reconnu l’existence des prisons
secrètes de la CIA sur le territoire polonais
, lors de ma visite à Varsovie,
je n’ai obtenu que des réponses évasives à ce sujet.
199. Par ailleurs, le Comité des Ministres examine également certaines
affaires relatives à l’imposition d’un «régime spécial pour détenus
dangereux» (le groupe Horych) que la Cour a jugé contraire aux articles
3 et 8 de la Convention
.
Lors de sa 1208e réunion (DH) (23 au
25 septembre 2014), le Comité des Ministres a noté que les autorités
polonaises envisageaient d’apporter certaines modifications à la
législation et les a invitées à fournir des informations complémentaires
afin de lui permettre d’évaluer ce groupe d’affaires au cours d’une
de ses réunions de 2015.
8. Hongrie
200. Selon le Rapport annuel 2014
du Comité des Ministres, les problèmes les plus graves en Hongrie
étaient les suivants:
- la durée
excessive des procédures;
- la surpopulation des centres de détention, assimilable
à un mauvais traitement;
- le placement discriminatoire d’enfants d'origine rom dans
des écoles pour enfants handicapés mentaux pendant le cycle d’enseignement
primaire .
8.1 Durée excessive des procédures
201. Depuis 2003, plus de 230 arrêts
rendus contre la Hongrie dans des affaires concernant des durées excessives
de procédures civiles ou pénales et l’absence de recours effectif
à cet égard sont en attente d’exécution
. Les autorités hongroises ont adopté une
série de mesures, dont une loi prévoyant des recours accélératoires
en 2006 et des lois visant à améliorer le fonctionnement de l’appareil
judiciaire en 2009, 2010 et 2011. Cependant, le problème persiste
et lors de sa 1136e réunion (DH) en mars
2012 le Comité des Ministres a transféré ces affaires sous sa surveillance
soutenue, au vu du caractère structurel du problème
.
202. En décembre 2012, les autorités hongroises ont présenté un
plan d’action
qui soulignait
que la Cour avait considéré le recours accélératoire en matière
pénale comme effectif dans certaines circonstances
et qui
indiquait qu’une attention sérieuse était accordée à l’instauration
d’un recours en indemnisation. En décembre 2013, la Cour a rendu
un arrêt
dans
lequel elle a conclu, au titre de l’article 46, à la nécessité de mesures
générales au vu du caractère systémique du problème. Elle a souligné
que près d’une centaine d’affaires similaires étaient pendantes
et a appelé les autorités hongroises à soit modifier les voies de
recours internes existantes soit en créer de nouvelles. De plus,
en novembre 2014, la Cour a communiqué au gouvernement l’affaire
György Gazsó , en lui demandant si elle se prêtait
à la procédure de l’arrêt pilote.
203. En janvier 2015, les autorités hongroises ont présenté un
plan d’action
actualisé dans
lequel elles ont reconnu la nécessité d’adopter des mesures pour
réduire la durée des procédures judiciaires, améliorer l’effectivité
des recours accélératoires existants et créer un recours en indemnisation
ou une combinaison de recours en cas de durée excessive de la procédure.
Elles ont aussi annoncé leur intention de prendre une décision avant
mars 2015 sur la création éventuelle de nouvelles voies de recours
au moyen de lois distinctes ou dans le cadre de la réforme législative
en cours des Codes de procédures civile et pénale.
204. Le Comité des Ministres, lors de sa 1222e réunion
(DH) (11-12 mars 2015), a noté avec intérêt que les autorités hongroises
reconnaissaient que des mesures générales étaient requises et les
a invitées instamment à intensifier leurs efforts à cet égard
. Il les a également
invitées à faire connaître leur décision sur la façon dont les nouveaux
recours seront introduits d’ici à fin avril 2015. Un plan d’action
mis à jour a été soumis le 28 avril 2015
.
8.2 Surpopulation des centres
de détention, assimilable à un mauvais traitement
205. Dans quelques affaires, les
violations de l’article 3 de la Convention étaient dues aux conditions
de détention, avec des cellules collectives offrant moins de 4 m²
par personne, et aux dispositions légales
. Le Comité
des Ministres a reçu un plan d’action des autorités hongroises le
22 avril 2013
, qui a été actualisé le 9 mars
2015
. Un arrêt pilote sur cette question
est devenu définitif le 10 juin 2015
.
8.3 Placement discriminatoire
d’enfants d'origine rom dans des écoles pour enfants handicapés
mentaux pendant le cycle d’enseignement primaire
206. Dans l’affaire
Horváth et Kiss c. Hongrie, la Cour
a conclu à une violation de l’article 2 du Protocole no 1 combiné
avec l’article 14 de la Convention au sujet du placement discriminatoire
d’enfants roms dans des écoles spéciales pour handicapés mentaux
. Dans leurs plans d’action
d’octobre 2013
et de janvier 2014
, les autorités
ont fourni des informations sur les mesures adoptées jusqu’à présent,
notamment sur le caractère objectif et non discriminatoire des tests
utilisés pour évaluer les aptitudes et les capacités des enfants
roms et sur les garanties procédurales visant à éviter les erreurs
de diagnostic et de placement des élèves roms.
207. Lors de sa 1193e réunion (DH) (4-6 mars
2014), le Comité des Ministres a pris note de ces mesures, invité
les autorités à donner des informations sur leur effet concret et
les a encouragées à poursuivre la mise en œuvre d’une politique
d’éducation non discriminatoire
.
Un plan d’action révisé a été présenté le 20 mai 2015
.
9. Bulgarie
208. Selon le rapport de M. Pourgourides,
les problèmes les plus graves en Bulgarie étaient les suivants:
- les décès et mauvais traitements
de personnes placées sous la responsabilité de fonctionnaires des forces
de l’ordre et l’absence ultérieure d’enquêtes effectives au sujet
de ces abus;
- la durée excessive des procédures judiciaires et l’absence
de recours effectif;
- les violations du droit au respect de la vie familiale
en raison d’expulsions / d’ordonnances de quitter le territoire .
209. Le Rapport annuel 2014 du Comité des Ministres évoque aussi
les mauvaises conditions de détention et plusieurs autres problèmes
en suspens (voir plus loin
).
9.1 Décès et mauvais traitements
de personnes placées sous la responsabilité de fonctionnaires des
forces de l’ordre et absence ultérieure d’enquêtes effectives au
sujet de ces abus
210. Le Comité des Ministres examine
en ce moment plus de trente affaires portant sur le décès et les mauvais
traitements subis par des personnes placées sous la responsabilité
de fonctionnaires des forces de l’ordre: le groupe d’affaires
Velikova , concernant des décès et
mauvais traitements, et le groupe d’affaires
Natchova , concernant le recours excessif aux armes
à feu. Dans la plupart de ces affaires, le manquement de l’Etat
à mener des enquêtes effectives a été constaté
.
211. En février 2013, le gouvernement bulgare a soumis un plan
d’action révisé comportant les mesures complémentaires à prendre
. Le 1er juillet
2012, une modification de la loi relative au ministère de l’Intérieur (loi
no 202-01-14), apportant d’importants
changements au cadre juridique limitant l’utilisation de la force
et des armes à feu, est entrée en vigueur. Le Comité des Ministres,
après avoir examiné cette nouvelle législation, a conclu qu’elle
semblait conforme aux exigences de la Convention
. Cette réforme
législative s’avère par ailleurs pertinente en matière d’efficacité
des enquêtes, dans la mesure où le nouveau régime impose aux organes
compétents d’appliquer des critères similaires aux normes qui se
dégagent de la jurisprudence de la Cour. La création d’une section
spécialisée du parquet suprême chargée de promouvoir l’impartialité
et l’efficacité des enquêtes pénales concernant des membres des
forces de l’ordre constitue également une avancée positive. Ces
mesures ne semblent toutefois pas suffisantes pour garantir l’effectivité
des enquêtes pénales ou disciplinaires au sens de la jurisprudence
de la Cour. Des informations complémentaires ou précisions sont
encore nécessaires, notamment sur: a) la procédure exacte suivie
en cas d’allégations de mauvais traitements par les membres des
forces de l’ordre; b) les mesures prises pour garantir l’impartialité
et l’indépendance des policiers chargés de procéder à des enquêtes
sur d’autres policiers; c) la possibilité, dans le cadre légal actuel,
d’interroger des membres des forces spéciales lorsque leurs interventions
ont suscité des allégations de mauvais traitements; ou, en l’absence
d’une telle possibilité, les mesures prises ou envisagées pour mettre
la réglementation et la pratique internes dans ce domaine en conformité
avec les exigences de la jurisprudence de la Cour.
212. Par ailleurs, le fonctionnement pratique des garanties procédurales
en garde à vue a certes été amélioré par rapport à la période avant
2008, mais les rapports du CPT
, sa récente déclaration
publique du 26 mars 2015 relative à la Bulgarie
et
des rapports établis par des observateurs de la société civile
montrent que les progrès ont été
faibles ou inexistants et que des mesures sont toujours nécessaires
pour surmonter certains problèmes. Certains persistent en effet,
s’agissant entre autres d’obtenir l’assistance d’un avocat commis
d’office en garde à vue, de la tenue des registres concernant les
personnes détenues et d’une mise en œuvre efficace de l’obligation
de notifier au procureur les lésions qui pouvaient résulter du mauvais traitement.
213. L’analyse des données statistiques pour la période 2006-2009
avait montré une tendance positive de diminution des cas d’allégations
de mauvais traitement en comparaison avec la période avant 2006.
Des mesures supplémentaires semblent cependant nécessaires pour
produire des données plus complètes et précises pour les dernières
années, afin de permettre une évaluation complète de l'impact des
mesures déjà prises par les autorités. En effet, actuellement, différentes
institutions collectent des informations en ce domaine, sur des
fichiers apparemment indépendants, avec les risques d'erreurs et
de doubles enregistrements que cela comporte. Il semble par conséquent
utile de mettre en place une collecte de données coordonnée au niveau
national afin de pouvoir produire des informations concernant les
allégations de mauvais traitements signalées à toutes les institutions,
ainsi que les enquêtes pénales et disciplinaires menées à cet égard.
Pour ce qui est du suivi interne, il semble utile d’examiner la
possibilité de produire des versions publiques des rapports mensuels
et/ou annuels sur la discipline au sein du ministère de l’Intérieur
.
214. Les autorités bulgares ont présenté le 3 novembre 2014 un
plan d’action révisé, actuellement en cours d’évaluation
. Dans un arrêt du 3 mars 2015 (
S.Z. c. Bulgarie ), la
Cour, au titre de l’article 46 de la Convention, a affirmé que l’inefficacité
des enquêtes (plus de 45 arrêts concluant à la violation des obligations procédurales
découlant des articles 2 et 3 de la Convention, non seulement dans
le contexte des abus allégués par les fonctionnaires des forces
de l’ordre, mais aussi concernant les actes des personnes privées)
constituait un problème systémique et a appelé les autorités bulgares
à prendre les mesures individuelles et générales qui s’imposent
pour résoudre ce problème, en coopération avec le Comité des Ministres.
9.2 Durée excessive des procédures
judiciaires et absence de recours effectif
215. Pendant des années, le problème
de la durée excessive de la procédure était largement répandu dans les
affaires pénales, civiles et administratives en Bulgarie et s'accompagnait
habituellement d'une absence de recours effectif (plus de 120 affaires
). Le 10 mai 2011, la Cour européenne
des droits de l'homme a prononcé deux arrêts pilotes,
Dimitrov et Hamanov c. Bulgarie et
Finger c. Bulgarie, qui portaient
sur l'absence systémique de recours effectif pour une durée excessive
de la procédure pénale, civile et administrative
. Elle a demandé à la Bulgarie de mettre
en place cette voie de recours dans un délai d'un an, c'est-à-dire
avant le 10 août 2012.
216. Les autorités bulgares ont adopté un recours compensatoire
en matière de durée excessive des procédures qui est entré en vigueur
le 1er octobre 2012. Ce recours ne peut
être exercé que lorsque les procédures judiciaires sont terminées.
En outre, une loi instaurant un recours judiciaire est entrée en
vigueur le 15 décembre 2012; ce recours peut être exercé par des
personnes parties à une procédure judiciaire en cours ou après la
fin de la procédure
.
217. Le 18 juin 2013, dans deux décisions d’irrecevabilité (
Valcheva et Abrashev c. Bulgarie et
Balakchiev et autres c. Bulgarie ),
la Cour a conclu que les deux nouveaux recours pris ensemble (judiciaire
et administratif) étaient effectifs. Lors de sa 1179e réunion
(DH) (24-26 septembre 2013
), le Comité des Ministres a noté
avec intérêt ces décisions et invité les autorités bulgares à le
tenir informé du développement de la pratique interne en ce domaine.
S’agissant de l’introduction d’un recours préventif en matière pénale (autorisant
la clôture d’une enquête si elle se prolonge plus de deux ans),
le Comité des Ministres a constaté qu’il soulevait des problèmes
quant à sa compatibilité avec la Convention, en particulier dans
le domaine des enquêtes effectives, et a invité les autorités à
lui soumettre des informations supplémentaires sur les mesures envisagées
afin d’assurer la conformité de ce recours avec les exigences énoncées
dans l’arrêt pilote
Dimitrov et Hamanov.
Lors de sa 1157e réunion (DH), le Comité
des Ministres avait déjà encouragé les autorités à continuer leurs
travaux visant à introduire un recours effectif dans les affaires
pénales.
218. Pour ce qui est de la véritable durée des procédures judiciaires,
les réformes décrites dans la Résolution intérimaire CM/ResDH(2010)223
et dans le document d’information
CM/Inf/DH(2012)36
(comme l’adoption de nouveaux Codes
de procédure, des mesures de supervision et la gestion électronique
des dossiers) semblent avoir amélioré l’efficacité du système judiciaire
bulgare. Il semble cependant que les résultats de ces réformes ne
soient pas entièrement consolidés et que des problèmes de durée
de procédures puissent encore survenir en raison de la charge de
travail très importante de certaines grandes juridictions (tribunal
de la ville de Sofia et tribunal de district de Sofia
). Bien que les tribunaux
aient continué à gagner en efficacité, l’arriéré d’affaires observé
depuis 2009 devant les plus grandes juridictions n’a pas disparu.
Lors de sa 1179e réunion (DH), en septembre
2013, le Comité des Ministres a rappelé l’existence de cet arriéré
et appelé à nouveau les autorités à prendre toutes les mesures complémentaires
nécessaires pour améliorer la situation, notamment celle des grandes
juridictions, qui semblent surchargées, et à présenter un plan d’action révisé.
Les autorités bulgares n’ont cependant toujours pas présenté ce
plan d’action.
9.3 Violations du droit au respect
de la vie familiale due aux expulsions / ordonnances de quitter
le territoire
219. Dans un certain nombre d’affaires
initialement désignées sous l’intitulé «groupe d’affaires
Al-Nashif et autres », concernant l’expulsion
ou l’ordonnance de quitter le territoire pour des motifs de sécurité
nationale, la Cour européenne des droits de l’homme a constaté des
violations du droit au respect de la vie familiale (article 8 de
la Convention). Certaines des affaires de ce groupe emportent d’autres
violations de la Convention, comme le risque de mauvais traitements
en cas de mise en œuvre d’une ordonnance d’expulsion, la détention
illégale et l’absence de recours effectif ou de garanties procédurales
en cas d’expulsion (articles 3, 5 et 13 de la Convention et article
premier du Protocole no 7).
220. Le manque de contrôle indépendant des ordonnances d’expulsion,
mis en lumière par ce groupe d’affaires, a reçu une première réponse
de la part des autorités bulgares avec l’instauration d’un recours devant
la Cour administrative suprême et les améliorations consécutives
de ce recours
. En mars 2015
par conséquent
,
le Comité des Ministres a décidé de clore l’examen de quatre affaires
de ce groupe et de traiter les questions en suspens concernant le
fonctionnement des recours contre l’expulsion d’étrangers pour des motifs
de sécurité nationale via les affaires du groupe
C.G. et autres c. Bulgarie , qui portent sur des
faits plus récents. Dans deux arrêts de ce groupe,
M. et autres c. Bulgarie et
Auad c. Bulgarie , la Cour a indiqué,
au titre de l’article 46 de la Convention, plusieurs modifications
à la loi et/ou changements dans la pratique judiciaire nationale
qu’elle jugeait nécessaires à l’exécution des arrêts, notamment
concernant l’absence d’examen des faits sur lesquels repose une
ordonnance d’expulsion ou l’absence d’effet suspensif automatique
en cas de risque sérieux de mort ou de mauvais traitements
.
221. A la suite de la présentation d’un plan d’action par les autorités
bulgares
, le Comité des
Ministres a salué en mars 2015, lors de sa 1222e réunion
(DH)
, les développements
positifs de la pratique de la Cour administrative suprême et de
la législation relative à la détention en attente d’expulsion, bien
que certaines indications formulées par la Cour demandent toujours
à être mises en œuvre. Il a appelé les autorités à introduire, «sans
plus tarder, un recours assorti d’un effet automatiquement suspensif
applicable dans les cas où un grief défendable relatif à un risque
sérieux de mort ou de mauvais traitement dans le pays de destination est
formulé pour contester l’expulsion» et à prévoir «que le pays de
destination soit mentionné dans un document juridiquement contraignant
et que tout changement de pays de destination puisse faire l’objet
d’un recours
».
En outre, les autorités ont été invitées à prendre des mesures pour
garantir que l’expulsion motivée par des considérations d’ordre
public ne soit pas exécutée avant que l’étranger ait pu exercer
ses droits prévus par l’article premier du Protocole no 7,
sauf si les circonstances de l’affaire ne l’exigent.
9.4 Mauvaises conditions de détention
222. Un groupe de plus de vingt
affaires pendantes devant le Comité des Ministres porte sur le traitement inhumain
et dégradant des requérants en raison de mauvaises condition de
détention dans des établissements de détention provisoire et des
prisons (notamment en raison du surpeuplement et des mauvaises conditions sanitaires
et matérielles
). Certaines des affaires
portent aussi sur l’absence de recours effectif à l’égard des conditions
de détention (violations de l’article 13 combiné avec l’article
3).
223. Le 15 mai 2012, les autorités bulgares ont présenté un bilan
d'action qui décrit les mesures déjà prises et envisagées pour l'exécution
de ces arrêts dont, notamment: 1) des mesures visant à promouvoir
des alternatives à l'emprisonnement et une répartition plus adéquate
des détenus entre les différents établissements pénitentiaires afin
de répondre partiellement au problème de la surpopulation carcérale;
2) des mesures visant à renforcer l’efficacité du recours interne
compensatoire pour mauvaises conditions de détention; 3) la mise
en place d'un mécanisme national de prévention qui confère au Médiateur
un rôle considérable en matière de contrôle des établissements de
détention
.
224. Le Comité des Ministres a examiné ce bilan d’action lors de
sa 1144e réunion (DH), en juin 2012,
et invité les autorités à fournir des éclaircissements sur plusieurs
questions en suspens
.
225. Le 9 avril 2013, les autorités ont soumis un plan d’action
révisé
. Lors de sa 1172e réunion
(DH) (4-6 juin 2013
), le Comité des Ministres a salué
les efforts de la Bulgarie pour résoudre le problème systémique du
surpeuplement et améliorer les conditions matérielles de détention,
notamment par les projets de reconstruction financés à l’aide du
Mécanisme financier norvégien. Cependant, les plans d’action nationaux en
ce domaine n’ont pu être mis en œuvre, en raison de restrictions
budgétaires liées à la crise économique. Des mesures et améliorations
supplémentaires sont donc toujours nécessaires, en particulier concernant
le surpeuplement des prisons pour hommes. Le Comité des Ministres
a encouragé les autorités à développer davantage le recours à des
mesures alternatives à l’emprisonnement et à la détention provisoire
et à établir une stratégie globale actualisée pour s’attaquer au
surpeuplement carcéral. Il les a également encouragées à rechercher
avec la plus haute priorité à chercher des solutions qui leur permettraient
d’améliorer les conditions de détention, à explorer toutes les possibilités
de coopération européenne et à tenir dûment compte des recommandations
pertinentes formulées par le CPT. S’agissant de la mise en place
d’un recours effectif, le Comité des Ministres a invité les autorités
bulgares à tirer pleinement bénéfice du projet no 18
du Fonds fiduciaire des droits de l’homme.
226. Le 8 décembre 2014, les autorités bulgares ont présenté un
plan d’action révisé, actuellement en cours d’évaluation
. En décembre 2013 et 2014 respectivement,
des réunions et un séminaire ont été organisés à Sofia dans le cadre
du projet no 18 du Fonds fiduciaire des droits
de l’homme
.
227. Le 27 janvier 2015, la Cour européenne des droits de l’homme
a rendu un arrêt pilote dans l’affaire
Neshkov
et autres ,
demandant aux autorités de rendre disponible, dans un délai de dix-huit
mois à compter de la date à laquelle l’arrêt devient définitif,
une combinaison de recours internes effectifs, à effet préventif comme
compensatoire, concernant les conditions de détention.
228. Il faut souligner que dans sa déclaration publique du 26 mars
2015, susmentionnée, le CPT a déploré une fois de plus la surpopulation
dans les prisons bulgares. De l’avis du CPT, dans les trois prisons
qu’il a visitées (Sofia, Burgas et Varna), les conditions matérielles
pourraient à elles seules être considérées comme constituant un
traitement inhumain et dégradant. En outre, la grande majorité des
détenus n’a aucun accès à des activités organisées hors cellule
et la qualité de la prise en charge médicale a même empiré
. D’après le CPT, «l’approche concernant
l’ensemble de la question de la privation de liberté en Bulgarie
doit changer radicalement
». Au cours de
sa réunion du 21 avril 2015, la sous-commission des droits de l’homme
de notre commission a pris note de cette déclaration et proposé
à la commission plénière d’inviter le chef de la délégation bulgare
à l’Assemblée parlementaire à un échange de vues sur ce sujet lors
d’une réunion à venir
.
9.5 Autres questions en suspens
229. Le Comité des Ministres examine
également, dans le cadre de sa procédure de surveillance soutenue, plusieurs
autres questions en suspens relatives à la mise en œuvre des arrêts
de la Cour européenne des droits de l’homme. Il s’agit des suivantes:
garanties insuffisantes contre l’usage arbitraire des pouvoirs prévus par
la loi sur les moyens spéciaux de surveillance (groupe d’affaires
Association pour l’intégration européenne et
les droits de l’homme et Ekimdjiev c. Bulgarie ), placement en foyer social
pour personnes atteintes de troubles mentaux (
Stanev
c. Bulgarie ),
refus injustifiés d’enregistrer une association visant «la reconnaissance
de la minorité macédonienne en Bulgarie» (
Organisation
macédonienne unie Illinden et autres et
Organisation macédonienne unie Illinden et
autres no
2 ) et éviction de personnes
d’origine rom (
Yordanova et autres ).
10. Royaume-Uni
230. La nécessité, pour le Royaume-Uni,
de se conformer à son obligation d’exécuter certains arrêts de la Cour
dans un délai raisonnable et diligent, est un problème spécifique
non résolu mentionné dans le rapport de M. Pourgourides. Bien que
les problèmes posés par les droits de l’homme au Royaume-Uni soient,
à bien des égards, moins graves que ceux des autres Etats recensés
plus haut, le rapport Pourgourides a mis en lumière la persistance
«de sérieux problèmes liés à l’exécution», comme les droits de vote
des détenus et la conservation de profils ADN et de données biométriques
.
231. Dans l’affaire
Hirst c. Royaume-Uni
(no
2) et l’arrêt pilote
Greens et M.T. c. Royaume-Uni , la Cour a constaté des violations de la
Convention en raison de l’interdiction générale du vote des détenus
au Royaume-Uni (violation de l’article 3 du Protocole no 1).
232. A la suite d’un échange de lettres entre la délégation britannique
et le Greffe de la Cour à l’été 2011, la Cour européenne des droits
de l’homme est convenue d’étendre le délai d’exécution des arrêts
rendus dans ces affaires, initialement fixé au 11 octobre 2011,
à six mois après la date de l’arrêt de Grande Chambre rendu dans
l’affaire
Scoppola c. Italie (no
3) . Comme le prononcé
du dernier arrêt en Grande Chambre date du 22 mai 2012, les autorités
britanniques avaient jusqu’au 23 novembre 2012 pour se conformer
à l’arrêt pilote
.
233. Le 23 novembre 2012, les autorités britanniques ont soumis
au Comité des Ministres un plan d’action dans lequel figuraient
des projets de loi déposés au parlement et visant à modifier la
législation électorale. Ces projets d’amendement comportaient toute
une série d’options qui devaient être examinées par une commission
parlementaire
.
Lors de sa 1157e réunion (DH) (décembre
2012), le Comité des Ministres a pris note avec grand intérêt de
cette initiative. Il a également salué l’annonce faite par le grand
chancelier d’Angleterre et le secrétaire d’Etat à la Justice au
moment de la présentation de ce projet devant le parlement: «Le
droit international impose au gouvernement d’exécuter l’arrêt de
la Cour» et «le Royaume-Uni admet parfaitement qu’il lui faille
respecter ses obligations internationales». Le Comité des Ministres
a donc souligné que la version définitive du texte de loi devait
être conforme à ces obligations et que la troisième option du projet
de loi, qui vise à maintenir la limitation générale du vote des
détenus, n’était pas compatible avec la Convention.
234. Le 18 décembre 2013, la commission mixte du Parlement du Royaume-Uni
pour le projet de loi portant reconnaissance du droit de vote (des
détenus) a rendu public son
rapport; elle y recommande, entre autres, de garantir la possibilité,
pour tous les détenus qui purgent des peines d’emprisonnement de
12 mois ou moins, d’exercer leur droit de vote et suggère que le
gouvernement dépose un projet de loi devant le parlement dès l’ouverture
de sa session 2014-2015. La commission mixte n’a pas recommandé
la reconduction de l’interdiction générale en vigueur jusque-là.
Lors de sa 1193e réunion (DH) du Comité
des Ministres en mars 2014, les conclusions de ce rapport ont été
favorablement accueillies et le Comité des Ministres a instamment invité
les autorités britanniques à mettre en œuvre les recommandations
formulées par la commission mixte.
235. Pour autant, en dépit de la proximité des élections générales
de mai 2015, aucun progrès n’a pu être constaté. Lors de sa 1208e réunion
(DH) en septembre 2014, le Comité des Ministres a rappelé «le nombre d’années
qui se sont écoulées depuis que les arrêts
Hirst
no
2 et
Greens et M.T. sont devenus définitifs
et les appels répétés du Comité des Ministres à les exécuter»; il
a également «noté avec profonde préoccupation et déception» que
le gouvernement n’avait pas présenté de projet de loi au parlement,
comme le lui avait recommandé la commission mixte. Le Comité des
Ministres a, par conséquent, invité instamment les autorités du
Royaume-Uni à déposer un tel projet de loi dans les meilleurs délais
.
236. Le 12 mars 2013, la Cour a décidé d’ajourner au 30 septembre
2013, au plus tard, l’examen des plus de 2 300 requêtes pendantes
devant elle sur la même question
.
Pour autant, le 24 septembre 2013, elle a décidé de ne pas différer
plus longtemps l’examen des requêtes déposées dans ces affaires
. Dans
deux arrêts qui sont devenus définitifs en décembre 2014 et en février
2015, la Cour a examiné ces requêtes et a conclu aux violations
de l’article 3 du Protocole no 1 car
la législation contestée n’avait toujours pas été modifiée (voir
Firth et autres et
McHugh et autres) .
237. En ce qui concerne l’exécution de l’arrêt rendu dans l’affaire
S. et Marper c. Royaume-Uni dans lequel la
Cour avait constaté des violations du droit à la vie privée en raison
de la conservation de profils ADN, d’empreintes digitales et d’échantillons
cellulaires de personnes accusées d’infractions pénales mais non condamnées
(violation de l’article 8), des progrès significatifs ont été constatés
et l’affaire est maintenant soumise à l’appréciation du Comité des
Ministres dans le cadre de la procédure de surveillance standard.
En Angleterre et au Pays de Galles, des modifications ont été apportées
à la législation sur la base du modèle écossais (dont la Cour a
loué l’excellence) par la loi sur la protection des libertés adoptée
le 1er mai 2012
. Le
Comité des Ministres s’est félicité de l’adoption de cette nouvelle
législation lors de sa 1115e réunion
(DH) (juin 2011)
. Une mise à jour de la législation
est toujours prévue en Irlande du Nord où certaines dispositions de
la loi relative à la justice pénale en Irlande du Nord devraient
être modifiées dans le sens de la loi sur la protection des libertés
durant l’été 2015
.
238. Le rapport de M. Pourgourides faisait également état de certaines
affaires de référence contre le Royaume-Uni comme, par exemple,
Al Sadoon et Mufdhi c. Royaume-Uni relative au fait que les
requérants avaient été mis en détention par les forces armées du
Royaume-Uni sous le contrôle des autorités irakiennes qui les avaient
exposés au risque d’encourir la peine de mort (violation des articles
3, 13 et 34),
Gillan et Quinton c. Royaume-Uni (violation de l’article
8) et
A. et autres c. Royaume-Uni portant sur des mesures de
lutte contre le terrorisme. Le Comité des Ministres a mis un terme
à l’examen de ces affaires, après l’adoption de mesures individuelles
et générales par le Royaume-Uni
.
239. Depuis le rapport Pourgourides, la Cour a prononcé des arrêts
dans deux affaires:
McCaughey et autres et
Collette et Michael Hemsworth concernant
la durée excessive des enquêtes sur les décès causés par les actions
des forces de sécurité en Irlande du Nord dans les années 1990 (violations
de l’article 2). Elles s’apparentent au groupe d’affaires plus anciennes
qui sont toujours examinées par le Comité des Ministres – le groupe
McKerr , dans lequel la majorité
des mesures générales a déjà été adoptée, mais les mesures individuelles
restent encore à prendre. Les nouveaux arrêts indiquent que les
retards dans les enquêtes judiciaires historiques demeurent un problème
sérieux et d’envergure
, ce qu’illustre le retard
constant dans la finalisation des enquêtes dans les affaires individuelles
du groupe
McKerr .
240. Depuis lors, les autorités du Royaume-Uni ont soumis des plans
d’action
soulignant des
propositions pour améliorer l’efficacité des enquêtes historiques
et des enquêtes sur les décès qui avaient eu lieu lors des “Troubles”
.
Lors de sa 1201e (DH) réunion (juin 2014),
le Comité des Ministres a, entre autres, exprimé sa profonde préoccupation
sur ces investigations qui demeuraient encore en suspens et a demandé
instamment aux autorités de faire en sorte qu’elles soient achevées
dès que possible
. Lors de sa 1222e (DH)
réunion (mars 2015), le Comité des Ministres a noté avec intérêt
l’Accord de Stormont House de décembre 2014 et a salué l’annonce
de la création d’un mécanisme unique d’enquête indépendante (l’unité
d’enquête des affaires historiques) et que des mesures appropriées
seraient prises pour améliorer le fonctionnement des enquêtes judiciaires
historiques. Le Comité des Ministres a invité instamment les autorités
à utiliser tous les moyens nécessaires pour que la mise en œuvre
de ces annonces progresse selon un calendrier clair
.