1. Introduction
1.1. Double
rôle de l’industrie pharmaceutique
1. Au cours du XXe siècle,
l’humanité a témoigné des avancées médicales les plus spectaculaires
de son histoire. Grâce aux progrès de la science, on a réussi à
identifier l’origine de nombreuses maladies, dont certaines étaient
jusque-là incurables, et à découvrir des vaccins et des traitements
médicamenteux efficaces pour les prévenir et les guérir. Inéluctablement,
ces avancées ont abouti à l’amélioration de la qualité et de l’espérance
de vie de millions de personnes.
2. L’essor de l’industrie pharmaceutique coïncide avec cette
période de «pic scientifique» où les grands laboratoires, en collaboration
avec les académies et les universités, ont investi massivement dans
la recherche et le développement de nouveaux médicaments. Aujourd’hui,
l’industrie pharmaceutique est l’un des acteurs clés de la santé
publique et l'un des secteurs économiques les plus puissants et
lucratifs au monde
. Ce double rôle
public–privé requiert qu’un équilibre sain soit maintenu entre les
intérêts commerciaux légitimes de l’industrie pharmaceutique et
les intérêts de santé publique, sachant qu’ils ne s’accordent pas
obligatoirement. C’est d’ailleurs là que repose la philosophie de
ce rapport, qui défend le principe que les intérêts privés de l’industrie
pharmaceutique ne devraient en aucun cas empiéter sur les intérêts
de santé publique. Cela nous impose, en tant qu’acteurs politiques,
de garder un œil attentif sur les activités de cette industrie.
3. Sur cette base, tout au début des travaux, il était prévu
de s’intéresser principalement aux interactions entre l’industrie
pharmaceutique et les différents acteurs dans le domaine de la santé,
afin d’examiner les éventuels conflits d’intérêts et les décisions
biaisées susceptibles d’en résulter. Toutefois, il s’est rapidement avéré
que la recherche et le développement (R&D) des médicaments par
l’industrie pharmaceutique méritait tout autant d’attention, sinon
plus, en raison de ses implications pour la santé publique, notamment
en matière d’accessibilité des médicaments.
1.2. Procédure
4. Dans le processus d’élaboration
du rapport, il m’a semblé essentiel de rencontrer les principaux
acteurs concernés afin de collecter des informations de première
main et recueillir leur point de vue sur les questions qui nous
préoccupent. A cette fin, j’ai effectué deux visites d’information,
une première à Genève (Suisse) les 19 et 20 novembre 2014 et une
autre à Londres (Royaume-Uni) les 26 et 27 février 2015. A Genève,
j’ai tenu des échanges avec les représentant-e-s de l’Organisation
mondiale de la Santé (OMS), de la Fédération internationale de l’industrie
du médicament (FIIM), d’une société de biotechnologie (Geneva Biotech
Center) ainsi que de l’organisation non gouvernementale (ONG) Déclaration
de Berne (DB)
.
A Londres, j’ai échangé avec les représentant-e-s de l’Agence européenne
du médicament (EMA)
, de l’Alliance
internationale des organisations de patients (IAPO) et d’Action
internationale pour la santé (HAI)
.
5. Dans le même ordre d’idées, la commission des questions sociales,
de la santé et du développement durable a tenu une audition publique
le 24 juin 2014, avec la participation de M. Peter Beyer, conseiller principal
au département des médicaments essentiels et produits de santé de
l’OMS, M. François Bouvy, directeur au département «accès au marché»
de la Fédération Européenne des Industries et Associations Pharmaceutiques
(EFPIA), et M. Patrick Durisch, responsable du programme santé à
la DB. Lors de cette audition, la commission s’est penchée principalement
sur la question de la R&D et l'accessibilité des médicaments.
Je voudrais remercier tous nos interlocuteurs et interlocutrices
et l’ensemble des intervenants de l’audition pour leur disponibilité
et les informations précieuses qu’ils nous ont fournies.
2. Interactions entre l’industrie pharmaceutique
et les différents acteurs dans le domaine de la santé
6. Dans un premier temps, je voudrais
me concentrer sur les interactions de l’industrie pharmaceutique avec
les différents acteurs dans le domaine de la santé et analyser si,
et le cas échéant dans quelle mesure, ces interactions sont susceptibles
d’influencer les connaissances, les attitudes et le comportement
des acteurs en question et de donner lieu à des décisions ou pratiques
biaisées, qui ne sont pas dans l’intérêt de la santé publique.
2.1. Interactions
omniprésentes
7. Aujourd’hui les interactions
entre l’industrie pharmaceutique et les différents acteurs dans
le domaine de la santé sont omniprésentes: elles existent à tous
les niveaux de l’organisation médicale depuis la recherche jusqu’au
consommateur, et concernent tous ses acteurs, dont les universités,
les hôpitaux, les médecins, les infirmiers, les pharmaciens, les
éditeurs scientifiques, les autorités sanitaires, les caisses maladie
et les associations de patients.
8. Dans le cas des professionnels de santé, notamment les médecins,
les infirmiers et les pharmaciens, ces interactions commencent souvent
tôt, dès le début des études et continuent tout au long de la carrière.
La dépendance croissante de la recherche et de la formation médicales
de l’industrie pharmaceutique attribue un caractère inéluctable
à ces interactions. Dans ce contexte, on peut noter par exemple
que l’industrie organise et sponsorise la grande majorité des symposiums,
congrès et séminaires – qui sont considérés comme une formation
continue – auxquels elle invite souvent, contre émoluments, des
chercheurs et des professionnels de santé à venir s’exprimer. Ces
congrès sont aussi, pour les médecins et les chercheurs, l’occasion
de rejoindre les comités consultatifs des entreprises pharmaceutiques.
De même, les représentants appelés «visiteurs médicaux» font systématiquement
la promotion des médicaments auprès des médecins et des pharmaciens.
9. Dans le cas des autorités sanitaires, par exemple les agences
de médicaments, la nature même de la relation rend les interactions
omniprésentes. En effet, pour obtenir une autorisation de mise sur
le marché de ses médicaments, l’industrie pharmaceutique doit soumettre
un dossier auprès de ces agences. Dans ce contexte, les interactions
de l’industrie avec les experts travaillant pour ces agences constituent
un élément important à prendre en considération, puisque souvent
lesdits experts ont des liens d’intérêts avec l’industrie.
10. Un troisième cas concerne les associations de patients. Celles-ci
jouent un rôle fondamental dans la vie des patients en leur apportant,
ainsi qu’à leurs familles, une aide morale, pratique, financière,
sociale et juridique. Elles ont également un important pouvoir de
lobbying. L’industrie pharmaceutique contribue largement au financement
de ces associations et bénéficie, en contrepartie, de certains avantages.
Dans le cas de l’IAPO par exemple, ces avantages sont définis en
fonction du niveau de soutien financier apporté par chaque entreprise
pharmaceutique appelée «partenaire industriel». Ainsi, ces partenaires
sont classés en trois groupes (or, argent ou bronze) et bénéficient
d’avantages allant des remerciements sur le site de l’IAPO aux rencontres
bilatérales avec ses représentants. L’IAPO considère l’industrie
comme une source d’information importante.
11. Les interactions brièvement exposées ci-dessus sont légitimes,
nécessaires et utiles. Il s’agit de partenariats naturels fondés
sur des intérêts communs et apportant des bénéfices mutuels, des
collaborations importantes pour l’innovation et la santé publique.
Il ne s’agit pas de remettre en cause le principe même de ces interactions.
La question est plutôt de savoir si, en l’absence d’un encadrement
approprié, lesdites interactions pourraient avoir des effets pervers
ayant des implications graves pour la santé publique. Il suffit
à mon avis de prendre l’exemple de l’affaire du Mediator en France
pour comprendre que la réponse à cette question est hélas, un «oui»
retentissant. Cette affaire est révélatrice de la collusion dangereuse
des autorités sanitaires avec les entreprises pharmaceutiques où
les dysfonctionnements étaient dus, entre autres, à des conflits
d’intérêts de certains experts
.
2.2. Où
commencent les conflits d’intérêts?
12. Le point commun des interactions
mentionnées plus haut est qu’elles s’apparentent toutes à un lien d’intérêts
entre l’industrie pharmaceutique et les acteurs concernés. Evidemment,
un lien d’intérêts n’équivaut pas à un conflit d’intérêts. Le professeur
en science politique Dennis Thompson, de l’université de Harvard,
a défini le conflit d’intérêts comme «un ensemble de conditions
dans lesquelles le jugement professionnel concernant un intérêt
primaire – comme le bien du patient ou l’intérêt de la recherche
– tend à être trop influencé par un intérêt secondaire – un gain
financier par exemple». Ainsi, un lien d’intérêts n’est pas gênant en
soi mais porte le risque de glisser vers un comportement problématique
si l’intérêt secondaire l’emporte sur l’intérêt primaire. Toutefois,
il n’est pas aisé de déterminer où commencent les conflits d’intérêts.
13. Dans le cas des médecins par exemple, la présence quotidienne
de l’industrie à leurs côtés crée à la fois des liens et de la confiance.
Une certaine normalité voire une banalité s’installe et on sous-estime
les risques qui peuvent résulter de ces interactions apparemment
inoffensives. En effet, les professionnels de santé pensent souvent
qu'ils ne sont pas influencés par la promotion de produits. Ils
ont peu conscience de son influence qui est plus efficace qu'ils
ne l'imaginent. Il est courant parmi les professionnels de santé
de croire que «la promotion n'a pas d'effet sur moi».
14. Or, les activités de promotion de l'industrie pharmaceutique
débouchent sur des ventes parce qu'elles sont capables d'influencer
le processus décisionnel des professionnels de santé, et par conséquent,
la prescription et la délivrance des médicaments
.
Ainsi, les études montrent que les médecins sont plus enclins à
prescrire les médicaments qui leur sont promus par les entreprises
pharmaceutiques et ce, pas forcément pour les bonnes raisons. Cela
conduit parfois à une prescription irrationnelle des médicaments,
avec des effets néfastes non seulement pour les patients, mais aussi
pour les budgets des systèmes de santé qui doivent rembourser lesdits
médicaments.
15. En ce qui concerne les autorités sanitaires, le problème de
conflits d’intérêts des experts collaborant avec ces autorités fait
l’objet de révélations
et
critiques récurrentes. Dans le cas de l’EMA par exemple, le système
d’évaluation scientifique fonctionne à travers un réseau d’experts
externes. Ces experts servent de membres des comités scientifiques
de l'Agence, des groupes de travail ou des équipes scientifiques d'évaluation.
En 2012, le rapport d’audit de la Cour des comptes européenne sur
la gestion des conflits d'intérêts au sein de quatre agences de
l'Union européenne, dont l’EMA, a conclu qu'«aucune [de ces] agences ne
gère les situations de conflit d'intérêts de manière appropriée
». Fin
novembre 2014, l’EMA a annoncé l’adoption d’une politique plus équilibrée
de la gestion des conflits d’intérêts, qui est devenue effective
à partir du 30 janvier 2015.
16. Le cas des associations de patients est particulièrement délicat.
La plupart d’entre elles dépendent largement de l’industrie pour
leur financement. Elles semblent être tout à fait conscientes du
danger que cette dépendance peut créer, qui peut aller jusqu’à la
manipulation par l’industrie. En effet, l’industrie pharmaceutique
a été accusée de tenter de mobiliser les patients pour contrer la
révision de la directive européenne sur les essais cliniques, concernant
certaines propositions en faveur de la transparence de ces essais
ou encore
d’utiliser les associations de patients pour contourner l’interdiction
de faire de la publicité directe aux consommateurs pour les médicaments
de prescription.
2.3. Prévention
et gestion des conflits d’intérêts
17. Il y a une panoplie de règles
régissant les interactions entre l’industrie pharmaceutique et les
différents acteurs dans le domaine de la santé, qui ont pour objectifs
d’assurer la transparence de leurs relations et d’éviter les conflits
d’intérêts qui peuvent en résulter
.
Une partie importante de ces règles sont des textes non contraignants,
tels que des principes ou des codes de bonnes pratiques élaborés
par l’industrie pharmaceutique elle-même (autorégulation).
18. Le code de la FIIM sur les bonnes pratiques est un bon exemple
d’autorégulation. Il inclut des normes pour une promotion éthique
des médicaments aux professionnels de santé et permet de veiller
à ce que les interactions avec les professionnels de santé et d’autres
intervenants, comme les associations de patients, soient appropriées
et perçues comme telles. Le fait d’être membre de la FIIM impose
aux associations membres de respecter les normes éthiques qui sont
établies dans le Code. Le Code prévoit aussi un mécanisme de contrôle
selon lequel les plaintes légitimes portant sur des infractions
à celui-ci sont encouragées. La FIIM peut traiter de telles plaintes,
à condition, entre autres, que l’infraction présumée ne fasse pas
déjà l’objet d’une investigation par une des associations membres.
La décision relève d’un groupe ad hoc composé de personnes expérimentées
dans l’application des codes nationaux et choisies au sein des membres
de la FIIM. A ce jour, la FIIM a traité trois plaintes
.
19. L’EFPIA dispose également de codes de bonnes pratiques couvrant
les interactions avec les professionnels de santé et les associations
de patients. Par ailleurs, elle s’est récemment engagée dans une série
d’initiatives visant à renforcer la transparence de l’industrie
pharmaceutique. Une de ces initiatives conduira notamment les laboratoires
membres de l’EFPIA à publier leurs relations financières avec les professionnels
et les établissements de santé à partir de 2016
.
20. La nouvelle politique de l’EMA sur la gestion des conflits
d’intérêts (voir paragraphe 15) s’appuie sur un système d’évaluation
des conflits en fonction de différents types (direct/indirect) et
niveaux d’intérêts (niveau 1, 2 ou 3). Des restrictions sont appliquées
en fonction de la nature de l’intérêt, du temps écoulé depuis l’intérêt et
du type d’activité concernée au sein de l’EMA.
21. Reste à savoir si cette panoplie d’instruments est vraiment
efficace pour prévenir et gérer les conflits d’intérêts. L’autorégulation
fait preuve de l’engagement de l’industrie dans la voie d’une éthique
accrue, ce qui est certes louable, mais il me paraît inconcevable
de se contenter de l’autorégulation dans un domaine aussi sensible
que la santé publique
.
En effet, celle-ci n’a pas de caractère contraignant, et donc pas
d’effet dissuasif. En ce qui concerne les législations nationales
et la réglementation européenne, les représentants de HAI nous ont
indiqué qu’elles demeuraient souvent laxistes et que leur mise en
œuvre laissait à désirer.
22. Par ailleurs, il me semble qu’il y a un certain amalgame entre
la transparence et la gestion des conflits d’intérêts. En effet,
on assiste à une déclaration plus ou moins systématique des intérêts
financiers ou autres par les experts, médecins, etc., lesquels,
dans certains pays, peuvent être consultés en ligne
. Mais, le fait d’être
transparent ne règle pas en soi le problème des conflits d’intérêts.
Tout d’abord, comment s’assurer que les déclarations sont complètes
et authentiques? Lorsqu’on a posé la question aux représentants
de l’EMA, ils nous ont répondu, non sans raison, qu’il leur était
tout simplement impossible d’enquêter sur chaque expert. Ensuite,
qui devrait gérer toutes ces déclarations et comment, afin que les
conflits soient évités? Sans réponse appropriée à ces questions,
nous risquons d’arriver à un point où trop de transparence finira
par tuer la transparence.
2.4. Quelles
solutions pour une meilleure prévention et gestion des conflits
d’intérêts?
23. Je conçois qu’une réglementation
trop stricte qui consisterait à couper entièrement les liens entre l’industrie
et les acteurs dans le domaine de la santé est difficilement réalisable,
voire pas souhaitable. Cependant d’autres solutions moins radicales
sont possibles.
24. Dans sa
Résolution
1749 (2010) «Gestion de la pandémie H1N1: nécessité de plus de transparence», l’Assemblée
parlementaire avait fait part de ses préoccupations par rapport
au manque de transparence dans les prises de décisions liées à la
pandémie et au risque de conflits d’intérêts des experts impliqués
dans des décisions sensibles en matière de santé. Elle avait formulé
des recommandations concrètes à l’attention des autorités sanitaires
demandant notamment la publication sans exception des déclarations
d’intérêts des experts concernés et l’exclusion des prises de décisions
sensibles de quiconque exposé au risque de conflits d’intérêts.
Je pense que ces recommandations sont tout à fait adaptées aux questions
qui nous concernent dans ce rapport. Par ailleurs, des mesures strictes
devraient empêcher une politique de pantouflage, c’est-à-dire le
passage de la fonction publique au secteur privé, entre les autorités
sanitaires et l’industrie pharmaceutique qu’elle est censée réglementer
et contrôler.
25. En ce qui concerne les activités de promotion, compte tenu
de leurs effets négatifs sur la pratique des médecins, on pourrait
se demander si elles ne devraient pas tout simplement être bannies.
La question est certes légitime, mais je suggère une mesure plus
pragmatique: l’instauration d’une contribution obligatoire sur les
activités de promotion pour financer un fonds public qui serait
dédié à la formation indépendante des professionnels de santé et
à la recherche indépendante. Ce mode de financement existe déjà
en Europe dans un certain nombre de pays dont l’Italie. En effet,
depuis 2005, les sociétés pharmaceutiques versent chaque année à
l’Agence italienne du médicament (AIFA) une contribution représentant
5 % du total des frais engagés pour leurs activités de promotion.
Ce type de mesure pourrait également pousser les entreprises pharmaceutiques
à réduire leurs dépenses de publicité, ce qui ferait d’une pierre
deux coups.
26. Par ailleurs, il faudrait absolument vaincre la réticence
des professionnels de santé à accepter qu’ils sont bel et bien perméables
à la promotion, ce dès le début de leur formation. Une formation
spécifique tendant à faire réfléchir à l’influence de la promotion
pharmaceutique et à mieux y répondre devrait donc être intégrée dans
le curriculum universitaire des professionnels de santé et rendue
obligatoire. Par ailleurs, dans la mesure du possible, leur formation
continue devrait être financée par les fonds publics.
27. En ce qui concerne les associations de patients, il faudrait
augmenter leur financement par des fonds publics d’une part, et
envisager d’instaurer une caisse commune pour leur financement,
d’autre part. Les entreprises pharmaceutiques pourraient contribuer
à cette caisse commune, dont la gestion devrait être confiée à une
autorité indépendante. Cela permettrait à l’industrie et aux associations
de continuer leur collaboration, tout en conférant plus d’indépendance
à ces dernières.
3. Recherche
et développement de médicaments par l’industrie pharmaceutique
28. La recherche et le développement
de nouvelles molécules thérapeutiques est une activité onéreuse
et de longue haleine
.
En échange de cet investissement important, tant en termes de temps
que d’argent, les entreprises pharmaceutiques bénéficient d’un droit
de propriété intellectuelle sur les molécules qu’elles développent,
protégées par un brevet. Durant une période limitée qui s’étend
en général de 15 à 20 ans, aucune entreprise ne peut copier les
molécules en question. Une fois ce délai passé, leur formulation
tombe dans le domaine public et les «produits génériques» peuvent
être mis sur le marché.
29. Il s’ensuit que le modèle d’innovation pharmaceutique est
fondé sur un système de brevets qui permet à l’industrie de garder
le monopole sur ses produits pendant un temps limité, négocier leurs
prix sans être sujette à la concurrence et faire ainsi un retour
sur investissement. Ce système est considéré comme nécessaire, sinon
essentiel, pour inciter l’industrie pharmaceutique à investir dans
la R&D de nouveaux médicaments. En effet, les grands laboratoires
pharmaceutiques expliquent que le financement de la R&D de nouvelles
molécules est extrêmement coûteux et que seul le système de brevet
est optimal pour compenser ces dépenses.
30. Le modèle décrit ci-dessus a permis la découverte de milliers
de médicaments qui ont amélioré remarquablement l’état de santé
de la population. Toutefois, aujourd’hui, son efficacité est de
plus en plus remise en question, tant en termes d’innovation pharmaceutique
que de durabilité économique.
3.1. Erosion
de l’innovation pharmaceutique
31. En Europe, le nombre de nouveaux
médicaments introduits est en augmentation et les dépenses en R&D
dans le domaine pharmaceutique ont plus que triplé depuis 1990.
Parler donc d’une érosion de l’innovation pharmaceutique peut paraître
absurde, sauf que l’innovation ne doit pas se mesurer uniquement en
termes de nombre de médicaments qui sont mis sur le marché, mais
aussi et surtout en termes de médicaments qui présentent un réel
avantage thérapeutique et qui répondent à des besoins réels. Si
on se base sur cette définition, dans les 10-20 dernières années,
il n’y a eu que très peu de percées dans l’innovation pharmaceutique.
Parmi les 20 ou 30 nouveaux médicaments mis sur le marché tous les
ans, seuls trois seraient vraiment nouveaux, le reste n’offrant
que des bénéfices marginaux
.
Une étude publiée dans le magazine
Prescrire indique
que parmi les 1 345 nouveaux médicaments mis sur le marché entre
2000 et 2013, 51 % n’apportent rien de nouveau, et que seuls 2 %
présentent un réel avantage.
32. Plusieurs raisons expliquent ce phénomène, dont le modèle
d’affaires du secteur pharmaceutique. A la base, ce modèle était
dominé par une culture du produit phare (blockbuster)
, ce qui assurait
une profitabilité élevée en permettant l'amortissement des coûts
de R&D grâce à leur niveau de vente élevé. L’objectif de la R&D
était donc principalement de mettre au point de tels produits. Avec
l’arrivée à expiration de nombreux brevets sur ces produits, l’industrie
a dû subir la concurrence des génériques, tout en étant confrontée
à la difficulté de mettre sur le marché de nouveaux produits phares,
en raison, entre autres, de la prolifération d’une médecine plus
personnalisée, plus ciblée sur un groupe de personnes qui répondent
mieux à la molécule proposée
. Afin de garder les niveaux élevés
de profit
, l’industrie a dû s’adapter et revoir son
modèle d’affaires. Selon les critiques, celui-ci est aujourd’hui
fondé sur une promotion agressive et une innovation déficiente
.
33. En effet, en termes de R&D, l’industrie a commencé à prendre
moins de risques, en en externalisant une partie et en achetant
à des sociétés de biotechnologies
des
molécules qui sont à des stades plus avancés, donc plus chères mais
ayant plus de chance de succès. Par ailleurs, elle a mis sur le
marché un nombre important de médicaments de seconde génération,
qui sont de nouvelles variantes d’anciennes molécules dont le brevet
a expiré, sorties sous une forme légèrement remaniée (médicaments
«me-too»)
. Selon
les critiques, cette pratique permet à l’industrie de pouvoir déposer
de nouveaux brevets et de se protéger ainsi contre la concurrence
des médicaments génériques
. En termes de promotion, l’industrie
y a investi massivement pour augmenter ses ventes, les dépenses
en publicité des grandes entreprises pharmaceutiques allant désormais
jusqu’à atteindre plus que le double de leurs dépenses en R&D
de nouvelles thérapies.
3.2. Prix
prohibitifs des médicaments
34. Depuis plusieurs années, on
observe une envolée des prix des médicaments. Entre 2000 et 2009,
les dépenses publiques en médicaments ont augmenté de 76 % en moyenne
au sein de l'Union européenne et l’augmentation des dépenses en
médicaments brevetés a dépassé les économies réalisées grâce à la promotion
de l'usage de génériques.
35. Les anticancéreux font partie des médicaments dont le prix
augmente à un taux insoutenable, menaçant ainsi non seulement l’accès
des patients cancéreux à ces traitements, mais aussi la pérennité
des systèmes de santé en général, à cause des coûts qu’ils engendrent
.
Mais l’exemple le plus révélateur est celui du Sovaldi, un traitement
contre l’Hépatite C. En 2014, la compagnie américaine Gilead a lancé
ce traitement au prix de 60 000 francs suisses par traitement de
12 semaines, soit près de 1 000 francs suisses le comprimé. La Suisse
l’a inscrit sur la liste des spécialités, qui ouvre sa prise en
charge par l’assurance maladie obligatoire, en restreignant toutefois
son utilisation. Ainsi, seuls les patients dont le foie est déjà
atteint de cirrhose – soit à peine 2 % des patients – peuvent prétendre
à son remboursement, les autres devant négocier sa prise en charge
avec leurs médecins et leurs caisses maladie
.
En France, le comité économique des produits de santé (CEPS) a fixé
le prix du Sovaldi à € 13 667 hors taxes la boîte de 28 comprimés
(soit € 488,10 le comprimé). Cela porte le coût du traitement de
trois mois à € 41 000 hors taxes, avec un remboursement à 100 %
par l’assurance maladie.
36. Le système de brevets est un facteur déterminant pour le prix
élevé des médicaments, en raison de la position de monopole qu’il
confère aux entreprises pharmaceutiques, ce qui leur donne un très
grand poids dans la fixation des prix des médicaments
.
L’argument majeur de ces entreprises pour revendiquer des prix élevés
pour leurs nouveaux médicaments est le coût de R&D, une activité
très risquée, sachant que sur une dizaine de milliers de molécules
testées, une seule arrivera au stade de la mise effective sur le
marché
. Toutefois,
le coût de la R&D est sujet à controverses, non seulement parce
qu’il n’est jamais dévoilé en détail et qu’il est impossible d’en
vérifier l’exactitude
, mais aussi parce que souvent
il ne tient pas compte des financements publics, et inclut notamment
les coûts d’opportunité, c’est-à-dire ce que l’entreprise aurait
pu espérer gagner en investissant ailleurs qu’en R&D, par exemple
en placements boursiers.
37. En ce qui concerne la recherche publique, celle-ci se limitait
traditionnellement à la recherche fondamentale, c’est-à-dire à l’élucidation
des mécanismes sous-tendant les maladies et l’identification des points
d’interventions prometteurs. Aujourd’hui, elle joue aussi un rôle
de plus en plus important dans la recherche dite «appliquée», qui
conduit à la découverte de médicaments pour le traitement de maladies.
Une étude publiée aux Etats-Unis en 2011 établit que dans les 40
dernières années, un total de 153 médicaments, vaccins ou nouvelles
indications pour des médicaments existants ont été découverts à
travers la recherche menée par les instituts de recherche publique.
Plus de la moitié de ces médicaments ont été utilisés dans le traitement
ou la prévention des cancers ou malades infectieuses
. De même, dans l’Union
européenne, 44 % des médicaments innovateurs recommandés pour une
autorisation de mise sur le marché entre 2010-2012 provenaient des
petites et moyennes entreprises, de l’académie, des entités publiques
et des partenariats public–privé
.
3.3. Vers
une réforme du système?
38. Au vu des éléments brièvement
présentés ci-dessus, de plus en plus de voix s’élèvent pour dire
que le modèle d’innovation basé sur les brevets n’est pas optimal
en matière de santé publique. II produit certes le plus haut retour
sur investissement, mais pas nécessairement les médicaments dont
la société a le plus besoin. Par ailleurs, il conduit à des prix
élevés pour certains nouveaux médicaments, alors que les médicaments
de qualité supérieure au plan clinique sont peu nombreux. Il s'avère
de plus en plus difficile pour les pouvoirs publics de faire face
aux prix élevés, sachant que les dépenses en médicaments devraient augmenter
considérablement dans les années à venir, alors que les ressources
diminuent.
39. Plusieurs questions viennent en effet à l’esprit. Ainsi, par
rapport aux médicaments «me-too», on peut légitimement demander
à quoi sert de payer la R&D de médicaments qui ne présentent
pas d’avantage thérapeutique et qui ne répondent pas à un besoin
prioritaire de santé insatisfait? Quelles seront les conséquences
des médicaments «me-too» sur la viabilité des systèmes de sécurité
sociale, compte tenu des coûts potentiels qu’ils engendrent? Quelles
seront les conséquences du manque d’innovation dans des domaines
tels que les nouvelles classes d’antibiotiques
,
les maladies rares, les maladies pédiatriques ou celles
qui sévissent dans les pays en voie de développement, comme Ebola?
40. Quid encore de l’argent
public investi dans la recherche? Comme indiqué plus haut, une part
importante du budget public est investie dans la R&D de nouveaux
médicaments, sans un retour équitable sur investissement. Ce système
n’est pas rentable pour les gouvernements et ne permet pas un recouvrement équitable
des crédits publics investis. Concernant les médicaments qui ont
une vraie valeur thérapeutique mais qui se vendent à des prix prohibitifs,
comment les gouvernements financeront-ils ces produits et assureront-ils leur
accessibilité? En tant que tels, et du point de vue de l’économie
de marché, les intérêts commerciaux ne peuvent faire l’objet de
critiques. Mais je voudrais quand même soulever la question suivante:
pourrait-il être justifié de vendre aux gouvernements nationaux
des médicaments à des prix qui sont complètement déconnectés de
leurs coûts globaux, y compris ceux de la recherche, en réalisant
par là des bénéfices exagérément élevés sur le dos des systèmes
de santé nationaux?
41. Pour assurer la viabilité des systèmes de santé et l’accessibilité
des médicaments abordables et innovateurs dans le long terme, je
pense qu’une réforme du modèle d’innovation actuel sera nécessaire
même si un rapport publié en 2009 par la Commission européenne
reconnaît
l'importance pour le secteur pharmaceutique d'une protection forte
en matière de propriété intellectuelle. Encore faut-il souligner
que le même rapport confirme une diminution du nombre de médicaments
innovants mis sur le marché et fait état de pratiques de l'industrie
visant à retarder l'entrée des génériques sur le marché, y compris
par des accords/règlements amiables avec les fabricants de génériques
. Toutefois, faire des propositions
à cet égard ne relève pas du mandat de l’Assemblée parlementaire,
mais plutôt de celui de l’OMS. Cela étant, même dans le cadre du
système actuel, on pourrait proposer des mesures qui permettraient
de mieux protéger les intérêts de santé publique.
3.4. Quelles
solutions pour une meilleure protection des intérêts de santé publique?
42. En premier lieu, une transparence
sur les coûts réels de la R&D est indispensable pour que les
pouvoirs publics prennent des décisions raisonnées en matière de
prix des médicaments. Il faut donc exiger plus de transparence sur
les coûts de la R&D, et notamment par rapport au financement
public qui intervient dans la R&D de nouveaux médicaments. Par
ailleurs, sans chercher une harmonisation complète, il faudrait
assurer plus de transparence par rapport à la fixation des prix
dans chaque Etat membre, sachant que des disparités importantes
existent entre eux.
43. Il faudrait également adopter une politique plus stricte d’autorisation
de mise sur le marché au niveau national et européen tout en laissant
assez de marges pour les médicaments de seconde génération. Les régulateurs
pourraient notamment introduire un critère tel que la valeur thérapeutique
ajoutée (par rapport aux traitements existants), ou une «clause
du besoin», qui implique qu’un médicament ne soit pas évalué seulement
du point de vue technique et scientifique mais également en fonction
du besoin médical, permettant ainsi de prendre en compte les priorités
de santé
. On pourrait également
envisager que seuls les médicaments qui répondent à de tels critères
soient remboursés par le système de sécurité sociale.
44. Toutefois, il faudrait assurer non seulement que de vrais
nouveaux médicaments arrivent sur le marché, mais aussi que les
médicaments efficaces qui sont sur le marché le restent. En effet,
il arrive à l’industrie de retirer un médicament du marché, pour
des raisons apparemment économiques
. Si un Etat ne peut pas imposer
à un fabricant la production ou le maintien sur le marché d’un médicament,
il peut très bien recourir à une licence obligatoire, un système
de flexibilité prévu par l'Accord sur les aspects des droits de
propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC). En effet,
les gouvernements peuvent délivrer des licences obligatoires qui
autorisent un tiers à fabriquer le produit breveté sans le consentement
du titulaire du brevet. La délivrance de licences obligatoires n'est
possible que moyennant certaines conditions visant à protéger les intérêts
du détenteur de brevet, notamment le paiement des royalties. Les
Etats membres sont libres de déterminer les motifs pour lesquels
une licence obligatoire peut être accordée, parmi lesquels l’intérêt
public et la santé publique.
45. Enfin, il faudrait établir un fonds public pour financer une
R&D orientée vers les besoins de santé non couverts. Ce fonds
public pourrait être financé par des taxes, les contributions de
l’industrie pharmaceutique proposées au paragraphe 25, ainsi que
les amendes prononcées à l’encontre des entreprises pharmaceutiques
pour des pratiques illégales qui, du reste, devraient être bien
plus sévères qu’elles ne le sont actuellement. A cet égard, je tiens
à rappeler qu’en 2014, l’Autorité de la concurrence italienne a
infligé aux groupes pharmaceutiques Novartis et Roche une amende
de € 182,5 millions pour avoir tenté d'empêcher l'usage du traitement
oncologique Avastin pour soigner une grave maladie oculaire. En
effet, selon le régulateur italien, les deux groupes bâlois se sont
entendus pour empêcher la distribution de l'Avastin (de Roche) comme
traitement de la dégénérescence maculaire liée à l'âge en faveur
du Lucentis (de Novartis), un médicament qui coûte jusqu’à 30 fois
plus cher. Une enquête a été ouverte en France à l’encontre des
deux compagnies pour des faits similaires par l’Autorité de la concurrence
française. Dans le même ordre d’idées, les accords/règlements amiables
entre l’industrie et les fabricants de génériques visant à retarder
l'entrée des génériques sur le marché devraient être interdits,
sachant que ce type de pratiques nuit directement aux patients,
aux systèmes de santé nationaux et aux contribuables.
4. Conclusion
46. Les politiques en matière de
santé devraient être déterminées en fonction des besoins des patients
et des considérations de santé et sécurité publiques. Dans le domaine
des médicaments, il y a un équilibre responsable à trouver entre
les intérêts privés de l’industrie, d’une part, et les intérêts
de santé publique d’autre part, ce tout en favorisant un climat
propice à l'innovation, et en tenant compte des besoins sanitaires
futurs. En ces temps de contraintes budgétaires, ceci est d’autant
plus important afin de garantir la durabilité des systèmes de santé
publique. Par ailleurs, il faut s’assurer que les décisions ayant
une implication pour la santé publique et individuelle soient libres
de tout conflit d’intérêts.
47. Les propositions faites dans ce rapport visent à trouver l’équilibre
susmentionné et à assurer une meilleure gestion des conflits d’intérêts.
Il ne s’agit pas de traiter l’industrie pharmaceutique de mouton
noir mais de souligner les problèmes systémiques pour y apporter
des solutions. Certainement, l’industrie pharmaceutique devrait
prendre encore plus conscience de sa responsabilité sociale de respecter
les droits humains à l’égard des questions majeures de santé publique
et à agir avec encore plus de transparence. En effet, si elle a
une responsabilité vis-à-vis de ses actionnaires, elle a aussi une
obligation morale d’aider au mieux les patients même si cela implique
de ne pas prendre le chemin le plus profitable.
48. Avant de conclure, je souhaite revenir sur une question qui
me tient à cœur: les essais cliniques. En effet, au début des travaux,
je m’étais brièvement penchée sur cette question que j’ai fini par
ne pas approfondir. Non pas parce qu’elle est moins pertinente,
mais tout simplement parce qu’elle mériterait, à mon avis, un rapport
à part entière. En effet, les essais cliniques sont au centre du
système d’homologation des médicaments dans la mesure où les autorités
sanitaires chargées de statuer sur l’efficacité et les risques du traitement
testé – et octroyer, le cas échéant, une autorisation de mise sur
le marché – le font sur la base des résultats desdits essais, qui
sont financés, menés et analysés par l’industrie pharmaceutique
elle-même.
49. Dans ce contexte, il est notamment reproché à l’industrie
pharmaceutique de dissimuler et/ou manipuler les résultats des essais
cliniques de façon à favoriser systématiquement le traitement testé
et de manquer de transparence en refusant de publier leurs essais.
La non publication de résultats négatifs peut avoir des conséquences
sanitaires fâcheuses, comme la prescription d’un médicament sans
effet ou dangereux, ainsi que des conséquences financières
.
Si le nouveau règlement européen relatif aux essais cliniques (règlement (UE)
N° 536/2014) est susceptible de constituer une avancée majeure en
termes de transparence – car il prévoit qu’un résumé des résultats
soit accessible au public dans une base de données européenne dans
un délai d’un an à compter de la fin de l’essai clinique dans tous
les Etats membres concernés – les limitations à la publication sous
le couvert de la confidentialité commerciale et des droits de propriété
intellectuelle, pourraient diminuer fortement l’impact du règlement.
D’ailleurs, la politique de l’EMA sur l’accès aux données cliniques
est critiquée pour sa définition très large de la «confidentialité
commerciale», car elle restreindrait l’accès à ces données, contrairement
à l’esprit du règlement européen.
50. Par ailleurs, la manière dont certains essais cliniques sont
conduits par les laboratoires pharmaceutiques soulève aussi de vives
critiques concernant, entre autres, le non-respect des principes éthiques
.
A cet égard, la délocalisation des essais cliniques vers les pays
en développement et émergents – dont certains sont membres du Conseil
de l’Europe – mérite, à mon avis, un intérêt particulier, dans la
mesure où d’importantes lacunes existent en matière de supervision
et les risques de violation sont donc élevés. Je compte sur les
membres de l’Assemblée parlementaire, et notamment les membres de
notre commission, pour garder un œil vigilant sur cette question.