1. Introduction
1.1. Procédure
1. La proposition de résolution
«Comment prévenir la restriction inappropriée des activités des
ONG en Europe?» a été renvoyée à la commission des questions juridiques
et des droits de l’homme, pour rapport, par l’Assemblée parlementaire
le 30 septembre 2013. Lors de sa réunion du 6 novembre 2013, la
commission a désigné Mme Nataša Vučković
(Serbie, SOC) rapporteure. Celle-ci a cependant renoncé à son mandat
peu de temps avant que la commission ne prenne note de sa note introductive
consacrée à cette question et ne décide de la déclassifier à l’occasion
de sa réunion du 27 mai 2014. Le 25 juin 2014, la commission m’a
désigné rapporteur. Lors de sa réunion du 29 septembre 2014, après
avoir examiné une note introductive révisée, la commission a décidé
de la déclassifier

. Elle m’a également autorisé à
envoyer un questionnaire au Centre européen de recherche et de documentation
parlementaires (CERDP) et à effectuer des missions d’information
en Azerbaïdjan, en Hongrie et dans la Fédération de Russie. Le 30 octobre
2014, la commission a procédé à une audition à laquelle ont participé
quatre experts:
- M. Jeremy McBride,
avocat et expert en droit des droits de l’homme, Londres;
- M. Cyril Ritchie, président du Conseil d’experts sur le
droit en matière d’ONG de la Conférence des OING du Conseil de l’Europe,
Strasbourg;
- M. Kirill Koroteev, avocat principal de l’association
internationale «Memorial», Moscou;
- Mme Gulnara Akhundova, directrice
de programme, International Media Support (IMS), Copenhague
.
2. Je n’ai pas pu effectuer de mission d’information en Russie,
car la délégation russe auprès de l’Assemblée a décidé de ne pas
prendre part activement aux travaux de celle-ci, à la suite de la
suspension de son droit de vote par cette dernière. Pour l’Azerbaïdjan,
j’ai rencontré plusieurs représentants d’organisations non gouvernementales
(ONG) à Strasbourg durant les parties de session. Malheureusement, certains
d’entre eux purgent désormais de longues peines d’emprisonnement
dans leur pays. J’ai également pu avoir un échange de vues avec
M. Elkhan Suleymanov, membre de la délégation azerbaïdjanaise (indépendant).
A la lumière des récentes évolutions de la situation dans le pays
et de la décision du Secrétaire Général, M. Thorbjørn Jagland, de
se retirer du Groupe de travail sur les questions relatives aux
droits de l’homme en Azerbaïdjan, je ne pense pas qu’une visite
dans le pays apporterait des éléments nouveaux au présent rapport.
En ce qui concerne la Hongrie, j’ai effectué une visite d’information
les 9 et 10 novembre 2015.
1.2. Enjeux
3. La proposition de résolution
porte avant tout sur les tentatives abusives de restreindre la liberté d’association
en Europe, avec par exemple des exigences administratives excessives
lors de l’enregistrement et dans le fonctionnement des ONG, une
criminalisation injustifiée de leurs activités, des restrictions
d’accès aux sources de financement (notamment d’origine étrangère),
des mesures de répression visant leurs membres et l’absence de consultation
lors de l’adoption de lois concernant leur statut, leur mode de financement,
leur champ d’activité, etc. Les auteurs de la proposition ont appelé
l’Assemblée à recenser les principales difficultés qui entravent
le développement des organisations de la société civile en Europe aujourd’hui
et à «déterminer comment améliorer les normes existantes concernant
l’interaction entre les pouvoirs publics et les ONG afin d’instaurer
des conditions juridiques, politiques et économiques propices au bon
fonctionnement de la société civile, et élaborer des lignes directrices
précisant comment l’Assemblée et les parlements nationaux peuvent
appuyer la mise en œuvre de ces normes».
4. Avant d’examiner les questions mises en lumière dans la proposition
de résolution, je tiens aussi à souligner que notre commission,
et notamment notre collègue Mme Mailis
Reps (Estonie, ADLE), travaillent depuis plusieurs années sur la
situation des défenseurs des droits de l’homme dans les Etats membres
du Conseil de l’Europe

. Etant donné que cette dernière
problématique est étroitement liée à celle que je vais examiner
dans le cadre de mon mandat, je souhaite examiner plus en détail
le problème des restrictions (essentiellement juridiques et administratives)
à la liberté d’association qui touchent les ONG dans certains Etats
membres du Conseil de l’Europe, sans faire double emploi avec le
travail de Mme Reps. En outre, notre commission
doit examiner un autre rapport important lié aux problèmes de la
société civile et centré sur la situation de la liberté d’association:
«Empêcher de toute urgence les violations des droits de l’homme
lors des manifestations pacifiques» (rapporteure: Mme Ermira
Mehmeti Devaja, «l’ex-République yougoslave de Macédoine», SOC).
2. La liberté d’association
et ses restrictions
5. Il va de soi que l’existence
d’une société civile dynamique est primordiale pour un Etat démocratique
et que le respect des droits fondamentaux, et notamment des droits
à la liberté d’expression, de réunion et d’association, est indispensable
à son bon fonctionnement. Ces libertés sont consacrées respectivement
par les articles 10 et 11 de la Convention européenne des droits
de l’homme (STE no 5, «la Convention»)
(ainsi que par les articles 19 et 20 du Pacte international relatif
aux droits civils et politiques). Elles sont inextricablement liées
et contribuent à un système d’équilibre des pouvoirs qui, si nécessaire,
tient les autorités responsables. Cependant, elles ne sont pas absolues.
Les restrictions à leur exercice prévues dans la Convention doivent
être interprétées de manière étroite, seules des raisons convaincantes
et impératives pouvant les justifier

. La Cour européenne des droits de l’homme
a rappelé à plusieurs reprises l’importance des associations autres
que les partis politiques pour le bon fonctionnement de la démocratie.
D’après les juges de la Cour, «[u]ne interaction harmonieuse entre
personnes et groupes ayant des identités différentes est essentielle
à la cohésion sociale. Il est tout naturel, lorsqu’une société civile
fonctionne correctement, que les citoyens participent dans une large
mesure au processus démocratique par le biais d’associations au
sein desquelles ils peuvent se rassembler avec d’autres et poursuivre
de concert des buts communs»

.
6. Le Conseil de l’Europe a reconnu l’importance du rôle de la
société civile, notamment en instaurant la Conférence des organisations
internationales non gouvernementales («la Conférence des OING»), comprenant
actuellement plus de 400 ONG dotées d’un statut participatif. La
Convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique
des organisations internationales non gouvernementales (STE no 124)
qui contient une définition des ONG internationales

a
été adoptée en 1986. Elle est entrée en vigueur en 1991 mais, jusqu’à
présent, elle n’a été ratifiée que par 11 Etats membres (principalement
en Europe occidentale)

. Le Conseil de l’Europe a également
élaboré des instruments non contraignants sur les ONG. En 2002,
des «Principes fondamentaux sur le statut des organisations non
gouvernementales en Europe» ont été adoptés à l’issue de réunions
multilatérales à Strasbourg

, et en 2007, le Comité des Ministres
a adopté la Recommandation CM/Rec(2007)14 sur le statut juridique
des organisations non gouvernementales en Europe, dans laquelle
il a établi des principes de base concernant la politique à mener
pour leur bon fonctionnement

. Ces documents contiennent
un ensemble de normes minimales que les Etats membres du Conseil
de l’Europe devraient prendre en compte dans l’élaboration de leur
législation, de leur réglementation et de leurs pratiques à l’égard
des ONG. En décembre 2014, la Commission européenne pour la démocratie par
le droit (Commission de Venise) et le Bureau des institutions démocratiques
et des droits de l'homme de l’Organisation pour la sécurité et la
coopération en Europe (OSCE/BIDDH) ont adopté des «Lignes directrices conjointes
sur la liberté d’association»

, qui proposent
des orientations aux législateurs nationaux chargés de réglementer
l’exercice de cette liberté, ainsi qu’un ensemble de bonnes pratiques.
7. L’article 11.2 de la Convention européenne des droits de l’homme
et la jurisprudence afférente de la Cour disposent clairement que
toutes les restrictions imposées aux activités des ONG doivent être
prévues par la loi, poursuivre un but légitime (la sécurité nationale,
la sûreté publique, la défense de l’ordre et la prévention du crime,
la protection de la santé ou de la morale, la protection de la réputation
ou des droits d’autrui

), être nécessaires «dans une société
démocratique» et proportionnées. Ainsi que l’a souligné notre expert, M. Jeremy
McBride, lors de l’audition à Madrid en octobre 2014, alors même
que les normes internationales sont claires, les restrictions imposées
aux ONG sont, en pratique, beaucoup trop larges et visent la plupart
du temps les objectifs et les activités des ONG, leur formation
et leur financement, ainsi que les obligations réglementaires auxquelles
elles sont soumises. L’objectif d’une ONG ne doit pas être illégal,
mais il est légitime qu’elle ambitionne de modifier la législation,
pour autant qu’elle agisse par des moyens licites et que le résultat obtenu
ne soit pas contraire à la démocratie. La jurisprudence de la Cour
a montré que certains Etats Parties à la Convention interprétaient
trop facilement les objectifs des ONG comme illégaux ou antidémocratiques.
Les restrictions mises en place contre les ONG travaillant sur les
droits des minorités (nationales) constituent un sujet de préoccupation
particulier

. En outre, même si la décision de demander
la personnalité morale doit demeurer un choix pour l’ONG

,
les critères et les procédures pour l’obtenir sont souvent peu clairs.
8. Parmi les autres restrictions «inappropriées» figurent celles
liées aux entraves à l’obtention d’un financement étranger, lorsque
des préoccupations par ailleurs légitimes (par exemple blanchiment
d’argent ou financement du terrorisme) servent de prétexte pour
stigmatiser des ONG. D’après la Recommandation CM/Rec(2007)14 du
Comité des Ministres, les ONG doivent pouvoir recevoir librement
des financements nationaux ou étrangers

.
Le fonctionnement des ONG est aussi souvent entravé par des réglementations
et des contrôles excessifs ou intrusifs. Il arrive que des sanctions
telles que la suspension des activités ou la dissolution des ONG
soient prononcées alors que des méthodes moins radicales pourraient
être utilisées. D’après la jurisprudence de la Cour européenne des
droits de l’homme, ces deux sanctions ne devraient jamais être infligées
pour des irrégularités techniques.
3. Exemples d’entraves au bon
fonctionnement des ONG
3.1. Situation générale
9. Dans certains Etats membres
du Conseil de l’Europe, on note actuellement une tendance croissante
à limiter les activités des ONG par le biais de l’instauration de
cadres juridiques restrictifs, de procédures d’enregistrement longues
et fastidieuses et de campagnes de diffamation, dans le but d’étouffer
toute forme de critique

.
Les ONG les plus touchées par ces restrictions sont celles menant
des activités dans le domaine de la protection des droits de l’homme.
Ces conclusions ont été confirmées par le rapport de 2015 du Secrétaire
Général du Conseil de l’Europe sur la
situation
de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit en
Europe 
,
même si ce document ne fait pas expressément mention d’un Etat membre
spécifique du Conseil de l’Europe.
10. Il convient de souligner dans ce contexte que le droit à la
liberté d’association inclut le droit des ONG de recevoir des donations
et autres formes de financement et qu’il ne devrait pas y avoir
d’entraves déraisonnables à leur enregistrement. Or, dans certains
pays et notamment en Fédération de Russie et en Azerbaïdjan, un
des principaux obstacles posés par les autorités est justement l’accès
des ONG au financement, notamment aux dons de l’étranger. La Commission
de Venise, le Commissaire aux droits de l’homme et le Conseil d'experts
sur le droit en matière d'ONG de la Conférence des OING du Conseil
de l'Europe ont estimé que la nouvelle législation russe et azerbaïdjanaise
relative aux ONG ne respectait pas les normes internationales en
matière de démocratie et de droits de l'homme

.
En outre, un nouveau terme, à connotation négative, celui d’«agent
étranger» a été introduit dans la législation russe

. En Turquie, les ONG travaillant
sur des questions politiquement sensibles (par exemple la situation
de la minorité kurde) sont souvent discréditées aux yeux du public
par des campagnes médiatiques et le harcèlement judiciaire, et leurs militants
sont visés par la législation anti-terroriste

. En Hongrie, certaines ONG bénéficiant
de subventions d’Etats membres de l’Association européenne de libre-échange
(AELE) (principalement de la Norvège) ont été la cible des autorités
et ont fait l’objet d’une campagne de dénigrement. C’est la raison
pour laquelle je me contenterai dans un premier temps d’examiner
la situation de la société civile dans les quatre pays susmentionnés.
3.2. Fédération de Russie
3.2.1. La loi sur «les agents étrangers»
11. A la suite de l'adoption en
juillet 2012 de la loi sur «les agents étrangers» («loi sur l'introduction d'amendements
à certains actes législatifs de la Fédération de Russie concernant
la réglementation des activités des organisations non commerciales
exerçant des fonctions d'un agent étranger»), la situation des ONG
s'est considérablement dégradée

. Cette loi a introduit une
série d'amendements aux lois existantes, telles que le Code pénal
et les lois «sur les associations publiques», «sur les organisations
non commerciales» et «sur la lutte contre le blanchiment de capitaux
et le financement du terrorisme». Dorénavant, toute ONG menant une
«activité politique» et recevant un financement de l'étranger
![(23)
La loi couvre les fonds
provenant d'un large éventail de sources, y compris les «Etats étrangers
(...), les organisations internationales et étrangères, les citoyens
étrangers et les apatrides ou des personnes mandatées par eux et
[ou] les personnes morales russes qui reçoivent des fonds et d'autres
biens des mêmes sources», article 2.6.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
est obligée
de s'enregistrer en tant qu'«agent étranger». Toute information
publiée par une telle ONG doit porter la mention «publiée ou distribuée par
l'organisation, exerçant les fonctions d'agent étranger»

.
12. En Fédération de Russie, l’expression «agent étranger» a,
historiquement, une connotation clairement négative et peut s’entendre
comme un synonyme d'«espion» ou de «traître». Il est difficile de
croire qu'en l'adoptant, les autorités russes n'ont pas cherché
à discréditer certains acteurs de la société civile

. La nouvelle loi a un effet dissuasif
sur l’activité de ces ONG, leurs déclarations publiques devant être accompagnées
d’une note précisant qu’elles émanent d’«organisations exerçant
les fonctions d’agents étrangers». Alors que les sources nationales
de financement sont rares, les ONG sont dissuadées par la loi en
question d’accepter les financements provenant de sources étrangères.
Une bonne part du financement étranger étant alloué à des organisations
de défense des droits de l'homme visant à protéger les citoyens russes
contre les violations commises par les autorités, il est peu probable
que ces mêmes autorités remplacent un tel financement par des fonds
publics. D’où le risque pour les ONG de voir leurs budgets diminuer
considérablement, voire pour certaines de se trouver dans l’obligation
de déposer le bilan.
3.2.2. La loi sur les organisations
non commerciales (loi sur «les agents étrangers»)
13. La loi sur les organisations
non commerciales du 12 janvier 1996 (modifiée le 4 juin 2014) stipule
qu'une ONG est considérée comme exerçant une «activité politique»
si elle participe (notamment à travers le financement) à l'organisation
et la mise en œuvre d‘actions politiques visant à influencer la
prise des décisions par les organes de l’Etat en vue de modifier
la politique de l’Etat, ainsi qu’à la formation de l'opinion publique à
ces fins. Ces activités sont considérées comme «politiques» dans
tous les cas, que l'organisation les mène dans l'intérêt de l'entité
étrangère qui la finance ou non (article 2.6).
14. La loi en question impose des exigences supplémentaires aux
ONG dites «agents étrangers», qui sont également soumises à des
contrôles spontanés pour de nouveaux motifs énoncés par la loi (article
32.4) et à l’obligation de soumettre des rapports réguliers sur,
notamment: i) les activités et le personnel de leurs organes de
gestion – tous les six mois; ii) sur les motifs des dépenses et
la gestion des biens – trimestriellement; et iii) l'audit, qui doit
être effectué uniquement par des auditeurs russes

– annuellement (article 32.3). Si
le financement reçu est égal ou supérieur à 200 000 RUB (environ
€ 2 800), il est soumis au contrôle du Service fédéral de surveillance
financière. Le non-respect des dispositions de la présente loi est
passible de lourdes peines, y compris sous forme de fortes amendes

.
15. Les modifications adoptées le 21 février 2014 étendent le
pouvoir des autorités de procéder au contrôle inopiné de toute organisation
non commerciale, qu’elle ait ou non la qualité d’«agent étranger».
Ce pouvoir de contrôle a encore été renforcé par les modifications
du 4 juin 2014, qui permettent aux autorités d’effectuer un contrôle
inopiné lorsqu’elles estiment qu’une organisation agit en qualité
d’«agent étranger», alors même qu’elle n’a pas encore demandé son
enregistrement à ce titre. En vertu de ces mêmes modifications,
les autorités compétentes peuvent procéder à l’enregistrement unilatéral
d’une organisation non commerciale en qualité d’«agent étranger»,
sans avoir besoin pour cela de son consentement. L’organisation
enregistrée peut néanmoins faire appel de cette décision auprès
d’un tribunal. Parallèlement, la sanction de suspension des activités
de l’ONG prévue en cas de non-enregistrement a été abrogée

.
3.2.3. Modifications du Code des
infractions administratives et du Code pénal
16. Les modifications apportées
au Code des infractions administratives et au Code pénal (20 juillet
2012) prévoient de lourdes sanctions pour les «organisations non
commerciales» et leurs dirigeants en cas de non-respect de la législation.
Parmi les manquements d'ordre administratif il convient de noter
la non-présentation à temps et/ou en bonne et due forme du rapport
sur les activités d'une ONG, le défaut d‘enregistrement au registre
des «agents étrangers» ou encore l’absence de la mention «agent
étranger» sur les documents publiés ou distribués par une telle
ONG

. Sur le plan
pénal, deux nouvelles infractions concernant toutes les ONG ont
été rajoutées. Premièrement, en cas de création et de gestion d'une
organisation non commerciale dont «les activités sont liées à l'incitation
des citoyens au refus de s'acquitter de leur devoirs civiques» ou d'autres
actes illégaux (article 239 du Code pénal), la loi ne prévoit pas
de définition claire de ce qui constitue une telle activité

. Deuxièmement, l’omission intentionnelle
ou le défaut «malveillant» de soumission des documents nécessaires
pour l'inscription de l'organisation dans le registre des «agents
étrangers» est passible d'une amende d’un montant maximal de 300
000 RUB (environ € 4 200) ou d'une peine d’emprisonnement de deux
ans maximum

(article
330.1 du Code pénal).
3.2.4. La loi sur la «trahison»
17. Le Code pénal a été modifié
en vue de redéfinir l’infraction de trahison

.
La nouvelle définition de cette infraction laisse aux autorités
une grande marge de manœuvre pour l’interpréter de façon arbitraire
et l'appliquer à des défenseurs des droits de l'homme participant
à des colloques internationaux et échangeant des informations avec
leurs collègues étrangers. Le Comité des Nations Unies contre la
torture a déclaré que la loi pourrait ainsi être interprétée comme
interdisant tout échange d'informations avec les Nations Unies sur la
situation des droits de l'homme en Russie

.
Selon Human Rights Watch, aucun militant d’ONG n’a été accusé de
trahison en vertu de nouvelles dispositions légales. Néanmoins,
la «loi sur la trahison» peut être utilisée de manière arbitraire
pour justifier une surveillance intrusive des individus

.
3.2.5. La «loi Dima Yakovlev»
18. Depuis l'adoption de la loi
sur «les agents étrangers», les autorités russes ont resserré, à
travers d'autres lois, les restrictions sur les activités des ONG.
En décembre 2012, en réponse à la «loi Magnitski», adoptée par le
Congrès américain, le Parlement russe a voté la «loi Dima Yakovlev»,
qui interdit essentiellement l'adoption d'enfants russes par des
citoyens américains. Cette loi comporte également deux dispositions
qui visent spécifiquement les ONG recevant des financements d’organismes
américains et les citoyens russo-américains travaillant dans le
secteur de la société civile

.
Cette législation va encore plus loin que la loi sur les «agents
étrangers», en imposant une interdiction totale des organisations
«politiquement orientées» qui reçoivent un financement des Etats-Unis
et en interdisant aux personnes ayant la double nationalité russo-américaine
d'être dirigeants, soit d’ONG russes, soit d’antennes russes d’ONG internationales
ou étrangères qui exercent des «activités politiques». Cependant,
il semble pour l'heure qu’aucune ONG n'ait fait objet d’un contrôle
dans le cadre de cette loi.
3.2.6. Mise en pratique de nouvelles
lois et autres développements
19. En mars 2013, le parquet russe
a commencé à effectuer un contrôle massif des ONG pour vérifier
si elles respectaient les dispositions de la loi sur les «agents
étrangers» et, le cas échéant, les obliger à s'y soumettre.
20. Le 6 février 2013, treize ONG russes de défense des droits
de l'homme ont déposé une requête devant la Cour européenne des
droits de l'homme, alléguant que la loi sur les «agents étrangers»
violait leurs droits à la liberté d'association et d'expression.
Actuellement, l'affaire est pendante devant la Cour

. En août 2013, l'ancien commissaire
aux droits de l'homme russe, Vladimir Loukine, a déposé un recours
auprès de la Cour constitutionnelle au nom de quatre organisations
contestant les injonctions du parquet leur demandant de s'inscrire
au registre des «agents étrangers» ainsi que les amendes qui leur
ont été infligées pour défaut d'enregistrement. Six autres ONG ont
déposé des requêtes distinctes auprès de la Cour constitutionnelle
pour contester la loi sur les «agents étrangers». Le 8 avril 2014,
la Cour constitutionnelle a conclu que cette loi était conforme
à la Constitution. Bien que la Cour constitutionnelle ait ordonné
quelques ajustements mineurs, tels que la réduction des amendes,
et qu'elle ait précisé la définition des «activités politiques»
(qui englobe désormais également la publication de textes sur internet,
conformément à une jurisprudence bien établie des juridictions russes)

ainsi que les
dispositions relatives à la charge de la preuve, la loi reste essentiellement inchangée

.
21. Le 5 juin 2014, le ministère de la Justice, en vertu des pouvoirs
que lui confèrent les modifications du 4 juin 2014, a enregistré
cinq organisations en qualité d’«agents étrangers»

– l’Association Golos
(Moscou), l’Association régionale Golos (Moscou), le Centre de recherche
sur la politique sociale et le genre (Saratov), «Femmes du Don»
(Novotcherkassk) et le Centre Kostroma d'aide aux initiatives publiques
(Kostroma). Le 21 juillet 2014, cinq autres organisations ont été
ajoutées à cette liste: l’association interrégionale de défense des
droits de l’homme «Agora» (Kazan), «Ecozaschita! – Conseil des femmes»
(Kaliningrad), la fondation «Verdict public» (Moscou) et le Centre
des droits de l’homme «Memorial» (Moscou). Le 29 août 2014, le ministre
de la Justice a enregistré en qualité d’«agents étrangers» deux
organisations supplémentaires: l’ONG «Mères de soldats» de Saint-Pétersbourg,
dont la dirigeante a évoqué publiquement les allégations de décès de
soldats russes en Ukraine, et l’Institut pour le développement de
la liberté d’information, connu pour ses prises de position critiques

.
Depuis le 5 juin 2014, 95 ONG ont été ajoutées au registre des «agents étrangers»
(dont cinq se sont inscrites volontairement); dans l’intervalle,
une douzaine de ces ONG ont cessé toute activité et ont été rayées
du registre (le Centre anti-discrimination «Memorial» et Coming
Out, toutes deux de Saint-Pétersbourg, ayant cessé leurs activités
avant que le ministre de la Justice ne se voie conférer ce pouvoir
d'enregistrement unilatéral des «agents étrangers»)

. Le ministre de la Justice poursuit
la constitution du registre des «agents étrangers», bien que certaines
organisations précitées aient fait appel devant les tribunaux. Par
ailleurs, le parquet a engagé des poursuites civiles contre certaines
ONG qui ne s’étaient pas enregistrées comme «agents étrangers»

, une trentaine
d’ONG ont fait l’objet de poursuites administratives pour défaut
d’enregistrement et des poursuites administratives sont en cours
à l’encontre de responsables d’au moins six ONG. Une cinquantaine
d’autres ONG ont fait l’objet d’une injonction quant à la nécessité
de s’inscrire en tant qu’«agents étrangers» si elles envisageaient
à l’avenir d’exercer des activités politiques ou de recevoir des
financements de l’étranger. A la mi-novembre 2015, une centaine
d’organisations avaient été enregistrées en qualité d’«agents étrangers».
Les autorités ont infligé une amende à un certain nombre d’ONG qui
n’avaient pas affiché la mention «agent étranger» sur leurs publications.
En novembre 2015, le ministère de la Justice a proposé de nouvelles
modifications de la législation relative aux «agents étrangers»,
qui visaient à interdire aux agents publics, à quelque niveau que
ce soit, d’entretenir des rapports avec les «agents étrangers» et
de participer à des événements organisés ou coparrainés par des
«agents étrangers». Si elle est adoptée, cette mesure empêchera
totalement les ONG qualifiées «d’agents étrangers» d’exercer une activité
ordinaire de sensibilisation auprès des agents publics et des services
administratifs.
22. Dans ce contexte, deux affaires sont particulièrement choquantes.
Le Comité contre la torture (
Komitet Protiv
Pytok), une ONG de Nijni Novgorod fournissant une assistance
juridique aux familles de personnes disparues dans le conflit du
Caucase du Nord, a décidé de cesser ses activités et de fermer à
la suite de la confirmation par la Cour d’appel, en juillet 2015,
de son inscription au registre des «agents étrangers»

. Cette organisation
avait remporté en 2011 le Prix des droits de l’homme de l’Assemblée
parlementaire. En décembre 2014, le bureau de Grozny du Groupe mobile
conjoint, dont elle fait partie, a été détruit par un incendie que l’on
soupçonne criminel

et
en juin 2015 il a été violemment attaqué et dévasté par des inconnus
masqués

. Une autre affaire
frappante concerne l’inscription au registre des «agents étrangers»
«Memorial», l’une des plus célèbres organisations russes de défense
des droits de l’homme. Le 28 septembre 2015, une cour d’appel de
Moscou a confirmé l’amende de 600 000 roubles (près de € 8 450)
infligée à cette organisation pour non-respect de la législation
sur les «agents étrangers». «Memorial» a été condamné à cette amende
parce que certains événements organisés par son organisation-sœur,
International Memorial (qui n’est pas inscrite au registre), ont
été annoncés sans la mention «agent étranger»

. En outre, le 6
novembre 2015, le ministère de la Justice a notifié «Memorial»,
par procès-verbal, que certains de ses documents «portaient atteinte
à l’ordre constitutionnel de la Fédération de Russie en appelant
au renversement du gouvernement et à un changement de régime politique».
Les documents en infraction étaient des articles publiés sur le
site web de l’organisation, qui affirmaient que des soldats russes
combattaient en Ukraine et critiquaient l’emprisonnement de manifestants
de l’opposition qui avaient pris part à une manifestation pacifique
place Bolotnaya à Moscou, en mai 2012. Le 11 novembre 2015, le ministère
a informé les médias qu’il avait transmis son rapport d’inspection sur
«Memorial» au procureur général pour que celui-ci prenne des mesures

.
Dans sa déclaration du 12 novembre 2015, le Secrétaire Général du
Conseil de l’Europe, M. Thorbjørn Jagland, s’est dit préoccupé par ces
accusations et a appelé les autorités russes à protéger les activités
des défenseurs des droits de l’homme

.
23. En juillet 2015, la législation russe sur les organisations
non commerciales a une nouvelle fois été critiquée par le Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, qui a publié une mise
à jour de son avis précédent à ce sujet

.
3.2.7. Avis de la Commission de
Venise, juin 2014
24. La Commission de Venise, dans
son avis rendu le 27 juin 2014, a examiné à la fois la législation
relative aux organisations non commerciales et les modifications
apportées à l’infraction de trahison prévue par le Code pénal. Elle
a recommandé de supprimer l’expression «agent étranger» de la législation
en raison de son caractère stigmatisant, et de réexaminer la nécessité
de prévoir un régime spécial d’enregistrement et de contrôle pour
les ONG qui bénéficient d’un financement provenant de sources étrangères.
Toutefois, si ces modifications n’étaient pas effectuées, il convient
au minimum d’ôter aux autorités le pouvoir d’enregistrer unilatéralement
les ONG en qualité d’«agents étrangers» et de veiller à ce que les
sanctions prévues par la loi soient conformes au principe de proportionnalité.
Dans le cadre juridique actuel, la Commission de Venise invite par
ailleurs instamment les autorités russes à mieux définir l’expression
«activités politiques» et les cas dans lesquels les contrôles extraordinaires
peuvent avoir lieu, afin de prévenir tout arbitraire. S’agissant
de la législation relative à l’infraction de trahison, elle fait
remarquer que, si les poursuites engagées pour trahison sont en
soi légitimes, il convient de libeller les dispositions concernées
de manière plus précise afin de prévenir l’interdiction d’une «catégorie
étendue d’actes effectués par une catégorie étendue de personnes».
Ces changements sont indispensables pour que cette législation cesse
d’avoir un «effet dissuasif» sur les libertés d’association et d’expression
en Russie.
3.2.8. Loi sur les organisations
indésirables
25. En parallèle, une nouvelle
mesure législative visant les ONG étrangères et internationales
– la loi sur les «organisations indésirables» – a été adoptée le
19 mai 2015 et est actuellement à l’examen par la Commission de
Venise à la demande de notre commission

. Cette loi érige
en infraction pénale le fait de travailler pour le compte d’organisations
étrangères et internationales qui, selon le gouvernement, «menacent
l’ordre constitutionnel, la sécurité de l’Etat ou la défense nationale».
Tout ressortissant russe qui «participe» aux activités d’une «organisation
indésirable» est passible d’une amende administrative d’environ
€ 900 pour les deux premières infractions; au-delà de deux infractions
par an, le contrevenant encourt des poursuites pénales et une peine
maximale de six ans d’emprisonnement. Les organisations qualifiées
d’«indésirables» ne pourront pas exercer d’activité sur le territoire
de la Russie. Il ne leur sera plus possible d’organiser ou de prendre
part à un projet ou à d’autres activités en Russie. Les organisations
locales seront obligées de refuser des fonds provenant de tels groupes
indésirables. Il est interdit aux banques et autres institutions
financières d’autoriser des opérations financières provenant de
ces organisations ou destinées à celles-ci

.
26. De l’avis de nombreuses organisations de défense des droits
de l’homme, cette loi constitue un autre outil de harcèlement des
entités sans but lucratif d’origine étrangère et des ressortissants
russes coopérant avec elles. Selon l’OMCT

, il manque dans la
loi une définition claire de ce que signifie «menacent l’ordre constitutionnel,
la sécurité de l’Etat, la défense nationale». Par ailleurs, elle
octroie au procureur général des pouvoirs excessifs, car lui-même
et ses suppléants sont chargés de dresser une liste des organisations indésirables
en coopération avec le ministère des Affaires étrangères. Cette
procédure unilatérale, politique par nature, empêche également l’accès
des organisations classées comme indésirables à tout réexamen judiciaire
indépendant des décisions qui les concernent.
27. Le 8 juillet 2015, la Chambre haute du Parlement russe (Conseil
de la Fédération) a demandé au procureur général et au ministère
des Affaires étrangères de vérifier la conformité de 12 organisations
à but non lucratif avec la nouvelle loi sur les «organisations étrangères
indésirables». La liste du Conseil de la Fédération incluait plusieurs
organisations basées aux Etats-Unis, dont l’Open Society Foundation
(OSF), National Endowment for Democracy (NED), Freedom House, l’International
Republican Institute (IRI) et le National Democratic Institute (NDI),
deux ONG réunissant la diaspora ukrainienne dans le monde entier,
ainsi qu’un groupe informel contrôlant le respect des droits de
l’homme en Crimée. Le 28 juillet 2015, les autorités russes ont
décidé, pour la première fois, d’inscrire sur la liste noire l’organisation
caritative basée aux Etats-Unis
National Endowment for Democracy (NED), qui a soutenu les activités d’organisations ayant
assuré la défense des droits de l’homme et de la société civile
en Russie en première ligne depuis de nombreuses années. Le Bureau
du procureur général a annoncé que les activités de NED dans le
pays sont désormais illégales et demandé au ministère de la Justice
de l’inscrire sur la liste des «organisations indésirables».
3.2.9. Subventions du Gouvernement
russe
28. Alors qu’elle portait son attention
sur le financement des ONG par des sources internationales, la Russie a
continué à aider les ONG grâce à son propre programme de financement.
Sept opérateurs participent à ce processus, en allouant des fonds
à des projets précis présentés par les ONG. L’un de ces opérateurs
est Civil Dignity. La présidente de Civil Dignity, Ella Pamfilova,
a été nommée Commissaire russe aux droits de l’homme le 18 mars
2014. Le 30 avril 2014, trois antennes de l’ONG Memorial (dont deux
traitant de questions relatives aux droits de l’homme) ont obtenu
des subventions pour un montant total de 3,7 millions RUB (soit
environ € 75 000 à l’époque)

.
3.3. Azerbaïdjan
3.3.1. Récentes modifications de
la législation sur les ONG
29. Bien que la Constitution de
l’Azerbaïdjan protège le droit à la liberté d’association dans son
article 58, et qu’en vertu de son article 151, les accords internationaux
contraignants priment sur la législation nationale, (à l’exception
de la Constitution elle-même)

, le respect de cette liberté
fondamentale a suscité de vives inquiétudes ces dernières années.
Les ONG, en particulier celles qui sont critiques envers les autorités,
ont rencontré des difficultés particulières. Bon nombre d’entre
elles se sont vu refuser leur enregistrement pour des motifs infondés,
à la suite d’une mauvaise interprétation des dispositions législatives
ou de l’allongement du temps de traitement de leur demande sans
raison valable, ce qui a été critiqué par la Commission de Venise

.
Certaines ONG ont dû déposer jusqu’à huit fois leur demande avant
d’être enregistrées

. La procédure
d’enregistrement est assez complexe: les ONG doivent faire des déclarations
à plusieurs ministères

; elles
doivent s’enregistrer auprès d’un bureau spécial du ministère de
la Justice à Bakou et s’acquitter de frais de procédure assez élevés.
Après l’enregistrement, les ONG sont soumises à des contrôles fiscaux
et doivent respecter une législation restrictive quant à l’obtention
des fonds provenant de l’étranger. Selon la loi azerbaïdjanaise,
si une organisation reçoit plus de deux avertissements dans l’année
concernant une infraction, les autorités peuvent prononcer sa dissolution.
Il est à souligner qu’une telle disposition est appliquée indépendamment
de la gravité des infractions donnant lieu aux avertissements.
30. La Cour européenne des droits de l’homme a rendu plusieurs
arrêts concernant l’incapacité du ministre de la Justice à rendre
des décisions définitives ou à répondre dans les délais prévus par
la loi à des demandes des requérants d’enregistrer leurs associations,
dans lesquels elle a conclu à une violation de l’article 11 de la Convention
européenne des droits de l’homme

. Selon la Cour, un retard important
à répondre à la demande d’enregistrement d’une association équivaut
de fait à un refus de l’enregistrer.
31. Des modifications de la loi sur les ONG

adoptées en juillet 2009 ont
imposé de nouvelles conditions d’enregistrement aux ONG internationales:
désormais, ces dernières doivent obtenir un accord préalable des autorités
azerbaïdjanaises, après avoir démontré qu’elles respectent les «valeurs
morales nationales» et ne sont pas impliquées dans une «propagande
politique ou religieuse». Un tel accord serait conclu à l’issue
des négociations entre le ministre de la Justice et l’ONG concernée

.
Ainsi, ces modifications ont rendu plus difficile l’ouverture des
bureaux des ONG étrangères et internationales.
32. Dans son avis du 19 octobre 2011, la Commission de Venise
a estimé que ces dispositions de la loi de 2009 étaient floues en
raison de l’absence d’une définition précise des «valeurs morales
nationales» et de la «propagande politique ou religieuse». La nécessité
de conclure un accord bilatéral entre une ONG étrangère et les autorités
nationales est en elle-même discutable et les modalités de la conclusion
d’un tel accord sont énoncées très vaguement. Selon la Commission
de Venise, «la liberté d’expression d’une association ne saurait
être assujettie aux instructions des autorités publiques, sauf restrictions
admissibles, prévues dans la loi et nécessaires dans une société
démocratique dans des buts clairement et strictement définis». Ainsi,
la nouvelle réglementation, établissant de nouvelles exigences pour
les ONG étrangères, ne respecte pas les normes internationales

.
33. Malgré ces critiques de la Commission de Venise, le 15 février
2013, le parlement a adopté de nouvelles modifications de la loi
sur les ONG, de la loi sur les subventions et du Code des infractions
administratives, restreignant ainsi davantage les activités des
ONG en Azerbaïdjan (elles sont entrées en vigueur le 12 mars 2013).
Ainsi, les ONG ne sont pas autorisées à percevoir des fonds étrangers
d’un montant supérieur à 200 AZN (€ 185) sans un accord officiel
du ministre de la Justice, sous peine d’amende ou de confiscation
de leurs biens. Les ONG ne peuvent recevoir des subventions ou des
dons de plus de 200 AZN que par virement bancaire. Cela empêche
donc les ONG non enregistrées de recevoir des fonds; n’ayant pas
de personnalité juridique, elles ne peuvent pas ouvrir de compte
bancaire

.
Cette situation n’a pas laissé d’autre choix aux dirigeants des
ONG que d’agir à la limite du strict cadre juridique, ce dont les
autorités ont ensuite pris prétexte pour engager des poursuites
pénales

(voir plus
loin). En outre, deux autres séries de modifications ont été adoptées
par le parlement, respectivement le 17 décembre 2013

(entrée
en vigueur le 3 février 2014) et le 17 octobre 2014

.
Les modifications adoptées en octobre 2014 ont explicitement étendu
aux ONG non enregistrées (c’est-à-dire à leurs dirigeants)

l’obligation d’enregistrement concernant
les subventions et ont imposé d’autres restrictions à l’acceptation
de dons et de subventions par des ONG pour limiter leur financement
étranger.
34. Dans son rapport du 6 août 2013

,
le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, M. Nils
Muižnieks, a constaté le caractère restrictif des nouvelles dispositions
et, dans ses observations complémentaires du 23 avril 2014, a réitéré
ses préoccupations concernant la détérioration des libertés d’expression
et d’association en Azerbaïdjan

. Il a souligné dans ce document
que «la complexité des exigences en matière d’enregistrement pousse
inévitablement un certain nombre d’ONG à fonctionner en marge de
la loi» et que «la législation ne doit pas empêcher toute action
en faveur des droits de l’homme».
35. En septembre 2014, le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe,
M. Thorbjørn Jagland, a demandé à la Commission de Venise d’évaluer
la loi sur les ONG telle que modifiée. Le 15 décembre 2014, la Commission de
Venise a rendu un avis en la matière, en tenant compte de toutes
les modifications adoptées en 2013 et en 2014

. Malgré certaines avancées positives
limitées dans la législation, la Commission de Venise a noté que
de nombreuses recommandations figurant dans son avis de 2011 n’avaient
pas été prises en compte, notamment en ce qui concerne les ONG étrangères
et la possibilité d’ordonner leur dissolution. Par ailleurs, les
modifications en question ont permis l’introduction de nouvelles
dispositions controversées concernant les ONG étrangères, l’acceptation
de subventions et de dons ainsi que l’obligation de rendre compte
aux autorités publiques

.
Selon la Commission de Venise, «l’effet cumulé de ces dispositions
restrictives (…) risque d’avoir un effet dissuasif sur la société
civile, en particulier sur les associations engagées sur des questions
clés telles que les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de
droit

».
La Commission de Venise a donc recommandé aux autorités azerbaïdjanaises
de simplifier et de décentraliser la procédure d’enregistrement,
de revoir l’exigence pour les ONG internationales de créer des filiales
et d’obtenir leur enregistrement, de revoir les dispositions visant
à empêcher le financement étranger et de supprimer les dispositions
permettant une ingérence dans l’autonomie interne des ONG (comme
certaines obligations de rendre compte et la surveillance par l’autorité
publique de l’organisation interne des ONG).
3.3.2. Mise en pratique de la réglementation
sur les ONG
36. Dans les faits, plusieurs ONG
locales et internationales, dont la Maison des droits de l’homme d’Azerbaïdjan
(
Human Rights House Azerbaijan),
n’ont pu exercer librement leurs activités. Le 10 mars 2011

, la Maison des
droits de l’homme d’Azerbaïdjan, créée en 2007 en tant que bureau
national de la Fondation «Maison des droits de l’homme», a été contrainte
de cesser ses activités sans avertissement jusqu’à ce qu’un accord
avec les autorités soit trouvé. Avant sa fermeture, la Maison n’avait
reçu aucun avertissement concernant une quelconque infraction à
la loi. Malgré les négociations menées avec les autorités pendant
trois ans, la Maison n’a pas été autorisée à rouvrir à ce jour

. Il importe de souligner
qu’aucune disposition de la loi de 2009 n’oblige les ONG déjà enregistrées
et opérationnelles d’obtenir un accord du ministre de la Justice.
37. Le gouvernement affirme octroyer une aide financière à certaines
ONG. Néanmoins, sont financées uniquement les organisations favorables
au régime

.
Les autres ONG sont régulièrement soumises à des ingérences et à
des menaces de la part des autorités. Ainsi, en février 2012, l’Institut
pour la liberté et la sécurité des reporters a reçu un avertissement
du ministre de la Justice indiquant que l’organisation avait omis de
déclarer la réélection de son président. De la même manière, le
19 avril 2011, l’Institut pour les droits des médias a reçu un avertissement
du même ministre sur la possibilité de se voir infliger une sanction administrative,
car il n’avait pas informé le ministre de la désignation d’un nouveau
président. D’après l’institut, l’avertissement n’était pas fondé,
car le président de l’organisation n’avait pas été élu, mais réélu.
Il convient de noter que la loi ne précise pas que la réélection
doive être notifiée au ministre de la Justice.
38. Le Centre d’observation des élections (EMC) a été fermé au
cours de la période préélectorale de l’élection présidentielle d’octobre 2008,
car, selon le ministre de la Justice, l’organisation ne l’avait
pas informé du changement de l’adresse et de l’enregistrement de
ses bureaux régionaux. Son successeur, le Centre de suivi des élections
et des études sur la démocratie (EMDS) a finalement été enregistré
après plusieurs rejets de sa demande d’enregistrement sur la base
de divers manquements mineurs. Les 28 et 30 octobre 2013, après
l’élection présidentielle en Azerbaïdjan, le président et deux membres
de l’EMDS ont été interrogés par le Département d’enquête sur les
infractions graves du bureau du procureur général sur l’acceptation
par l’organisation de subventions importantes de la part d’investisseurs
étrangers

. Le 31 octobre
2013, le bureau du procureur général a perquisitionné les bureaux
de l’EMDS et a confisqué des documents ainsi que deux ordinateurs.
Le 16 décembre 2013, le président de l’EMDS, Anar Mammadli, a été
arrêté et mis en détention pour divers chefs d’accusation, notamment
pour «évasion fiscale», «abus d’autorité» et «activités commerciales
illicites»

. Le 26 mai 2014,
M. Mammadli a été condamné à une peine de cinq ans et demi d’emprisonnement
par le Tribunal des crimes graves de Bakou

. Son collègue, Bashir
Suleymanli, directeur exécutif de l’EMDS, a été condamné à une peine
de trois ans et demi d’emprisonnement.
39. Le 17 mars 2014, Fouad Aleskerov, chef du service d’application
des lois du cabinet du président, a accusé des ONG telles que Freedom
House, Human Rights Watch, Amnesty International et Transparency International
d’appliquer des normes à géométrie variable à l’égard de l’Azerbaïdjan
et de faire de fausses déclarations dans leurs rapports. Selon lui,
non seulement il ne faut pas coopérer avec ces organisations, mais il
est nécessaire de lutter contre leur système du «deux poids, deux
mesures» et de prévenir la propagation de fausses informations sur
l’Azerbaïdjan

.
40. Le 13 mai 2014, le Département d’enquête sur les infractions
graves du bureau du procureur général a engagé des poursuites à
l’encontre d’un certain nombre d’ONG étrangères et locales pour
abus de pouvoir et faux (dont IREX, Oxfam, International Media Support
et National Endowment for Democracy). Depuis cette date, plusieurs
défenseurs des droits de l’homme de premier plan et dirigeants d’ONG
ont été arrêtés sous les chefs d’accusation d’abus de pouvoir, d’évasion
fiscale, d’entreprise illicite ou de fraude: Intigam Aliyev (avocat spécialisé
dans la défense des droits de l’homme et dirigeant de Legal Education
Society, ainsi que membre du Conseil d’experts sur le droit en matière
d’ONG de la Conférence des OING), Rasul Jafarov (fondateur de Human
Rights Club), Leyla Yunus (avocate de premier plan spécialisée dans
la défense des droits de l’homme et directrice du Peace and Democracy
Institute, également accusée de trahison) et son mari, Arif Yunus (historien)

. Le 21 juillet 2014, Hasan Huseynli, président
d’une ONG respectée établie à Ganja, a été condamné à une peine
de six ans d’emprisonnement pour trouble à l’ordre public et détention
d’arme blanche. Ces arrestations et condamnations ont toutes eu
lieu pendant la présidence azerbaïdjanaise du Comité des Ministres
et ont été condamnées par plusieurs instances du Conseil de l’Europe
(le Secrétaire Général

, le Commissaire aux droits de l’homme

, et notre commission

) et par des instances d’autres organisations gouvernementales
internationales – l’Union européenne

,
l’OSCE

et les Nations
Unies

–
et plusieurs organisations non gouvernementales

.
41. Les comptes bancaires d’au moins dix ONG, dont Media Rights
Institute, Democracy and Human Rights Centre, Human Rights Union,
l’Association azerbaïdjanaise des avocats et l’Institut pour la
liberté et la sécurité des reporters, ainsi que de certaines organisations
internationales (dont Transparency International, Oxfam et National
Democratic Institute) et de leurs dirigeants, ont été par la suite
gelés, ce qui entraîne de fait la cessation des activités de ces
ONG.
42. En outre, une descente de police a eu lieu le 11 août 2014
dans les locaux de l’Institut pour la liberté et la sécurité des
reporters, où les scellés ont été posés; son ancien directeur, Emin
Huseynov, a été frappé d’une interdiction de quitter le territoire
(il s’est par la suite réfugié à l’ambassade de Suisse à Bakou en
août 2014; en juin 2015, il a été transféré en Suisse et a récemment
été privé de sa citoyenneté azerbaïdjanaise). Le 5 septembre 2014,
les forces de sécurité azerbaïdjanaises ont effectué une descente
dans les locaux d’IREX, dont les comptes bancaires ont été gelés,
au motif que cette ONG était financée par les Etats-Unis.
43. Malgré les critiques des organisations internationales, les
répressions contre les militants des droits de l’homme et les dirigeants
d’ONG ont continué (à l’exception de la grâce accordée à M. Hasan
Huseynli en octobre 2014). Le 5 décembre 2014, une célèbre journaliste
d’investigation, Mme Khadija Ismayilova

, a été arrêtée
quelques semaines après sa participation à une manifestation organisée
en marge de la quatrième partie de session de 2014 de l’Assemblée
parlementaire à Strasbourg.
44. Au cours de l’année 2015, tous les militants mentionnés plus
haut, qui étaient des partenaires du Conseil de l’Europe depuis
longtemps, ont été condamnés à des peines de prison de longue durée:
sept ans et demi pour Intigam Aliyev

(peine confirmée en appel), six
ans et trois mois pour Rasul Jafarov

(en appel), huit ans et demi pour
Leyla Yunus, sept ans pour Arif Yunus (le 12 novembre 2015, il a
été libéré pour raisons humanitaires et assigné à résidence à son
domicile

) et sept ans et demi pour
Khadija Ismayilova.
45. Dans sa
Résolution 2062 (2015) du 23 juin 2015, l’Assemblée a évoqué les condamnations
et les arrestations mentionnées plus haut et a appelé l’Azerbaïdjan
à «mettre un terme à la répression systématique contre les défenseurs
des droits de l’homme, les médias et tous ceux qui critiquent le
gouvernement, y compris aux poursuites à motivation politique; …»
(paragraphe 11.1)

. Elle a également
appelé les autorités «à réviser la loi sur les ONG en vue de répondre
aux préoccupations exprimées par la Commission de Venise» et «à
créer un environnement propice aux activités légitimes des ONG,
y compris celles exprimant des avis critiques» (paragraphe 11.7).
De la même manière, dans sa résolution sur l’Azerbaïdjan du 8 septembre
2015, le Parlement européen a appelé les autorités à revoir la législation
sur les ONG, a condamné vivement «la répression sans précédent exercée
contre la société civile», a souligné que cette dernière a «un rôle
essentiel à jouer dans le développement de la démocratie, de la
stabilité et de la prospérité» du pays et a exhorté l’Azerbaïdjan
à «réévaluer sa politique à l’égard de la société civile indépendante
en vue de faciliter un débat national ouvert et conforme aux normes
internationales»

.
46. Le 7 octobre 2015, le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe,
M. Thorbjørn Jagland, a décidé du retrait de son représentant auprès
du groupe de travail conjoint sur les questions relatives aux droits
de l’homme en Azerbaïdjan, qui a été créé pour relancer le dialogue
entre la société civile et les autorités, et est composé de responsables
du gouvernement, de parlementaires et de militants des droits de
l’homme. En annonçant sa décision, le Secrétaire Général a précisé
que «la situation globale des défenseurs des droits de l’homme dans
le pays s’est considérablement détériorée»

. Ce représentant
assistait à ces réunions depuis octobre 2014.
3.4. Turquie
47. En Turquie, même si la société
civile ne fait pas l’objet de répressions graves comme en Fédération
de Russie et en Azerbaïdjan, il convient de se pencher sur quelques
événements récents inquiétants. En juillet 2004, une nouvelle loi
sur les associations est entrée en vigueur, et a été jugée par la
Commission européenne «conforme, d’une manière générale, aux normes
internationales»

. Le droit
d’exercer la liberté d’association est également régi par le Code
civil turc

et
la loi sur les fondations

.
Néanmoins, le nombre d’associations et de fondations s’occupant
directement des droits de l’homme est assez limité en Turquie. L’assistance
juridique aux victimes de violations des droits de l’homme est généralement
fournie par les barreaux. Il existe des organisations œuvrant pour
les droits des femmes et des enfants. Les organisations les plus
nombreuses sont celles travaillant en faveur des personnes handicapées,
mais, en règle générale, elles fournissent uniquement des services
à la personne. Les organisations s’occupant des prisonniers sont
peu nombreuses. Il existe également un certain nombre de fondations
de promotion des droits des minorités et elles sont soumises au
strict contrôle de la «Direction générale des fondations», un organisme gouvernemental.
Toutefois, les procureurs et les juges refusent souvent leur enregistrement
ou les menacent de dissolution, en s’appuyant sur les dispositions
relatives à la langue officielle de l’Etat.
48. Certaines associations de défense des droits de l’homme font
l’objet d’un harcèlement judiciaire de la part des autorités. En
effet, des enquêtes et des procédures judiciaires sont régulièrement
ouvertes à l’encontre de certaines associations. Le cas de l’Association
des droits de l’homme (
İnsan Hakları
Derneği, IHD) constitue un exemple caractéristique de
cette forme de harcèlement étatique, les poursuites de ses dirigeants
et de ses responsables locaux pour terrorisme, qui entraînent de
longues périodes de détention provisoire, étant souvent fondées
sur des motifs arbitraires. L’association a subi de lourdes pénalités financières

.
49. La loi antiterroriste, modifiée en juin 2006, a allongé la
liste des actes constitutifs de crime terroriste, tout en maintenant
une définition large du terrorisme. Ces modifications ont eu des
répercussions sur les associations travaillant, notamment, sur la
question sensible des droits des Kurdes, qui sont souvent assimilés à
des groupes terroristes

. Les médias pro-gouvernementaux
contribuent à discréditer ces ONG aux yeux du grand public et de
leurs donateurs potentiels, nationaux ou étrangers

.
50. Les exigences bureaucratiques pour la création d’une association
sont assez lourdes, surtout pour les petites associations ou pour
les associations avec des capacités financières restreintes. Les
contrôles sont fréquents et les amendes administratives pour tenue
insuffisante de la comptabilité ou la non-obtention de l’autorisation
préalable nécessaire à une collecte publique de fonds sont disproportionnées.
Les associations doivent produire un statut détaillant leurs objectifs,
le type et le champ de leurs activités. Elles doivent soumettre
au ministre de l’Intérieur et à l’administration des provinces des
rapports annuels sur les activités entreprises et des bilans comptables
et sont obligées d’effectuer des audits assez coûteux. Le système comptable
est très compliqué et on peut facilement faire des erreurs par manque
de maîtrise. En effet, les petites associations et les bureaux des
ONG n’ont pas les moyens de faire appel à des experts comptables. Les
autorités peuvent procéder à des vérifications plus détaillées auprès
des associations si elles le jugent nécessaire. Comme elles n’ont
pas assez de ressources pour contrôler toutes les associations,
elles les choisissent de façon arbitraire. Ainsi, les associations
s’occupant des droits des minorités ou des questions politiquement
sensibles font l’objet d’une étroite surveillance administrative,
en particulier dans les provinces.
51. Les exigences bureaucratiques et l’absence de règles simplifiées
pour les petites ou moyennes associations empêchent la création
d’un environnement propice pour le fonctionnement de ces dernières, notamment
au vu du fait que la loi les oblige à informer les autorités administratives
locales avant de recevoir un soutien financier de l’étranger et
de fournir des documents détaillés sur ce soutien. De plus, les
inspections des ONG recevant des fonds de l’étranger sont fréquentes.
Bien que le non-respect des exigences de la législation applicable
aux associations ne soit plus un motif de dissolution, il est néanmoins
passible d’amendes disproportionnées, qui peuvent entraîner la cessation
des activités des petites associations de défense des droits de
l’homme

.
3.5. Hongrie
52. Les 9 et 10 novembre 2015,
j’ai effectué une mission d’information à Budapest, où j’ai rencontré
les représentants des autorités: des parlementaires (dont M. Gergely
Gulyàs, vice-président du Parlement), M. Csaba Latorcai, secrétaire
d’Etat aux Affaires sociales prioritaires auprès du cabinet du Premier
ministre, M. Barna Berke, secrétaire d’Etat à la Coopération judiciaire
internationale et de l’Union européenne auprès du ministère de la
Justice, M. Làszló Székely, médiateur, ainsi que des fonctionnaires
de l’Office de contrôle du Gouvernement hongrois (KEHI) et des représentants
d’ONG.
53. Il existe, en Hongrie, plus de 81 000 ONG enregistrées (53 000
associations et 28 000 fondations, d’après mes interlocuteurs du
ministère de la Justice). Les ONG peuvent être créées à des fins
qui sont conformes à la Loi fondamentale et ne sont pas illégales

. Les deux formes juridiques traditionnelles
des ONG sont l’association et la fondation; les formes particulières
d’association sont l’alliance, le parti politique et le syndicat.
54. La législation hongroise n’impose pas de restrictions aux
activités législatives ou politiques des ONG. La définition de ce
qu’est une «activité politique» est assez précise et ne pose pas
de problème d’interprétation

. Les ONG sont généralement
libres de s’engager dans toute forme d’activité politique. De plus,
le cadre juridique et institutionnel garantit la capacité des ONG
à prendre part aux processus de prise de décision à travers un large
éventail d’actions de promotion, d’activités militantes et de lobbying.
Les restrictions à s’engager dans des activités politiques s’appliquent
seulement si une ONG acquiert le statut d’organisation d’utilité
publique. Dans ce cas, elle ne doit pas poursuivre une activité
politique directe, doit être indépendante des partis politiques
et ne doit pas leur fournir de soutien financier.
55. La législation hongroise prévoit une possibilité pour les
ONG de prendre part au processus décisionnel du parlement et du
gouvernement, par voie de consultation générale (en envoyant des
commentaires sur les projets de nouvelles lois) ou directe (sur
la base d’un accord de partenariat). En outre, plusieurs ministères
ont mis en place des procédures spécifiques pour travailler avec
les ONG et ont créé des organes consultatifs dans leurs domaines
respectifs. Les ONG en Hongrie sont libres d’organiser des ateliers
ou des conférences afin d’éduquer le public sur des problèmes de
société. Elles peuvent également critiquer la politique ou les autorités
à tout moment et en tout lieu, sur la base du droit à la liberté
d’expression inscrit dans la Constitution. En ce qui concerne le
financement en provenance de l’étranger, seuls les partis politiques
ne peuvent pas accepter de soutien financier d’un gouvernement étranger

,
une telle restriction ne s’appliquant pas aux autres types d’ONG.
56. Depuis 2010, date à laquelle il a obtenu la majorité des deux
tiers des sièges du parlement, le Fidesz a entrepris de renouveler
la Constitution du pays. La nouvelle Constitution (la Loi fondamentale)
et les textes de loi connexes sont entrés en vigueur en janvier 2012
et ont été ultérieurement modifiés à plusieurs reprises; ils ont
influé sur le fonctionnement de la justice et de la Cour constitutionnelle.
La nouvelle loi relative aux médias de 2010 a également fait l’objet
de critiques, car elle restreint l’indépendance des médias. Dans
sa
Résolution 1941 (2013), l’Assemblée s’inquiétait de «l’érosion de l’équilibre
démocratique entre les différents pouvoirs, qui résulte du nouveau
cadre constitutionnel en Hongrie», en soulignant la concentration
excessive des pouvoirs

; elle se demandait
également dans quelle mesure le pays respectait le principe de démocratie,
la protection des droits de l’homme et l’Etat de droit. Elle a toutefois
décidé de ne pas ouvrir une procédure de suivi à l’égard de la Hongrie

et de suivre attentivement
la situation

.
57. Entre-temps, certaines ONG ont fait état de leurs inquiétudes
du fait de la dégradation de la situation de la société civile et
des restrictions imposées à la liberté d’association

. En octobre 2013, un
projet de loi apparemment inspiré de la loi russe relative aux «agents
étrangers» a été déposé au parlement par trois membres du parti
Jobbik

. Selon mes interlocuteurs du Parlement
hongrois, le projet de loi a été rejeté en commission.
58. De nouvelles intimidations de certaines ONG ont été signalées
après la reconduction du gouvernement du Fidesz à l’issue des élections
législatives de début avril 2014

. Les ONG visées étaient celles
qui géraient le «programme du Fonds pour les ONG» financé par les
subventions de l’EEE (l’Espace économique européen)

,
c’est-à-dire la Fondation hongroise Partenariat pour l’environnement
(un consortium composé d’Őkotàrs, d’Autonomia, de Demnet et de la
fondation Kàrpàtok), et certaines ONG bénéficiaires de ces subventions.
Les 14 et 15 août 2013, des quotidiens ont publié des articles qui
stigmatisaient Őkotàrs et 13 autres ONG bénéficiaires des subventions
de l’EEE, en les qualifiant d’ONG «au service d’intérêts étrangers». Le
8 avril 2014, M. Jànos Làzàr, directeur de cabinet du Premier ministre,
a écrit au Gouvernement norvégien en affirmant que l’argent du Fonds
pour les ONG était versé à des ONG liées à un parti d’opposition
et en mettant en doute l’indépendance d’Őkotàrs. Le 30 avril 2014,
un autre haut fonctionnaire du cabinet du Premier ministre a affirmé
que le consortium était «sous la dépendance des partis, qu’il n’était
personne sauf un tricheur»

. Le 9 mai 2014, les paiements versés par
les trois donateurs (Islande, Liechtenstein et Norvège) au titre
des subventions de l’EEE ont été suspendus en raison du non-respect
par le Gouvernement hongrois du régime de gestion et de mise en
œuvre convenu

. Le gestionnaire des fonds a toutefois
poursuivi ses versements en faveur des ONG hongroises

, ce qui a amené M. Làzàr
à faire une nouvelle déclaration publique, en appelant à la suspension
du Fonds pour les ONG. A la suite de cette déclaration, le 28 mai
2014, l’Office de contrôle du Gouvernement hongrois (KEHI) a commencé
à enquêter sur les organisations et les programmes qui bénéficiaient
de cette source de financement. Cette entité est compétente pour
les questions relatives à l’utilisation des fonds publics hongrois.
Sa capacité à procéder à des vérifications a été mise en doute,
tout comme le fait que les subventions de l’EEE puissent être considérées
comme des «fonds publics hongrois». La vérification a été effectuée
le 2 juin 2014 et le KEHI a demandé qu’un certain nombre de documents
lui soient transmis, ce qu’Őkotars a refusé de faire. En juillet
2014, 58 ONG bénéficiaires de subventions ont été priées une nouvelle
fois de communiquer les documents relatifs à leurs projets et certaines d’entre
elles se sont exécutées, tout en contestant le fondement légal de
cette demande

. En outre,
un certain nombre d’organisations bénéficiaires de ce financement
(y compris des organisations de défense des droits de l’homme et
des droits des femmes, ainsi que Transparency International) qui
avaient été stigmatisées par les médias en août 2013 ont été inscrites
sur une liste noire par le gouvernement (et surnommées les «13 malhonnêtes»)

. En juillet 2014, le Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a condamné avec fermeté
la stigmatisation par les autorités hongroises des ONG qui défendent
les droits de l’homme et les valeurs démocratiques et les a appelées
à reconsidérer le fondement sur lequel les vérifications ont été
effectuées

. Dans un discours prononcé le 26
juillet 2014, le Premier ministre hongrois, M. Victor Orbàn, a évoqué
les ONG bénéficiaires de subventions de l’EEE en les qualifiant
de «militants politiques payés, qui cherchent à favoriser les intérêts
étrangers», et a formulé d’autres remarques critiques à leur égard (en
utilisant le terme de «mercenaires») dans une autre allocution du
15 septembre 2015

.
59. Malgré ces critiques, les perquisitions dans les locaux des
organisations qui distribuent les subventions de l’EEE ont continué:
le 8 septembre 2014, sur la base d’allégations de mauvaise gestion,
des fonctionnaires de police ont perquisitionné certaines organisations,
dont Okotárs et Demnet qui font partie du «consortium» distribuant
les subventions de l’EEE, et ont saisi leurs dossiers et leurs serveurs
informatiques

. Un tribunal d’instance de Buda,
devant lequel ces organisations avaient intenté une action, a conclu
le 23 janvier 2015 que ces perquisitions avaient été illégales.
En septembre 2014, l’administration fiscale a suspendu, à la demande du
KEHI, les numéros fiscaux du «consortium» de quatre organisations,
mais ces dernières ont déposé un recours devant la justice hongroise.
Le 23 février 2015, la juridiction saisie a décidé de suspendre
cette suspension des numéros fiscaux de trois organisations du consortium
et de les autoriser à exercer librement leurs activités

.
60. Le 12 novembre 2014, le KEHI a demandé au procureur d’engager
des poursuites pénales à l’encontre des ONG concernées, sur la base
d’une vérification comptable qu’il avait effectuée. Le procureur
a constaté des irrégularités administratives uniquement chez trois
ONG (sur les 24 ONG qui avaient fait l’objet de l’enquête)

. Entre-temps, les
audits réalisés à la demande du FMO (Bureau du mécanisme financier)
et de la Norvège n’ont observé aucune irrégularité dans la gestion
des fonds. Dans une interview donnée le 21 octobre 2015, M. Làzar
a déclaré que, malgré les conclusions contraires du procureur, il
restait convaincu qu’Őkotárs exerçait ses activités de manière illégale

.
61. Au cours de ma visite à Budapest, je me suis entretenu longuement
de ces questions avec les représentants aussi bien des autorités
que des ONG. Les ONG se sont plaintes de l’absence de recours contre les
décisions du KEHI, tandis que ce dernier a indiqué qu’il se contentait
de formuler des «recommandations» et a déploré le manque de coopération
de certaines ONG contrôlées. Un certain nombre d’ONG se sont également
plaintes de la portée étendue des enquêtes menées par le KEHI (qui
est allé jusqu’à mettre contester les honoraires de leurs avocats)
et ont souligné que leur activité avait un caractère éminemment professionnel
(surtout dans le domaine des droits des femmes) et non politique.
Selon les autorités, les moyens de sortir de l’impasse actuelle
seront bientôt trouvés en coopération avec les Etats donateurs;
certains termes employés dans les accords qui concernent les subventions
de l’EEE sont imprécis et pourraient être reformulés. Elles m’ont
également assuré une nouvelle fois que le parti au pouvoir partageait
les valeurs européennes et que le gouvernement était prêt à accepter
les critiques de la société civile.
62. Mes interlocuteurs des différentes ONG se sont également plaints
de leurs difficultés de communication avec les agents publics (y
compris le médiateur), de la mise en place de nouveaux frais pour
la réalisation de copies de documents, des campagnes de dénigrement
menées dans les médias, des agressions verbales auxquelles se livrent
les responsables du gouvernement, de l’octroi d’aides financières
nationales (versées par le Fonds national de coopération) aux ONG
liées au gouvernement (près de 27 000 ONG bénéficient de ce financement)
et de l’absence de stratégie du gouvernement à l’égard de la société
civile. Toutes les ONG sont convenues que, si la législation relative
aux ONG était extrêmement démocratique, son application posait de nombreux
problèmes concrets.
63. Les autorités m’ont expliqué que certains des problèmes rencontrés
par les ONG qui effectuent des démarches auprès de l’administration
étaient liés à un excès de bureaucratie, dont l’origine remonte
à l’époque de l’empire austro-hongrois. Il ne s’agit donc pas de
difficultés propres aux ONG, mais d’un problème plus général. Pour
y remédier, le gouvernement élabore en ce moment une législation
qui vise à simplifier la procédure judiciaire et à garantir aux
ONG un accès à un financement transparent. De plus, le Groupe de travail
sur les droits de l’homme se réunit tous les six mois sous les auspices
du ministère de la Justice et 200 ONG participent à ces réunions.
J’ai constaté au cours de ma visite qu’il existait une défiance
générale et mutuelle entre les ONG et les autorités et que ces dernières
faisaient une distinction entre les organisations «de l’opposition»
et celles «qui ne font pas partie de l’opposition».
4. Législation sur les ONG
dans les Etats membres du Conseil de l'Europe: analyse des réponses
au questionnaire du CERDP
64. A la suite du questionnaire
que j’ai envoyé aux parlements de tous les Etats membres par l’intermédiaire du
Centre européen de recherche et de documentation parlementaires
(CERDP)

,
j’ai reçu des réponses de 31 Etats membres: l’Albanie, l’Allemagne,
l’Andorre, l’Autriche, la Belgique, la Bosnie-Herzégovine, Chypre,
la Croatie, l’Estonie, la Finlande, la France, la Géorgie, la Grèce,
la Hongrie, la Lettonie, «l'ex-République yougoslave de Macédoine»,
la Lituanie, le Luxembourg, le Monténégro, la Norvège, les Pays-Bas,
la Pologne, le Portugal, la République de Moldova, la Fédération
de Russie, la République slovaque, la Roumanie, le Royaume-Uni,
la Serbie, la Slovénie et la Suède. Ces réponses sont résumées ci-dessous.
4.1. Législation générale sur
les ONG
4.1.1. Sous quelle(s) forme(s)
juridique(s) peuvent opérer légalement les ONG? Sont-elles obligées d’acquérir
la personnalité juridique?
65. Le terme «ONG» n’a généralement
pas de définition juridique dans la plupart des Etats membres du Conseil
de l'Europe (sauf en Lituanie). Les ONG fonctionnent le plus souvent
sous la forme d’associations, mais parfois aussi sous d’autres formes
(fondations, clubs, syndicats, sociétés à but non lucratif, etc.
– la terminologie varie selon les Etats).
66. Pour acquérir la personnalité juridique, les ONG (associations)
doivent s’enregistrer auprès de l’autorité compétente. Certains
Etats membres ont indiqué que l’enregistrement, et par conséquent
l’acquisition de la personnalité juridique, était nécessaire pour
pouvoir fonctionner en tant qu’ONG (c’est par exemple le cas en Bosnie-Herzégovine,
dans «l'ex-République yougoslave de Macédoine», au Monténégro et
en Russie). Au Royaume-Uni, les ONG qui souhaitent mener certaines
activités doivent s’enregistrer en conséquence (œuvre de bienfaisance,
coopérative, société mutualiste, société à responsabilité limitée,
associations de logement, etc.) et obtenir le statut juridique adéquat.
L’œuvre de bienfaisance est la forme d’enregistrement la plus fréquente;
l’enregistrement n’est pas considéré comme conférant un statut caritatif
en soi, mais plutôt comme la reconnaissance du fait que les conditions
juridiques attachées à ce statut sont remplies.
67. Dans d’autres Etats membres, les associations peuvent mener
des activités à but non lucratif sans être une personne morale (comme
en Allemagne, en Belgique, à Chypre, en Croatie, en Finlande, en
France, aux Pays-Bas, en Pologne, en Roumanie et en Serbie). En
Hongrie, il peut s’agir d’une «alliance» de deux ou trois personnes,
et en Pologne d’une «association simple» composée d’au moins trois
personnes, qui doit informer l’autorité compétente de son existence.
En Norvège, l’inscription au Registre des organisations à but non lucratif
est facultative. En Estonie et en Grèce, les ONG n’ont pas besoin
de s’enregistrer si elles opèrent en tant que sociétés civiles (appelées
«sociétés civiles à but non lucratif» en Grèce).
4.1.2. Quel est le statut juridique
des ONG étrangères et des filiales locales d’ONG étrangères? En
quoi est-il différent de celui des ONG nationales?
68. Dans de nombreux Etats membres,
les associations étrangères sont autorisées à fonctionner sans restreindre
leur activité si elles possèdent la personnalité juridique dans
leur pays d’origine (c’est le cas par exemple en Allemagne, en Autriche,
en Belgique, en Finlande, en France, en Lettonie, au Luxembourg,
en Norvège, aux Pays-Bas et en République slovaque). Toutefois,
dans certains pays, une réciprocité est exigée (par exemple à Chypre
ou en Roumanie); en Andorre, ces ONG doivent être inscrites dans
une partie spéciale du registre. En Roumanie, une autorisation préalable
du gouvernement est nécessaire avant l’enregistrement d’une ONG
étrangère auprès du tribunal. En Estonie, les ONG étrangères n’ont
pas de statut juridique.
69. Dans la plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe,
les ONG étrangères peuvent également créer des associations agréées
en vertu de la loi de l’Etat dans lequel elles opèrent (par exemple
en Allemagne, en Belgique, en France, en Géorgie, en Grèce, en Lettonie,
dans «l'ex-République yougoslave de Macédoine», en République de
Moldova, en Norvège, en Pologne ou en République slovaque) et elles bénéficient
du même statut juridique que les organismes nationaux. Dans certains
pays, les membres du conseil d’administration de ces associations
doivent satisfaire à des conditions de résidence (par exemple en Finlande
ou en Lituanie). La plupart des délégations ont également indiqué
que les ONG étrangères pouvaient ouvrir des filiales ou autres antennes
(comme des bureaux), à la condition de s’enregistrer (par exemple
à Chypre, en Croatie ou en Norvège) et/ou d’obtenir un permis de
l’autorité compétente (Pologne). Certaines réponses ont indiqué
qu’il s’agissait du seul moyen permettant aux ONG étrangères de
fonctionner dans leur pays et qu’il fallait une inscription dans
les registres (spéciaux) (Bosnie-Herzégovine, Croatie, Monténégro, Fédération
de Russie, Serbie et Slovénie).
4.2. Enregistrement
4.2.1. Le système d´enregistrement
des ONG est-il fondé sur une autorisation ou sur une simple notification
aux autorités compétentes?
70. Certains Etats ont expliqué
que le système d’enregistrement des associations dans leur pays
était fondé sur la notification (Andorre, Belgique – sauf pour les
associations internationales sans but lucratif créées dans ce pays
– Chypre, Finlande, France, Lettonie, Norvège, Pays-Bas et Royaume-Uni).
Dans certains Etats membres, le droit interne exige également une
autorisation préalable de l’autorité administrative compétente (mais
seuls le Portugal, la Fédération de Russie et la République slovaque
l’ont indiqué clairement).
4.2.2. Quelles autorités sont compétentes
pour l'enregistrement des ONG et leur contrôle?
71. Les autorités chargées de l’enregistrement
et du contrôle des ONG (associations) diffère d’un pays à l’autre.
Dans beaucoup d’Etats membres du Conseil de l’Europe, les associations
sont enregistrées et parfois aussi contrôlées par les bureaux/directions
compétent(e)s de l’exécutif (par exemple en Andorre, en Belgique –
pour les associations internationales sans but lucratif créées dans
ce pays – en Bosnie-Herzégovine, à Chypre, en Grèce, en République
de Moldova, au Monténégro, au Portugal, dans la Fédération de Russie
et en République slovaque). Dans d’autres pays, ces fonctions sont
exercées par les tribunaux généraux (Allemagne, Belgique, Estonie,
Hongrie, Pologne et Roumanie), l’administration locale ou les représentants
de l’administration centrale au niveau local (Autriche, Croatie,
France et Slovénie), le service du registre dépendant du ministère
de la Justice («l'ex-République yougoslave de Macédoine» et Serbie)
et d’autres agences/organismes d’enregistrement (Finlande, Géorgie,
Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas et Suède). Le
contrôle est souvent assuré par l’administration centrale (Hongrie,
Pologne – par le gouverneur de district (starosta) –
et Slovénie) et parfois par les autorités fiscales (Pays-Bas ou
Suède). Au Royaume-Uni, la Commission des œuvres de bienfaisance
est chargée de l’enregistrement et du contrôle des œuvres de bienfaisance.
4.2.3. La législation nationale
prévoit-elle une prohibition des ONG non enregistrées?
72. La plupart des Etats ont indiqué
que la législation de leur pays n’interdisait pas les ONG non enregistrées;
certaines ont évoqué les amendes applicables en cas de non-respect
de la procédure d’enregistrement (Autriche et Slovénie). La seule
exception est le Portugal, qui a indiqué qu’une interdiction frappe
les ONG qui ne se sont pas réenregistrées après deux ans (alors
qu’elles doivent le faire au terme de cette période). Dans la Fédération
de Russie, la loi prévoit que seules les ONG enregistrées peuvent fonctionner
(voir également la réponse à la question 4.1.1).
4.2.4. La législation nationale
prévoit-elle des délais fixés pour l'enregistrement d'une ONG et,
le cas échéant, des délais fixés pour annoncer le refus de son enregistrement?
73. La plupart des Etats ont indiqué
que leur législation prévoit des délais pour l’enregistrement des associations
(qui vont de cinq jours ouvrables en Estonie à trois mois en Pologne).
En Bosnie-Herzégovine et au Monténégro, l’autorité compétente doit
réagir dans le délai prescrit (respectivement 30 et 10 jours); dans
le cas contraire, l’enregistrement est considéré comme «effectué».
L’Allemagne, la Finlande, la France, la Grèce, la Norvège et la
Suède ont indiqué que leur législation nationale ne fixait aucun
délai.
4.2.5. Quelles sont les conditions
minimales à respecter pour obtenir l’enregistrement d’une ONG? Quels
sont le coût et la durée de la procédure d’enregistrement?
74. La plupart des Etats ont donné
des informations détaillées sur les critères d’enregistrement (nombre
de membres, contenu des statuts, composition du conseil d’administration,
etc.) et sur les documents que les ONG doivent présenter à l’organisme
d’enregistrement (notamment, en général, une demande signée par
tous les membres, une copie des statuts, une copie du procès-verbal
de l’assemblée constitutive ou de l’assemblée générale, des informations
sur les fondateurs de l’ONG, sur les actifs de l’ONG, etc.). D’après
les réponses reçues, rares sont les pays qui ne perçoivent pas de
droit d’enregistrement (Hongrie et Portugal). La majorité des Etats
ayant répondu ont indiqué que la demande d’enregistrement était
soumise à des frais administratifs (allant de € 10 à plus de € 60;
en Russie, l’enregistrement d’une association nationale coûte environ 4 000 RUB
mais celui d’une branche d’une organisation étrangère coûte 120 000 RUB;
en Norvège, les ONG enregistrées doivent également acquitter une
redevance annuelle d’environ € 16). En ce qui concerne la durée de
la procédure d’enregistrement, voir plus haut (4.2.4).
4.2.6. La législation nationale
prévoit-elle une obligation de réenregistrement des ONG après un
certain laps de temps?
75. Presque tous les Etats ont
répondu qu’une telle obligation n’était pas prévue dans leur législation
sur les associations (à l’exception du Portugal – voir 4.2.3); en
Norvège, les ONG qui n’acquittent pas la redevance annuelle d’enregistrement
peuvent être radiées du registre et doivent ensuite déposer une
nouvelle demande d’enregistrement (voir 4.2.5). Cependant, en cas
de changements importants, par exemple dans le fonctionnement ou
la composition du conseil d’administration, les ONG doivent généralement
informer l’autorité compétente.
4.3. Dissolution et suspension
4.3.1. Quelles sont les causes
de dissolution ou de suspension des activités d’une ONG et quelles autorités
peuvent en décider?
76. La plupart des Etats ont indiqué
que les associations peuvent être dissoutes (volontairement) lorsqu’elles
atteignent leurs objectifs, au terme de la période pour laquelle
elles ont été créées, dans les cas prévus dans leurs statuts ou
en cas de fusion avec une autre association. La faillite est également
un motif de dissolution. Une association peut aussi être dissoute
si elle enfreint la loi, sur décision de l’instance compétente.
En général, cette décision est prise par un juge, mais dans certains
pays elle est du ressort de l’autorité administrative qui contrôle
les ONG (comme en Allemagne, en Autriche, en Bosnie-Herzégovine
ou en République slovaque). Par exemple, au Portugal, la décision
est prise par le président de l’Institut national de réadaptation
pour les ONG qui s’occupent des questions de handicap, et par le
président de l'Agence portugaise de l’environnement pour les ONG
actives dans ce domaine. La Lituanie a indiqué qu’il n’y avait pas de
raisons précises de dissoudre ou de suspendre les activités des
ONG et que les dispositions générales sur les personnes morales
étaient applicables. La Norvège, avec sa longue tradition de liberté
d’association, n’a pas de réglementation dans ce domaine.
4.3.2. Existe-t-il des voies de
recours effectif contre les décisions prises à ces fins?
77. Presque tous les Etats ont
indiqué qu’il existait des voies de recours juridiques contre la
dissolution d’une association (sauf la Norvège, qui a expliqué que
cette question ne se posait pas; la Slovénie et le Monténégro ont
indiqué que leur législation sur les associations ne contenait aucun
élément précis sur ce point). Dans la plupart des Etats membres
qui ont répondu au questionnaire, les associations peuvent faire appel
d’une décision de dissolution auprès de la juridiction supérieure
en matière civile (par exemple en Belgique, en Lettonie ou dans
«l'ex-République yougoslave de Macédoine») ou auprès du tribunal
administratif (par exemple en Allemagne, en Autriche, en Bosnie-Herzégovine,
en Pologne et au Portugal). La Grèce et la Russie ont indiqué que
certaines décisions concernant des associations pouvaient faire
l’objet d’un recours auprès de l’organe de contrôle administratif
supérieur. En Serbie, il n’est pas possible de contester une décision
de la Cour constitutionnelle portant sur l’interdiction d’une association.
4.4. Financement et fiscalité
4.4.1. Existe-t-il des restrictions
au droit des ONG de recevoir et de posséder des biens et des fonds? Si
oui, lesquelles?
78. La plupart des Etats ont indiqué
qu’il n’y avait pas de restrictions au droit de posséder des biens
et des fonds, pour autant que ces fonds (provenant de dons, des
cotisations des membres, etc.) servent exclusivement à atteindre
les objectifs de l’association définis dans les statuts et que la
législation fiscale soit respectée. Aux Pays-Bas, en règle générale,
les communes interdisent le porte-à-porte et la sollicitation dans la
rue sans autorisation. Il en va de même pour l’organisation de loteries
et d’autres jeux de hasard (en dehors d’un cercle fermé de participants).
Les autres formes de sollicitation ne sont pas réglementées. En
Belgique et en France, la loi prévoit certaines restrictions à l’acquisition
de biens immobiliers par donation.
4.4.2. La législation nationale
soumet-elle les ONG à une obligation de déclaration ou même d’autorisation
préalable des subventions reçues de l'étranger?
79. La plupart des Etats ont répondu
que les ONG n’étaient pas tenues de divulguer les fonds reçus de l’étranger
ou de demander une autorisation avant de les recevoir (par exemple
Chypre, la Croatie, l’Estonie, la Finlande, la Géorgie, la Lettonie,
le Monténégro, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne, la Slovénie
ou la Suède). D’autres pays ont indiqué que ces dons étaient régis
par les règles générales sur les obligations de transparence financière
(par exemple la Belgique, la France ou le Portugal). En Grèce, les
subventions provenant d’organismes publics ou privés domiciliés
à l’étranger doivent être déclarés dans la déclaration d’impôt.
L’Andorre a répondu par l’affirmative à la question ci-dessus. Dans
la Fédération de Russie, les ONG qui reçoivent des fonds de sources
étrangères doivent tenir des comptes distincts pour ces revenus.
4.4.3. Quelles sanctions sont prévues
en cas de violation des règles sur le financement des ONG?
80. En général, les ONG sont tenues
pour responsables de la violation en vertu des règles générales
du droit pénal et fiscal, puisque de nombreux Etats membres ne prévoient
pas de sanctions spécifiques dans leur loi à ce sujet (Finlande,
Géorgie, Suède, entre autres). Elles peuvent également perdre leurs
subventions. La sanction pour violation de la loi peut aller jusqu’à
la dissolution de l’association. Certaines délégations ont indiqué
que la législation de leur pays sur les associations prévoyait expressément
des amendes administratives (Bosnie-Herzégovine, Monténégro, Serbie
et Slovénie).
4.4.4. Quels impôts est-ce que
les ONG doivent acquitter? Est-ce qu’il y a des différences selon
la nature des activités des ONG?
81. Bien que les régimes fiscaux
varient d’un pays à l’autre, dans presque tous les pays les ONG enregistrées
sont exonérées de l’impôt sur le revenu pour leurs activités à but
non lucratif. Elles doivent en revanche acquitter d’autres impôts
(comme la taxe foncière, la TVA, les impôts locaux, etc.), même
si certains abattements ou réductions peuvent s’appliquer.
5. Conclusion
82. Vu l’importance du rôle de
la société civile et du droit à la liberté d’expression et d’association
dans une société démocratique, il est très inquiétant d’observer
que dans certains Etats membres du Conseil de l’Europe de plus en
plus de restrictions sont imposées aux activités des ONG. On recense
des problèmes concernant la législation régissant le statut des
ONG, leur enregistrement, leur obligation de rendre compte aux autorités et
leur accès au financement étranger. Comme le montre l’exemple de
l’Azerbaïdjan, des dispositions trop restrictives peuvent mener
à l’incrimination des militants des droits de l’homme et, par voie
de conséquence, à leur condamnation à de longues peines de prison.
En outre, la stigmatisation des dirigeants d’ONG et des défenseurs
des droits de l’homme par l’intermédiaire des médias ou de la mise
en œuvre d’une législation visant à lutter contre les «agents étrangers»
ou les «organisations indésirables» a un effet dissuasif et préjudiciable
sur la société civile. La situation de cette dernière en Fédération
de Russie et en Azerbaïdjan est donc extrêmement préoccupante et
devrait être surveillée de près par les instances du Conseil de
l’Europe.
83. En Russie, les modifications législatives mentionnées ci-dessus
menacent la survie même de la société civile et restreignent considérablement
son émergence et son développement. En pratique, l’application de
ces nouvelles lois porte souvent atteinte à la liberté d’expression
et à la liberté d’association telles que garanties par les principaux
instruments internationaux de protection des droits de l’homme,
et peut avoir un effet dissuasif sur l’exercice de ces libertés.
Ces tendances négatives se poursuivent, malgré de vives critiques dans
le pays comme à l’étranger

. Bien que les militants russes des droits
de l’homme n’aient pas été condamnés en vertu de la loi sur les
«agents étrangers» (contrairement à la situation en Azerbaïdjan), l’engagement
des autorités à mettre cette loi en œuvre et la volonté des tribunaux
de suivre les initiatives du ministre de la Justice ou du procureur
sont particulièrement frappantes. Comme nos experts, MM. Ritchie
et Koroteev, l’ont souligné au cours de l’audition de Madrid, l’interprétation
large de la notion d’«activité politique» mentionnée dans la loi
sur les «agents étrangers» a mené à son application dans des cas
où des ONG fournissent des informations sur la situation des droits
de l’homme dans le pays aux médias ou à un comité des Nations Unies,
se font les chantres de la défense de l’environnement, sensibilisent
les citoyens à la lutte contre la corruption, assurent la surveillance
des élections, préconisent des améliorations à apporter à la législation
ou fournissent des conseils juridiques aux personnes placées en
détention à la suite de manifestations, c’est-à-dire lorsqu’elles
mènent des activités entrant dans le champ de la définition des
ONG donnée par la Recommandation Rec(2007)14 du Comité des Ministres

.
84. De la même manière, la situation des ONG locales et internationales
et de leurs dirigeants connaît une nouvelle détérioration, alors
même que l’Azerbaïdjan a présidé le Comité des Ministres du Conseil
de l’Europe entre mai et novembre 2014. Il est clair que de telles
mesures visent à exercer des pressions sur la société civile; elles
sont inacceptables au regard des obligations internationales de
l’Azerbaïdjan. Je pense que cette question sera examinée plus en
détail par mon collègue, M. Pedro Agramunt (Espagne, Groupe du Parti populaire
européen), qui a été nommé rapporteur sur le thème «Présidence azerbaïdjanaise
du Conseil de l’Europe: quelles sont les suites à donner en matière
de respect des droits de l’homme?»

. A mon avis, la situation actuelle de la
société civile et, plus globalement, la situation des droits de
l’homme dans ce pays est inacceptable eu égard aux valeurs et aux
principes du Conseil de l’Europe, consacrés dans son Statut (STE no 1)
et dans la Convention européenne des droits de l’homme. Depuis que
l’Azerbaïdjan a adhéré au Conseil de l’Europe en 2001, très peu
de progrès ont été constatés en matière de respect des droits de
l’homme, de démocratie et d’Etat de droit; on pourrait même dire
qu’il y a eu une régression en ce qui concerne certains domaines
importants relatifs au fonctionnement d’un Etat démocratique. Par
conséquent, je pense qu’il est grand temps pour le Conseil de l’Europe
de prendre clairement position sur ces questions et d’exercer une pression
plus forte sur les autorités azerbaïdjanaises pour mettre en pratique
les valeurs de notre Organisation (y compris par l’exécution des
arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme et la mise en
œuvre des recommandations de la Commission de Venise, du Commissaire
aux droits de l’homme et de notre Assemblée).
85. S’agissant de la Turquie, je suis particulièrement préoccupé
par le recours à la législation antiterroriste contre certaines
organisations de défense des droits de l’homme, ainsi que par la
persécution de leurs militants. En Hongrie, à la suite de ma visite
et des constatations de l’Assemblée, la situation de la société
civile ne me paraît pas critique. Le cadre légal général de la liberté
d’association ne pose aucun problème, mais son application suscite
des préoccupations dans certaines situations. Les perquisitions
et les procédures judiciaires diligentées à l’encontre des gestionnaires
du Fonds pour les ONG et de certaines ONG bénéficiaires des subventions
de l’EEE montrent que les ONG qui bénéficient d’un financement étranger
et défendent des valeurs et des idées que ne partage pas le gouvernement
peuvent facilement devenir la cible de procédures de vérification
comptable et de campagnes de dénigrement. Toutefois, dans un Etat
démocratique, les ONG visées peuvent se défendre efficacement devant
les tribunaux. J’espère que les autorités, les Etats donateurs et
les ONG concernées trouveront prochainement une solution qui permettra
au financement des ONG hongroises de se poursuivre sans entrave.
Cela dit, je regrette l’absence générale de confiance entre certaines ONG
et les autorités, que favorisent les déclarations critiques de ces
dernières, qui les qualifient d’ONG «à problèmes». J’estime que
le gouvernement devrait s’abstenir de critiquer le travail des ONG,
même s’il n’aime pas les questions sur lesquelles ces dernières
travaillent.
86. En tout état de cause, compte tenu de l’évolution de la situation
en Fédération de Russie et en Azerbaïdjan, il appartient au Conseil
de l’Europe d’adopter une position plus ferme pour protéger la société civile,
qui est le pilier de toute société démocratique. Un processus de
réflexion sur le sujet a déjà été lancé au sein du Conseil de l’Europe.
Ainsi, le Comité des Ministres a tenu un débat sur «Le rôle et le
fonctionnement des ONG au Conseil de l’Europe» pendant de nombreux
mois. En outre, certaines propositions figurent déjà dans le rapport
du Secrétaire Général sur la «
Situation
de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit» de 2015 
.
Selon le Secrétaire Général, à l’échelle européenne, le Conseil
de l’Europe pourrait élaborer de nouvelles lignes directrices afin
de garantir une participation réelle et constructive de la société
civile aux décisions politiques. Il pourrait aussi intensifier ses
échanges avec les représentants de la société civile et réviser
les lignes directrices sur le statut participatif des OING au sein
du Conseil de l’Europe. Au niveau national, le Conseil de l’Europe
pourrait aider ses Etats membres à harmoniser leur législation et
leur pratique relatives à l’article 11 de la Convention européenne
des droits de l’homme, à assurer la participation active de la société
civile aux processus décisionnels et à faire en sorte que les ONG
bénéficient d’un statut juridique clair et cohérent qui leur permette
d’exercer leurs fonctions démocratiques. Outre ces propositions (essentiellement
internes au Conseil de l’Europe), je considère que nous avons, en
notre qualité de parlementaires, un rôle important à jouer à cet
égard. Nous devrions, tout d’abord, condamner fermement les représailles
contre la société civile, nous opposer ensuite catégoriquement à
l’adoption de toute nouvelle législation qui viendrait restreindre
les libertés garanties par les articles 10 et 11 de la Convention
et, enfin, nous assurer que les ONG participent convenablement au
processus décisionnel/législatif au niveau national. En outre, comme
l’a souligné M. McBride au cours de l’audition qui a eu lieu à Madrid,
un trop grand nombre de restrictions inconsidérées sont imposées
aux ONG au détriment de l’intérêt général dans les Etats concernés.
Etonnamment, «le contrôle des organisations à but lucratif est souvent
moins rigoureux que celui des organisations à but non lucratif,
malgré la propension plus avérée des premières à enfreindre le droit pénal».
Bien que je partage l’idée que la situation financière des ONG doit
être transparente (y compris sur le plan des fonds qui proviennent
de l’étranger), je considère que les obligations déclaratives ne
devraient pas être excessives ni entraver l’activité des ONG. Un
autre point important doit être mis en avant ici à propos du financement
des ONG en général: dans quelle mesure les ONG peuvent-elles être
financées par l’étranger sans être montrées du doigt comme des «espions
étrangers»? Il s’agit d’une question complexe, car de nombreuses
ONG, surtout celles dont les activités concernent les droits de
l’homme, agissent grâce aux subventions que leur versent d’autres
Etats ou des organisations internationales ou supranationales, comme l’Union
européenne. D’autre part, les ONG qui dépendent du financement de
l’Etat où elles exercent leurs activités peuvent être accusées de
manquer d’indépendance. Il convient de trouver un juste équilibre
entre ces deux types de financement; qui plus est, il importe également
de promouvoir une culture du don privé (national), afin de diversifier
les sources de financement de la société civile. Mais il s’agit
là de questions qui mériteraient de faire l’objet d’une réflexion
distincte.
87. L’analyse des réponses données par 31 Etats membres au questionnaire
que je leur ai adressé par l’intermédiaire du CERDP révèle que leur
législation présente un certain nombre de différences importantes. Certains
Etats adoptent une approche plus libérale à l’égard des ONG: les
autorités administratives les soumettent à un contrôle limité, les
juridictions jouent un rôle crucial et il n’existe aucune disposition
particulière sur le financement des ONG ni d’infraction prévue en
matière de financement. D’autres Etats, en revanche, imposent une
surveillance administrative plus importante et leur législation
comporte des dispositions détaillées sur le financement des ONG.
La question de l’enregistrement des associations montre également que
la conception minimaliste de l’intervention de l’Etat n’est pas
si répandue et que certains d’entre eux ont du mal à accepter l’existence
d’ONG non enregistrées. La présence des ONG étrangères est une autre
source de clivage. Certains Etats reconnaissent expressément leurs
activités sur leur territoire (sous réserve qu’elles aient la qualité
de personne morale), tandis que d’autres prévoient une réglementation
plus stricte et imposent la création d’antennes locales ou d’autres
structures subordonnées. Quant aux formalités d’enregistrement des
associations, les dispositions en vigueur en la matière varient
d’un pays à l’autre: certains Etats membres fixent des délais pour
la réaction des autorités compétentes, alors que d’autres n’ont
pas légiféré dans ce domaine. En résumé, bien que mes recherches
n’aient pas porté sur l’ensemble des 47 Etats membres du Conseil
de l’Europe, elles révèlent que la législation relative aux ONG
peut encore être améliorée dans certains pays et que, dans d’autres,
les problèmes constatés tiennent davantage à la mise en œuvre de
la législation.
88. En conclusion, je tiens à rappeler que l’existence d’ONG indépendantes
est capitale pour la démocratie et les droits de l’homme, ce qu’a
reconnu le Conseil de l’Europe, notamment dans la Recommandation CM/Rec(2007)14
du Comité des Ministres. Comme le souligne le préambule de cette
recommandation, les ONG contribuent au développement et à la réalisation
de la démocratie et des droits de l’homme «en particulier à travers
la sensibilisation du public et la participation à la vie publique,
en veillant à la transparence et à la nécessité de rendre compte
pour les autorités publiques», et contribuent également «à la vie
culturelle et au bien-être social des sociétés démocratiques». En
outre, je voudrais insister sur le fait que le respect de la liberté
d’association est intimement lié à l’existence de la liberté d’expression
(y compris de la liberté des médias), car les ONG devraient pouvoir
exprimer librement leur opinion et communiquer au public toute information
relative à la vie publique ou aux problèmes de société. A cet égard,
il convient de ne pas oublier la liberté de réunion, dont la réalisation
dépend aussi de l’existence d’une société civile dynamique et bien organisée.
Les trois libertés susmentionnées sont donc autant de conditions
préalables à la démocratie dans tout Etat qui aspire à pouvoir être
qualifié de démocratique. Si leur exercice se heurte à des obstacles
ou à des dangers qui n’ont pas lieu d’être, la démocratie est alors
en péril. C’est pourquoi l’Assemblée doit rester vigilante face
à toute tentative de restriction de ces libertés et doit prendre
fermement position lorsque leur mise en œuvre est menacée.