1. Introduction
1. Aux fins de la Convention de
1954 relative au statut des apatrides, le terme «apatride» désigne
une personne «qu’aucun Etat ne considère comme son ressortissant
par application de sa législation»
. Cette définition
est reconnue par le droit international coutumier. Elle a été interprétée
par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR)
comme nécessitant «une analyse minutieuse de la manière dont un Etat
applique, dans la pratique, sa législation sur la nationalité dans
un cas particulier ainsi que l’analyse de toute décision de recours
pouvant avoir eu une incidence sur le statut de la personne concernée.
Il s’agit là d’une question faisant intervenir des éléments à la
fois de droit et de fait»
. Par conséquent, une personne peut être
apatride même si une interprétation de la loi sur la nationalité
de son pays d’origine témoigne de son droit à cette nationalité.
2. On dénombre aujourd’hui plus de dix millions d’apatrides dans
le monde, et chaque année, pas moins de 70 000 enfants naissent
sans nationalité. L’Europe à elle seule compte plus de 600 000 apatrides.
La majorité de ces personnes sont nées en Europe et y passent l’intégralité
de leur vie. Beaucoup ne seraient pas dans cette situation aujourd’hui
si tous les pays européens avaient mis en place des garanties généralisées contre
l’apatridie des enfants. On recense également quelques réfugiés
ou migrants apatrides en Europe
qui suscitent de graves préoccupations
quant à la possibilité pour tous les enfants nés en exil de réfugiés
ayant rejoint l’Europe – y compris ceux de plus en plus nombreux
à fuir la Syrie – d’obtenir une nationalité.
3. Le présent rapport s’inscrit dans ce contexte et j’y appelle
les Etats européens à prendre toutes les mesures requises pour mettre
fin à l’apatridie, en particulier des enfants. Ce document met également
en exergue l’importance d’identifier les personnes apatrides présentes
dans chaque Etat européen afin de garantir leur protection jusqu’à
ce qu’elles obtiennent une nationalité. Tout manquement en ce sens
est pénalisant tant pour les personnes concernées et la jouissance
de leurs droits, que pour les Etats eux-mêmes et entrave par ailleurs
la capacité de ces derniers à prévenir l’apatridie des enfants sur
leur territoire.
2. Situation des apatrides
dans les Etats membres du Conseil de l’Europe
2.1. Contexte
4. L’historique de l’apatridie
en Europe est bien documenté. La Convention de 1951 relative au
statut des réfugiés et la Convention de 1954 relative au statut
des apatrides sont nées du déplacement forcé en masse et de la privation
arbitraire de la nationalité intervenus avant et pendant la seconde
guerre mondiale. En effet, tous les traités fondamentaux relatifs
aux droits de l’homme qui protègent le droit à une nationalité sont
des instruments mis en place après la guerre. L’autre événement
historique marquant, après la seconde guerre mondiale, à avoir été
source d’apatridie à grande échelle en Europe fut la fin de la guerre
froide et l’éclatement de l’Union soviétique et de la Yougoslavie.
Malgré la promulgation de la Convention sur la prévention des cas d'apatridie
en relation avec la succession d'Etats visant à prévenir l’apatridie
dans un tel contexte, les populations apatrides les plus nombreuses
aujourd’hui en Europe sont l’héritage de cette période de l’histoire.
5. Dans l’Europe contemporaine, la crise des réfugiés marquée
par l’arrivée de centaines de milliers de Syriens et autres cherchant
en Europe la sécurité et une vie moins exposée aux risques, s’accompagne
d’un nouveau problème d’apatridie, qui, à défaut d’être traité dans
sa globalité, ne fera qu’augmenter l’effectif de la population apatride
en Europe, dont celui des enfants de réfugiés nés en Europe. Il
en va particulièrement ainsi parce que la Syrie et d’autres pays
d’origine comptent des populations apatrides et disposent de législations sur
la nationalité discriminatoires qui refusent aux femmes le droit
de transmettre leur nationalité à leurs enfants
.
6. En raison d’une méconnaissance et d’un manque de volonté politique,
certains Etats européens ont été réticents à prendre des mesures
concrètes pour mettre fin à l’apatridie des enfants. L’incapacité
à garantir le droit de tout enfant d’avoir une nationalité a des
conséquences graves pour les enfants, leurs familles et la société
dans son ensemble.
2.2. Cadre juridique et réglementaire
7. Les Etats membres du Conseil
de l’Europe disposent d’un vaste cadre juridique et réglementaire
relatif à l’apatridie et au droit de tout enfant à une nationalité.
Les instruments régionaux et internationaux pertinents fournissent
conjointement une garantie généralisée contre l’apatridie dès l’enfance.
Cependant, les législations et politiques nationales présentent
des lacunes qui entravent la mise en œuvre de ces obligations.
8. Parmi les instruments du Conseil de l’Europe, l’article 6.2
de la Convention européenne sur la nationalité (STE no 166)
dispose que «[c]haque Etat Partie doit prévoir dans son droit interne
l'acquisition de sa nationalité par les enfants nés sur son territoire
qui n'acquièrent pas à la naissance une autre nationalité». La Convention sur
la prévention des cas d'apatridie en relation avec la succession
d'Etats est également pertinente à cet égard. Alors que la Convention
européenne des droits de l’homme (STE no 5)
ne reconnaît pas explicitement le droit à une nationalité, son article
8 (droit au respect de la vie privée et familiale) a été interprété
de manière à inclure dans son champ d’application et sa portée générale
le refus d’accorder une nationalité
ou l’incertitude
quant à la possibilité de se voir reconnaître une nationalité
.
Les principes de l’intérêt supérieur de l’enfant
et de non-discrimination
, tels qu’appliqués par la Cour,
revêtent également une importance à cet égard
.
9. Outre le cadre du Conseil de l’Europe, le droit à une nationalité
est protégé par divers instruments internationaux notamment par
l’article 15.1 de la Déclaration universelle des droits de l'homme;
l’article 7 de la Convention relative aux droits de l’enfant; l’article
1 de la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie
(«Convention de 1961»); l’article 5 de la Convention internationale
sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale;
l’article 24.3 du Pacte international relatif aux droits civils
et politiques; l’article 9 de la Convention sur l'élimination de
toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes; l’article
18 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées;
et l’article 29 de la Convention internationale sur la protection
des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur
famille.
10. La protection la plus globale contre l’apatridie des enfants
est prévue par la Convention relative aux droits de l’enfant. En
vertu de son article 7.1, les Etats sont tenus d’enregistrer l’enfant
aussitôt la naissance et de lui garantir «le droit d'acquérir une
nationalité». L’article 7.2 impose explicitement la mise en œuvre
de mesures pour prévenir l’apatridie. Par ailleurs, l’article 8
protège le droit de l'enfant de préserver son identité, y compris
sa nationalité. Ces dispositions doivent être lues à la lumière
des articles 2 et 3 qui font respectivement de la non-discrimination
et du respect de l’intérêt supérieur de l’enfant, les principes
directeurs de la mise en œuvre de tous les droits de l’enfant. Le
Comité des droits de l'enfant a précisé que les Etats sont tenus,
au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant, d’accorder
la nationalité à la naissance, ou dès que possible après la naissance,
à
tous les enfants sans restriction
nés sur leur territoire et qui, autrement, seraient apatrides
. L’article 1.1 de la Convention
de 1961 oblige également tout Etat contractant à accorder «sa nationalité
à l’individu né sur son territoire et qui, autrement, serait apatride»
– une disposition qui englobe
tous les
enfants apatrides et ne peut être subordonnée à une condition de
résidence légale imposée à l’enfant ou à ses parents.
11. La Convention relative aux droits de l’enfant et la Convention
européenne des droits de l’homme ont été universellement ratifiées
par les Etats membres du Conseil de l’Europe. Vingt-neuf Etats sont
Parties à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie
et 20 à la Convention européenne sur la nationalité (31 Etats européens
au total sont ainsi Parties à l’une ou l’autre convention voire
aux deux)
.
Par conséquent, tous les Etats européens ont de toute évidence l’obligation
stricte de respecter le droit de tout enfant à une nationalité et
de mettre fin à l’apatridie des enfants.
12. Cependant, les législations relatives à la nationalité de
plusieurs pays européens contiennent des dispositions qui engendrent
des situations d’apatridie ou les prolongent. Les lois de quatre
pays (Chypre, Norvège, Roumanie et Suisse) ne prévoient aucune garantie
contre l’apatridie des enfants ou n’offrent à cet égard que des
garanties minimales, et sont ainsi ceux qui contreviennent davantage
aux obligations régionales et internationales. D’autres pays ont
établi des garanties assorties de conditions qui ne protègent pas complètement
contre l’apatridie des enfants. A titre d’exemple, dans 11 pays,
la garantie joue uniquement si les parents de l’enfant sont eux-mêmes
apatrides ou de nationalité inconnue
.
Cependant dans certaines circonstances, des parents ayant une nationalité
ne sont pas en mesure de la transmettre à leurs enfants
. Dans
14 pays, la garantie est subordonnée à une condition de résidence
qui n’est pas conforme aux normes internationales
.
13. Dans un tel contexte, il est essentiel que les Etats européens
engagent de nouvelles initiatives afin de remédier à l’apatridie
des enfants. L’engagement accru de membres de l’Assemblée parlementaire,
illustré notamment par la proposition de résolution du 5 février
2015 intitulée «Mettre fin à l’apatridie des enfants – une nécessité»,
marque une étape importante. Le recours par des Etats européens
à l’Examen périodique universel pour formuler des recommandations
à l’intention d’autres Etats membres en vue de lutter contre l’apatridie
est également prometteur. A titre d’exemple, les Pays-Bas, la Norvège
et la Russie ont tous adressé des recommandations en ce sens à la
Lettonie; l’Autriche a quant à elle formulé des recommandations
à l’intention de la Russie; et la Bosnie-Herzégovine et la Russie
en ont adressé à l’Estonie.
14. Des développements positifs sont également visibles au plan
national. L’Estonie par exemple – pays dans lequel plusieurs centaines
d’enfants continuent chaque année de naître apatrides – a adopté
d’importants amendements législatifs qui sont entrés en vigueur
le 1er janvier 2016. Les enfants qui
naissent aujourd’hui en Estonie acquièrent la nationalité estonienne
automatiquement par naturalisation et dès la naissance, si leurs parents
sont apatrides et résident légalement en Estonie depuis cinq ans
au moins au moment de la naissance de l’enfant. Par ailleurs, l’Arménie
a modifié sa législation en mai 2015 en vue d’introduire une garantie généralisée
accordant la nationalité à tous les enfants nés sur son territoire
et qui, autrement, seraient apatrides.
3. Importance pour les enfants
d’avoir le droit à une nationalité
3.1. Avantages de garantir aux
enfants le droit à une nationalité
15. Tous les enfants, y compris
apatrides, doivent pouvoir bénéficier de la protection du droit
régional et international relatif aux droits de l’homme. Cependant,
le droit à une nationalité est un droit qui ouvre la voie à d’autres
droits, et sans nationalité, l’accès à tous types d’autres droits
devient plus complexe. Les enfants apatrides rencontrent des difficultés
dans tous les domaines de la vie, y compris pour être scolarisés
ou mener à bien leur scolarité; accéder aux services de santé; obtenir
un certificat de naissance; recourir à la sécurité sociale; obtenir
un passeport ou se faire délivrer un papier d’identité quel qu’il
soit; voyager à l’étranger et exercer le droit de libre circulation
. Ils peuvent être particulièrement
exposés à la détention arbitraire ou de durée excessive et, dans
des cas extrêmes, être victimes de la traite voire même la cible
de persécution
.
16. C’est ce qui a amené Nils Muižnieks, Commissaire aux droits
de l’homme du Conseil de l’Europe, à déclarer qu’il est dans l’intérêt
supérieur de l’enfant d’avoir une nationalité
.
Dans son récent rapport sur la nécessité de mettre fin à l’apatridie
des enfants, le HCR a dépeint les difficultés ou problèmes rencontrés
par les enfants et les jeunes apatrides pour accéder à l’éducation
ou aux soins de santé et pour trouver un emploi
. Les enfants apatrides doivent souvent
faire face à l’incertitude, la pauvreté, la marginalisation et la discrimination;
ils se font voler leur enfance
. Parce qu’ils n’ont pas de nationalité,
les enfants apatrides sont défavorisés, vulnérables et dans l’incapacité
de s’épanouir pleinement
, et subissent de graves conséquences
socioéconomiques
.
17. Pour prévenir de telles conséquences négatives, la première
mesure fondamentale est de garantir le droit de l’enfant à une nationalité.
Les enfants qui possèdent une nationalité sont plus à même de grandir
dans la dignité et de développer leur plein potentiel, et leur propre
identité. De surcroit, les enfants qui ont le droit de devenir citoyen
peuvent réellement trouver leur place dans la société et contribuer
à celle-ci.
18. Les avantages tirés de l’éradication de l’apatridie des enfants
s’étendent également aux Etats. Il est indispensable de mettre fin
à l’apatridie et à l’exclusion pour créer des communautés plus cohésives,
stables et productives. Donner à chaque enfant l’opportunité de
s’épanouir pleinement c’est garantir que chaque Etat a atteint son
plein potentiel.
19. Pris conjointement, les normes juridiques régionales et internationales,
les conséquences graves de l’apatridie sur la vie des enfants et
les avantages, à la fois pour les enfants, les familles, les communautés
et les Etats, qu’il y a à garantir une nationalité à tous les enfants,
sont autant de raisons susceptibles de convaincre les Etats à prendre
des mesures globales pour mettre fin à l’apatridie des enfants.
3.2. Mesures à prendre pour éradiquer
l’apatridie des enfants
3.2.1. Mesures d’ordre législatif
et réglementaire
20. La récente affaire
Mennesson a mis en lumière l’un des
contextes particulièrement difficiles en termes de nationalité et
d’apatridie: la gestation pour autrui
. Dans cette affaire, les requérants sont
un couple de ressortissants français (les parents commanditaires)
et leurs deux enfants nés au terme d’une convention conclue avec
une mère porteuse aux Etats-Unis. Les requérants ont saisi la Cour
européenne des droits de l’homme, alléguant d’une violation de l’article
8 de la Convention européenne des droits de l’homme en raison du
refus des autorités françaises de reconnaître leurs liens familiaux,
au détriment de l’intérêt supérieur des enfants. Le droit français
interdisant la gestation pour autrui en tant que technique de procréation
assistée, le gouvernement a mis en avant le fait que permettre l’inscription
au registre d’état civil aurait mis en cause la cohérence du dispositif
d’interdiction
. Tout en reconnaissant qu’il est légitime
que la France décourage ses ressortissants de recourir à des formes
prohibées de reproduction assistée, la Cour a estimé que les effets
de la non reconnaissance en droit français du lien de filiation
ne se limitent pas à la situation des parents (d’intention) mais
portent aussi sur celle des enfants eux-mêmes, «dont le droit au
respect de la vie privée, qui implique que chacun puisse établir
la substance de son identité, y compris sa filiation, se trouve significativement
affecté. Se pose donc une question grave de compatibilité de cette
situation avec l’intérêt supérieur des enfants, dont le respect
doit guider toute décision les concernant»
. La Cour a par conséquent conclu
à une violation du droit des deux enfants au respect de leur vie
privée consacré par l’article 8 de la Convention.
21. Alors même que la question de la gestation pour autrui ne
concerne qu’une minorité de personnes, l’affaire
Mennesson a une portée bien plus
large. Elle souligne la primauté du principe de l’intérêt supérieur
de l’enfant, face à des questions qui relèvent du droit et de la
politique internes. L’apatridie n’étant jamais dans l’intérêt supérieur
de l’enfant
, les implications
de l’affaire
Mennesson montrent
que tous les Etats feraient bien de modifier leurs cadres législatif
et réglementaire afin d’assurer une protection globale contre l’apatridie des
enfants. Comme énoncé ci-avant, ces mesures sont également conformes
aux obligations au titre de la Convention relative aux droits de
l’enfant, de la Convention européenne sur la nationalité et de la
Convention de 1961 sur la réduction des cas d'apatridie.
22. L’éradication de l’apatridie des enfants suppose de garantir
a) qu’aucun enfant ne naît apatride et b) que tous les enfants apatrides
obtiennent une nationalité. En vue d’assurer une solution durable
et globale, il convient également de prendre des mesures pour identifier
les adultes apatrides et leur accorder une nationalité.
23. S’agissant de la première exigence, la nationalité devrait
être accordée à tous les enfants nés sur le territoire d’un Etat
et qui, autrement, seraient apatrides. Le Comité des droits de l’enfant
a formulé pas moins de 27 recommandations à cet égard à l’intention
des Etats
.
Pour satisfaire à cette obligation, la nationalité devrait être
attribuée indépendamment du statut juridique des parents, (y compris
du statut de résident); indépendamment du sexe, de la race, de la
religion, de l’appartenance ethnique, de l’origine ou situation sociale
des parents ou tuteurs légaux; indépendamment des opinions ou activités
(passées) des parents; et indépendamment de l’appartenance de l’enfant
à un groupe (ethnique) minoritaire, y compris les enfants nés de
(d’anciens) réfugiés
. Cette garantie devrait être mise
en œuvre de manière effective par tous les Etats européens afin
de mettre fin à l’apatridie à la naissance en Europe. Elle suppose
en retour pour les Etats de déterminer si l’enfant a acquis une
autre nationalité à la naissance ou si, autrement, il serait apatride
.
24. Concernant la deuxième exigence, il est important que les
Etats appliquent de manière rétroactive toutes les lois qui octroient
la nationalité aux enfants nés sur leur territoire et qui, autrement,
seraient apatrides. La modification apportée à la loi estonienne
mise en lumière précédemment, satisfait en partie à cette exigence dans
la mesure où elle s’applique rétroactivement à tous les enfants
âgés de moins de 15 ans. Cette loi ne profitera cependant pas aux
enfants ou adultes apatrides de plus de 15 ans. Par ailleurs, les
Etats devraient également mettre en œuvre des mesures visant à faciliter
la naturalisation d’enfants apatrides qui ne sont pas nés sur leur
territoire mais y résident. Ceci est particulièrement important
pour garantir la pleine intégration des enfants migrants et réfugiés
apatrides. Il est par conséquent essentiel que les Etats définissent
et mettent en œuvre des procédures opérationnelles de détermination
de l’apatridie pour identifier et protéger les enfants migrants
apatrides sur leur territoire et faciliter leur naturalisation,
conformément aux normes juridiques pertinentes
. Ce faisant, les
Etats faciliteraient aussi l’identification des adultes apatrides
et leur naturalisation.
25. Une autre pratique en Europe suscite des préoccupations auxquelles
des mesures législatives et réglementaires pourraient remédier.
Il convient en effet de veiller à ce que les enfants ne soient pas
enregistrés comme étant de «nationalité inconnue». Certains des
enfants enregistrés en tant que tels, mais pas tous, sont susceptibles
d’être apatrides. Ce phénomène est assez répandu en Europe et a
des conséquences aussi préjudiciables que l’apatridie des enfants
.
Une première étape essentielle pour prévenir et réduire les cas d’apatridie
consiste à déterminer avec précision si l’enfant a une nationalité
et, dans l’affirmative, laquelle, ou s’il est apatride. La mise
en œuvre de procédures de détermination efficaces de l’apatridie
permettra de réduire considérablement le nombre d’enfants enregistrés
comme étant de «nationalité inconnue».
26. Il est un autre domaine où des mesures législatives et réglementaires
s’imposent, en l’occurrence la résolution des situations existantes
d’apatridie. Les enfants héritent souvent du statut d’apatride de
leurs parents, ce qui constitue en Europe et dans le monde la principale
cause d’apatridie des enfants
.
Les Etats, en particulier ceux qui comptent d’importantes populations
apatrides, doivent prendre toutes les mesures requises pour remédier
aux situations d’apatridie existantes.
27. Un enregistrement universel et en temps opportun des naissances
peut également contribuer à réduire le phénomène d’apatridie des
enfants. Alors que l’acquisition de la nationalité et l’enregistrement
des naissances constituent généralement deux processus distincts,
ce dernier est d’une importance capitale pour garantir le droit
de tout enfant à une nationalité
. L’Europe affiche
un taux très élevé d’enregistrement des naissances mais certains
groupes d’enfants vulnérables demeurent systématiquement absents
des registres d’état civil
. Par conséquent, les Etats sont instamment
priés de garantir l’enregistrement de la naissance de chaque enfant.
Les obstacles entravant la procédure doivent être levés afin de
garantir à tous les enfants l’accès dans des conditions d’égalité
à l’enregistrement des naissances
.
3.2.2. Mesures d’ordre procédural
28. Afin de mettre à exécution
les mesures énoncées ci avant, les Etats seront peut-être amenés
à réformer leurs législations, politiques et réglementations nationales.
Par ailleurs, pour faire de l’accès à la nationalité une réalité
pour tous les enfants, les Etats sont susceptibles de devoir prendre
des mesures de soutien de nature plus procédurale, par exemple en
mettant à la disposition des enfants et de leurs familles des informations
et conseils (juridiques). De même, le droit de demander le réexamen
des décisions administratives et judiciaires et de former un recours
contre ces dernières, ainsi que, au besoin, le droit à l’interprétation
et à la traduction doivent être accordés aux enfants et à leurs
familles. S’agissant des procédures de détermination de l’apatridie,
les Etats devraient veiller à la conformité de leurs cadres avec
les principes directeurs du HCR
.
4. Conclusions et recommandations
29. Les Etats sont instamment invités
à prendre en compte les vulnérabilités particulières des enfants apatrides
et à adopter les mesures suivantes pour mettre fin à l’apatridie
des enfants en Europe:
- tous
les Etats qui ne l’ont pas encore fait sont invités à adhérer à
la Convention européenne sur la nationalité, la Convention sur la
prévention des cas d'apatridie en relation avec la succession d'Etats,
la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention
de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie;
- tous les Etats sont invités à participer au Plan d’action
global des Nations Unies visant à mettre fin à l’apatridie d’ici
2024 et à le soutenir, notamment en élaborant et mettant en œuvre
des plans d’action nationaux en collaboration avec le HCR et en
apportant un appui financier au Plan d’action global;
- tous les Etats qui n’ont pas mis en place des garanties
adéquates pour prévenir l’apatridie des enfants sont invités à examiner
et modifier leurs cadres légal et politique de manière à mettre
leur législation nationale en conformité avec la Convention relative
aux droits de l’enfant, la Convention européenne sur la nationalité
et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie;
- tous les Etats qui comptent des populations apatrides
sont appelés à prendre des mesures pour résoudre les cas d’apatridie,
au moyen de réformes législatives et politiques et de dispositions d’application;
- tous les Etats dont les procédures de détermination de
l’apatridie ne respectent pas les principes directeurs du HCR sont
appelés à introduire de nouvelles procédures ou d’améliorer celles
en place, pour garantir l’identification et la protection de tous
les apatrides présents sur leur territoire et au final leur permettre
l’acquisition de la nationalité grâce à une procédure de naturalisation
facilitée;
- tous les Etats sont appelés à prendre des mesures spéciales
pour protéger contre l’apatridie tous les enfants migrants et réfugiés
ainsi que les enfants de migrants et de réfugiés nés sur leur territoire;
- tous les Etats sont instamment priés de garantir l’enregistrement
dès sa naissance de chaque enfant né sur leur territoire. En particulier,
les Etats sont invités à assurer l’enregistrement à la naissance
des enfants nés au sein de communautés vulnérables.