1. Introduction
1.1. Procédure
1. La proposition de résolution
«Transparence et ouverture des institutions européennes» a été renvoyée à
la commission des questions juridiques et des droits de l’homme
pour rapport le 29 septembre 2014. La commission m’a désignée rapporteure
lors de sa réunion tenue à Madrid le 30 octobre 2014. Le 25 juin 2015, la
commission a procédé à une audition en présence de M. Francesco
Maiani, professeur associé à l’Institut des hautes études en administration
publique (IDHEAP) de Lausanne (Suisse) et membre de la Commission de
Venise (Saint-Marin), M. Olivier Hoedeman, coordinateur des recherches
et des campagnes, Corporate Europe Observatory, Bruxelles (Belgique),
et Mme Marta Hirsch-Ziembińska, chef
d’unité, bureau du Médiateur européen, Strasbourg (France).
2. Les 12 et 13 octobre 2015, j’ai effectué une visite d’information
à Bruxelles où j’ai rencontré des membres du Parlement européen
– M. Denis de Jong (Pays-Bas, Groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche
verte nordique), membre de l’Intergroupe «Intégrité, transparence,
lutte contre la corruption et la criminalité organisée», Mme Ingeborg
Grässle (Allemagne, Groupe du Parti populaire européen), présidente
de la Commission du contrôle budgétaire, et M. Sven Giegold (Allemagne,
Groupe des Verts/Alliance libre européenne), auteur du rapport d’initiative
«Transparence, reddition de comptes et intégrité dans les institutions
de l’Union européenne». J’ai pu également m’entretenir avec des
membres du Bureau du Médiateur européen et du Secrétariat du Registre
de transparence commun (Commission européenne et Parlement européen),
ainsi qu’avec des représentants d’organisations non gouvernementales
(ONG) (Transparency International, ALTER-EU Coalition et Corporate
Europe Observatory).
1.2. Enjeux
3. La proposition de résolution susmentionnée
plus haut se concentre sur la transparence et l’ouverture des institutions
de l’Union européenne à l’égard des activités de lobbying, «notamment
dans la perspective des scandales ayant récemment secoué les marchés
financiers, des conflits d’intérêts et de la corruption dans les industries
pharmaceutique et agroalimentaire». La proposition suggère d’examiner
des questions telles que la mise à la disposition du public des
résultats des travaux de recherche consacrés à un produit ou un
service, la politique de «pantouflage» appliquée aux anciens fonctionnaires
européens passés dans le secteur privé, l’évitement des conflits
d’intérêts et les mesures prises dans ce domaine par la Commission
européenne et «autres organes d’experts». Le travail que j’ai entrepris
dans ce domaine m’a conduit à analyser essentiellement les questions
de transparence et d’ouverture au sein de l’Union européenne.
4. L’Europe a été témoin, ces dernières années, de l’accroissement
de l’échelle et de la visibilité de l’influence d’acteurs extra-institutionnels
et du déclin de l’intérêt du public pour la politique, ainsi que
d’une défiance croissante à l’égard de l’Etat et des institutions
politiques
.
La pratique du lobbying, bien que n’étant pas illégale et constituant
l’une des caractéristiques de tout système démocratique, est largement
associée au secret et aux avantages indus. C’est particulièrement
le cas avec les institutions de l’Union européenne (Commission,
Parlement et Conseil) qui sont investies de pouvoirs considérables
pour légiférer dans les domaines très divers relevant de la notion
de «marché intérieur» et qui, par conséquent, présentent un intérêt direct
pour les entreprises multinationales, d’une part, et ont un impact
considérable sur la vie quotidienne des consommateurs et des citoyens
européens, d’autre part. L’absence alléguée de transparence du processus décisionnel
de l’Union européenne – et plus spécialement les pratiques des acteurs
extra-institutionnels visant à exercer une influence – pourrait
provoquer des soupçons de corruption politique et miner la confiance
du public dans les institutions et les politiques européennes. Comme
les auteurs de la proposition n’ont pas manqué de le souligner,
la restauration de la confiance dans la classe politique et l’administration
publique suppose la mise en place de procédures et de systèmes solides.
5. Dans ce rapport, j’ai l’intention d’examiner de plus près
certaines des allégations et d’étudier les règles relatives à la
transparence et à l’ouverture dans les trois institutions susmentionnées
de l’Union européenne. Je me focaliserai également sur des questions
d’ordre général liées au lobbying, au phénomène de «pantouflage»,
aux conflits d’intérêts et à l’accès aux documents. Même si la proposition
se concentre sur les institutions européennes et que ces dernières
font effectivement l’objet de fortes pressions de la part de différents
groupes de lobbying, nous devons nous garder d’ignorer les problèmes
affectant notre propre Organisation (le Conseil de l’Europe) et
ses Etats membres. Bien que cette question mérite de faire l’objet
d’un examen distinct, j’ai l’intention de mentionner l’acquis du
Conseil de l’Europe dans ce domaine et les recommandations pertinentes
de notre Assemblée. Une partie de ces dispositions pourraient également s’appliquer
aux institutions de l’Union européenne. Il est évident que la pression
exercée par les groupes de lobbyistes sur notre Organisation n’est
pas la même que celle exercée sur l’Union européenne, compte tenu des
pouvoirs législatifs de cette dernière et de l’intérêt qu’elle présente
pour différents secteurs d’activité. Gardons-nous cependant d’en
conclure que notre Organisation et nous-mêmes, en qualité de membres
de l’Assemblée et de nos parlements nationaux respectifs, sommes
à l’abri de toute pression ou influence.
2. Le lobbying au sein de l’Union
européenne
2.1. Le lobbying à Bruxelles:
quelques données
6. Bruxelles est aujourd’hui la
deuxième capitale du lobbying derrière Washington. Le nombre de lobbyistes
gravitant autour des institutions européennes serait compris entre
25 000 et 30 000
. Ces personnes suivent de près l’élaboration
de la législation de l’Union européenne et tendent à influencer
les décideurs de l’Union. Pourtant, il est encore très difficile
d’évaluer avec précision leur influence réelle. Les principaux problèmes
soulevés par le lobbying dans ce contexte sont: le secret qui l’entoure,
le fait que les moyens financiers et humains des groupes défendant
les intérêts des grandes entreprises sont sans commune mesure avec
ceux des groupes défendant d’autres intérêts, l’accès privilégié
aux décideurs et la persistance de conflits d’intérêts débouchant
sur l’exercice d’une influence indue (notamment dans le cadre de
la pratique du «pantouflage»).
7. Selon Corporate Europe Observatory (une ONG basée à Bruxelles
et prônant une plus grande transparence dans l’Union européenne)
, le secteur financier
est l’un des plus représentés avec quelque 1 700 lobbyistes professionnels
et plus de 700 groupes de pression. Ce secteur dépense plus de € 120 millions
par an pour financer ses activités de lobbying au sein des institutions
de l’Union. Bien que les syndicats et les ONG soient, eux aussi,
autorisés à faire du lobbying, ces entités disposent de moyens largement
inférieurs et ne dépensent environ que € 4 millions pour influencer
la réglementation et les politiques de l’Union européenne. Les lobbyistes
du secteur financier disposent en outre d’un accès privilégié aux décideurs.
Entre 2008 et 2014, plus de 70 % (soit davantage qu’avant la crise
financière) des conseillers de la Commission européenne siégeant
dans des groupes d’experts établis par cet organe pour réglementer
le marché financier entretenaient des liens directs (le plus souvent
sous la forme de réunions informelles) avec le secteur financier.
8. Selon Transparency International qui, en juin 2015, a lancé
un nouveau site web répertoriant les rencontres entre lobbyistes
et commissaires ou autres hauts fonctionnaires de la Commission
européenne (
integritywatch.eu), la direction générale des Affaires économiques et
financières de la Commission européenne est l’un des organes intéressant
le plus les lobbyistes. Près de 90 % de ces réunions se tiennent avec
des lobbyistes représentant des entreprises.
2.2. Pratiques de lobbying opaques:
quelques exemples
9. Plusieurs faits révèlent l’existence
de pratiques de lobbying inéquitables et opaques au sein des institutions
de l’Union européenne. L’un des plus grands scandales de corruption
impliquant le Parlement européen s’est produit en 2011. Des journalistes
du
Sunday Times se faisant
passer pour des lobbyistes ont contacté 60 membres de cette assemblée
pour leur demander de déposer des amendements en échange de sommes
d’argent comprises entre € 12 000 et € 100 000. Trois d’entre eux
ont accepté la proposition
. Cette affaire a révélé que les députés
européens entretiennent sans aucune transparence des relations très
étroites avec des lobbyistes, de sorte qu’il est important de réglementer
et de contrôler ces contacts et, surtout, de les révéler au grand
jour.
10. Ce qu’il est convenu d’appeler le «Dalligate» a prouvé que
la Commission européenne n’est pas non plus à l’abri des influences
indues de certaines industries, en l’occurrence celle du tabac.
En octobre 2012, M. John Dalli, à l’époque commissaire de l’Union
européenne à la santé et à la protection des consommateurs, a dû
démissionner à la suite d’allégations de Swedish Match, un fabricant
de produits à base de tabac, selon lesquelles M. Silvio Zammit,
un homme d’affaires maltais faisant également de la politique, aurait
proposé à cette société de mettre à profit ses «relations» avec
M. Dalli dans le but d’influer sur une révision de la réglementation
européenne relative aux produits du tabac en échange du versement
de € 60 millions. Dans un rapport d’enquête controversé d’octobre 2012
ayant filtré dans la presse, l’Office européen de lutte antifraude
(OLAF)
a conclu à l’absence
de preuves solides de la participation directe de M. Dalli, tout
en affirmant que l’intéressé était au courant de ces événements
. Dans son avis
de février 2013 relatif à l’enquête menée par l’OLAF (et dont un
résumé a filtré dans la presse en avril 2013), le comité de surveillance
de cet Office – composé de quatre experts indépendants – a estimé
que les investigations n’avaient pas été menées conformément aux
règles et garanties juridiques de l’Union européenne
. De plus, les autorités judiciaires maltaises
ont confirmé, en juin 2013, l’absence de motif pour engager une
procédure pénale à l’encontre de M. Dalli
.
Par conséquent, le «Dalligate» a ravivé les discussions relatives
à l’influence controversée de l’industrie du tabac sur les institutions
européennes
.
Le directeur général de l’OLAF, M. Giovanni Kessler, a également
été critiqué pour avoir, semble-t-il, outrepassé son mandat et ses
prérogatives et mené l’enquête susmentionnée de façon non professionnelle;
début mars 2016, la Commission européenne a décidé de lever son
immunité à la suite d’une demande du parquet belge
.
11. Selon certaines sources, l’essentiel de l’évaluation par l’Union
européenne des produits repose sur des données et des documents
fournis par le secteur d’activité concerné, à savoir le plus souvent
les industries phytopharmaceutique et agroalimentaire. Selon un
rapport rédigé par l’ONG Pesticides Action Network
et portant sur un échantillon
de sept nouveaux pesticides placés sur le marché (et ayant donc
au préalable fait l’objet d’une évaluation du risque), seuls 23 %
(c’est-à-dire 99 sur 434) des études indépendantes sur la toxicité
ont été communiquées par l’industrie concernée et, «en l’absence
de toute justification» aucune d’entre elles n’a été considérée
comme suffisamment pertinente pour être prise en compte dans le
cadre du processus décisionnel. Parallèlement, selon le député européen
José Bové (Groupe des Verts/Alliance libre européenne), membre de
la commission de l’agriculture et du développement rural, la documentation
relative aux organismes génétiquement modifiés (OGM) est communiquée
aux institutions européennes et aux autorités des Etats membres
par les producteurs eux-mêmes
. Tous ces éléments
font clairement ressortir l’existence d’un conflit d’intérêts et
requièrent une analyse plus détaillée.
12. Des experts de l’Autorité européenne de sécurité des aliments
(EFSA), un organe de l’Union européenne, entretiennent des relations
étroites avec l’International Life Science Institute (ILSI) qui
est un important lobby installé à Washington et voué à la défense
des intérêts d’entreprises agricoles, chimiques et pharmaceutiques.
En mai 2012, la présidente de l’EFSA, Mme Diana
Banati, a été contrainte à la démission en raison de ses liens avec
ce groupe, dont elle est devenue ensuite officiellement directrice
exécutive pour l’Europe. Malgré cela, en octobre 2012, le rapport
de la Cour des comptes européenne a révélé que des liens subsistent
entre six experts de l’EFSA et l’ILSI, puisque les intéressés siègent
au conseil d’administration ou à des comités scientifiques de cet
institut
.
13. Certaines ONG comme Corporate Europe Observatory
et
Transparency International
ont
révélé la pratique qui consiste à mener des activités de lobbying
tout en conservant un poste officiel ou à utiliser le «pantouflage»
séparant les secteurs public et privé. Ces comportements – notamment
celui de députés européens qui deviennent lobbyistes ou rejoignent
le secteur bancaire à la fin de leur mandat – sont aussi fréquents
qu’inquiétants. Selon M. Hoedeman, trois anciens commissaires ont
rejoint le secteur financier ou bancaire en 2010, y compris M. Charlie
McCreevy (il convient de préciser que, par la suite, la Commission européenne
a renforcé ses règles en la matière en adoptant un code de conduite,
voir plus bas). Cependant, à la fin du mandat de la Commission Barroso 2
en 2014, un seul commissaire sortant a rejoint le secteur bancaire
(en l’occurrence Mme Neelie Croes qui
a été recrutée par la Bank of America). L’affaire «Dalligate» mentionnée
plus haut a également révélé un cas de «pantouflage» au niveau de
hauts fonctionnaires de la Commission européenne, puisque – dans
le cadre de la préparation du dépôt d’une plainte auprès de la Commission –
le fabricant de produits à base de tabac Swedish Match a bénéficié
de l’assistance de M. Michel Petite, ancien directeur du service
juridique de cette même Commission, qui avait, depuis, rejoint les
rangs du cabinet d’avocats Clifford Chance (spécialisé dans le lobbying)
tout en restant membre du comité d’éthique ad hoc de cette institution
. Bien que la Commission
européenne soit aujourd’hui dotée de règles claires concernant les
conflits d’intérêts, telles qu’elles sont énoncées dans son code
de conduite, il n’existe pas de règles analogues pesant sur les
membres du Parlement européen qui sont, par ailleurs, également
autorisés à exercer une activité secondaire et/ou à siéger au conseil
d’administration d’entités du secteur privé (y compris de grosses
banques) pendant la durée de leur mandat. Comme n’a pas manqué de
le souligner M. Hoedeman au cours de l’audition de juin 2015, au
moins cinq membres influents de la Commission des affaires économiques
ont rejoint des organes de lobbying travaillant pour les banques
à l’expiration de leur mandat en 2014.
14. L’industrie agroalimentaire n’est pas en reste s’agissant
d’activités intensives de lobbying. En 2010-11, alors qu’il travaillait
sur les règles d’étiquetage des aliments, le Parlement européen
a été soumis à des pressions excessives par les lobbyistes
.
Selon M. Hoedeman, les intéressés auraient envoyé pendant cette période
plus de 150 courriels par jour à chaque député européen, soit 10 fois
plus que ceux expédiés par les ONG ayant pour vocation de défendre
la santé publique. Les amendements rédigés par les lobbyistes de l’industrie
agroalimentaire ont fini par être adoptés et ceux prônant une plus
grande transparence dans l’emballage des aliments (sous forme, par
exemple, de normes d’étiquetage reposant sur le système de «feux de
signalement») ont été rejetés.
15. Un autre exemple intéressant a trait à la guerre des lobbyistes
contre les règlements relatifs aux perturbateurs endocriniens (à
savoir des produits chimiques interférant avec le système hormonal
et ayant des effets nocifs sur la santé comme l’infertilité, le
cancer et l’obésité). En raison des pressions exercées par les lobbyistes
des industries phytosanitaire et chimique, la Commission européenne
avait retardé l’adoption de ses propositions législatives en la
matière. L’objectif de ces lobbies était d’empêcher l’interdiction
et la restriction d’utilisation de pesticides et de produits chimiques
– comme le bisphénol A – couramment utilisés pour emballer les aliments
. La
tactique de ces groupes de pression incluait la mobilisation de
certains acteurs au sein de la Commission européenne de même que
d’autres acteurs extérieurs (lobbyistes, scientifiques ou syndicats
agricoles), à communiquer des chiffres dramatiques sur l’impact
allégué des mesures prévues, à saper l’autorité de scientifiques
crédibles, à réclamer une évaluation de l’impact et à invoquer l’accord
«de libre-échange» et les négociations sur le TTIP
. L’Autorité européenne de sécurité
des aliments, consultée à ce sujet, s’était principalement fiée
à des experts de l’industrie agroalimentaire et avait formulé des recommandations
extrêmement timides
.
16. L’industrie automobile représente un autre exemple du pouvoir
du lobby des entreprises au niveau de l’Union européenne, puisqu’elle
a réussi à influer sur la teneur du deuxième paquet RDE (émission
en conduite réelle) au lendemain du scandale des émissions de diesel
produites par des modèles Volkswagen. A l’issue d’un vote très serré,
le 3 février 2016, le Parlement européen a décidé de ne pas rejeter
les limites d’émission d’oxyde d’azote (NOx) par des véhicules diesel,
bien que les normes nouvellement proposées autorisent encore un
dépassement de 50 % de la limite légale de 80 milligrammes de NOx
par kilomètre
.
3. Définition du «lobbying»
17. Dans la mesure où une pléthore
d’acteurs extra-institutionnels tend à influencer le processus décisionnel,
générant ainsi un grave risque de conflits d’intérêts et, au-delà,
d’emprise sur la réglementation et les politiques, force est d’entamer
une réflexion sur la signification du lobbying dans une société
démocratique. C’est pourquoi, en 2010, l’Organisation de coopération
et de développement économiques (OCDE) a élaboré, à l’intention
des décideurs au sein de l’exécutif et du législatif, des
Principes
pour la transparence et l’intégrité des activités de lobbying. Ce document définit le lobbying comme une «communication
orale ou écrite avec un agent public en vue d’influencer la législation,
les politiques publiques ou les décisions administratives [qui]
se concentre souvent sur le pouvoir législatif aux niveaux national
et infranational. Toutefois, il touche également l’exécutif, par
exemple pour influencer l’adoption de textes réglementaires ou la
conception de projets et de contrats»
. Cette
définition a été reprise par la Commission européenne pour la démocratie
par le droit (Commission de Venise) dans son
Rapport
sur le rôle des acteurs extra-institutionnels dans un régime démocratique .
18. La Commission de Venise a en outre spécifié que: a) «[l]e
lobbying est le fait d’un acteur ‘extra-institutionnel’, c’est-à-dire
d’une entité ou d’une personne qui n’est pas investie d’une autorité
publique ou n’agit pas en vertu d’une mission constitutionnelle»;
b) il «s’appuie normalement sur des lobbyistes directement ou indirectement
rétribués pour chercher à influencer les décisions politiques, c’est-à-dire
exerçant cette activité à titre “professionnel”»
. Dans son rapport, la Commission
de Venise utilise indifféremment les termes «groupes d’intérêts»,
«lobbyistes» et «acteurs extra-institutionnels». Les fonctionnaires,
les membres de la classe politique et les organismes publics concernés
sont les «cibles» de ces activités de lobbying. La possibilité de
lobbying au sein de l’appareil judiciaire et les dons à des partis
politiques ne sont pas abordés dans le cadre dudit rapport
.
19. De plus, l’Assemblée, dans sa
Résolution 1744 (2010) «Les acteurs extra-institutionnels dans un régime démocratique»
, a rappelé que ces acteurs peuvent
inclure les syndicats, les organes consultatifs constitués, les
milieux d’affaires, les groupes d’intérêts et de pression, les groupes
de sensibilisation, les lobbies et les réseaux plus ou moins formels
d’influence, ainsi que les organisations de la société civile (caritatives,
sans but lucratif ou non gouvernementales, plus les associations
de bénévoles, etc.) ou les organisations religieuses, à savoir des
groupes qui tentent d’influencer les décisions politiques. Enfin,
selon Transparency International, un certain nombre d’acteurs essayant
d’influencer les décisions ne se considèrent pas eux-mêmes comme
des lobbyistes et désignent leurs activités sous un autre nom: défense
d’une cause, relations publiques ou représentation d’intérêts
.
20. Il ne fait aucun doute que Transparency International elle-même,
selon ses propres critères, constitue un organe de défense ou de
lobbying. Il en va de même pour les groupes voués à la défense des
droits de l’homme comme Amnesty International, Human Rights Watch,
etc. Cette remarque tend à confirmer que le lobbying n’est pas un
mal en soi. Il contribue au système démocratique en renforçant son
aspect pluraliste. Il permet à des individus ou à des groupes de
jouer un rôle dans des processus politiques dont ils seraient autrement
exclus. Les groupes d’intérêts permettent également de bénéficier
d’informations et de compétences extérieures dans le cadre du processus
législatif. Par ailleurs, le lobbying peut contribuer à renforcer
plutôt qu’à saper la confiance du public dans l’Etat et ses institutions,
dès lors que ces derniers prêtent attention aux revendications et
aux préoccupations des organisations de citoyens. Il n’empêche que, comme
la Commission de Venise n’a pas manqué de le souligner, l’influence
des lobbies soulève des préoccupations sous l’angle de leur légitimité,
de leur représentativité, de leur transparence et de leur obligation
de rendre compte
.
L’une des manières de lutter contre les effets potentiellement négatifs
du lobbying, notamment sous l’angle de la reddition de comptes et
de la transparence, consiste à réglementer les activités des lobbyistes
et à permettre à tout citoyen d’avoir accès aux informations pertinentes,
y compris sous la forme de documents.
21. La protection des lanceurs d’alerte – qui révèlent des pratiques
non transparentes et notamment des actes de corruption – constitue
un instrument important de promotion de la transparence des institutions. Encourager
des personnes à dénoncer des abus de l’intérieur constitue un élément
clé de la bonne gouvernance. Je me garderai cependant de traiter
dans le détail ce sujet important – qui a fait l’objet d’un rapport
rédigé par mon collègue de la commission, M. Pieter Omtzigt (Pays-Bas,
PPE/DC) – ainsi que de la
Résolution 2060 (2015) et de la
Recommandation 2073
(2015) de l’Assemblée «Améliorer la protection des donneurs
d’alerte»
.
4. Instruments relatifs à l’ouverture
et à la transparence du processus législatif
4.1. Au sein du Conseil de l'Europe
4.1.1. Règles générales
22. Le Conseil de l’Europe a de
tout temps soutenu la participation de la société civile aux affaires publiques
.
Il voit dans le pluralisme des intérêts une caractéristique importante
de la démocratie et reconnaît qu’il est parfaitement légitime pour
les membres de la société de s’organiser et de défendre leurs intérêts.
La société civile contribue à instaurer un équilibre entre les intérêts
et à représenter les minorités
.
Toutefois, le fait que ces activités demeurent non réglementées
pourrait porter atteinte aux principes démocratiques
.
23. La
Recommandation CM/Rec(2007)14 du Comité des Ministres énonce une série de normes minimales relatives
à la création, l’organisation, la gestion et le statut juridique
des ONG et formule des règles de transparence. Elle prévoit également
que des «mécanismes gouvernementaux et quasi gouvernementaux à tous
les niveaux devraient garantir la participation effective des ONG
sans aucune discrimination au dialogue et à la consultation sur
les objectifs et décisions de politique publique», notamment en
facilitant «une divulgation ou un accès appropriés à l’information
officielle».
24. La Cour européenne des droits de l’homme («la Cour») ne s’est
pas encore intéressée directement au lobbying. Elle a cependant
confirmé à plusieurs reprises qu’«il n’est pas de démocratie sans
pluralisme»
. Selon la Cour, le pluralisme
implique «un équilibre (…) qui assure aux minorités un juste traitement
et qui évite tout abus d’une position dominante»
.
25. Les droits à la liberté d’expression et d’association, tels
qu’ils sont garantis respectivement par les articles 10 et 11 de
la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5,
«la Convention»), revêtent une importance particulière dans ce contexte.
Les groupes et entités participant à des activités de lobbying bénéficient
des garanties énoncées par l’article 11, dans la mesure où ils constituent
des «associations» au sens de cette disposition. De plus, les diverses
modalités que peuvent revêtir les activités de lobbying s’analysent
en une réception ou une communication d’informations ou d’idées
au sens de l’article 10. La Cour a reconnu la contribution essentielle
des partis politiques au pluralisme et à la démocratie et admis
que «les associations créées à d’autres fins (…) sont également
importantes pour le bon fonctionnement de la démocratie»
. De ce point de vue, «[i]l est
tout naturel, lorsqu’une société civile fonctionne correctement,
que les citoyens participent dans une large mesure au processus
démocratique par le biais d’associations au sein desquelles ils
peuvent se rassembler avec d’autres et poursuivre de concert des
buts communs». Pourtant, la Cour ne reconnaît pas un «droit au lobbying»
en tant que tel.
26. L’article 10 de la Convention ne reconnaît pas un droit général
d’accès aux données et documents administratifs, même si sa jurisprudence
évolue progressivement vers la reconnaissance d’un droit d’accès
à l’information en tant qu’élément fondamental du dialogue entre
la société civile au sens large et les autorités politiques
.
Le Conseil de l’Europe, quant à lui, a adopté une Convention sur
l’accès aux documents publics (STCE no 205),
laquelle constitue le seul instrument international reconnaissant
expressément ce droit en tant que tel. Les limitations de ce droit
doivent être établies dans la loi, nécessaires dans une société
démocratique et proportionnelles au but poursuivi (par exemple la
sécurité nationale, la défense ou la vie privée). La Convention
sur l’accès aux documents publics réaffirme l’importance que revêt
la transparence des autorités publiques dans une société démocratique
pluraliste et énonce les normes minimales à appliquer au traitement des
demandes d’accès aux documents publics. Malheureusement, elle n’a
été jusqu’à présent ratifiée que par huit pays (la Bosnie-Herzégovine,
l’Estonie, la Finlande, la Hongrie, la Lituanie, le Monténégro,
la Norvège et la Suède), alors que son entrée en vigueur nécessite
10 ratifications.
27. Le
Code
de bonne pratique pour la participation civile au processus décisionnel adopté par la Conférence des OING le 1er octobre 2009
inclut des principes généraux, des lignes directrices, des outils
et des mécanismes conçus pour renforcer la participation des organisations
de la société civile au processus de prise de décision politique
et a été avalisé par le Comité des Ministres
.
28. Le Conseil de l’Europe a également adopté un certain nombre
de conventions relatives à la lutte contre la corruption qui mentionnent
le lobbying. La Convention pénale sur la corruption (STE no 173)
et son protocole additionnel (STE no 151)
portent sur des sujets tels que l’incrimination de la corruption
dans les secteurs public et privé, tandis que la Convention civile
sur la corruption (STE no 174) s’attache
à la responsabilité et à la réparation des dommages provoqués par
les actes de corruption. En outre, la Recommandation R(2000)10 du Comité
des Ministres sur les codes de conduite pour les agents publics
régit la conduite des intéressés (sans toutefois s’appliquer aux
représentants élus, aux membres du gouvernement et aux personnes
exerçant des fonctions judiciaires) et énonce des règles portant
notamment sur les conflits d’intérêts, les cadeaux, la vulnérabilité
à l’influence d’autrui ou la cessation de fonctions publiques. La
surveillance du respect de ces normes a été confiée au GRECO, dont
le
treizième
rapport général d’activités (2012) contient un article thématique intitulé «Lobbying et
corruption»
.
Le GRECO mène actuellement son quatrième cycle d’évaluation, consacré
à la «prévention de la corruption des parlementaires, des juges
et des procureurs».
4.1.2. Les travaux de l’Assemblée
4.1.2.1. Règles internes
29. L’Assemblée a adopté deux textes
relatifs au lobbying, aux conflits d’intérêts et à la corruption.
En ce qui concerne son propre fonctionnement, elle s’est attachée
à améliorer son cadre institutionnel et à promouvoir les principes
de transparence, de responsabilité, d’intégrité et de primauté de
l’intérêt public. Ainsi, en adoptant la
Résolution 1554 (2007) sur les conflit d’intérêts, elle a décidé d’annexer
à son Règlement des dispositions régissant les déclarations de patrimoine
de ses membres
. En
outre, un code de conduite des rapporteurs (Annexe IV du Règlement)
a été adopté par la
Résolution
1799 (2011) et les lignes directrices pour l’observation des élections
ont été complétées par des dispositions sur le conflit d’intérêts
et la déontologie des membres des commissions ad hoc.
30. En adoptant sa
Résolution
1903 (2012) «Déontologie des membres de l’Assemblée parlementaire: bonne
pratique ou devoir?»
, l’Assemblée a approuvé un code
de conduite que ses membres doivent respecter dans l’exercice de
leurs fonctions. Ce code de conduite (Annexe II du Règlement) vise
à répondre aux préoccupations générales, s’agissant notamment «du
favoritisme politique, des offres de cadeaux ou d'hospitalité faites
aux membres, des situations de conflits d'intérêts ou de l'utilisation
du mandat pour la promotion et la défense d'intérêts personnels».
Il impose de nouvelles obligations aux membres de l’Assemblée (comme
celle, prévue par le paragraphe 14 du code de conduite, de faire
enregistrer auprès du secrétariat tout cadeau d’une valeur supérieure
à € 200) et donne la possibilité au président de l’Assemblée de
demander des éclaircissements et de sanctionner les membres qui
auraient violé le code de conduite (en préparant une déclaration
motivée lue devant l’Assemblée ou en excluant un membre des séances
de l’Assemblée); jusqu’à présent cependant, ces nouvelles dispositions
ont rarement été appliquées. D’après les informations reçues du
secrétariat, un seul cadeau a été enregistré et le président de
l’Assemblée a eu recours aux dispositions disciplinaires dans un
seul cas (en janvier 2014, à l’égard de M. Tamás Gaudi Nagy (Hongrie), essentiellement
pour ses propos provocateurs lors de la réunion de notre commission
en décembre 2013).
31. Dans sa
Résolution
1903 (2012), l’Assemblée a également pris note du problème des «représentants d’intérêts»,
agissant au nom d’entités privées ou d’Etats, qui exercent des pressions
sur ses membres jusque dans l’enceinte du Palais de l’Europe. Elle
a considéré que des «procédures claires et transparentes» devraient
être introduites pour réglementer leur accès à l’Assemblée. Elle
a ainsi chargé le Bureau de «réviser les règles d’accès au Palais
de l’Europe et d’utilisation des locaux, ainsi que les annexes aux
règles concernées» et, en ce qui concerne les prérogatives de ses
anciens membres, de modifier le règlement spécial sur l’honorariat
à l’Assemblée ainsi que le règlement spécial sur le titre et les
prérogatives de président(e) honoraire de l’Assemblée. S’agissant
de la première recommandation, il n’y a pas eu d’évolution notable. S’agissant
de la seconde, le règlement spécial sur l’honorariat à l’Assemblée
a été révisé en 2014 (voir Annexe XVIII du Règlement, paragraphe 3,
et Annexe XIX, paragraphe 3): depuis, les anciens membres et les anciens
présidents de l’Assemblée qui représentent ou défendent les intérêts
d'autres personnes ou entités ne peuvent jouir des prérogatives
liées au statut de membre associé honoraire en ce qui concerne la
diffusion des documents et l'accès aux bâtiments et aux salles de
réunion. Pour autant, l’Assemblée n’a pas décidé d’imposer des restrictions
supplémentaires (comme des «périodes d’attente») aux anciens membres
de l’Assemblée car «l’étendue du problème n’appelle pas la mise
en place de telles restrictions»
.
4.1.2.2. Recommandations adressées
aux acteurs externes et leur suivi
32. L’Assemblée s’est intéressée
plus spécialement à la question du lobbying dans les sociétés démocratiques
dans sa
Résolution 1744
(2010) sur les acteurs extra-institutionnels dans un régime démocratique
et dans sa
Recommandation 1908
(2010) relative au lobbying dans une société démocratique (code
européen de bonne conduite en matière de lobbying).
33. Dans sa
Résolution 1744
(2010), l’Assemblée a examiné le rôle des acteurs extra-institutionnels,
y compris les lobbies et les réseaux d’influence, et relevé que
leurs activités peuvent soulever certaines préoccupations sous l’angle
des principes fondamentaux de la démocratie, qu’il s’agisse de la
légitimité douteuse des intéressés, de l’absence de transparence
de leur fonctionnement interne et du fait qu’ils ne sont soumis
à aucune véritable obligation démocratique de reddition de comptes.
L’Assemblée a donc invité la Commission de Venise à examiner la
question.
34. Dans sa
Recommandation 1908
(2010), l’Assemblée a noté que, même si le lobbying est parfaitement légitime
dans une société démocratique et pluraliste, «le lobbying non réglementé
et occulte, en tant que tel, peut miner les principes démocratiques
et la bonne gouvernance». C’est souvent particulièrement le cas
dans «les Etats membres du Conseil de l’Europe aux traditions démocratiques
peu enracinées, où l’absence de vrais contrepoids et de mécanismes
de contrôle exercés par la société civile constitue un danger».
Aux yeux de l’Assemblée, dans une société démocratique, les citoyens
ont le droit de connaître l’identité des organisations de lobbying
qui influencent le processus de prise des décisions politiques et
économiques; une plus grande transparence des activités de lobbying
pourrait à la fois renforcer l’obligation de reddition de comptes
des acteurs du monde politique et économique et restaurer la confiance
du public dans le fonctionnement démocratique des pouvoirs publics.
C’est pourquoi, l’Assemblée a recommandé au Comité des Ministres
d’élaborer un code européen de bonne conduite en matière de lobbying
sur la base des principes formulés dans le paragraphe 11 de ladite
résolution:
«11.1.
les activités de lobbying devraient être définies très clairement,
en faisant une distinction entre les activités professionnelles
rémunérées et les activités des organisations de la société civile,
sans oublier les entités qui pratiquent l’autorégulation dans différents
secteurs économiques;
11.2. la transparence dans
les activités de lobbying devrait être renforcée;
11.3. des normes applicables
aux responsables politiques, aux fonctionnaires, aux membres des groupes
de pression et aux entreprises devraient être établies, y compris
le principe des conflits d’intérêts potentiels et la durée de la
période, après la fin de mandat, durant laquelle il est interdit d’exercer
des activités de lobbying;
11.4. les entités impliquées
dans les activités de lobbying devraient s’enregistrer;
11.5. les organisations de
lobbyistes devraient être préalablement consultées sur tout projet
de texte de loi en la matière;
11.6. des activités de lobbying
bien définies, transparentes et honnêtes devraient être encouragées
afin de valoriser l’image des personnes impliquées dans les activités
de lobbying.»
35. En réaction à la
Recommandation 1908
(2010), le Comité des Ministres a rejoint l’avis de l’Assemblée et
déclaré «qu’assurer la transparence des activités de lobbying contribue
à lutter contre la perte de confiance dans les institutions et le
déclin de l’intérêt pour la vie politique»
tout en prenant
note que le GRECO et la Conférence des Organisations internationales
non gouvernementales (OING) soutiennent l’idée de l’élaboration
d’un code de conduite.
36. A la suite de l’adoption par l’Assemblée de sa
Résolution 1744 (2010), en 2013 la Commission de Venise a lancé l’étude susmentionnée,
laquelle a conduit à la publication du
Rapport
précité sur le rôle des acteurs extra-institutionnels dans un régime
démocratique (Lobbying). Dans ce document, la Commission de Venise analyse «le
lobbying» comme un concept et relève que ce phénomène constitue
d’une part un problème pour le processus démocratique et d’autre
part une excellente occasion pour les responsables d’entrer en contact
avec différentes parties prenantes. Comme l’a souligné le professeur
Maiani, l’un des auteurs du rapport, le lobbying constitue également
un composant important du pluralisme et du processus démocratique
et permet aux responsables de bénéficier de compétences spécifiques
auxquelles ils n’auraient pas accès autrement. Toutefois, la même
étude mentionne quatre préoccupations dans ce contexte: 1) en ce qui
concerne la participation de certains acteurs dépourvus de légitimité
politique; 2) en ce qui concerne l’inégalité des ressources et la
distorsion possible du processus; 3) en ce qui concerne la reddition
de comptes sur la manière dont les responsables parviennent à certaines
conclusions; et 4) en ce qui concerne la notion de conflit d’intérêts
et, plus particulièrement, la pratique de «pantouflage». La réglementation
ne peut au mieux qu’atténuer ces problèmes et la divulgation des
données ne mettra pas fin à l’inégalité de la répartition des ressources.
La Commission de Venise recommande l’adoption de règlements relatifs
aux activités de lobbying tout en s’abstenant de proposer des solutions
concrètes. Elle recommande également l’enregistrement obligatoire
des lobbyistes, l’introduction d’une période d’attente pour certains
types d’activités et l’établissement d’autorités chargées de surveiller
le lobbying. Les règlements pertinents devraient avoir une portée
large et ne pas établir de distinction entre les différents acteurs,
sous peine de créer des poches dans lesquelles l’obligation de reddition
de comptes ne s’applique pas.
37. A de nombreuses occasions, l’Assemblée a également pris position
sur la lutte contre la corruption. Dans sa
Résolution 1214 (2000) sur le rôle des parlements dans la lutte contre la corruption
, elle a recommandé entre autres
que les institutions étatiques – y compris les parlements eux-mêmes
– soient «transparentes et responsables, de manière à pouvoir résister
à la corruption ou à permettre de la dénoncer rapidement». De plus,
en juin 2013, elle a adopté la
Résolution 1943 (2013) et la
Recommandation 2019 (2013) «La corruption: une menace à la prééminence du droit»
et énonçant une série de lignes
directrices dans ce domaine. Dans ladite recommandation, elle propose,
une fois de plus, au Comité des Ministres d’établir une série de
lignes directrices pour les codes de conduite et d’éthique des agents
publics, conformément aux principes directeurs énoncés par la
Recommandation 1908 (2010) (code européen de bonne conduite en matière de lobbying)
et de lancer une étude de faisabilité sur le lobbying. Le Comité
des Ministres a répondu à l’Assemblée qu’il a chargé le Comité européen
de coopération juridique (CDCJ) – dans le cadre du programme d’activités
et du budget 2014-15 – de préparer, sous réserve d’une étude préalable
de faisabilité, un instrument juridique sur la réglementation des
activités de lobbying
. Le CDJC travaille actuellement
à l’élaboration d’un instrument juridique pertinent du Conseil de
l’Europe.
38. Le 8 avril 2014, l’Assemblée a lancé sa
plate-forme
contre la corruption: un espace de dialogue visant à promouvoir la transparence
et l’honnêteté dans la vie publique. Jusqu’à présent, plusieurs
réunions et séminaires sur le thème de la lutte contre la corruption
ont été organisés dans le cadre de cette initiative.
39. L’Assemblée s’est penchée sur la question de la relation entre
la santé publique et les intérêts de l’industrie pharmaceutique
dans sa
Résolution 1749
(2010) et sa
Recommandation 1929
(2010) «Gestion de la pandémie H1N1: nécessité de plus de transparence»
,
ainsi que dans un texte plus récent, la
Résolution 2071 (2015) «La santé publique et les intérêts de l’industrie pharmaceutique:
comment garantir la primauté des intérêts de santé publique?»
. Dans sa
Résolution 1749 (2010) et sa
Recommandation 1929 (2010), l’Assemblée a critiqué les mesures adoptées par les
autorités sanitaires aux niveaux européen et national dans le cadre
de la pandémie de grippe H1N1 et souligné que l’absence de transparence
des décisions des pouvoirs publics porte atteinte aux principes
démocratiques et à la bonne gouvernance. Dans sa
Résolution 2071 (2015), l’Assemblée a adressé un certain nombre de recommandations
aux Etats membres concernant le cadre réglementant les interactions
entre l’industrie pharmaceutique et les acteurs du secteur de la
santé (transparence des intérêts des experts et du coût de la recherche,
évitement des conflits d’intérêts et de la pratique de «pantouflage»,
engagement à prendre des décisions dans le domaine de la santé sur
la base de considérations de santé individuelle et publique)
. En
outre, lorsqu’elle a examiné les effets potentiels des champs électromagnétiques
sur la santé dans sa
Résolution
1815 (2011) «Le danger potentiel des champs électromagnétiques et
leur effet sur l’environnement»
, elle a également recommandé aux Etats membres
du Conseil de l'Europe de «rendre obligatoire la transparence des
groupes de pression».
4.2. Au sein de l’Union européenne
4.2.1. Règles relatives au processus
de prise de décision
40. Le Traité sur l’Union européenne
énonce les règles de prise de décision démocratique. En vertu de
son article 10.3, deuxième phrase, «les décisions sont prises aussi
ouvertement et aussi près que possible des citoyens». L’article 11
impose des obligations spécifiques aux institutions de l’Union européenne
tenues de donner «par les voies appropriées, aux citoyens et aux
associations représentatives la possibilité de faire connaître et
d’échanger publiquement leurs opinions dans tous les domaines d’action
de l’Union» (paragraphe 1) et d’entretenir «un dialogue ouvert,
transparent et régulier avec les associations représentatives et
la société civile» (paragraphe 2). La Commission européenne «procède
à de larges consultations des parties concernées (…) en vue d’assurer
la cohérence et la transparence des actions de l’Union» (paragraphe 3).
De plus, le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne précise
que les institutions, organes, bureaux et agences de l’Union européenne
doivent travailler de manière aussi ouverte que possible (article 15.1).
41. Le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne consacre
également un droit d'accès aux documents des institutions, organes
et organismes de l'Union (conformément à son article 15.3 et sous réserve
des principes et des conditions fixés conformément à cette disposition).
Ce droit est aussi garanti par l’article 42 de la Charte des droits
fondamentaux de l’Union européenne – lequel ne concerne toutefois
que les documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission
européenne.
4.2.2. Mesures de transparence
42. Le Parlement européen a été
la première institution européenne à réglementer les activités de
lobbying en son sein en introduisant le premier registre de lobbyistes
et en adoptant un code d’éthique auquel les intéressés doivent se
soumettre. Cette mesure a été saluée en son temps par l’Assemblée
dans sa
Recommandation 1908
(2010). En 2008, la Commission européenne a établi un Registre
des représentants d’intérêt qui a été amélioré en 2011 sous la forme
d’un
Registre
de transparence après que le Parlement européen a rejoint l’initiative.
Le 10 février 2016, le registre comptait 9 055 entrées, soit la
moitié (ou un tiers selon les sources) du nombre estimé de lobbyistes.
43. Le
Registre
de transparence rend publiques des informations telles que le nombre
d’employés travaillant pour des entreprises de lobbying, les principales
propositions législatives auxquelles ces personnes s’intéressent
et le montant des sommes qu’elles ont dépensées pour atteindre leurs
objectifs. Le 27 janvier 2015, une nouvelle version dite «de deuxième
génération» du Registre a été mise en place. Désormais, les lobbyistes
doivent fournir des informations supplémentaires sur leur participation
à des comités, forums et autres intergroupes, ainsi que sur les
dossiers législatifs qu’ils suivent au moment considéré. De plus,
une procédure simplifiée «d’alerte et de plainte» permet de renforcer
la surveillance et de traiter avec plus de diligence les informations
présumées trompeuses. La nouvelle version impose également l’obligation
d’enregistrer toutes les personnes désireuses de rencontrer des
commissaires ou des membres de leur cabinet ou bien des directeurs
généraux, ainsi que toute autre organisation désireuse de prendre
la parole dans le cadre d’auditions organisées par le Parlement
européen. Selon ce registre, les lobbyistes salariés, ainsi que
les associations commerciales et professionnelles, représentent
la plus grande part des inscrits (4 629 entrées sur 9 055). Ils
sont suivis par les organisations non gouvernementales (2 252 entrées),
les bureaux-conseil, les cabinets d’avocats et les consultants indépendants
(1 057 entrées), les groupes de réflexion et les organismes universitaires
et de recherche (649 entrées), les organisations représentant des collectivités
locales, régionales ou municipales, ainsi que d’autres entités publiques
ou mixtes, etc. (429 entrées) et les Eglises (39 entrées). Par exemple,
sur les 9 055 lobbyistes enregistrés: 4 672 déclarent se livrer
à des activités de lobbying en matière «d’environnement»; 4 111
en matière de «recherche et technologie»; 4001 en matière de «marché
intérieur»; 3 861 en matière «d’entreprise»; 3 503 en matière «d’énergie»;
3 410 en matière «d’affaires économiques et financières»; 3 115
en matière «de commerce»; 2 666 en matière de «santé publique»,
et 2 243 en matière «d’agriculture». Le registre soulève encore
des préoccupations dans la mesure où il demeure facultatif pour
les groupes de pression et, par conséquent, pourrait s’avérer incomplet
. Les règles pertinentes devraient
faire l’objet d’une révision en 2017, mais – selon la Commission
européenne – l’enregistrement restera facultatif
,
même si la Commission Juncker a envisagé de proposer un registre
obligatoire pour les trois principales institutions de l’Union européenne
.
Enfin, ce registre est accompagné d’un
code
de conduite répertoriant l’ensemble des règles, codes et pratiques
de bonne gouvernance que les agents publics, les autres membres
du personnel et les représentants des groupes d’intérêts doivent
respecter.
44. La possibilité de s’inscrire au Registre de transparence ne
vise pas le Conseil de l’Union européenne ou les représentations
permanentes des Etats membres auprès de l’Union européenne, malgré
le rôle important joué par les intéressés dans le processus législatif.
Selon une étude de Transparency International publiée en avril 2015
et portant sur 19 pays plus les trois institutions européennes,
avec un score de 19 %, le Conseil de l’Union européenne occupe l’avant-avant-dernière
place concernant la solidité de son ensemble de garanties réglementaires
et l’efficacité de ses efforts visant à promouvoir un lobbying ouvert
et éthique, tandis que la Commission européenne obtient 53 % et
le Parlement européen 37 %. Ladite étude se concentre sur la transparence
des organismes officiels, l’intégrité de leurs agents et des lobbyistes
et l’égalité d’accès au processus décisionnel
.
Le score moyen pour les trois institutions est de 36 %.
45. De plus, la ligne de démarcation entre recherche et lobbying
est de plus en plus floue, dans la mesure où de «groupes de réflexion»
prétendument indépendants sont en fait des lobbyistes. Ces faux
«groupes de réflexion» – parfois créés directement par des organes
de lobbying – se livrent à des travaux qui sont ensuite présentés
comme le fruit d’une recherche indépendante
. Par ailleurs, l’Union européenne
est dépourvue d’un système fiscal comparable à celui des Etats-Unis,
lequel aurait permis d’établir avec plus de précision si une entité
particulière constitue un lobby, un organisme de recherche ou un
groupe de réflexion
.
46. Des ONG comme ALTER-EU, Corporate Europe et Transparency International
ont dénoncé le caractère non contraignant du Registre de transparence
en déplorant que ce mécanisme ne donne pas aux citoyens une image
exacte de la situation au niveau du lobbying qui prévaut à Bruxelles.
Elles appellent à des mesures instituant des sanctions en cas de
défaut d’enregistrement et/ou de communication de données inexactes. Comme
souligné dans le rapport de 2015 rédigé par ALTER-EU, certains lobbyistes
importants (travaillant notamment pour le secteur financier, des
consultants, des cabinets d’avocats ou de grosses sociétés) n’ont toujours
pas pris la peine de s’inscrire. Bon nombre des entrées du registre
sont peu fiables: certaines officines de lobbying taisent le nom
de leurs clients, d’autres dissimulent leur identité derrière des
acronymes non identifiés ou bien minimisent leurs dépenses et le
nombre de leurs employés. Selon le rapport, le secrétariat du Registre
de transparence «ne procède pas à une vérification proactive (…)
du caractère précis et crédible des entrées»
; selon des représentants de Transparency
International, cet organe serait tout simplement en sous-effectif
.
Des préoccupations se sont fait également jour en ce qui concerne
l’accès des lobbyistes aux commissaires et autres agents de l’Union
européenne. Même si, depuis novembre 2014, les commissaires de l’Union
européenne, les membres de leur cabinet et les directeurs généraux
ont l’interdiction de rencontrer des lobbyistes non enregistrés,
aucun mécanisme n’a été mis en place pour surveiller formellement
le respect de cette règle et, en outre, les mêmes lobbyistes peuvent
facilement rencontrer des agents situés plus bas dans la hiérarchie
hors de tout contrôle
.
47. Une étude récente commandée par le Parlement européen sur
l’état du lobbying dans ses murs révèle que cette institution représente
une cible importante pour les lobbyistes, à la fois au niveau de
tous les députés et à celui des commissions. Les députés européens
sont contactés – au stade de l’examen de propositions d’amendements
en commission et du vote en séance plénière – par des groupes n’ayant
rien à voir avec leur circonscription
.
Les commissions les plus sollicitées sont celles: de l’industrie,
de la recherche et de l’énergie (ITRE); de l’environnement, de la
santé publique et de la sécurité alimentaire (ENVI); du marché intérieur
et de la protection des consommateurs (IMCO); et des affaires économiques
et monétaires (ECON). Toutes ces commissions s’occupent en effet
de questions relevant de l’intégration et de la réglementation du marché
de l’Union européenne. L’étude fait l’éloge du Registre de transparence
décrit comme l’«une des bases de données les plus vastes au monde
concernant les activités de lobbying», tout en déplorant que l’accès
aux informations pertinentes ne soit pas toujours direct. Selon
ses auteurs, l’accès aux informations figurant déjà dans le registre
pourrait être facilité et le Conseil de l’Union européenne devrait,
lui aussi, alimenter cette base de données.
48. Des controverses se sont fait jour également à propos du fonctionnement
et de la composition des groupes d’experts de la Commission européenne
(dans la Direction-générale Agriculture – groupes de dialogue civil)
et de ce qu’il est convenu d’appeler «les trilogues». En ce qui
concerne les groupes d’experts, plus de 800 groupes consultatifs
de ce type jouent un rôle crucial en aidant la Commission à élaborer
des propositions législatives, des initiatives et des «actes délégués»
(qui peuvent être adoptés par la Commission européenne à la demande
du Conseil ou du Parlement européen, conformément à l’article 290
du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
) et à mettre en œuvre une législation
et des politiques visant divers aspects du fonctionnement du marché
intérieur de l’Union européenne. Ces entités se composent d’individus, d’organisations,
de représentants des Etats membres ou d’autorités publiques. Toutefois,
ladite composition reste le plus souvent inconnue du grand public
et elle est souvent perçue comme déséquilibrée, puisque les intérêts
des entreprises sont beaucoup mieux représentés que ceux des acteurs
non économiques. De plus, la plupart des documents relatifs à ces
réunions ne sont pas publics. Une étude de 2015 commandée par le Parlement
européen confirme que ce déséquilibre n’a pas diminué depuis 2013,
même si quelques progrès ont pu être notés. En ce qui concerne la
transparence, depuis 2013, la Commission européenne a augmenté la
fréquence de ses appels aux lobbyistes invitant les intéressés à
se faire enregistrer (même si cette formalité demeure facultative)
et le Registre des groupes d’experts permet d’accéder plus facilement
à des informations relatives aux activités de ces entités. Pourtant,
l’étude conclut au défaut incontestable de conformité de la Commission
européenne aux critères d’équilibre et de transparence fixés par
le Parlement européen
.
49. Le terme «trilogue» désigne des négociations informelles entre
les trois institutions de l’Union européenne – le Parlement, le
Conseil et la Commission – visant à parvenir rapidement à un accord
sur de nouveaux textes législatifs. Près de 80 % desdits textes
sont aujourd’hui adoptés en première lecture. Selon des estimations,
il se serait tenu environ 1 500 réunions de type «trilogue» au cours
des cinq dernières années
. Les documents relatifs à ces réunions
ne sont pas publiquement disponibles et seul un nombre réduit de
représentants des trois institutions participe aux trilogues. Par
conséquent, les représentants de la société civile que j’ai rencontrés
à Bruxelles ont dénoncé le manque de transparence dans ce contexte
et l’influence disproportionnée des groupes de lobbying bien organisés
sur les participants auxdites réunions.
4.2.3. Accès aux documents
50. A la différence de la Convention
européenne des droits de l’homme, l’article 41.2 de la Charte des
droits fondamentaux de l’Union européenne consacre le droit d’accès
aux documents en tant que composant du «droit à une bonne administration».
Les règles relatives à sa mise en œuvre ont été fixées par le
Règlement (CE)
n° 1049/2001 il y a plus de 10 ans et
auraient peut-être besoin d’être actualisées
.
En outre, l’Union européenne – contrairement à bon nombre de ses
Etats membres – n’a pas encore établi d’autorité indépendante chargée
de garantir l’accès aux documents. En pratique, l’accès à certains
documents de l’Union européenne n’est pas tâche facile (voir, plus
haut, le cas des «trilogues» à titre d’exemple). Selon une étude
réalisée par Transparency International en 2014, 78 % des demandes
d’accès à des documents visent des dossiers qui relèvent déjà du
domaine public et une bonne partie d’entre elles émane de personnes travaillant
sur les questions européennes: journalistes, membres d’ONG ou universitaires
.
4.2.4. Garanties éthiques
51. La Commission européenne a
élaboré en 2011 un
Code
de conduite des commissaires. Ce texte prévoit notamment que: les commissaires ne
peuvent exercer aucune autre activité professionnelle, rémunérée
ou non (1.1); lorsqu’ils envisagent d’exercer une activité professionnelle
dans les dix-huit mois qui suivent la cessation de leurs fonctions,
ils en informent la Commission en temps utile; si l’activité envisagée
présente un lien avec le portefeuille du membre de la Commission,
la Commission demande l’avis du Comité d’éthique ad hoc (1.2); les
membres de la Commission doivent déclarer tout intérêt financier
et élément de patrimoine qui pourraient créer un conflit d’intérêts
dans l’exercice de leurs fonctions (1.3); et, afin d’éviter tout
risque de conflit d’intérêts, les membres de la Commission sont
tenus de déclarer les activités professionnelles de leur conjoint/partenaire
(1.4). Enfin, les membres de la Commission, lorsqu’ils acceptent
un cadeau d’une valeur supérieure à € 50, remettent celui-ci au
service du Protocole (1.11).
52. Pourtant, Transparency International a déjà dénoncé certaines
irrégularités inhérentes notamment à l’absence d’une définition
claire des conflits d’intérêts, de sanctions en cas d’infraction
mineure et d’absence de détection proactive, par la Commission européenne,
d’éventuels conflits d’intérêts au niveau des commissaires. En outre,
d’aucuns se posent également des questions sur la manière dont la
Commission applique le code de conduite en pratique et sur la capacité
réelle du système à identifier et à gérer d’éventuels conflits d’intérêts
.
4.2.5. Suivi et équilibre interinstitutionnel
53. Le Médiateur européen enquête
sur les plaintes dénonçant une mauvaise administration dans les institutions
et les organes de l’Union européenne et peut lancer des enquêtes
de sa propre initiative. Il reçoit un nombre considérable de plaintes
visant des questions d’éthique, des conflits d’intérêts ou la pratique
dite «pantouflage»
. Comme l’a indiqué Mme Hirsch-Ziembińska
en juin 2015 dans le cadre de l’audition, en 2014, plus de 21 %
des plaintes pour mauvaise administration reçues par la Médiatrice
européenne, Mme Emily O’Reilly, concernaient
le manque de transparence (absence d’accès aux documents d’information, composition
des groupes d’experts, conflits d’intérêts et absence de transparence
du processus décisionnel). 70 % de ces cas visaient la Commission
européenne, mais il y avait des cas qui concernaient d’autres agences européennes.
L’action du Médiateur dans ce domaine se fonde sur les articles 10
et 11 du Traité de l’Union européenne, ainsi que sur l’article 15
du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Chaque année, le
Médiateur lance la Journée internationale pour le droit de savoir
(27 septembre) qui place l’accent sur la transparence et la responsabilité;
en 2014, cet événement a permis de sensibiliser le public à l’accès
aux données cliniques.
54. Le travail du/de la Médiateur/trice dans le domaine de la
transparence se concentre sur les points suivants:
- affaires
«de porte tournante»: A la suite de plaintes déposées
par Corporate Europe Observatory, Greenpeace et d’autres ONG en
2014, la Médiatrice a adressé un certain nombre de recommandations à
la Commission européenne pour lui demander d’examiner de plus près
les affaires de «porte tournante» afin d’éviter les conflits d’intérêts,
ainsi que de publier régulièrement en ligne toutes les informations
pertinentes relatives aux hauts fonctionnaires de l’Union européenne .
Le règlement du personnel de l’Union européenne prévoit que chaque
agent quittant son emploi doit informer l’institution de toute nouvelle
proposition de travail qu’il reçoit pendant les 24 mois suivant
son départ. Les anciens hauts fonctionnaires ne sont pas autorisés
à exercer des activités de lobbying auprès de leurs anciens collègues
pendant 12 mois à compter de leur départ. La Commission a déclaré
qu’elle compte publier le nom des intéressés une fois par an, ce
qui est le minimum requis, tandis que la Médiatrice maintient sa
recommandation d’une publication à des intervalles plus rapprochés.
En décembre 2015, ladite Médiatrice s’est félicitée de la publication
du nom de certains hauts fonctionnaires ayant quitté la Commission
européenne pour occuper un nouvel emploi .
- lobbying: A la suite
d’une enquête menée en 2012 sur la base de plaintes visant les inexactitudes
du Registre de la Commission européenne répertoriant les représentants
d’intérêts, la Médiatrice a formulé des recommandations qui ont
abouti à la création du Registre de transparence commun et elle
a également instamment prié le Conseil de participer à ce mécanisme .
- TTIP (Partenariat
transatlantique de commerce et d’investissement que la Commission
est en train de négocier avec les Etats-Unis): à la suite de plaintes
relatives au secret des négociations, la Médiatrice a recommandé
la divulgation de données supplémentaires concernant les discussions
en cours . La Commission et le Conseil ont
ultérieurement publié certains documents, tout en refusant d’en
publier d’autres en arguant de la protection des données.
- composition et transparence
des groupes d’experts de la Commission européenne (y
compris des groupes de dialogue civil de la DG Agriculture): à la
suite de l’enquête qu’elle a lancée de sa propre initiative en 2014,
la Médiatrice a appelé de ses vœux un cadre juridiquement contraignant
pour tous les groupes les obligeant à divulguer le compte rendu
de leur réunion, le CV de leurs membres et d’autres documents. La
Commission a annoncé que les procédures de sélection de ces experts
seraient à l’avenir plus transparentes et que les dispositions relatives
au registre des intéressés seraient révisées en 2016 .
- «trilogues»: à la
suite de l’enquête qu’elle a lancée de sa propre initiative, la
Médiatrice a demandé aux trois institutions de l’Union européenne
de communiquer des informations sur la partie non publique du processus
législatif. Lesdites institutions ont soumis leur avis sur la transparence
des «trilogues» .
- lettre adressée par la Banque
centrale européenne (BCE) au Gouvernement irlandais: un
journaliste irlandais avait réclamé la divulgation d’une lettre
adressée par la BCE au Gouvernement irlandais en décembre 2011 concernant
l’adhésion de ce pays au fonds de sauvetage de l’Union européenne.
La BCE avait refusé en invoquant la nécessité de protéger la stabilité
financière de l’Irlande. Après avoir étudié la lettre, la Médiatrice
a approuvé la décision de la Banque; elle a cependant déclaré que
trois ans plus tard (en 2014) les raisons invoquées n’étaient plus
valides et que le contenu de la lettre pouvait être divulgué, tout
en invitant la BCE à agir de manière plus transparente. Fin 2014,
la Banque a décidé de publier la lettre .
- lobbying de l’industrie du
tabac: A la suite d’une plainte déposée par une ONG faisant
état du manquement de la Commission européenne aux obligations qu’elle
assume en vertu de la Convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLAT)
de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la Médiatrice a estimé
que l’approche suivie par la Commission européenne (sauf en ce qui
concerne la DG Santé) en matière de publicité des réunions tenues
avec les lobbyistes de cette industrie est inadéquate. Elle a aussi
critiqué le fait que la Commission ne considère pas les contacts
avec les avocats défendant la cause de cette industrie comme des
contacts avec des lobbyistes. Dans une recommandation d’octobre 2015,
elle a appelé la Commission à publier en ligne le calendrier de
toutes les réunions avec les lobbyistes de ce type ou leurs représentants
légaux, ainsi que le compte rendu des mêmes réunions. Toutefois,
la Commission a estimé pour sa part remplir ses obligations contractées
en vertu de la CCLAT .
55. D’autres institutions et organes de l’Union européenne suivent
également la question de la transparence. De plus, en 2012, la Cour
des comptes européenne a publié un rapport dans lequel elle estime qu’aucune
des agences européennes contrôlées
ne
gère les situations de conflits d’intérêts de manière appropriée.
Un certain nombre de lacunes plus ou moins graves ont été identifiées
dans les politiques et les procédures spécifiques de ces agences,
tant au niveau du contenu que de la mise en œuvre
.
56. Enfin, l’Office européen de lutte antifraude, qui enquête
sur les fraudes revêtant la forme d’actes de corruption ou de fautes
graves au sein des institutions européennes, a été critiqué par
son organe de contrôle (le Comité de surveillance, voir plus haut)
comme manquant d’indépendance vis-à-vis de la Commission européenne
à la suite de l’enquête qu’il a menée dans l’affaire «Dalligate»
.
Dans son rapport intitulé «
The EU
Integrity System», Transparency International dénonce les restrictions
budgétaires pesant sur plusieurs organes de contrôle et pouvant
avoir pour conséquence l’allongement de la durée des enquêtes et
des audits effectués par la Cour des comptes européenne, l’OLAF
et le Médiateur. L’ONG fait remarquer que l’OLAF relève de l’administration
de la Commission européenne, ce qui soulève des doutes sur son indépendance.
Le contrôle exercé par l’Office sur les autres institutions gagnerait
en efficacité et en crédibilité si cet organe jouissait d’une plus
grande indépendance
.
57. Pendant ma visite d’information à Bruxelles, j’ai eu l’occasion
de m’entretenir avec le rapporteur du Parlement européen, M. Sven
Giegold, auteur d’un projet de rapport intitulé «Transparence, reddition
de comptes et intégrité dans les institutions de l’Union européenne»
. Ce document tient compte
des critiques exprimées par le Médiateur européen et les ONG et
appelle à une transparence intégrale de l’activité des lobbyistes,
ainsi qu’à l’amélioration de l’accès des citoyens à l’information
et aux documents. Selon le projet de résolution consacré à cette
question, les trois institutions de l’Union européenne «devraient
enregistrer et divulguer toutes les contributions de lobbyistes/représentants
d’intérêts à l’élaboration de projets de politique, de loi ou d’amendement
en qualité “d’empreintes législatives” (…)» (article 1) et le Registre
de transparence devrait devenir obligatoire et inclure aussi des
informations émanant du Conseil de l’Union européenne (articles 7
et 8). Le même projet appelle également à renforcer la transparence
des contacts avec les lobbyistes, à réviser le
Code
de conduite des députés européens et à porter la «période d’attente»
des députés et des commissaires européens à trois ans, à mettre
en œuvre les recommandations du Médiateur relatives aux groupes
d’experts et à améliorer l’accès des députés et des citoyens européens
aux documents de la Commission (y compris ceux visant les négociations
commerciales), ainsi qu’à accorder l’accès aux documents relatifs
aux «trilogues». Le projet de résolution considère également que
le Règlement (CE) no 1049/2001 devrait
être mis à jour et s’appliquer à l’ensemble des institutions, organes,
bureaux et agences de l’Union européenne n’étant pas encore couverts,
par exemple le Conseil européen, la Banque centrale européenne,
la Cour de justice européenne, Europol et Eurojust.
4.3. Au sein des Etats membres
58. Selon le rapport susmentionné
de Transparency International
,
tel qu’il a été publié le 15 avril 2015, 58 % des citoyens de l’Union
européenne estiment que le gouvernement de leur pays est largement
ou totalement contrôlé par quelques gros intérêts. La vaste majorité
des 19 pays européens examinés (l’étude englobait également les
trois institutions de l’Union européenne)
ne
disposent ni d’une réglementation complète relative au lobbying
ni d’un mécanisme permettant de répertorier les contacts entre lobbyistes
et décideurs, à la différence de ce qui se passe au Canada et aux
Etats-Unis. Sept d’entre eux seulement
sont dotés
d’une réglementation spécifique relative au lobbying, laquelle pêche
souvent par son caractère lacunaire ou inadapté ou bien pose problème
au niveau de sa mise en œuvre. La Slovénie a obtenu le meilleur
score (50 %), tandis que les pays frappés par la crise financière
(Chypre, Espagne, Italie et Portugal, ainsi que la Hongrie), figurent
en bas du classement. Dix pays seulement ont opté pour un système
basé sur un registre. Dans une partie d’entre eux, l’inscription
est obligatoire (Autriche, Irlande, Lituanie, Pologne, Royaume-Uni
et Slovénie), tandis que dans les autres elle est facultative et
ne concerne que certaines institutions (France et Pays-Bas) ou bien
ne s’impose qu’au niveau infranational (Espagne et Italie). Transparency
International regrette également que les codes de conduite en place
soient fréquemment incomplets et n’énoncent pas suffisamment de
consignes sur la manière de se comporter face à des tiers pratiquant
du lobbying.
59. L’étude de 2015 décrite plus haut ne concernait que 19 Etats
membres de l’Union européenne. Deux années plus tôt, au sein du
Conseil de l’Europe, la Commission de Venise avait procédé à une
comparaison analogue dont les conclusions figurent dans le rapport
susmentionné sur «Le rôle des acteurs extra-institutionnels dans
un régime démocratique». Elle relève que 10 pays au sein du Conseil
de l’Europe se sont déjà dotés de règles légales en matière de lobbying:
l’Allemagne, l’Autriche, la France, la Géorgie, la Hongrie, deux
régions d’Italie (
Consiglio regionale
della Toscana et
Regione Molise),
«l’ex-République yougoslave de Macédoine», la Lituanie, la Pologne
et la Slovénie. Au moment de la rédaction du présent rapport, d’autres Etats
membres de l’Organisation travaillaient à l’élaboration d’une réglementation
pertinente: la Croatie, le Danemark, l’Irlande, le Monténégro, le
Royaume-Uni, la Serbie, la République tchèque et l’Ukraine. Parmi
les Etats ayant le statut d’observateur au Conseil de l’Europe,
les Etats-Unis, ainsi que six des dix provinces canadiennes, ont
adopté une réglementation dans ce domaine. Il en va de même d’Israël
(qui jouit d’un statut d’observateur à l’Assemblée). Une autre étude
a été réalisée par le Centre européen de recherche et de documentation
parlementaire en décembre 2012, mais elle ne couvrait que 32 Etats
membres du Conseil de l’Europe
.
60. Sur la base de plusieurs études consacrées à cette réglementation,
on peut distinguer entre trois systèmes caractérisés par leur nature
plus ou moins restrictive. Alors que les Etats membres du Conseil
de l’Europe ont pour la plupart opté pour un système peu restrictif
(l’Allemagne, la France et la Pologne) ou moyennement restrictif
(la Hongrie, la Lituanie, ainsi que le Canada et certains Etats
des Etats-Unis), une partie des Etats des Etats-Unis d’Amérique
ont opté pour un système très restrictif. Selon la Commission de Venise,
les institutions européennes – à savoir le Parlement et la Commission –
ont adopté des systèmes peu restrictifs.
5. Conclusion
61. Le lobbying est une activité
légitime, mais en pratique il est souvent associé au secret, au
nombre disproportionné de lobbyistes, à un accès privilégié aux
décideurs et à des conflits d’intérêts. Le lobbying malhonnête et
secret ne saurait être toléré et il importe de dénoncer et de sanctionner
tout acte répréhensible dans ce domaine. Il convient de poursuivre
les efforts et de continuer à intégrer les valeurs et les normes
du Conseil de l'Europe au sein des Etats membres.
62. Trop d’exemples illustrent le fait que les institutions de
l’Union européenne sont constamment ciblées par des lobbyistes dont
la plupart travaillent pour de grandes entreprises multinationales.
Les activités des intéressés manquent de transparence et leurs ressources
dépassent de loin celles des autres groupes d’intérêts comme les
associations de consommateurs ou les syndicats.
63. L’Union européenne doit déployer plus d’efforts pour assurer
la transparence et l’ouverture de ses institutions, dans la mesure
où sa législation a un énorme impact sur la vie quotidienne des
citoyens européens. Cela est d’une importance cruciale, au vu du
long débat ainsi que, hélas, de l’image croissante du «déficit démocratique»
au sein de l’Union européenne. En même temps, les valeurs de la
démocratie et de la bonne gouvernance, qui sont inscrites dans le
droit de l’Union européenne et sur lesquelles cette dernière est fondée,
inspirent plusieurs nations, citoyens et mouvements démocratiques
en Europe et dans le monde entier. Les «cartes du lobbying» respectives
de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe ou des autres organisations
internationales ne se prêtent pas à des comparaisons, compte tenu
des enjeux spécifiques à chacune de ces entités. Dans le cadre de
la mise en œuvre de son marché intérieur, l’Union européenne dispose
de pouvoirs législatifs qui affectent à la fois les consommateurs
et les acteurs économiques, y compris les grosses entreprises internationales.
Il est clair que pour rester proche de ses citoyens et assumer les obligations
découlant des traités, elle devrait veiller davantage à sa transparence
et à son ouverture.
64. Mon rapport porte uniquement sur les institutions du Conseil
de l'Europe et les trois institutions de l’Union européenne, même
si, bien entendu, des informations ont aussi fait état d’un manque
de transparence dans d’autres institutions, organes, agences ou
offices. Les réformes entreprises au sein de l’Union européenne
au cours des dernières années ont permis certaines améliorations
sous l’angle de la transparence, de l’accès aux documents et de
l’évitement des conflits d’intérêts. Le Registre de transparence a
été remodelé, un code de conduite à l’intention des commissaires
a été adopté et les lobbyistes non enregistrés ne sont plus autorisés
à rencontrer des commissaires et certains autres hauts fonctionnaires européens.
Cependant, de nombreuses lacunes ont été détectées à la suite des
enquêtes menées par le Médiateur européen sur des questions telles
que les trilogues, la visibilité des négociations TTIP, la composition
des groupes d’experts de la Commission européenne, l’influence de
l’industrie du tabac ou bien les stratégies basées sur la pratique
de «pantouflage». En ce qui concerne cette dernière, aucune règle
n’a encore été adoptée concernant les anciens députés européens
engagés à des postes influents au sein du secteur privé. Les institutions
de l’Union européenne devraient mettre en œuvre les recommandations
du Médiateur européen relatives à la transparence, à l’évitement
des conflits d’intérêts et à la garantie de l’accès aux documents.
Elles pourraient également améliorer encore le Registre de transparence
commun, notamment en l’élargissant au Conseil de l’Union européenne,
en rendant l’enregistrement obligatoire et en introduisant des sanctions
en cas de défaut d’enregistrement ou de fourniture de données inexactes;
elles pourraient également publier des empreintes législatives,
de manière à pouvoir suivre tous les commentaires reçus visant à
influencer la législation et les politiques de l’Union européenne,
et modifier le code de conduite du Parlement européen en imposant
une «période d’attente» aux députés sortants. En ce qui concerne
l’accès aux documents publics, le Règlement (CE) no 1049/2001
est obsolète et devrait être révisé afin de s’appliquer également
aux autres institutions, organes, offices et agences de l’Union
européenne; cette dernière devrait aussi envisager d’adhérer à la
Convention du Conseil de l'Europe sur l’accès aux documents publics.
En outre, l’adhésion de l’Union européenne au GRECO étant toujours
en cours, il faudrait accélérer les négociations à ce sujet.
65. Bien que le présent rapport n’ait pas vocation à analyser
la situation dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, il convient
de noter que rares sont lesdits Etats dotés d’un cadre réglementaire
relatif aux activités de lobbying et prévoyant notamment un registre
de transparence: un problème auquel nos parlements nationaux devraient
peut-être s’intéresser de plus près. La Convention du Conseil de
l’Europe sur l’accès aux documents publics n’a été ratifiée que
par quelques Etats membres. L’Assemblée, les parlements nationaux et
le Comité des Ministres devraient redoubler d’efforts pour promouvoir
cet instrument juridique et appeler à sa ratification. Il en va
de même pour ce qui est de promouvoir la ratification et la mise
en œuvre des conventions et recommandations du Conseil de l’Europe
relatives à la lutte contre la corruption, ainsi que la mise en
œuvre des recommandations du GRECO.
66. A la suite des recommandations antérieures de l’Assemblée,
lesquelles remontent à 2010, le Comité des Ministres a entamé l’élaboration
d’un instrument juridique réglementant les activités de lobbying. Aujourd’hui,
six années plus tard, l’Assemblée devrait instamment prier le Comité
de finaliser ce travail et elle pourrait également proposer d’entreprendre
une étude comparative de la réglementation desdites activités dans
les Etats membres du Conseil de l’Europe, compte tenu du peu d’informations
dont nous disposons sur cette question. Le Comité des Ministres
devrait également, à mon avis, réfléchir au rôle des acteurs extra-institutionnels
au sein du Conseil de l’Europe et se poser la question de savoir
s’il serait pertinent de prendre des mesures pour réglementer les
activités des intéressés. L’Assemblée aussi pourrait se pencher
sur ce sujet, dans la mesure où elle est elle-même soumise à l’influence
de divers groupes d’intérêts, même s’il faut avouer que l’ampleur
de ce phénomène n’est pas comparable à celle des activités de lobbying
exercées au sein des institutions de l’Union européenne. Bien que
l’Assemblée ait adopté diverses règles relatives à l’évitement des conflits
d’intérêts et à la promotion de la bonne conduite de ses membres,
elle devrait aussi réfléchir à la manière d’appliquer efficacement
ces règles et avoir plus souvent recours aux sanctions disciplinaires
prévues par son Règlement. Elle pourrait créer une sorte de «registre
de transparence» en vue de garder une trace des contacts que ses
membres auraient avec différents interlocuteurs externes, dont les
ONG ou d’autres groupes, pendant les parties de session à Strasbourg.
Les affaires de lobbying affectant certains secteurs d’activité
très particuliers pourraient faire l’objet d’enquêtes menées par
d’autres commissions de l’Assemblée dotées d’un mandat plus spécifique
(je pense, par exemple, à la commission des questions sociales,
de la santé et du développement durable en ce qui concerne la pandémie
H1N1).
67. La trajectoire d’ensemble des institutions de l’Union européenne
et des Etats membres du Conseil de l’Europe en matière de réglementation
du lobbying est encourageante, même si leurs efforts ne sont pas encore
véritablement efficaces. Ses institutions et ses Etats devraient
travailler à définir une approche plus large prenant en considération
les questions de transparence et d’accès aux documents, ainsi que
d’égalité des possibilités de lobbying, tout en se dotant d’un cadre
réglementaire plus complet. Cependant, tout progrès réel dans ce
domaine suppose une volonté politique.
68. En l’absence d’une réglementation appropriée, il est impossible
d’assurer la transparence du processus législatif. Les demi-mesures
ne donnent pas véritablement ou suffisamment satisfaction, comme
le prouvent par exemple les résultats mitigés des modestes réformes
entreprises au cours des dernières années au sein de l’Union européenne.
C’est pourquoi le Conseil de l'Europe, ses Etats membres et les
institutions de l’Union européenne devraient continuer à adopter
des mesures dans ce domaine.