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Résolution 2122 (2016)

La détention administrative

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 22 juin 2016 (24e séance) (voir Doc. 14079, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur: Lord Richard Balfe). Texte adopté par l’Assemblée le 22 juin 2016 (24e séance).

1. L’Assemblée parlementaire souligne l’importance du droit à la liberté et à la sûreté, garanti par l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5, «la Convention»). Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas énoncés dans la liste exhaustive de l’article 5.1.
2. Rappelant sa Résolution 1707 (2010) sur la rétention administrative des demandeurs d’asile et des migrants en situation irrégulière en Europe, l’Assemblée souligne que, en vertu de l’article 5.1.f de la Convention, la rétention administrative liée à l’immigration est uniquement autorisée dans un cadre juridique précis et accessible, qui garantit que cette rétention poursuit un objectif d’application rapide de la procédure et respecte les normes de protection, comme la sécurité juridique (notamment la durée maximale) et le caractère nécessaire (un moyen employé en dernier ressort pour procéder au contrôle de l’entrée sur le territoire ou assurer une expulsion effective), tout cela sous l’autorité d’un tribunal.
3. L’Assemblée s’inquiète du fait que certains Etats membres ont recouru abusivement à la détention administrative pour réprimer les opposants politiques, obtenir des aveux en l’absence d’un avocat et/ou sous la contrainte, ou visiblement pour réprimer des manifestations pacifiques.
4. S’agissant de la détention administrative envisagée comme un instrument de prévention du terrorisme ou d’autres menaces qui pèsent sur la sécurité nationale, l’Assemblée:
4.1. rappelle que la détention purement préventive de personnes soupçonnées d’avoir l’intention de commettre une infraction pénale n’est pas autorisée par l’article 5 de la Convention, selon l’interprétation retenue par la Cour européenne des droits de l’homme;
4.2. souligne que l’article 2 du Protocole no 4 à la Convention (STE no 46) autorise la simple restriction (et non la privation) de liberté lorsque la sécurité nationale ou la sûreté publique et la prévention des infractions pénales l’exigent;
4.3. observe que la détention d’une personne soupçonnée de représenter une menace pour la sécurité nationale est autorisée sous la forme d’une détention provisoire lorsqu’il existe des motifs raisonnables de croire que cette personne a déjà commis une infraction pénale, notamment l’une des infractions spécifiques qui incriminent certains actes préparatoires de crimes particulièrement graves ou des actes qui visent à soutenir des activités terroristes, par exemple le financement d’une organisation terroriste ou la propagande ou le recrutement en sa faveur.
5. L’Assemblée appelle par conséquent l’ensemble des Etats membres concernés à s’abstenir:
5.1. d’utiliser la détention administrative comme un moyen de gestion des migrations, au-delà des objectifs limités autorisés par l’article 5 de la Convention;
5.2. de placer les opposants politiques, les militants de défense des droits de l’homme ou les journalistes en détention administrative, dans le but de les contraindre ou de les persuader par d’autres moyens d’avouer une infraction pénale;
5.3. de placer les participants à une manifestation pacifique ou les personnes qui ont l’intention d’y participer en détention administrative, dans le but de les empêcher de prendre part à une manifestation spécifique ou de les dissuader de participer à l’avenir à de telles manifestations.
6. L’Assemblée encourage tous les Etats membres à faire usage des instruments respectueux des droits de l’homme dont ils disposent pour protéger la sécurité nationale ou la sûreté publique, ainsi que pour prévenir les infractions pénales, notamment les actes de terrorisme. L’Assemblée recommande en particulier:
6.1. de recourir aux restrictions de liberté qui ne sont pas assimilables à une détention, comme le fait d’interdire aux personnes soupçonnées de représenter un risque pour la sécurité nationale de se rendre en certains lieux, voire de les obliger à demeurer dans une zone donnée, afin de perturber des activités potentiellement dangereuses; ces restrictions peuvent être appliquées, si besoin est, au moyen de dispositifs de surveillance électronique;
6.2. d’adopter, si besoin est, et de faire systématiquement respecter une législation qui criminalise certains actes préparatoires de crimes particulièrement graves ou les actes qui visent à soutenir les activités terroristes, par exemple le financement d’une organisation terroriste ou la propagande ou le recrutement en sa faveur, comme le prévoient la Convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme et son Protocole additionnel (STCE nos 196 et 217).
7. L’Assemblée invite instamment tous les Etats membres, lorsqu’ils appliquent les mesures de substitution à la détention administrative spécifiées au paragraphe 6 ci-dessus, à faire preuve de la plus grande retenue.
8. L’Assemblée souligne en particulier que toutes les restrictions à la liberté doivent:
8.1. se fonder sur une autorisation légale claire et prévisible qui garantisse leur caractère nécessaire, dans une société démocratique, à la poursuite d’un but légitime;
8.2. respecter le principe de non-discrimination, pour tous les motifs précisés dans la Convention européenne des droits de l’homme et ses protocoles;
8.3. être susceptibles de contestation en temps utile devant un tribunal, comme le précise l’article 5 de la Convention;
9. Les dispositions de droit pénal qui visent à sanctionner les actes préparatoires et les autres actes accessoires destinés à soutenir le terrorisme doivent respecter les exigences de l’article 7 de la Convention (pas de peine sans loi); elles doivent notamment être claires et prévisibles. Toute détention provisoire ordonnée en application de ces dispositions doit respecter les principes énoncés par l’Assemblée dans sa Résolution 2077 (2015) sur l’abus de la détention provisoire dans les Etats parties à la Convention européenne des droits de l’homme.