1. Introduction
1. La proposition de résolution
«Coopération avec la Cour pénale internationale: pour un engagement étendu
et concret» a été renvoyée à la commission des questions juridiques
et des droits de l’homme pour rapport le 27 novembre 2015. Lors
de sa réunion du 26 janvier 2016, la commission m’a désigné rapporteur. Elle
a procédé, le 17 mai 2016 à Rome, à une audition à laquelle ont
participé Mme Silvia Alejandra Fernández de
Gurmendi, présidente de la Cour pénale internationale (La Haye),
et M. David Donat Cattin, secrétaire général d’Action mondiale des
parlementaires (New York).
2. La proposition de résolution, qui se réfère à la
Résolution 1644 (2009) sur la coopération avec la Cour pénale internationale
(CPI) et l’universalité de cette instance, souligne la volonté de
l’Assemblée de coopérer avec la Cour pénale internationale (ci-après
«CPI» ou «la Cour»). Elle met également en avant ses défaillances,
à commencer par l’absence d’avancées sur le plan de la ratification
universelle du Statut de Rome et de sa transposition effective en
droit interne. Elle attire par ailleurs l’attention sur le fait
que le système de la CPI ne dispose pas de police ni de force publique,
ce qui entrave son efficacité, sur les propositions visant à rétablir
l’immunité des chefs d’Etat, ainsi que sur le manque de coopération
d’autres organisations. Selon les auteurs de la proposition, l’Assemblée
devrait:
- procéder à une évaluation
de la ratification et de la mise en œuvre de la Résolution 1644 (2009) par les Etats membres du Conseil de l’Europe;
- sur la base de cette évaluation, formuler des recommandations
à l’intention des Etats membres sur les lacunes de leur coopération
avec la Cour pénale internationale;
- formuler des recommandations aux membres afin qu’ils considèrent
la Cour pénale internationale comme une juridiction complémentaire
et mettent en place les moyens nécessaires au niveau national pour
lutter contre l’impunité des crimes sous compétence de la Cour.
3. Il convient de rappeler que le Conseil de l’Europe, et en
particulier l’Assemblée et la Commission européenne pour la démocratie
par le droit (Commission de Venise), a été l’un des principaux partisans
de la création de la CPI. La Commission de Venise a procédé à une
analyse extrêmement pertinente des questions constitutionnelles
soulevées par la ratification du
Statut
de Rome de la CPI («Statut de Rome»).
L’Assemblée avait appelé à plusieurs reprises à la création de la
CPI (par exemple dans sa
Recommandation
1189 (1992) sur la création d'un tribunal international pour juger
les crimes de guerre et sa
Recommandation
1408 (1999) sur la Cour pénale internationale, et, par la suite,
à la ratification du Statut de Rome et à la coopération pleine et
entière avec la Cour (
Résolution
1300 (2002) sur les risques pour l’intégrité du Statut de la Cour
pénale internationale et
Résolution
1336 (2003) sur les menaces qui pèsent sur la Cour pénale internationale).
4. Dans sa dernière résolution consacrée à cette question, la
Résolution 1644 (2009), l’Assemblée a réaffirmé sa conviction que «la ratification
universelle du Statut de Rome et son incorporation effective dans les
systèmes internes, ainsi qu’une coopération étroite des Etats Parties
et non Parties, sous la forme d’une assistance pratique et judiciaire
fournie à la CPI, sont d’une importance capitale pour la lutte contre
l’impunité». Elle a invité les Etats membres et observateurs du
Conseil de l’Europe et les Etats observateurs auprès de l’Assemblée
qui ne l’avaient pas encore fait, à signer et à ratifier sans plus
tarder le Statut de Rome et l’Accord sur les privilèges et immunités
de la CPI; à adopter une législation nationale effective pour transposer
en droit interne le Statut de Rome et à protéger son intégrité.
Au moment de l’adoption de cette résolution, huit Etats membres
du Conseil de l’Europe (Arménie, Azerbaïdjan, République de Moldova,
Monaco, Fédération de Russie, République tchèque, Turquie et Ukraine),
un Etat observateur du Conseil de l’Europe (Etats-Unis) et un Etat
ayant le statut d’observateur auprès de l’Assemblée (Israël) ne
l’avaient pas encore ratifié. L’Assemblée a également recommandé
aux Etats membres et observateurs du Conseil de l’Europe et aux Etats
observateurs auprès de l’Assemblée de coopérer pleinement avec la
CPI, «de donner à leurs autorités judiciaires et répressives les
moyens nécessaires à l’exercice de la juridiction première appartenant
aux Etats à l’égard des crimes relevant de la compétence de la CPI»,
de contribuer financièrement à son Fonds au profit des victimes
et à incorporer dans leur ordre juridique les normes pertinentes
relatives aux droits des victimes.
5. Selon les auteurs de la proposition de résolution précitée,
la plupart des recommandations énoncées par la
Résolution 1644 (2009) de l’Assemblée n’ont pas été mises en œuvre et doivent
être réexaminées. Le présent rapport vise par conséquent à rappeler
le caractère et le rôle sans équivalent de la CPI, à examiner les
modifications apportées au Statut de Rome depuis 2009, ainsi qu’à
dresser le bilan des ratifications et des principales difficultés
auxquelles se heurte le fonctionnement de la CPI.
6. Depuis l’adoption de la
Résolution
1644 (2009), notre commission n’a pas consacré de nouveaux rapports
à cette question; pour autant, elle a eu connaissance des problèmes
soulevés dans ses textes antérieurs. Le 23 avril 2013, notre commission
a procédé à un échange de vues avec la présidente d’alors de l’Assemblée
des Etats Parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale,
Mme Tiina Intelmann. Au cours de cette
réunion, Mme Intelmann a déclaré que
la CPI avait besoin d’un soutien politique et que l’Assemblée était
parfaitement à même de le lui dispenser. Elle a appelé les Etats
Parties à établir un système national coordonné et intégré de coopération
avec la CPI et a demandé à l’Assemblée d’examiner si les crimes prévus
par le Statut de Rome figuraient dans les législations nationales.
7. Comme l’a souligné la présidente de la CPI, Mme Fernández
de Gurmendi, lors de l’audition organisée par la commission en mai
2016, la CPI connaît à présent une activité judiciaire sans précédent
et se doit d’améliorer son efficacité. Il lui faut également relever
un certain nombre de défis externes, comme l’absence d’universalité
du Statut de Rome, sa transposition en droit interne, l’indispensable
renforcement de la coopération des Etats et le soutien politique
nécessaire au respect de l’intégrité et de la légitimité de la CPI. L’absence
d’universalité du Statut de Rome compromet non seulement l’efficacité
de la Cour, mais également sa légitimité et pourrait avoir pour
conséquence d’entraîner la mise en place d’une justice sélective.
Nous allons à présent examiner ces défis et formuler les recommandations
qui s’imposent.
2. La CPI et les faits nouveaux survenus
depuis la Résolution
1644 (2009)
2.1. La
CPI
8. Bien que la création et la
compétence de la CPI aient été présentées en détail dans les précédents rapports
de notre commission
, il convient néanmoins de rappeler
les principales dispositions du
Statut
de Rome de la CPI.
9. La CPI a été instituée par le Statut de Rome, un traité international
négocié sous les auspices des Nations Unies. Le Statut de Rome a
été adopté le 17 juillet 1998 par 120 Etats et est entré en vigueur
le 1er juillet 2002, après le dépôt du
60e instrument de ratification le 11
avril 2002.
10. La CPI, dont le siège est à La Haye (Pays-Bas), ne fait pas
partie du système des Nations Unies; ces dernières dispensent néanmoins
une aide importante à la Cour et les deux organisations ont conclu
le 4 octobre 2004 un
Accord
négocié régissant les relations entre la Cour pénale internationale
et l’Organisation des Nations Unies. La CPI est la première institution judiciaire indépendante
permanente (c’est-à-dire qui n’a pas été créée pour un conflit particulier
et qui est indépendante vis-à-vis des Etats, des Nations Unies et
de tout autre entité) dont la compétence s’étend aux personnes accusées
des «crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté
internationale»: génocide, crimes contre l’humanité et crimes de
guerre (article 5 du Statut de Rome). Le Statut de Rome définit
ces crimes (articles 6-8), qui sont imprescriptibles (article 29).
La Cour sera également compétente pour connaître du crime d’agression
(mentionné à l’article 5.1.
d du
Statut de Rome) lorsque les conditions adoptées par la Conférence
de révision de Kampala (Ouganda) en 2010 seront réunies (voir plus
loin). L’article 10 du Statut de Rome précise que son chapitre II (compétence,
recevabilité et droit applicable) ne saurait être considéré comme
une codification ferme du droit international.
11. Le Statut de Rome (article 6) définit le «génocide» comme
«l'un quelconque des actes ci-après commis dans l'intention de détruire,
en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux,
comme tel: a) meurtre de membres du groupe; b) atteinte grave à
l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe; c) soumission
intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner
sa destruction physique totale ou partielle; d) mesures visant à
entraver les naissances au sein du groupe; e) transfert forcé d'enfants du
groupe à un autre groupe». La notion de «génocide» a fait son apparition
pour la première fois en 1944 à propos de l’holocauste. Bien qu’il
soit absent de
l’Accord
de Londres de 1945 (Accord concernant la poursuite et le châtiment
des grands criminels de guerre des Puissances européennes de l'Axe)
et du Statut du Tribunal militaire international (TMI), ce terme a été utilisé dans l’acte d’accusation
des procès de Nuremberg pour mieux définir les crimes commis par
le régime nazi et a finalement été reconnu à l’occasion de l’adoption,
par les Nations Unies en 1948, de la
Convention pour
la prévention et la répression du crime de génocide, qui distingue cette notion des autres types de crimes
fréquemment commis en temps de guerre. La définition donnée par
l’article 6 du Statut de Rome fait suite à celle de la Convention
des Nations Unies et des statuts du
Tribunal
pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et du
Tribunal
pénal international pour le Rwanda (TPIR). Pour ce qui est des éléments constitutifs subjectifs
de cette notion, le génocide doit comporter une double intention:
l’acte matériel doit être commis de manière intentionnelle, mais
surtout avec
l’intention particulière de
détruire totalement ou partiellement un groupe protégé. Le troisième
élément essentiel de la définition du génocide est celui de la notion
de «groupe» (national, ethnique, racial ou religieux).
12. L’article 7.1 du Statut de Rome définit le «crime contre l'humanité»
comme «l'un quelconque des actes ci-après lorsqu'il est commis dans
le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre
toute population civile et en connaissance de cette attaque»; il
énumère ainsi a) le meurtre; b) l’extermination; c) la réduction
en esclavage; d) la déportation ou le transfert forcé de population;
e) l’emprisonnement ou autre forme de privations graves de liberté
physique; f) la torture; g) le viol, l’esclavage sexuel, la prostitution
forcée, la grossesse forcée, la stérilisation forcée ou toute autre
forme de violence sexuelle de gravité comparable; h) la persécution;
i) les disparitions forcées de personnes; j) le crime d’apartheid;
ou k) les autres actes inhumains. Cette notion n’a longtemps pas
été définie; la charte constitutive du Tribunal militaire international en
a donné une définition, qui prévoit que les actes inhumains «commis
contre toutes populations civiles» (comme le meurtre, l’extermination,
la réduction en esclavage, la déportation ou les autres actes énumérés dans
cet instrument juridique) doivent être perpétrés «avant ou pendant
la guerre». Elle a été étoffée par les statuts des TPIY et TPIR;
alors que le Statut du TPIY limite les crimes contre l’humanité
à ceux qui sont «commis au cours d’un conflit armé, de caractère
international ou interne»
,
le Statut du TPIR a déjà supprimé cette exigence
. Le Statut de Rome a remplacé
le lien avec un conflit armé par un nouvel élément: afin d’obtenir
la qualification de crime contre l’humanité, les actes en question
doivent être commis dans le cadre d’une «attaque généralisée ou
systématique lancée contre toute population civile»
. La définition du Statut de Rome énonce
à ce jour la liste la plus étendue d’actes criminels précis susceptibles
de constituer des crimes contre l’humanité
et traduit le consensus le plus récent
de la communauté internationale sur cette question
.
13. L’article 8.2 du Statut de Rome définit les «crimes de guerre»
comme les «infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août
1949» et énonce une liste d’actes constitutifs de ces crimes au
point
a), ainsi que «les autres
violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits
armés internationaux dans le cadre établi du droit international»,
au point
b). La définition
du Statut de Rome renvoie au droit coutumier et englobe les crimes
commis non seulement dans les conflits armés internationaux, mais
également dans les conflits armés qui ne présentent pas de caractère
international
.
14. La CPI est uniquement compétente pour les crimes commis après
l’entrée en vigueur du Statut de Rome pour un Etat donné et, en
tout état de cause, après le 1er juillet
2002, date de son entrée en vigueur. Toutefois, les Etats qui le
ratifient peuvent décider, s’ils le souhaitent, de faire une déclaration
auprès du greffier de la CPI dans laquelle ils acceptent la compétence
de la Cour pour les crimes commis après le 1er juillet
2002. Cette déclaration peut être faite même si un Etat n’a pas
encore décidé de ratifier le Statut de Rome. Les crimes antérieurs
qui perdurent, comme les disparitions forcées, relèvent uniquement
de la compétence de la Cour s’ils ont eu lieu après l’entrée en
vigueur du Statut de Rome dans l’Etat concerné, ce qui confère à
la Cour compétence à l’égard du territoire ou du ressortissant concerné.
Le Statut de Rome repose sur les principes de territorialité et
de compétence personnelle active (article 12.2).
15. Le système de la CPI repose sur le principe de la complémentarité,
qui confère aux Etats la capacité d’enquêter sur les crimes précités
et d’engager des poursuites à l’encontre de leurs auteurs, la CPI
n’exerçant sa compétence qu’en dernier ressort. Les Etats conservent
leur compétence première de jugement des génocides, des crimes de
guerre et des crimes contre l’humanité. La CPI peut uniquement agir
lorsque les juridictions nationales n’ont «pas la volonté» ou sont
dans «l’incapacité» de mener véritablement à bien l’enquête ou les
poursuites (voir l’article 17 du Statut de Rome, «Questions relatives
à la recevabilité»). Le fait de protéger une personne contre l’engagement
de poursuites à son encontre ou l’absence de moyens permettant l’engagement
de poursuites à l’encontre des criminels supposés sont autant de
facteurs objectifs que la Cour apprécie lorsqu’elle est amenée à
se prononcer sur la recevabilité d’une affaire, dans le cadre d’une
procédure qui permet aux Etats de contester la recevabilité de l’affaire
devant la CPI.
16. Sa compétence s’applique seulement aux crimes commis sur le
territoire d’un Etat Partie ou par l’un de ses ressortissants, sauf
si le procureur a été saisi d’une affaire par le Conseil de sécurité
des Nations Unies (voir plus loin) ou si un Etat a fait une déclaration
par laquelle il accepte la compétence de la Cour
. Cette compétence s’applique également
à l’ensemble des personnes, sans distinction fondée sur la qualité
officielle (chef d’Etat ou de gouvernement, membre d’un gouvernement
ou d’un parlement, élu ou agent public); les immunités ou les dispositions
particulières attachées à la qualité officielle d’une personne ne
permettent pas à cette dernière d’échapper à la compétence de la
CPI (voir l’article 27 du Statut de Rome). Les supérieurs hiérarchiques
ou les chefs militaires peuvent être tenus responsables des crimes
commis par les personnes placées sous leur commandement et leur
contrôle effectifs ou sous leur autorité et leur contrôle effectifs
(article 28 du Statut de Rome).
17. Le droit appliqué par la CPI est compatible avec les droits
de l’homme internationalement reconnus (article 21 du Statut de
Rome) et le Statut de Rome réaffirme les grands principes du droit
pénal, comme la non-rétroactivité de la loi, la responsabilité pénale
individuelle, les principes non bis in
idem (nul ne peut être poursuivi deux fois pour les mêmes
faits), nullum crimen, nulla poena sine
lege (principe de la légalité de l’infraction et des
peines) (articles 20 et 22 à 24). La
présomption d’innocence et les droits de l’accusé, notamment le
droit à un procès public, impartial et équitable et le droit à ce
que sa défense soit assurée, sont consacrés, respectivement, aux
articles 66 et 67 du Statut de Rome.
18. Le Statut de Rome énonce les principes généraux et les procédures
applicables au fonctionnement de la Cour. Il fixe également les
obligations de coopération de ses Etats Parties (Partie IX). Cette
coopération est capitale pour l’arrestation des personnes recherchées
par la CPI, la fourniture des éléments de preuve utilisés dans le
cadre de la procédure, la réinstallation des témoins et l’exécution
des peines infligées aux personnes condamnées. La coopération peut
également provenir des Etats tiers.
19. La CPI se compose de 18 juges, élus par l’Assemblée des Etats
Parties; principal administrateur et corps législatif de la Cour,
elle est composée des représentants des Etats Parties au Statut
de Rome. La Cour compte quatre organes: la Présidence (le/la président(e)
et deux vice-président(e)s), les Chambres (la Section préliminaire,
la Section de première instance ou la Section des appels), le Bureau
du Procureur et le Greffe.
20. La CPI peut ouvrir une enquête ou engager des poursuites de
trois manières distinctes (article 13.
a,
b et
c du
Statut de Rome):
a. si un Etat Partie
au Statut de Rome renvoie au procureur une situation, sous réserve
que la Cour ait compétence à l’égard du territoire ou des ressortissants
d’un ou plusieurs Etats Parties (article 12.1) ou des Etats tiers
qui ont accepté la compétence de la Cour (article 12.3);
b. si le Conseil de sécurité des Nations Unies demande au
procureur d’ouvrir une enquête indépendamment des conditions préalables
à l’exercice de la compétence de la Cour prévues à l’article 12
du Statut de Rome (ce qui autorise de
jure le Conseil de sécurité à attribuer à la Cour une compétence
universelle de principe, étant entendu que le procureur et les juges
conservent leur pleine indépendance dans le choix des affaires,
dans le cadre du renvoi de la situation à la Cour);
c. sur la propre initiative du procureur (proprio motu), sur la base d’informations
communiquées par des sources fiables et avec l’autorisation de la
Section préliminaire, sous réserve que la Cour ait compétence à
l’égard des territoires ou des ressortissants d’un ou plusieurs
Etats Parties (article 12.1 du Statut de Rome) ou des Etats tiers
qui ont accepté la compétence de la Cour (article 12.3 du Statut
de Rome).
21. Les droits des victimes à être Parties à la procédure devant
la CPI (y compris pour déposer en qualité de témoins, sans perdre
leur droit d’exposer leur point de vue et de présenter leurs griefs,
de bénéficier d’une aide juridictionnelle et d’être représentés
par un avocat) et de demander réparation sont pleinement consacrés par
le Statut de Rome (en particulier ses articles 68 et 75) et par
le
Règlement
de procédure et de preuve. Une Unité d’aide aux victimes et aux témoins a été
mise en place au sein du Greffe en vue d’assurer la protection des
témoins et des victimes qui comparaissent devant la Cour. En outre,
un Bureau du conseil public pour les victimes a été créé pour assister
les victimes et/ou leurs représentants légaux parties à la procédure.
22. Les Etats Parties au Statut de Rome ont également mis en place
un Fonds au profit des victimes (article 79 du Statut de Rome),
afin de «soutenir et mettre en œuvre les programmes qui visent à
réparer les préjudices causés par les génocides, les crimes contre
l’humanité et les crimes de guerre»
. Le Fonds a deux attributions: 1)
il exécute l’ordonnance de réparation et met en œuvre les principes
énoncés par la Cour, surtout lorsque la personne condamnée ne possède
pas d’actifs suffisants pour se conformer à l’ordonnance de réparation
et à ses principes; et 2) il dispense une assistance et une aide
provisoires aux victimes et à leur famille avant l’achèvement de
l’enquête, des poursuites ou du procès dans une situation qui relève
de la compétence de la Cour. Le Fonds au profit des victimes est
principalement financé par les contributions volontaires des Etats
Parties au Statut de Rome, mais il peut également bénéficier d’autres
contributions versées par les particuliers, les entreprises, les
organisations internationales et d’autres entités, y compris les Etats
tiers. La CPI est financée par les Etats Parties, au moyen de quotes-parts
obligatoires. Les Nations Unies financent également la Cour, notamment
en lien avec les renvois du Conseil de sécurité.
23. L’Accord
sur les privilèges et immunités de la Cour (APIC), signé à New York le 9 septembre 2002, est entré
en vigueur le 22 juillet 2004. Comme la CPI est une organisation
internationale indépendante des Nations Unies, elle ne bénéficie
pas des privilèges et immunités que les membres des Nations Unies
ont octroyés aux agents et aux biens des Nations Unies. C’est la
raison pour laquelle l’APIC est un élément essentiel du système de
la CPI, sur lequel repose le statut juridique qui permet aux agents
de la Cour de mener leurs enquêtes efficacement, de protéger les
victimes, les témoins et les avocats de la défense, ainsi que d’assurer
la confidentialité et la sécurité des documents, des éléments et
des informations traités par la CPI sur le territoire de ses Etats
Parties, en leur qualité de fonctionnaires d’une juridiction internationale.
2.2. Les
amendements de Kampala
24. Les Etats Parties au Statut
de Rome se sont réunis à Kampala (Ouganda) du 31 mai au 11 juin
2010 dans le cadre de la 1e Conférence
de révision du Statut de Rome, qui devait être convoquée sept ans
après son entrée en vigueur. La Conférence de révision a adopté
de manière consensuelle deux résolutions qui modifient la liste
des crimes relevant de la compétence de la Cour.
25. La
Résolution 5 de la Conférence de révision a modifié l’article 8.2 du Statut de Rome sur les crimes
de guerre. Elle a étendu le champ d’application de cet article,
en incriminant l’emploi, en situation de conflit armé non international:
- de poison ou d’armes empoisonnées;
- de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires, ainsi que
de tous liquides, matières ou procédés analogues;
- de balles qui s’épanouissent ou s’aplatissent facilement
dans le corps humain (les balles «dum dum»).
26. Cet amendement, connu également sous le nom de «l’amendement
belge», comble une importante lacune du Statut de Rome, qui interdisait
jusqu’alors l’emploi de ces armes uniquement dans les conflits internationaux.
Il favorise ainsi la protection des civils, qui figure au cœur du
droit humanitaire international, et incorpore un principe coutumier
en vigueur, qui étend également aux conflits non internationaux
l’incrimination de l’utilisation de ces armes. L’amendement entre
en vigueur pour les Etats Parties qui l’ont accepté dans un délai
d’un an à compter du dépôt de leur instrument de ratification (conformément
à l’article 121.5 du Statut de Rome).
27. La
Résolution 6 de la Conférence de révision renvoie à l’article 5.2 du Statut de Rome, qui impose
de prévoir une définition du crime d’agression, ainsi que la procédure
en vertu de laquelle la Cour exercerait sa compétence à l’égard
de ce crime. Sur la base de cet amendement, un nouvel article 8
bis a été inséré dans le Statut
de Rome. En vertu de son paragraphe 1, on entend par «crime d’agression»
(que reconnaissait déjà l’article 6 de la charte du Tribunal militaire
international) «la planification, la préparation, le lancement ou l’exécution
par une personne effectivement en mesure de contrôler ou de diriger
l’action politique ou militaire d’un Etat, d’un acte d’agression
qui, par sa nature, sa gravité et son ampleur, constitue une violation
manifeste de la Charte des Nations Unies». Cet amendement vise par
conséquent à amener les dirigeants des Etats qui ont commis des
«actes d’agression» à répondre de leurs actes; ces actes d’agression
sont définis au paragraphe 2 de l’article 8
bis, comme
«l’emploi par un Etat de la force armée contre la souveraineté,
l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre
Etat, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des
Nations Unies.»; cette même disposition énumère, dans sa deuxième
phrase, les actes qui, qu’il y ait ou non déclaration de guerre,
sont des actes d’agression au regard de la Résolution 3314 (XXIX)
de l’Assemblée générale des Nations Unies du 14 décembre 1974 (comme
l’invasion ou l’attaque par les forces armées d’un Etat du territoire
d’un autre Etat).
28. La CPI peut uniquement exercer sa compétence à l’égard des
crimes d’agression dans un délai d’un an à compter du dépôt par
30 Etats Parties de leurs instruments de ratification. L’Assemblée
des Etats Parties doit ensuite prendre une décision supplémentaire
pour activer la compétence de la Cour; cela ne pourra être fait
qu’après le 1er janvier 2017, soit par
consensus, soit à la majorité des deux tiers au moins des Etats
Parties. La première exigence a été satisfaite le 26 juin 2016,
lorsque la Palestine a déposé le 30e instrument
de ratification de l’amendement de Kampala. L’Assemblée des Etats
Parties peut en conséquence prendre la décision d’activer la compétence
de la Cour à compter du 1er janvier 2017.
29. Les Etats Parties prendraient ainsi une mesure importante,
car, une fois en vigueur, ces modifications établiront pour la première
fois dans l’histoire de l’humanité un régime permanent de responsabilité
pénale internationale, qui vise à faire respecter le principe le
plus fondamental qui régisse la coexistence pacifique des Etats:
l’interdiction des formes les plus graves de recours illégal et
agressif à la force. La compétence de la Cour à l’égard du crime
d’agression assurera dans une certaine mesure, pour la première
fois depuis les procès de Nuremberg et de Tokyo, l’engagement d’une
responsabilité pénale à l’échelon international pour ce «crime suprême».
30. Les amendements relatifs au crime d’agression comportent d’importants
éléments:
a. aucune compétence à
l’égard des Etats qui ne sont pas Parties au Statut de Rome: le
paragraphe 5 de l’article 15bis (ajouté
par la Résolution 6 de la Conférence de révision) exclut les Etats
tiers en leur qualité d’Etats agresseurs et victimes potentiels,
sauf en cas de renvoi d’une situation par le Conseil de sécurité;
b. le rôle du Conseil de sécurité des Nations Unies: le Conseil
de sécurité n’est pas tenu de se prononcer activement sur l’existence
d’un acte d’agression ni d’autoriser l’enquête de la CPI pour que
la Cour puisse agir.
31. Le Conseil de sécurité, après avoir été informé par le procureur
de son intention d’ouvrir officiellement une enquête, peut constater
l’existence d’un acte d’agression. Ce constat est une condition
suffisante, mais pas nécessaire, pour que l’enquête soit ouverte.
Le procureur doit laisser au Conseil de sécurité un délai de six
mois pour constater l’acte d’agression. Mais l’action de la CPI
ne dépend pas de celle du Conseil de sécurité, car si ce dernier
ne constate pas l’acte d’agression, le procureur peut ouvrir une
enquête, sous réserve que les juges de la Section préliminaire lui
en donnent l’autorisation.
2.3. Les
enquêtes ouvertes devant la CPI
32. Depuis l’entrée en vigueur
du Statut de Rome et l’entrée en activité de la Cour, 23 affaires
ont été introduites devant la Cour au sujet de 10 situations
. A ce jour, quatre Etats Parties
au Statut de Rome ont renvoyé devant la CPI des situations survenues
sur leur territoire: l’Ouganda, la République démocratique du Congo,
la République centrafricaine
et le Mali. Le Conseil de sécurité
des Nations Unies a renvoyé devant la Cour deux situations qui concernent
des Etats tiers: l’une au Darfour (Soudan), au moyen de la Résolution 1593
du Conseil de sécurité des Nations Unies adoptée le 31 mars 2005,
et l’autre en Libye, au moyen de la Résolution 1970 du Conseil de
sécurité des Nations Unies adoptée le 26 février 2011 (ces deux
résolutions ont été adoptées à l’unanimité au titre du chapitre
VII de la Charte des Nations Unies, comme l’exige l’article 13.
b du Statut de Rome). De plus, la
Chambre préliminaire de la CPI a autorisé le procureur à ouvrir une
enquête
proprio motu dans
trois situations, qui concernent le Kenya (au sujet des violences
survenues à l’issue des élections entre les mois de décembre 2007
et janvier 2008), la Côte d’Ivoire (un Etat qui à l’époque n’était
pas Partie au Statut de Rome, sur la base de son acceptation de
la compétence de la Cour au titre de l’article 12.3 du Statut de
Rome) et la Géorgie (pour les crimes qui auraient été commis en
Géorgie, y compris en Ossétie du Sud, du 1er juillet
au 10 octobre 2008).
33. Les procédures qui concernent la plupart de ces situations
sont en cours, à l’exception des affaires
Le Procureur
c. Thomas Lubanga Dyilo, dans laquelle l’accusé a été condamné à une peine de
14 ans d’emprisonnement, et
Le
Procureur c. Germain Katanga et Matthieu Ngudjolo Chui, dans laquelle le premier accusé a été condamné à une
peine de 12 ans d’emprisonnement et le second a été acquitté. Ces
deux affaires concernent des situations survenues en République
démocratique du Congo. En outre, la 3e Chambre de
première instance a reconnu
Jean-Pierre
Bemba Gombo coupable de deux crimes contre l’humanité et de trois
crimes de guerre commis en République centrafricaine et l’a condamné
à une peine de 18 ans d’emprisonnement (la condamnation n’est pas
encore définitive). Dans l’affaire
Bemba
et al., le procès s’est ouvert le 29 septembre 2015; les juges,
qui sont actuellement au stade du délibéré, devraient rendre leur verdict
en temps utile. Les prévenus sont accusés d’atteintes à l’administration
de la justice à propos des dépositions des témoins dans le cadre
de l’affaire
Le Procureur c. Jean-Pierre
Bemba Gombo. Huit prévenus sont actuellement en détention
et 13 suspects en fuite
.
34. Le Bureau du procureur procède actuellement à l’examen préliminaire
d’un certain nombre de situations qui concernent l’Afghanistan,
le Burundi, la Colombie, la Guinée, l’Irak/Royaume-Uni, le Nigéria,
la Palestine, des navires battant pavillon comorien, grec et cambodgien
et l’Ukraine
.
3. L’état
des ratifications
35. A ce jour
,
124 Etats ont ratifié le Statut de Rome ou y ont adhéré: 34 Etats
africains, 19 Etats de l’Asie-Pacifique, 18 Etats d’Europe orientale,
28 Etats d’Amérique latine et des Caraïbes et 25 Etats d’Europe occidentale
et autres Etats
. Au sein du Conseil de l’Europe,
41 Etats membres sont Parties au Statut de Rome, tandis que six
autres Etats ne le sont pas: l’Arménie, l’Azerbaïdjan, Monaco, la
Fédération de Russie, la Turquie et l’Ukraine
.
36. Quant aux Etats observateurs et aux Etats observateurs auprès
de l’Assemblée, seuls le Canada, le Japon et le Mexique sont Parties
au Statut de Rome (le Saint-Siège, Israël et les Etats-Unis d’Amérique
ne font par conséquent pas partie du système de la CPI). La Jordanie
et la Palestine, dont les parlements jouissent du statut de partenaires
pour la démocratie auprès de l'Assemblée, ont également ratifié
le Statut de Rome (alors que le Kirghizstan et le Maroc l’ont seulement
signé).
37. Pour ce qui est de la ratification des amendements de Kampala,
30 Etats ont ratifié l’amendement à l’article 8 qui concerne les
crimes de guerre (la majorité d’entre eux sont membres du Conseil
de l’Europe: Allemagne, Andorre, Autriche, Belgique, Croatie, Chypre,
République tchèque, Espagne, Estonie, Finlande, Géorgie, Lettonie,
«l'ex-République yougoslave de Macédoine», Liechtenstein, Lituanie,
Luxembourg, Malte, Norvège, Pologne, Saint-Marin, République slovaque,
Slovénie et Suisse)
et 30 Etats ont ratifié les amendements
relatifs au crime d’agression (la majorité d’entre eux sont les
Etats membres suivants du Conseil de l’Europe: Allemagne, Andorre,
Autriche, Belgique, Croatie, Chypre, Espagne, Estonie, Finlande,
Géorgie, Islande, Lettonie, «l'ex-République yougoslave de Macédoine»,
Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pologne, Saint-Marin,
Républiuque slovaque, Slovénie, Suisse et République tchèque; la
Palestine les a également ratifiées)
.
38. En ce qui concerne l’Accord sur les privilèges et immunités
de la CPI, 75 Etats sont parties à cet instrument, parmi lesquels
40 Etats membres du Conseil de l’Europe (dont l’Ukraine, qui n’est
pas Partie au Statut de Rome)
. L’Arménie, l’Azerbaïdjan, Monaco,
la République de Moldova, la Fédération de Russie, Saint-Marin et
la Turquie n’ont pas adhéré à cet instrument. Le Canada, le Mexique
et la Palestine y ont en revanche adhéré.
4. Les
défis actuels
39. Depuis l’adoption du Statut
de Rome en 1998, nous sommes loin d’être parvenus à la compétence universelle
de la CPI. Le reproche de deux poids, deux mesures continue d’être
adressé à la Cour, car elle n’a pas le pouvoir d’enquêter proprio motu sur les situations
qui surviennent dans les Etats tiers. Toutefois, en pareil cas,
l’ouverture d’une enquête peut être déclenchée par décision du Conseil
de sécurité des Nations Unies – bien qu’elle soit alors suivie d’une
procédure indépendante, menée dans le cadre du monopole exclusif du
procureur, sous le contrôle de la Chambre préliminaire – les décisions
du Conseil de sécurité ayant un caractère politique, cela risque
d’entraîner la «politisation» du rôle de la CPI. Le veto opposé
à la proposition de renvoi de la situation en Syrie devant la CPI
en mai 2014 en offre un exemple. Comme l’a souligné la présidente
Fernández de Gurmendi lors de l’audition de Rome en mai 2016, le
Statut de Rome n’impose pas de participation universelle, mais les
pouvoirs du Conseil de sécurité des Nations Unies équivalent à une
forme de compétence universelle, puisqu’ils sont applicables à n’importe
quel Etat dans le monde. Le CSNU est cependant un acteur politique,
même s’il est contraint d’appliquer les «pouvoirs spécifiques» que
lui confère l’article 24 de la Charte des Nations Unies, et certains
de ses membres permanents sont titulaires d’un droit de veto sans
être Parties au Statut de Rome. Le seul moyen de parvenir à la compétence
universelle de la CPI est par conséquent de promouvoir la ratification
universelle du Statut de Rome par l’ensemble des Etats. L’absence
d’universalité du Statut de Rome non seulement compromet l’efficacité
de la Cour, mais nuit également au sentiment de sa légitimité. L’incapacité
d’agir dans toutes les situations qui mériteraient d’attirer l’attention
de la CPI fait naître un sentiment de justice sélective.
40. La plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe (41) ont
ratifié ou adhéré au Statut de Rome; 40 Etats membres ont également
adhéré à l’Accord sur les privilèges et immunités de la CPI. Toutefois,
six Etats membres et quelques Etats observateurs (dont les Etats-Unis
d’Amérique) n’ont pas encore adhéré au Statut de Rome, ce qui, comme
nous l’avons indiqué plus haut, pourrait entraîner une application
inégale des principes et des normes du droit pénal international
et rendre le fonctionnement de cette juridiction inefficace. En
outre, près de la moitié (19) des Etats membres du Conseil de l’Europe
n’ont pas ratifié les amendements de Kampala sur le crime d’agression.
Comme l’a souligné M. Donat Cattin lors de l’audition de Rome, certains Etats
membres du Conseil de l’Europe n’ont toujours pas ratifié le Statut
de Rome, malgré certains signes positifs des responsables politiques.
En Turquie, en 2004, M. Recep Tayyip Erdoğan, qui était alors Premier ministre,
s’était engagé à le ratifier, ce qui n’a toujours pas eu lieu, bien
que la modification indispensable de la Constitution turque ait
été adoptée entre-temps. En Ukraine, la question de l’adhésion au
statut de Rome est examinée dans le cadre d’un ensemble plus vaste
de réforme de la Constitution; mais le processus d’adhésion risque
d’être long en raison de l’incorporation dans les mesures de réforme
constitutionnelle sur la justice d’une disposition transitoire,
qui aurait pour effet automatique de reporter d’au moins trois ans
le début de la procédure de ratification. Cette réforme constitutionnelle
a été adoptée par la Verkhovna Rada d’Ukraine au cours du premier
semestre 2016 et la suppression de la disposition transitoire liée
à l’article 124, qui reporte la possibilité de ratifier le Statut
de Rome, ne pourra intervenir qu’un an après son adoption. Toutefois,
la nature «transitoire» de cette disposition, qui par définition
est réputée expirer au bout d’un certain temps, peut être qualifiée
de «sui generis», ce qui permettrait une révision rapide.
41. Pour ce qui est de la ratification du Statut de Rome, les
Etats sont confrontés à des difficultés politiques liées aux questions
comme la transparence, l’obligation de rendre des comptes, la crainte
de l’engagement de poursuites, une actualité politique qui ne donne
pas la priorité à cette question ou l’absence de certaines puissances
mondiales et régionales parmi les Etats Parties au Statut de Rome
. La Commission
européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise)
a recensé certaines difficultés juridiques: la ratification du Statut
de Rome peut soulever plusieurs problèmes constitutionnels tels
que la levée de l’immunité des chefs d’Etat ou de gouvernement et
des personnes qui jouissent d’un «statut officiel», l’extradition
des ressortissants nationaux et les condamnations susceptibles d’être
prononcées par la CPI (comme les peines d’emprisonnement à perpétuité).
D’autres problèmes sont liés à la nécessité d’une coopération avec
le Bureau du Procureur ou à l’exercice du droit de grâce. La Commission
de Venise a proposé un certain nombre de solutions, notamment: 1)
l’insertion dans la Constitution d’une disposition générale qui
permette de régler tous les problèmes constitutionnels liés à l’adhésion
à la CPI (en évitant de prévoir des exceptions à chaque article concerné);
2) la mise en place et/ou l’application d’une procédure spéciale
pour ratifier un traité lorsque certains articles semblent en conflit
avec la Constitution; 3) la révision de manière systématique de
toutes les dispositions constitutionnelles contraires au Statut
de Rome; et 4) l’interprétation de certaines dispositions de la
Constitution de manière à éviter tout conflit avec le Statut de
Rome
.
42. Il reste d’autres défis à relever, notamment la mise en œuvre
effective du Statut de Rome et la coopération avec la Cour. Pour
que leur droit interne définisse clairement les crimes et les peines,
et pour permettre le fonctionnement effectif du principe de complémentarité,
il importe que les Etats qui ont ratifié le Statut de Rome ou qui
y ont adhéré incriminent les actes visés aux articles 5 à 8
bis du Statut de Rome dans leur
ordre juridique (pénal) national. Bien que l’incorporation de ces
crimes dans le système national ne soit pas obligatoire selon une
interprétation du Statut de Rome, elle permettrait d’harmoniser
les normes du droit pénal et de faciliter à l’échelon national les
enquêtes et les poursuites effectives à leur sujet. La création
d’un système de compétence internationale repose sur l’idée que
l’ouverture des enquêtes sur les crimes internationaux relève de
la compétence et de l’autorité premières des Etats. La reconnaissance
de ce postulat transparaît dans le principe de complémentarité,
qui est mis en œuvre par la Cour au moyen des articles 17 et 53.
Pour pouvoir déclarer une affaire recevable, la CPI doit déterminer,
dans chaque affaire, quelle est la véritable capacité des Etats
à engager des poursuites à l’encontre des auteurs de crimes qui
relèvent de sa compétence. L’un des critères essentiels d’appréciation
de la capacité d’un Etat à punir un crime précis est son incrimination
dans le Code pénal national ou dans d’autres textes de droit pénal.
Cette qualification, à laquelle s’ajoute l’incorporation des principes
généraux du droit énoncés au chapitre III du Statut de Rome et par
le droit coutumier pertinent, est indispensable car la ratification
du Statut n’implique pas automatiquement l’applicabilité de ses
dispositions en droit interne, sauf disposition contraire de l’ordre
juridique national. L’incorporation nationale des crimes et des
principes généraux du Statut de Rome représente donc la première mesure
qu’un Etat doive prendre pour assurer l’existence du cadre juridique
qui lui conférera la capacité d’exercer sa compétence à l’égard
de ces crimes et de contribuer à l’objectif global de mettre un
terme à l’impunité. En outre, comme la CPI dispose de moyens limités,
qui lui permettent uniquement d’exercer sa compétence dans un nombre
restreint de situations, son action dans une situation donnée n’interdit
pas à l’Etat concerné d’ouvrir une enquête et d’engager des poursuites
au sujet des crimes qui font l’objet des enquêtes ou des poursuites
en cours de la CPI. En pareil cas, la CPI et les Etats qui collaborent
avec elle doivent veiller à ce que l’ensemble des crimes, de leurs
auteurs et de leurs victimes soient pris en compte dans une situation donnée.
Du fait de la complexité de ce cadre juridictionnel, les pays peuvent,
malgré une réelle volonté de ratifier et de mettre en œuvre les
dispositions du Statut de Rome, rencontrer de temps en temps des
difficultés techniques pour élaborer et adopter les règlements d’application,
d’autant que certaines dispositions du Statut de Rome et des ordres
juridiques nationaux peuvent se chevaucher
. Mais les Etats membres du Conseil
de l’Europe sont parvenus, dans une grande majorité, à remédier
à ces problèmes techniques.
43. De plus, comme la Cour ne dispose pas de sa propre police
ou d’autres forces de l’ordre ni d’un territoire, la coopération
des Etats est indispensable à son bon fonctionnement. Cette coopération
peut être soit obligatoire (en vertu des articles 89 à 93 du Statut
de Rome) soit volontaire. Elle est obligatoire pour l’arrestation
et le transfert des suspects, l’accès aux témoins, la production
de documents et le gel et la saisie des actifs et des instruments
du crime. Le cas de M. Omar Al Bashir, président du Soudan, accusé
d’un certain nombre de chefs de crimes de droit international et
recherché par la police sur la base de mandats d’arrêt de la CPI,
montre l’importance de la coopération internationale dans l’exécution
des mandats d’arrêt
.
Les autres formes de coopération internationale ne sont pas strictement
imposées par le Statut de Rome, mais sont extrêmement importantes
pour permettre à la CPI d’accomplir sa mission. C’est surtout le
cas pour l’exécution des peines prononcées dans ses arrêts (car
elle dispose uniquement d’un centre de détention situé aux Pays-Bas,
réservé aux personnes détenues au cours de la procédure préliminaire,
de première instance et/ou d’appel), la réinstallation effective
des témoins et victimes ou la remise en liberté provisoire ou définitive
d’un suspect/accusé (qui peut n’avoir aucun titre de séjour sur
le territoire néerlandais à l’issue de sa libération
). Pour ce qui est
de l’exécution des peines, la présidente Fernandez de Gurmendi a
souligné lors de l’audition de Rome que la CPI entrait dans une
nouvelle phase et qu’il était désormais indispensable qu’un plus
grand nombre d’Etats acceptent d’accueillir les personnes condamnées
pour l’exécution de leurs peines d’emprisonnement. Elle s’est aussi
inquiétée du fait que, malgré les négociations approfondies menées
par la Cour, seuls huit Etats Parties avaient passé un accord sur
l’exécution des peines (Autriche, Belgique, Danemark, Finlande,
Mali, Royaume-Uni et Serbie; la Norvège depuis le 7 juillet 2016
). La protection des témoins, et
notamment leur réinstallation effective, représente une autre question
essentielle. Selon la présidente de la CPI, il est indispensable
qu’un plus grand nombre d’Etats acceptent d’accueillir des témoins sur
leur territoire. Les programmes spéciaux de protection des témoins
ne sont pas toujours le seul moyen de garantir cette protection,
celle-ci pourrait être assurée également par le simple octroi d’un
permis de séjour dans un autre Etat. L’aide aux témoins victimes
de crimes et à leurs familles est également dispensée au moyen du
Fonds au profit des victimes (article 79 du Statut de Rome), qui
est financé par des donateurs privés et publics. Il est également
indispensable pour la CPI que davantage d’Etats soient disposés
à admettre sur leur territoire les personnes acquittées et les suspects
ou les accusés qui bénéficient d’une remise en liberté provisoire.
A ce jour, seule la Belgique a signé un accord sur la remise en
liberté provisoire.
44. Sans cette coopération des Etats, la CPI se trouverait dans
l’incapacité d’exercer pleinement son mandat, ce qui risquerait
d’entraîner l’éclatement du système du Statut de Rome. La coopération
est indispensable pour garantir l’intégrité de la procédure. Le
fait que les Etats tardent à donner suite aux demandes de coopération
nuit à l’efficacité de la Cour et accroît ses dépenses. Cela prive
également les victimes de la possibilité d’obtenir justice: elles
peuvent se trouver dans l’obligation d’attendre indéfiniment que l’auteur
des crimes réponde de ses actes et que toute la vérité soit faite,
car les procès devant la CPI ne se déroulent pas en l’absence de
l’accusé.
45. Comme l’a indiqué M. Donat Cattin et selon la base de données
de Parliamentarians for Global Action, 35 Etats membres du Conseil
de l’Europe qui sont également Parties au Statut de Rome ont mis
en œuvre cet instrument pour respecter pleinement les obligations
en matière de complémentarité et de coopération: Allemagne, Autriche,
Belgique, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Croatie, Chypre, Danemark,
Espagne, Estonie, «l'ex-République yougoslave de Macédoine», Finlande,
France, Géorgie, Grèce, Irlande, Islande, Lettonie, Liechtenstein,
Lituanie, Luxembourg, Malte, Monténégro, Norvège, Pays-Bas, Pologne,
Portugal, Roumanie, Royaume-Uni, Serbie, Slovaquie, Slovénie, Suède,
Suisse et République tchèque. Par conséquent, six Etats membres
du Conseil de l’Europe qui sont également Parties au Statut de Rome
n’ont toujours pas adopté la législation nécessaire pour mettre
en œuvre pleinement les obligations pertinentes découlant de cet instrument:
l’Albanie, la Hongrie et Saint-Marin ne disposent pas de législation
pour transposer de manière efficace les dispositions du Statut de
Rome sur la coopération et la complémentarité; l’Andorre et la République de
Moldova n’ont pas de législation sur les obligations en matière
de coopération, alors que l’Italie n’a pas de législation sur la
complémentarité.
46. Il convient par ailleurs de ne pas négliger les questions
budgétaires, puisque la Cour, qui reste une institution relativement
jeune, a constamment besoin de contributions financières pour pouvoir
fonctionner de manière efficace et indépendante et pour octroyer
une réparation satisfaisante aux victimes. Comme l’a souligné la
présidente Fernandez de Gurmendi lors de l’audition de Rome, chaque
année la CPI doit se battre pour obtenir un budget suffisant pour
l’année suivante. A titre d’exemple, le procureur a déjà suspendu
ou reporté certaines enquêtes et les procès sont ralentis, faute
de moyens nécessaires au fonctionnement d’une troisième chambre,
à la suite de la décision de l'Assemblée des Etats Parties. Par
manque de moyens, la CPI n’a pas pu enquêter sur certaines situations
dont elle avait été saisie par le Conseil de sécurité des Nations Unies,
comme les exécutions en masse de chrétiens coptes commises en Libye
par Daech ou la situation au Darfour. En matière de chiffres, l'Assemblée
des Etats Parties a fixé le budget de la CPI pour 2016 à € 139 590 600;
malgré une augmentation de € 8 925 000 (soit 6,83 %) par rapport
à 2015, ce montant représente environ € 370 000 de moins que le
budget recommandé par la commission du budget et des finances de
l’Assemblée des Etats Parties
.
47. De graves difficultés semblent voir le jour du côté des Etats
africains Parties au Statut de Rome, puisqu’en janvier 2016 l’Union
africaine, sur décision de la Conférence des chefs d’Etat et de
gouvernement, a chargé son Comité ministériel sur la CPI d’établir
une feuille de route en vue d’une éventuelle stratégie de «retrait
collectif de la CPI»
. La question a
cependant évolué de manière positive au cours du sommet de l’Union
africaine à Kigali (Rwanda), mi-juillet 2016. Au sein du Conseil
exécutif des ministres des Affaires étrangères de l’Union africaine,
certains Etats projetaient l’adoption d’une nouvelle résolution
de l’Union africaine définissant les modalités d’un retrait collectif
de la CPI des Etats membres de l’Union africaine Parties au Statut
de Rome. Comme les représentants de six Etats membres de l’Union
africaine se sont vivement opposés à cette proposition de retrait
au cours des débats, l’appel au retrait collectif ne figurait pas
dans le texte transmis à l’Assemblée des chefs d’Etat et de gouvernement
de l’Union africaine et n’a donc pas été examiné au cours du sommet.
48. Bien qu’une campagne visant à priver la CPI de sa légitimité
ait été lancée par certains Etats dont les dirigeants se trouvent
clairement en situation de «conflit d’intérêts» avec la CPI (Soudan
et Kenya), le fait est qu’à ce jour la quasi-totalité des affaires
de la CPI concernent les pays africains. Comme nous l’avons indiqué plus
haut, quatre pays ont demandé sous forme de renvoi à la CPI l’ouverture
d’une enquête sur une situation en vertu de l’article 14 du Statut
de Rome, un Etat a accepté la compétence ad hoc de la CPI en procédant
à la déclaration prévue à l’article 12.3 et deux situations ont
été renvoyées par le Conseil de sécurité des Nations Unies; seule
une enquête sur un pays africain a été ouverte par le procureur proprio motu. Cela montre que l’Afrique
n’a pas été la cible de la CPI, mais qu’au contraire, dans la plupart
de ces situations, les pays africains ont eux-mêmes demandé la coopération
de la CPI pour mettre un terme à l’impunité. Les préoccupations exprimées
par l’Union africaine devraient par conséquent être réfutées et
remplacées par l’expression d’un plus large soutien à la Cour, cette
institution sur laquelle la communauté internationale peut compter
pour contribuer à mettre un terme à l’impunité de ceux qui sont
responsables de la commission de crimes de droit international.
Face aux arguments et propositions avancés par l’Union africaine,
le Conseil de l’Europe et ses Etats membres, indépendamment de leur
adhésion au Statut de Rome, devraient s’opposer à la menace que fait
peser sur l’héritage de Nuremberg et le droit international coutumier
la proposition de diluer la teneur de l’article 27 du Statut de
Rome, qui réaffirme le principe du droit international coutumier
selon lequel nulle qualité officielle ni «immunité» ne saurait permettre
d’échapper aux poursuites engagées pour les crimes les plus graves,
qui préoccupent la communauté internationale.
49. En adoptant en 2014 le protocole de Malabo (Protocole portant
amendement au Protocole sur le statut de la Cour africaine de justice
et des droits de l’homme – «CAJDH»), qui donne compétence à la CAJDH
pour connaître des génocides, des crimes contre l’humanité et des
crimes de guerre, l’Union africaine a cherché à reconnaître l’existence
d’une immunité, en empêchant l’arrestation et l’engagement de poursuites
à l’encontre des chefs d’Etat et de gouvernement en exercice et
des autres hauts responsables. Cette démarche contrevient au contenu
de la Déclaration de Moscou de 1943 et de la Charte de Londres de
1945, qui ont établi le Tribunal militaire international de Nuremberg,
dont les principes du droit ont été déclarés éléments constitutifs
du droit international coutumier par la Résolution 95 de 1946 de
l’Assemblée générale des Nations Unies, adoptée à l’unanimité. L’Assemblée
parlementaire et ses Etats membres doivent proclamer clairement que,
indépendamment de toute décision de retrait du Statut de Rome, l’article
27 de ce Statut reprend et réaffirme le droit international coutumier
et que les chefs d’Etat ou de gouvernement et les autres hauts responsables
ne peuvent jouir d’aucune immunité devant les juridictions internationales
compétentes.
5. Conclusion
et propositions
50. Quatorze ans après l’entrée
en vigueur du Statut de Rome et sept ans après l’adoption de la
Résolution 1644 (2009) de l’Assemblée, la question de l’universalité de la
CPI demeure d’actualité. De fait, bien que de nombreux Etats membres
du Conseil de l’Europe aient adhéré au Statut de Rome, le système
créé sur son fondement pour lutter contre l’impunité et compléter
l’action des juridictions nationales a besoin du soutien de l’ensemble
des Etats pour être pleinement efficace. Cet instrument doit être
ratifié par un plus grand nombre d’Etats et la coopération internationale
doit être renforcée.
51. Le Conseil de l’Europe doit marquer son soutien à la CPI par
un autre signe fort et appeler à la fin de l’impunité pour les crimes
les plus graves préoccupant la communauté internationale. Il importe
qu’il appelle à nouveau l’ensemble des Etats membres qui ne l’ont
pas encore fait (Arménie, Azerbaïdjan, Monaco, Fédération de Russie,
Turquie et Ukraine) à ratifier le Statut de Rome, les amendements
de Kampala et l’Accord sur les privilèges et immunités de la CPI.
Il devrait englober dans cet appel tous les Etats qui jouissent d’un
statut d’observateur ou d’un autre statut de partenariat auprès
de l’Organisation. Quant aux Etats membres qui sont déjà Parties
au Statut de Rome, il devrait les inviter instamment à redoubler
d’efforts pour intégrer le Statut de Rome à tous les mécanismes
pertinents des relations intergouvernementales, au moyen de contacts
bilatéraux et par l’intermédiaire de cadres multilatéraux, comme
l’Assemblée générale des Nations Unies ou l’Examen périodique universel
au sein du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, ainsi
que dans les organisations régionales et dans les programmes d’action
conçus par les gouvernements pour promouvoir les droits de l’homme,
l’Etat de droit, la justice, la paix, la démocratie, le développement
durable et la coopération multilatérale. Comme l’a souligné la présidente
de la CPI lors de l’audition de Rome, cette instance a été créée
par les petits pays et les pays de taille moyenne pour renforcer
l’Etat de droit international. Toute nouvelle ratification du Statut
de Rome représente une avancée.
52. En matière de coopération, les Etats qui n’ont pas encore
transposé en droit interne la Partie IX du Statut de Rome sur la
coopération internationale et l’assistance judiciaire devraient
élaborer un projet de loi relative à la coopération avec la CPI,
en veillant à ce que cette législation comporte des dispositions
sur la recherche et le gel des actifs des personnes accusées qui
permettront de garantir une réparation adéquate aux victimes. Les
Etats qui ont transposé en droit interne le Statut de Rome devraient
promouvoir cette transposition dans les autres pays, par exemple
en mettant à profit l’Examen périodique universel du Conseil des
droits de l’homme des Nations Unies.
53. Bien que les Etats européens coopèrent en général avec la
CPI, cette coopération peut encore être améliorée pour que les enquêtes
et les poursuites engagées à propos des crimes se déroulent efficacement, surtout
en isolant et en arrêtant les personnes en fuite ou en procédant
au gel des actifs des suspects et des accusés. Les accords de coopération
doivent être plus nombreux, tout particulièrement en matière d’exécution des
peines, de remise en liberté provisoire des suspects, d’acquittement
et de protection ou de réinstallation des témoins. Cette dernière
mesure a déjà été promue par l’Assemblée à diverses occasions, notamment
dans ses récentes
Résolution
2038 (2015) et
Recommandation
2063 (2015) «La protection des témoins: outil indispensable
pour la lutte contre le crime organisé et le terrorisme en Europe».
Il s’agit d’un outil capital pour le bon fonctionnement de la justice
pénale, qui exige une excellente coopération internationale et un
échange d’informations.
54. Comme nous l’avons indiqué plus haut, de nombreux Etats Parties
au Statut de Rome doivent encore adopter une législation qui transpose
cet instrument en incriminant à l’échelon national les crimes de
droit international, pour procéder à l’engagement de poursuites
effectives au niveau national et mettre en place les procédures
nécessaires pour donner efficacement suite aux demandes de coopération
adressées par la CPI. Comme l’a proposé la présidente Fernández
de Gurmendi, les Etats pourraient désigner des correspondants chargés
de la coopération avec la CPI. La mise en œuvre au niveau national
est nécessaire pour assurer une réelle complémentarité. La CPI peut
uniquement intervenir lorsque les juridictions nationales n’engagent
pas de véritable procédure. En outre, l’entraide judiciaire entre
les Etats en matière pénale est capitale pour garantir que les auteurs
des principaux crimes de droit international auront à répondre de
leurs actes. Le Conseil de l’Europe pourrait jouer un rôle important
en soutenant ce type de coopération. Les Etats pourraient par ailleurs
améliorer leur coopération, en formant les juges, les procureurs,
les avocats, les forces de police et l’armée et en mettant en commun
leur expertise dans le domaine du droit pénal
.
55. S’agissant de l’impératif de protection de l’intégrité du
Statut de Rome (en particulier son article 27) et de l’application
générale du droit international coutumier (c’est-à-dire à tous les
Etats, indépendamment de leur qualité d’Etat Partie ou non au Statut
de Rome), notre Assemblée, le Comité des Ministres et les Etats membres
du Conseil de l’Europe doivent s’appliquer à agir, individuellement
et collectivement, pour veiller à ce que les décisions prises par
l’Union africaine contre la CPI n’entraînent pas une régression
du droit international, un retrait du Statut de Rome et une extension
de la «zone d’impunité». Les Etats membres du Conseil de l’Europe
qui sont Parties au Statut de Rome doivent être particulièrement
vigilants et coordonner leur action au plus haut niveau possible.
Il importe qu’ils entament une campagne de dialogue et de coopération
avec les Etats africains dont les dirigeants ne se trouvent pas
en situation de conflit d’intérêts avec la CPI, pour s’assurer que
les autorités compétentes réaffirment leur engagement en faveur
des principes, des normes et des valeurs énoncés par le Statut de
Rome. La présidente de la CPI a rappelé à l’occasion de l’audition
de Rome que, en tant qu’institution judiciaire, la Cour n’était
pas en mesure de faire face à toutes les attaques qui visent à contester
sa légitimité dans les médias ou les tribunes politiques et a demandé
à l’Assemblée de lui accorder son soutien politique.
56. Il est par conséquent indispensable que les parlementaires
que nous sommes agissent davantage en faveur de la promotion de
la compétence universelle de la CPI et du maintien de l’intégrité
et de la légitimité de la Cour.
57. Il importe que les Etats Parties au Statut de Rome assurent
à la CPI un financement suffisant, défendent et respectent son indépendance
judiciaire et poursuivent les crimes de droit international qui
relèvent de la compétence de la CPI. Ils doivent également faire
pression sur le Conseil de sécurité des Nations Unies pour que celui-ci
soutienne davantage la Cour, sur le plan financier comme sur le
plan politique, et pour que des suites soient données aux affaires
dans lesquelles les Etats n’ont pas coopéré.
58. Il convient également de reconnaître le rôle extrêmement précieux
que jouent les réseaux interparlementaires et la société civile
dans la promotion de la compétence universelle de la CPI et dans
la défense de son indépendance, la participation à la recherche
des personnes en fuite et le soutien aux victimes. Les Etats Parties
au Statut de Rome devraient faire tout ce qui est en leur pouvoir
pour protéger les ONG qui promeuvent la lutte contre l’impunité
et leur permettre de participer librement aux sessions de l’Assemblée
des Etats Parties. Il faut également prendre des mesures à l’échelon
local pour sensibiliser le grand public à l’action de la CPI et
augmenter la couverture médiatique de cette instance. J’aimerais
rendre hommage à l’action de la société civile (en particulier de
la Coalition pour la Cour pénale internationale, un réseau de 2 500
ONG issues de 150 pays) et des réseaux interparlementaires qui prônent
l’effectivité et l’universalité du Statut de Rome et remercier tout
particulièrement l’Action mondiale des parlementaires pour son engagement
dans ce domaine.
59. Les principes de Nuremberg (
Principes
du droit international consacrés par le statut du tribunal de Nuremberg
et dans le jugement de ce tribunal de 1950), qui ont été rédigés par la Commission de droit international
des Nations Unies et reconnaissaient la responsabilité individuelle,
en droit international, de toute personne ayant commis un acte constitutif
d’un crime de droit international (crimes de guerre, crimes contre l’humanité
et crimes contre la paix, notamment l’agression), ont inspiré l’adoption
des conventions des droits de l’homme et la création des juridictions
pénales internationales. Le lien entre la promotion de la ratification du
Statut de Rome et l’amélioration de l’efficacité de la CPI et la
protection des valeurs essentielles du Conseil de l’Europe – démocratie,
Etat de droit et droits de l’homme – est par conséquent évident.
C’est la raison pour laquelle il nous appartient, en notre qualité
de parlementaires nationaux, d’agir de notre mieux pour soutenir par
tous les moyens la CPI et favoriser la ratification universelle
du Statut de Rome.