1. Introduction
1.1. Les enfants migrants portés
disparus – un «nouveau» défi
1. De nouveaux défis en matière
de protection de l’enfance sont apparus pendant les récentes phases
de la crise des migrants et des réfugiés, surtout dans le contexte
de la fermeture totale ou partielle des routes en Europe, suivie
des premiers effets de l’accord conclu entre l’Union européenne
et la Turquie (accord UE–Turquie) le 18 mars 2016. Le grand public
au niveau international a été sensibilisé à un problème majeur lorsqu’Europol,
l’agence de police de l’Union européenne, a annoncé en janvier 2016
que 10 000 mineurs migrants étaient portés disparus en Europe. Tout
porte à croire que les chiffres réels étaient bien plus élevés puisque,
à titre d’exemple, la police criminelle fédérale allemande avait
déjà annoncé au cours du même mois qu’en Allemagne le nombre d’enfants
non accompagnés considérés comme disparus était estimé à 4 749, dont
431 enfants âgés de moins de 13 ans et 4 287 entre 14 et 17 ans.
En mai 2016, selon la même source, l’Allemagne comptait à elle seule
9 000 enfants portés disparus.
2. C’est sur ce fond de révélations inquiétantes que j’ai été
nommé rapporteur en avril 2016 pour remplacer M. René Rouquet qui
avait quitté la commission des migrations, des réfugiés et des personnes
déplacées; j’ai choisi d’intégrer au rapport une analyse des facteurs
menant à la disparition d’enfants non accompagnés après qu’ils ont
été identifiés et enregistrés, afin de recommander des mesures préventives
et des solutions.
1.2. Les mineurs non accompagnés:
un sujet de préoccupation pour l’Assemblée parlementaire
3. L’Assemblée parlementaire a
rendu compte plusieurs fois de la question des mineurs non accompagnés,
depuis sa
Recommandation
1596 (2003) sur la situation des jeunes migrants en Europe. Un rapport
complet de 2011 (voir
Doc. 12539) propose une série de 15 principes communs pour traiter
les cas d’enfants migrants non accompagnés, en mettant un accent
particulier sur la nécessité de les traiter comme des enfants avant
tout, et non comme des migrants, ce qui implique une protection,
une tutelle et une assistance spéciales en vue d’élaborer un «projet
de vie» pour les enfants concernés.
4. Dans la
Recommandation 2056
(2014) sur les alternatives au placement en rétention d’enfants migrants,
l’Assemblée demande au Comité des ministres «de lancer une étude
destinée à collecter des données qualitatives et quantitatives sur
le placement en rétention d’enfants migrants et l’application de solutions
non privatives de liberté au sein de la collectivité au lieu du
placement en rétention des enfants et de leur famille, et de promouvoir
le partage de ces pratiques dans toute l’Europe» et «d’établir des
lignes directrices adaptées aux enfants migrants, pour l’application
de procédures d’évaluation de l’âge».
5. La
Résolution 1996
(2014) «Enfants migrants: quels droits à 18 ans?» contient
des recommandations utiles d’un point de vue social et humanitaire
qui sont encore plus pertinentes quand elles s’appliquent aux enfants
non accompagnés qui ne jouissent pas de la présence et du soutien
de leurs parents. Elles consistent notamment à privilégier le bénéfice
du doute au moment de la détermination de l’âge du jeune migrant
et à veiller à ce que cette opération soit effectuée avec son consentement
éclairé, à respecter le regroupement familial comme une partie intégrante
du projet de vie et à sensibiliser la société civile, en tant qu’intermédiaire entre
l’administration publique, les autorités et les jeunes migrants.
1.3. Elaboration du rapport
6. La commission des migrations,
des réfugiés et des personnes déplacées a tenu une audition conjointe avec
la commission des questions sociales, de la santé et du développement
durable sur le thème «Les enfants migrants non accompagnés portés
disparus» en avril 2016, avec la participation d’experts du Fonds des
Nations unies pour l'enfance (Unicef), du Haut-Commissariat des
Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et de l’organisation non gouvernemental
(ONG) Missing Children Europe. Cette audition a fourni une bonne vue
d’ensemble des principaux enjeux ainsi que des éléments de réflexion
en vue d’une éventuelle action coordonnée pour empêcher ces disparitions
à grande échelle.
7. J’ai également participé à la conférence de lancement de la
troisième Stratégie du Conseil de l’Europe pour les droits de l’enfant
(2016-2021), tenue les 5 et 6 avril à Sofia, et à la visite organisée
par la commission ad hoc du Bureau de l’Assemblée (30-31 mai 2016)
dans des centres d’hébergement en Grèce, ce qui m’a permis de me
confronter à la réalité sur le terrain en ce qui concerne l’accueil
des enfants. Un échange de vues tenu avec Europol le 22 septembre
2016 a permis de clarifier certains des procédés et procédures engagés lors
du traitement de cas de mineurs non accompagnés, ainsi que le besoin
de mettre en place davantage d’actions coordonnées contre les groupes
criminels qui pourraient nuire aux enfants non accompagnés et les exploiter.
8. Dans le cadre de mon activité parlementaire en Italie, j’ai
également visité plusieurs centres d’identification de migrants
sans papiers demandeurs d’asile (CARA) ainsi que des «centres d’identification
et d’expulsion» de migrants irréguliers (CIE) dans les régions du
Lazio (Castelnuovo di Porto, Ponte Galeria), de Lombardie (Tavernola)
et de Friuli Venezia Giulia (Gradisca) et en Sicile (Caltanissetta,
Pantelleria), dans lesquels j’ai été le témoin direct des problèmes
liés à l’accueil et au traitement des mineurs non accompagnés.
2. Les enfants migrants non
accompagnés et portés disparus en Europe
2.1. Les mineurs non accompagnés
en déplacement
9. L’on entend par mineur non
accompagné un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride âgé de
moins de 18 ans qui entre sur le territoire d’un Etat membre sans
être accompagné d’un responsable adulte, ou un mineur qui est laissé
intentionnellement seul après son entrée sur le territoire d’un
Etat membre. Ils n’en demeurent pas moins des enfants et, bien que
certains décident d’eux-mêmes de migrer, d’autres sont envoyés par
des parents qui estiment que la séparation est la meilleure solution,
sont séparés accidentellement, souvent dans des circonstances tragiques,
ou encore peuvent être victimes de la traite des êtres humains.
10. Les raisons qui poussent des enfants seuls à partir de chez
eux ne sont pas toujours claires, étant donné que les mineurs peuvent
hésiter à révéler les véritables raisons par crainte de conséquences,
du fait d’une certaine conception de la loyauté envers leur famille
ou d’un traumatisme important, mais les motivations principales
sont liées à la sécurité (en particulier dans les zones de conflit
où l’enrôlement d’enfants soldats représente un risque supplémentaire)
et aux difficultés économiques et sociales (y compris l’absence
d’accès à l’éducation). Les risques de violence fondée sur le genre
rendent la situation particulièrement difficile pour les filles
– mariages forcés, violence domestique, prostitution –, des phénomènes
qui s’étendent souvent à l’ensemble du processus de migration.
2.2. Les mineurs portés disparus
11. Selon Save the Children
, «depuis l’accord conclu entre l’Union
européenne et la Turquie, des enfants, et plus particulièrement
des enfants non accompagnés, sont retenus dans des conditions inhumaines
pendant des périodes prolongées. Ces enfants fuient les bombes,
les balles et la torture dans des zones de guerre comme la Syrie,
uniquement pour se retrouver bloqués et vivre dans des conditions
atroces qui ne leur offrent pas la protection, les informations
et les services appropriés dont ils ont tant besoin». Selon Missing
Children Europe, «Une fois en Europe, certains enfants disparaissent
des centres d’accueil avec un plan bien précis en tête, souvent
lié au souhait de rejoindre des membres de leur famille dans d’autres
Etats membres. De nombreux enfants fuient par crainte de se retrouver
dans la situation à laquelle ils avaient tenté d’échapper, ou pour
éviter un transfert «Dublin» non souhaité. D’autres sont victimes
de trafiquants et finissent par être exploités à des fins de prostitution,
de travail forcé ou de mendicité»
.
12. C’est dans ces circonstances que près de la moitié des enfants
qui arrivent seuls s’enfuient des centres ou des foyers pour demandeurs
d’asile dans les deux jours qui suivent leur arrivée, pour les raisons susmentionnées
mais aussi parfois spontanément en raison du découragement et de
la frustration qui les submergent face à la complexité apparente
et à la durée des procédures auxquelles ils doivent faire face,
ou par crainte d’être renvoyés chez eux ou dans le pays de première
arrivée. Souvent, ils partent involontairement car ils sont devenus
victimes de la traite ou l’étaient déjà, y compris à des fins d’exploitation
sexuelle et d’exploitation par le travail, de mendicité forcée et
de trafic de drogue. Au moins 15 % des personnes enregistrées comme
victimes de la traite sont des enfants, et la traite des enfants
est signalée par les Etats membres comme l’une des tendances connaissant
la plus forte augmentation dans l’Union européenne
.
13. Un des problèmes avec le système dans lequel les mineurs migrants
entrent et qui accroît le risque de fuite est que différents organes
administratifs et humanitaires interviennent au cours des différentes
étapes de leur déplacement, et les enfants risquent de glisser entre
les mailles lorsque les responsabilités ne sont pas clairement définies,
à moins qu’ils ne se voient désigner des tuteurs ou des conseillers
individuels pendant toute la durée de la procédure, depuis l’accueil,
la demande d’asile et les périodes d’attente, jusqu’à l’intégration
(ou le retour). Si les services de migration s’occupent des enfants
qui arrivent aux frontières, c’est aux assistants sociaux de prendre
le relais en leur apportant une assistance et des soins. Lorsque
des enfants sont portés disparus, la responsabilité est alors transférée
aux forces de police nationales, lesquelles, dans de nombreux pays,
ne se mettent à rechercher activement les enfants qui s’enfuient
qu’après le rejet de leur demande d’asile.
2.3. Chiffres pour les mineurs
non accompagnés …
14. Le nombre d’enfants non accompagnés
qui se rendent en Europe est en nette augmentation. Selon les chiffres
d’Eurostat
, 88 300 enfants non accompagnés
ont demandé l’asile dans des Etats membres de l’Union européenne
en 2015, ce qui représentait en décembre 2015 7 % de la totalité
des demandes d’asile déposées, alors que ce chiffre s’élevait à
12 725 en 2014. 2 633 enfants non accompagnés ont demandé l’asile
en mai 2016, soit 2,7 % du nombre total de demandes. 42 % des enfants
non accompagnés étaient des citoyens afghans, suivis de ressortissants
somaliens (8 %,), syriens (7 %) et pakistanais (6 %). Cependant,
tous les enfants non accompagnés ne demandent pas l’asile, si bien
que les chiffres totaux sont plus élevés. En mai 2016, 40 enfants
ont perdu la vie de manière tragique sur la route vers l’Europe
et depuis le début de l’année 2016, ce chiffre s’élève à 137 enfants
(situation au 15 juin 2016). En 2015, 91 % des mineurs non accompagnés
ayant demandé l’asile étaient des garçons, mais on relève une augmentation
constante du pourcentage de filles en général, y compris de filles
non accompagnées.
15. En 2015, la grande majorité des mineurs non accompagnés parmi
tous les demandeurs d’asile mineurs ont été enregistrés notamment
en Italie (56,6 %) et en Suède (50,1 %), suivis du Royaume-Uni (38,5 %),
des Pays-Bas (36,5%), du Danemark (33,7 %), de la Finlande (33,2 %)
et de la Bulgarie (33,1 %). En 2015, le plus grand nombre de demandeurs
d’asile considérés comme des enfants non accompagnés a été enregistré
en Suède (35 000, ou 40 % de tous ceux enregistrés dans des Etats
membres de l’Union européenne), suivie de l’Allemagne (14 400 ou
16 %), de la Hongrie (8 800 ou 10 %) et de l’Autriche (8 300 ou
9 %). Ces quatre Etats rassemblaient les trois-quarts de tous les
demandeurs d’asile considérés comme des mineurs non accompagnés
enregistrés dans l’Union européenne en 2015
. Les derniers
chiffres transmis par le HCR concernant l’Italie font état de l’arrivée
en Italie par la mer entre le 1er janvier et le 5 septembre 2016
de 16 611 enfants non-accompagnés demandeurs d’asile, comparés à
12 360 pour toute l’année 2015 (et 13 026 en 2014).
16. Le nombre de mineurs non accompagnés arrivant aux frontières
de l’Europe qui sont relocalisés reste lamentablement bas, comme
c’est le cas pour les migrants adultes: selon le rapport de la Commission européenne
de juin 2016, par exemple au 15 juin, 23 enfants non accompagnés
avaient été relocalisés depuis la Grèce: 20 en Finlande, un aux
Pays-Bas et deux au Luxembourg
.
2.4. … et pour les mineurs portés
disparus
17. Il est difficile de déterminer
avec exactitude le nombre d’enfants non accompagnés qui sont portés disparus.
Du fait de la saturation des systèmes d’enregistrement, l’Europe
n’a pas une idée précise du nombre d’enfants entrant, et le suivi
de leurs déplacements n’est pas assez efficace. Les cas de double
enregistrement, par exemple, sont fréquents lorsque les mineurs
traversent les frontières; ils «réapparaissent» ensuite sur les registres
officiels d’un autre pays. Les 10 000 enfants signalés disparus
par Europol auraient disparu très peu de temps après avoir été enregistrés,
si bien que le nombre total est beaucoup plus élevé puisque de nombreux
enfants disparaissent avant d’avoir été enregistrés, tandis que
d’autres disparaissent pendant des périodes d’attente prolongées
ou lorsque leurs demandes d’asile sont refusées. A leur arrivée
en Allemagne, par exemple, les mineurs doivent être enregistrés
et soumis à une prise d’empreintes digitales auprès de l’autorité
pour les étrangers – les enfants qui s’enfuient pendant l’attente
du rendez-vous, qui peut être de plusieurs jours voire de semaines,
ne sont même pas enregistrés.
18. Des grandes tendances ont cependant été dégagées: environ
25 % des cas de disparition d’enfants non accompagnés demandeurs
d’asile se produisent au cours des premières 48 heures après leur
arrivée et chaque année près de la moitié des enfants non accompagnés
sont portés disparus par les centres d’accueil.
19. En février 2016, en Hongrie, il était estimé qu’entre 90 et
95 % des enfants étaient portés disparus, après avoir passé un à
trois jours dans des centres d’accueil (ce chiffre s’explique néanmoins
en partie par le fait que la plupart des demandeurs d’asile qui
arrivent en Hongrie ne restent pas dans le pays). En Slovénie, près
de 80 % des enfants ont disparu. En Suède, ce sont entre 7 et 10
enfants qui sont portés disparus chaque semaine et plus de 800 enfants
ont disparu au cours des cinq dernières années. En 2015, la ville
côtière de Trelleborg a indiqué que sur les 1 900 enfants non accompagnés
qui étaient arrivés en septembre, 1 000 avaient disparu
.
En Italie, selon l’ONG OXFAM
, au 31 juillet
2016 13 705 mineurs non accompagnés sont arrivés depuis le début
de l’année (dont 4 800 en Sicile), plus du double par rapport à
2015. Le ministère de l’Intérieur a indiqué qu’en 2014, sur les
14 243 enfants enregistrés après être arrivés par bateau, 3 707
enfants non accompagnés avaient disparu des centres d’accueil. Selon
le ministère des Affaires sociales, en 2015, 62 % de tous les enfants
non accompagnés arrivés entre janvier et mai avaient été portés
disparus, et pour le premier semestre de 2016 le nombre de mineurs
portés disparus était de 5 222 (dont 23.2 % des ressortissants égyptiens,
23.1 % somaliens et 21.1 % érythréens).
20. Les chiffres, bien que sous-estimés, servent à montrer qu’il
s’agit d’un problème réel, répandu et persistant et que les enfants
non accompagnés sont souvent aussi déterminés que les adultes à
trouver une vie meilleure et à fuir les situations qui les mettent
en péril, dans leur pays d’origine ou pendant leur voyage. Ils révèlent
également que, bien souvent, le problème résulte précisément des
systèmes conçus pour veiller sur ces mineurs (manque d’informations
appropriées, procédures de longue durée, refus – ou peur du refus
– du statut de réfugié) et enfin que les enfants sont parmi les
plus vulnérables aux trafiquants et autres criminels.
3. Cadres réglementaires internationaux
21. Les Nations Unies (Convention
des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, article 3 sur
l’intérêt supérieur de l’enfant comme considération primordiale
et en particulier article 20 sur les enfants qui sont temporairement
ou définitivement privés de leur milieu familial), l’Union européenne
(Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne) et le Conseil
de l’Europe disposent d’acquis considérables dans le domaine de
la protection de mineurs non accompagnés, dont les principaux éléments
sont décrits ci-dessous.
22. Le problème spécifique des mineurs migrants portés disparus
s’avère relativement récent et n’a été abordé qu’indirectement dans
le droit international par des dispositions visant à prévenir la
traite, la prostitution et d’autres crimes et à en protéger les
enfants, ou concernant un sous-groupe d’enfants venant à disparaître de
leur famille dans un contexte sédentaire qui n’est pas lié à la
migration (fugue, enlèvement, kidnapping). La Cour européenne des
droits de l’homme a également établi une jurisprudence vis-à-vis
des droits et de la protection des mineurs non accompagnés, en particulier
concernant la mise en place d’une tutelle.
3.1. Le cadre des Nations Unies
23. L’article 22 de la Convention
relative aux droits de l’enfant énonce les droits des enfants qui
demandent le statut de réfugié. Les articles 19 et 20 prévoient
des mesures de protection et d’aide spéciales de l’Etat pour les
enfants non accompagnés et séparés et une protection contre toute
forme de violence et de mauvais traitements pendant que l’enfant
est sous la garde des personnes à qui il a été confié. L’observation
générale no 6 (2005) sur le «Traitement des enfants non accompagnés
et des enfants séparés en dehors de leur pays d’origine» décrit
comment ces droits doivent être garantis par les Etats dans le cas
d’enfants non accompagnés, dont des dispositions sur la détermination
de l’âge, la prévention de la privation de liberté et la réunification
familiale, avec une mention particulière aux principes de non-discrimination
(article 2), à l’intérêt supérieur de l’enfant (article 3), au droit
à la vie, à la survie et au développement (article 6), au droit
de l’enfant d’exprimer librement son opinion (article 12) et au
respect du principe de non-refoulement.
24. D’autres articles pertinents concernent la désignation d’un
tuteur ou d’un conseiller et d’un représentant légal, les dispositions
en matière de prise en charge et d’hébergement (articles 18-22)
et la prévention de la traite et de l’exploitation sexuelle et des
autres formes d’exploitation, de la maltraitance et de la violence (articles 34,
35 et 36).
25. La Convention relative aux droits de l’enfant sert de référence
et de base à la plupart des règlements, principes directeurs et
politiques secondaires en Europe, surtout compte tenu de l’approche
des ONG humanitaires, qui repose sur le principe qu’un enfant migrant
doit être considéré avant tout comme un enfant avant d’être considéré
comme un migrant. Il s’agit d’un élément déterminant dans l’amélioration
et l’harmonisation de la protection des mineurs non accompagnés,
étant donné que bon nombre des lacunes observées dans des centres
d’accueil nationaux, des procédures de demande d’asile et des cadres d’intégration
découlent de l’absence de différence de traitement entre les mineurs
et les adultes, souvent due à l’insuffisance de fonds, d’infrastructures
et de ressources pour mettre en place la protection spécifique requise.
26. La «Note sur les politiques et procédures à appliquer dans
le cas des enfants non accompagnés en quête d’asile» et les «Principes
directeurs relatifs à la détermination de l’intérêt supérieur de
l’enfant» du HCR
fournissent aussi des recommandations
sur la prise en charge des enfants non accompagnés. Trois des six
propositions du HCR sur la stabilisation de la situation des réfugiés
et des migrants en Europe, présentées à l’occasion de la réunion
des chefs d’Etat ou de gouvernement de l’Union européenne et la Turquie
le 7 mars 2016 concernent directement la situation des enfants migrants:
il s’agit de la mise en place d’une protection pour les personnes
vulnérables, dont des systèmes de protection des enfants non accompagnés
et séparés, la création de services spécialisés de protection de
l’enfance et l’amélioration des évaluations de l’âge, la recherche
de membres de la famille, la coopération entre Etats et le regroupement familial
dans les pays d’asile.
3.2. L’Union européenne
27. Le règlement Dublin III, lorsqu’il
énumère les responsabilités qui incombent à l’Etat membre responsable de
l’examen des demandes d’asile, prévoit à l’article 8.4 que «en l’absence
de membres de la famille, de frères ou sœurs ou de proches, l’Etat
membre responsable est celui dans lequel le mineur non accompagné
a introduit sa demande de protection internationale, à condition
que ce soit dans l’intérêt supérieur du mineur».
28. La directive sur la procédure d’asile prévoit des garanties
pour les enfants non accompagnés en ce qui concerne la représentation
légale, la recherche de membres de la famille, et l’hébergement
dans un lieu adapté. L’article 31 de la directive «Qualification»
(directive 2011/95/UE) fixe les critères communs que les Etats membres
sont tenus de respecter pour octroyer une protection internationale
et comprend des dispositions spécifiques sur les enfants non accompagnés
(droit d’être entendu, droit à un tuteur, conditions de vie).
29. La directive «Regroupement familial» prévoit l’entrée et le
séjour des ascendants en ligne directe et du premier degré pour
les mineurs non accompagnés reconnus comme des réfugiés, et peut
autoriser l’entrée et le séjour de son tuteur ou d’un autre membre
de la famille si le réfugié n’a aucun ascendant en ligne directe. La
directive sur les conditions d’accueil prévoit l’obligation de procéder
à une évaluation individuelle pour déterminer les besoins particuliers
en matière d’accueil des personnes vulnérables, avec une attention particulière
aux mineurs non accompagnés, et prévoit un soutien psychologique
pour les demandeurs d’asile vulnérables. Elle énonce aussi des règles
sur les conditions que doivent remplir les représentants de mineurs non
accompagnés et dispose que le placement en rétention de mineurs
non accompagnés doit être une mesure de dernier ressort.
30. La directive «Retour» oblige un Etat membre, avant de prendre
une décision de retour, à proposer aux mineurs non accompagnés l’assistance
d’organismes compétents autres que les autorités chargées d’exécuter
le retour. Avant d’éloigner du territoire d’un Etat membre un mineur
non accompagné, les autorités de cet Etat doivent s’assurer qu’il
sera remis à un membre de sa famille, à un tuteur désigné ou à des
structures d’accueil adéquates dans le pays de retour. En septembre
2015, la Commission européenne a mis en place un Plan d’action sur
le retour pour la mise en œuvre de la directive «Retour», qui a
été suivi de la publication d’un manuel sur le retour qui comprend
une section spécifique sur le retour des enfants non accompagnés.
Il est axé sur la garantie d’une solution durable dans le pays d’origine
pour l’enfant, et aussi sur la détermination de l’intérêt supérieur
de l’enfant comme considération principale.
31. Le plan d’action pour les mineurs non accompagnés (2011-2014)
de la Commission européenne encourage aussi la reconnaissance explicite
de l’intérêt supérieur de l’enfant comme principe de base. Le plan établit
des priorités pour l’adoption de règles communes sur l’accueil et
l’assistance de tous les mineurs non accompagnés en ce qui concerne
la tutelle, la représentation légale, l’accès à un logement, à l’éducation
et à la santé. Les trois grands volets d’action énoncés dans le
plan pour dégager des solutions concernant la situation des mineurs
non accompagnés sont la prévention des migrations périlleuses et
de la traite, l’accueil et les garanties procédurales dans l’Union
européenne et l’identification de solutions durables.
32. Le Parlement européen, dans le cadre de ses travaux de révision
du règlement Dublin, a déjà voté une disposition destinée à améliorer
la situation des migrants mineurs non accompagnés selon laquelle
leur demande d’asile sera traitée dans le pays «où se trouve l’enfant»
plutôt que dans le pays par lequel il est entré dans l’Union européenne,
à la suite d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne
sur la question.
3.3. Les instruments du Conseil
de l’Europe et son action
33. La Cour européenne des droits
de l’homme a condamné à plusieurs reprises les graves lacunes des systèmes
de protection des demandeurs d’asile et l’absence de prise en charge
adaptée pour les enfants. Elle a établi une jurisprudence vis-à-vis
des droits et de la protection des mineurs non accompagnés, en particulier concernant
la mise en place d’une tutelle. L’affaire Mubilanzila
Mayeka et Kaniki Mitunga c. Belgique concernait de multiples
violations de la Convention européenne des droits de l’homme par
le Gouvernement belge du fait de la rétention d’un enfant non accompagné
âgé de cinq ans dans un centre de transit pour adultes étrangers.
Dans l’affaire Rahimi c. Grèce,
la Cour a dénoncé la prise en charge inadaptée et la rétention illégale
d’un mineur non accompagné demandeur d’asile, ressortissant afghan,
qui était entré en Grèce illégalement et était détenu dans le centre
de rétention pour adultes de Pagani sur l’île de Lesbos. L’affaire Housein c. Grèce concernait un mineur
non accompagné qui avait été placé en rétention pendant deux mois,
principalement dans un centre de rétention pour adultes, sans possibilité
de recours administratif effectif.
34. La Recommandation CM/Rec(2007)9 du Comité des Ministres sur
les projets de vie en faveur des mineurs migrants non accompagnés
introduit l’idée d’un «plan élaboré et négocié entre le mineur et
les autorités du pays d’accueil, représentées par un professionnel
désigné, avec la participation de tout un ensemble d’autres professionnels».
Les projets de vie se veulent un «outil global, personnalisé et
flexible».
35. La Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants
(STE no 160) (1996) prévoit des mesures
destinées à promouvoir les droits des enfants, en particulier dans
des procédures familiales se déroulant devant une autorité judiciaire.
Parmi les types de procédures familiales intéressant des enfants migrants
sont celles qui concernent la garde, la résidence, le droit de visite,
l’établissement et la contestation du lien de filiation, la légitimité,
l’adoption, la tutelle, l’administration des biens de l’enfant,
l’assistance éducative, la déchéance ou la limitation de l’autorité
parentale, la protection des enfants contre les traitements cruels
et dégradants et le traitement médical.
36. En mars 2016, le Secrétaire Général a proposé un ensemble
de mesures prioritaires destinées à protéger les enfants touchés
par la crise des réfugiés. Elles mettent en évidence les constats
du Groupe d’experts du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la
traite des êtres humains (GRETA), qui pointent du doigt l’inadéquation
des mesures de protection des enfants, l’insuffisance des désignations
de tuteurs et le manque de coordination entre les douanes, les services
de l’immigration, les services sociaux, la police et les services de
protection de l’enfance. Les mesures concernent six domaines prioritaires,
qui sont communs aux principes directeurs et priorités défendus
par d’autres organisations: éviter que les enfants migrants ne deviennent victimes
de violence et d’abus, mettre fin à la rétention d’enfants migrants,
améliorer les procédures d’évaluation de l’âge, garantir la prise
en compte de la dimension de genre dans toutes les situations, garantir l’accès
à l’éducation et prévenir l’apatridie des enfants
. La Stratégie européenne sur les
droits de l’enfant (2016-2021) portera en priorité sur les enfants
migrants.
37. La Campagne de l’Assemblée parlementaire visant à mettre fin
à la rétention d’enfants migrants
est axée sur la rétention d’enfants
migrants. Malgré des améliorations dans la législation et la pratique
de certains pays européens, des dizaines de milliers d’enfants migrants
continuent d’être placés en rétention chaque année, ce qui est contraire
à l’intérêt supérieur de l’enfant et ce qui constitue une violation
claire et non équivoque des droits des enfants. La campagne a jusqu’à
présent réussi à sensibiliser l’opinion publique en Europe et à
encourager les parlementaires à promouvoir des alternatives à la
rétention qui respectent l’intérêt supérieur de l’enfant et permettent
aux enfants de rester avec leur famille et/ou tuteur dans un cadre
non carcéral, au sein de la collectivité, en attendant que la question
de leur statut au regard de la législation sur l’immigration soit
résolue. Ses résultats et travaux futurs fourniront des lignes directrices
et des normes utiles dans toutes les questions liées aux enfants
migrants et réfugiés, et devront être soutenus et promus par tous les
Etats membres.
4. La situation sur le terrain
38. Les enfants demandeurs d’asile
non accompagnés et séparés représentent un des plus grands défis que
doivent relever les gouvernements dans le domaine de la protection
internationale, surtout compte tenu du fait que de nombreux enfants
non accompagnés arrivent sans documents d’identité, certificats
de naissance ou documents de voyage et ne peuvent pas (ou ne souhaitent
pas) apporter la preuve de leur âge. Le défi est d’autant plus grand
lorsqu’il s’agit d’enfants qui approchent l’âge de 18 ans. Une détermination incorrecte
de l’âge peut priver des enfants vulnérables de la protection et
des droits auxquels ils peuvent prétendre. Les exemples suivants,
qui sont essentiellement tirés d’actualisations du HCR des six premiers mois
de 2016, visent à donner une idée et une vue d’ensemble des problèmes
qui surviennent généralement concernant les mineurs non accompagnés
dans les principaux domaines prioritaires, à savoir l’intérêt supérieur
de l’enfant, l’évaluation de l’âge, la tutelle, l’accès à l’éducation
et aux soins médicaux et la non-rétention.
4.1. L’intérêt supérieur de l’enfant
39. En Lettonie, une loi sur l’asile
adoptée en décembre 2015 a introduit un certain nombre de modifications et
d’améliorations importantes, dont des références au principe de
l’intérêt supérieur de l’enfant et l’obligation d’identifier les
demandeurs ayant besoin de garanties procédurales spéciales ainsi
que les demandeurs vulnérables ayant des besoins spéciaux en matière
d’accueil. En Hongrie, aucun mécanisme n’a été mis en place pour
évaluer les besoins spécifiques des demandeurs vulnérables et un
mineur non accompagné doit attendre avant de se voir désigner un
tuteur (le temps d’attente moyen est d’environ cinq semaines).
40. Le système d’asile danois reste lacunaire en ce qui concerne
le traitement des demandes d’asile émanant d’enfants et l’application
du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. Dans le contexte
du regroupement familial, par exemple, le droit danois considère
seulement les personnes âgées de moins de 15 ans comme des enfants.
41. En Croatie, il a été signalé que les demandeurs âgés de moins
de 16 ans étaient hébergés dans des foyers pour enfants privés de
soins parentaux. En Grèce, depuis que le site informel d’Idoménée
a été évacué le 24 mai, les enfants sont hébergés dans des structures
inadaptées et dans de mauvaises conditions pendant plusieurs semaines.
Certains des centres situés dans le nord de la Grèce sont en très
mauvais état même si, selon les informations disponibles, le nombre
d’enfants qui disparaissent des structures de transit a diminué en
Grèce. En Hongrie, des enfants non accompagnés sont laissés en dehors
de la zone de transit pendant plusieurs jours sans soins ni hébergement.
42. En juillet 2015, des dispositions spéciales ont été introduites
dans la procédure d’admission en ce qui concerne les enfants non
accompagnés en Autriche. Tous les demandeurs mineurs non accompagnés
sont transférés dans le centre d’accueil initial de Traiskirchen
et y passent leur premier entretien. A leur arrivée, le conseiller
juridique devient leur représentant légal et les assiste lors de
tout entretien. Des dispositions spéciales concernant les victimes
de torture ont aussi été introduites dans les dispositions qui régissent
la procédure d’admission.
43. En Allemagne, le gouvernement et les autorités locales discutent
d’une réduction des services de protection de l’enfance en faveur
des enfants non accompagnés.
44. En raison du manque d’interprètes (par exemple en Croatie,
en Allemagne, en Slovénie et en Suède), il est difficile d’informer
les enfants sur leur situation. Les enfants continuent d’essayer
de se faire enregistrer en tant qu’adultes après avoir reçu des
informations trompeuses sur de possibles retours et signent des documents
sans les comprendre.
4.2. Évaluation de l’âge
45. L’évaluation de l’âge revêt
une importance cruciale dans la définition du cadre juridique pertinent
à appliquer pour garantir aux enfants une protection et des droits
spécifiques. Elle est organisée par des organismes publics afin
de déterminer l’âge chronologique d’une personne, et doit être réalisée
uniquement faute de documents d’identité et en temps utile avant
que la procédure d’asile ne soit engagée. L’Observation générale
no 6 dispose que les mesures d’identification «ne devraient pas
se fonder uniquement sur l’apparence physique de l’individu mais
aussi sur son degré de maturité psychologique» et que «cette évaluation
doit en outre être menée scientifiquement, dans le souci de la sécurité
de l’enfant, de manière adaptée à son statut d’enfant et à son sexe
et équitablement, afin de prévenir tout risque de violation de l’intégrité
physique de l’enfant; cette évaluation doit en outre se faire avec
tout le respect dû à la dignité humaine et, en cas d’incertitude
persistante, le bénéfice du doute doit être accordé à l’intéressé».
46. Etant donné que les procédures médicales suivies en vue de
la détermination de l’âge sont considérées comme étant parfois peu
fiables et trop intrusives par les Nations Unies, les institutions
du Conseil de l’Europe, des prestataires de santé, ainsi que par
des institutions de l’Union européenne comme la FRA ou l’EASO, elles devraient
être facultatives et utilisées uniquement avec des garanties rigoureuses
lorsqu’elles peuvent aider les véritables enfants à jouir de leurs
droits conformément au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant.
47. Une majorité d’Etats membres de l’Union européenne, comme
la France, l’Italie et la Grèce, imposent des examens médicaux tels
que des examens dentaires et radiologiques pour déterminer la maturation osseuse.
Les plus courants sont des radiographies du poignet/du carpe, suivis
d’examens et de radiographies dentaires. Les autorités nationales
utilisent des tests médicaux complétés par des entretiens pour déterminer l’âge
de l’enfant. Ces examens médicaux sont critiqués pour plusieurs
raisons, notamment le manque d’intimité de l’enfant, des dangers
potentiels (en particulier en raison de l’utilisation de la radiographie)
et une marge d’erreur qui peut être de deux ans environ pour les
examens radiologiques).
48. Des méthodes non médicales sont recommandées et utilisées,
comme la recherche de preuves documentaires. Si ces évaluations
informelles ne présentent aucun danger pour les enfants, elles sont
souvent très imprécises. Au Royaume-Uni, il est interdit d’avoir
recours à des examens radiologiques, et la détermination de l’âge
se fait sur la base d’une évaluation préliminaire qui tient compte
de l’apparence physique et du comportement et d’un entretien mené
avec un travailleur social selon des principes directeurs qui tiennent
compte de la situation générale du demandeur, de sa situation familiale,
de considérations ethniques et culturelles, de son parcours éducatif
et de son histoire.
49. Il y a un besoin urgent d’harmonisation des procédures d’évaluation
de l’âge afin de garantir que tous les pays emploient des méthodes
qui respectent la dignité et l’intégrité physique des enfants. La
commission des migrations pourrait consacrer un rapport à cette
question à l’avenir.
4.3. Tutelle et représentation
légale
50. Certains Etats sont dépourvus
d’un système de tutelle légale alors que dans d’autres la procédure
de désignation de tuteurs légaux est lente et/ou aucune formation
appropriée n’est dispensée, ce qui signifie que les mineurs non
accompagnés sont souvent traités comme des adultes et ne bénéficient
d’aucune mesure spéciale d’assistance. Il est essentiel de mettre
en place des systèmes de tutelle appropriés pour essayer de trouver
une solution durable pour les enfants séparés, que cela aboutisse
à une intégration dans le pays hôte, à un transfert dans un autre
pays ou au retour dans le pays d’origine. Les systèmes diffèrent
également en ce qui concerne la possibilité pour les tuteurs et/ou
les représentants légaux d’intervenir et d’apporter leur aide dans
les procédures de demande d’asile, ce qui peut aller à l’encontre
du traitement des demandes de protection de mineurs non accompagnés.
51. Les normes essentielles pour les tuteurs d’enfants séparés
en Europe élaborées par l’ONG Defence for Children basée aux Pays-Bas
sont un bon exemple de modèle efficace
pour la tutelle. Elles reposent sur les points de vue exprimés par 127
enfants séparés et anciens enfants séparés, 68 tuteurs et 39 autres
experts (parents d’accueil, avocats, travailleurs sociaux …) et
tiennent compte de la Convention relative aux droits de l’enfant
et des Observations générales nos 6 et
12 (droit de l’enfant à être entendu).
52. En Pologne, le projet de loi du 10 septembre 2015 a modifié
la législation en matière de tutelle, indiquant que le tribunal
respectif est tenu de rendre une ordonnance afin de désigner un
tuteur légal pour un mineur dans un délai de trois jours. Parallèlement,
la responsabilité des tuteurs légaux a été étendue de manière à englober
non seulement les procédures pour l’octroi d’une protection internationale
mais aussi les questions du retour volontaire, les transferts Dublin
et les questions d’assistance sociale. Le HCR s’est également félicité de
la nouvelle possibilité pour une organisation non gouvernementale
ou internationale s’occupant de questions d’asile de déposer la
demande d’asile au nom des enfants non accompagnés.
53. En Allemagne, des préoccupations ont été soulevées par le
HCR concernant l’accès des mineurs non accompagnés à un tuteur.
D’une manière générale, des tuteurs ne sont pas systématiquement
désignés, les délais de désignation sont importants (jusqu’à huit
mois) en raison d’une charge de travail excessive qui pèse sur les
services de protection de l’enfance et les tribunaux aux affaires
familiales, et les tuteurs sont responsables d’un grand nombre d’enfants
migrants non accompagnés (jusqu’à 150), ce qui crée des retards au
niveau de la scolarisation, des rendez-vous médicaux et des demandes
d’asile.
54. Dans la République slovaque, plusieurs modifications importantes
ont été apportées à la législation en 2015 concernant les garanties
de procédure pour les groupes vulnérables, surtout pour les enfants
non accompagnés. Pendant la procédure d’asile, les enfants non accompagnés
restent dans des centres de l’institution chargée de la protection
sociale des enfants et de la tutelle sociale plutôt que dans des
centres pour demandeurs d’asile. Un enfant non accompagné qui devient
un adulte pendant la procédure d’asile peut rester dans l’institution,
en particulier lorsqu’il s’agit de jeunes adultes qui poursuivent
leurs études. En outre, le tuteur du mineur non accompagné peut
poser des questions ou formuler des observations pendant l’entretien
avec le mineur non accompagné (et non pas juste avant la fin de
l’entretien, comme c’est le cas pour les demandeurs adultes).
55. Le médiateur a publié un rapport (no 41/2015, 24 août 2015)
sur les lacunes et les défaillances du système de protection de
l’enfance à Chypre. Des avocats d’ONG à Chypre sont en mesure de
représenter légalement un mineur non accompagné eu égard au droit
accordé à tous les demandeurs de consulter des conseillers juridiques
sur des questions concernant leur demande de protection internationale.
Cependant, l’identification des personnes ayant des besoins particuliers
reste lente, et aucune méthode permettant d’identifier ces demandeurs
dans un délai raisonnable après l’introduction de la demande n’a
été mise en place. Il a été signalé que plusieurs demandeurs n’avaient
peut-être pas reçu les soins médicaux, l’assistance sociale ou les
conseils nécessaires.
4.4. Rétention d’enfants migrants
56. Accompagnés ou non, tous les
enfants qui voyagent sans documents officiels, qu’ils demandent
l’asile ou le statut de réfugié, ou qu’ils soient des migrants en
situation irrégulière, risquent d’être placés en rétention dès lors
que de nombreux pays considèrent l’entrée et le séjour irréguliers
comme une infraction pénale. Malgré le fait que la rétention d’enfants
soit considérée au plan international comme une mesure de dernier ressort
en vertu de la Convention des Nations Unies relative aux droits
de l’enfant, la rétention des enfants migrants a aujourd’hui atteint
des niveaux sans précédent. Malgré quelques améliorations dans la
législation et la pratique de plusieurs Etats membres européens,
des centaines d’enfants migrants finissent encore en centre de rétention.
Cette situation s’explique souvent par un manque de moyens pour
créer des structures ouvertes et adaptées, mais il s’agit également
d’une question d’organisation dans les pays, qui doivent intensifier
leurs efforts pour proposer des familles d’accueil et mettre en
place d’autres structures d’accueil et d’hébergement à court et
moyen terme.
57. Il est difficile d’établir des statistiques précises sur la
rétention d’enfants migrants. En Hongrie, le HCR et des organisations
partenaires continuent d’identifier des enfants placés en rétention
dont l’âge est contesté. L’assistance médicale offerte dans les
centres de rétention est limitée et les enfants sont placés dans
des centres de rétention pendant de longues périodes sans que leur
âge ait été déterminé. Le HCR a identifié des enfants en rétention
au cours de ses visites et s’efforce de les faire transférer dans
des foyers pour enfants.
4.5. Soins de santé
58. Les maladies respiratoires
ont été identifiées comme un problème de santé majeur parmi les
enfants migrants. Des problèmes gastro-intestinaux et des rhumes
ont été détectés chez des enfants en Grèce. Des cas d’enfants atteints
de tuberculose ont été recensés en Allemagne. En Hongrie, les enfants
migrants sont exposés à un risque d’infections élevé en raison de
mauvaises conditions d’hygiène pendant leur voyage et de l’absence
de vaccinations obligatoires. Il est généralement difficile d’évaluer
le niveau de vaccination et les systèmes de vaccination diffèrent
d’un pays à l’autre: en Suède il est réglementé au niveau national
et le calendrier des vaccinations concerne tous les enfants; en
Autriche et en Allemagne, les vaccinations ne sont pas obligatoires,
elles ne sont donc pas systématiques; en Hongrie, les enfants reçoivent
des vaccinations spécifiques à leur âge; en Bulgarie, les enfants
migrants sont vaccinés uniquement si leur dossier médical contenant
des informations sur les vaccinations déjà effectuées est disponible;
en Slovénie, les nouveau-nés sont désormais vaccinés, de même que
les enfants qui résident dans des centres pour demandeurs d’asile avant
leur entrée à l’école; en Suède, les enfants n’ont pas toujours
accès à des soins de santé, à l’éducation et aux services sociaux,
étant donné qu’ils ne sont pas forcément hébergés dans la commune
chargée d’assurer ces services.
5. Conclusions
et recommandations
59. Il ressort clairement de l’examen
de la situation des mineurs non accompagnés dans le contexte de l’actuelle
crise migratoire qu’il ne manque pas de législation internationale,
de recommandations, de lignes directrices, de bonnes pratiques et
de politiques appropriées. Ces nombreuses normes internationales
sont cependant transposées de manière très inégale dans les cadres
réglementaires nationaux, s’agissant du contrôle des frontières
et des centres d’accueil mais aussi des procédures policières et
judiciaires ou encore du travail social, des soins de santé et de
l’éducation.
60. Il est donc urgent et nécessaire d’harmoniser les procédures
qui s’appliquent aux enfants migrants non accompagnés, depuis leur
arrivée en Europe jusqu’à leur intégration ou leur retour, et de
renforcer la coopération internationale à tous les niveaux. Comme
pour tous les aspects de l’actuelle crise migratoire, les pays situés
aux frontières de l’Europe ont besoin d’un soutien international
accru pour relever les nouveaux défis qui résultent de l’ampleur
des arrivées.
61. En revanche, la crise fait apparaître des lacunes dans les
politiques nationales concernant le traitement de tous les enfants
– notamment en ce qui concerne des questions de tutelle, la façon
dont les droits et les aspirations des enfants sont pris en considération,
des procédures d’évaluation de l’âge adaptées aux enfants ainsi
que les droits aux services sociaux et médicaux et à l’éducation
des enfants qui se trouvent dans une situation de vulnérabilité.
62. La disparition de nombreux mineurs migrants non accompagnés
nécessite l’adoption d’une législation et de règles de procédure
sur les enfants migrants portés disparus. Certains pays prévoient
même de ne prendre aucune mesure pendant une durée déterminée avant
d’ouvrir ou d’envisager d’ouvrir une enquête sur les enfants portés
disparus. Il est donc nécessaire de disposer d’informations plus
précises et fiables grâce au partage des bases de données internationales
et à l’agrégation de données provenant de différentes sources (police
nationale et internationale, ONG, services sociaux) concernant le
nombre de mineurs non accompagnés, le lieu où ils se trouvent et
à quel moment de leur migration ils risquent le plus de disparaître, ainsi
que les voies de migration et les réseaux criminels. Il est nécessaire
de combattre les réseaux criminels qui pourraient abuser des enfants
non accompagnés et les exploiter, et notamment d’assurer un échange d'informations
efficace entre les différentes autorités nationales avec la participation
d'Europol.