1. Introduction
1. La procédure de suivi de l’Assemblée
se fonde sur la
Résolution
1115 (1997) portant création de la commission de suivi, telle que
modifiée par les
Résolution
1431 (2005),
Résolution
1710 (2010),
Résolution 1936
(2013) et
Résolution
2018 (2014). Cette résolution définit le mandat de la commission
pour le respect des obligations et engagements des Etats membres
du Conseil de l’Europe (commission de suivi) et la charge de veiller
«au respect des obligations contractées par les Etats membres aux
termes du Statut du Conseil de l'Europe (STE no 1),
de la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5,
«la Convention») et de toutes les autres conventions de l'Organisation
auxquelles ils sont parties», ainsi qu'au «respect des engagements
pris par les autorités des Etats membres à l’occasion de leur adhésion
au Conseil de l'Europe».
2. Conformément à la
Résolution
1115 (1997), telle qu’amendée, la commission de suivi est tenue
de rendre compte à l’Assemblée, une fois par an, du déroulement
général des procédures de suivi. Jusqu’en 2015, les rapports relatifs
à l’évolution de la procédure de suivi de l’Assemblée étaient examinés
à l’occasion de la partie de session d’octobre de l’Assemblée. Afin
d’aligner plus étroitement la présentation du rapport d’activité
sur les cycles de rapport des autres mécanismes de suivi du Conseil
de l’Europe, il a été convenu dans la
Résolution 2078 (2015) de présenter les
prochains rapports concernant l’évolution de la procédure de suivi
de l’Assemblée lors de ses parties de session de janvier. En accord
avec la pratique établie, la commission m’a chargé, en ma qualité
de président, de faire rapport sur ses activités.
3. Conformément à son mandat, la commission de suivi veille au
respect par tous les Etats membres des obligations découlant de
leur adhésion au Conseil de l’Europe et, s’il en est, des engagements
spécifiques qu’ils ont contractés. A ce jour, neuf pays font l’objet
d’une procédure de suivi
stricto sensu et
quatre sont engagés dans un dialogue postsuivi avec l’Assemblée.
Depuis 2014, tous les pays (désormais 34) ne faisant pas l’objet
d’une procédure de suivi stricto sensu et n’étant pas engagés dans
un dialogue postsuivi sont soumis à un examen périodique, concernant
le respect des obligations découlant de leur adhésion au Conseil de
l’Europe. Conformément aux méthodes de travail adoptées par la commission
de suivi
, quelque six pays feront
l’objet chaque année d’un tel examen périodique. Les rapports y
afférents sont inclus dans le rapport relatif à l’évolution de la
procédure de suivi de l’Assemblée pour l’année durant laquelle ils
sont examinés.
4. L’évolution de la procédure de suivi de l’Assemblée pour les
pays qui font l’objet d’une procédure de suivi stricto sensu ou sont engagés dans
un dialogue postsuivi sera traitée dans la prochaine partie du présent rapport.
Comme le veut l’usage, je me suis limité aux constatations de textes
pertinents adoptés par l’Assemblée et aux rapports, déclarations
et autres documents publics établis par les corapporteurs pour les pays
respectifs. De plus, j’ai fait référence, le cas échéant, aux rapports
des commissions ad hoc pour l’observation des élections dans les
pays en question.
5. Au cours de la période considérée, la commission a adopté
les rapports périodiques concernant l’Allemagne, l’Autriche, le
Danemark, la Finlande, la France et la République tchèque
.
Ces rapports figurent dans les parties 2 à 7 du présent rapport
d’activité.
2. Aperçu des activités de la commission
2.1. Observations générales
6. Au cours de la période couverte
par le présent rapport, neuf pays
continuaient de faire
l’objet d’une procédure de suivi
stricto
sensu et quatre autres
étaient
engagés dans un dialogue postsuivi avec l’Assemblée.
7. Par ailleurs, durant cette même période, un rapport sur le
fonctionnement des institutions démocratiques en Turquie a été débattu
à l’Assemblée.
8. Lors de la période considérée, la commission s’est réunie
à 13 reprises, cinq fois à Strasbourg à l’occasion de la session
plénière de l’Assemblée, six fois à Paris, une fois à Sarajevo à
l’invitation du Parlement de Bosnie-Herzégovine et une fois à Tirana,
à l’invitation de l’Assemblée de la République d’Albanie. Je tiens à
remercier le Parlement de Bosnie-Herzégovine et le Parlement albanais
pour l’aimable hospitalité accordée à la commission à ces occasions.
9. Dans ce même temps, les corapporteurs respectifs ont effectué
des visites d’information dans les pays suivants: Albanie, Arménie
(deux visites), Azerbaïdjan (deux visites), Bosnie-Herzégovine (deux
visites), Géorgie (deux visites), République de Moldova (deux visites),
Serbie, Ukraine (deux visites), Bulgarie (deux visites)
, Monténégro, «l’ex-République
yougoslave de Macédoine» et Turquie. Ils ont par ailleurs pris part
aux missions préélectorales et d’observation des élections (référendums)
en Arménie, en Azerbaïdjan, en Bosnie-Herzégovine, en Bulgarie,
en Géorgie, au Monténégro, en République de Moldova, en Ukraine,
dans «l’ex-République yougoslave de Macédoine» et en Turquie.
10. Les corapporteurs ont établi des notes d’information sur l’Arménie,
l’Azerbaïdjan, la Géorgie, la République de Moldova, l’Ukraine,
la Bulgarie, le Monténégro, «l’ex-République yougoslave de Macédoine»
et la Turquie, qui ont été déclassifiées par la commission, et fait
des déclarations quant à la situation en Albanie, en Arménie (deux
déclarations), en Azerbaïdjan (deux déclarations), en Géorgie (cinq
déclarations), en République de Moldova (trois déclarations), en
Fédération de Russie (deux déclarations), en Ukraine (quatre déclarations),
en Bulgarie (deux déclarations), au Monténégro, dans «l’ex-République
yougoslave de Macédoine» (deux déclarations) et en Turquie (quatre
déclarations).
11. A la suite de l’adoption de la
Résolution 2034 (2015) sur la contestation, pour des raisons substantielles, des
pouvoirs non encore ratifiés de la délégation de la Fédération de
Russie, dans laquelle l’Assemblée a décidé de maintenir un certain
nombre de sanctions prises à l’encontre de la délégation russe auprès
de l’Assemblée en réaction à l’annexion illégale de la Crimée par
la Russie et à l’intervention de ses forces militaires dans l’est
de l’Ukraine, la délégation russe a décidé de cesser tout contact
avec l’Assemblée et ses organes, y compris les corapporteures chargées
du suivi. Cependant, jugeant qu’il n’était pas acceptable qu’un pays
se retire de lui-même de la procédure de suivi, même à titre temporaire,
en refusant de collaborer avec l’Assemblée, la commission a décidé
d’examiner à sa réunion d’octobre une note d’information sur le fonctionnement
des institutions démocratiques en Fédération de Russie élaborée
par les corapporteures
. Cette note d’information a été approuvée
par la commission et déclassifiée le 11 octobre 2016. S’appuyant
sur ce document, la commission a adopté une déclaration dans laquelle
elle exprime ses préoccupations concernant la détérioration de l’environnement
démocratique et le rétrécissement de l’espace dont disposent les
organisations de la société civile en Fédération de Russie
.
12. Le 2 octobre 2015, la commission de suivi a été saisie pour
rapport sur une proposition de résolution concernant la création
d’une Europe sans clivages
. Lors de sa réunion tenue à Tirana
le 22 septembre 2016, la commission a estimé que le sujet de la
proposition de résolution faisait déjà l’objet d’un examen détaillé
de sa part et de ses rapporteurs dans le cadre des procédures de
suivi et de dialogue postsuivi, ainsi qu’à l’occasion de la préparation
des examens périodiques de tous les pays non encore couverts par
les procédures susmentionnées. L’élaboration d’un rapport distinct
sur ce thème constituerait une duplication inutile de travaux déjà
réalisés par la commission et ses rapporteurs. La commission a par
conséquent décidé de ne pas rédiger de rapport séparé sur ce sujet,
mais de lui consacrer une courte partie dans le rapport d’activité
de 2016. Il sera ainsi abordé à la partie 3 du présent rapport.
13. Le 4 février 2016, M. Schennach et plusieurs de ses collègues
ont présenté une proposition de résolution sur «Le fonctionnement
des institutions démocratiques en Pologne»
. Le 27 mai 2016, le Bureau de l’Assemblée
a saisi la commission de suivi pour rapport, conformément à l’article
7 du mandat de cette dernière. Le 23 juin 2016, la commission a
désigné M. Yves Cruchten (Luxembourg, SOC) et M. Thierry Mariani
(France PPE/DC) comme rapporteurs.
14. Le 3 novembre 2015, la commission a tenu un échange de vues
avec la Gouverneure (Bashkan) de l'Entité territoriale autonome
de Gagaouzie-Yeri de la République de Moldova. Le 9 mars 2016, elle
a organisé une audition sur les développements récents dans le sud-est
de la Turquie et la relance du processus de paix, avec la participation
de M. Mehmet Tekinarslan, sous-secrétaire adjoint, ministère de
l'Intérieur de la Turquie, M. Osman Baydemir, membre du Parti démocratique
des peuples (HDP) et M. Andrew Gardner, chargé de recherche sur
la Turquie pour Amnesty international. Le 19 avril 2016, la commission
a organisé un échange de vues avec M. Thorbjørn Jagland, Secrétaire
Général du Conseil de l’Europe. Soulignant son importante coopération
avec la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise), la commission de suivi a organisé le 23 juin 2016, un
échange de vues avec M. Thomas Markert, directeur et secrétaire
exécutif de la Commission de Venise et le 10 octobre 2016, avec
son président, M. Gianni Buquicchio. Le 22 septembre 2016, à l’occasion
de sa réunion à Tirana, la commission a tenu un échange de vues
sur les développements récents dans «l’ex-République yougoslave
de Macédoine» et l’état d’avancement de la mise en œuvre de l’Accord
de Przino, avec la participation de M. Zoran Zaev, président du
Parti SDSM et M. Aleksandar Nikoloski, représentant M. Gruevski,
président du Parti VRMO-DPMNE. Lors de sa réunion à Sarajevo, elle
a tenu une audition sur «La Constitution
de Dayton: 20 ans plus tard», avec la participation,
inter alia, de l’ambassadeur Valentin Inzko, Haut Représentant pour
la Bosnie-Herzégovine, M. Thomas Markert, secrétaire de la Commission
de Venise, et Mme Ermira Mehmeti Devaja,
du Parlement de «l’ex-République yougoslave de Macédoine». Dans
le cadre de sa réunion en Albanie, la commission a organisé une
audition conjointe avec le Parlement albanais sur le dialogue interreligieux
et la tolérance avec la participation notamment de M. Ilir Meta,
président du Parlement albanais et de M. Blendi Klosi, ministre
du Bien-être social et de la Jeunesse, ainsi que des experts albanais
et internationaux. Le 11 octobre 2016, elle a tenu un échange de
vues avec la participation de M. Alexander Cherkasov (Memorial Human
Rights Centre), Mme Rachel Denber (Human
Rights Watch) et M. John Dalhuisen (Amnesty International) sur les
faits récents intervenus en Fédération de Russie.
15. Parallèlement aux réunions de la commission, la sous-commission
ad hoc sur les conflits entre les Etats membres du Conseil de l’Europe
s’est réunie à deux reprises à Strasbourg, les 19 avril et 11 octobre
2016, ainsi qu’une fois à Paris le 10 mars 2016. Conformément à
son mandat, elle a adopté un rapport d’évaluation de sa première
année d’activité à l’occasion de sa réunion tenue à Strasbourg le
11 octobre, présenté à la commission de suivi le 9 novembre 2016.
Cette dernière a approuvé le rapport d’évaluation et adopté une décision
visant à la faire évoluer d’une sous-commission ad hoc à une sous-commission
permanente de la commission de suivi. Elle a par ailleurs élargi
la composition de la sous-commission de manière à y inclure un membre
de la commission de suivi au titre de chacun des Etats qui sont
parties aux conflits et a adapté ses méthodes de travail.
16. L’excellente coopération avec la Commission de Venise s’est
poursuivie tout au long de la période considérée. Outre l’organisation
de deux auditions avec ses hauts responsables, la commission de
suivi a, le 9 octobre 2015, sollicité un avis de la Commission de
Venise sur la loi espagnole sur «la sécurité des citoyens» et sur
la loi portant modifications des pouvoirs de la Cour constitutionnelle
d'Espagne. Par ailleurs, le 3 novembre 2015, elle a convenu de demander
à la Commission de Venise d’analyser la conformité de l’article 299
du Code pénal turc relatif à la diffamation du Président de la République,
et son application en pratique, avec les normes européennes des
droits de l’homme. Le 25 janvier 2016, elle a sollicité un avis
sur le projet de loi polonaise portant amendements à la loi sur
la police et d’autres lois. Lors de sa réunion du 9 mars 2016, la
commission a convenu de saisir la Commission de Venise pour avis
sur la compatibilité du cadre juridique régissant les couvre-feux
en Turquie avec les normes du Conseil de l’Europe ainsi que sur
la loi ukrainienne portant modification de la loi sur l'élection
des députés du peuple de l'Ukraine. Le 21 avril 2016, elle a demandé un
avis sur le Code électoral modifié en novembre 2015 de «l'ex-République
yougoslave de Macédoine», et le 23 mai 2016, sur les «attributions,
compétences et fonctionnement» des «tribunaux pénaux de paix» établis par
la loi 5235 de la Turquie. Toujours concernant la Turquie, la commission
a décidé, le 22 septembre 2016, de saisir la Commission de Venise
pour avis sur la compatibilité globale de la mise en œuvre de l’état
d’urgence en Turquie, en particulier de tous les décrets-lois qui
ont suivi, avec les normes du Conseil de l’Europe. De plus, le 10
octobre 2016, elle a convenu de demander un avis de la Commission
de Venise sur la loi bulgare sur le pouvoir judiciaire telle que
modifiée par les deux paquets d'amendements adoptés en mars et juillet
2016 ainsi que sur les amendements au Code électoral de la Bulgarie,
tels qu'ils ont été adoptés par le Parlement bulgare depuis l’avis
de la Commission de Venise en 2014 sur le projet de Code électoral
du pays. Le rapporteur tient à exprimer sa profonde gratitude pour
les relations de travail cordiales et les réponses rapides, souvent
dans un délai très bref, de la Commission de Venise aux demandes
de la commission.
2.2. Aperçu du suivi au cours de la période
visée concernant les pays soumis à une procédure de suivi stricto
sensu
2.2.1. Albanie
17. Les corapporteurs se sont rendus
dans le pays en octobre 2016.
18. L’Assemblée est depuis longtemps préoccupée par le manque
d’indépendance et d’impartialité de la justice ainsi que par les
pressions et les ingérences politiques dans le système judiciaire.
Il convient de ce fait de saluer l’adoption des modifications constitutionnelles
qui ont ouvert la voie à une réforme de grande ampleur et approfondie
du système judiciaire. La réforme de la justice est également considérée
comme une contribution majeure à la lutte contre la corruption et
le crime organisé. L’adoption rapide de la réforme et sa mise en
œuvre sont importantes dans la perspective de l’ouverture éventuelle
de négociations en vue de l’adhésion à l’Union européenne. La Commission
européenne a adopté son «paquet élargissement» annuel dans lequel
elle recommande aux Etats membres d'envisager d'ouvrir les négociations
d'adhésion avec l'Albanie, une telle démarche étant toutefois strictement
subordonnée à la réalisation de progrès crédibles et concrets dans
la mise en œuvre de la réforme judiciaire, en particulier pour ce
qui est de la réévaluation (du contrôle) des juges et des procureurs.
19. Un climat politique tendu a continué de régner au cours de
la période couverte par le présent rapport. Les corapporteurs ont
souligné l’importance de la coopération entre la majorité et l’opposition
pour poursuivre les réformes, à l’approche en particulier des élections
législatives de 2017. Les lacunes du processus électoral constatées
durant les élections précédentes doivent être dûment comblées, de
manière consensuelle entre toutes les parties prenantes, avant le
scrutin législatif de 2017. Cependant, les modifications apportées
au Code électoral ne sont pas suffisantes à elles seules pour remédier
aux dysfonctionnements récurrents de la procédure électorale. Il
appartient à tous les acteurs politiques de faire la preuve de la
volonté politique nécessaire pour tenir des élections véritablement
démocratiques et mettre en œuvre de bonne foi toutes les dispositions
du Code électoral.
20. L’environnement médiatique extrêmement politisé en Albanie
préoccupe depuis longtemps l’Assemblée. L’autocensure est largement
pratiquée par les journalistes et l’indépendance éditoriale se heurte souvent
à des pressions et ingérences politiques. La question de la pénalisation
de la diffamation a donné lieu à controverse. Des projets de modification
du Code pénal relatifs à «la diffamation des hauts fonctionnaires
ou des élus» ont été soumis en novembre 2015. Ces propositions vont
à l’encontre de la position de l’Assemblée, telle qu’exprimée dans
la
Résolution 2019 (2014) dans laquelle elle salue la suppression des peines d’emprisonnement
pour insulte et pour diffamation ainsi que l’abolition de la protection
spéciale contre la diffamation dont jouissaient certaines catégories
de personnes, et invite le parlement à dépénaliser complètement
la diffamation. Les amendements proposés ont finalement été retirés.
21. La question des droits de propriété dans le cadre de l’exécution
de l’arrêt pilote de la Cour européenne des droits de l’homme relatif
à la non-application des décisions internes octroyant une indemnisation
pour les biens confisqués présente une importance particulière pour
la procédure de suivi, eu égard notamment aux décisions du Comité
des Ministres à ce sujet et au mémoire amicus curiae de la Commission
de Venise.
22. La réforme administrative territoriale, dont il est fait état
dans le rapport précédent, a été adoptée et est en cours de mise
en œuvre. Il convient de veiller dans ce processus à une véritable
décentralisation des pouvoirs et aux moyens d’assurer une autonomie
locale démocratique efficiente et efficace.
23. La corruption et la criminalité organisée demeurent sources
de préoccupations en Albanie. La lutte contre ces phénomènes est
une des priorités déclarées des autorités, mais des progrès notables
restent toutefois requis en ce qui concerne les poursuites et les
condamnations. Il convient à cet égard d’inviter instamment les
autorités à démontrer clairement qu’il ne saurait y avoir d’impunité
en matière de corruption à quelque niveau que ce soit du gouvernement,
de la police, du pouvoir judiciaire ou du ministère public.
2.2.2. Arménie
24. Les événements récents en Arménie
ont été dominés par le processus de réforme constitutionnelle engagé
par le Président Sargsian. Dans ce contexte, les corapporteurs se
sont rendus dans le pays du 10 au 12 mai 2016 et les 22 et 23 novembre
2016.
25. Le 5 octobre 2015, l’Assemblée nationale arménienne a adopté,
à une large majorité, une série d’amendements à la Constitution.
Considérées dans leur ensemble, ces modifications équivalent à une révision
quasi-totale de la Constitution en place. Le volet le plus sujet
à des controverses politiques avait trait au passage d’un régime
présidentiel à un régime parlementaire et à l’introduction d’un
système électoral entièrement proportionnel pour l’Assemblée nationale,
en lieu et place du système mixte mi-proportionnel, mi-majoritaire.
La nouvelle Constitution a été élaborée en étroite consultation
avec la Commission de Venise. Tout en soulignant qu’en vertu des
normes européennes, chaque pays a toute liberté d’adopter son propre
système démocratique, la Commission de Venise a salué la coopération
établie avec les autorités dans le cadre de l’élaboration de la
nouvelle Constitution qu’elle considère de qualité et pleinement
conforme aux normes internationales. Il convient de féliciter l’ensemble
des parties prenantes pour les efforts déployés à cet égard.
26. Conformément aux dispositions constitutionnelles, un référendum
sur les amendements proposés a été organisé le 6 décembre 2015.
Celui-ci s’est déroulé dans un environnement politique extrêmement
polarisé et tendu et a malheureusement été entaché de plusieurs
allégations d’irrégularités. La conduite de ce référendum a mis
en lumière le manque de confiance persistant du public dans le système
électoral et n’est pas parvenu à asseoir la crédibilité démocratique
non équivoque des réformes constitutionnelles que l’on espérait
tant.
27. Après l’adoption des amendements constitutionnels, le processus
d’élaboration d’un nouveau Code électoral a été amorcé en vue de
la mise en œuvre du nouveau système électoral prévu dans la Constitution. Alors
que la plupart des parties prenantes, notamment des représentants
des partis d’opposition et de la société civile, ont été invitées
à participer, le peu de temps dont elles disposaient pour rédiger
ce texte de loi dans les délais impartis a nui à la large ouverture
du processus d’élaboration. Avec le soutien de la société civile,
les partis d’opposition ont formulé un certain nombre de propositions
concernant l’introduction de mécanismes dans le Code électoral destinés
à renforcer la solidité et la résistance du système électoral aux activités
frauduleuses. La majorité au pouvoir et l’opposition sont parvenues
à un accord et plusieurs dispositifs de lutte contre les fraudes
électorales, visant à accroître la confiance du public dans le système,
ont été introduits dans le nouveau Code électoral. Cet accord et
la coopération accrue entre la majorité au pouvoir et l’opposition
qui en est à l’origine méritent d’être vivement salués.
28. Dans son avis sur le Code électoral, la Commission de Venise
a conclu qu’il pourrait constituer une bonne base d’organisation
d’élections démocratiques mais a craint que sa complexité n’affecte
la confiance du public dans le dispositif électoral. Toutes les
parties prenantes doivent désormais faire preuve d’une volonté politique
sans faille pour mettre pleinement en œuvre l’ensemble des dispositions
du Code électoral, conformément à l’esprit et à la lettre de la
législation, afin de garantir la tenue d’élections véritablement démocratiques
en Arménie.
29. L’instauration du nouveau système politique en Arménie pourrait
récompenser les partis qui veulent coopérer et former des coalitions.
Cela permettrait de lutter contre la tendance à considérer la politique
comme un jeu à somme nulle, qui prévaut malheureusement en Arménie,
souvent au détriment de la consolidation démocratique du pays. Il
est par conséquent essentiel que les mécanismes visant à garantir
une majorité stable n’entravent pas cet important processus de formation
d’une coalition.
30. La lutte contre la corruption figurait en bonne place de l’ordre
du jour des autorités et les nombreuses réformes introduites à cet
égard ces dernières années ont été saluées par le Groupe d'Etats
contre la corruption du Conseil de l’Europe (GRECO) dans son rapport
d’évaluation du quatrième cycle concernant l’Arménie, publié le
25 février 2016. Cependant, la corruption endémique demeure un sérieux
problème dans le pays et la perception qu’a le public de ce phénomène,
notamment au sein de l’appareil judiciaire, reste très forte. Il
est primordial que les autorités mettent rapidement en œuvre toutes
les recommandations formulées dans le rapport du quatrième cycle
d’évaluation qui porte sur la prévention de la corruption des parlementaires, des
juges et des procureurs dans les Etats membres. A cet égard, il
convient de noter que les récentes modifications apportées à la
Constitution sont susceptibles de répondre à certaines recommandations
du GRECO, s’agissant en particulier de l’indépendance du système
judiciaire et du ministère public.
31. L’échec presque total du régime de cessez-le-feu dans le conflit
du Haut-Karabakh et l’escalade sans précédent des hostilités militaires
le long de la ligne de contact, intervenue au début du mois d’avril
2016, ont eu de profondes répercussions sur le climat politique
du pays. Ces événements ont rapproché toutes les forces politiques
du pays, celles-ci convenant qu’aucun désaccord politique interne
ne devait prendre une ampleur susceptible de porter atteinte à la
stabilité et la sécurité de leur pays. Cette décision a renforcé
la coopération dans la sphère politique, comme déjà évoqué dans
le cadre de l’élaboration du nouveau Code électoral.
2.2.3. Azerbaïdjan
32. Les corapporteurs se sont rendus
dans le pays en avril et en juin 2016. Ils ont également participé
à la mission de l’Assemblée parlementaire d’observation des élections
législatives du 1er novembre 2015 et
ont rejoint les représentants de l’Assemblée présents pour le nouveau
scrutin législatif organisé dans la circonscription no 90
le 18 juin 2016. Ils ont par ailleurs pris part à la mission d’évaluation
du référendum tenu en septembre 2016.
33. Les lourdes peines à répétition prononcées à l’encontre de
défenseurs des droits de l’homme, d’avocats et de journalistes en
Azerbaïdjan soulèvent des préoccupations. Dans ce contexte, la commission
a souligné qu’un climat favorable au pluralisme, à la liberté de
faire campagne et à la liberté des médias devrait être garanti par
toutes les autorités azerbaïdjanaises compétentes, plus particulièrement
en vue des élections du 1er novembre
2015. Il convient à cet égard de saluer la libération récente de
certains défenseurs des droits de l’homme, militants politiques,
journalistes et blogueurs, qui marque une étape positive encourageante.
34. La réforme du système judiciaire afin de s’attaquer aux causes
des arrestations, détentions, poursuites et condamnations de militants
politiques, représentants des médias et défenseurs des droits de
l’homme intervenues ces dernières années, reste un domaine prioritaire
important. Le cadre juridique et sa mise en œuvre présentent toujours
des insuffisances, notamment le droit pénal (eu égard en particulier
aux peines d’emprisonnement excessivement longues et au recours
à la détention provisoire), la loi sur la liberté de réunion, et
les lois relatives aux médias, aux organisations non gouvernementales
(ONG) et aux partis politiques. La législation régissant les ONG
et son application devraient en particulier être réformées sans
plus attendre.
35. Des réformes de l’appareil judiciaire et du droit pénal ont
été entreprises, concernant entre autres la procédure de sélection
des juges et procureurs, le Conseil juridique et judiciaire et le
salaire des juges, la modernisation du système judiciaire et l’introduction
de la justice électronique. Une disposition législative a été adoptée,
relevant le seuil requis pour l’incrimination d’infractions économiques
et un texte de loi a été proposé en vue de diminuer la durée des
peines d’emprisonnement.
36. Le projet de loi sur «la possibilité de mise en œuvre, par
la République d’Azerbaïdjan, des décisions rendues par un organe
interétatique pour la protection des droits de l’homme et des libertés
fondamentales» est officiellement en cours d’examen par le parlement.
La loi attribuerait à la Cour constitutionnelle de nouvelles compétences
concernant l’exécution en Azerbaïdjan des décisions rendues par
des organisations internationales en matière de droits de l’homme
et de libertés fondamentales. Cette proposition a suscité certaines
préoccupations et controverses. Il semblerait toutefois qu’elle
émane d’un seul parlementaire et n’ait pas recueilli le soutien
de la majorité des membres du Meijlis. Dans ce contexte, il convient
de rappeler l’obligation faite à tous les Etats membres du Conseil
de l’Europe de veiller à l’exécution pleine et effective des décisions
de justice. L’initiative prise par le Secrétaire Général en vertu
de l’article 52 de la Convention européenne des droits de l’homme
dans l’affaire Ilgar Mammadov est déterminante à cet égard.
37. Les élections législatives ont eu lieu en novembre 2015. La
commission ad hoc de l’Assemblée pour l’observation des élections
a conclu que la forte augmentation du taux de participation et l’amélioration
de la transparence des procédures de vote et de dépouillement du
scrutin attestent du nouveau pas de l’Azerbaïdjan vers des élections
libres, équitables et démocratiques. Selon la commission, les résultats
du scrutin ont exprimé la volonté de la population azerbaïdjanaise.
Bien qu’elle ait constaté certaines irrégularités lors du vote et
du dépouillement, la commission ad hoc considérait dans son rapport
que ces lacunes ne constituaient pas des violations systémiques
du Code électoral. Elle a invité la commission électorale centrale
à mener des enquêtes en bonne et due forme et à rendre compte de
ces irrégularités, saluant dans le même temps sa décision d’annuler
les résultats dans la circonscription no 90.
L’Assemblée a assuré une présence à l’occasion des nouvelles élections
législatives organisées dans la circonscription no 90
le 18 juin 2016.
38. A la suite de la loi référendaire visant à apporter des modifications
à la Constitution de la République d’Azerbaïdjan (y compris des
amendements à 29 de ses articles) soumise par le Président et validée
par la Cour constitutionnelle, un référendum a été organisé à ce
sujet le 26 septembre 2016. Le Bureau de l’Assemblée a saisi la
Commission de Venise pour avis sur le projet de modification de
la Constitution de l'Azerbaïdjan et constitué une commission ad
hoc chargée d’effectuer une mission d’évaluation du référendum.
39. Dans son avis, la Commission de Venise a exprimé ses vives
inquiétudes quant à la réforme institutionnelle prévue par les amendements
proposés qui bouleverserait gravement l’équilibre des pouvoirs, accordant
des compétences «sans précédent» au Président.
40. La mission d’évaluation de l’Assemblée a conclu que le référendum
avait été organisé conformément à la législation nationale et à
la Constitution azerbaïdjanaise et était par conséquent légal et
légitime. Selon elle, le vote a été transparent, bien organisé,
efficace et pacifique tout au long du jour du scrutin et aucune
violation grave n’a été observée au cours du dépouillement. Elle
a invité les autorités à respecter l’Avis de la Commission de Venise
et à améliorer encore le processus électoral.
41. L’échec presque total du régime de cessez-le-feu dans le conflit
du Haut-Karabakh et l’escalade sans précédent des hostilités militaires
le long de la ligne de contact, intervenue au début du mois d’avril
2016, ont eu de profondes répercussions sur le climat politique
du pays. Les corapporteurs se sont déclarés vivement préoccupés
et ont insisté sur la nécessité de rouvrir de toute urgence les
négociations menées dans le cadre du Groupe de Minsk pour parvenir
à mettre fin de manière pacifique à cette tragédie sans fin.
2.2.4. Bosnie-Herzégovine
42. Pendant la période couverte
par ce rapport, les corapporteurs ont effectué deux visites d’information
en Bosnie-Herzégovine: une à Sarajevo et Travnik en septembre 2015,
et une autre à Sarajevo, Mostar et Banja Luka en juin 2016. A Sarajevo,
les discussions ont porté notamment sur la décision de la Republika
Srpska (RS) d’organiser un référendum le jour de la fête nationale
de la RS, en dépit d’un arrêt de la Cour constitutionnelle déclarant
ce jour férié discriminatoire. Le Haut Représentant a qualifié la
tenue du référendum, qui a eu lieu le 25 septembre 2016, de violation
manifeste des accords de paix de Dayton.
43. Les élections locales, qui ont eu lieu dans tout le pays le
2 octobre 2016, ont été observées par une délégation du Congrès
des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe. Ces élections
étaient bien organisées et se sont déroulées de manière pacifique,
sauf à Stolac où le scrutin a dû être suspendu. Un Serbe a été élu
maire de Srebrenica pour la première fois depuis la guerre. Les
élections n’ont pu avoir lieu dans la ville de Mostar car les amendements
à la loi électorale n’ont pas été adoptés à temps. L’arrêt de 2010
de la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine sur le système
électoral de Mostar n’a donc toujours pas été mis en œuvre. Les
citoyens de Mostar ne peuvent plus voter depuis 2010.
44. La Bosnie-Herzégovine a déposé une demande d’adhésion à l’Union
européenne en février 2016 et, en septembre, le Conseil de l’Union
européenne a invité la Commission européenne à soumettre un avis
sur cette demande.
45. Les corapporteurs présenteront en 2017 un rapport à l’Assemblée
sur le respect par la Bosnie Herzégovine de ses obligations et engagements
à l’égard du Conseil de l’Europe.
2.2.5. Géorgie
46. Les corapporteurs se sont rendus
dans le pays du 12 au 14 octobre 2015 puis du 3 au 5 mai 2016. Les élections
législatives ont eu lieu le 8 octobre 2016. Un deuxième tour a été
organisé le 30 octobre 2016 pour les scrutins majoritaires où aucun
des candidats en lice n’avait obtenu 50 % des suffrages. Les corapporteurs ont
participé ex officio à la
visite préélectorale ainsi qu’aux missions d’observation électorale
de l’Assemblée à l’occasion des deux tours de scrutin.
47. L’environnement politique géorgien est malheureusement resté
marqué par des tensions et la polarisation tout au long de la période
considérée. Les tensions qui prévalaient entre l’opposition et la
majorité au pouvoir, mais aussi en leur sein, se sont encore exacerbées
à l’approche des élections législatives du 8 octobre 2016. Les sondages
d’opinion ont témoigné d’une perte de popularité de la coalition
au pouvoir sans que l’opposition bénéficie pour autant d’un soutien
accru. La majorité de l’électorat géorgien était encore indécis
quant à son choix à quelques jours du scrutin, contribuant ainsi
au climat politique tendu.
48. La Géorgie est dotée d’un système électoral mixte, mi-proportionnel,
mi-majoritaire. Comme ce fut le cas avant les élections de 2008
et de 2012, les négociations visant à changer le système électoral
en un scrutin régional entièrement proportionnel basé sur des listes
ouvertes ont échoué et n’ont pas permis à l’opposition et la majorité
au pouvoir de parvenir à un accord. Tout en convenant de la nécessité
d’abolir la composante majoritaire du système électoral, l’opposition
et la majorité au pouvoir n’ont pas réussi à se mettre d’accord
sur la date d’introduction d’un tel changement du système électoral.
L’opposition était favorable à ce qu’il intervienne avant les élections
législatives de 2016, la majorité au pouvoir insistant quant à elle
pour une mise en œuvre ultérieure au scrutin. Fort de cela, aucune
modification n’a été apportée au système électoral. Il est à espérer
que le gouvernement entrant tienne ses promesses et introduise les
changements avant les prochaines élections législatives.
49. Fait positif, les autorités géorgiennes se sont employées
à régler un problème de longue date, à savoir la forte disparité,
en taille, des circonscriptions majoritaires pouvant compter entre
6 000 et 120 000 électeurs, écart bien supérieur à ce qui peut être
considéré comme acceptable au regard des normes européennes. Le 28
mai 2015, sur la base d’une plainte déposée par le défenseur public,
la Cour constitutionnelle a jugé que l’écart de taille entre les
circonscriptions électorales violait le principe d’égalité du vote
tel que consacré par la Constitution géorgienne, et a ordonné de
remédier à cette situation. Des amendements au Code électoral visant
à redessiner les circonscriptions électorales ont été adoptés le
18 décembre 2015. En outre, le seuil pour être élu dans les circonscriptions
majoritaires a été porté de 30 % à 50 %, ce que demandait depuis
longtemps l’opposition. Les circonscriptions ont été définies en
l’absence de toute consultation approfondie de l’ensemble des acteurs
électoraux et consensus entre ces derniers. Il s’agit pourtant d’une
condition préalable essentielle pour renforcer la confiance du public
dans le processus électoral. Dans le même temps, les allégations
de découpage abusif des circonscriptions n’étaient pas étayées
.
50. La coalition au pouvoir s’est fragmentée encore davantage
à l’approche des élections législatives. Le 31 mars 2016, le Premier
ministre Kvirikashvili a annoncé que tous les membres de la coalition
se présenteraient indépendamment aux prochaines élections et non
sur une liste de coalition. Par ailleurs, la plupart des partis
d’opposition ont décidé de se présenter individuellement plutôt
que sur une liste commune. Les élections législatives ont eu lieu
le 8 octobre 2016. La mission internationale d’observation des élections, dont
faisait partie l’Assemblée, a conclu que les élections ont été concurrentielles,
bien gérées et les libertés fondamentales respectées dans l’ensemble.
Elle a cependant ajouté que l’atmosphère de campagne en général
calme et ouverte a toutefois été altérée par des allégations d’irrégularités
dans la tenue de la campagne et par certains incidents de violences.
Le Parti Rêve géorgien a recueilli 48,6 % des suffrages au scrutin
proportionnel, le principal parti d’opposition, Mouvement national
uni (MNU) de l’ancien Président Saakashvili obtenant 27,11 % des
voix. Parmi les autres partis en lice, seule l’Alliance des patriotes
a franchi le seuil des 5 % requis pour entrer au parlement avec
5,01 % des suffrages. Aux élections au scrutin majoritaire, les
candidats du Parti Rêve géorgien ont dépassé le seuil des 50 % dans
23 circonscriptions. Un second tour de scrutin entre les deux candidats
ayant obtenu le plus de suffrages au premier tour a été organisé
le 30 octobre 2016 dans les 50 circonscriptions restantes. Selon
la mission internationale d’observation des élections, le deuxième
tour des élections législatives organisées le 30 octobre en Géorgie s’est
déroulé dans un climat concurrentiel et dans le respect des droits
des candidats et des électeurs, malgré l’absence de cadre juridique
pour ce second tour
. Elle a par ailleurs noté que les
commissions électorales et les tribunaux n’ont pas toujours respecté
les principes de la transparence et du droit à un recours effectif
dans la conduite des enquêtes et le règlement des litiges électoraux.
Sur les 50 scrutins majoritaires, 48 ont été remportés par les candidats
de Rêve géorgien, un par un candidat indépendant bénéficiant du
soutien de Rêve géorgien et un par un candidat du Parti des Industrialistes.
A l’issue de ces élections, Rêve géorgien détient une majorité constitutionnelle
de 115 sièges au nouveau parlement, le MNU obtenant 27 sièges et
le bloc électoral conduit par l’Alliance des patriotes six sièges.
Comme mentionné précédemment, un membre indépendant et un membre
du Parti des Industrialistes siégeront également au nouveau parlement.
51. La réforme judiciaire est restée une priorité clé du gouvernement.
Le ministère de la Justice a engagé une ambitieuse réforme visant
à renforcer l’indépendance du système judiciaire et à le «dépolitiser».
Elle était axée sur l’indépendance de la justice et du système des
tribunaux mais aussi du ministère public. Plusieurs modifications
de la loi sur le ministère public, portant sur les procédures de
nomination et de révocation du procureur général, ont été adoptées
le 28 septembre 2015. Ces réformes, même si elles constituent une amélioration
significative par rapport à la situation antérieure, ne peuvent
à elles seules garantir pleinement la dépolitisation et l’indépendance
du ministère public et d’autres s’avèrent nécessaires à cette fin.
Les autorités ont fait part de leur intention de mettre en œuvre
la prochaine étape du processus de réforme du ministère public après
les élections législatives.
52. Ces deux dernières années, en Géorgie, les demandes de détention
provisoire et le recours à cette mesure ont considérablement diminué
et la situation s’est globalement améliorée à cet égard. Toutefois,
la détention provisoire continue d’être utilisée trop régulièrement
et avec trop de facilité dans certains cas, y compris dans des affaires
politiquement sensibles impliquant d’anciens membres du gouvernement.
Comme mentionné dans le précédent rapport d’activité, l’une des
utilisations les plus graves et les plus contestables de cette pratique
par plusieurs gouvernements successifs est l’introduction d’accusations
consécutives, chacune accompagnée d’une demande de détention provisoire.
Elle a pour conséquence qu’une personne peut être maintenue en détention
provisoire pendant une période plus longue que les neuf mois prescrits
par le Code de procédure pénale. En septembre 2015, à la suite d’une
plainte déposée par l’ancien maire de Tbilissi, Gigi Ugulava, la
Cour constitutionnelle a jugé inconstitutionnelles les dispositions
de la loi autorisant cette pratique. Le ministère de la Justice
a annoncé plusieurs initiatives visant à réduire encore le recours
à la détention provisoire en Géorgie, y compris d’autres méthodes
alternatives et un système de réexamen plus fréquent des décisions
de maintien en détention provisoire.
53. La réforme du fonctionnement de la Cour constitutionnelle
géorgienne a, ces derniers temps, suscité la controverse. Alors
que le gouvernement soutenait que ces réformes étaient indispensables
pour accroître l’efficacité et la transparence du travail de la
Cour constitutionnelle, les partis d’opposition affirmaient de leur côté
que ces modifications visaient à compromettre le bon fonctionnement
de la Cour, voire à le rendre impossible, et étaient proposés en
représailles de plusieurs décisions récentes de la Cour constitutionnelle allant
à l’encontre des intérêts du gouvernement. Ces informations ont
été démenties par les autorités. A la suite d’un accord conclu entre
le Premier ministre et le Président de la Géorgie – qui avait opposé
son veto aux modifications initiales – les amendements à la loi
relative au fonctionnement de la Cour constitutionnelle ont subi
quelques aménagements afin de prendre en compte les recommandations
de la Commission de Venise et ont ensuite été adoptés par le parlement.
Les corapporteurs pour la Géorgie se sont dits préoccupés par les
tentatives de politisation de la Cour constitutionnelle et de ses
travaux de la part de toutes les parties.
54. Concernant le rapatriement de la population meskhète déportée,
un plan d’action interinstitutions pour le rapatriement et la réintégration
des Meskhètes a été adopté. Il convient de se féliciter de cette
mesure qui répond à une recommandation de longue date selon laquelle
le rapatriement de la population meskhète ne devrait pas impliquer
uniquement l’établissement d’un cadre juridique, mais s’accompagner
également d’une stratégie concrète permettant le rapatriement et
la réintégration de tous ceux qui souhaitent être rapatriés. Les autorités
ont fait savoir que le délai de soumission des justificatifs en
appui d’une demande de statut de rapatrié avait été porté de deux
à cinq ans, ce qui mérite d’être salué. La commission souhaite réitérer
la recommandation de l’Assemblée pour que les autorités organisent
une évaluation complète du cadre de rapatriement et de la stratégie
d’intégration, et formulent des politiques supplémentaires si nécessaire,
afin de garantir que tous les Meskhètes qui ont été déportés et
qui souhaitent retourner en Géorgie ont bien eu la chance de le
faire.
2.2.6. République de Moldova
55. Les corapporteurs se sont rendus
à deux reprises en République de Moldova, les 22-23 février 2016 ainsi
que du 27 au 29 juin 2016.
56. La République de Moldova reste déterminée à mener à bien le
processus d’intégration à l’Union européenne et mettre en œuvre
l’accord d’association entré en vigueur le 1er juillet
2016 qui a conduit à l’adoption de nombreuses lois. L’environnement
politique a été dominé par un vaste scandale bancaire qui a éclaté
en 2015 et donné lieu à d’importantes manifestations dans le pays.
Trois banques (Banca de Economii, Banca Sociala et Unibank) ont
été victimes en 2014-2015 d’un détournement de fonds de plus d’un
milliard de dollars au total. Ces événements qui doivent encore
faire l’objet d’une enquête approfondie, ont engendré une crise
entraînant une forte instabilité politique
et déstabilisé la coalition pro-européenne.
57. Le placement en détention, le 16 octobre 2015, de M. Vlad
Filat, député, ancien Premier ministre et chef du Parti libéral-démocrate,
a exacerbé la méfiance mutuelle entre les partenaires de la coalition,
rendant pratiquement impossible pour les trois partis de parvenir
à un accord et de former une coalition gouvernementale. Le 30 octobre
2015, le gouvernement de Valeriu Streleț (Parti libéral-démocrate)
formé trois mois plus tôt, a été défait après le vote d’une motion
de censure soutenue par son partenaire de coalition, le Parti démocratique.
58. En décembre 2015, le départ de 14 députés de la faction communiste
pour rejoindre la plateforme soutenue par le Parti démocratique
et la défection de certains de leurs collègues d’autres groupes parlementaires
se sont traduits par un changement d’affiliation politique de près
d’un quart des membres du Parlement moldave en quelques semaines
à peine. Les partis politiques restent soumis à la forte influence d’intérêts
liés à des entreprises privées. Ce nomadisme politique a conduit,
le 20 janvier 2016, à la mise en place d’un nouveau gouvernement
formé par M. Pavel Filip. Les conditions dans lesquelles cette formation
a eu lieu ont fait l’objet de controverses et déclenché d’importantes
manifestations de protestation. Le gouvernement est cependant toujours
en place depuis lors. L’une de ses priorités était l’adoption de
la législation requise pour remplir les conditions énoncées dans
la feuille de route de l’accord d’association avec l’Union européenne,
ainsi que des lois relatives aux institutions financières en vue
de regagner la confiance et le soutien des organisations financières
internationales. Le processus de réforme s’est accéléré et traduit
par l’adoption de nouvelles lois relatives au ministère public,
aux médias, à la lutte contre la corruption et aux institutions
financières. Un dialogue constructif a été établi avec les autorités
gagaouzes afin de mettre la législation moldave en harmonie avec
le statut de cette entité territoriale autonome.
59. Ces développements politiques ainsi que les manifestations
de masse organisées par l’opposition et la société civile ont conduit
à l’émergence d’une Plateforme «Dignité et Vérité» (transformée
par la suite en parti politique). La Plateforme cherchait à lancer
un référendum constitutionnel pour rétablir l’élection au scrutin direct
du Président de la République, diminuer le nombre de membres au
parlement (passant de 101 à 71 députés) et lever l’immunité accordée
aux parlementaires.
60. Le fonctionnement de l’appareil judiciaire et les affaires
potentiellement dictées par des considérations politiques demeurent
problématiques. Stefan Schennach, alors président de la commission
de suivi, s’est rendu à Chisinau les 22 et 23 décembre 2015 afin
d’évaluer les conditions de détention de M. Vlad Filat, ancien Premier
ministre, et de M. Grigore Petrenco, ancien membre de l’Assemblée
parlementaire. Par la suite, les corapporteurs ont continué de suivre
ces affaires. Par coïncidence, Grigore Petrenco a été remis en liberté sous
contrôle judiciaire le premier jour de leur visite d’information
dans le pays, en février 2016. Compte tenu des restrictions à la
liberté de réunion et de circulation imposées à Grigore Petrenco,
les corapporteurs ont, en juin 2016, estimé que ces mesures s’apparentaient
à du harcèlement politique.
61. Le 4 mars 2016, la Cour constitutionnelle a rendu une décision
inattendue, déclarant contraire à la Constitution l’amendement constitutionnel
adopté en 2000 – qui avait introduit l’élection indirecte du Président de
la République –, rétablissant ainsi l’élection du Président au suffrage
direct. Cette décision a permis d’éviter au pays une nouvelle impasse
politique, à l’instar de celle qu’il avait traversée durant la période
2009-2012, le parlement ne parvenant pas, pendant trois années consécutives,
à dégager la majorité de trois cinquièmes nécessaire pour élire
le chef de l'Etat. L’élection présidentielle, qui s’est tenue les
30 octobre et 13 novembre 2016 dans un climat polarisé, a été remportée
par Igor Dodon, membre du Parti socialiste. Selon les observateurs
électoraux de l’Assemblée parlementaire, cette élection présidentielle
a été concurrentielle et les libertés fondamentales ont été respectées.
Cependant, une couverture médiatique de plus en plus polarisée, des
propos agressifs et intolérants et de nombreux cas d’utilisation
abusive de ressources administratives ont nui au processus.
62. S’agissant du règlement du conflit transnistrien, il convient
de saluer les efforts déployés par toutes les parties prenantes
pour reprendre les discussions «5+2», sous les auspices de l’Organisation
pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), en vue de trouver
une solution au conflit et d’améliorer la vie des citoyens des deux
rives du fleuve Nistru. Les autorités moldaves et les autorités de facto de la région transnistrienne
de la République de Moldova devraient être encouragées à poursuivre
leurs efforts de mise en œuvre du Protocole de Berlin de juin 2016,
qui aborde la question de la reconnaissance des diplômes et des
plaques minéralogiques, mais aussi à progresser concernant les établissements
scolaires utilisant l’alphabet latin, l’accès des agriculteurs à
leurs terres et la libre circulation des biens et personnes d’une
rive à l’autre du fleuve Nistru.
2.2.7. Fédération de Russie
63. La délégation russe a maintenu
sa décision regrettable de boycotter les travaux de l’Assemblée
en 2015 puis en 2016, lorsqu’elle a décidé de ne pas présenter ses
pouvoirs. Les corapporteures de la commission de suivi n’ont par
conséquent pas pu se rendre en Fédération de Russie, mais ont toutefois
continué de suivre les développements intervenus dans le pays. Soulignant
qu’il n’était pas acceptable qu’un pays se retire de lui-même de
la procédure de suivi, même à titre temporaire, en refusant de collaborer
avec l’Assemblée, la commission a adopté une note d’information
sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Fédération
de Russie
. Cette dernière porte essentiellement
sur les faits nouveaux en Fédération de Russie pour ce qui est du
fonctionnement des institutions démocratiques et du respect des
droits de l’homme et de la prééminence du droit en fonction des
obligations et engagements pris sur ces points par la Russie à l’égard du
Conseil de l’Europe.
64. La pleine coopération avec la procédure de suivi de l’Assemblée
fait expressément partie des engagements souscrits par la Fédération
de Russie lorsqu’elle a adhéré au Conseil de l’Europe
. Cet engagement
reste valable, que la délégation souhaite ou non participer aux
travaux de l’Assemblée parlementaire. La procédure de suivi ne devrait
pas être concernée par cette impasse, ni être l’otage ou une monnaie
d’échange pour ce qui est de la coopération entre l’Assemblée et
la Fédération de Russie et vice-versa.
65. Depuis la réélection du Président Vladimir Poutine en 2012,
suivie par des manifestations massives, un certain nombre de lois
restrictives limitant le droit à la liberté d’association, d’expression
et de réunion ont été adoptées, ce qui a créé un climat peu favorable
au fonctionnement des organisations de la société civile en Fédération
de Russie. En outre, les organisations indépendantes de défense
des droits de l’homme ont été de plus en plus stigmatisées en tant
«qu’agents étrangers» en raison de leurs prétendues «activités politiques» et
de financements reçus de l’étranger.
66. A ce jour, le ministère de la Justice a désigné 145 organisations
comme «agents étrangers» et plus d’une vingtaine ont cessé leurs
activités pour éviter d’être affublées de ce qualificatif. Des procédures administratives
ont été engagées contre des ONG parce qu’elles ne s’étaient pas
conformées aux exigences de la loi sur les agents étrangers et de
lourdes amendes ont été infligées à de célèbres organisations de défense
des droits de l’homme, notamment à Memorial et au Comité contre
la torture. Sur un plan général, l’application de la loi sur les
agents étrangers a de toute évidence conduit à des actions brutales
contre la société civile, visant manifestement à empêcher et à dissuader
ses organisations de mener leurs activités, en les forçant souvent
à se dissoudre et les exposant à des actes de harcèlement et de
persécution de la part des pouvoirs publics. Plusieurs organisations
et entités internationales, dont la Commission de Venise et le Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, ont invité instamment
les autorités à réviser la loi en profondeur et à retirer le terme
stigmatisant d’«agent étranger». Les autorités russes n’ont pas
donné suite à cette demande et ont, à l’inverse, élargi la définition
déjà trop vaste de ce qui constitue une activité politique.
67. Une nouvelle législation a été adoptée, créant une nouvelle
catégorie d’organisations étrangères, en l’occurrence celles qui
sont «indésirables sur le territoire russe»
, et dont les activités
sont censées présenter un danger pour l’ordre constitutionnel, la
défense ou la sécurité nationale de la Russie. La loi sur les activités indésirables
d’organisations non gouvernementales étrangères et internationales
prévoit la mise en cause de la responsabilité pénale et administrative
des ONG étrangères et internationales qui ont été reconnues comme indésirables
et qui mènent des activités sur le territoire russe, ainsi que des
personnes participant à ces activités. A ce jour, sept organisations
internationales, dont l’Open Society Foundations et la Fondation nationale
pour la démocratie ont été déclarées indésirables. Dans son avis
y afférent, la Commission de Venise a estimé que cette loi porte
atteinte notamment à la liberté d’association, de réunion et d’expression
et au droit à un recours effectif. Elle devrait par conséquent être
retirée au plus tôt.
68. A l’instar de la situation des organisations de la société
civile, l’espace dont disposent les partis d’opposition pour intervenir
et pour exprimer des avis divergents s’est récemment rétréci, notamment
pour ceux qui s’opposent à la politique du Kremlin à l’égard de
l’Ukraine. Cela s’ajoute au harcèlement et aux manœuvres d’intimidation
systématiques des chefs et des militants de l’opposition par les
pouvoirs publics et par des groupes civils qui sont considérés comme
liés aux autorités.
69. L’aggravation du harcèlement et de l’intimidation de responsables
politiques de l’opposition et d’autres personnalités exprimant une
opinion divergente en particulier sur l’annexion illégale de la
Crimée par la Russie et la participation de la Russie au conflit
de l’est de l’Ukraine s’est poursuivie tout au long de la période considérée.
Des propos de plus en plus durs et enflammés ont visé ceux qui expriment
des positions divergeant de celles des autorités, ce qui a conduit
à un environnement politique de plus en plus polarisé et antagonique.
De même que le fait de qualifier des ONG «d’agents étrangers», les
partis politiques et leurs responsables qui contestent la ligne
officielle sont présentés comme des «traîtres» à la nation russe
et / ou des «agents provocateurs» de l’Occident. La publication
d’une vidéo montrant l’ex-Premier ministre Mikhaïl Kassianov, allié
de M. Nemtsov et coprésident du parti RPR-PARNAS, à travers le viseur
de l’arme d’un tireur d’élite, alors qu’il se trouvait en visite
à l’Assemblée à Strasbourg, en est un exemple effrayant.
70. La participation de plus en plus fréquente de groupes sociaux
conservateurs liés au parti au pouvoir pour réprimer les protestations
et harceler les figures d’opposition suscite des préoccupations
grandissantes. Il en a été ainsi avec l’agression par une force
paramilitaire de cosaques à Anapa d’un groupe de militants contre la
corruption dirigé par Alexéi Navalny, membre de l’opposition et
blogueur connu pour son action dans ce domaine, la police restant
à l’écart, ce qui a créé l’impression d’une collusion officielle.
71. Ces actes, combinés à la répression qui pèse sur les ONG et
leur travail, ont entraîné une dégradation de l’environnement démocratique
en Russie. Par ailleurs, ils occultent et sapent les infimes améliorations
du cadre électoral russe qui ont été relevées.
72. Des élections ont eu lieu le 18 septembre 2016 à la Douma
d’Etat de la Fédération de Russie. Cette dernière a invité le Bureau
des institutions démocratiques et des droits de l'homme (BIDDH)
de l’OSCE à déployer une mission internationale pour observer ce
scrutin législatif. Malheureusement, aucune invitation n’a été envoyée
à cette fin à l’Assemblée parlementaire. Le Parti «Russie unie»
du Président Poutine a remporté les élections avec 54 % des voix
et 343 des 450 sièges à la Douma d’Etat, ce qui constitue une augmentation considérable
du nombre de mandats par rapport aux élections précédentes, où «Russie
unie» avait obtenu 49 % des voix et 238 sièges. Le Parti «Russie juste»
a recueilli 6 % des voix et le Parti communiste et le Parti libéral
démocrate de Russie (LDPR), un peu plus de 13 % chacun. Ces partis
sont considérés comme soutenant le Président Poutine. Les principaux
partis d’opposition «Yabloko» et RPR-PARNAS n’ont pas réussi à franchir
le seuil de 5 % requis pour siéger au parlement.
73. D’après la mission d’observation électorale de l’OSCE/BIDDH,
les élections ont été plus transparentes que les précédentes, mais
des problèmes liés aux engagements démocratiques subsistent. En
particulier, les observateurs ont considéré que le cadre légal peut
servir de base appropriée pour la conduite des élections. Cependant,
les engagements démocratiques sont toujours compromis et l’environnement
électoral a été terni par les restrictions aux libertés fondamentales
et aux droits politiques, et par le contrôle sévère exercé sur les médias
et la société civile
. Le jour du scrutin, le vote
s’est bien déroulé, mais de nombreuses violations, y compris des
bourrages d’urnes et des irrégularités procédurales lors du dépouillement,
ont été constatées par les observateurs internationaux et internes.
Selon l’organisation d’observateurs internes Golos, les violations étaient
de moindre importance qu’en 2011, mais les élections étaient toujours
«loin de pouvoir être considérées comme libres et équitables»
.
74. Les élections à la Douma d’Etat ont également eu lieu sur
le territoire ukrainien de Crimée, illégalement annexé par la Russie.
Cette mesure a été largement décriée par la communauté internationale,
y compris par l’Assemblée. Dans sa
Résolution 2132 (2016) sur les «Conséquences politiques de l'agression russe
en Ukraine», l’Assemblée a considéré que les élections à la Douma
d’Etat russe organisées en Crimée constituaient des violations flagrantes
du droit international et compromettent effectivement la légitimité
du Parlement russe. Elle a par conséquent qualifié de nuls et non
avenus les résultats de ces élections illégales.
75. La liberté des médias continue de se détériorer en Fédération
de Russie. Les autorités russes ont eu recours à des lois restrictives
pour limiter la liberté d’expression. La «loi sur la lutte contre
l’extrémisme» donne aux autorités russes de larges pouvoirs pour
fermer les médias considérés comme diffusant des informations extrémistes.
L’absence de clarté de la définition légale du mot extrémisme a
conduit à une application abusive et arbitraire. Des obstacles juridiques
ont gêné les médias indépendants, y compris les restrictions à la propriété
par des étrangers de médias d’information, les avertissements, la
révocation de licences, la fermeture de médias, et le blocage de
sites internet et de plateformes en ligne. A l’instar de la loi
sur les agents étrangers, qui visent les organisations de la société
civile, les autorités ont récemment ciblé les médias par une nouvelle loi
réglementant les médias notamment en matière de financements étrangers.
Le dernier texte de loi contre le terrorisme – la «loi Iarovaïa»
– renforce encore plus le contrôle des autorités sur les communications
et soumet les réseaux sociaux aux mêmes dispositions légales que
les médias pour ce qui est des infractions d’incitation au terrorisme
et de complicité avec le terrorisme. Ajoutés les uns aux autres,
ces faits sont dissuasifs, menacent la liberté des médias et la
liberté d’expression et sont une grave source de préoccupation dans
la mesure où ils constituent une régression de l’environnement démocratique
global.
76. La prééminence du droit, et en particulier l’indépendance
du pouvoir judiciaire et le droit à un procès équitable, sont depuis
longtemps au centre de l’attention de l’Assemblée. Si on ne peut
que se féliciter des améliorations imputables aux réformes menées
par les autorités avec l’aide du Conseil de l'Europe, comme la mise
en place d’un système d’assistance juridique gratuite, plusieurs
préoccupations demeurent. La non-exécution de décisions judiciaires
nationales et internationales, les entraves au système de protection
des droits de l’homme, le manque d’indépendance du pouvoir judiciaire
et les pouvoirs excessifs du ministère public, font obstacle à la
mise en place d’un système judiciaire «accessible, transparent,
efficace et crédible» en Fédération de Russie qui serait conforme
aux normes européennes
.
77. L’Assemblée s’est régulièrement déclarée préoccupée par l’absence
d’indépendance du pouvoir judiciaire et par la vulnérabilité de
ce système aux pressions et aux ingérences externes et internes.
Les procédures et l’issue d’un certain nombre de procès récents
très médiatisés et sujets à controverse, comme ceux de Nadiia Savchenko
et du réalisateur Oleh Sentsov, ont soulevé des questions concernant l’indépendance
du pouvoir judiciaire et accordé foi aux allégations selon lesquelles
ces procès étaient à motivation politique. Outre son manque d’indépendance,
le système judiciaire favorise trop les poursuites, ce qui ne laisse
pas d’être préoccupant s’agissant de l’égalité des armes entre le
ministère public et la défense et donc de l’équité des procès proprement
dits. Ces préoccupations sont mises en évidence par le taux de condamnation
actuel qui est de 99,5 %.
78. En juillet 2015, la Cour constitutionnelle russe a déclaré
qu’aucun traité ou convention international ne primait la souveraineté
nationale et que les décisions de la Cour européenne des droits
de l'homme ne devaient être confirmées que si elles n’étaient pas
contraires à la législation russe. Cette décision de la Russie de
ne pas respecter ses obligations internationales a été transcrite
dans la législation par des amendements à la loi constitutionnelle
sur les arrêts des cours internationales, qui ont été adoptés et
promulgués en décembre 2015. Conformément à ces amendements, lorsqu’elle
constate qu’un arrêt de cour internationale est contraire à la Constitution,
la Cour constitutionnelle peut considérer que l’exécution dudit
arrêt est entièrement ou partiellement impossible et qu’ainsi aucune
action destinée à son exécution ne peut être prise. Il convient
de souligner que la pleine exécution des arrêts de la Cour européenne
des droits de l'homme est un engagement international que la Fédération
de Russie a contracté au titre de la Convention européenne des droits
de l’homme et qu’elle est tenue de respecter strictement. C’est
là une obligation fondamentale pour tous les membres du Conseil
de l'Europe. Il n’est pas acceptable qu’une obligation impérieuse
fasse l’objet de décisions individuelles de la Cour constitutionnelle
d’un Etat membre. Le respect de la Convention est un principe absolu
et cette obligation doit être honorée inconditionnellement. Il conviendrait
par conséquent d’exhorter les autorités russes à modifier rapidement
la loi, et le cas échéant la Constitution, afin d’assurer le plein
respect des normes européennes.
79. Dans l’ensemble, les développements récents ont suscité de
vives préoccupations en ce qui concerne, entre autres, l’environnement
démocratique et l’espace laissé à la société civile pour exercer
ses droits à la liberté d’expression et d’association. Conjugués,
ces faits montrent clairement que la procédure de suivi engagée
avec la Fédération de Russie devrait non seulement se poursuivre
sans tarder mais aussi être intensifiée dans un avenir immédiat.
2.2.8. Serbie
80. La Serbie a poursuivi le processus
d’intégration à l’Union européenne tout en optant pour une politique étrangère
à deux voies, entre l’Est et l’Ouest. Le pays reste déterminé à
normaliser ses relations avec le Kosovo*
et
demeure un acteur clé pour assurer la stabilité dans la région,
malgré la persistance des troubles et l’importante crise migratoire
à laquelle la Serbie est confrontée.
81. Des élections législatives anticipées ont été organisées le
24 avril 2016, le même jour que des élections provinciales en Voïvodine
et des élections municipales. Les observateurs de l’Assemblée ont
conclu que le scrutin législatif anticipé a permis aux électeurs
d’exercer un véritable choix politique dans le respect de leurs libertés
fondamentales, ajoutant que l’administration électorale a rempli
sa mission en toute efficience, généralement avec la confiance des
parties prenantes aux élections. Certaines préoccupations ont toutefois été
exprimées concernant l’utilisation abusive par les partis sortants
des avantages administratifs incombant à leurs fonctions et les
pressions ou manœuvres d’intimidation exercées sur les électeurs,
notamment sur des salariés du secteur public. Les autres lacunes
constatées avaient trait à la couverture médiatique partiale en faveur
des partis au pouvoir, en dépit d’un environnement médiatique ouvert;
au manque de transparence du financement des partis politiques et
de la campagne électorale; aux quelque 15 000 signatures falsifiées
en soutien de certaines listes de candidats; aux règles peu claires
régissant la procédure de vérification des signatures et à la transparence
insuffisante de ce processus. Bon nombre de ces problèmes avaient
déjà fait l’objet de critiques de la part de l’Assemblée dans les
précédents rapports d’observation des élections.
82. A l’issue des nouvelles élections tenues dans 15 bureaux de
vote, sept listes ont franchi le seuil des 5 %.Parmi elles, deux
partis, à savoir le Parti radical serbe (22 sièges) et le Parti
démocrate serbe (DSS) qui a formé une coalition avec le mouvement
Dveri (13 sièges), s’opposent au processus d’intégration à l’Union européenne.
Le Parti progressiste serbe (SNS) du Premier ministre sortant a
conservé la majorité avec 131 sièges sur 250, et la liste de son
principal partenaire de coalition, le Parti socialiste de Serbie
(SPS), a recueilli 29 sièges. Une nouvelle formation politique,
le Parti «Ça suffit!» (DJB), a remporté 16 sièges. L’opposition
comprend le Parti démocrate (DS) (16 sièges), la coalition du Parti
social-démocrate (SDS), du Parti libéral démocrate (LDP) et de la
Ligue des sociaux-démocrates de Voïvodine (LSV) (13 sièges). Cinq partis
représentant les minorités nationales et qui ne sont pas soumis
au seuil de 5 %, ont obtenu 10 sièges. Le gouvernement a été formé
le 11 août 2016, avec la nomination d’Aleksandar Vučić au poste
de Premier ministre, en se basant sur l’accord de coalition conclu
entre le SNS, le SPS et l’Alliance des Hongrois de Voïvodine.
83. Les corapporteurs se sont rendus en Serbie du 26 au 28 octobre
2016.
84. Il convient de saluer les mesures prises par les autorités
pour renforcer l’indépendance et l’efficacité du système judiciaire,
conformément à la
Résolution
1858 (2012) de l’Assemblée, après l’ouverture en juillet 2016 du
chapitre 23 (Pouvoir judiciaire et droits fondamentaux) et du chapitre
24 (Justice, liberté et sécurité) des négociations d’adhésion à
l’Union européenne. Ces mesures incluaient l’adoption de nouvelles
lois relatives à la justice et l’élaboration d’amendements constitutionnels
concernant le système judiciaire. Il est à espérer qu’elles conduisent
à la diminution des ingérences politiques abusives dans la justice
et renforcent la séparation des pouvoirs. La Serbie a fait de gros
progrès pour améliorer le cadre juridique applicable aux médias.
Cependant l’application en bonne et due forme des lois relatives
aux médias adoptées récemment reste requise pour garantir un environnement
médiatique à la fois pluraliste, libre et durable, conforme aux normes
du Conseil de l’Europe. Il convient par ailleurs d’intensifier la
lutte contre la corruption.
2.2.9. Ukraine
85. Les corapporteurs se sont rendus
en Ukraine du 1er au 3 février ainsi
que le 17 novembre 2016.
86. Le suivi du respect par l’Ukraine de ses obligations et engagements
envers le Conseil de l’Europe a continué d’être affecté par les
développements en rapport avec le conflit militaire en cours dans
l’est de l’Ukraine, qui a eu un profond impact sur le programme
de réformes. Le 12 octobre 2016, l’Assemblée a adopté la
Résolution 2132 (2016) sur les conséquences politiques de l'agression russe
en Ukraine, qui décrit la position de l’Assemblée et ses préoccupations
quant à l’évolution de ce conflit.
87. Le processus de réforme en Ukraine a été dominé au cours de
la période considérée par la réforme constitutionnelle, en ce qui
concerne notamment la décentralisation, le système judiciaire et
la justice.
88. La réforme constitutionnelle relative à la décentralisation
comporte deux volets distincts mais néanmoins interconnectés. D’abord,
les dispositions constitutionnelles nécessaires pour permettre la
décentralisation des pouvoirs et l’instauration des principes d’autonomie
locale et régionale. Deuxièmement, les dispositions constitutionnelles
permettant l’octroi d’un statut spécial à certaines parties des
oblasts de Donetsk et Lougansk (article 18 du projet de dispositions
transitoires). Les amendements concernant ces deux questions sont
réunis au sein d’une même série de modifications, ce qui a fait
obstacle à leur adoption.
89. Le volet «décentralisation» de la réforme constitutionnelle
a été élaboré en étroite consultation avec la Commission de Venise,
dont les recommandations ont quasiment toutes été prises en compte
dans les projets de modifications. Les amendements constitutionnels
relatifs à la décentralisation ont été adoptés en première lecture
le 31 août 2016. Cependant, en raison des violations constantes
du cessez-le-feu et de l’absence de progrès dans la mise en œuvre
des autres dispositions des accords de Minsk concernant la situation
en matière de sécurité, la population ukrainienne a le sentiment
que seule l’Ukraine applique les accords de Minsk, tandis que la
Fédération de Russie et ses intermédiaires à Donetsk et Lougansk
ne respectent pas leurs obligations. Réalisant la faible probabilité
de disposer dans le contexte actuel d’un soutien suffisant pour l’adoption,
en dernière lecture, des amendements constitutionnels sur la décentralisation,
dont l’article 18 des dispositions transitoires, il a été décidé
de reporter provisoirement le vote en dernière lecture, jusqu’à
l’atteinte de progrès significatifs dans la mise en œuvre des accords
de Minsk par la Fédération de Russie et les forces séparatistes
de Donetsk et Lougansk.
90. A l’inverse, la réforme constitutionnelle a enregistré une
avancée considérable dans le domaine du système judiciaire et de
la justice. Comme évoqué dans plusieurs résolutions de l’Assemblée,
l’adoption des amendements constitutionnels garantissant l’indépendance
du pouvoir judiciaire constitue un préalable indispensable à toute
réforme de la magistrature et du système judiciaire conforme aux
normes européennes. A l’issue de longues négociations, les amendements
constitutionnels nécessaires, rédigés en étroite collaboration avec
la Commission de Venise, ont été adoptés en dernière lecture par
la Verkhovna Rada le 2 juin 2016. Les amendements dessaisissent
le procureur général de son rôle de contrôle, qui contrevenait aux normes
européennes et dont l’abolition faisait partie des engagements pris
par l’Ukraine au moment de son adhésion au Conseil de l’Europe.
Cette évolution mérite d’être saluée.
91. La proposition, soutenue par une grande partie de la population,
de révoquer tous les juges en exercice et de les obliger à représenter
leur candidature n’a pas été retenue par la Verkhovna Rada, au motif
qu’elle violerait les normes européennes relatives à l’indépendance
du pouvoir judiciaire et à la prééminence du droit. En lieu et place,
une procédure a été adoptée qui prévoit un processus d’évaluation
de tous les juges en exercice, mis en œuvre par la Commission de
qualification supérieure du Conseil supérieur de la magistrature, avant
leur nomination pour un mandat à durée indéterminé. Après l’adoption
des amendements, cette procédure est désormais inscrite dans la
Constitution. Une telle évaluation n’est en rien contraire aux normes européennes.
92. Les amendements à la Constitution ont retiré à la Verkhovna
Rada et au Président tout rôle dans la nomination des juges et aboli
le droit du Président de démettre les juges, deux menaces majeures
qui pesaient sur l’indépendance du système judiciaire. Le Président
nommera désormais les juges sur la base d’une proposition contraignante
du Conseil supérieur de la magistrature, seul organe habilité à
révoquer des juges. Par ailleurs, les amendements ont modifié la
composition du Conseil supérieur de la magistrature et supprimé toute
possibilité, pour le Président et la Verkhovna Rada, d’exercer une
domination sur les activités et décisions de ce conseil ou de s’y
immiscer indûment.
93. L’environnement politique a considérablement changé en Ukraine
au cours de la période considérée. Les élections locales organisées
dans le pays le 25 octobre 2015 ont témoigné de l’évolution du soutien
dont jouissent les partis qui composaient à cette époque la coalition
au pouvoir. Le Front populaire du Premier ministre d’alors, M. Iatseniouk,
n’a pas participé au scrutin local, sa cote de popularité étant
passée en dessous de 2 %. Les grands gagnants de ces élections locales
ont été le parti Samopomitch et, en particulier, le Parti Batkivshchyna
de Ioulia Timochenko. Alors que le bloc Petro Porochenko obtenait
un score honorable en termes de pourcentage, les élections dans
six des sept capitales régionales ont été remportées par des représentants
d’autres partis. Deux nouveaux partis, Vidrodzhennia et UKROP, ont
participé au scrutin et se sont imposés comme des forces politiques
d’envergure nationale.
94. Le 16 février 2016, le Président Porochenko a demandé au Premier
ministre Iatseniouk de démissionner au vu de la baisse de sa cote
de popularité. Cependant, le même jour, le gouvernement de M. Iatseniouk
a survécu à une motion de censure au sein de la Verkhovna Rada,
apparemment avec l’aide de quelques députés du Bloc Petro Porochenko.
Ultérieurement, le 17 février 2016, Mme Timochenko
a annoncé que le Parti Batkivshchyna quittait la coalition au pouvoir,
suivi le lendemain par le Parti Samopomitch. Après plusieurs semaines
de négociations politiques entre tous les partis, généralement désireux
d’éviter la perspective d’élections anticipées, M. Iatseniouk a
officiellement démissionné le 12 avril 2016. Il a été remplacé au
poste de Premier ministre par le Président de la Verkhovna Rada,
Volodymyr Groïsman, un proche du Président Porochenko. Les ministres
du Front populaire d’Iatseniouk ont conservé leurs portefeuilles.
Le nouveau gouvernement est soutenu par le bloc Petro Porochenko,
le Front populaire et le parti Samopomich ainsi que par le Parti
renaissance et le Groupe volonté du peuple, ce qui lui assure une
majorité au sein de la Verkhovna Rada. Le Parti Batkivshchyna est
resté dans l’opposition.
95. Le 12 mai 2016, la Verkhovna Rada a nommé M. Iouri Loutsenko,
chef de la faction du BPP et ancien ministre de l’Intérieur, au
poste de procureur général en remplacement de son prédécesseur,
M. Chokine, considéré comme un obstacle à la réforme du ministère
public tant nécessaire en Ukraine.
96. La lutte contre la corruption endémique reste une priorité
clé de l’Ukraine. Le cadre institutionnel de cette lutte est désormais
pleinement établi et se compose de trois institutions chargées de
mettre en œuvre la stratégie anti-corruption: le Bureau national
anticorruption, le Bureau du Procureur anticorruption spécialisé
et l’Agence nationale de prévention de la corruption.
97. Le 12 octobre 2016, l’Assemblée a adopté la
Résolution 2133 (2016) sur les «Recours juridiques contre les violations des
droits de l’homme commises dans les territoires ukrainiens se trouvant
hors du contrôle des autorités ukrainiennes», dans laquelle elle
se disait profondément préoccupée par la situation des droits de l’homme
en Crimée et dans les «républiques populaires» autoproclamées de
Donetsk et Lougansk.
2.3. Pays engagés dans un dialogue postsuivi
2.3.1. Bulgarie
98. Les corapporteurs se sont rendus
à Sofia les 8 et 9 juin 2016. Ils se sont par ailleurs rendus à
Bruxelles le 1er mars 2016, pour un échange
de vues avec des agents de la Commission européenne chargés de questions
relatives à la Bulgarie.
99. L’environnement politique a gagné en stabilité depuis les
dernières élections qui ont mené dans un premier temps à une accélération
des processus de réforme. La préparation de l’élection présidentielle
de novembre 2016 a eu un impact sur les réformes, le consensus politique
devenant plus difficile et le gouvernement minoritaire devant à
chaque fois s’efforcer d’obtenir une majorité parlementaire. Il
est important que les réformes soient menées de manière rationnelle
et conformément aux normes européennes, en particulier celle du
système judiciaire.
100. L’évolution du processus de réforme judiciaire mérite d’être
saluée, en particulier l’adoption, en décembre 2015, des amendements
constitutionnels visant à renforcer l’indépendance du système judiciaire par
la réforme de l’organisme autonome de la justice bulgare, le Conseil
judiciaire suprême, et sa scission en deux chambres, l’une pour
les juges et l’autre pour les procureurs, et le renforcement du
corps d'inspection du Conseil, pour traiter plus efficacement les
problèmes d’intégrité et de conflits d’intérêt au sein de la magistrature.
Comme l’a mentionné la Commission de Venise dans son avis relatif
aux modifications constitutionnelles, ces dernières ne peuvent être
opérantes que combinées à des processus législatifs ultérieurs,
dont en particulier le processus de modification de la loi relative
au système judiciaire. Leur incidence sur la réforme (globale) prévue
du système judiciaire dépendra de l’adoption d’une législation d’application
appropriée. A cette fin, la commission de suivi a décidé le 10 octobre
2016 de saisir la Commission de Venise pour avis sur la loi bulgare
sur le pouvoir judiciaire, telle qu’amendée par les deux paquets
d’amendements adoptés en mars et juillet 2016. L’avis devrait être
adopté en mars 2017. Les autorités bulgares sont instamment invitées
à faire aboutir la réforme du système judiciaire.
101. Dans le cadre de sa dernière stratégie de réforme, le gouvernement
a cherché à créer un organe unique de lutte contre la corruption.
Un projet de loi élaboré à cette fin a été rejeté par le parlement
en septembre 2015. En 2016, une deuxième tentative a été menée avec
le projet de loi sur la prévention de la corruption et la confiscation
des biens illégalement acquis, qui prévoit la création d'un organisme
unique de lutte contre la corruption – le Bureau national pour la
prévention de la corruption et la confiscation des biens illégalement acquis.
Ce dernier regrouperait les quatre organismes existants, soit: la
Commission pour la prévention et l'identification des conflits d’intérêts,
la Commission de confiscation des avoirs illicites, le Centre de
prévention et de répression de la corruption et de la criminalité
organisée (BORKOR) et enfin le Bureau national d'audit. Le projet
de loi a été adopté en première lecture avant les vacances parlementaires
d’été. Il est désormais important que les autorités veillent à ce
que le dispositif mis en place contre la corruption soit efficace
et produise sans délai des résultats tangibles.
102. La législation électorale bulgare a été amendée à plusieurs
reprises au cours des dernières années. C’est pourquoi la commission
a décidé le 10 octobre 2016 de saisir la Commission de Venise pour
avis sur les amendements apportés au Code électoral, tels qu’adoptés
par le Parlement bulgare depuis l’avis de 2014 de la Commission
de Venise sur le projet de Code électoral de la Bulgarie. Cet avis
devrait être adopté par la Commission de Venise en mars 2017. Par
ailleurs, il convient de souligner l’importance du principe de législation
électorale stable avant des élections.
103. L’élection présidentielle s’est déroulée les 6 et 13 novembre
2016. La délégation d’observation électorale de l’Assemblée parlementaire
a conclu à la bonne organisation des élections sur le plan technique et
au respect des libertés fondamentales. L’administration électorale
a travaillé de façon professionnelle, méthodique et transparente.
Plusieurs candidats ont mené campagne, et on a pu observer un renforcement de
la confiance du public dans les procédures électorales. L’exactitude
des listes électorales demeure cependant un motif de préoccupation.
104. L’ancien commandant des forces aériennes du pays, Rumen Radev,
a remporté l’élection face à la Présidente du parlement, Tsetska
Tsacheva, qui bénéficiait du soutien du Premier ministre Borisov.
Fort de cela, le Premier ministre Borisov a quitté ses fonctions
et le parlement a accepté la démission du gouvernement le 16 novembre
2016.
2.3.2. Monténégro
105. Les corapporteurs ont effectué
une visite d’information au Monténégro en novembre 2015 et participé
à l’observation des élections législatives en octobre 2016.
106. Le Monténégro joue un rôle actif dans la coopération régionale,
contribuant aux relations de bon voisinage en tant que source de
stabilité dans la région. Plusieurs réformes ont été entreprises
depuis l’adoption de la
Résolution
2030 (2015) de l’Assemblée en janvier 2015, par exemple la réforme
du cadre électoral et du système judiciaire ou encore la lutte contre
la corruption. Cependant, pour garantir leur pérennité, les processus
de réforme doivent être suivis de la pleine application des lois
récemment adoptées.
107. Le Bureau du Procureur spécial en chef chargé de la criminalité
organisée, de la corruption, des crimes de guerre et de la traite
des êtres humains a été créé en juillet 2015 mais l’unité de police
y afférente reste à mettre en place pour assurer le bon fonctionnement
de ce Bureau. Par ailleurs, il convient de permettre à l’Agence
de prévention de la corruption nouvellement créée d’exercer effectivement
ses fonctions et de lui allouer toutes les ressources dont elle
a besoin.
108. Les enquêtes et poursuites relatives aux violents incidents
qui se sont déroulés à Podgorica en octobre et novembre 2015 ont
été retardées à plusieurs reprises. Il est de la plus haute importance
que les autorités monténégrines compétentes mènent des enquêtes
effectives et prennent des mesures appropriées pour que les policiers
qui ont abusé de la force ne soient pas laissés dans l’impunité.
109. La situation des médias reste une source de préoccupation
importante. Les journalistes doivent pouvoir travailler en toute
liberté et sécurité. Il appartient aux autorités de faire preuve
d’une volonté politique sans faille pour mettre un terme à l’actuel
sentiment d’impunité des auteurs des agressions dont sont victimes
des journalistes et de veiller à ce que tous ces actes fassent l’objet
d’enquêtes approfondies. L’absence de progrès à cet égard remet
en cause le système démocratique en tant que tel et le fonctionnement
du système judiciaire. Les résultats obtenus par la Commission en
charge du suivi des enquêtes menées par les autorités compétentes
dans les affaires de menaces et de violences à l’encontre de journalistes
semblent refléter l’absence générale de volonté politique de traduire
en justice non seulement les auteurs de ces actes, mais aussi les
donneurs d’ordre. Il convient de continuer de suivre l’action des
autorités compétentes dans les enquêtes menées sur ces affaires.
Le nouveau mécanisme établi à cet effet doit être doté des moyens
requis pour remplir efficacement ses fonctions.
110. L’ingérence politique et les pressions financières sur les
médias et les journalistes demeurent des problèmes majeurs, tout
comme les campagnes de diffamation menées par certains médias à
l’encontre de journalistes et de représentants d’ONG qui expriment
des points de vue critiques. Il appartient aussi bien aux autorités
qu’aux journalistes de renforcer la déontologie dans ce paysage
médiatique extrêmement polarisé.
111. La confiance dans le processus électoral est essentielle pour
le bon fonctionnement et la stabilité de la démocratie. Les tensions
politiques et le climat d’affrontement entre les forces politiques
découlent de la frustration ressentie à la suite des précédentes
élections, jugées inéquitables. Le manque de confiance entre les
forces politiques du pays est manifeste.
112. Les élections organisées le 16 octobre 2016 se sont déroulées
dans l’ordre et le calme, dans un environnement concurrentiel. Les
libertés fondamentales ont été dans l’ensemble respectées, dans
le cadre d’une campagne caractérisée par une absence d’alternatives
politiques nettes au plan interne et l’omniprésence d’attaques personnelles.
Malgré le pluralisme des médias, l’indépendance éditoriale n’a pas été
suffisamment assurée.
2.3.3. «L’ex-République yougoslave de Macédoine»
113. La crise politique qui a éclaté
en avril 2014 dans «l’ex-République yougoslave de Macédoine» a continué de
dominer l'ordre du jour politique du pays. Sous les auspices de
la Commission européenne et de membres du Parlement européen, les
quatre principaux partis politiques
ont signé en juin et
juillet 2015 l‘Accord de Przino pour sortir de l’impasse politique.
S’en est suivie une «période transitoire», marquée par la fin de
la publication des écoutes, le retour de l’opposition au parlement
(le 1er septembre 2015), la nomination
d’un Procureur spécial (en septembre 2015) chargé d’enquêter sur
les allégations contenues dans les écoutes téléphoniques illégales
et la mise en œuvre attendue des recommandations formulées par la
Commission européenne pour solutionner les problèmes systémiques
d’Etat de droit. Cet accord était également censé ouvrir la voie
à l’organisation d’élections anticipées libres et équitables, prévues
le 24 avril 2016, sous réserve d’un «nettoyage» de la liste électorale,
de la modernisation de la législation des médias et de l’adoption
des amendements au Code électoral. Le 18 janvier 2016, le Premier
ministre d’alors a démissionné, comme convenu, 100 jours avant le
scrutin. Un gouvernement de transition, avec la participation de
l’opposition, a été mis en place pour préparer les élections.
114. Les corapporteurs se sont rendus à Skopje, Tetovo et Gostivar,
du 15 au 18 février 2016, afin d’évaluer la crise politique, les
progrès réalisés en matière d’Etat de droit, de démocratie et de
droits de l’homme ainsi que la mise en œuvre de l’Accord-cadre d’Ohrid.
115. Bien que le pays reste engagé dans le processus d’intégration
euro-atlantique, il est confronté à une crise migratoire majeure
déclenchée par les conflits en Syrie et en Irak, compte tenu de
la situation du pays sur ladite «route des Balkans» empruntée par
les migrants pour rejoindre les pays européens.
116. Des plaintes relatives au manque de volonté politique pour
appliquer l’accord de Przino de bonne foi se sont élevées de toutes
parts. En février 2016, en raison de questions litigieuses non résolues,
liées notamment aux listes électorales et aux réformes des médias,
l'Union socio-démocrate de Macédoine (SDSM) a annoncé qu’elle boycotterait
les élections, amenant le parlement à repousser les élections au
5 juin 2016. La décision prise par le Président de la République
le 12 avril 2016, dans l’intérêt de la «réconciliation nationale»,
de mettre fin aux enquêtes pénales, concernant 56 responsables politiques
dans l’affaire des conversations téléphoniques interceptées a exacerbé
encore davantage les tensions politiques et déclenché d’importantes manifestations.
De l’avis général, cette décision porte atteinte à l’Etat de droit,
entrave l’action de la Procureure spéciale et compromet la mise
en œuvre de l’Accord de Przino. A la suite des vives critiques internationales et
nationales, le Président a décidé le 27 mai 2016 de revenir sur
sa décision.
117. La décision de la Cour constitutionnelle du 18 mai 2016 –
jugeant que la dissolution antérieure du parlement était contraire
à la Constitution et que toutes les activités électorales devaient
être interrompues – a totalement changé le cours des événements.
Le parlement s’est ainsi réuni le jour même, a annulé les élections
du 5 juin, repris le cours normal de ses travaux et décidé d’un
remaniement du gouvernement intérimaire afin de préparer des élections
anticipées. Les quatre partis sont finalement parvenus à un nouvel accord
politique le 20 juillet 2016 et ont convenu, après avoir enregistré
des progrès sur différents points, y compris la législation des
médias et le nettoyage des listes électorales, de la tenue d’élections
législatives anticipées le 11 décembre 2016.
2.3.4. Turquie
118. Les développements intervenus
en Turquie durant la période considérée ont été éclipsés par le
coup d’Etat manqué de juillet 2016 et les événements subséquents
dans le pays, qui ont suscité de très vives préoccupations.
119. Avant le coup d’Etat avorté, le nombre de journalistes accusés
«d’insultes envers le Président» était source d’inquiétudes. Les
arrestations de deux éminents journalistes, Can Dündar, rédacteur
en chef du journal Cumhuriyet,
et Erdem Gül, son correspondant à Ankara, ainsi que la peine de
huit ans d’emprisonnement encourue par Bülent Kenes, rédacteur en
chef du quotidien Today’s Zaman,
pour «insultes envers le Président», ont été considérées comme une
détérioration de l’environnement médiatique susceptible de provoquer
«un effet dissuasif sur les journalistes, dans un contexte déjà
marqué par des restrictions continues et inquiétantes de la liberté
des médias».
120. Le 9 mars 2016, la commission a exprimé son inquiétude devant
l’évolution de la situation dans le sud-est de la Turquie et la
rupture du processus de paix. Elle a adopté une déclaration dans
laquelle elle s’est dite vivement préoccupée par les restrictions
à la liberté des médias et à l’accès à des informations pluralistes,
par la contestation de décisions de la Cour constitutionnelle et
l’érosion de l’Etat de droit, ainsi que par la situation en matière
de droits de l’homme que connaissent les populations vivant dans
le sud-est du pays, soumises à des opérations militaires et à des
couvre-feux depuis plusieurs mois. La commission a appelé les autorités turques
à envisager d’assouplir les couvre-feux afin de répondre à des considérations
humanitaires permettant notamment d’assurer l’accès des habitants
à l’eau et à la nourriture, aux soins médicaux et à d’autres droits fondamentaux.
A la lumière de ces développements, la commission a présenté à l’Assemblée,
le 22 juin 2016, un rapport sur le fonctionnement des institutions
démocratiques en Turquie.
121. Le 22 juin 2016, l’Assemblée a débattu du fonctionnement des
institutions démocratiques en Turquie et adopté la
Résolution 2121 (2016), dans laquelle elle regrettait la rupture des pourparlers
de paix visant à résoudre la question kurde en juillet 2015 et l’escalade
de violence qui s’en est suivie dans le sud-est. A cet égard, elle
a condamné les graves allégations d’atteintes aux droits de l’homme
durant ces opérations de sécurité et les conséquences sur le plan
humain et juridique des couvre-feux de longue durée. L’Assemblée
a également exprimé ses inquiétudes devant la levée de l’immunité
d’un grand nombre de parlementaires, principalement de l’opposition,
le manque d’indépendance du système judiciaire, les nombreuses mesures
et l’application abusive de dispositions légales restreignant la
liberté d’expression et des médias. Elle a également noté que «la
purge destinée à éliminer les prétendus partisans gülenistes des
institutions de l’Etat pose la question des garanties procédurales.
Cette entreprise, et notamment le grand nombre de mutations, arrestations
et détentions de juges et de procureurs, a eu une incidence en particulier
sur le système judiciaire et pourrait avoir un effet dissuasif sur
ses membres». L’Assemblée a conclu que les derniers développements «menacent
le fonctionnement des institutions démocratiques de ce pays et le
respect de ses obligations vis-à-vis du Conseil de l’Europe».
122. La commission a sollicité l’avis de la Commission de Venise
sur quatre textes de loi: l’article 299 du Code pénal turc relatif
à la diffamation du Président de la République; le cadre juridique
régissant les couvre-feux; les attributions, compétences et fonctionnement
des «tribunaux pénaux de paix»; et l’application de l’état d’urgence
en Turquie, en particulier tous les décrets-lois qui ont suivi,
afin d’évaluer leur compatibilité avec les normes du Conseil de
l’Europe.
123. Le 9 novembre 2016, la commission a fermement condamné le
coup d’état manqué. Cependant, dans le même temps, elle a exprimé
ses vives préoccupations devant l’application de l’état d’urgence,
notamment les révocations massives et continues de fonctionnaires
et de membres de l'appareil judiciaire, ainsi que les conséquences
des mesures contenues dans les décrets lois en matière de libertés
fondamentales et de procès équitables, l’arrestation de journalistes
de Cumhuriyet – soupçonnés
de connivence avec le PKK et le mouvement de Gülen –, la fermeture
récente de 15 autres médias kurdes et les restrictions imposées
à l’autonomie des universités. Ces mesures, ainsi que l’arrestation
de dix parlementaires du Parti démocratique des peuples (HDP), créent
un climat de peur et de suspicion visant à réduire au silence les
voix critiques au sein de la société turque.
124. La commission condamne la reprise des débats sur le rétablissement
en Turquie de la peine capitale, qui est incompatible avec l’adhésion
au Conseil de l’Europe. Malgré les incessantes attaques terroristes
que connaît le pays et le contexte géopolitique défavorable, la
Turquie devrait s’abstenir de toute initiative susceptible d’éroder
l’exécution de ses obligations envers le Conseil de l’Europe. A
cet égard, l’état d’urgence doit être levé dans les meilleurs délais
3. Une Europe sans clivages
125. En juillet 2015, M. Tobias
Zech et d’autres parlementaires ont déposé une proposition de résolution intitulée
«Créer une Europe sans clivages» que l’Assemblée a renvoyée à la
commission de suivi pour rapport en octobre. La proposition de résolution
suggère à l’Assemblée d’analyser dans quelle mesure chaque Etat membre
respecte, 20 ans ou davantage après son adhésion, ses engagements
énoncés dans les avis de l’Assemblée sur l’adhésion des Etats concernés.
Ses auteurs estiment que souvent, les obligations et les engagements
pris sont restés lettre morte, ajoutant que dans certains Etats
membres du Conseil de l’Europe, l’on a même assisté à une aggravation
des tensions ethniques.
126. Depuis sa création en 1997, la commission de suivi a précisément
pour rôle de veiller au respect des obligations et engagements de
tous les Etats membres du Conseil de l’Europe. Depuis 1997, des
demandes visant à ouvrir une procédure de suivi ont été déposées,
à l’égard de la Grèce et de la Lettonie en 1997, de l’Autriche en
2000, du Liechtenstein en 2003, du Royaume-Uni et de l’Italie en
2006, de la Hongrie en 2011 et de la France en 2013. Neuf Etats
font actuellement l’objet d’une procédure de suivi: l’Albanie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan,
la Bosnie-Herzégovine, la Géorgie, la République de Moldova, la
Fédération de Russie, la Serbie et l’Ukraine. Par ailleurs, quatre
Etats sont engagés dans un dialogue postsuivi avec l’Assemblée:
la Bulgarie, le Monténégro, «l’ex-République yougoslave de Macédoine»
et la Turquie.
127. Au fil des ans, l’Assemblée a clos la procédure de suivi à
l’égard des Etats suivants: en 1997 l’Estonie, la Roumanie, la République
tchèque et la Lituanie, en 1999 la République slovaque, en 2000
la Bulgarie, la Croatie et «l’ex-République yougoslave de Macédoine»,
en 2001 la Lettonie, en 2004 la Turquie, en 2009 Monaco et en 2015
le Monténégro. Concernant certains Etats toujours engagés dans un
dialogue postsuivi, l’Assemblée, s'estimant satisfaite, a décidé
de recommander au Bureau de clôturer le dialogue postsuivi: en 2001
avec l’Estonie, en 2002 avec la Lituanie et la Roumanie, en 2003
avec la Croatie, en 2004 avec la République tchèque, en 2005 avec
la République slovaque et la Lettonie, et en 2015 avec Monaco.
128. Par ailleurs, le mandat de la commission de suivi couvrant
tous les Etats membres du Conseil de l’Europe, des examens périodiques
du respect, par les Etats membres ne faisant actuellement pas l'objet
d'une procédure de suivi ni d'un dialogue postsuivi stricto sensu, de leurs obligations
statutaires à l’égard du Conseil de l’Europe ont été présentés à
l’Assemblée dans le cadre du rapport d’activité annuel de la commission.
En 2015, l’Assemblée a adopté des rapports concernant l’Andorre,
la Belgique, la Croatie et Chypre. Cette année, elle examinera les
rapports d’examen périodique relatifs à l’Allemagne, l’Autriche,
le Danemark, la Finlande, la France et la République tchèque. En
2017, des rapports similaires seront élaborés concernant l’Estonie,
la Grèce, la Hongrie, l’Islande, l’Irlande et l’Italie. La commission
de suivi a également été saisie pour rapport sur le fonctionnement
des institutions démocratiques en Pologne.
129. Malgré le travail intensif réalisé par la commission de suivi
au fil des ans, la démocratie, l’Etat de droit et le respect des
droits de l’homme sont à l’évidence des œuvres encore inachevées.
Ces derniers temps ont été marqués par d’importants reculs qui nuisent
au respect des obligations statutaires vis-à-vis du Conseil de l’Europe:
la guerre entre la Russie et la Géorgie en 2008, l’annexion illégale
du territoire ukrainien de Crimée en 2014, les opérations militaires
secrètes menées par les forces armées russes dans l’est de l’Ukraine, l’instauration
de l’état d’urgence en France, ou le coup d’Etat manqué en Turquie
en 2016, pour n’en citer que quelques-uns. Dans certains Etats membres,
l’instabilité politique et les crises politiques qui tendent à durer ont
également eu un impact négatif sur le respect systématique des obligations
et engagements (par exemple, dans «l’ex-République yougoslave de
Macédoine», en République de Moldova, en Bosnie-Herzégovine ou en Belgique).
Des conflits gelés n’ont pas connu d’amélioration ou, pire encore,
ont à nouveau dégénéré.
130. A ce jour cependant, tous les Etats membres du Conseil de
l’Europe ont reconnu la compétence de la Cour européenne des droits
de l’homme et se conforment en général à ses arrêts. Tous les Etats
membres, exceptés l’Andorre, la Belgique, la France, la Grèce, l’Islande,
le Luxembourg, Monaco et la Turquie, ont ratifié la Convention-cadre
pour la protection des minorités nationales et sont soumis au mécanisme
de suivi prévu par cet instrument. Je suis par conséquent d’avis
que les préoccupations soulevées dans cette proposition de résolution
sont déjà prises en considération par la commission. Par ailleurs,
les procédures de suivi mises en œuvre par l’Assemblée offrent un
outil efficace et suffisant pour évaluer le respect par les Etats
membres des engagements souscrits au moment de leur adhésion, le
cas échéant, et de leurs obligations statutaires.
4. Sous-commission ad hoc sur les conflits
entre les Etats membres du Conseil de l’Europe
131. Comme évoqué précédemment,
la sous-commission ad hoc sur les conflits entre les Etats membres
du Conseil de l’Europe s’est réunie à deux reprises à Strasbourg,
le 19 avril et le 11 octobre 2016, et une fois à Paris le 10 mars
2016. Lors de cette réunion à Paris, elle a élu à sa présidence
M. Stefan Schennach et au cours de la réunion à Strasbourg du 19
avril 2016, M. Jordi Xuclà à la vice-présidence.
132. Conformément à son mandat, la commission a préparé et adopté
un rapport d’évaluation de sa première année d’activité. Sur la
base des travaux de la sous-commission ad hoc, la commission de
suivi a conclu que le besoin d’un mécanisme lui permettant de gérer
les conflits entre les Etats membres continuait de se faire clairement
sentir, et que la sous-commission ad hoc avait mis en place un mécanisme
qui fonctionne. Soulignant que ce besoin n’est ni temporaire ni
ad hoc, il a été proposé de transformer la sous-commission ad hoc
en une sous-commission permanente de la commission de suivi. Dans
le même temps, il a été convenu qu’un membre de la commission de
suivi au titre de chacun des Etats membres qui sont parties aux
conflits en vertu du mandat de la sous-commission, devrait intégrer
la sous-commission sur proposition des délégations nationales concernées.
La sous-commission opérera sur la base d’un mandat quasi-similaire
à celui de la sous-commission ad hoc, assorti de quelques clarifications
destinées à éviter les interférences des travaux de la sous-commission
avec les processus officiels de médiation pour les conflits en question.
La décision adoptée pour établir la sous-commission permanente figure
en annexe I.
5. Examen périodique sur le respect des
obligations découlant de l’adhésion au Conseil de l’Europe des pays
ne faisant pas l’objet d’une procédure de suivi stricto sensu ni
engagés dans un dialogue postsuivi avec l’Assemblée
133. Conformément à la
Résolution 2018 (2014) sur «L’évolution de la procédure de suivi de l’Assemblée», la
commission a poursuivi la préparation des examens périodiques sur
le respect des obligations découlant de l’adhésion au Conseil de
l’Europe de tous les pays ne faisant pas l’objet d’une procédure
de suivi stricto sensu ni engagés dans un dialogue postsuivi. En
vertu des méthodes de travail convenues par la commission, des rapports
d’examen périodique concernant six pays ont été élaborés en 2016:
l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, la Finlande, la France et
la République tchèque. Ces examens périodiques sont présentés dans les
parties 2 à 7 du rapport d’activité et leurs principales recommandations
sont reprises dans le projet de résolution figurant dans le présent
rapport.
134. D’après les réactions des autorités des pays soumis à l’examen
périodique, il apparaît clairement que cet exercice de la commission
de suivi est apprécié par tous les intéressés. Dans le même temps,
il garantit le suivi par l’Assemblée du respect des obligations
d’adhésion de tous les Etats membres du Conseil de l’Europe, sans
exception. Je tiens à exprimer ma gratitude pour l’excellente coopération
dont ont fait preuve les autorités des pays concernés et leurs commentaires
détaillés, circonstanciés et approfondis sur les avant-projets de rapport
sur leur pays. Ces commentaires ont été pris en compte dans l’élaboration
des rapports finaux inclus dans le présent rapport d’activité, et
ont grandement contribué à leur excellente qualité.
135. Compte tenu de la charge de travail de la commission, ainsi
que des ressources (humaines) à sa disposition, la préparation d’environ
six rapports d’examen périodique par année calendaire semble adéquate. Ceci
signifie que tous les pays concernés seront soumis à un examen tous
les 5 à 6 ans au moins, ce qui correspond à un cycle d’évaluation
démocratique normal. Le prochain rapport d’activité sera l’occasion
pour la commission de procéder pour la deuxième fois à l’examen
périodique de son quota total de six pays. J’envisage à cette occasion
de mener une évaluation plus approfondie du processus d’examen périodique
sur la base de ses deux premières années d’expérience.