1. Introduction
1. Le 23 juin 2015, l’Assemblée
parlementaire a adopté la
Résolution
2062 (2015) sur le fonctionnement des institutions démocratiques
en Azerbaïdjan, dans laquelle elle condamne ce qu’elle qualifie
d’«atteintes aux droits de l’homme en Azerbaïdjan» et appelle à
mettre un terme à la «répression systématique» contre les défenseurs
des droits de l’homme, les médias et tous ceux qui critiquent le
gouvernement, y compris aux poursuites à motivation politique. L’Assemblée
exhorte les autorités à libérer tous les prisonniers politiques,
y compris ceux qui ont coopéré avec elle. Elle adresse par ailleurs
une série de recommandations aux autorités azerbaïdjanaises dans
le cadre du suivi en cours concernant ce pays, les incitant notamment
à prendre des mesures pour renforcer l’équilibre démocratique entre
les pouvoirs, garantir un cadre électoral plus juste et promouvoir
davantage l’indépendance du pouvoir judiciaire.
2. Le 9 décembre 2015, M. Stefan Schennach a été nommé rapporteur
en remplacement de M. Tadeusz Iwiński et le 19 avril 2016, M. Cezar
Florin Preda a, à son tour, été nommé en remplacement de M. Agustín Conde.
Nous avons depuis lors effectué plusieurs visites d’information
dans le pays: en avril 2016 (M. Schennach seul), en juin 2016, ainsi
qu’en janvier et juin 2017. Ces visites avaient pour objet d’évaluer
la mise en œuvre des recommandations formulées par l’Assemblée en
juin 2015.
3. Depuis la
Résolution
2062 (2015) sur le fonctionnement des institutions démocratiques
en Azerbaïdjan, l’Assemblée a adopté la
Résolution 2085 (2016) «Les habitants de régions frontalières de l’Azerbaïdjan
sont délibérément privés d’eau». Par ailleurs, la commission des
questions juridiques et des droits de l'homme a préparé un rapport
sur la «Présidence azerbaïdjanaise du Conseil de l’Europe: quelles
sont les suites à donner en matière de respect des droits de l’homme?»
qui
sera débattu conjointement avec le présent rapport.
4. Au vu des discussions que nous avons eues avec de nombreux
interlocuteurs au cours de nos visites successives dans le pays
depuis l’an passé, nous avons décidé de publier un rapport sur le
fonctionnement des institutions démocratiques en Azerbaïdjan, afin
de faire le point sur les développements intervenus depuis la dernière
résolution adoptée par l’Assemblée en 2015. Nous sommes conscients
du fait qu’il est impossible dans un délai aussi court de traiter
en détail de toutes les évolutions que connaît actuellement l’Azerbaïdjan. Nous
nous limiterons par conséquent à certains des principaux problèmes
et aux réformes y afférentes que nous avons examinés. Nous nous
pencherons ainsi sur l’application concrète du principe de séparation
des pouvoirs, afin de comprendre l’équilibre des pouvoirs dans le
pays. La question de l’indépendance du système judiciaire est déterminante,
au même titre que celle du fonctionnement du système de justice
pénale. Nous porterons une attention particulière à la situation
des droits de l’homme dans le pays, et notamment au fonctionnement
de la société civile et au respect des libertés politiques, à la
question desdits «prisonniers politiques»/«prisonniers d’opinion»,
mais aussi aux conditions de détention et aux allégations de mauvais traitements
infligés par des agents de la force publique. Les faits nouveaux
en matière de liberté des médias et de liberté d’expression seront
également couverts. Nous ne nous intéresserons pas à l’évolution
des processus électoraux depuis le dernier rapport dans la mesure
où ils ont fait l’objet d’un examen approfondi dans le cadre des
visites menées par des observateurs de l’Assemblée parlementaire
et ont été couverts par les rapports publiés par ces derniers. Nous
entendons procéder à une analyse détaillée et approfondie de la situation
de tous les engagements et obligations dans le prochain rapport
sur le respect des obligations et engagements de l’Azerbaïdjan.
5. Au cours de toutes nos visites, nous avons rencontré plusieurs
hauts responsables dont le Président de la République, le chef de
l’administration présidentielle, le ministre de la Justice, le procureur
général, la présidence du Milli Mejlis (parlement) et sa délégation
auprès de l’Assemblée parlementaire, le ministre de l’Intérieur,
la sûreté de l’État, les présidents et des juges de la Cour Suprême
et de la Cour constitutionnelle, des représentants du bureau du
Médiateur, ainsi que des institutions religieuses et du barreau.
Nous avons également rencontré des partis d’opposition extraparlementaire,
des représentants de la société civile, des journalistes, des avocats,
des membres de la communauté internationale et des personnes en
détention, certains membres de leurs familles ainsi que des personnes
récemment libérées.
2. Contexte
6. Nos discussions ont principalement
porté sur les problèmes systémiques et les réformes en cours. Nous avons
également examiné les réformes envisageables pour éviter que de
telles situations problématiques ne se reproduisent. À ce sujet,
nous avons évoqué avec les autorités la possibilité d’aborder, en
étroite coopération avec le Conseil de l’Europe, un certain nombre
de domaines prioritaires, comme l’indépendance de l’appareil judiciaire,
le système de justice pénale, la législation et la pratique relatives
aux organisations non gouvernementales (ONG) ainsi que la liberté
des médias.
7. Nous nous sommes également penchés sur certaines affaires
spécifiques concernant des défenseurs des droits de l’homme, des
militants politiques et religieux, des blogueurs et des journalistes
actuellement emprisonnés. Nous ne rentrerons pas dans le détail
de chaque cas dans la mesure où les exemples qui suivent illustrent
parfaitement les problèmes systémiques. Lors de nos visites, nous
avons salué la libération de certains défenseurs des droits de l’homme,
militants politiques, blogueurs et journalistes, y voyant là une première
étape positive, et avons exprimé l’espoir que d’autres militants
soient prochainement remis en liberté.
8. Le décret de grâce présidentiel signé le 17 mars 2016 a permis
la libération de 14
défenseurs
des droits de l’homme/journalistes/militants d’organisations de
jeunesse/militants politiques/représentants d’ONG, sur 148 personnes
au total. En outre, Rauf Mirkadirov, Intigam Aliyev et Khadija Ismayilova
ont été libérés par les tribunaux nationaux qui ont commué leur
peine de prison en peine d’emprisonnement avec sursis. Le 16 mars 2017,
le Président Ilham Aliyev a signé un nouveau décret de grâce, en
vertu duquel 412 personnes détenues ont pu être libérées avant la
fin prévue de leur peine. Cinq d’entre elles figuraient sur la liste
desdits «prisonniers politiques/prisonniers d’opinion» dressée par
les organisations de défense des droits de l’homme
. Entre-temps,
au printemps 2017, à la suite d’une nouvelle vague d’arrestations,
deux autres noms ont été inscrits sur la liste des «prisonniers
d’opinion» établie par Amnesty International
.
9. Nous avons évoqué la situation desdits «prisonniers politiques»,
en nous fondant essentiellement sur la liste susmentionnée d’Amnesty
International. Nous avons aussi examiné la «liste des affaires concernant
des militants d’organisations de jeunesse/militants politiques,
des journalistes, des blogueurs et d’autres personnes, emprisonnés
en Azerbaïdjan ces dernières années sur la base d’accusations à
motivation politique» élaborée par Human Rights Watch (HRW) sur
laquelle figurent 38 noms
.
Nous avons en outre tenu compte d’autres listes préparées par la
société civile: la nouvelle liste de 146 noms
publiée en mai 2017 par le
«Groupe de travail sur une liste récapitulative des prisonniers
politiques en Azerbaïdjan»; celle desdits «prisonniers politiques»
en Azerbaïdjan dressée par le Groupe de suivi des organisations
des droits de l’homme en Azerbaïdjan qui comporte 36 noms; la liste
desdits «prisonniers politiques» établie par Leyla Yunus (publiée
en russe en novembre 2016) qui contiendrait 160 noms
.
10. Au cours de nos visites dans le pays, nous nous sommes à plusieurs
reprises entretenus avec des personnes placées en détention, en
l’occurrence Ilgar Mammadov dans la prison 2 (trois fois), Ilkin Rustamzade
dans la prison 13 (deux fois), Seymur Haziyev dans la prison 17,
Said Dadashbayli dans la prison 15 (deux fois), Mammad Ibrahim dans
la prison 16, Mikail Idrisov dans la prison 1, et Mehman Huseynov dans
la prison 14. Nous avons également rencontré les familles de détenus,
ainsi que des personnes récemment remises en liberté, notamment
Leyla Yunus, Arif Yunus Khadija Ismayilova, Rasul Jafarov, Intigam Aliyev,
Tofig Yagublu, Rashadat Akhundov, Siraj Karimov, Hilal Mammadov,
Yadigar Sadigov, et Rashad Hasanov, qui nous ont fait part des difficultés
juridiques et pratiques auxquelles elles faisaient face depuis leur libération
.
11. Nous nous sommes par ailleurs penchés sur la situation des
militants religieux en détention. Nous avons recueilli des informations
lors de nos entretiens avec des représentants des institutions religieuses
et de la société civile. Les représentants de la société civile
affirment qu’un grand nombre de personnes sont détenues au motif
de leur appartenance religieuse, comme en témoigne leur liste de
ceux qualifiés de «prisonniers politiques». De leur côté, les autorités
prétendent que ces personnes ne sont pas détenues en raison de leurs activités
religieuses mais parce qu’elles auraient commis des infractions
pénales.
12. Nous sommes au courant de «l’affaire Nardaran»
que
nous examinerons plus en détail lors de prochaines visites.
13. Nous avons examiné de manière approfondie avec les autorités
le groupe d’affaires connu sous le nom de «Said Dadashbayli», qui
porte sur une dizaine de personnes emprisonnées depuis janvier 2007
.
Nous sommes d’avis que cette affaire ne relève pas de la catégorie
desdits «prisonniers religieux». Elle pose cependant de graves problèmes
et nous examinons actuellement très sérieusement les préoccupations exprimées
unanimement par tous les représentants de la société civile en Azerbaïdjan
quant aux violations présumées du droit à une procédure régulière
en lien avec ce groupe d’affaires.
14. Enfin, dans ce contexte, nous avons fait part de nos inquiétudes
face à l’arrestation récente suivie du placement en détention de
Nijat Amiraslanov (journaliste freelance), de Gozal Bayramli (vice-président
du Front populaire d’Azerbaïdjan, un parti d’opposition), d’Afgan
Mukhtarli (un journaliste et militant enlevé), d’Aziz Orujo (chef
du service d’information en ligne «Kanal 13»), ainsi qu’au sujet
de l’affaire Mehman Galandarov.
3. Équilibre
des pouvoirs
15. Dans sa
Résolution 2062 (2015), l’Assemblée note que la structure institutionnelle
de l’Azerbaïdjan accorde des pouvoirs particulièrement importants
au Président de la République et à l’exécutif. Outre les compétences
restreintes attribuées au Milli Mejlis par la Constitution, l’Assemblée
attire l’attention sur le fait qu’il n’y a pas de véritables forces
de l’opposition représentées au parlement, ce qui empêche un dialogue politique
véritable et un contrôle parlementaire efficace. Elle recommande
de renforcer l’application effective du principe de séparation des
pouvoirs garanti par la Constitution et, en particulier, de renforcer
le contrôle parlementaire de l’exécutif et d’assurer la pleine indépendance
de l’appareil judiciaire, notamment vis-à-vis de l’exécutif.
16. Nous tenons à insister sur le principe essentiel de la séparation
des pouvoirs et sur l’importance de la fonction de contrôle du parlement
sur l’exécutif. Le 11 octobre 2016, la Commission électorale centrale
a annoncé les résultats définitifs du référendum constitutionnel
tenu le 26 septembre 2016, selon lesquels tous les amendements constitutionnels
proposés devraient être considérés comme approuvés. Le 12 octobre 2016,
le Président de la République a signé une ordonnance concernant
l’entrée en vigueur de la loi sur le référendum. Selon cette ordonnance,
le Conseil des ministres devait réviser et/ou rédiger les textes normatifs
et juridiques découlant des changements constitutionnels dans un
délai de six mois, en vue de leur soumission au Président. Le 21
février 2017, le Président Aliyev a publié un décret en vertu duquel
sa femme, Mehriban Aliyeva, est nommée première vice-présidente
(fonction créée à la suite de la révision constitutionnelle de septembre
2016). Le même jour, il a présenté sa femme au Conseil de sécurité
du pays.
17. Dans l’avis sur le projet de révision de la Constitution qu’elle
a rendu en octobre 2016
, la Commission européenne pour la
démocratie par le droit (Commission de Venise) s’inquiète de la
mise en place de vice-présidents non élus, susceptibles de gouverner
le pays à certains moments, et de la prérogative du Président d’ordonner
l’organisation d’élections présidentielles anticipées à sa convenance.
Elle exprime par ailleurs de vives inquiétudes quant à l’allongement
du mandat présidentiel à sept ans, compte tenu des pouvoirs déjà
très étendus du Président et des nouvelles compétences que lui confère
la réforme. D’après elle, la nouvelle compétence conférée au Président
de dissoudre le parlement rend largement inopérant tout désaccord politique
au sein de ce dernier. Elle estime que les nouveaux pouvoirs attribués
au Président sont assurément sans précédent même dans une perspective
comparative et qu’ils ont réduit sa responsabilité politique et affaibli
davantage encore le parlement.
18. Forts de ce qui précède, nous réitérons la recommandation
formulée par l’Assemblée concernant l’équilibre des pouvoirs, à
savoir renforcer l’application effective du principe de séparation
des pouvoirs et, en particulier, le contrôle parlementaire de l’exécutif.
Comme elle l’indique dans son avis, la Commission de Venise est
disposée à apporter son expertise à cet égard.
4. Indépendance
du pouvoir judiciaire
19. Dans sa Résolution de 2015,
tout en saluant les modifications législatives récentes concernant
le pouvoir judiciaire, l’Assemblée encourage les autorités «à mieux
assurer la pleine indépendance de l’appareil judiciaire et, en particulier,
à empêcher toute influence et ingérence de l’exécutif».
20. Le ministre de la Justice nous a informés des réformes portant
sur la procédure de sélection des juges et des procureurs, l’évaluation
des juges, la formation initiale et continue des juges et des procureurs,
le recul de l’âge de départ à la retraite des juges, le salaire
de ces derniers ainsi que les procédures disciplinaires. La procédure
de sélection des membres du Conseil judiciaire et juridique a été
simplifiée et des mesures visant à renforcer son indépendance ont
été prises. Nous avons appris que les femmes représentaient 20 %
des juges en poste et 40 % des nouveaux candidats.
21. Dans son rapport de conformité publié en mars 2017
, tout en saluant les pouvoirs étendus
conférés au Conseil judiciaire et juridique en matière de nomination,
de promotion et de mesures disciplinaires à l’égard des juges, le
Groupe d'Etats contre la corruption (GRECO) reste préoccupé par
le fait que ce Conseil peut être soumis à une ingérence indue de
l’exécutif. Il appelle des mesures supplémentaires pour renforcer
le rôle du judiciaire au sein même du Conseil judiciaire et juridique,
en particulier pour qu’il soit composé d’une majorité de juges élus
directement ou sélectionnés par leurs pairs et présidé par un juge.
Les récents développements positifs incluent l’introduction d’une
formation sur les sujets liés à l’intégrité et d’un dispositif de
conseil sur les questions d’éthique ainsi que l’inclusion de toutes
les dispositions pertinentes du Code de déontologie judiciaire dans
l’évaluation des performances des juges. De plus, le parlement a
adopté une législation pour accélérer les décisions du Conseil judiciaire
et juridique en matière de levée de l’immunité des juges. Malgré les
progrès réalisés, l’exécutif conserve cependant des pouvoirs excessifs
en ce qui concerne les nominations aux postes clés du système judiciaire.
Des mesures plus déterminées sont par conséquent nécessaires pour assurer
que le Conseil judiciaire et juridique participe à la nomination
de toutes les catégories de juges et de présidents de juridiction
et il convient de mettre en place un système transparent et impartial
pour la nomination à de hautes fonctions.
22. Comme le GRECO l’indique, des progrès notables ont été réalisés
pour ce qui est des procureurs. Par exemple, les infractions disciplinaires
et le Code de déontologie ont été rendus plus cohérents et des améliorations
ont été apportées également au système d’évaluations périodiques.
Une nouvelle série de critères objectifs a été introduite pour le
recrutement d’agents des forces de l’ordre, et de nouvelles lignes directrices
ont été adoptées sur des activités accessoires. De meilleures opportunités
de formations existent désormais sur les sujets liés à l’intégrité.
Cependant, nous partageons les préoccupations du GRECO au sujet de
l’absence de toute mesure visant à supprimer la fonction de contrôle
présidentiel direct du ministère public. Aucune mesure n’a été prise
pour répondre aux préoccupations découlant du fait que le procureur
général communique systématiquement au Président (une fois par an
et sur demande) des informations sur les activités du ministère
public, y compris en ce qui concerne les affaires en cours d'instruction.
Le fait de soumettre le ministère public à la surveillance concomitante
du chef de l’État et cela sans aucune garantie de ce type, pose
indubitablement problème. Il en va de même du fait que le pouvoir
présidentiel conserve la faculté d’influer sensiblement sur l’organisation
ou la réorganisation du Parquet. Le ministère public en Azerbaïdjan
est entendu comme une autorité indépendante et il est essentiel
que cela soit davantage garanti par la loi et dans la pratique.
23. Nous appelons les autorités à poursuivre les réformes du pouvoir
judiciaire et du ministère public en vue de renforcer leur indépendance
et de rétablir la confiance de la population dans la justice. Nous
nous félicitons de la volonté exprimée par le ministre azerbaïdjanais
de la Justice de coopérer étroitement avec le Conseil de l’Europe
dans le cadre de la réforme de la justice.
5. Système
de justice pénale
24. Dans sa
Résolution 2062 (2015), l’Assemblée se dit alarmée par les informations communiquées
par les défenseurs des droits de l’homme et les ONG internationales,
confirmées par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de
l’Europe, sur le recours de plus en plus fréquent à des poursuites
pénales à l’encontre de dirigeants d’ONG, de journalistes, d’avocats,
ou d’autres personnes exprimant des opinions critiques, en s’appuyant
sur des accusations douteuses concernant leurs activités. Elle appelle
les autorités à faire cesser le harcèlement systématique de ceux
qui critiquent le gouvernement et à libérer ceux qui ont été abusivement emprisonnés.
25. L’affaire
Ilgar Mammadov et plus récemment l’affaire
Rasul Jafarov c. Azerbaïdjan illustrent les critiques
à l’égard d’une justice sélective en Azerbaïdjan. Dans ses arrêts,
la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que les requérants
avaient été placés en détention pour des motifs autres que la commission d’une
infraction et qu’il y avait donc eu une violation de l’article 18
de la Convention (limitation de l’usage des restrictions aux droits),
combiné avec l’article 5 (droit à la liberté et à la sûreté). La
Cour a conclu en particulier que l’arrestation et la détention provisoire
des requérants avaient eu lieu en l’absence de soupçons plausibles qu’ils
auraient commis une infraction. Elle a également conclu que les
tribunaux nationaux s’étaient limités, lors de toutes les décisions
prises, à simplement endosser les demandes des procureurs, sans
avoir procédé à une véritable vérification de la légalité de la
détention. Rappelant que les accusations portées contre les requérants n’étaient
pas fondées sur des soupçons plausibles, la Cour a également conclu
que les mesures prises visaient en réalité à sanctionner les requérants:
pour avoir critiqué le gouvernement et pour avoir essayé de diffuser des
informations dont il était convaincu qu’elles reflétaient la réalité
et que le gouvernement tentait de dissimuler (dans l’affaire Ilgar
Mammadov); pour les activités qu’il exerçait dans le domaine des
droits de l’homme (dans l’affaire Rasul Jafarov
). Depuis 2014,
12 autres requêtes ont été communiquées aux autorités azerbaïdjanaises
par la Cour européenne des droits de l’homme, accompagnées de questions
portant notamment sur le respect de l’article 18 de la Convention
.
26. Dans ces affaires, la Cour européenne des droits de l’homme
a explicitement établi que le rôle des tribunaux nationaux s’était
limité à avaliser de manière quasi automatique les réquisitions
du Parquet et que l’on ne pouvait donc considérer qu’ils avaient
véritablement examiné la «légalité» de la détention du requérant (violation
de l’article 5.4 de la Convention). L’affaire Ilgar Mammadov a également
trait à la violation du droit du requérant à la présomption d'innocence
en raison de déclarations faites à la presse par le procureur général et
le ministre de l’Intérieur incitant le grand public à croire à la
culpabilité du requérant (violation de l’article 6.2). Les affaires
Farhad Aliyev et Muradverdiyev c
. Azerbaïdjan portent aussi sur une violation du
même droit en relation avec des déclarations faites à la presse
par des membres des forces de l’ordre et dont la formulation, qui
ne comprenait aucune réserve ou clause restrictive, revenait en
fait à affirmer que le requérant avait commis certaines infractions
pénales.
27. Dans le cadre de la surveillance de l’exécution de l’arrêt
rendu dans l’affaire
Ilgar Mammadov c
. Azerbaïdjan, le Comité des Ministres
a recommandé de prendre des mesures afin d’éviter que des procédures pénales
ne soient engagées sans base légitime et d’assurer un contrôle judiciaire
effectif de telles tentatives par le Parquet. Il a également exprimé
sa préoccupation face au caractère répétitif de la violation de
la présomption d’innocence (article 6.2) par le Parquet et par des
membres du gouvernement, nonobstant plusieurs arrêts de la Cour
qui a donné à ce titre, depuis 2010, des indications précises quant
aux exigences de la Convention à cet égard. Le Comité des Ministres
a par ailleurs insisté sur la nécessité d’une action rapide et déterminée
afin de prévenir des violations semblables dans l’avenir
.
28. Dans le cadre de l’exécution des arrêts rendus par la Cour
dans les affaires
Mahmudov et Agazade
c. Azerbaïdjan et
Fatullayev
c. Azerbaïdjan, le Comité des Ministres a adopté, en
décembre 2016, une décision
regrettant qu’aucune information
n’ait été soumise depuis le dernier examen de ce groupe d’affaires
sur toute mesure prise pour régler le problème de l’application
arbitraire de la législation pénale pour limiter la liberté d'expression,
en particulier pour renforcer l’indépendance judiciaire vis-à-vis
de l'exécutif et des procureurs et pour assurer la légalité de l’action
des procureurs.
29. Le 13 avril 2017, la Cour européenne des droits de l’homme
a rendu son arrêt dans l’affaire
Huseynova c.
Azerbaïdjan , portant sur le meurtre, en
2005, de M. Elmar Huseynov, un journaliste indépendant renommé.
La Cour a conclu à une violation de l’article 2 (droit à la vie/enquête),
en raison de l’inefficacité et des carences des enquêtes. Elle a
estimé que rien ne prouvait l’allégation selon laquelle l’État avait
été impliqué d’une quelconque manière dans le meurtre du mari de
Mme Huseynova, ou que les autorités avaient connaissance
ou auraient dû avoir connaissance d’un risque réel pour la vie de
M. Huseynov et n’avaient pas pris de mesures pour le protéger. Cependant,
elle a considéré que l’enquête sur le meurtre n’avait pas été effective,
adéquate ou rapide, puisqu’elle durait depuis 12 ans. Elle a constaté
plusieurs lacunes dans l’enquête, dont l’absence de mesure adéquate
pour vérifier si le meurtre de M. Huseynov, qui avait apparemment
été soigneusement planifié, pouvait avoir été lié à son activité
de journaliste, malgré ses articles très critiques à l’égard du
Gouvernement azerbaïdjanais comme de l’opposition.
30. Au cours de nos rencontres avec des avocats et des représentants
de la société civile, nous avons été informés des difficultés rencontrées
par les avocats chargés d’assurer la défense des défenseurs des
droits de l’homme et des militants politiques, qui subiraient selon
eux des pressions. D’après les informations, certains d’entre eux
se sont vu interdire l’exercice de leur profession, ont fait l’objet
de poursuites ou ont été convoqués comme témoins dans une affaire
où ils représentaient l’accusé en vue de les retirer de l’affaire.
En septembre 2016, le Commissaire aux droits de l’homme est intervenu
devant la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire
Bagirov c. Azerbaïdjan concernant
la radiation de l’ordre des avocats azerbaïdjanais du requérant,
un avocat azerbaïdjanais qui avait participé activement à la défense
de militants des droits de l’homme, à la suite d’observations qu’il
avait formulées lors d’une audience devant la Cour d’appel de Shaki en
septembre 2014. Selon le Commissaire aux droits de l’homme, cette
radiation de l’ordre des avocats illustrait une pratique plus générale
consistant à empêcher les avocats de poursuivre leur activité de
défense des droits de l’homme ou à les sanctionner s’ils le font.
Dans l’affaire
Rasul Jafarov c. Azerbaïdjan , la
Cour a reconnu les obstacles auxquels l’avocat de M. Jafarov se
heurtait lorsqu’il lui rendait visite en prison et a conclu à des
violations du droit de recours individuel fondées sur la mesure
de suspension du barreau prise à l’encontre du représentant du requérant
(article 34 de la Convention).
31. Dans sa résolution de 2015, l’Assemblée s’inquiète du recours
excessif à la détention provisoire et appelle les autorités azerbaïdjanaises
à prendre les dispositions nécessaires pour assurer que la détention provisoire
ne peut être imposée sans examiner si cette mesure est nécessaire
et proportionnée, ou si des mesures moins attentatoires peuvent
être appliquées. Dans plusieurs de ses arrêts concernant l’Azerbaïdjan, la
Cour européenne des droits de l’homme a conclu à une violation de
l’article 5 de la Convention
. Lors de nos entrevues,
le Président de la République, le ministre de la Justice et le procureur
général, ainsi que le président de la Cour suprême ont reconnu la
nécessité de recourir dans une moindre mesure aux peines de prison
pour les auteurs d’infractions de gravité moyenne. Nos discussions
ont également porté sur la nécessité d’instaurer un service de probation
en Azerbaïdjan, de mettre en place des peines de substitution, de
limiter les peines d’emprisonnement à certaines infractions graves
et de raccourcir la durée des peines. Le 10 février 2017, le Président
de la République d’Azerbaïdjan a signé un décret-loi sur l’amélioration
du fonctionnement du système pénitentiaire, l’humanisation des politiques
pénales et l’extension de l’application des peines de substitution
et des mesures préventives non privatives de liberté. Ce décret-loi
couvre un large éventail de questions telles que les alternatives
à la détention provisoire, la dépénalisation d’un certain nombre d’infractions
et l’amélioration de la gestion des établissements pénitentiaires.
Des tables rondes ont été organisées à l’initiative de la Cour suprême
et un groupe de travail, composé de fonctionnaires de cette instance,
du ministère de la Justice et du Parquet général, a été constitué.
D’après le ministre de la Justice, des modifications du Code pénal
sont en cours d’élaboration concernant la dépénalisation de certains
actes dans la sphère économique, l’établissement de peines de substitution
et de mesures alternatives, la libération conditionnelle et la condamnation
avec sursis, ainsi que le recours à des mesures de prévention plutôt
qu’à des mesures privatives de liberté. Dans l’intervalle, le Président
aurait présenté
au parlement un projet de loi sur
l’humanisation de la législation pénale, prévoyant notamment de
porter modification de quelque 140 articles du Code pénal. La législation
nécessaire à l’application du décret présidentiel doit être adoptée
au plus vite et, plus important encore, les changements devront
ensuite être dûment mis en œuvre.
32. Tout en saluant cette évolution positive, nous réaffirmons
que l’indépendance et l’impartialité de l’appareil judiciaire, qui
comptent au nombre des principaux défis posés à l’Azerbaïdjan, sont
des conditions préalables à un système de justice pénale conforme
aux normes européennes. Nous tenons à rappeler que la détention
provisoire doit être l’exception et non la règle, comme le prévoient
les normes européennes et internationales, dont la Recommandation
Rec(2006)13 du Comité des Ministres concernant la détention provisoire.
Une modification réelle dans la pratique dépendra essentiellement
du degré d’indépendance de la justice et de certains changements
du mode de travail des services répressifs au cours des enquêtes.
33. Les personnes rencontrées qui avaient été remises en liberté
récemment nous ont fait part des difficultés juridiques et pratiques
auxquelles elles se sont heurtées depuis leur libération. Certaines
d’entre elles avaient été graciées, d’autres avaient bénéficié d’une
mesure de libération conditionnelle prononcée par un tribunal. Alors
que la grâce efface la condamnation du casier judiciaire, la libération
conditionnelle prononcée par un tribunal implique des contraintes,
comme l’obligation de se présenter à un commissariat de police, l’impossibilité
de quitter le territoire, l’interdiction d’exercer des fonctions
publiques ou de travailler, le gel des comptes bancaires, etc. Elles
se sont également plaintes du blocage illégal de l’accès à leur
bureau et de la confiscation de certains documents (en particulier,
la confiscation par le Parquet général des dossiers relatifs aux
affaires portées par Intigam Aliyev devant la Cour européenne des
droits de l’homme). Plusieurs de nos interlocuteurs de la société
civile et de médias indépendants nous ont appris que les comptes
bancaires de leurs organisations et de leurs employés restaient
gelés et qu’il leur était interdit de quitter le pays, bien qu’aucune
décision de justice n’ait été rendue pour ordonner une interdiction
de voyager ni un gel de leurs comptes en banque. Nous avons soulevé
cette question avec le procureur général, le président de la Cour constitutionnelle
et le ministre de la Justice, qui nous ont répondu que ces mesures
n’étaient applicables que si elles se fondaient sur la décision
d’un tribunal.
34. Le 17 mai 2017, le Commissaire aux droits de l’homme a fait
une déclaration à l'occasion du quatrième anniversaire de l’arrestation
d’Ilkin Rustamzade, un blogueur et militant de mouvement de jeunesse
incarcéré depuis le 17 mai 2013. Il a également évoqué le cas d’Ilgar
Mammadov et rappelé que Bayram Mammadov et Giyas Ibrahimov avaient
été condamnés à 10 ans d’emprisonnement pour trafic de drogue, en
décembre et octobre 2016, respectivement. Ces deux jeunes militants
avaient été arrêtés en mai 2016 après avoir peint un graffiti sur
une statue de l’ancien président. Enfin, le Commissaire a mentionné
l’arrestation de Mehman Huseynov. Il a appelé une nouvelle fois
les autorités azerbaïdjanaises à respecter leurs obligations en
matière de droits de l’homme et à libérer immédiatement toutes les
personnes emprisonnées en raison de leurs opinions ou de leur engagement
civique légitime.
35. Nous restons préoccupés par l’absence de système distinct
de justice des mineurs en Azerbaïdjan. En effet, le système de justice
pénale ne traite guère différemment les enfants des adultes. Les
enfants sont détenus sans que l’on envisage de peine de substitution
à la détention comme des mesures éducatives, le renvoi vers des
services sociaux ou la probation. Nous avons évoqué avec les autorités
la nécessité d’établir un système global de justice des mineurs
fondé sur l’élaboration d’un vaste train de mesures destinées à garantir
la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant comme des
programmes d’assistance, d’orientation, de supervision, de conseil,
de probation, de placement dans une famille et d’éducation ainsi
que d’autres solutions alternatives au placement en établissement.
Nous saluons le travail réalisé dans le cadre de projets pilotes
menés avec le soutien de donateurs, ainsi que la volonté exprimée
par les autorités de mettre en place un système de justice pour
mineurs et espérons sincèrement qu’il verra le jour prochainement.
6. Prisons
et services répressifs: conditions de détention et allégations de
mauvais traitements
36. Le ministre de la Justice nous
a informés des autres mesures prévues par le décret présidentiel susmentionné
pour améliorer les conditions de détention, notamment la modernisation
des infrastructures pénitentiaires, le contrôle renforcé des conditions
carcérales, la formation du personnel, la transparence accrue et
la prévention de la corruption. Nous avons été informés de la construction
de nouveaux établissements pénitentiaires dans la République autonome
de Nakhitchevan et à Cheki. Des établissements réservés aux femmes
et aux mineurs sont en cours de construction à Ganja et à Lankaran,
à Zabrat près de Bakou et à Umbaki. Le ministre de la Justice nous
a par ailleurs fait part des récentes lois d’amnistie visant à réduire
la surpopulation carcérale. Tout en saluant les mesures prises pour
améliorer les conditions de détention, dont la construction de nouveaux
établissements pénitentiaires, nous sommes préoccupés par la forte
surpopulation et par les mauvaises conditions de vie dans certaines
prisons.
37. Plus particulièrement, nous sommes alarmés par les conditions
sanitaires et matérielles de détention insuffisantes dans la prison
13. L’un des dortoirs visités (lors de notre visite de janvier 2017)
hébergeait 123 détenus dormant dans des lits doubles superposés
très étroits (50 cm). Le dortoir n’était apparemment pas équipé
d’un système de chauffage adéquat (il y faisait très froid en hiver)
ni d’air conditionné (l'atmosphère y serait étouffante en été).
Les sanitaires adjacents au dortoir comprenaient un seul urinoir
et deux toilettes sans intimité possible ainsi que trois lavabos
sales et en mauvais état. L’accès aux douches paraissait insuffisant.
La prison est par ailleurs située dans une zone humide, d’où l’humidité
ambiante dans les bâtiments de type «caserne». En outre, la seule
route d'accès est en mauvais état et présente des nids-de-poule
profonds causés par les lourds convois de camions en provenance
du site d'extraction de SOCAR situé à proximité. S’agissant de la
prison pour femmes dans laquelle nous nous sommes rendus lors de
l’une de nos précédentes visites, nous avons appris que les femmes
avaient du mal à obtenir des produits d’hygiène menstruelle, ce
qui engendrait des problèmes d’hygiène mais aussi des tensions entre
les détenues. Ces produits d’hygiène féminine devraient être fournis
gratuitement à toutes les détenues.
38. Nous demandons aux autorités d’autoriser la publication de
tous les rapports du Comité européen pour la prévention de la torture
et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), rappelant
le message explicite adressé par le Comité des Ministres en février
2002, encourageant toutes les Parties à la Convention européenne
pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains
ou dégradants à en autoriser, à la première occasion, la publication.
A ce jour, seuls quatre des dix rapports sur les visites du CPT en
Azerbaïdjan ont été rendus publics, six rapports relatifs aux visites
périodiques menées en 2011 et 2016 et aux visites ad hoc effectuées
en 2004, 2012, 2013 et 2015 n’ayant pas encore été publiés.
39. Nous sommes préoccupés par le décès de Mehman Galandarov,
un blogueur azerbaïdjanais retrouvé pendu dans sa cellule du centre
de détention no 1 de Bakou le 28 avril
2017, et avons appelé les autorités azerbaïdjanaises à conduire
une enquête effective sur les circonstances de sa mort en prison.
Nous n’avons pour l’heure obtenu que des réponses partielles à nos
questions et sommes toujours désireux de recevoir des informations
concernant les investigations menées dans cette affaire. Nous rappelons
la responsabilité accrue de l’État quand il s’agit de protéger les
droits de l'homme des détenus. Le 4 mai 2017, la Cour européenne
des droits de l’homme a conclu à la violation, par l’Azerbaïdjan,
du droit à la vie (article 2 de la Convention) de Mahir Mustafayev
,
au motif que les autorités n’avaient pas protégé la vie de M. Mustafayev
ni mené d’enquête effective sur les circonstances de son décès en
détention (il est décédé des suites de graves brûlures subies lors
d’un incendie dans sa cellule, en décembre 2006). Concernant les
détenus, la Cour a souligné à maintes reprises que ces personnes
sont en situation de vulnérabilité et que les autorités ont le devoir
de les protéger. D'une manière générale, le seul fait qu'un individu
décède dans des conditions suspectes alors qu'il est privé de sa
liberté est de nature à poser une question quant au respect par
l'État de son obligation de protéger le droit à la vie de cette
personne
. L'obligation
qui pèse sur les autorités de justifier le traitement infligé à
un individu placé en garde à vue s'impose d'autant plus lorsque
cet individu meurt
.
40. Nous restons également préoccupés par les informations faisant
état de cas de torture et de mauvais traitements infligés à des
journalistes, des blogueurs, des défenseurs des droits de l’homme
et des militants d’organisations de jeunesse, au moment de leur
arrestation ou une fois en détention. Nous sommes particulièrement
inquiets pour Mehman Huseynov, blogueur et président de l’Institut
pour la liberté et la sécurité des reporters (IRFS), et avons évoqué
son cas avec les autorités et le bureau du médiateur. Nous avons
par ailleurs rencontré Mehman Huseynov à la prison no 14.
Nous nous devons d’insister une nouvelle fois sur la nécessité d’enquêter
réellement sur ses allégations de torture et de mauvais traitements
et d’amener leurs auteurs à en répondre. Nous nous sommes déclarés
extrêmement surpris par sa condamnation pour diffamation (pour avoir
dénoncé les mauvais traitements et actes de torture subis) et sa
détention actuelle que nous déplorons.
41. Le ministre de l’Intérieur nous a donné des informations sur
le mécanisme de contrôle interne de son ministère: au cours des
cinq dernières années, 1 259 violations des droits et des libertés
par des agents de la force publique auraient été recensées. Les
enquêtes menées dans ce cadre ont donné lieu à des mesures disciplinaires
à l’encontre de 1 647 policiers dont 156 ont été démis de leurs
fonctions, 139 rétrogradés et 1 351 ont reçu un avertissement.
42. Lors de nos réunions avec le bureau du médiateur, nous avons
été informés du fait que 23 personnes travaillent pour le mécanisme
national de prévention et effectuent de nombreuses visites dans
les lieux de détention. Tout en saluant la mise en place en 2011
du mécanisme national de prévention au sein du bureau du médiateur,
nous sommes préoccupés par son efficacité limitée pour prévenir
la torture, les mauvais traitements et d’autres violations dans
les lieux de privation de liberté.
43. Nous réaffirmons qu’il est capital de mettre en place un système
indépendant, impartial et effectif de recours en cas d’allégations
de mauvais traitements infligés par des membres des forces de l’ordre
afin de renforcer la confiance de la population dans la police et
le système judiciaire et de s’assurer que les auteurs de comportements
répréhensibles ou de mauvais traitements ne restent pas impunis,
comme le prévoient les Lignes directrices de 2011 du Comité des
Ministres pour éliminer l’impunité pour les violations graves des droits
de l’homme
. Il est de la plus haute importance
que toutes les allégations de cas de torture et de mauvais traitements
fassent l’objet d’une enquête approfondie, menée avec célérité.
Il conviendrait de mettre rapidement en place en Azerbaïdjan un
système indépendant, transparent et effectif de recours en cas d’allégations
de mauvais traitements par les services répressifs.
7. Liberté
des médias et liberté d’expression
44. Dans sa
Résolution 2062 (2015), l’Assemblée se déclare profondément préoccupée par
le nombre croissant de mesures de représailles visant des médias
indépendants et des défenseurs de la liberté d’expression en Azerbaïdjan
et déplore l’application arbitraire de la législation pénale afin
de limiter la liberté d'expression, et en particulier l’utilisation
signalée de diverses lois pénales à l’encontre de journalistes et
de blogueurs. Elle recommande de prendre toutes les mesures nécessaires
pour assurer un réexamen véritablement indépendant et impartial,
par le système judiciaire, des affaires impliquant des journalistes
et d’autres personnes ayant exprimé des opinions critiques à l’encontre
des autorités.
45. Dans son Classement mondial de la liberté de la presse 2017,
Reporters sans frontières a classé l’Azerbaïdjan au 162e rang
sur 180 pays, concluant que «s’ils résistent aux pressions, aux
tabassages, aux tentatives de chantage ou de corruption, les journalistes
et blogueurs indépendants sont jetés en prison. Les médias libres
sont asphyxiés économiquement (
Zerkalo,
Azadlig) ou fermés manu militari
(Radio Azadlig). Si le régime de Bakou a tenté d’échapper aux pressions
internationales en relâchant, début 2016, les journalistes emprisonnés
les plus célèbres, ce n’était que pour en arrêter d’autres les mois
suivants». L’Azerbaïdjan est classé dans la catégorie des États
«non libres» en 2017 en matière de liberté de la presse, et dans
celle des États «partiellement libres» concernant la liberté sur
internet en 2016
.
46. Certains des représentants des médias que nous avons rencontrés
se sont plaints des pressions économiques et financières exercées
par les autorités. Ils affirment que la procédure d’attribution
de publicités financées par l’État et d’allocation de subventions
publiques n’est pas transparente et que les pertes financières dues
au contrôle exercé par l’État sur le marché publicitaire et les
réseaux de distribution ont entraîné la fermeture de plusieurs médias.
Par ailleurs, les médias d’opposition subissent également d’autres formes
de pressions économiques, dont l’imposition d’amendes exorbitantes
à la suite d’actions en diffamation. Nous avons été informés de
cas d’ingérence dans la liberté des médias se traduisant par le
retrait de licences. Le 5 avril 2017, la Cour suprême d’Azerbaïdjan
a examiné un pourvoi en cassation contre la décision du Conseil
national de la télévision et de la radio de supprimer la licence
de la station de radio ANS. Cette dernière avait été privée de sa
licence de radiodiffusion en septembre 2016 après avoir diffusé
en avant-première une interview de Fethullah Gülen. Le journal lié
au mouvement güleniste,
Zaman-Azerbaïdjan,
ainsi que la page web Zaman.az, ont aussi été fermés.
Azadliq, le principal journal d’opposition
en Azerbaïdjan, aurait été contraint
de cesser de paraître après l’arrestation
et la condamnation de son directeur financier, Faiq Amirli, accusé
d’être un imam du mouvement güleniste
,
et les pressions financières continues exercées par des entreprises
publiques ou affiliées.
47. Dans sa résolution intérimaire de juin 2016 sur l’exécution
des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme dans les
affaires
Mahmudov et Agazade et
Fatullayev c. Azerbaïdjan révélant le problème de l'application
arbitraire de la législation pénale pour limiter la liberté d'expression,
le Comité des Ministres appelle les autorités à renforcer l'indépendance
de la justice vis-à-vis de l'exécutif et des procureurs, et à assurer
la légalité de l’action des procureurs. La question de la liberté
d’expression en Azerbaïdjan doit en effet être examinée en liaison
avec le manque d’indépendance du système judiciaire. Le Commissaire
aux droits de l’homme
ainsi que le Comité des Ministres
ont à maintes reprises déclaré que l’application arbitraire de la législation
pénale pour limiter la liberté d'expression soulevait de graves
préoccupations, en raison en particulier d’informations sur l’utilisation
de différentes lois pénales contre des journalistes et des blogueurs.
Le Commissaire a souligné la nécessité de prendre des mesures pour
assurer un contrôle juridictionnel véritablement indépendant et
impartial des affaires visant des journalistes et d’autres personnes
exprimant des opinions critiques.
48. Les amendements à la législation relative à la réglementation
de l’internet adoptés en mars 2017 octroient au gouvernement et
aux tribunaux nationaux de nouveaux pouvoirs leur permettant de
bloquer des sites web. Le projet de modification de la loi relative
aux informations, à l’informatisation et à la protection des informations
et de celle sur les télécommunications qui a été adopté interdit
la publication de messages incitant à la violence, à l’extrémisme
religieux, au terrorisme ainsi qu’à la haine ethnique, raciale ou
religieuse ou appelant à la prise de pouvoir par la force. Il interdit
également la diffusion en ligne de fausses informations et de contenus
insultants ou portant atteinte à la vie privée. La nouvelle législation
permet au Gouvernement azerbaïdjanais, sous réserve d’un contrôle
juridictionnel, d’interdire des sites ayant publié des contenus
qui, selon lui, promeuvent la violence, la haine ou l’extrémisme,
constituent une violation de la vie privée ou sont diffamatoires.
49. Le 12 mai 2017, le tribunal de police de Sabail, à Bakou,
a décidé de bloquer les sites web de cinq médias d’information:
le service azerbaïdjanais (azadliq.org) de Radio Free Europe/Radio
Liberty (RFE/RL), Meydan TV (meydan.tv), Azadliq Daily (azadliq.info),
Turan TV (kanalturan.com), et Azerbaijani Hour (Azerbaycansaati.com
et Azerbaycansaati.tv). La décision faisait suite à un décret pris
par le ministère des Communications et des Hautes technologies qui
limitait l’accès aux sites depuis le 27 mars 2017, sur instruction
du Parquet général, déclarant que ces médias constituaient une menace
pour la sécurité nationale. Selon la société civile, ces événements
sont la preuve que l’Azerbaïdjan ne bénéficie pas de la liberté
sur internet et visent à réduire au silence les services d’information
indépendants dans le pays
.
50. L’internet a radicalement changé la façon dont nous accédons
à l’information et communiquons, créant de nouvelles possibilités
de renforcer la démocratie mais restreignant aussi les droits de
l’homme. Il faut assurer une protection effective des droits de
l’homme sur la Toile en faisant de l’internet un environnement sûr
et ouvert, respectueux de la liberté d’expression, de réunion et
d’association, de la diversité, de la culture et de l’éducation.
Le Conseil de l’Europe a publié des lignes directrices à l’intention
des États membres pour s’assurer que toutes les restrictions à la
liberté d’expression, comme les pratiques de blocage et de filtrage
de l’internet, sont conformes à l’article 10 de la Convention européenne
des droits de l’homme. Le Comité des Ministres a adopté une recommandation
sur la liberté d’internet
, rappelant que toute décision ou
action nationale restreignant les droits de l’homme et les droits
fondamentaux sur internet doit respecter les obligations internationales.
Lors de nos entrevues, nous avons insisté auprès des autorités sur
l’importance de prendre dûment en compte ces normes dans les processus
législatifs.
51. Dans sa
Résolution
2141 (2017) sur les attaques contre les journalistes et la liberté
des médias en Europe, l’Assemblée «rappelant la décision adoptée
par le Comité des Ministres entre les 6 et 8 décembre 2016 concernant
le groupe d’affaires Mahmudov et Agazade contre l’Azerbaïdjan, (…)
regrette l’absence d’information sur les mesures prises pour assurer
l’adéquation de la législation sur la diffamation et exprime, dans
ce contexte, ses vives préoccupations sur les récentes modifications
apportées au Code pénal, qui introduisent de nouvelles infractions
de diffamation punissables d’emprisonnement, sans distinction du
fait qu’elles s’accompagnent ou non d’incitation à la violence ou
à la haine». Fin 2016, le parlement a adopté des amendements au
Code pénal, étendant l’application de la responsabilité pour atteinte
à l’honneur et à la dignité du Président de manière à y inclure
les expressions en ligne
. Les amendements
étendent également les dispositions pénales sur la diffamation et
l’injure à l’expression en ligne en instaurant une responsabilité aggravée
pour usage de faux identifiants ou comptes. Ces infractions sont
notamment passibles de peines de prison
. Le 31
mai 2017, le parlement
a alourdi les peines en cas d’atteinte
à l’honneur et à la dignité du Président de la République dans les
médias ou sur internet. En particulier, les modifications apportées
rendent ces atteintes passibles d’une peine d’emprisonnement maximale
de cinq ans et/ou de AZN 1 500 à 2 500 d’amende (auparavant, le
montant des amendes était compris entre AZN 500 et 1 000). Si de
tels contenus sont diffusés à partir de faux comptes ou profils,
les amendes vont désormais de AZN 2 000 à 3 000 (contre AZN 1 000
à 1 500 auparavant).
52. Nous rappelons la recommandation formulée par l’Assemblée
dans sa résolution de 2015, à savoir d’intensifier les efforts en
vue de la dépénalisation de la diffamation, en coopération avec
la Commission de Venise. La récente condamnation à deux ans de prison
du blogueur Mehman Huseynov pour diffamation
est inacceptable. La diffamation
ne devrait jamais relever du droit pénal, mais l’emprisonnement
de Mehman Huseynov pour dénonciation de brutalités policières est
particulièrement éloquent.
53. La remise en liberté en 2016 de plusieurs journalistes emprisonnés
a constitué un développement positif. L’amnistie présidentielle
du 17 mars 2016 a permis la libération des journalistes Parviz Hashimli,
Hilal Mammadov et Tofig Yagublu, ainsi que des blogueurs Siraj Karimli
et Omar Mammadov. Le journaliste Rauf Mirgadirov a, le même jour,
bénéficié d’une mesure de libération conditionnelle. En mai 2016,
la Cour suprême a suspendu l’exécution de la peine de prison prononcée
à l’encontre de la journaliste d’investigation Khadija Ismayilova
qui demeure toutefois en probation et fait l’objet d’une interdiction
d’exercer ses activités professionnelles et de voyager. Ces libérations
ne sont cependant pas le signe d’une véritable ouverture propice
à la liberté des médias étant donné l’arrestation, le placement
en détention ou la condamnation de plusieurs autres professionnels
des médias la même année.
54. Les alertes les plus récentes publiées sur la plateforme du
Conseil de l’Europe pour renforcer la protection du journalisme
et la sécurité des journalistes
concernent notamment la nouvelle
arrestation du directeur azerbaïdjanais d’une chaîne de télévision
diffusée via l’internet, Aziz Orujov; la condamnation du rédacteur
en chef azerbaïdjanais d’un site web d’information, Fikret Faramazoglu,
à sept ans de prison pour extorsion; l’enlèvement, la détention
et l’inculpation du journaliste azerbaïdjanais freelance Afgan Mukhtarli;
la condamnation à 30 jours d’emprisonnement du journaliste indépendant
Nijat Amiraslanov; la condamnation de Mehman Huseynov à deux ans
de prison pour diffamation; le placement en détention provisoire
d’Elchin Ismayilli, inculpé pour extorsion et abus de position d'influence;
ainsi que l’arrestation et la condamnation à trois mois de détention
provisoire du journaliste et rédacteur en chef du site d’information
Azel TV, Afgan Sadikhov. La plateforme publie encore l’alerte relative
au décès, le 9 août 2015, du journaliste Rasim Aliyev, président de
l’Institut pour la Liberté et la Sécurité des reporters (IRFS),
qui a succombé à ses blessures après avoir été sévèrement battu
en raison des critiques qu’il avait formulées à l’encontre du joueur
de football Javid Huseynov. Le 1er avril
2016, un tribunal de Bakou a condamné cinq hommes, dont Javid Huseynov,
à des peines de 9 à 13 ans de prison, pour coups et blessures graves
ayant entraîné la mort de Rasim Aliyev. Le 12 octobre 2016, la Cour
d’appel de Bakou a réduit la peine de Javid Huseynov de quatre ans
à un an et deux mois. La durée de cette nouvelle peine ayant déjà
été purgée, le footballer a été libéré. D’après IRFS
, le personnel médical de l’hôpital
de la ville n’aurait pas prodigué à Rasim Aliyev les soins médicaux
nécessaires. La Cour européenne des droits de l’homme a été saisie.
La Plateforme mentionne également le Fonds d'État pour le «soutien
au développement des moyens d’information de masse en Azerbaïdjan»
offrant à des journalistes des subventions gouvernementales gratuites
au logement
. Plusieurs
représentants des médias et journalistes ont critiqué cette initiative
de l'État, comme portant atteinte à l'indépendance des journalistes.
55. Au cours de notre dernière visite, nous avons longuement discuté
de la situation d’Afgan Mukhtarli, et exprimé nos inquiétudes face
à son enlèvement présumé en Géorgie et à son transfert illégal en
Azerbaïdjan où il est actuellement détenu. Nous partageons les préoccupations
du rapporteur général de l’Assemblée sur la liberté des médias et
la protection des journalistes concernant l’intensification de la
répression contre la presse indépendante en Azerbaïdjan, visant
notamment à réduire au silence des journalistes d’investigation comme
Afgan Mukhtarli, et soutenons ses appels lancés aux autorités azerbaïdjanaises
pour qu’elles le libèrent
. La Cour européenne des droits de
l’homme examine actuellement une requête introduite par Afgan Mukhtarli,
dans le cadre de sa politique de prioritisation.
56. Nous avons également évoqué le cas d’Aziz Orujov, directeur
de la chaîne de télévision diffusée par internet, Kanal 13, arrêté
de nouveau le 1er juin 2017 en Azerbaïdjan.
Le 2 mai 2017, celui-ci avait été reconnu coupable par un tribunal
de désobéissance à un ordre légal d’un policier et condamné à 30
jours de détention. Le 1er juin 2017,
deux heures avant sa sortie prévue, il a été emmené au département
des enquêtes sur les crimes graves, où il a été accusé d’abus de
pouvoir officiel ainsi que d’activités illicites très lucratives,
puis placé en détention provisoire pour une durée de quatre mois
. Cette affaire semble symptomatique
d’une tendance inquiétante visant à faire peser de nouvelles charges
sur une personne afin d’empêcher sa libération au terme de la peine
prévue.
8. Société
civile et libertés politiques
57. La question du fonctionnement
et du financement de la société civile demeure préoccupante. Ces derniers
mois, le gouvernement azerbaïdjanais a apporté certaines modifications
aux règlements régissant les activités des ONG. Les changements
portent cependant uniquement sur certaines règles et ne concernent
pas les obstacles législatifs fondamentaux que l’Assemblée avait
elle-même considérés comme devant être revus.
58. Dans sa
Résolution
2062 (2015), l’Assemblée appelle les autorités à réviser la loi
sur les ONG afin de répondre aux préoccupations exprimées par la
Commission de Venise et de créer un environnement propice aux activités
de la société civile. Elle juge en effet extrêmement préoccupant
que les insuffisances de la législation sur les ONG aient nui à
la capacité des ONG de mener leurs activités. Le contrôle strict
exercé par les autorités de l’État sur les ONG est susceptible de
porter atteinte à l’exercice du droit à la liberté d’association
garanti par l’article 11 de la Convention européenne des droits
de l’homme. A cet égard, l’Assemblée condamne les atteintes aux
droits de l’homme en Azerbaïdjan où les conditions de travail des ONG
et des défenseurs des droits de l’homme se sont considérablement
détériorées et où certains défenseurs des droits de l’homme, militants
de la société civile et journalistes, éminents et reconnus, sont
derrière les barreaux. Elle appelle les autorités à réviser la loi
sur les ONG, conformément aux recommandations de la Commission de
Venise. Dans sa
Résolution
2096 (2016) «Comment prévenir la restriction inappropriée des activités
des ONG en Europe?», l’Assemblée réitère son appel à l’Azerbaïdjan
l’invitant à modifier sa législation relative aux ONG conformément
aux recommandations de la Commission de Venise.
59. Lors de nos discussions, nous avons à maintes reprises encouragé
les autorités à coopérer avec la Commission de Venise dans le cadre
de la réforme de la législation sur les ONG. La Commission de Venise
a déjà formulé deux avis (en 2010
et 2014
) relatifs à la loi sur les ONG, dans
lesquels elle recommande la simplification et la décentralisation
de la procédure d’enregistrement, l’adoption de mesures spécifiques
pour veiller au plein respect des exigences légales et pour éviter
les pratiques
contra legem,
ainsi que la limitation des motifs de refus d’enregistrement aux
défaillances graves. Elle a également jugé nécessaire de revoir l’exigence
pour les ONG internationales de créer des bureaux et des représentations
locales, et d’obtenir leur enregistrement par l’État, ainsi que
les restrictions connexes. Le financement étranger des ONG devrait
être autorisé, à moins que l’interdiction ne soit justifiée par
un motif clair et précis. Pour les organisations internationales,
la procédure d’obtention du droit d’accorder une subvention, si
elle est maintenue, devrait être assortie de critères précis et
de dispositions procédurales clairement établies par la loi. Selon
la Commission de Venise, il conviendrait de supprimer toute ingérence
inappropriée dans l’autonomie interne des ONG, c’est-à-dire les
obligations de rendre compte et la surveillance par l’autorité publique
de l’organisation interne et du fonctionnement des ONG.
60. Plusieurs organes du Conseil de l’Europe ont conclu à la non-conformité
avec les normes européennes de divers aspects de la législation
relative aux ONG en Azerbaïdjan ainsi que de son application dans
la pratique
. Des représentants de la société
civile et de la communauté internationale à Bakou ont déclaré que malgré
l’adoption en 2015
et
2016
d’amendements
à la législation relative aux ONG, le cadre juridique n’avait pas
connu d’amélioration et les obstacles juridiques qui entravaient
le fonctionnement efficace des ONG n’avaient pas été levés. Selon
eux, les amendements adoptés ces trois dernières années avaient également
restreint le financement d’organisations de la société civile par
des donateurs étrangers. Des obstacles pratiques empêchent les ONG
non enregistrées de fonctionner correctement. Pourtant, l’enregistrement
reste un véritable défi pour les ONG qui rencontrent des difficultés
pour ce faire, que ce soit en tant qu’ONG nationale ou ONG étrangère.
Nous avons été informés de la capacité limitée des ONG azerbaïdjanaises
de se conformer à toutes les exigences requises, y compris aux obligations
de rendre compte et de faire enregistrer tout changement apporté
à leurs statuts. Les ONG étrangères risquent d’engager leur responsabilité
si elles ouvrent des antennes locales sans être enregistrées officiellement,
ce qui requiert de passer un accord avec l’État sur la base de critères
vagues. Ce dispositif confère au gouvernement un large pouvoir discrétionnaire
entraînant un nombre important de refus d’enregistrement. La législation
a aussi eu des effets sur les financements dans la mesure où tant
l’organisation donatrice que les bénéficiaires des dons doivent
obtenir l’autorisation des autorités. Plusieurs représentants de
la société civile nous ont dit que les circonstances susmentionnées
avaient contraint un certain nombre d’ONG à exercer leurs activités
en marge de la législation, sans se faire enregistrer, de manière
à pouvoir continuer de garantir le financement de leurs interventions,
s’exposant ainsi au risque d’être sanctionnées pour non-respect
des obligations et de faire l’objet d’éventuelles poursuites pénales.
Depuis 2014, des poursuites à grande échelle ont été engagées à
l’encontre d’ONG nationales et internationales. Elles ont donné
lieu à l’arrestation, à l’interrogatoire et à la condamnation d’employés
et de dirigeants d’ONG, à la fermeture et à la saisie de comptes
bancaires, et à des interdictions de voyager. Des contrôles fiscaux
des activités des ONG ont été menés et de lourdes sanctions infligées, conduisant
beaucoup d’ONG à fermer ou à quitter le pays.
61. Les autorités elles-mêmes ont reconnu l’existence de certains
problèmes concernant la mise en œuvre de la législation sur les
ONG, notamment les dispositions relatives aux apports de fonds.
Elles nous ont informés de l’établissement d’une Plateforme de dialogue
entre le gouvernement et la société civile à laquelle participent
des représentants d’ONG et d’organismes publics. Les ONG bénéficieraient
d’une aide financière de l’État par l’intermédiaire du Conseil national
pour le soutien aux ONG, placé sous l’égide du Président de la République.
En conséquence, les organisations exclusivement financées par l’État
risquent d’avoir du mal à préserver leur indépendance. Les autorités
nous ont aussi informé de discussions avec des organisations de
la société civile en vue d’améliorer les conditions de travail des
ONG et de la modification de la législation relative à ces dernières,
s’agissant en particulier des dispositions réglementaires sur l’enregistrement
des accords de financement et de celles régissant l’octroi de dons
par des donateurs étrangers. Selon la société civile, ces modifications
ont permis d’atténuer légèrement certains aspects problématiques
du cadre réglementaire mais la plupart demeurent.
62. Les dernières modifications des dispositions relatives aux
financements ont été adoptées en janvier 2017 par le Conseil des
ministres
dans
le prolongement du décret présidentiel d’octobre 2016 relatif à
la simplification de l’enregistrement des financements étrangers
en Azerbaïdjan, qui préconisait l’instauration d’un «guichet unique»
en la matière. Pourtant, la loi sur les subventions et la loi sur
l’enregistrement et le registre national des personnes morales restent
inchangées. Tout en simplifiant certains aspects procéduraux de
l’enregistrement des financements étrangers et en réduisant le nombre
de documents requis, ces changements ne touchent pas à l’obligation
légale, pour les ONG, de faire enregistrer les apports de fonds
et ne suppriment pas non plus l’avis obligatoire du ministère des
Finances sur l’opportunité de chaque apport de fonds par un donateur
étranger. Par ailleurs, la procédure complexe, comportant de multiples
étapes, applicable à l’enregistrement des financements et des donateurs
étrangers reste en place. Les ONG demeurent tenues de faire enregistrer
tous les changements, mêmes mineurs, apportés à leurs statuts et d’obtenir
un certificat d’enregistrement tous les deux ans; elles doivent
déclarer les apports de fonds auprès du ministère de la Justice;
les donateurs étrangers sont tenus de faire enregistrer chaque don
individuellement et l’avis sur l’opportunité du don reste obligatoire.
Enfin et surtout, ces modifications des règles ne lèvent pas les
obstacles juridiques qui entravent le fonctionnement efficace des
ONG.
63. Comme la Cour européenne des droits de l’homme l’a souligné
dans sa jurisprudence, les problèmes que pose l’enregistrement des
ONG par l’État en Azerbaïdjan ne sont pas nouveaux. La Cour a en
effet conclu à des violations de l’article 11 de la Convention concernant
des retards arbitraires dans l’enregistrement d’ONG par l’État,
des refus d’enregistrement ou encore l’annulation d’un enregistrement
. Même après les réformes des procédures
d’enregistrement, la Cour européenne des droits de l’homme a continué
d’être saisie de nouvelles requêtes portant sur le refus du gouvernement
d’enregistrer des ONG, requêtes qui ont été communiquées aux autorités
. D’après la Cour, dans l’affaire
Rasul Jafarov c. Azerbaïdjan de mars 2016, la nouvelle réglementation
complexe, combinée à la façon apparemment intransigeante et arbitraire
dont elle est appliquée par les autorités, rend le fonctionnement
des ONG toujours plus difficile. Un certain nombre de modifications
apportées à divers instruments législatifs ont introduit des procédures
supplémentaires d’enregistrement et de déclaration et de lourdes
sanctions. La Cour a relevé que le cadre législatif dans lequel fonctionnent
les organisations non gouvernementales à but non lucratif, dont
le règlement des questions portant sur leur enregistrement par l’État,
leur financement et les obligations de rendre compte, devenait de plus
en plus dur et restrictif.
64. Nous avons été informés de la décision de l’Initiative pour
la transparence dans les industries extractives (ITIE)
, coalition de
gouvernements, d’entreprises et de groupes non gouvernementaux qui
promeut un débat public ouvert sur l’utilisation des ressources
pétrolières, gazières et minières, d’exclure provisoirement l’Azerbaïdjan.
L’Initiative a estimé que l’environnement n’était pas favorable
à la participation de la société civile, ce qui était contraire
à ses exigences en matière d’engagement multipartite, et elle a
donné aux autorités jusqu’à juillet 2017 pour améliorer la situation.
Les autorités azerbaïdjanaises ont par la suite décidé de se retirer
de l’ITIE.
65. La législation et la pratique actuelles ne font que confirmer
les préoccupations déjà exprimées par l’Assemblée en juin 2015 concernant
l’incidence négative de la législation relative aux ONG sur l’existence même
de ces dernières et sur leur capacité de fonctionner d’obtenir des
financements. Comme l’a indiqué le Commissaire aux droits de l’homme
, sous
l’effet des changements législatifs, plusieurs ONG locales et internationales
de défense des droits de l’homme ont non seulement été empêchées
de poursuivre leurs activités, mais ont aussi subi des pressions,
ont souvent été soumises à une enquête et à des poursuites et dans
de nombreux cas ont été dissoutes. Un certain nombre d’arrestations,
de placements en détention et de condamnations de défenseurs azerbaïdjanais
des droits de l’homme semblent dus à des dysfonctionnements de la
loi sur les ONG et à la manière dont celle-ci est appliquée.
66. Les ONG enrichissent les processus démocratiques et doivent
être encouragées plutôt que freinées. Nous appelons les autorités
à faciliter le travail des ONG et à mettre rapidement le cadre législatif
relatif aux ONG et la pratique correspondante en pleine conformité
avec les normes du Conseil de l’Europe.
67. Les partis de l’opposition extra-parlementaire se sont plaints
de l’absence de tout dialogue politique avec la majorité au pouvoir,
ainsi que du climat de restrictions qui pèse sur leurs activités.
Ils ont notamment déploré les limitations imposées à la liberté
d’expression et de réunion et le manque d’accès aux médias publics.
Le président du Front populaire uni a dénoncé la répression à laquelle
les membres de son parti sont soumis. Le secrétaire exécutif du
mouvement Alternative républicaine (REAL) s’est plaint du fait que
l’affaire liée aux accusations d’activités illicites et d’abus de
pouvoir qui pèsent sur lui reste ouverte ainsi que de l’interdiction de
voyager dont il fait l’objet. Nous avons été rendus attentifs aux
restrictions à l’exercice du droit à la liberté de réunion pacifique,
notamment la nécessité dans la pratique de demander l’autorisation
en lieu et place de la notification préalable requise par la loi,
ainsi qu’aux réactions prétendument violentes aux manifestations pacifiques
et à l’arrestation de manifestants, y compris lors de la campagne
menée en amont du référendum de septembre 2016.
68. Dans sa jurisprudence concernant l’Azerbaïdjan, la Cour européenne
des droits de l’homme
s’est
dite vivement préoccupée par le manque de prévisibilité et de précision
de la législation régissant les rassemblements publics, ainsi que
par la possibilité de les interdire ou de les disperser de manière
abusive. En particulier, le système de notification prévu à l’article
49 de la Constitution azerbaïdjanaise a été remplacé en pratique
par un système d’autorisation. La Cour a aussi estimé qu’une ingérence
dans l’exercice, par les requérants, de leur droit à la liberté
de réunion pacifique, sous la forme de leur arrestation ou de leur
détention arbitraires, ou d’une interdiction préalable, pouvait
avoir un effet dissuasif sur d’autres sympathisants de l’opposition
et sur le grand public. Le
groupe d’affaires
Gafgaz Mammadov c. Azerbaïdjan , en
attente de la procédure d’exécution devant le Comité des Ministres,
soulève un problème complexe dû à la non-conformité de la législation
nationale sur les réunions publiques avec les exigences de l’article
11 de la Convention. Dans sa dernière décision datant des 6 et 7
juin 2017, le Comité des Ministres a invité les autorités azerbaïdjanaises à
fournir, sans plus tarder, un plan/bilan d'action complet sur les
mesures individuelles et générales prises.
69. Faisant part de ses observations sur la situation en Azerbaïdjan,
le Commissaire aux droits de l’homme a déclaré à plusieurs reprises
qu’aucune autorisation ne devrait
être exigée pour l’organisation de manifestations publiques et que
la procédure de notification prévue par la loi devrait s'appliquer
conformément aux normes européennes. Les normes procédurales dans
les poursuites intentées contre des participants à des «manifestations
non autorisées» doivent être dûment respectées. Les participants
à des réunions pacifiques ne devraient pas être sanctionnés pour
le seul fait d’avoir été présents et d’avoir activement pris part à
la manifestation en question, dès lors qu’ils n’ont rien commis
d’illégal ou de violent durant son déroulement. Il ne saurait y
avoir de sanction disproportionnée susceptible de remettre en cause
le droit fondamental à la liberté de réunion pacifique.
70. Forts de ce qui précède, nous appelons les autorités à réviser
la loi et la pratique de manière à garantir le droit à la liberté
de réunion et la conformité de toutes les restrictions imposées
avec l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme.
9. Exécution
des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme
71. Compte tenu des éléments susmentionnés,
nous soulignons l’importance capitale d’assurer la pleine exécution
des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, obligation
stricte qui incombe à tous les États membres du Conseil de l’Europe.
Nous réaffirmons la volonté du Conseil de l’Europe d’aider les autorités azerbaïdjanaises
à trouver des solutions aux problèmes non résolus qui les empêchent
d’exécuter pleinement les arrêts de la Cour par les autorités azerbaïdjanaises
et soutenons l’initiative prise par le Secrétaire Général en vertu
de l’article 52 de la Convention à cet égard.
72. Nous nous sommes entretenus à plusieurs reprises avec Ilgar
Mammadov à la prison 2 et avons évoqué son cas avec les autorités.
Dans le cadre de la surveillance de l’exécution de l’arrêt rendu
dans l’affaire
Ilgar Mammadov c. Azerbaïdjan , le
Comité des Ministres a réaffirmé avec fermeté, lors de la réunion
de décembre 2016, que le maintien en détention arbitraire d’Ilgar
Mammadov constituait un manquement flagrant aux obligations découlant
de l’article 46.1 de la Convention. Il a fait part de sa détermination
à assurer l’exécution de cet arrêt en examinant activement l’utilisation
de tous les moyens à la disposition du Conseil de l’Europe, y compris
en vertu de l’article 46.4 de la Convention européenne des droits
de l’homme, ce qui a ensuite été réaffirmé dans la décision des
6 et 7 juin 2017. Le Comité des Ministres a regretté que M. Ilgar
Mammadov soit toujours incarcéré et exhorté les autorités à suivre
toute autre voie capable d’assurer la pleine exécution de cet arrêt
et d’assurer sans plus tarder la libération inconditionnelle de
M. Mammadov.
73. Concernant l’affaire
Rasul Jafarov
c. Azerbaïdjan , nous avons soulevé la question
du versement de la satisfaction équitable accordée et de la réouverture
de la procédure pénale. Le requérant s’est plaint du non-paiement
de la satisfaction équitable accordée par la Cour ainsi que du rejet,
sur décision de la Cour suprême, de ses demandes de réouverture
de la procédure pénale. Dans la décision des 6-7 juin, le Comité
des Ministres a demandé aux autorités de fournir rapidement la confirmation
écrite du paiement de la satisfaction équitable et des informations
quant au rejet de la demande de Rasul Jafarov de réouverture de
la procédure pénale à son encontre. Lors de notre réunion avec la
Cour suprême, nous avons été surpris d’entendre nos interlocuteurs
affirmer n’avoir reçu aucune demande dans cette affaire. Nous avons
également rencontré Rasul Jafarov qui a confirmé l’adoption, respectivement
le 26 août 2016 et le 27 janvier 2017, de deux décisions de la Cour
suprême, rejetant ses demandes de réouverture. S’agissant du paiement
de la satisfaction équitable, Rasul Jafarov nous a indiqué n’avoir
reçu à ce jour que € 5 500 en trois versements (€ 2 000 en avril
2017, € 2 000 en mai 2017 et € 1 500 en juin 2017) sur un montant
total de € 32 448. Des avocats et des représentants de la société
civile nous ont informés de l’existence de plusieurs autres affaires dans
lesquelles le Gouvernement azerbaïdjanais n’a pas versé l’indemnisation
accordée par la Cour européenne des droits de l’homme dans ses arrêts
.
74. Lors des visites effectuées en 2016, nous avons évoqué l’initiative
concernant le projet de loi constitutionnelle, inspiré de la loi
russe sur la Cour constitutionnelle, présenté au parlement lors
de la session de printemps 2016. Ce projet de loi sur la possibilité
de mise en œuvre, par la République d’Azerbaïdjan, des décisions
rendues par un organe interétatique pour la protection des droits
de l’homme et des libertés attribuerait à la Cour constitutionnelle
de nouvelles compétences, et lui permettrait de déterminer s’il
est possible d’exécuter en Azerbaïdjan les décisions rendues par
des organisations internationales en matière de droits de l’homme
et de libertés fondamentales. Nous avons appris que cette proposition
avait été déposée à l’initiative d’un seul parlementaire, et que
63 signatures étaient nécessaires pour qu’elle soit inscrite à l’ordre du
jour. Elle requerrait également une révision constitutionnelle,
à la majorité qualifiée de 95 voix, et un délai de six mois entre
les deux lectures. Nous avons fait part de nos préoccupations concernant
cette initiative, qui ferait obstacle à l’exécution inconditionnelle
des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, une obligation
contraignante pour tous les États membres du Conseil de l’Europe.
Au cours de notre dernière visite en juin 2017, il nous a été affirmé
que le projet n’était plus examiné par le parlement.
10. Conclusion
75. Nous saluons la libération,
en 2016 et 2017, de certains desdits «prisonniers politiques»/«prisonniers d’opinion»,
mais restons néanmoins préoccupés par les nouvelles arrestations
intervenues ces derniers mois. Nous espérons que d’autres personnes
seront libérées dans les prochains mois.
76. Le principe de séparation des pouvoirs est déterminant et
il est essentiel d’affermir le contrôle parlementaire de l’exécutif
en Azerbaïdjan.
77. Nous prenons note de la réforme de la justice envisagée et
soulignons que l’appareil judiciaire doit être véritablement indépendant,
impartial et libre de toute ingérence du pouvoir exécutif.
78. Le système de justice pénale doit être transparent, respecter
la présomption d’innocence et le principe de l’égalité de moyens,
et être assorti d’une obligation de rendre des comptes. Nous nous
félicitons de la réforme en cours, initiée par le décret-loi du
Président de la République sur l’amélioration du fonctionnement du
système pénitentiaire, l’humanisation des politiques pénales et
l’extension de l’application des peines de substitution et des mesures
préventives non privatives de liberté, et appelons les autorités
à poursuivre sans tarder son adoption formelle ainsi que sa mise
en œuvre. Nous rappelons que l’indépendance et l’impartialité du
pouvoir judiciaire sont des conditions préalables à un système de
justice pénale conforme aux normes européennes. La question de la
liberté d’expression en Azerbaïdjan doit aussi être examinée en
liaison avec le manque d’indépendance de l’appareil judiciaire.
L’application arbitraire de la législation pénale pour limiter la
liberté d'expression soulève de graves préoccupations, en particulier
en raison des informations relatives à l’utilisation de différentes
lois pénales contre des journalistes et des blogueurs. Nous réitérons
l’appel lancé par l’Assemblée pour intensifier les efforts en vue
de la dépénalisation de la diffamation.
79. La mise en place d’un système indépendant, transparent et
effectif de recours en cas d’allégations de mauvais traitements
infligés par des membres des services répressifs est d’une importance
cruciale pour que les auteurs de comportements répréhensibles ou
de mauvais traitements ne restent pas impunis et renforcer ainsi
la confiance de la population dans le système de justice pénale.
Il convient par ailleurs d’améliorer les conditions de détention,
conformément aux recommandations du CPT qui devraient être rendues
publiques sans attendre.
80. Une véritable réforme du dispositif restrictif régissant le
fonctionnement et le financement des ONG et sa mise en œuvre s’impose
afin de permettre le bon fonctionnement d’une société civile dynamique
et de garantir le respect de la liberté d'association. Le respect
de la liberté politique et notamment de la liberté de réunion est
également en jeu.
81. L’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de
l’homme, en particulier de ceux qui concernent des personnes placées
en détention, dont Ilgar Mammadov, est de la plus haute importance.