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Rapport | Doc. 14403 | 25 septembre 2017

Le fonctionnement des institutions démocratiques en Azerbaïdjan

Commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe (Commission de suivi)

Corapporteur : M. Stefan SCHENNACH, Autriche, SOC

Corapporteur : M. Cezar Florin PREDA, Roumanie, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Résolution 1115 (1997). 2017 - Quatrième partie de session

Résumé

La commission de suivi a examiné le fonctionnement des institutions démocratiques en Azerbaïdjan et a évalué la mise en œuvre des recommandations formulées par l’Assemblée parlementaire en juin 2015. Elle a notamment porté son attention sur les questions relatives à la mise en œuvre du principe de la séparation des pouvoirs, de l’indépendance du pouvoir judiciaire et du fonctionnement du système de justice pénale. Ce rapport se concentre sur la situation des droits de l’homme dans le pays, y compris le fonctionnement de la société civile et le respect des libertés politiques, la question desdits «prisonniers politiques»/«prisonniers d’opinion», la liberté des médias et la liberté d’expression.

Compte tenu des développements et des préoccupations, la commission demande la pleine exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme conformément aux résolutions du Comité des Ministres et l’examen des affaires et la libération desdits «prisonniers politiques» dont la détention soulève des doutes justifiés et des préoccupations légitimes. Elle formule également un certain nombre de recommandations concernant l’équilibre des pouvoirs, en vue de garantir la pleine indépendance du pouvoir judiciaire et de créer des conditions permettant aux médias et aux organisations de la société civile de travailler.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission le 7 septembre 2017.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire se réjouit que les autorités azerbaïdjanaises se soient dites disposées à engager des réformes dans le domaine des droits de l’homme et de l’État de droit et se félicite du dialogue permanent avec les autorités dans le cadre de la procédure de suivi de l’Assemblée. Toutefois, elle insiste sur le fait que cela devrait aboutir à des résultats concrets. L’Assemblée est disposée à apporter un soutien aux processus de réforme et à leur mise en œuvre conformément aux normes européennes.
2. L’Assemblée réaffirme que le respect du principe de séparation des pouvoirs est essentiel et souligne la nécessité de renforcer la fonction de contrôle du parlement sur l’exécutif en Azerbaïdjan. L’Assemblée partage l’avis de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) selon lequel les récentes modifications constitutionnelles pourraient amener l’exécutif à devoir moins rendre compte au parlement.
3. L’Assemblée estime que le système judiciaire azerbaïdjanais doit être véritablement indépendant, impartial et libre de toute ingérence du pouvoir exécutif. Comme le Groupe d'Etats contre la corruption (GRECO) et la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ) l’ont recommandé et reconnu, il convient de saluer les pouvoirs étendus conférés au Conseil judiciaire et juridique s’agissant de la nomination et de la promotion des juges et des sanctions disciplinaires à leur égard, mais des préoccupations subsistent concernant la composition du Conseil judiciaire et juridique et le fait que l’exécutif conserve des pouvoirs en ce qui concerne les nominations aux hautes fonctions judiciaires. Si des progrès notables ont été réalisés en matière d’évaluation, de formation et d’éthique des procureurs, l’Assemblée demeure préoccupée par l’exercice d’un contrôle présidentiel sur le ministère public. L’Assemblée se félicite des progrès accomplis dans la procédure de sélection des nouveaux juges, au moyen de laquelle 60 % des juges en exercice ont été sélectionnés.
4. L’Assemblée rappelle que l’indépendance et l’impartialité du pouvoir judiciaire sont des conditions préalables à un système de justice pénale conforme aux normes européennes. Comme l’a souligné la Cour européenne des droits de l’homme dans sa jurisprudence, l’Assemblée note avec inquiétude que beaucoup plus de mesures efficaces doivent être prises pour renforcer l’indépendance de la justice vis-à-vis de l’exécutif et des procureurs. Les lacunes mises en évidence par la Cour européenne des droits de l’homme dans sa jurisprudence concernant les actions des procureurs, l’approbation par les tribunaux des réquisitions du Parquet, l’inefficacité des enquêtes, le non-respect de la présomption d’innocence et l’inégalité des armes n’ont pas encore été traitées non plus.
5. Tout en saluant la réforme en cours lancée par le décret-loi du Président de la République sur l’amélioration du fonctionnement du système pénitentiaire, l’humanisation des politiques pénales et l’extension de l’application de peines de substitution et de mesures préventives non privatives de liberté, l’Assemblée appelle les autorités à adopter et à appliquer rapidement la législation requise pour sa mise en œuvre. L’Assemblée reste préoccupée par les allégations relatives au recours excessif à la détention provisoire, qui devrait être l’exception et non la règle, ainsi que par l’absence de peines de substitution. Des modifications dans la pratique dépendront essentiellement du degré d’indépendance de la justice et de changements du mode de travail des services répressifs au cours des enquêtes.
6. L’Assemblée exprime son inquiétude face au problème signalé de l’application arbitraire de la législation pénale pour limiter la liberté d’expression, comme il a été souligné par le Comité des Ministres dans le cadre de sa surveillance des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme.
7. L’Assemblée rappelle sa Résolution 2178 (2017) sur la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Elle fait remarquer que plus de 120 arrêts rendus par la Cour à l’encontre de l’Azerbaïdjan n’ont pas encore été exécutés ou ne l’ont été que partiellement. L’Assemblée relève que peu de progrès ont été accomplis au regard de la mise en œuvre de certains groupes d’arrêts, en particulier concernant les mauvais traitements et les violations du droit à un procès équitable, de la liberté d’expression et de la liberté de réunion et d’association.
8. L’Assemblée exprime son inquiétude face aux mesures répressives visant des médias indépendants et des défenseurs de la liberté d’expression en Azerbaïdjan. Ces mesures sont préjudiciables à l’exercice effectif de la liberté des médias et de la liberté d’expression, compromettent la sécurité des journalistes et créent un climat de violence à l’égard de ceux qui expriment des points de vue divergents. L’Assemblée est particulièrement préoccupée par les récentes modifications apportées aux lois sur la réglementation de l’internet et par les décisions de justice visant à bloquer des sites web, et rappelle la nécessité de protéger les droits fondamentaux dans le domaine numérique. L’Assemblée déplore les changements législatifs récents, en particulier sur les chefs d’inculpation et les peines de prison concernant la diffamation sur les médias sociaux, et réitère sa demande de longue date en faveur d’une dépénalisation de la diffamation.
9. Tout en saluant les mesures prévues dans le décret présidentiel en vue de l’amélioration des conditions de détention, l’Assemblée constate la persistance d’une forte surpopulation carcérale et de conditions de vie insatisfaisantes dans certains établissements pénitentiaires.
10. L’Assemblée prend note du mécanisme de surveillance interne du ministère de l’Intérieur, qui a donné lieu, au cours des cinq dernières années, à des mesures disciplinaires contre 1 647 agents de police, dont 156 ont été licenciés, 139 rétrogradés et 1 351 ont reçu un avertissement. L’Assemblée encourage les autorités à instaurer un équilibre hommes–femmes parmi les agents de police. Elle rappelle que la mise en place d’un système indépendant, impartial et effectif de recours en cas d’allégations de mauvais traitements infligés par les forces de l’ordre est d’une importance cruciale pour renforcer la confiance de la population dans les services répressifs et le système judiciaire azerbaïdjanais en général. Elle souligne la nécessité de s’assurer que les auteurs de comportements répréhensibles ou de mauvais traitements ne restent pas impunis. Il est de la plus haute importance que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements fassent l’objet d’une enquête approfondie, menée avec célérité. Dans ce contexte, l’Assemblée regrette qu’à ce jour, seuls quatre des dix rapports de visite en Azerbaïdjan du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) aient été rendus publics, six rapports relatifs aux visites périodiques menées en 2011 et 2016 et aux visites ad hoc effectuées en 2004, 2012, 2013 et 2015 n’ayant pas encore été publiés.
11. L’Assemblée salue la loi sur le «code de déontologie des députés au Parlement national» visant à prévenir la corruption, qui envisage des mesures relatives à la divulgation obligatoire des conflits d’intérêts des députés. Cependant, l’Assemblée constate de manière très préoccupante que des rapports font état d’un lien entre le Gouvernement azerbaïdjanais et un système de blanchiment de capitaux à grande échelle, qui a fonctionné dans les années 2012 à 2014 et a notamment servi à influencer l’action de membres de l’Assemblée à l’égard de la situation des droits de l’homme en Azerbaïdjan. L’Assemblée invite instamment les autorités azerbaïdjanaises à ouvrir sans tarder une enquête indépendante et impartiale sur ces allégations et, par ailleurs, à coopérer pleinement avec les autorités et les organes internationaux compétents sur cette question.
12. Le cadre législatif dans lequel fonctionnent les organisations non gouvernementales à but non lucratif, dont le règlement des questions portant sur leur enregistrement par l’État, leur financement et les obligations de rendre compte, est restrictif et a été jugé non conforme aux normes européennes par plusieurs organes du Conseil de l’Europe. Les changements limités récemment apportés aux règles en matière de subventions n’ont pas permis de lever tous les obstacles juridiques qui entravent le bon fonctionnement et le financement des organisations non gouvernementales (ONG). Compte tenu de la législation et des pratiques en vigueur, un certain nombre d’ONG locales et internationales des droits de l’homme ont été empêchées de poursuivre leurs activités, ont subi des pressions et ont parfois fait l’objet d’enquêtes. Une partie des arrestations, des placements en détention et des condamnations de défenseurs des droits de l’homme azerbaïdjanais serait due à des dysfonctionnements de la loi sur les ONG et à la manière dont celle-ci est appliquée. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée appelle les autorités à continuer de réviser la loi sur les organisations non gouvernementales afin de répondre aux préoccupations exprimées par la Commission de Venise et de créer un meilleur environnement pour les activités légitimes des ONG, y compris celles exprimant des avis critiques. L’Assemblée se réjouit de la création de la plateforme de dialogue du Partenariat pour un gouvernement ouvert en coopération avec la communauté internationale en vue de renforcer la coopération, la communication et le partenariat entre les organes de l’État et les organisations de la société civile et de contribuer à l’expansion des principes et valeurs du Partenariat pour un gouvernement ouvert en Azerbaïdjan. L’Assemblée demande aux autorités d’inviter l’ensemble des organisations de la société civile, des ONG et des partis politiques à contribuer à cette plateforme. Rappelant que les ONG enrichissent les processus démocratiques, l’Assemblée appelle les autorités à faciliter et à encourager leur travail.
13. L’Assemblée se dit préoccupée par les allégations relatives à l’existence d’un climat de restrictions qui pèse sur les activités de l’opposition extraparlementaire, ainsi que de limitations imposées à la liberté de réunion. Le manque de précision et de prévisibilité de la législation et de la pratique en matière de rassemblements publics conduirait à une interdiction de ces rassemblements, y compris des arrestations arbitraires et la détention de protestataires, ce qui a un effet néfaste sur l’exercice du droit à la liberté de réunion.
14. Tout en saluant la libération – parfois à la suite d’une grâce présidentielle –, en 2016 et 2017, de certains desdits «prisonniers politiques»/«prisonniers d’opinion», qu’elle considère comme une première étape positive, l’Assemblée demeure préoccupée par les informations faisant état de poursuites et du maintien en détention de dirigeants d’ONG, de défenseurs des droits de l’homme, de militants politiques, de journalistes, de blogueurs et d’avocats, en s’appuyant sur des allégations d’infractions en relation avec leurs activités. L’Assemblée est préoccupée par le fait que de nouvelles arrestations après les libérations risquent d’affaiblir les signaux positifs envoyés par les remises en liberté.
15. Compte tenu de ces préoccupations et de tous ces développements, l’Assemblée appelle les autorités azerbaïdjanaises:
15.1. à garantir rapidement la pleine exécution des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, et à coopérer plus étroitement avec le Comité des Ministres et le Service de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme;
15.2. à examiner les affaires desdits «prisonniers politiques»/«prisonniers d’opinion» placés en détention du chef d’une infraction pénale à la suite de procès dont la conformité avec les normes relatives aux droits de l’homme a été contestée par la Cour européenne des droits de l’homme, la société civile et la communauté internationale, et à utiliser tous les moyens possible pour libérer les détenus dont l’incarcération soulève des doutes justifiés et des préoccupations légitimes, en particulier, mais pas seulement, Ilgar Mammadov, Ilkin Rustamzade, Mehman Huseynov, Afgan Mukhtarli et Said Dadashbayli;
15.3. concernant l’équilibre entre les pouvoirs, à renforcer l’application du principe de séparation des pouvoirs et, en particulier, à affermir le contrôle parlementaire de l’exécutif;
15.4. concernant le pouvoir judiciaire:
15.4.1. à poursuivre les réformes du système judiciaire et du ministère public de manière à garantir la pleine indépendance de la justice, à l’égard en particulier de l’exécutif, afin de rétablir la confiance de la population dans le système judiciaire;
15.4.2. à prendre les mesures nécessaires pour résoudre les problèmes mis en évidence dans les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme au sujet de l’indépendance, de l’impartialité et de l’équité des procédures pénales;
15.4.3. à s’abstenir de toute application injustifiée des dispositions de droit pénal dans le but de limiter la liberté d’expression;
15.4.4. à veiller à ce que la détention provisoire ne soit imposée qu’en tant que mesure de dernier recours et dans le respect des normes du Conseil de l’Europe en termes de nécessité et de proportionnalité, et à privilégier l’application de mesures moins intrusives;
15.4.5. à s’assurer également qu’aucune pression ne soit exercée sur les avocats défendant des représentants d’ONG, des militants politiques, des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes;
15.4.6. à mettre en place un système de justice pour mineurs;
15.5. concernant la liberté des médias et la liberté d’expression:
15.5.1. à créer des conditions permettant aux journalistes de travailler librement et à veiller à ce qu’aucune pression ne soit exercée sur eux;
15.5.2. à assurer un contrôle juridictionnel véritablement indépendant et impartial des affaires concernant des journalistes, à lutter contre la répression exercée à l’encontre de journalistes indépendants et à garantir à l’avenir l’absence de poursuites à l’encontre de journalistes indépendants et de blogueurs sur la base d’accusations qui seraient fabriquées de toutes pièces;
15.5.3. à continuer d’intensifier les efforts en vue de la dépénalisation de la diffamation, en coopération avec la Commission de Venise, et, dans l’intervalle, à retirer du Code pénal les sanctions pénales sévères, comme les peines d’emprisonnement pour diffamation;
15.6. concernant la liberté d’association et la liberté politique:
15.6.1. à apporter de nouvelles modifications au cadre juridique relatif au fonctionnement et au financement des organisations de la société civile de manière à assurer sa pleine conformité avec les normes du Conseil de l’Europe;
15.6.2. à s’assurer qu’aucune forme de pression ou de répression ne soit exercée à l’égard des organisations de la société civile et de leurs membres, et à créer un environnement propice aux activités des ONG;
15.6.3. à modifier la législation et la pratique nationales concernant les rassemblements publics afin de satisfaire aux exigences de l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5), et à enquêter sur tout usage excessif de la force par la police contre des manifestants pacifiques;
15.7. concernant les conditions de détention et les allégations de torture et de mauvais traitements par des agents de la force publique:
15.7.1. à garantir la publication de tous les rapports du CPT non publiés et à mettre en œuvre les recommandations qui y sont formulées;
15.7.2. à garantir la conduite d’enquêtes effectives de tous les cas signalés de violations présumées en vue de traduire les auteurs en justice, et à prendre des mesures pour mettre en place un système indépendant, transparent et effectif de recours en cas d’allégations de mauvais traitements infligés par les services répressifs.

B. Exposé des motifs, par M. Stefan Schennach et M. Cezar Florin Preda, corapporteurs

(open)

1. Introduction

1. Le 23 juin 2015, l’Assemblée parlementaire a adopté la Résolution 2062 (2015) sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Azerbaïdjan, dans laquelle elle condamne ce qu’elle qualifie d’«atteintes aux droits de l’homme en Azerbaïdjan» et appelle à mettre un terme à la «répression systématique» contre les défenseurs des droits de l’homme, les médias et tous ceux qui critiquent le gouvernement, y compris aux poursuites à motivation politique. L’Assemblée exhorte les autorités à libérer tous les prisonniers politiques, y compris ceux qui ont coopéré avec elle. Elle adresse par ailleurs une série de recommandations aux autorités azerbaïdjanaises dans le cadre du suivi en cours concernant ce pays, les incitant notamment à prendre des mesures pour renforcer l’équilibre démocratique entre les pouvoirs, garantir un cadre électoral plus juste et promouvoir davantage l’indépendance du pouvoir judiciaire.
2. Le 9 décembre 2015, M. Stefan Schennach a été nommé rapporteur en remplacement de M. Tadeusz Iwiński et le 19 avril 2016, M. Cezar Florin Preda a, à son tour, été nommé en remplacement de M. Agustín Conde. Nous avons depuis lors effectué plusieurs visites d’information dans le pays: en avril 2016 (M. Schennach seul), en juin 2016, ainsi qu’en janvier et juin 2017. Ces visites avaient pour objet d’évaluer la mise en œuvre des recommandations formulées par l’Assemblée en juin 2015.
3. Depuis la Résolution 2062 (2015) sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Azerbaïdjan, l’Assemblée a adopté la Résolution 2085 (2016) «Les habitants de régions frontalières de l’Azerbaïdjan sont délibérément privés d’eau». Par ailleurs, la commission des questions juridiques et des droits de l'homme a préparé un rapport sur la «Présidence azerbaïdjanaise du Conseil de l’Europe: quelles sont les suites à donner en matière de respect des droits de l’homme?» 
			(2) 
			Doc. 14397 (rapporteur: M. Alain Destexhe, Belgique, ADLE). qui sera débattu conjointement avec le présent rapport.
4. Au vu des discussions que nous avons eues avec de nombreux interlocuteurs au cours de nos visites successives dans le pays depuis l’an passé, nous avons décidé de publier un rapport sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Azerbaïdjan, afin de faire le point sur les développements intervenus depuis la dernière résolution adoptée par l’Assemblée en 2015. Nous sommes conscients du fait qu’il est impossible dans un délai aussi court de traiter en détail de toutes les évolutions que connaît actuellement l’Azerbaïdjan. Nous nous limiterons par conséquent à certains des principaux problèmes et aux réformes y afférentes que nous avons examinés. Nous nous pencherons ainsi sur l’application concrète du principe de séparation des pouvoirs, afin de comprendre l’équilibre des pouvoirs dans le pays. La question de l’indépendance du système judiciaire est déterminante, au même titre que celle du fonctionnement du système de justice pénale. Nous porterons une attention particulière à la situation des droits de l’homme dans le pays, et notamment au fonctionnement de la société civile et au respect des libertés politiques, à la question desdits «prisonniers politiques»/«prisonniers d’opinion», mais aussi aux conditions de détention et aux allégations de mauvais traitements infligés par des agents de la force publique. Les faits nouveaux en matière de liberté des médias et de liberté d’expression seront également couverts. Nous ne nous intéresserons pas à l’évolution des processus électoraux depuis le dernier rapport dans la mesure où ils ont fait l’objet d’un examen approfondi dans le cadre des visites menées par des observateurs de l’Assemblée parlementaire et ont été couverts par les rapports publiés par ces derniers. Nous entendons procéder à une analyse détaillée et approfondie de la situation de tous les engagements et obligations dans le prochain rapport sur le respect des obligations et engagements de l’Azerbaïdjan.
5. Au cours de toutes nos visites, nous avons rencontré plusieurs hauts responsables dont le Président de la République, le chef de l’administration présidentielle, le ministre de la Justice, le procureur général, la présidence du Milli Mejlis (parlement) et sa délégation auprès de l’Assemblée parlementaire, le ministre de l’Intérieur, la sûreté de l’État, les présidents et des juges de la Cour Suprême et de la Cour constitutionnelle, des représentants du bureau du Médiateur, ainsi que des institutions religieuses et du barreau. Nous avons également rencontré des partis d’opposition extraparlementaire, des représentants de la société civile, des journalistes, des avocats, des membres de la communauté internationale et des personnes en détention, certains membres de leurs familles ainsi que des personnes récemment libérées.

2. Contexte

6. Nos discussions ont principalement porté sur les problèmes systémiques et les réformes en cours. Nous avons également examiné les réformes envisageables pour éviter que de telles situations problématiques ne se reproduisent. À ce sujet, nous avons évoqué avec les autorités la possibilité d’aborder, en étroite coopération avec le Conseil de l’Europe, un certain nombre de domaines prioritaires, comme l’indépendance de l’appareil judiciaire, le système de justice pénale, la législation et la pratique relatives aux organisations non gouvernementales (ONG) ainsi que la liberté des médias.
7. Nous nous sommes également penchés sur certaines affaires spécifiques concernant des défenseurs des droits de l’homme, des militants politiques et religieux, des blogueurs et des journalistes actuellement emprisonnés. Nous ne rentrerons pas dans le détail de chaque cas dans la mesure où les exemples qui suivent illustrent parfaitement les problèmes systémiques. Lors de nos visites, nous avons salué la libération de certains défenseurs des droits de l’homme, militants politiques, blogueurs et journalistes, y voyant là une première étape positive, et avons exprimé l’espoir que d’autres militants soient prochainement remis en liberté.
8. Le décret de grâce présidentiel signé le 17 mars 2016 a permis la libération de 14 
			(3) 
			A
savoir, les défenseurs des droits de l’homme: Taleh Khasmamadov,
Rasul Jafarov, Anar Mammadli (Prix des droits de l’homme Václav
Havel); le président du «National Statehood party» (Parti de l’État
national), Nemat Penahli; les membres du mouvement NIDA, Rashad
Hasanov, Rashadat Akhundov, Mammad Azizov; les membres du Parti
Musavat, Tofiq Yaqublu, Yadigar Sadiqov, Akif Muradverdiyev (ancien
fonctionnaire); les journalistes, Parviz Hasimov, Hilal Mammadov
et les blogueurs Siraj Karimli et Omar Mammadov. défenseurs des droits de l’homme/journalistes/militants d’organisations de jeunesse/militants politiques/représentants d’ONG, sur 148 personnes au total. En outre, Rauf Mirkadirov, Intigam Aliyev et Khadija Ismayilova ont été libérés par les tribunaux nationaux qui ont commué leur peine de prison en peine d’emprisonnement avec sursis. Le 16 mars 2017, le Président Ilham Aliyev a signé un nouveau décret de grâce, en vertu duquel 412 personnes détenues ont pu être libérées avant la fin prévue de leur peine. Cinq d’entre elles figuraient sur la liste desdits «prisonniers politiques/prisonniers d’opinion» dressée par les organisations de défense des droits de l’homme 
			(4) 
			Rufat et Rovshan Zahidov,
deux membres de la famille de Ganimat Zahid, rédacteur en chef du
journal Azadliq, actuellement
en exil; Abdul Abilov, membre du mouvement civique NIDA et fondateur
du groupe «Stop Sycophants!» sur Facebook; Elvin Abdullayev, militant
du Front populaire uni d’Azerbaïdjan (APFP), ainsi que Faraj Karimov,
journaliste et militant politique.. Entre-temps, au printemps 2017, à la suite d’une nouvelle vague d’arrestations, deux autres noms ont été inscrits sur la liste des «prisonniers d’opinion» établie par Amnesty International 
			(5) 
			Mehman Huseynov, blogueur
et président de l’Institut pour la liberté et la sécurité des reporters
(IRFS), et Afgan Mukhtarli..
9. Nous avons évoqué la situation desdits «prisonniers politiques», en nous fondant essentiellement sur la liste susmentionnée d’Amnesty International. Nous avons aussi examiné la «liste des affaires concernant des militants d’organisations de jeunesse/militants politiques, des journalistes, des blogueurs et d’autres personnes, emprisonnés en Azerbaïdjan ces dernières années sur la base d’accusations à motivation politique» élaborée par Human Rights Watch (HRW) sur laquelle figurent 38 noms 
			(6) 
			HRW
a également communiqué une liste de dizaines de journalistes, avocats,
militants politiques et défenseurs des droits de l’homme frappés
d’une interdiction de voyager pour des motifs politiques.. Nous avons en outre tenu compte d’autres listes préparées par la société civile: la nouvelle liste de 146 noms 
			(7) 
			La liste a été signée
entre autres par Rasul Jafarov, Intigam Aliyev, Khadiya Ismayilova
et Anar Mammadli. publiée en mai 2017 par le «Groupe de travail sur une liste récapitulative des prisonniers politiques en Azerbaïdjan»; celle desdits «prisonniers politiques» en Azerbaïdjan dressée par le Groupe de suivi des organisations des droits de l’homme en Azerbaïdjan qui comporte 36 noms; la liste desdits «prisonniers politiques» établie par Leyla Yunus (publiée en russe en novembre 2016) qui contiendrait 160 noms 
			(8) 
			La majorité des personnes
étant des militants religieux..
10. Au cours de nos visites dans le pays, nous nous sommes à plusieurs reprises entretenus avec des personnes placées en détention, en l’occurrence Ilgar Mammadov dans la prison 2 (trois fois), Ilkin Rustamzade dans la prison 13 (deux fois), Seymur Haziyev dans la prison 17, Said Dadashbayli dans la prison 15 (deux fois), Mammad Ibrahim dans la prison 16, Mikail Idrisov dans la prison 1, et Mehman Huseynov dans la prison 14. Nous avons également rencontré les familles de détenus, ainsi que des personnes récemment remises en liberté, notamment Leyla Yunus, Arif Yunus Khadija Ismayilova, Rasul Jafarov, Intigam Aliyev, Tofig Yagublu, Rashadat Akhundov, Siraj Karimov, Hilal Mammadov, Yadigar Sadigov, et Rashad Hasanov, qui nous ont fait part des difficultés juridiques et pratiques auxquelles elles faisaient face depuis leur libération 
			(9) 
			Voir le chapitre 5
ci-après..
11. Nous nous sommes par ailleurs penchés sur la situation des militants religieux en détention. Nous avons recueilli des informations lors de nos entretiens avec des représentants des institutions religieuses et de la société civile. Les représentants de la société civile affirment qu’un grand nombre de personnes sont détenues au motif de leur appartenance religieuse, comme en témoigne leur liste de ceux qualifiés de «prisonniers politiques». De leur côté, les autorités prétendent que ces personnes ne sont pas détenues en raison de leurs activités religieuses mais parce qu’elles auraient commis des infractions pénales.
12. Nous sommes au courant de «l’affaire Nardaran» 
			(10) 
			Le 25 janvier 2017,
le tribunal de Bakou chargé de statuer sur les infractions pénales
graves a condamné 18 hommes chiites membres du Mouvement pour l’unité
musulmane, à Nardaran, à de longues peines d’emprisonnement. D’après
Amnesty International, le procès n’était pas conforme aux normes
internationales et a été entaché d’allégations de torture. Le recours
du défendeur est pendant devant le tribunal. que nous examinerons plus en détail lors de prochaines visites.
13. Nous avons examiné de manière approfondie avec les autorités le groupe d’affaires connu sous le nom de «Said Dadashbayli», qui porte sur une dizaine de personnes emprisonnées depuis janvier 2007 
			(11) 
			Said Dadashbeyli a,
en 2007, introduit devant la Cour européenne des droits de l’homme
une requête qui est toujours en attente d’une première décision
juridictionnelle (Dadashbeyli c. Azerbaïdjan,
Requête no 11297/09). . Nous sommes d’avis que cette affaire ne relève pas de la catégorie desdits «prisonniers religieux». Elle pose cependant de graves problèmes et nous examinons actuellement très sérieusement les préoccupations exprimées unanimement par tous les représentants de la société civile en Azerbaïdjan quant aux violations présumées du droit à une procédure régulière en lien avec ce groupe d’affaires.
14. Enfin, dans ce contexte, nous avons fait part de nos inquiétudes face à l’arrestation récente suivie du placement en détention de Nijat Amiraslanov (journaliste freelance), de Gozal Bayramli (vice-président du Front populaire d’Azerbaïdjan, un parti d’opposition), d’Afgan Mukhtarli (un journaliste et militant enlevé), d’Aziz Orujo (chef du service d’information en ligne «Kanal 13»), ainsi qu’au sujet de l’affaire Mehman Galandarov.

3. Équilibre des pouvoirs

15. Dans sa Résolution 2062 (2015), l’Assemblée note que la structure institutionnelle de l’Azerbaïdjan accorde des pouvoirs particulièrement importants au Président de la République et à l’exécutif. Outre les compétences restreintes attribuées au Milli Mejlis par la Constitution, l’Assemblée attire l’attention sur le fait qu’il n’y a pas de véritables forces de l’opposition représentées au parlement, ce qui empêche un dialogue politique véritable et un contrôle parlementaire efficace. Elle recommande de renforcer l’application effective du principe de séparation des pouvoirs garanti par la Constitution et, en particulier, de renforcer le contrôle parlementaire de l’exécutif et d’assurer la pleine indépendance de l’appareil judiciaire, notamment vis-à-vis de l’exécutif.
16. Nous tenons à insister sur le principe essentiel de la séparation des pouvoirs et sur l’importance de la fonction de contrôle du parlement sur l’exécutif. Le 11 octobre 2016, la Commission électorale centrale a annoncé les résultats définitifs du référendum constitutionnel tenu le 26 septembre 2016, selon lesquels tous les amendements constitutionnels proposés devraient être considérés comme approuvés. Le 12 octobre 2016, le Président de la République a signé une ordonnance concernant l’entrée en vigueur de la loi sur le référendum. Selon cette ordonnance, le Conseil des ministres devait réviser et/ou rédiger les textes normatifs et juridiques découlant des changements constitutionnels dans un délai de six mois, en vue de leur soumission au Président. Le 21 février 2017, le Président Aliyev a publié un décret en vertu duquel sa femme, Mehriban Aliyeva, est nommée première vice-présidente (fonction créée à la suite de la révision constitutionnelle de septembre 2016). Le même jour, il a présenté sa femme au Conseil de sécurité du pays.
17. Dans l’avis sur le projet de révision de la Constitution qu’elle a rendu en octobre 2016 
			(12) 
			<a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdf=CDL-AD(2016)029-f'>www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdf=CDL-AD(2016)029-f</a>., la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) s’inquiète de la mise en place de vice-présidents non élus, susceptibles de gouverner le pays à certains moments, et de la prérogative du Président d’ordonner l’organisation d’élections présidentielles anticipées à sa convenance. Elle exprime par ailleurs de vives inquiétudes quant à l’allongement du mandat présidentiel à sept ans, compte tenu des pouvoirs déjà très étendus du Président et des nouvelles compétences que lui confère la réforme. D’après elle, la nouvelle compétence conférée au Président de dissoudre le parlement rend largement inopérant tout désaccord politique au sein de ce dernier. Elle estime que les nouveaux pouvoirs attribués au Président sont assurément sans précédent même dans une perspective comparative et qu’ils ont réduit sa responsabilité politique et affaibli davantage encore le parlement.
18. Forts de ce qui précède, nous réitérons la recommandation formulée par l’Assemblée concernant l’équilibre des pouvoirs, à savoir renforcer l’application effective du principe de séparation des pouvoirs et, en particulier, le contrôle parlementaire de l’exécutif. Comme elle l’indique dans son avis, la Commission de Venise est disposée à apporter son expertise à cet égard.

4. Indépendance du pouvoir judiciaire

19. Dans sa Résolution de 2015, tout en saluant les modifications législatives récentes concernant le pouvoir judiciaire, l’Assemblée encourage les autorités «à mieux assurer la pleine indépendance de l’appareil judiciaire et, en particulier, à empêcher toute influence et ingérence de l’exécutif».
20. Le ministre de la Justice nous a informés des réformes portant sur la procédure de sélection des juges et des procureurs, l’évaluation des juges, la formation initiale et continue des juges et des procureurs, le recul de l’âge de départ à la retraite des juges, le salaire de ces derniers ainsi que les procédures disciplinaires. La procédure de sélection des membres du Conseil judiciaire et juridique a été simplifiée et des mesures visant à renforcer son indépendance ont été prises. Nous avons appris que les femmes représentaient 20 % des juges en poste et 40 % des nouveaux candidats.
21. Dans son rapport de conformité publié en mars 2017 
			(13) 
			<a href='https://rm.coe.int/16806fea3e'>https://rm.coe.int/16806fea3e.</a>, tout en saluant les pouvoirs étendus conférés au Conseil judiciaire et juridique en matière de nomination, de promotion et de mesures disciplinaires à l’égard des juges, le Groupe d'Etats contre la corruption (GRECO) reste préoccupé par le fait que ce Conseil peut être soumis à une ingérence indue de l’exécutif. Il appelle des mesures supplémentaires pour renforcer le rôle du judiciaire au sein même du Conseil judiciaire et juridique, en particulier pour qu’il soit composé d’une majorité de juges élus directement ou sélectionnés par leurs pairs et présidé par un juge. Les récents développements positifs incluent l’introduction d’une formation sur les sujets liés à l’intégrité et d’un dispositif de conseil sur les questions d’éthique ainsi que l’inclusion de toutes les dispositions pertinentes du Code de déontologie judiciaire dans l’évaluation des performances des juges. De plus, le parlement a adopté une législation pour accélérer les décisions du Conseil judiciaire et juridique en matière de levée de l’immunité des juges. Malgré les progrès réalisés, l’exécutif conserve cependant des pouvoirs excessifs en ce qui concerne les nominations aux postes clés du système judiciaire. Des mesures plus déterminées sont par conséquent nécessaires pour assurer que le Conseil judiciaire et juridique participe à la nomination de toutes les catégories de juges et de présidents de juridiction et il convient de mettre en place un système transparent et impartial pour la nomination à de hautes fonctions.
22. Comme le GRECO l’indique, des progrès notables ont été réalisés pour ce qui est des procureurs. Par exemple, les infractions disciplinaires et le Code de déontologie ont été rendus plus cohérents et des améliorations ont été apportées également au système d’évaluations périodiques. Une nouvelle série de critères objectifs a été introduite pour le recrutement d’agents des forces de l’ordre, et de nouvelles lignes directrices ont été adoptées sur des activités accessoires. De meilleures opportunités de formations existent désormais sur les sujets liés à l’intégrité. Cependant, nous partageons les préoccupations du GRECO au sujet de l’absence de toute mesure visant à supprimer la fonction de contrôle présidentiel direct du ministère public. Aucune mesure n’a été prise pour répondre aux préoccupations découlant du fait que le procureur général communique systématiquement au Président (une fois par an et sur demande) des informations sur les activités du ministère public, y compris en ce qui concerne les affaires en cours d'instruction. Le fait de soumettre le ministère public à la surveillance concomitante du chef de l’État et cela sans aucune garantie de ce type, pose indubitablement problème. Il en va de même du fait que le pouvoir présidentiel conserve la faculté d’influer sensiblement sur l’organisation ou la réorganisation du Parquet. Le ministère public en Azerbaïdjan est entendu comme une autorité indépendante et il est essentiel que cela soit davantage garanti par la loi et dans la pratique.
23. Nous appelons les autorités à poursuivre les réformes du pouvoir judiciaire et du ministère public en vue de renforcer leur indépendance et de rétablir la confiance de la population dans la justice. Nous nous félicitons de la volonté exprimée par le ministre azerbaïdjanais de la Justice de coopérer étroitement avec le Conseil de l’Europe dans le cadre de la réforme de la justice.

5. Système de justice pénale

24. Dans sa Résolution 2062 (2015), l’Assemblée se dit alarmée par les informations communiquées par les défenseurs des droits de l’homme et les ONG internationales, confirmées par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, sur le recours de plus en plus fréquent à des poursuites pénales à l’encontre de dirigeants d’ONG, de journalistes, d’avocats, ou d’autres personnes exprimant des opinions critiques, en s’appuyant sur des accusations douteuses concernant leurs activités. Elle appelle les autorités à faire cesser le harcèlement systématique de ceux qui critiquent le gouvernement et à libérer ceux qui ont été abusivement emprisonnés.
25. L’affaire Ilgar Mammadov 
			(14) 
			Ilgar
Mammadov c. Azerbaïdjan, Requête no 15172/13,
arrêt du 22 mai 2014. et plus récemment l’affaire Rasul Jafarov c. Azerbaïdjan 
			(15) 
			Rasul
Jafarov c. Azerbaïdjan, Requête no 69981/14,
arrêt du 17 mars 2016. illustrent les critiques à l’égard d’une justice sélective en Azerbaïdjan. Dans ses arrêts, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que les requérants avaient été placés en détention pour des motifs autres que la commission d’une infraction et qu’il y avait donc eu une violation de l’article 18 de la Convention (limitation de l’usage des restrictions aux droits), combiné avec l’article 5 (droit à la liberté et à la sûreté). La Cour a conclu en particulier que l’arrestation et la détention provisoire des requérants avaient eu lieu en l’absence de soupçons plausibles qu’ils auraient commis une infraction. Elle a également conclu que les tribunaux nationaux s’étaient limités, lors de toutes les décisions prises, à simplement endosser les demandes des procureurs, sans avoir procédé à une véritable vérification de la légalité de la détention. Rappelant que les accusations portées contre les requérants n’étaient pas fondées sur des soupçons plausibles, la Cour a également conclu que les mesures prises visaient en réalité à sanctionner les requérants: pour avoir critiqué le gouvernement et pour avoir essayé de diffuser des informations dont il était convaincu qu’elles reflétaient la réalité et que le gouvernement tentait de dissimuler (dans l’affaire Ilgar Mammadov); pour les activités qu’il exerçait dans le domaine des droits de l’homme (dans l’affaire Rasul Jafarov 
			(16) 
			La Cour a estimé que
la situation du requérant ne pouvait pas être examinée isolément
et que plusieurs autres défenseurs des droits de l’homme connus
ont aussi été arrêtés et accusés d’avoir commis des infractions
pénales graves punies de lourdes peines d’emprisonnement. Pour la
Cour, ces arrestations et placements en détention s’inscrivaient
plus largement dans le cadre d’une campagne destinée à «sévir contre
les défenseurs des droits de l’homme en Azerbaïdjan, qui s’était
intensifiée pendant l’été 2014».). Depuis 2014, 12 autres requêtes ont été communiquées aux autorités azerbaïdjanaises par la Cour européenne des droits de l’homme, accompagnées de questions portant notamment sur le respect de l’article 18 de la Convention 
			(17) 
			Intigam Aliyev, no 68762/14,
communiquée le 19 novembre 2014; Yunusova et Yunusov, Requête no 68817/14, communiquée
le 5 janvier 2015; Khadija Ismayilova, Requête no 30778/15,
communiquée le 26 août 2015; Uzeyir Mammadli, Requête no 65597/13
et Rashad Hasanov, Requête no 48653/13,
toutes deux communiquées le 14 décembre 2015; Novruzlu, Requête
no 70106/13, Azizov, Requête no 65583/13,
Gurbanli, Requête no 52464/13, toutes
trois communiquées le 3 mars 2016; Abdul Abilov, Requête no 41105/14,
communiquée le 21 avril 2016; Omar Mammadov, Requête no 54846/14,
communiquée le 27 avril 2016; Khalid Bagirov, Requête no 28198/15,
communiquée le 24 juin 2016; Ilgar Mammadov (II), Requête no 919/15,
communiquée le 20 septembre 2016..
26. Dans ces affaires, la Cour européenne des droits de l’homme a explicitement établi que le rôle des tribunaux nationaux s’était limité à avaliser de manière quasi automatique les réquisitions du Parquet et que l’on ne pouvait donc considérer qu’ils avaient véritablement examiné la «légalité» de la détention du requérant (violation de l’article 5.4 de la Convention). L’affaire Ilgar Mammadov a également trait à la violation du droit du requérant à la présomption d'innocence en raison de déclarations faites à la presse par le procureur général et le ministre de l’Intérieur incitant le grand public à croire à la culpabilité du requérant (violation de l’article 6.2). Les affaires Farhad Aliyev et Muradverdiyev c. Azerbaïdjan 
			(18) 
			<a href='http://hudoc.exec.coe.int/eng'>http://hudoc.exec.coe.int/eng#'EXECDocumentTypeCollection':['CEC'],'EXECAppno':['37138/06'],'EXECIdentifier':['004-1629'].</a> portent aussi sur une violation du même droit en relation avec des déclarations faites à la presse par des membres des forces de l’ordre et dont la formulation, qui ne comprenait aucune réserve ou clause restrictive, revenait en fait à affirmer que le requérant avait commis certaines infractions pénales.
27. Dans le cadre de la surveillance de l’exécution de l’arrêt rendu dans l’affaire Ilgar Mammadov c. Azerbaïdjan, le Comité des Ministres a recommandé de prendre des mesures afin d’éviter que des procédures pénales ne soient engagées sans base légitime et d’assurer un contrôle judiciaire effectif de telles tentatives par le Parquet. Il a également exprimé sa préoccupation face au caractère répétitif de la violation de la présomption d’innocence (article 6.2) par le Parquet et par des membres du gouvernement, nonobstant plusieurs arrêts de la Cour qui a donné à ce titre, depuis 2010, des indications précises quant aux exigences de la Convention à cet égard. Le Comité des Ministres a par ailleurs insisté sur la nécessité d’une action rapide et déterminée afin de prévenir des violations semblables dans l’avenir 
			(19) 
			<a href='http://hudoc.exec.coe.int/eng'>http://hudoc.exec.coe.int/eng#'EXECIdentifier':['004-1866'].</a>.
28. Dans le cadre de l’exécution des arrêts rendus par la Cour dans les affaires Mahmudov et Agazade c. Azerbaïdjan et Fatullayev c. Azerbaïdjan, le Comité des Ministres a adopté, en décembre 2016, une décision 
			(20) 
			<a href='https://search.coe.int/cm/pages/result_details.aspx?objectid=09000016806c4616'>https://search.coe.int/cm/pages/result_details.aspx?objectid=09000016806c4616#k=#s=21</a>. regrettant qu’aucune information n’ait été soumise depuis le dernier examen de ce groupe d’affaires sur toute mesure prise pour régler le problème de l’application arbitraire de la législation pénale pour limiter la liberté d'expression, en particulier pour renforcer l’indépendance judiciaire vis-à-vis de l'exécutif et des procureurs et pour assurer la légalité de l’action des procureurs.
29. Le 13 avril 2017, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu son arrêt dans l’affaire Huseynova c. Azerbaïdjan 
			(21) 
			Requête
no 10653/10, arrêt du 13 avril 2017 [non
encore définitif]., portant sur le meurtre, en 2005, de M. Elmar Huseynov, un journaliste indépendant renommé. La Cour a conclu à une violation de l’article 2 (droit à la vie/enquête), en raison de l’inefficacité et des carences des enquêtes. Elle a estimé que rien ne prouvait l’allégation selon laquelle l’État avait été impliqué d’une quelconque manière dans le meurtre du mari de Mme Huseynova, ou que les autorités avaient connaissance ou auraient dû avoir connaissance d’un risque réel pour la vie de M. Huseynov et n’avaient pas pris de mesures pour le protéger. Cependant, elle a considéré que l’enquête sur le meurtre n’avait pas été effective, adéquate ou rapide, puisqu’elle durait depuis 12 ans. Elle a constaté plusieurs lacunes dans l’enquête, dont l’absence de mesure adéquate pour vérifier si le meurtre de M. Huseynov, qui avait apparemment été soigneusement planifié, pouvait avoir été lié à son activité de journaliste, malgré ses articles très critiques à l’égard du Gouvernement azerbaïdjanais comme de l’opposition.
30. Au cours de nos rencontres avec des avocats et des représentants de la société civile, nous avons été informés des difficultés rencontrées par les avocats chargés d’assurer la défense des défenseurs des droits de l’homme et des militants politiques, qui subiraient selon eux des pressions. D’après les informations, certains d’entre eux se sont vu interdire l’exercice de leur profession, ont fait l’objet de poursuites ou ont été convoqués comme témoins dans une affaire où ils représentaient l’accusé en vue de les retirer de l’affaire. En septembre 2016, le Commissaire aux droits de l’homme est intervenu devant la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Bagirov c. Azerbaïdjan concernant la radiation de l’ordre des avocats azerbaïdjanais du requérant, un avocat azerbaïdjanais qui avait participé activement à la défense de militants des droits de l’homme, à la suite d’observations qu’il avait formulées lors d’une audience devant la Cour d’appel de Shaki en septembre 2014. Selon le Commissaire aux droits de l’homme, cette radiation de l’ordre des avocats illustrait une pratique plus générale consistant à empêcher les avocats de poursuivre leur activité de défense des droits de l’homme ou à les sanctionner s’ils le font. Dans l’affaire Rasul Jafarov c. Azerbaïdjan 
			(22) 
			Op.
cit., la Cour a reconnu les obstacles auxquels l’avocat de M. Jafarov se heurtait lorsqu’il lui rendait visite en prison et a conclu à des violations du droit de recours individuel fondées sur la mesure de suspension du barreau prise à l’encontre du représentant du requérant (article 34 de la Convention).
31. Dans sa résolution de 2015, l’Assemblée s’inquiète du recours excessif à la détention provisoire et appelle les autorités azerbaïdjanaises à prendre les dispositions nécessaires pour assurer que la détention provisoire ne peut être imposée sans examiner si cette mesure est nécessaire et proportionnée, ou si des mesures moins attentatoires peuvent être appliquées. Dans plusieurs de ses arrêts concernant l’Azerbaïdjan, la Cour européenne des droits de l’homme a conclu à une violation de l’article 5 de la Convention 
			(23) 
			Les
violations de l’article 5 de la Convention relatives à l’arrestation
et à la détention provisoire sont en cours d’examen par le Comité
des Ministres du Conseil de l’Europe dans le contexte du groupe
d’affaires Farhad Aliyev.. Lors de nos entrevues, le Président de la République, le ministre de la Justice et le procureur général, ainsi que le président de la Cour suprême ont reconnu la nécessité de recourir dans une moindre mesure aux peines de prison pour les auteurs d’infractions de gravité moyenne. Nos discussions ont également porté sur la nécessité d’instaurer un service de probation en Azerbaïdjan, de mettre en place des peines de substitution, de limiter les peines d’emprisonnement à certaines infractions graves et de raccourcir la durée des peines. Le 10 février 2017, le Président de la République d’Azerbaïdjan a signé un décret-loi sur l’amélioration du fonctionnement du système pénitentiaire, l’humanisation des politiques pénales et l’extension de l’application des peines de substitution et des mesures préventives non privatives de liberté. Ce décret-loi couvre un large éventail de questions telles que les alternatives à la détention provisoire, la dépénalisation d’un certain nombre d’infractions et l’amélioration de la gestion des établissements pénitentiaires. Des tables rondes ont été organisées à l’initiative de la Cour suprême et un groupe de travail, composé de fonctionnaires de cette instance, du ministère de la Justice et du Parquet général, a été constitué. D’après le ministre de la Justice, des modifications du Code pénal sont en cours d’élaboration concernant la dépénalisation de certains actes dans la sphère économique, l’établissement de peines de substitution et de mesures alternatives, la libération conditionnelle et la condamnation avec sursis, ainsi que le recours à des mesures de prévention plutôt qu’à des mesures privatives de liberté. Dans l’intervalle, le Président aurait présenté 
			(24) 
			<a href='http://en.azvision.az/news/68156/azerbaijani-president-submits-to-parliament-bill-on-humanization-of-criminal-legislation.html'>http://en.azvision.az/news/68156/azerbaijani-president-submits-to-parliament-bill-on-humanization-of-criminal-legislation.html.</a> au parlement un projet de loi sur l’humanisation de la législation pénale, prévoyant notamment de porter modification de quelque 140 articles du Code pénal. La législation nécessaire à l’application du décret présidentiel doit être adoptée au plus vite et, plus important encore, les changements devront ensuite être dûment mis en œuvre.
32. Tout en saluant cette évolution positive, nous réaffirmons que l’indépendance et l’impartialité de l’appareil judiciaire, qui comptent au nombre des principaux défis posés à l’Azerbaïdjan, sont des conditions préalables à un système de justice pénale conforme aux normes européennes. Nous tenons à rappeler que la détention provisoire doit être l’exception et non la règle, comme le prévoient les normes européennes et internationales, dont la Recommandation Rec(2006)13 du Comité des Ministres concernant la détention provisoire. Une modification réelle dans la pratique dépendra essentiellement du degré d’indépendance de la justice et de certains changements du mode de travail des services répressifs au cours des enquêtes.
33. Les personnes rencontrées qui avaient été remises en liberté récemment nous ont fait part des difficultés juridiques et pratiques auxquelles elles se sont heurtées depuis leur libération. Certaines d’entre elles avaient été graciées, d’autres avaient bénéficié d’une mesure de libération conditionnelle prononcée par un tribunal. Alors que la grâce efface la condamnation du casier judiciaire, la libération conditionnelle prononcée par un tribunal implique des contraintes, comme l’obligation de se présenter à un commissariat de police, l’impossibilité de quitter le territoire, l’interdiction d’exercer des fonctions publiques ou de travailler, le gel des comptes bancaires, etc. Elles se sont également plaintes du blocage illégal de l’accès à leur bureau et de la confiscation de certains documents (en particulier, la confiscation par le Parquet général des dossiers relatifs aux affaires portées par Intigam Aliyev devant la Cour européenne des droits de l’homme). Plusieurs de nos interlocuteurs de la société civile et de médias indépendants nous ont appris que les comptes bancaires de leurs organisations et de leurs employés restaient gelés et qu’il leur était interdit de quitter le pays, bien qu’aucune décision de justice n’ait été rendue pour ordonner une interdiction de voyager ni un gel de leurs comptes en banque. Nous avons soulevé cette question avec le procureur général, le président de la Cour constitutionnelle et le ministre de la Justice, qui nous ont répondu que ces mesures n’étaient applicables que si elles se fondaient sur la décision d’un tribunal.
34. Le 17 mai 2017, le Commissaire aux droits de l’homme a fait une déclaration à l'occasion du quatrième anniversaire de l’arrestation d’Ilkin Rustamzade, un blogueur et militant de mouvement de jeunesse incarcéré depuis le 17 mai 2013. Il a également évoqué le cas d’Ilgar Mammadov et rappelé que Bayram Mammadov et Giyas Ibrahimov avaient été condamnés à 10 ans d’emprisonnement pour trafic de drogue, en décembre et octobre 2016, respectivement. Ces deux jeunes militants avaient été arrêtés en mai 2016 après avoir peint un graffiti sur une statue de l’ancien président. Enfin, le Commissaire a mentionné l’arrestation de Mehman Huseynov. Il a appelé une nouvelle fois les autorités azerbaïdjanaises à respecter leurs obligations en matière de droits de l’homme et à libérer immédiatement toutes les personnes emprisonnées en raison de leurs opinions ou de leur engagement civique légitime.
35. Nous restons préoccupés par l’absence de système distinct de justice des mineurs en Azerbaïdjan. En effet, le système de justice pénale ne traite guère différemment les enfants des adultes. Les enfants sont détenus sans que l’on envisage de peine de substitution à la détention comme des mesures éducatives, le renvoi vers des services sociaux ou la probation. Nous avons évoqué avec les autorités la nécessité d’établir un système global de justice des mineurs fondé sur l’élaboration d’un vaste train de mesures destinées à garantir la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant comme des programmes d’assistance, d’orientation, de supervision, de conseil, de probation, de placement dans une famille et d’éducation ainsi que d’autres solutions alternatives au placement en établissement. Nous saluons le travail réalisé dans le cadre de projets pilotes menés avec le soutien de donateurs, ainsi que la volonté exprimée par les autorités de mettre en place un système de justice pour mineurs et espérons sincèrement qu’il verra le jour prochainement.

6. Prisons et services répressifs: conditions de détention et allégations de mauvais traitements

36. Le ministre de la Justice nous a informés des autres mesures prévues par le décret présidentiel susmentionné pour améliorer les conditions de détention, notamment la modernisation des infrastructures pénitentiaires, le contrôle renforcé des conditions carcérales, la formation du personnel, la transparence accrue et la prévention de la corruption. Nous avons été informés de la construction de nouveaux établissements pénitentiaires dans la République autonome de Nakhitchevan et à Cheki. Des établissements réservés aux femmes et aux mineurs sont en cours de construction à Ganja et à Lankaran, à Zabrat près de Bakou et à Umbaki. Le ministre de la Justice nous a par ailleurs fait part des récentes lois d’amnistie visant à réduire la surpopulation carcérale. Tout en saluant les mesures prises pour améliorer les conditions de détention, dont la construction de nouveaux établissements pénitentiaires, nous sommes préoccupés par la forte surpopulation et par les mauvaises conditions de vie dans certaines prisons.
37. Plus particulièrement, nous sommes alarmés par les conditions sanitaires et matérielles de détention insuffisantes dans la prison 13. L’un des dortoirs visités (lors de notre visite de janvier 2017) hébergeait 123 détenus dormant dans des lits doubles superposés très étroits (50 cm). Le dortoir n’était apparemment pas équipé d’un système de chauffage adéquat (il y faisait très froid en hiver) ni d’air conditionné (l'atmosphère y serait étouffante en été). Les sanitaires adjacents au dortoir comprenaient un seul urinoir et deux toilettes sans intimité possible ainsi que trois lavabos sales et en mauvais état. L’accès aux douches paraissait insuffisant. La prison est par ailleurs située dans une zone humide, d’où l’humidité ambiante dans les bâtiments de type «caserne». En outre, la seule route d'accès est en mauvais état et présente des nids-de-poule profonds causés par les lourds convois de camions en provenance du site d'extraction de SOCAR situé à proximité. S’agissant de la prison pour femmes dans laquelle nous nous sommes rendus lors de l’une de nos précédentes visites, nous avons appris que les femmes avaient du mal à obtenir des produits d’hygiène menstruelle, ce qui engendrait des problèmes d’hygiène mais aussi des tensions entre les détenues. Ces produits d’hygiène féminine devraient être fournis gratuitement à toutes les détenues.
38. Nous demandons aux autorités d’autoriser la publication de tous les rapports du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), rappelant le message explicite adressé par le Comité des Ministres en février 2002, encourageant toutes les Parties à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants à en autoriser, à la première occasion, la publication. A ce jour, seuls quatre des dix rapports sur les visites du CPT en Azerbaïdjan ont été rendus publics, six rapports relatifs aux visites périodiques menées en 2011 et 2016 et aux visites ad hoc effectuées en 2004, 2012, 2013 et 2015 n’ayant pas encore été publiés.
39. Nous sommes préoccupés par le décès de Mehman Galandarov, un blogueur azerbaïdjanais retrouvé pendu dans sa cellule du centre de détention no 1 de Bakou le 28 avril 2017, et avons appelé les autorités azerbaïdjanaises à conduire une enquête effective sur les circonstances de sa mort en prison. Nous n’avons pour l’heure obtenu que des réponses partielles à nos questions et sommes toujours désireux de recevoir des informations concernant les investigations menées dans cette affaire. Nous rappelons la responsabilité accrue de l’État quand il s’agit de protéger les droits de l'homme des détenus. Le 4 mai 2017, la Cour européenne des droits de l’homme a conclu à la violation, par l’Azerbaïdjan, du droit à la vie (article 2 de la Convention) de Mahir Mustafayev 
			(25) 
			<a href='http://hudoc.echr.coe.int/fre'>Arrêt</a> dans l’affaire Mustafayev
c. Azerbaïdjan, Requête no 47095/09,
arrêt du 4 mai 2017 (non encore définitif)., au motif que les autorités n’avaient pas protégé la vie de M. Mustafayev ni mené d’enquête effective sur les circonstances de son décès en détention (il est décédé des suites de graves brûlures subies lors d’un incendie dans sa cellule, en décembre 2006). Concernant les détenus, la Cour a souligné à maintes reprises que ces personnes sont en situation de vulnérabilité et que les autorités ont le devoir de les protéger. D'une manière générale, le seul fait qu'un individu décède dans des conditions suspectes alors qu'il est privé de sa liberté est de nature à poser une question quant au respect par l'État de son obligation de protéger le droit à la vie de cette personne 
			(26) 
			Voir Slimani c. France, Requête no 57671/00,
paragraphe 27; Geppa c. Russie,
Requête no 8532/06, arrêt du 3 février
2011, paragraphe 70; et Karsakova c.
Russie, Requête no 1157/10,
arrêt du 27 novembre 2014, paragraphe 48.. L'obligation qui pèse sur les autorités de justifier le traitement infligé à un individu placé en garde à vue s'impose d'autant plus lorsque cet individu meurt 
			(27) 
			Salman c. Turquie [Grande chambre],
Requête no 21986/93, paragraphe 99; Shumkova c. Russie, Requête no 9296/06,
arrêt du 14 février 2012, paragraphe 89; Çoşelav
c. Turquie, Requête no 1413/07,
arrêt du 9 octobre 2012, paragraphe 53..
40. Nous restons également préoccupés par les informations faisant état de cas de torture et de mauvais traitements infligés à des journalistes, des blogueurs, des défenseurs des droits de l’homme et des militants d’organisations de jeunesse, au moment de leur arrestation ou une fois en détention. Nous sommes particulièrement inquiets pour Mehman Huseynov, blogueur et président de l’Institut pour la liberté et la sécurité des reporters (IRFS), et avons évoqué son cas avec les autorités et le bureau du médiateur. Nous avons par ailleurs rencontré Mehman Huseynov à la prison no 14. Nous nous devons d’insister une nouvelle fois sur la nécessité d’enquêter réellement sur ses allégations de torture et de mauvais traitements et d’amener leurs auteurs à en répondre. Nous nous sommes déclarés extrêmement surpris par sa condamnation pour diffamation (pour avoir dénoncé les mauvais traitements et actes de torture subis) et sa détention actuelle que nous déplorons.
41. Le ministre de l’Intérieur nous a donné des informations sur le mécanisme de contrôle interne de son ministère: au cours des cinq dernières années, 1 259 violations des droits et des libertés par des agents de la force publique auraient été recensées. Les enquêtes menées dans ce cadre ont donné lieu à des mesures disciplinaires à l’encontre de 1 647 policiers dont 156 ont été démis de leurs fonctions, 139 rétrogradés et 1 351 ont reçu un avertissement.
42. Lors de nos réunions avec le bureau du médiateur, nous avons été informés du fait que 23 personnes travaillent pour le mécanisme national de prévention et effectuent de nombreuses visites dans les lieux de détention. Tout en saluant la mise en place en 2011 du mécanisme national de prévention au sein du bureau du médiateur, nous sommes préoccupés par son efficacité limitée pour prévenir la torture, les mauvais traitements et d’autres violations dans les lieux de privation de liberté.
43. Nous réaffirmons qu’il est capital de mettre en place un système indépendant, impartial et effectif de recours en cas d’allégations de mauvais traitements infligés par des membres des forces de l’ordre afin de renforcer la confiance de la population dans la police et le système judiciaire et de s’assurer que les auteurs de comportements répréhensibles ou de mauvais traitements ne restent pas impunis, comme le prévoient les Lignes directrices de 2011 du Comité des Ministres pour éliminer l’impunité pour les violations graves des droits de l’homme 
			(28) 
			<a href='https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=09000016805cd121'>https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=09000016805cd121.</a>. Il est de la plus haute importance que toutes les allégations de cas de torture et de mauvais traitements fassent l’objet d’une enquête approfondie, menée avec célérité. Il conviendrait de mettre rapidement en place en Azerbaïdjan un système indépendant, transparent et effectif de recours en cas d’allégations de mauvais traitements par les services répressifs.

7. Liberté des médias et liberté d’expression

44. Dans sa Résolution 2062 (2015), l’Assemblée se déclare profondément préoccupée par le nombre croissant de mesures de représailles visant des médias indépendants et des défenseurs de la liberté d’expression en Azerbaïdjan et déplore l’application arbitraire de la législation pénale afin de limiter la liberté d'expression, et en particulier l’utilisation signalée de diverses lois pénales à l’encontre de journalistes et de blogueurs. Elle recommande de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer un réexamen véritablement indépendant et impartial, par le système judiciaire, des affaires impliquant des journalistes et d’autres personnes ayant exprimé des opinions critiques à l’encontre des autorités.
45. Dans son Classement mondial de la liberté de la presse 2017, Reporters sans frontières a classé l’Azerbaïdjan au 162e rang sur 180 pays, concluant que «s’ils résistent aux pressions, aux tabassages, aux tentatives de chantage ou de corruption, les journalistes et blogueurs indépendants sont jetés en prison. Les médias libres sont asphyxiés économiquement (Zerkalo, Azadlig) ou fermés manu militari (Radio Azadlig). Si le régime de Bakou a tenté d’échapper aux pressions internationales en relâchant, début 2016, les journalistes emprisonnés les plus célèbres, ce n’était que pour en arrêter d’autres les mois suivants». L’Azerbaïdjan est classé dans la catégorie des États «non libres» en 2017 en matière de liberté de la presse, et dans celle des États «partiellement libres» concernant la liberté sur internet en 2016 
			(29) 
			<a href='https://freedomhouse.org/report/freedom-press/2017/azerbaijan'>https://freedomhouse.org/report/freedom-press/2017/azerbaijan.</a>.
46. Certains des représentants des médias que nous avons rencontrés se sont plaints des pressions économiques et financières exercées par les autorités. Ils affirment que la procédure d’attribution de publicités financées par l’État et d’allocation de subventions publiques n’est pas transparente et que les pertes financières dues au contrôle exercé par l’État sur le marché publicitaire et les réseaux de distribution ont entraîné la fermeture de plusieurs médias. Par ailleurs, les médias d’opposition subissent également d’autres formes de pressions économiques, dont l’imposition d’amendes exorbitantes à la suite d’actions en diffamation. Nous avons été informés de cas d’ingérence dans la liberté des médias se traduisant par le retrait de licences. Le 5 avril 2017, la Cour suprême d’Azerbaïdjan a examiné un pourvoi en cassation contre la décision du Conseil national de la télévision et de la radio de supprimer la licence de la station de radio ANS. Cette dernière avait été privée de sa licence de radiodiffusion en septembre 2016 après avoir diffusé en avant-première une interview de Fethullah Gülen. Le journal lié au mouvement güleniste, Zaman-Azerbaïdjan, ainsi que la page web Zaman.az, ont aussi été fermés. Azadliq, le principal journal d’opposition en Azerbaïdjan, aurait été contraint 
			(30) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/media-freedom/all-alerts/-/soj/alert/22403534'>https://www.coe.int/fr/web/media-freedom/all-alerts/-/soj/alert/22403534.</a> de cesser de paraître après l’arrestation et la condamnation de son directeur financier, Faiq Amirli, accusé d’être un imam du mouvement güleniste 
			(31) 
			Faig Amirli a été condamné
par le tribunal de police de Sabail, à Bakou, le 24 juillet 2017
à trois ans et trois mois d'emprisonnement et une amende de 39 050
AZN pour incitation à la haine religieuse et évasion fiscale., et les pressions financières continues exercées par des entreprises publiques ou affiliées.
47. Dans sa résolution intérimaire de juin 2016 sur l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme dans les affaires Mahmudov et Agazade et Fatullayev c. Azerbaïdjan 
			(32) 
			<a href='https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectID=0900001680666580'>Résolution
intérimaire CM/ResDH(2016)145</a> sur l’exécution des arrêts de la Cour européenne des
droits de l’homme: affaires Mahmudov et Agazade contre Azerbaïdjan,
Fatullayev contre Azerbaïdjan, adoptée par le Comité des Ministres
le 8 juin 2016. révélant le problème de l'application arbitraire de la législation pénale pour limiter la liberté d'expression, le Comité des Ministres appelle les autorités à renforcer l'indépendance de la justice vis-à-vis de l'exécutif et des procureurs, et à assurer la légalité de l’action des procureurs. La question de la liberté d’expression en Azerbaïdjan doit en effet être examinée en liaison avec le manque d’indépendance du système judiciaire. Le Commissaire aux droits de l’homme 
			(33) 
			Voir
par exemple:<a href='https://rm.coe.int/ref/CommDH(2016)6'> https://rm.coe.int/ref/CommDH(2016)6.</a> ainsi que le Comité des Ministres ont à maintes reprises déclaré que l’application arbitraire de la législation pénale pour limiter la liberté d'expression soulevait de graves préoccupations, en raison en particulier d’informations sur l’utilisation de différentes lois pénales contre des journalistes et des blogueurs. Le Commissaire a souligné la nécessité de prendre des mesures pour assurer un contrôle juridictionnel véritablement indépendant et impartial des affaires visant des journalistes et d’autres personnes exprimant des opinions critiques.
48. Les amendements à la législation relative à la réglementation de l’internet adoptés en mars 2017 octroient au gouvernement et aux tribunaux nationaux de nouveaux pouvoirs leur permettant de bloquer des sites web. Le projet de modification de la loi relative aux informations, à l’informatisation et à la protection des informations et de celle sur les télécommunications qui a été adopté interdit la publication de messages incitant à la violence, à l’extrémisme religieux, au terrorisme ainsi qu’à la haine ethnique, raciale ou religieuse ou appelant à la prise de pouvoir par la force. Il interdit également la diffusion en ligne de fausses informations et de contenus insultants ou portant atteinte à la vie privée. La nouvelle législation permet au Gouvernement azerbaïdjanais, sous réserve d’un contrôle juridictionnel, d’interdire des sites ayant publié des contenus qui, selon lui, promeuvent la violence, la haine ou l’extrémisme, constituent une violation de la vie privée ou sont diffamatoires.
49. Le 12 mai 2017, le tribunal de police de Sabail, à Bakou, a décidé de bloquer les sites web de cinq médias d’information: le service azerbaïdjanais (azadliq.org) de Radio Free Europe/Radio Liberty (RFE/RL), Meydan TV (meydan.tv), Azadliq Daily (azadliq.info), Turan TV (kanalturan.com), et Azerbaijani Hour (Azerbaycansaati.com et Azerbaycansaati.tv). La décision faisait suite à un décret pris par le ministère des Communications et des Hautes technologies qui limitait l’accès aux sites depuis le 27 mars 2017, sur instruction du Parquet général, déclarant que ces médias constituaient une menace pour la sécurité nationale. Selon la société civile, ces événements sont la preuve que l’Azerbaïdjan ne bénéficie pas de la liberté sur internet et visent à réduire au silence les services d’information indépendants dans le pays 
			(34) 
			 <a href='https://freedomhouse.org/article/azerbaijani-court-bans-independent-media-websites'>https://freedomhouse.org/article/azerbaijani-court-bans-independent-media-websites.</a>.
50. L’internet a radicalement changé la façon dont nous accédons à l’information et communiquons, créant de nouvelles possibilités de renforcer la démocratie mais restreignant aussi les droits de l’homme. Il faut assurer une protection effective des droits de l’homme sur la Toile en faisant de l’internet un environnement sûr et ouvert, respectueux de la liberté d’expression, de réunion et d’association, de la diversité, de la culture et de l’éducation. Le Conseil de l’Europe a publié des lignes directrices à l’intention des États membres pour s’assurer que toutes les restrictions à la liberté d’expression, comme les pratiques de blocage et de filtrage de l’internet, sont conformes à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Le Comité des Ministres a adopté une recommandation sur la liberté d’internet 
			(35) 
			<a href='https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=09000016806415d8'>https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=09000016806415d8.</a>, rappelant que toute décision ou action nationale restreignant les droits de l’homme et les droits fondamentaux sur internet doit respecter les obligations internationales. Lors de nos entrevues, nous avons insisté auprès des autorités sur l’importance de prendre dûment en compte ces normes dans les processus législatifs.
51. Dans sa Résolution 2141 (2017) sur les attaques contre les journalistes et la liberté des médias en Europe, l’Assemblée «rappelant la décision adoptée par le Comité des Ministres entre les 6 et 8 décembre 2016 concernant le groupe d’affaires Mahmudov et Agazade contre l’Azerbaïdjan, (…) regrette l’absence d’information sur les mesures prises pour assurer l’adéquation de la législation sur la diffamation et exprime, dans ce contexte, ses vives préoccupations sur les récentes modifications apportées au Code pénal, qui introduisent de nouvelles infractions de diffamation punissables d’emprisonnement, sans distinction du fait qu’elles s’accompagnent ou non d’incitation à la violence ou à la haine». Fin 2016, le parlement a adopté des amendements au Code pénal, étendant l’application de la responsabilité pour atteinte à l’honneur et à la dignité du Président de manière à y inclure les expressions en ligne 
			(36) 
			L’article
323.1 modifié du Code pénal (jeter le discrédit ou porter atteinte
à l’honneur et à la dignité du Président de la République azerbaïdjanaise
par le biais d’une déclaration publique, de tout contenu rendu public
ou d’un moyen de communication de masse) prévoit une extension de
la diffamation du Président à l’expression sur l’internet. La peine encourue
est une amende d’un montant compris entre AZN 500 et 1 000, une
peine de rééducation par le travail de deux ans maximum ou une peine
d’emprisonnement de deux ans.. Les amendements étendent également les dispositions pénales sur la diffamation et l’injure à l’expression en ligne en instaurant une responsabilité aggravée pour usage de faux identifiants ou comptes. Ces infractions sont notamment passibles de peines de prison 
			(37) 
			Nouvel article 148-1
du Code pénal: tout contenu constituant une diffamation ou une injure
produit en recourant à de faux profils ou comptes est passible d’une
amende d’un montant compris entre AZN 1 000 et 1 500, d’une peine
de travail d’intérêt général d’une durée de 360 à 480 heures, d’une
peine de rééducation par le travail de deux ans maximum ou d’une
peine d’emprisonnement d’un an maximum.. Le 31 mai 2017, le parlement 
			(38) 
			<a href='http://www.contact.az/ext/news/2017/5/subsc/politics news/en/62748.htm'>www.contact.az/ext/news/2017/5/subsc/politics%20news/en/62748.htm.</a> a alourdi les peines en cas d’atteinte à l’honneur et à la dignité du Président de la République dans les médias ou sur internet. En particulier, les modifications apportées rendent ces atteintes passibles d’une peine d’emprisonnement maximale de cinq ans et/ou de AZN 1 500 à 2 500 d’amende (auparavant, le montant des amendes était compris entre AZN 500 et 1 000). Si de tels contenus sont diffusés à partir de faux comptes ou profils, les amendes vont désormais de AZN 2 000 à 3 000 (contre AZN 1 000 à 1 500 auparavant).
52. Nous rappelons la recommandation formulée par l’Assemblée dans sa résolution de 2015, à savoir d’intensifier les efforts en vue de la dépénalisation de la diffamation, en coopération avec la Commission de Venise. La récente condamnation à deux ans de prison du blogueur Mehman Huseynov pour diffamation 
			(39) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/media-freedom/all-alerts/-/soj/alert/22168695'>https://www.coe.int/fr/web/media-freedom/all-alerts/-/soj/alert/22168695.</a> est inacceptable. La diffamation ne devrait jamais relever du droit pénal, mais l’emprisonnement de Mehman Huseynov pour dénonciation de brutalités policières est particulièrement éloquent.
53. La remise en liberté en 2016 de plusieurs journalistes emprisonnés a constitué un développement positif. L’amnistie présidentielle du 17 mars 2016 a permis la libération des journalistes Parviz Hashimli, Hilal Mammadov et Tofig Yagublu, ainsi que des blogueurs Siraj Karimli et Omar Mammadov. Le journaliste Rauf Mirgadirov a, le même jour, bénéficié d’une mesure de libération conditionnelle. En mai 2016, la Cour suprême a suspendu l’exécution de la peine de prison prononcée à l’encontre de la journaliste d’investigation Khadija Ismayilova qui demeure toutefois en probation et fait l’objet d’une interdiction d’exercer ses activités professionnelles et de voyager. Ces libérations ne sont cependant pas le signe d’une véritable ouverture propice à la liberté des médias étant donné l’arrestation, le placement en détention ou la condamnation de plusieurs autres professionnels des médias la même année.
54. Les alertes les plus récentes publiées sur la plateforme du Conseil de l’Europe pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes 
			(40) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/media-freedom/azerbaijan'>https://www.coe.int/fr/web/media-freedom/azerbaijan.</a> concernent notamment la nouvelle arrestation du directeur azerbaïdjanais d’une chaîne de télévision diffusée via l’internet, Aziz Orujov; la condamnation du rédacteur en chef azerbaïdjanais d’un site web d’information, Fikret Faramazoglu, à sept ans de prison pour extorsion; l’enlèvement, la détention et l’inculpation du journaliste azerbaïdjanais freelance Afgan Mukhtarli; la condamnation à 30 jours d’emprisonnement du journaliste indépendant Nijat Amiraslanov; la condamnation de Mehman Huseynov à deux ans de prison pour diffamation; le placement en détention provisoire d’Elchin Ismayilli, inculpé pour extorsion et abus de position d'influence; ainsi que l’arrestation et la condamnation à trois mois de détention provisoire du journaliste et rédacteur en chef du site d’information Azel TV, Afgan Sadikhov. La plateforme publie encore l’alerte relative au décès, le 9 août 2015, du journaliste Rasim Aliyev, président de l’Institut pour la Liberté et la Sécurité des reporters (IRFS), qui a succombé à ses blessures après avoir été sévèrement battu en raison des critiques qu’il avait formulées à l’encontre du joueur de football Javid Huseynov. Le 1er avril 2016, un tribunal de Bakou a condamné cinq hommes, dont Javid Huseynov, à des peines de 9 à 13 ans de prison, pour coups et blessures graves ayant entraîné la mort de Rasim Aliyev. Le 12 octobre 2016, la Cour d’appel de Bakou a réduit la peine de Javid Huseynov de quatre ans à un an et deux mois. La durée de cette nouvelle peine ayant déjà été purgée, le footballer a été libéré. D’après IRFS 
			(41) 
			<a href='https://www.irfs.org/wp-content/uploads/2016/10/The-Unsolved-Murder-of-Rasim-Aliyev.pdf'>https://www.irfs.org/wp-content/uploads/2016/10/The-Unsolved-Murder-of-Rasim-Aliyev.pdf.</a>, le personnel médical de l’hôpital de la ville n’aurait pas prodigué à Rasim Aliyev les soins médicaux nécessaires. La Cour européenne des droits de l’homme a été saisie. La Plateforme mentionne également le Fonds d'État pour le «soutien au développement des moyens d’information de masse en Azerbaïdjan» offrant à des journalistes des subventions gouvernementales gratuites au logement 
			(42) 
			Une
première «Maison des journalistes» construite dans la colonie Bibiheybat
de Bakou par des fonds budgétaires de l'État avait été commandée
en 2013. Au total, 156 journalistes ont reçu des logements là-bas.
La deuxième “Maison des journalistes” accueillera 255 journalistes.
Les sociétés de radiodiffusion ont été autorisées à nommer jusqu'à 10 candidats,
les quotidiens et les agences de presse jusqu'à six candidats, les
publications hebdomadaires, les portails de nouvelles et les sites
internet jusqu'à trois candidats. . Plusieurs représentants des médias et journalistes ont critiqué cette initiative de l'État, comme portant atteinte à l'indépendance des journalistes.
55. Au cours de notre dernière visite, nous avons longuement discuté de la situation d’Afgan Mukhtarli, et exprimé nos inquiétudes face à son enlèvement présumé en Géorgie et à son transfert illégal en Azerbaïdjan où il est actuellement détenu. Nous partageons les préoccupations du rapporteur général de l’Assemblée sur la liberté des médias et la protection des journalistes concernant l’intensification de la répression contre la presse indépendante en Azerbaïdjan, visant notamment à réduire au silence des journalistes d’investigation comme Afgan Mukhtarli, et soutenons ses appels lancés aux autorités azerbaïdjanaises pour qu’elles le libèrent 
			(43) 
			 <a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/News/News-View-FR.asp?newsid=6694&lang=1&cat=21'>http://assembly.coe.int/nw/xml/News/News-View-FR.asp?newsid=6694&lang=1&cat=21.</a>. La Cour européenne des droits de l’homme examine actuellement une requête introduite par Afgan Mukhtarli, dans le cadre de sa politique de prioritisation.
56. Nous avons également évoqué le cas d’Aziz Orujov, directeur de la chaîne de télévision diffusée par internet, Kanal 13, arrêté de nouveau le 1er juin 2017 en Azerbaïdjan. Le 2 mai 2017, celui-ci avait été reconnu coupable par un tribunal de désobéissance à un ordre légal d’un policier et condamné à 30 jours de détention. Le 1er juin 2017, deux heures avant sa sortie prévue, il a été emmené au département des enquêtes sur les crimes graves, où il a été accusé d’abus de pouvoir officiel ainsi que d’activités illicites très lucratives, puis placé en détention provisoire pour une durée de quatre mois 
			(44) 
			 <a href='https://www.coe.int/fr/web/media-freedom/all-alerts/-/soj/alert/27247008'>https://www.coe.int/fr/web/media-freedom/all-alerts/-/soj/alert/27247008</a>.. Cette affaire semble symptomatique d’une tendance inquiétante visant à faire peser de nouvelles charges sur une personne afin d’empêcher sa libération au terme de la peine prévue.

8. Société civile et libertés politiques

57. La question du fonctionnement et du financement de la société civile demeure préoccupante. Ces derniers mois, le gouvernement azerbaïdjanais a apporté certaines modifications aux règlements régissant les activités des ONG. Les changements portent cependant uniquement sur certaines règles et ne concernent pas les obstacles législatifs fondamentaux que l’Assemblée avait elle-même considérés comme devant être revus.
58. Dans sa Résolution 2062 (2015), l’Assemblée appelle les autorités à réviser la loi sur les ONG afin de répondre aux préoccupations exprimées par la Commission de Venise et de créer un environnement propice aux activités de la société civile. Elle juge en effet extrêmement préoccupant que les insuffisances de la législation sur les ONG aient nui à la capacité des ONG de mener leurs activités. Le contrôle strict exercé par les autorités de l’État sur les ONG est susceptible de porter atteinte à l’exercice du droit à la liberté d’association garanti par l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme. A cet égard, l’Assemblée condamne les atteintes aux droits de l’homme en Azerbaïdjan où les conditions de travail des ONG et des défenseurs des droits de l’homme se sont considérablement détériorées et où certains défenseurs des droits de l’homme, militants de la société civile et journalistes, éminents et reconnus, sont derrière les barreaux. Elle appelle les autorités à réviser la loi sur les ONG, conformément aux recommandations de la Commission de Venise. Dans sa Résolution 2096 (2016) «Comment prévenir la restriction inappropriée des activités des ONG en Europe?», l’Assemblée réitère son appel à l’Azerbaïdjan l’invitant à modifier sa législation relative aux ONG conformément aux recommandations de la Commission de Venise.
59. Lors de nos discussions, nous avons à maintes reprises encouragé les autorités à coopérer avec la Commission de Venise dans le cadre de la réforme de la législation sur les ONG. La Commission de Venise a déjà formulé deux avis (en 2010 
			(45) 
			 <a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD(2011)035-f'>www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD(2011)035-f.</a> et 2014 
			(46) 
			 <a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD(2014)043-f'>www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD(2014)043-f.</a>) relatifs à la loi sur les ONG, dans lesquels elle recommande la simplification et la décentralisation de la procédure d’enregistrement, l’adoption de mesures spécifiques pour veiller au plein respect des exigences légales et pour éviter les pratiques contra legem, ainsi que la limitation des motifs de refus d’enregistrement aux défaillances graves. Elle a également jugé nécessaire de revoir l’exigence pour les ONG internationales de créer des bureaux et des représentations locales, et d’obtenir leur enregistrement par l’État, ainsi que les restrictions connexes. Le financement étranger des ONG devrait être autorisé, à moins que l’interdiction ne soit justifiée par un motif clair et précis. Pour les organisations internationales, la procédure d’obtention du droit d’accorder une subvention, si elle est maintenue, devrait être assortie de critères précis et de dispositions procédurales clairement établies par la loi. Selon la Commission de Venise, il conviendrait de supprimer toute ingérence inappropriée dans l’autonomie interne des ONG, c’est-à-dire les obligations de rendre compte et la surveillance par l’autorité publique de l’organisation interne et du fonctionnement des ONG.
60. Plusieurs organes du Conseil de l’Europe ont conclu à la non-conformité avec les normes européennes de divers aspects de la législation relative aux ONG en Azerbaïdjan ainsi que de son application dans la pratique 
			(47) 
			Commission
de Venise, CDL-AD(2011)035, op. cit.,
paragraphe 117; Commission de Venise CDL-AD(2014)043, «Avis relatif
à la loi sur les organisations non gouvernementales (associations
publiques et fonds) telle qu’amendée de la République d’Azerbaïdjan»,
adopté par la Commission de Venise à sa 101e session
plénière (Venise, 12-13 décembre 2014); Rapport du 6 août 2013 de
Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de
l’Europe, à la suite de sa visite en Azerbaïdjan du 22 au 24 mai
2013 CommDH(2013)14; Rapport du 23 avril 2014 du Commissaire aux droits
de l’homme, «Observations sur la situation des droits de l’homme
en Azerbaïdjan: le point sur la liberté d’expression, la liberté
d’association, la liberté de réunion et le droit de propriété»,
CommDH(2014)10.. Des représentants de la société civile et de la communauté internationale à Bakou ont déclaré que malgré l’adoption en 2015 
			(48) 
			Loi
du 6 octobre 2015 portant modification de la loi sur les enregistrements. et 2016 
			(49) 
			Loi du 4
mars 2016 portant modification du Code des infractions administratives. d’amendements à la législation relative aux ONG, le cadre juridique n’avait pas connu d’amélioration et les obstacles juridiques qui entravaient le fonctionnement efficace des ONG n’avaient pas été levés. Selon eux, les amendements adoptés ces trois dernières années avaient également restreint le financement d’organisations de la société civile par des donateurs étrangers. Des obstacles pratiques empêchent les ONG non enregistrées de fonctionner correctement. Pourtant, l’enregistrement reste un véritable défi pour les ONG qui rencontrent des difficultés pour ce faire, que ce soit en tant qu’ONG nationale ou ONG étrangère. Nous avons été informés de la capacité limitée des ONG azerbaïdjanaises de se conformer à toutes les exigences requises, y compris aux obligations de rendre compte et de faire enregistrer tout changement apporté à leurs statuts. Les ONG étrangères risquent d’engager leur responsabilité si elles ouvrent des antennes locales sans être enregistrées officiellement, ce qui requiert de passer un accord avec l’État sur la base de critères vagues. Ce dispositif confère au gouvernement un large pouvoir discrétionnaire entraînant un nombre important de refus d’enregistrement. La législation a aussi eu des effets sur les financements dans la mesure où tant l’organisation donatrice que les bénéficiaires des dons doivent obtenir l’autorisation des autorités. Plusieurs représentants de la société civile nous ont dit que les circonstances susmentionnées avaient contraint un certain nombre d’ONG à exercer leurs activités en marge de la législation, sans se faire enregistrer, de manière à pouvoir continuer de garantir le financement de leurs interventions, s’exposant ainsi au risque d’être sanctionnées pour non-respect des obligations et de faire l’objet d’éventuelles poursuites pénales. Depuis 2014, des poursuites à grande échelle ont été engagées à l’encontre d’ONG nationales et internationales. Elles ont donné lieu à l’arrestation, à l’interrogatoire et à la condamnation d’employés et de dirigeants d’ONG, à la fermeture et à la saisie de comptes bancaires, et à des interdictions de voyager. Des contrôles fiscaux des activités des ONG ont été menés et de lourdes sanctions infligées, conduisant beaucoup d’ONG à fermer ou à quitter le pays.
61. Les autorités elles-mêmes ont reconnu l’existence de certains problèmes concernant la mise en œuvre de la législation sur les ONG, notamment les dispositions relatives aux apports de fonds. Elles nous ont informés de l’établissement d’une Plateforme de dialogue entre le gouvernement et la société civile à laquelle participent des représentants d’ONG et d’organismes publics. Les ONG bénéficieraient d’une aide financière de l’État par l’intermédiaire du Conseil national pour le soutien aux ONG, placé sous l’égide du Président de la République. En conséquence, les organisations exclusivement financées par l’État risquent d’avoir du mal à préserver leur indépendance. Les autorités nous ont aussi informé de discussions avec des organisations de la société civile en vue d’améliorer les conditions de travail des ONG et de la modification de la législation relative à ces dernières, s’agissant en particulier des dispositions réglementaires sur l’enregistrement des accords de financement et de celles régissant l’octroi de dons par des donateurs étrangers. Selon la société civile, ces modifications ont permis d’atténuer légèrement certains aspects problématiques du cadre réglementaire mais la plupart demeurent.
62. Les dernières modifications des dispositions relatives aux financements ont été adoptées en janvier 2017 par le Conseil des ministres 
			(50) 
			Décisions
du Conseil des ministres nos 4 et 12
des 11 et 24 janvier 2017 portant modification des dispositions réglementaires
relatives à l’enregistrement d’accords de financement (décisions)
et des dispositions réglementaires relatives à l’obtention, par
les donateurs étrangers, du droit d’accorder des subventions sur
le territoire de la République d’Azerbaïdjan. dans le prolongement du décret présidentiel d’octobre 2016 relatif à la simplification de l’enregistrement des financements étrangers en Azerbaïdjan, qui préconisait l’instauration d’un «guichet unique» en la matière. Pourtant, la loi sur les subventions et la loi sur l’enregistrement et le registre national des personnes morales restent inchangées. Tout en simplifiant certains aspects procéduraux de l’enregistrement des financements étrangers et en réduisant le nombre de documents requis, ces changements ne touchent pas à l’obligation légale, pour les ONG, de faire enregistrer les apports de fonds et ne suppriment pas non plus l’avis obligatoire du ministère des Finances sur l’opportunité de chaque apport de fonds par un donateur étranger. Par ailleurs, la procédure complexe, comportant de multiples étapes, applicable à l’enregistrement des financements et des donateurs étrangers reste en place. Les ONG demeurent tenues de faire enregistrer tous les changements, mêmes mineurs, apportés à leurs statuts et d’obtenir un certificat d’enregistrement tous les deux ans; elles doivent déclarer les apports de fonds auprès du ministère de la Justice; les donateurs étrangers sont tenus de faire enregistrer chaque don individuellement et l’avis sur l’opportunité du don reste obligatoire. Enfin et surtout, ces modifications des règles ne lèvent pas les obstacles juridiques qui entravent le fonctionnement efficace des ONG.
63. Comme la Cour européenne des droits de l’homme l’a souligné dans sa jurisprudence, les problèmes que pose l’enregistrement des ONG par l’État en Azerbaïdjan ne sont pas nouveaux. La Cour a en effet conclu à des violations de l’article 11 de la Convention concernant des retards arbitraires dans l’enregistrement d’ONG par l’État, des refus d’enregistrement ou encore l’annulation d’un enregistrement 
			(51) 
			Ramazanova
et autres c. Azerbaïdjan, Requête no 44363/02,
arrêt du 1er février 2007; Nasibova c. Azerbaïdjan, Requête
no 4307/04, arrêt du 18 octobre 2007; Ismayilov c. Azerbaïdjan, Requête
no 4439/04, arrêt du 17 janvier 2008;
et Aliyev et autres c. Azerbaïdjan,
Requête no 28736/05, arrêt du 18 décembre
2008.. Même après les réformes des procédures d’enregistrement, la Cour européenne des droits de l’homme a continué d’être saisie de nouvelles requêtes portant sur le refus du gouvernement d’enregistrer des ONG, requêtes qui ont été communiquées aux autorités 
			(52) 
			<a href='http://www.contact.az/docs/2016/Social/103100173458en.htm?7'>НОВОСТИ
– АЗЕРБАЙДЖАН – © TURAN NEW AGENCY.</a>. D’après la Cour, dans l’affaire Rasul Jafarov c. Azerbaïdjan 
			(53) 
			Rasul
Jafarov c. Azerbaïdjan, Requête no 69981/14,
arrêt du 17 mars 2016<a href='http://hudoc.echr.coe.int/eng'>, http://hudoc.echr.coe.int/eng#'itemid':['001-161416'].</a> de mars 2016, la nouvelle réglementation complexe, combinée à la façon apparemment intransigeante et arbitraire dont elle est appliquée par les autorités, rend le fonctionnement des ONG toujours plus difficile. Un certain nombre de modifications apportées à divers instruments législatifs ont introduit des procédures supplémentaires d’enregistrement et de déclaration et de lourdes sanctions. La Cour a relevé que le cadre législatif dans lequel fonctionnent les organisations non gouvernementales à but non lucratif, dont le règlement des questions portant sur leur enregistrement par l’État, leur financement et les obligations de rendre compte, devenait de plus en plus dur et restrictif.
64. Nous avons été informés de la décision de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) 
			(54) 
			L’ITIE demande aux
gouvernements membres de créer un environnement propice à la participation
de la société civile et de s’abstenir de prendre des mesures qui
conduiraient à limiter ou à restreindre le débat public à propos
de la mise en œuvre de l’ITIE., coalition de gouvernements, d’entreprises et de groupes non gouvernementaux qui promeut un débat public ouvert sur l’utilisation des ressources pétrolières, gazières et minières, d’exclure provisoirement l’Azerbaïdjan. L’Initiative a estimé que l’environnement n’était pas favorable à la participation de la société civile, ce qui était contraire à ses exigences en matière d’engagement multipartite, et elle a donné aux autorités jusqu’à juillet 2017 pour améliorer la situation. Les autorités azerbaïdjanaises ont par la suite décidé de se retirer de l’ITIE.
65. La législation et la pratique actuelles ne font que confirmer les préoccupations déjà exprimées par l’Assemblée en juin 2015 concernant l’incidence négative de la législation relative aux ONG sur l’existence même de ces dernières et sur leur capacité de fonctionner d’obtenir des financements. Comme l’a indiqué le Commissaire aux droits de l’homme 
			(55) 
			Voir en particulier
l’<a href='https://rm.coe.int/ref/CommDH(2016)6'>Intervention
en tant que tierce partie</a> du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe
en vertu de l’article 36.3 de la Convention européenne des droits
de l’homme, Khadija Ismayilova c. Azerbaïdjan, Requête
no 30778/15., sous l’effet des changements législatifs, plusieurs ONG locales et internationales de défense des droits de l’homme ont non seulement été empêchées de poursuivre leurs activités, mais ont aussi subi des pressions, ont souvent été soumises à une enquête et à des poursuites et dans de nombreux cas ont été dissoutes. Un certain nombre d’arrestations, de placements en détention et de condamnations de défenseurs azerbaïdjanais des droits de l’homme semblent dus à des dysfonctionnements de la loi sur les ONG et à la manière dont celle-ci est appliquée.
66. Les ONG enrichissent les processus démocratiques et doivent être encouragées plutôt que freinées. Nous appelons les autorités à faciliter le travail des ONG et à mettre rapidement le cadre législatif relatif aux ONG et la pratique correspondante en pleine conformité avec les normes du Conseil de l’Europe.
67. Les partis de l’opposition extra-parlementaire se sont plaints de l’absence de tout dialogue politique avec la majorité au pouvoir, ainsi que du climat de restrictions qui pèse sur leurs activités. Ils ont notamment déploré les limitations imposées à la liberté d’expression et de réunion et le manque d’accès aux médias publics. Le président du Front populaire uni a dénoncé la répression à laquelle les membres de son parti sont soumis. Le secrétaire exécutif du mouvement Alternative républicaine (REAL) s’est plaint du fait que l’affaire liée aux accusations d’activités illicites et d’abus de pouvoir qui pèsent sur lui reste ouverte ainsi que de l’interdiction de voyager dont il fait l’objet. Nous avons été rendus attentifs aux restrictions à l’exercice du droit à la liberté de réunion pacifique, notamment la nécessité dans la pratique de demander l’autorisation en lieu et place de la notification préalable requise par la loi, ainsi qu’aux réactions prétendument violentes aux manifestations pacifiques et à l’arrestation de manifestants, y compris lors de la campagne menée en amont du référendum de septembre 2016.
68. Dans sa jurisprudence concernant l’Azerbaïdjan, la Cour européenne des droits de l’homme 
			(56) 
			Gafgaz Mammadov c. Azerbaïdjan,
Requête no 60259/11, arrêt du 15 octobre
2015; neuf arrêts similaires ont été classifiés en tant que clones
du groupe Gafgaz Mammadov devant le Comité des Ministres. Voir aussi
l’arrêt récent de la Cour dans les affaires Mirzayev
et autres c. Azerbaïdjan, Requêtes nos 12854/13,
28570/13, et 76329/13, arrêt du 20 juillet 2017 [non encore définitif] s’est dite vivement préoccupée par le manque de prévisibilité et de précision de la législation régissant les rassemblements publics, ainsi que par la possibilité de les interdire ou de les disperser de manière abusive. En particulier, le système de notification prévu à l’article 49 de la Constitution azerbaïdjanaise a été remplacé en pratique par un système d’autorisation. La Cour a aussi estimé qu’une ingérence dans l’exercice, par les requérants, de leur droit à la liberté de réunion pacifique, sous la forme de leur arrestation ou de leur détention arbitraires, ou d’une interdiction préalable, pouvait avoir un effet dissuasif sur d’autres sympathisants de l’opposition et sur le grand public. Le groupe d’affaires Gafgaz Mammadov c. Azerbaïdjan 
			(57) 
			<a href='http://hudoc.exec.coe.int/eng'>http://hudoc.exec.coe.int/eng#'EXECIdentifier':['004-1743'].</a>, en attente de la procédure d’exécution devant le Comité des Ministres, soulève un problème complexe dû à la non-conformité de la législation nationale sur les réunions publiques avec les exigences de l’article 11 de la Convention. Dans sa dernière décision datant des 6 et 7 juin 2017, le Comité des Ministres a invité les autorités azerbaïdjanaises à fournir, sans plus tarder, un plan/bilan d'action complet sur les mesures individuelles et générales prises.
69. Faisant part de ses observations sur la situation en Azerbaïdjan, le Commissaire aux droits de l’homme a déclaré à plusieurs reprises 
			(58) 
			<a href='http://www.coe.int/sv/web/commissioner/view/-/asset_publisher/ugj3i6qSEkhZ/content/freedom-of-expression-assembly-and-association-deteriorating-in-azerbaijan/pop_up?_101_INSTANCE_ugj3i6qSEkhZ_languageId=fr_FR'>www.coe.int/sv/web/commissioner/view/-/asset_publisher/ugj3i6qSEkhZ/content/freedom-of-expression-assembly-and-association-deteriorating-in-azerbaijan/pop_up?_101_INSTANCE_ugj3i6qSEkhZ_languageId=fr_FR.</a> qu’aucune autorisation ne devrait être exigée pour l’organisation de manifestations publiques et que la procédure de notification prévue par la loi devrait s'appliquer conformément aux normes européennes. Les normes procédurales dans les poursuites intentées contre des participants à des «manifestations non autorisées» doivent être dûment respectées. Les participants à des réunions pacifiques ne devraient pas être sanctionnés pour le seul fait d’avoir été présents et d’avoir activement pris part à la manifestation en question, dès lors qu’ils n’ont rien commis d’illégal ou de violent durant son déroulement. Il ne saurait y avoir de sanction disproportionnée susceptible de remettre en cause le droit fondamental à la liberté de réunion pacifique.
70. Forts de ce qui précède, nous appelons les autorités à réviser la loi et la pratique de manière à garantir le droit à la liberté de réunion et la conformité de toutes les restrictions imposées avec l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme.

9. Exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme

71. Compte tenu des éléments susmentionnés, nous soulignons l’importance capitale d’assurer la pleine exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, obligation stricte qui incombe à tous les États membres du Conseil de l’Europe. Nous réaffirmons la volonté du Conseil de l’Europe d’aider les autorités azerbaïdjanaises à trouver des solutions aux problèmes non résolus qui les empêchent d’exécuter pleinement les arrêts de la Cour par les autorités azerbaïdjanaises et soutenons l’initiative prise par le Secrétaire Général en vertu de l’article 52 de la Convention à cet égard.
72. Nous nous sommes entretenus à plusieurs reprises avec Ilgar Mammadov à la prison 2 et avons évoqué son cas avec les autorités. Dans le cadre de la surveillance de l’exécution de l’arrêt rendu dans l’affaire Ilgar Mammadov c. Azerbaïdjan 
			(59) 
			Ilgar
Mammadov c. Azerbaïdjan, Requête no 15172/13,
arrêt du 22 mai 2014.	, le Comité des Ministres a réaffirmé avec fermeté, lors de la réunion de décembre 2016, que le maintien en détention arbitraire d’Ilgar Mammadov constituait un manquement flagrant aux obligations découlant de l’article 46.1 de la Convention. Il a fait part de sa détermination à assurer l’exécution de cet arrêt en examinant activement l’utilisation de tous les moyens à la disposition du Conseil de l’Europe, y compris en vertu de l’article 46.4 de la Convention européenne des droits de l’homme, ce qui a ensuite été réaffirmé dans la décision des 6 et 7 juin 2017. Le Comité des Ministres a regretté que M. Ilgar Mammadov soit toujours incarcéré et exhorté les autorités à suivre toute autre voie capable d’assurer la pleine exécution de cet arrêt et d’assurer sans plus tarder la libération inconditionnelle de M. Mammadov.
73. Concernant l’affaire Rasul Jafarov c. Azerbaïdjan 
			(60) 
			Rasul Jafarov c. Azerbaïdjan, Requête
no 69981/14, arrêt du 17 mars 2016., nous avons soulevé la question du versement de la satisfaction équitable accordée et de la réouverture de la procédure pénale. Le requérant s’est plaint du non-paiement de la satisfaction équitable accordée par la Cour ainsi que du rejet, sur décision de la Cour suprême, de ses demandes de réouverture de la procédure pénale. Dans la décision des 6-7 juin, le Comité des Ministres a demandé aux autorités de fournir rapidement la confirmation écrite du paiement de la satisfaction équitable et des informations quant au rejet de la demande de Rasul Jafarov de réouverture de la procédure pénale à son encontre. Lors de notre réunion avec la Cour suprême, nous avons été surpris d’entendre nos interlocuteurs affirmer n’avoir reçu aucune demande dans cette affaire. Nous avons également rencontré Rasul Jafarov qui a confirmé l’adoption, respectivement le 26 août 2016 et le 27 janvier 2017, de deux décisions de la Cour suprême, rejetant ses demandes de réouverture. S’agissant du paiement de la satisfaction équitable, Rasul Jafarov nous a indiqué n’avoir reçu à ce jour que € 5 500 en trois versements (€ 2 000 en avril 2017, € 2 000 en mai 2017 et € 1 500 en juin 2017) sur un montant total de € 32 448. Des avocats et des représentants de la société civile nous ont informés de l’existence de plusieurs autres affaires dans lesquelles le Gouvernement azerbaïdjanais n’a pas versé l’indemnisation accordée par la Cour européenne des droits de l’homme dans ses arrêts 
			(61) 
			M. Asabali Mustafayev,
avocat représentant plusieurs requérants devant la Cour, fait état
de 27 affaires..
74. Lors des visites effectuées en 2016, nous avons évoqué l’initiative concernant le projet de loi constitutionnelle, inspiré de la loi russe sur la Cour constitutionnelle, présenté au parlement lors de la session de printemps 2016. Ce projet de loi sur la possibilité de mise en œuvre, par la République d’Azerbaïdjan, des décisions rendues par un organe interétatique pour la protection des droits de l’homme et des libertés attribuerait à la Cour constitutionnelle de nouvelles compétences, et lui permettrait de déterminer s’il est possible d’exécuter en Azerbaïdjan les décisions rendues par des organisations internationales en matière de droits de l’homme et de libertés fondamentales. Nous avons appris que cette proposition avait été déposée à l’initiative d’un seul parlementaire, et que 63 signatures étaient nécessaires pour qu’elle soit inscrite à l’ordre du jour. Elle requerrait également une révision constitutionnelle, à la majorité qualifiée de 95 voix, et un délai de six mois entre les deux lectures. Nous avons fait part de nos préoccupations concernant cette initiative, qui ferait obstacle à l’exécution inconditionnelle des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, une obligation contraignante pour tous les États membres du Conseil de l’Europe. Au cours de notre dernière visite en juin 2017, il nous a été affirmé que le projet n’était plus examiné par le parlement.

10. Conclusion

75. Nous saluons la libération, en 2016 et 2017, de certains desdits «prisonniers politiques»/«prisonniers d’opinion», mais restons néanmoins préoccupés par les nouvelles arrestations intervenues ces derniers mois. Nous espérons que d’autres personnes seront libérées dans les prochains mois.
76. Le principe de séparation des pouvoirs est déterminant et il est essentiel d’affermir le contrôle parlementaire de l’exécutif en Azerbaïdjan.
77. Nous prenons note de la réforme de la justice envisagée et soulignons que l’appareil judiciaire doit être véritablement indépendant, impartial et libre de toute ingérence du pouvoir exécutif.
78. Le système de justice pénale doit être transparent, respecter la présomption d’innocence et le principe de l’égalité de moyens, et être assorti d’une obligation de rendre des comptes. Nous nous félicitons de la réforme en cours, initiée par le décret-loi du Président de la République sur l’amélioration du fonctionnement du système pénitentiaire, l’humanisation des politiques pénales et l’extension de l’application des peines de substitution et des mesures préventives non privatives de liberté, et appelons les autorités à poursuivre sans tarder son adoption formelle ainsi que sa mise en œuvre. Nous rappelons que l’indépendance et l’impartialité du pouvoir judiciaire sont des conditions préalables à un système de justice pénale conforme aux normes européennes. La question de la liberté d’expression en Azerbaïdjan doit aussi être examinée en liaison avec le manque d’indépendance de l’appareil judiciaire. L’application arbitraire de la législation pénale pour limiter la liberté d'expression soulève de graves préoccupations, en particulier en raison des informations relatives à l’utilisation de différentes lois pénales contre des journalistes et des blogueurs. Nous réitérons l’appel lancé par l’Assemblée pour intensifier les efforts en vue de la dépénalisation de la diffamation.
79. La mise en place d’un système indépendant, transparent et effectif de recours en cas d’allégations de mauvais traitements infligés par des membres des services répressifs est d’une importance cruciale pour que les auteurs de comportements répréhensibles ou de mauvais traitements ne restent pas impunis et renforcer ainsi la confiance de la population dans le système de justice pénale. Il convient par ailleurs d’améliorer les conditions de détention, conformément aux recommandations du CPT qui devraient être rendues publiques sans attendre.
80. Une véritable réforme du dispositif restrictif régissant le fonctionnement et le financement des ONG et sa mise en œuvre s’impose afin de permettre le bon fonctionnement d’une société civile dynamique et de garantir le respect de la liberté d'association. Le respect de la liberté politique et notamment de la liberté de réunion est également en jeu.
81. L’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, en particulier de ceux qui concernent des personnes placées en détention, dont Ilgar Mammadov, est de la plus haute importance.