Rapport | Doc. 14435 | 30 octobre 2017
Les litiges transnationaux de responsabilité parentale
Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable
Résumé
En cas de séparation de parents ressortissants de pays différents, le partage de la responsabilité parentale est complexifié par des systèmes législatifs et judiciaires différents. Elle conduit parfois à des litiges transnationaux, voire à des enlèvements d’enfants. Si les instruments juridiques internationaux paraissent suffisants, la situation peut se révéler dramatique en pratique: complexité du droit national et international, conflits de juridictions, lenteur et coûts des procédures, rupture du lien d'un des parents avec ses enfants.
L’Assemblée parlementaire devrait recommander aux États membres de faire prévaloir l’intérêt supérieur de l’enfant pour prévenir ou résoudre ces cas conflictuels en rendant l’exécution d’une décision relative à la responsabilité parentale à l’étranger plus simple, plus rapide et moins coûteuse, en contribuant à élargir la portée géographique des principaux instruments juridiques internationaux, en simplifiant le traitement des affaires d’enlèvement ou de non-retour d’enfant, en veillant à la spécialisation des professionnels concernés et à une bonne coopération entre «l’autorité centrale» d’un pays et les autres autorités nationales.
L’Assemblée devrait aussi leur demander de garantir que le point de vue du ou des enfants concernés soit entendu et pris en compte et, enfin, encourager le recours à des services de médiation et à des accords valablement reconnus sur le plan international.
A. Projet de résolution
(open)B. Exposé des motifs, par Mme Martine Mergen, rapporteure
(open)1. Introduction
2. La situation juridique dans les États membres du Conseil de l’Europe, l’Union européenne et au plan mondial
- La Convention des Nations Unies du 20 novembre 1989 relative aux droits de l’enfant énonce des principes fondamentaux en matière de protection des droits de l’enfant et accorde une attention particulière aux droits de l’enfant dans les situations familiales transnationales. Voir en particulier l’article 10.2 sur les relations personnelles et les contacts entre les enfants et les parents qui vivent dans des pays différents, ainsi que l’article 11, relatif à l’enlèvement d’enfants. La Convention compte 196 Parties, dont les 47 États membres du Conseil de l’Europe.
- La Convention de La Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants (ci-après la Convention de La Haye de 1996 sur la protection des enfants) établit des règles communes en matière de compétence, de loi applicable, de reconnaissance et d’exécution dans le domaine de la responsabilité parentale et de la protection des enfants. Elle instaure un système de coopération entre autorités centrales chargées d’aider les personnes concernées dans chaque Partie contractante à régler des conflits familiaux transnationaux. Tout État peut adhérer à cet instrument international, auquel sont Parties 47 pays (en octobre 2017), dont l’ensemble des États membres de l’Union européenne et 39 des 47 États membres du Conseil de l’Europe .
- La Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants (ci-après la Convention de La Haye de 1980 sur l’enlèvement d’enfants) vise à protéger les enfants contre les effets nuisibles d’un non-retour ou d’un déplacement illicites dans un État autre que l’État de leur résidence habituelle. La Convention porte uniquement sur les aspects civils de tels faits et ne traite pas des conséquences pénales qui peuvent en découler. En établissant un cadre juridique international permettant le retour immédiat de ces enfants déplacés ou retenus illicitement, la Convention contribue au maintien d’une relation régulière entre l’enfant et ses deux parents. Elle empêche les décisions de garde contradictoires dans les situations de déplacement ou de non-retour illicites d’un enfant en interdisant aux tribunaux de l’État où l’enfant a été déplacé ou retenu de statuer sur le fond du droit de garde tant que la procédure de retour n’est pas achevée. Le système des autorités centrales établi par la Convention aide les parents en cas d’enlèvement mais aussi en cas de visites transfrontalières sans déplacement ni non-retour illicites. La Convention de La Haye de 1980 est ouverte à la signature de tous les pays et est en vigueur dans 98 pays (en octobre 2017). Tous les États membres du Conseil de l’Europe, à l’exception de l’Azerbaïdjan et du Liechtenstein, y sont Parties.
- La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (2010/C 83/02) énonce les droits fondamentaux des citoyens et résidents de l’Union européenne. Proclamée à Nice en décembre 2000, la Charte, dans sa version révisée de décembre 2007, a désormais un caractère contraignant dans l’Union européenne, depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, en décembre 2009.
- Le Règlement (CE) no 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale (ci-après le Règlement Bruxelles II bis) unifie les règles en matière de compétence, de reconnaissance et d’exécution des décisions et accords exécutoires dans le domaine de la responsabilité parentale dans les États membres de l’Union européenne et établit un système de coopération administrative entre les États, chargés de désigner des autorités centrales pour aider les personnes ayant besoin d’assistance dans des conflits transnationaux en matière de responsabilité parentale. Ce règlement est uniquement applicable entre États membres de l’Union européenne (il ne s’applique pas au Danemark). Il importe de relever que le Règlement prime la Convention de La Haye de 1996 pour les questions visées dans son dispositif, à savoir la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions. La Convention de La Haye de 1980 sur l’enlèvement d’enfants demeure pleinement applicable au sein de l’Union européenne, mais est complétée par certaines dispositions du Règlement de Bruxelles II bis. Une proposition de refonte de ce règlement est actuellement à l’étude .
- La Directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale vise à favoriser le règlement amiable des litiges en matière civile et commerciale en encourageant le recours à la médiation et en faisant en sorte «que les parties qui y recourent puissent se fonder sur un cadre juridique prévisible» . Tous les États membres de l’Union européenne, à l’exception du Danemark, sont liés par la Directive et devaient avoir assuré leur mise en conformité avec ses dispositions avant le 21 mai 2011.
- Ladite Convention européenne des droits de l’homme du 4 novembre 1950 énonce des libertés et droits fondamentaux, notamment le droit au respect de la vie privée et familiale (article 8). Afin de garantir le respect des engagements contractés par les États Parties, la Convention a établi la Cour européenne des droits de l’homme, à Strasbourg, pour connaître des requêtes individuelles et interétatiques. Les 47 États membres du Conseil de l’Europe ont signé et ratifié la Convention.
- La Convention européenne du 20 mai 1980 sur la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière de garde des enfants et le rétablissement de la garde des enfants (STE no 105) (ci-après la Convention européenne de 1980 en matière de garde) protège les droits en matière de garde et de visite dans les situations internationales et crée un système d’autorités centrales pour apporter une assistance rapide, gratuite et non bureaucratique aux parents qui cherchent à localiser leur enfant déplacé illicitement et à rétablir leur droit de garde. La Convention est ouverte à la signature de tous les États membres du Conseil de l’Europe et des États non membres invités à y adhérer (voir les articles 21 et 23). À ce jour, 37 États membres du Conseil de l’Europe ont ratifié la Convention, dont tous les États membres de l’Union européenne, à l’exception de la Slovénie.
- La Convention européenne sur l'exercice des droits des enfants (STE no 160) du 25 janvier 1996 vise à protéger l’intérêt supérieur des enfants et à promouvoir l’exercice de leurs droits dans les procédures judiciaires les concernant. La Convention est ouverte à la signature de tous les États membres du Conseil de l’Europe et des États non membres ayant participé à son élaboration. En outre, d’autres États non membres peuvent être invités à y adhérer (voir l’article 22). À l’heure actuelle, 20 États membres du Conseil de l’Europe ont ratifié la Convention .
- La Convention du Conseil de l’Europe sur les relations personnelles concernant les enfants (STE no 192) énonce des principes généraux à appliquer aux décisions relatives aux relations personnelles et établit des mesures de sauvegarde et des garanties appropriées pour assurer le bon déroulement des visites et le retour immédiat de l’enfant à l’issue de celles-ci. La Convention vise en outre à instaurer une coopération entre toutes les instances et autorités compétentes et renforce les instruments juridiques internationaux en vigueur dans ce domaine du droit. Elle est ouverte à la signature de tous les États membres du Conseil de l’Europe, des États non membres ayant participé à son élaboration et des États non membres invités à y adhérer (voir les articles 22 et 23). À ce jour, neuf États membres du Conseil de l’Europe l’ont ratifiée .
- Recommandation CM/Rec(2015)4 sur la prévention et résolution des conflits sur le déménagement de l’enfant, adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe le 11 février 2015 ;
- Déclaration de Washington sur la relocalisation internationale des familles, du 25 mars 2010 ;
- Lignes directrices du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe sur une justice adaptée aux enfants, adoptées par le Comité des Ministres le 17 novembre 2010 ;
- Recommandation no R (84) 4 sur les responsabilités parentales, adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe le 28 février 1984 ;
- Résolution 2079 (2015) «L’égalité et la coresponsabilité parentale: le rôle des pères», adoptée par l’Assemblée parlementaire en octobre 2015;
- Recommandation no R (98) 1 sur la médiation familiale, adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe le 21 janvier 1998 ;
- Principes pour la mise en œuvre de structures de médiation dans le cadre du Processus de Malte, élaborés par le groupe de travail sur la médiation de la Conférence de La Haye en 2010 ;
- Lignes directrices visant à améliorer la mise en œuvre des Recommandations existantes concernant la médiation familiale et en matière civile, Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ) (CEPEJ(2007)14) .
3. Les problèmes à résoudre
- en mettant en place un nouveau délai de six semaines au cours duquel les autorités centrales assurent la réception et le traitement de la demande, localisent la partie défenderesse et l’enfant, favorisent la médiation (tout en veillant à ce qu’elle ne ralentisse pas la procédure) et adressent la partie demanderesse à un avocat qualifié ou saisissent le tribunal compétent de l’affaire (en fonction du système judiciaire national);
- en limitant la possibilité de recours à un appel (avec un délai distinct de six semaines pour la procédure engagée respectivement devant la juridiction de première instance et la juridiction d’appel);
- en supprimant l’exigence d’exequatur (qui entraîne en moyenne un retard de plusieurs mois par affaire et des frais qui peuvent se monter à € 4000 pour les justiciables);
- en prévoyant un délai indicatif de six semaines pour l’exécution effective d’une décision de justice (assorti d’une obligation d’informer l’autorité centrale de l’État membre de l’Union européenne d’origine dont émane la demande ou la partie demanderesse du dépassement du délai) .
4. Conclusions et recommandations
- de simplifier, d’accélérer et de rendre moins coûteuse l’application à l’étranger d’une décision en matière de responsabilité parentale;
- d’élargir le champ d’application géographique des principaux instruments juridiques et d’assurer leur bonne application dans tous les pays qui y sont liés;
- de mieux traiter les affaires dans lesquelles le parent ayant enlevé/n’ayant pas restitué l’enfant/les enfants est la personne qui en a la charge exclusive ou principale;
- de garantir la spécialisation adéquate des professionnels concernés et une meilleure coopération entre les «autorités centrales» et les autres autorités nationales;
- de veiller à garantir que le point de vue de l’enfant concerné soit entendu et pris en compte de manière satisfaisante;
- d’encourager comme il se doit (au plan international) les services de médiation et les accords reconnus en cas de conflits transnationaux de responsabilité parentale.