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Rapport | Doc. 14452 | 15 décembre 2017

La bonne gouvernance du football

Commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias

Rapporteure : Mme Anne BRASSEUR, Luxembourg, ADLE

Origine - Renvois en commission: Doc. 14027, Renvoi 4208 du 27 mai 2016. 2018 - Première partie de session

Résumé

Trop peu d'argent nuit au football, trop d’argent tue le football. Il faut éviter que le football ne s’autodétruise. Le football et le sport en général doivent être un vecteur de transmission de nos valeurs communes et contribuer à leur sauvegarde. Il faut un changement en profondeur de la culture de gouvernance à tous les niveaux, afin que celle-ci soit solidement axée sur le respect des droits de l’homme et la primauté du droit, la démocratie interne et la participation, la transparence et la responsabilité, l’adhésion sans réserve aux valeurs éthiques les plus élevées, la solidarité et le souci du bien commun.

Afin que le football, et le sport en général, soutiennent ces valeurs, il faut que tous les acteurs aient un comportement irréprochable. Le football ne peut pas être une zone de non droit; l’indépendance des organes de contrôle et la responsabilisation doivent être assurées de manière effective. Par ailleurs, une collaboration plus étroite entre les organisations sportives et les organisations internationales, aux niveaux global et régional, est nécessaire pour promouvoir les droits de l’homme dans le sport et par le sport.

Il faut en finir avec la tendance de cacher, d’ignorer, de minimiser, de bagatelliser les dérives. Les parties concernées doivent coopérer pour mettre un terme à la démesure financière dans laquelle le football s’égare. La FIFA et l’UEFA devraient établir une «table de travail» conjointe pour discuter du fair-play financier, de la propriété des joueurs, du statut des agents et des intermédiaires et d’autres questions. La Commission européenne ainsi que l’Accord partiel élargi sur le sport devraient être invités à cette table de travail et l’Assemblée parlementaire pourrait contribuer à ce travail commun.

Les instances de l’Union européenne, en concertation avec le CIO, la FIFA, l’UEFA et le Conseil de l’Europe, pourraient examiner la faisabilité et promouvoir la mise en place d’un observatoire indépendant chargé d’évaluer la gouvernance des organismes de football.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 4 décembre
2017.

(open)
1. Le football est bien plus que de marquer des buts, remporter des victoires et des titres. L’Assemblée parlementaire est d’avis que la gouvernance du sport, et celle du football en particulier, doivent se baser sur les valeurs de la démocratie, des droits de l’homme et de la primauté du droit, ainsi que sur les valeurs du vivre ensemble, telles que la tolérance, le respect, le fair-play et la solidarité. Afin que le football – et le sport en général – puisse être vecteur de ces valeurs et contribuer à leur sauvegarde et diffusion, il faut que tous les acteurs, à savoir dirigeants, joueurs, agents, sponsors et partenaires commerciaux entre autres, ainsi que les représentants des pouvoirs publics, soient au-dessus de tout soupçon et qu’ils aient un comportement irréprochable.
2. Cependant, la réalité est bien différente. Dopage, paris illicites et manipulation des résultats sportifs, violences et propos racistes, le harcèlement sexuel et la discrimination des genres, connections douteuses du sport avec des hautes sphères politiques, corruption, malversations financières, évasion fiscale et d’autres scandales continuent à faire la une dans les médias. Souvent des considérations d’ordre géopolitique influencent des prises de décision. Le football ne peut pas être une zone de non droit; il faut lutter contre ces fléaux et les éradiquer. Cela demande plus d’efforts et de détermination de la part de tous les partenaires. Il faut assurer une réelle indépendance des organes de contrôle chargés de détecter et de sanctionner les violations de l’éthique sportive, car cette indépendance est indispensable à la bonne gouvernance du sport.
3. Le football n’appartient à personne; il appartient à tout le monde. Les autorités publiques doivent prendre leurs responsabilités pour mettre un terme à la démesure financière dans laquelle le football s’égare. Il faut en finir avec la tendance de cacher, d’ignorer, de minimiser, de bagatelliser les dérives. Non seulement les excès auxquels nous assistons sont socialement inacceptables, mais ils engendrent des déséquilibres tellement prononcés que les fondements du football en sont sapés. Un manque d’argent nuit au football, trop d’argent tue le football. Toutes les parties concernées doivent coopérer pour arriver à un changement de culture. L’Assemblée est déterminée à collaborer avec tous les acteurs afin de prôner ce changement de culture et d’éviter que le football ne s’autodétruise.
4. Face à la puissance des organisations sportives et en présence d’enjeux économiques colossaux, les pouvoirs publics vacillent. D’un côté, ils hésitent à intervenir sous prétexte de l’autonomie sportive, alors que ce principe ne saurait justifier que le sport soit une zone de non-droit; d’un autre côté, ils oublient ce principe lorsque leurs représentants siègent dans les instances dirigeantes sportives. En outre, ils sont prêts à déroger au droit commun et à accepter des conditions imposées par les organisateurs afin de pouvoir accueillir des grandes manifestations sportives. Il est donc impératif de s’interroger sur les interactions et interférences entre la politique, les affaires et le sport.
5. L’Assemblée constate des avancées en ce qui concerne, entre autres, les systèmes de gouvernance de la Fédération internationale de football association (FIFA) et de l’Union des associations européennes de football (UEFA), leur engagement dans la lutte contre les discriminations et pour la tolérance et le respect, leurs politiques sur l’égalité de genres et leurs actions de responsabilité sociale. Néanmoins, elle constate aussi que des problèmes persistent. Il faut assurer la mise en œuvre effective des réformes et les compléter, y compris en œuvrant pour un changement en profondeur de la culture de gouvernance à tous les niveaux, afin que celle-ci soit solidement axée sur le respect des droits de l’homme et la primauté du droit, la démocratie interne et la participation, la transparence et la responsabilité, l’adhésion sans réserve aux valeurs éthiques les plus élevées, la solidarité et le souci du bien commun.
6. L’Assemblée salue les progrès que la FIFA et l’UEFA ont accompli dans l’intégration des droits de l’homme dans leur système de gouvernance, y compris l’inclusion de critères concernant la protection des droits de l’homme dans les processus de sélection des pays hôtes des grands événements sportifs et dans les procédures d’appel d’offres pour la sélection des partenaires commerciaux. L’Assemblée est satisfaite des suites données à sa Résolution 2053 (2015) sur la réforme de la gouvernance du football.
7. La responsabilité de sauvegarder efficacement les droits de l’homme incombe au premier chef aux autorités publiques; néanmoins, toutes les organisations sportives ont un rôle à jouer à cet égard et doivent influencer positivement l’attitude des pays hôtes des événements sportifs. L’Assemblée se réjouit des initiatives concrètes prises par la FIFA pour le suivi et l’amélioration des conditions de travail sur les chantiers des Coupes du Monde 2018 en Russie et 2022 au Qatar. Cependant, la situation des travailleurs immigrés au Qatar reste très préoccupante, même si des progrès ont été enregistrés sur les chantiers de la Coupe du Monde 2022. Des problèmes concernant les droits des travailleurs se posent également en Russie. L’Assemblée est confiante que la FIFA continuera à œuvrer afin que les améliorations obtenues dans ces deux pays soient consolidées et qu’elles puissent bénéficier à tous les travailleurs et non seulement à ceux employés sur les chantiers relatifs au football.
8. L’Assemblée est d’avis que tous les partenaires doivent œuvrer ensemble pour la promotion des droits de l’homme dans le sport et par le sport; elle prône dès lors une collaboration plus étroite entre les organisations sportives et les organisations internationales actives dans le domaine des droits de l’homme, aux niveaux global et régional. Elle se félicite de la création au sein de la FIFA d’un Conseil consultatif des droits de l’homme et espère qu’une collaboration avec le Conseil de l’Europe et avec l’Assemblée elle-même pourra avoir lieu, en ce qui concerne la protection des mineurs, la lutte contre le racisme et la discrimination et la promotion de l’égalité de genres. De même, l’Assemblée salue les négociations en cours entre l’UEFA et le Conseil de l’Europe pour la conclusion d’un protocole d’accord et est prête à collaborer aux actions qui seront mises en œuvre pour renforcer la protection des droits de l’homme et pour promouvoir la bonne gouvernance et l’éthique sportive en Europe.
9. Pour avancer dans ces domaines, l’Assemblée compte sur la collaboration non seulement de la FIFA et de l’UEFA, mais aussi d’autres partenaires importants comme l’Association des ligues européennes du football professionnel (EPFL), l’Association européenne des clubs (ECA) et la Fédération internationale des footballeurs professionnels (FIFPro). L’Assemblée remercie ces cinq organisations pour leurs contributions à ses travaux.
10. En ce qui concerne l’exigence d’assurer au sein des organisations sportives l’indépendance des organes décisionnels du pouvoir politique, mais aussi une réelle indépendance des organes de contrôle interne vis-à-vis des organes décisionnels, l’Assemblée recommande à la FIFA, à l’UEFA, au Comité International Olympique (CIO) et aux organisations sportives internationales:
10.1. de prévoir dans leurs statuts une règle interdisant à toute personne membre d’un gouvernement, ou ayant une charge au sein de structures gouvernementales, de siéger au sein de leurs organes décisionnels;
10.2. de revoir leurs réglementations relatives aux organes de contrôle qui veillent au respect des normes éthiques et de bonne gouvernance, afin d’assurer une indépendance effective – formelle et substantielle – des membres de ces organes et en particulier de leurs présidents. Á cet égard, il faudrait prévoir des procédures ouvertes, transparentes et objectives de sélection des candidats à ces fonctions et limiter le rôle des organes de direction dans les procédures de nomination et de révocation; il faudrait également prévoir, outre une durée limitée des mandats, le principe d’un renouvellement partiel, afin qu’au moins un tiers des membres restent en fonction à chaque renouvellement, pour assurer la continuité des travaux de ces organes;
10.3. de faire diligence afin de sanctionner les responsables de malversations et d’influence indue, et de veiller à mettre en place des mécanismes efficaces pour lutter contre la corruption.
11. En ce qui concerne la protection des droits de l’homme et en particulier la protection des mineurs, et la promotion de l’égalité de genres et du développement humain de tous les joueurs, l’Assemblée recommande:
11.1. à la FIFA:
11.1.1. d’inciter les autorités qataries à assurer que les normes de bien-être des travailleurs applicables aux travailleurs employés sur les chantiers de la Coupe du Monde 2022 s’appliquent à tous les travailleurs;
11.1.2. de concevoir les programmes de soutien – en particulier le programme Forward – de manière à promouvoir le développement humain des joueurs, en liant l’attribution des fonds distribués au titre de ces programmes à l’obligation de donner aux jeunes footballeurs une éducation et une formation professionnelle;
11.2. à la FIFA et à l’UEFA, chacune dans le cadre de ses compétences:
11.2.1. d’instaurer des contrôles efficaces du respect des obligations que les pays candidats à l’organisation des grandes compétitions de football et les associations nationales de football assument;
11.2.2. d’insister avec les gouvernements des pays hôtes sur la nécessité de sauvegarder les droits civils et politiques fondamentaux, et en particulier la liberté d’expression – y compris la liberté des médias – et la liberté de réunion pacifique, et cela non seulement en relation avec leurs compétitions mais au-delà;
11.2.3. d’assurer que tous les cas de manquements graves aux droits de l’homme, y compris les droits des travailleurs, par des sociétés privées impliquées dans l’organisation de leurs compétitions, à commencer par celles qui construisent les stades et les infrastructures, soient rendus publics et que des sanctions effectives soient appliquées lorsque les mesures de suivi recommandées par les organes de contrôle ne sont pas mises en œuvre; les gouvernements des pays hôtes doivent assumer cette responsabilité;
11.2.4. d’assurer le respect des normes établies en matière de transferts pour prévenir un «commerce d’enfants» et de réfléchir, en collaboration avec le Groupe d'experts du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA), sur des mécanismes et mesures nécessaires pour mettre en terme à la chaîne de «transferts forcés» de joueurs mineurs, qui relève de la traite des êtres humains;
11.2.5. de lancer un processus de réflexion concernant la protection des joueurs mineurs et la promotion de leur éducation, ainsi que la promotion de l’égalité de genres dans et par le football, en tenant compte des propositions spécifiques formulées dans le rapport sur «La bonne gouvernance du football» et de la Recommandation CM/Rec(2012)10 du Comité des Ministres aux États membres sur la protection des enfants et des jeunes sportifs contre des problèmes liés aux migrations;
11.2.6. de promouvoir l’adoption par leurs associations membres de règles statutaires afin d’assurer, dans leurs comités exécutifs et commissions permanentes, une représentation féminine au moins proportionnelle au nombre de licenciées, avec un nombre minimum de places réservées aux femmes dans tous les cas;
11.2.7. d’accroître les ressources affectées aux programmes d’éducation et le soutien financier aux projets éducatifs lancés par les associations nationales;
11.2.8. de renforcer le soutien financier aux programmes de formation visant à promouvoir le leadership des femmes au niveau national et à augmenter le nombre d’entraîneurs et d’arbitres féminins;
11.2.9. d’utiliser un pourcentage plus élevé de leurs ressources pour promouvoir le football féminin, notamment dans les pays dont les associations sont moins riches, en étudiant des formes de collaboration avec les associations nationales;
11.2.10. de lancer une campagne d’information pour combattre le harcèlement sexuel et la discrimination des genres.
12. L’Assemblée demande à la FIFA de faire diligence et de mettre toute la lumière sur les dernières procédures d'attribution de la Coupe du Monde et notamment la procédure concernant la Coupe du Monde 2022 au Qatar, qui semble être entachée de graves irrégularités.
13. L’Assemblée appelle la FIFA et l’UEFA à ne pas perdre de vue ses recommandations précédentes auxquelles il n’y a pas encore eu de suites satisfaisantes. En particulier, la FIFA et, plus en général, toutes les grandes organisations sportives devraient envisager la séparation des pouvoirs réglementaires et des activités commerciales, avec l’établissement d’une société filiale responsable de la gestion des activités commerciales.
14. En ce qui concerne la promotion de la bonne gouvernance et des valeurs sportives, la protection des droits des joueurs professionnels et une réflexion sur les excès financiers dans le monde du football, l’Assemblée estime qu’il est indispensable que tous les partenaires travaillent ensemble sur ces questions. Elle invite la FIFA et l’UEFA à établir une table de travail conjointe pour discuter du fair-play financier, des limitations des sommes pour les transferts, du plafond salarial des joueurs, des limitations des sommes pour les transferts, du plafond salarial des joueurs, de la propriété des joueurs et des transferts, du statut des agents et des intermédiaires et d’autres questions, en y associant les autres parties prenantes.
15. L’Assemblée appelle la Commission européenne et l’Accord partiel élargi sur le sport (APES) à participer à cette table de travail une fois établie et confirme sa disponibilité à contribuer à une réflexion commune.
16. L’Assemblée appelle les instances de l’Union européenne, en concertation avec le CIO, la FIFA, l’UEFA et le Conseil de l’Europe, à examiner la faisabilité et à promouvoir la mise en place d’un observatoire indépendant chargé d’évaluer la gouvernance des organismes de football en mettant l’accent entre autres sur l’éthique et l’intégrité des élections. Ceci ne conférerait pas à cet observatoire le pouvoir de gouverner le sport, mais de veiller à ce que les principes de bonne gouvernance soient effectivement appliqués et partagés.
17. L’Assemblée demande aux autorités publiques de se concerter avec les organismes sportifs internationaux, et plus particulièrement avec la FIFA et l’UEFA, afin de veiller à ce que le droit commun soit appliqué en ce qui concerne les questions financières et fiscales.

B. Exposé des motifs, par Mme Anne Brasseur, rapporteure

(open)

1. Origine et finalités du rapport

Trop peu d'argent nuit au football, trop d’argent tue le football. Il faut éviter que le football ne s’autodetruise.

1. Le football est victime, depuis plusieurs années, d’une suite presque continue de scandales, tant au niveau national, notamment avec les affaires de trucage de matchs, qu’au niveau international, notamment en ce qui concerne les procédures d’attribution de l’organisation de la Coupe du Monde par la Fédération internationale de football association (FIFA), mais aussi divers cas de malversations financières.
2. Suite à l’inculpation, basée sur des enquêtes menées par la division du crime organisé du FBI pour l’Eurasie, par le parquet du District Est de New York, de 27 dirigeants ou ex-dirigeants de la FIFA et des deux confédérations américaines 
			(2) 
			Confédérations d’Amérique
du Nord, centrale et des Caraïbes (Concacaf) et d’Amérique du Sud
(Conmebol). pour des «faits de racket, fraude, corruption, escroquerie et blanchiment d’argent», et après une déclaration faite le 3 décembre 2015 par Loretta Lynch, ministre de la Justice américaine, la FIFA a reproché à l’Afrique du Sud d’avoir acheté l’organisation de la Coupe du Monde 2010 et, en mars 2016, s’est posée en victime devant l’instance américaine, réclamant 38 millions de dollars de dommages 
			(3) 
			Il est intéressant
de noter que, selon Mme Lynch, deux générations
de dirigeants ont abusé de leur position pour toucher des pots-de-vin
et des commissions occultes: 150 millions de dollars de dessous-de-table
auraient été versés depuis 1991 aux dirigeants incriminés en échange
de droits médias et de marketing pour des compétitions organisées aux
Etats-Unis et en Amérique du Sud. Pour plus de détails, voir par
exemple les articles en ligne du Telegraph: <a href='http://www.telegraph.co.uk/football/2016/03/16/fifa-demands-return-of-millions-of-pounds-stolen-by-former-leade/'>Fifa demands
return of millions of pounds «stolen» by former leaders</a> et du Monde: <a href='http://www.lemonde.fr/football/article/2016/03/16/la-fifa-se-pose-en-victime-de-la-corruption-et-reclame-38-millions-de-dollars_4883880_1616938.html'>La
FIFA se pose en «victime» de la corruption et réclame 38 millions
de dollars</a>.. Cette démarche est une première et reste pour l’instant unique.
3. De graves soupçons pèsent sur l’attribution de l’organisation de la Coupe du Monde 2006 à l’Allemagne 
			(4) 
			Voir par exemple l’article
en ligne d’Eurosport: <a href='http://www.eurosport.fr/football/coupe-du-monde/2018/soupcons-de-corruption-au-mondial-2006-l-allemagne-attend-des-premieres-reponses_sto5290621/story.shtml'>Soupçons
de corruption au Mondial 2006: l'Allemagne attend des premières
réponses</a>. Dans cette affaire, la justice suisse poursuit Franz
Beckenbauer pour gestion déloyale, escroquerie et blanchiment d’argent,
avec trois autres membres de la présidence du comité d’organisation
du Mondial 2006: Hans-Rudolf Schmidt, Theo Zwanziger et Wolfgang
Niersbach; voir les articles en ligne du Guardian: <a href='https://www.theguardian.com/football/2016/sep/01/franz-beckenbauer-criminal-investigation-corruption-allegations-2006-world-cup-bid'>Franz
Beckenbauer faces criminal investigation into corruption claims</a> et du Monde: <a href='file://\\reeves-share\home.STATE-MASSON$\assembly\Paris déc 2016\work\Mondial 2006 : Franz Beckenbauer poursuivi par la justice suisse pour gestion déloyale et blanchimentEn savoir plus sur http:\www.lemonde.fr\football\article\2016\09\01\mondial-2006-franz-beckenbauer-poursuivi-par-la-justice-suisse-pour-gestion-deloyale-et-blanchiment_4991106_1616938.html'>Mondial
2006: Franz Beckenbauer poursuivi par la justice suisse pour gestion
déloyale et blanchiment</a>.. L’Assemblée parlementaire, dans sa Résolution 2053 (2015) sur la réforme de la gouvernance du football, a considéré que la décision d’attribuer l’organisation de la Coupe du Monde 2022 au Qatar a été «radicalement viciée» et a demandé à la FIFA d’ouvrir une nouvelle procédure pour l’attribution de la Coupe du monde 2022 
			(5) 
			Voir
les paragraphes 10 à 12 et 13.1 de la Résolution 2053 (2015)., demande qui n’a pas eu de suite.
4. Cette procédure d’attribution fait l’objet d’enquêtes en cours en Suisse et aux Etats-Unis; et en 2016, le parquet national financier français a ouvert une enquête préliminaire pour «corruption privée», «association de malfaiteurs», «trafic d'influence et recel de trafic d'influence» sur des soupçons de corruption à la FIFA, en lien avec l'attribution de ces deux Coupes du monde.
5. La récente publication par la FIFA du «Rapport Garcia» permet désormais de connaître l’ampleur des irrégularités, commises au cours de cette procédure, ainsi que des failles systémiques que l’enquête menée par M. Michael Garcia avait permis de détecter. Au-delà des questions purement juridiques – et en particulier de la question de savoir si oui ou non les agissements de M. Bin Hammam (auxquels s’ajoutent ceux de l’académie qatari «Aspire») ont influencé de manière substantielle le vote en faveur du Qatar par les représentants de la Confédération africaine de football (CAF). Ce rapport montre bien que la culture prédominante à la FIFA était celle où le pouvoir devient source d’enrichissement personnel et d’impunité pour ceux qui le détiennent.
6. Les malversations financières internes à la FIFA, liées à un manque de transparence que l’Assemblée dénonce depuis plusieurs années, sont symptomatiques de cette culture, dont le football mondial est la victime. A cet égard, les sanctions prononcées par le Tribunal arbitral du sport (TAS) contre M. Sepp Blatter, ancien Président de la FIFA, et M. Michel Platini, ancien Président de l’Union des associations européennes de football (UEFA) et ancien Vice-président de la FIFA, démontrent la gravité de ces agissements 
			(6) 
			Le Tribunal arbitral
du sport (TAS) a prononcé à l’encontre de M. Platini et de M. Blatter
l’interdiction de prendre part à toute activité (administrative,
sportive ou autre) liée au football au niveaux national et international
respectivement pour quatre ans (voir la sentence <a href='http://www.tas-cas.org/fileadmin/user_upload/sentence_4474__FINAL__internet.pdf'>TAS
2016/A/4474)</a> et pour six ans (voir la sentence <a href='http://www.tas-cas.org/fileadmin/user_upload/award_4501__FINAL__internet.pdf'>CAS
2016/A/4501</a>). Les deux affaires portaient sur le versement par la
FIFA à M. Platini, en février 2011, de 2 millions de francs suisses
(1,8 million d’euros) prétendument pour des travaux réalisés par
M. Platini lorsqu’il officiait comme conseiller de M. Blatter, entre
janvier 1999 et juin 2002. Le TAS a jugé que ce paiement, autorisé
par M. Blatter, n’avait pas de base contractuelle et constituait
un cadeau indu..
7. Dans une autre affaire sont impliqués à la fois M. Sepp Blatter, M. Jérôme Valcke, Secrétaire général de la FIFA de 2007 à 2015 et M. Markus Kattner, à l’époque Directeur financier de la FIFA. Suite à l’élection de M. Gianni Infantino à la présidence de la FIFA, une enquête interne a révélé que ces trois hauts dirigeants s’étaient accordés des bénéfices financiers de 80 millions de dollars (72 millions d’euros) entre 2011 et 2015 via des augmentations de leur salaire annuel, des bonus liés aux résultats financiers de la Coupe du Monde de football et d’autres avantages 
			(7) 
			Pour plus d’information,
voir par exemple l’article en ligne du Guardian: <a href='https://www.theguardian.com/football/2016/jun/03/blatter-valcke-and-kattner-awarded-themselves-55m-in-bonuses-say-fifa-lawyers'>Blatter,
Valcke and Kattner awarded themselves £55m, say FIFA lawyers</a> et du Monde: <a href='http://www.lemonde.fr/football/article/2016/06/03/fifa-blatter-et-ses-deux-adjoints-se-sont-partages-80-millions-de-dollars-en-cinq-ans_4933543_1616938.html'>FIFA:
Blatter et ses deux adjoints se sont partagé 80 millions de dollars en
cinq ans</a>. .
8. En dehors de la situation interne de la FIFA, des personnalités remplissant de hautes fonctions aux niveaux national et international du football continuent d’être impliquées dans des affaires judiciaires. En avril 2017, le cheikh Ahmad Al-Fahad Al-Sabah, membre de la famille royale koweïtienne – membre actif du Comité international olympique (CIO) et président du Conseil olympique asiatique (OCA) – a démissionné du conseil de la FIFA, après avoir été mis (implicitement) en cause pour un paiement supposé illégal à Richard Lai, président de la Fédération de Guam, qui a plaidé coupable devant la justice new-yorkaise du chef d’accusation de corruption et de dissimulation de comptes bancaires à l’étranger 
			(8) 
			L’acte
d’accusation contre M. Richard Lai indique que le «co-conspirateur
numéro deux» est un «responsable de haut rang de la FIFA, de la
Fédération de football du Koweït et du Conseil olympique asiatique
(OCA)»..
9. The Mail on Sunday a révélé que les 23 joueurs de l’équipe nationale russe ayant participé à la Coupe du monde 2014 au Brésil seraient sous le coup d'une enquête de la FIFA pour dopage. En effet, ils figurent dans la liste du millier de sportifs russes qui, selon le rapport publiée par l’Agence mondiale antidopage (AMA) en deux volets en juillet et décembre 2016 suite aux investigations de l’équipe dirigée par le professeur Richard McLaren, «semblent avoir été impliqués ou avoir bénéficié d’une manipulation et d’une dissimulation systématiques et organisées du processus de contrôles antidopage» 
			(9) 
			Voir l’article en ligne
du <a href='http://www.mailonsunday.co.uk/news/article-4635918/Russia-s-World-Cup-team-investigation-doping.html'>Mail
on Sunday</a>.. Faute de preuves, il est improbable que la procédure disciplinaire puisse aboutir à une sanction 
			(10) 
			Voir
l’article en ligne du Monde Sport <a href='http://www.lemonde.fr/sport/article/2017/06/27/dopage-l-impossible-suspension-des-footballeurs-russes_5151595_3242.html'>Dopage:
l’impossible suspension des footballeurs russes</a>. En effet, suite aux premières 96 vérifications, à la
mi-septembre 2017, l’AMA n’a sanctionné qu’un athlète russe et a
renoncé à en poursuivre 95 autres cités dans le rapport McLaren,
les preuves étant insuffisantes pour décider de sanctions individuelles..
10. En juillet 2017, la presse espagnole et internationale ont fait état de l’arrestation de M. Ángel María Villar, président de la Fédération espagnole de football depuis 1988, président par intérim de l’UEFA en 2015 (à la suite de la suspension de M. Michel Platini), dans le cadre d’une enquête judiciaire. M. Villar est soupçonné d’avoir profité de sa fonction pour commettre des malversations financières (abus de confiance et détournements) et des actes de corruption privée; il serait au centre d’une véritable machination économique impliquant aussi plusieurs fédérations territoriales, dont il aurait «acheté» le soutien pour ses réélections. Des auditeurs ont fait état d’irrégularités dans les comptes de la fédération espagnole pour plus de 50 millions d’euros pour les années 2013-2014.
11. Toujours en juillet 2017, la presse italienne a fait état d’une double enquête menée par le parquet de Prato (une ville en Toscane, Italie) pour immigration illégale et fraude sportive, dans laquelle sont impliqués, entre autres, le président de l’«A.C. Prato» (club de troisième division) et le président de la «Sestese» (un club de Florence qui joue en cinquième division). L’enquête pour fraude sportive concerne la manipulation des résultats de 11 matchs de football; l’autre chef d’inculpation concerne la mise en place d’un système visant à faire rentrer illégalement en Italie des jeunes joueurs du football de Côte d’Ivoire et du Sénégal.
12. Le 25 septembre 2017, M. Andrea Agnelli, président de la Juventus et trois autres dirigeants du club ont été condamnés par la Fédération italienne de football (FIGC) à un an de suspension et €20 000 d’amende pour une affaire de vente, pendant cinq saisons, de quantités significatives de blocs de billets à des groupes ultras, alors qu’il n’est pas permis de vendre plus de quatre unités par personne. Le procureur du tribunal sportif avait requis deux ans et demi de suspension et l’extension de la sanction au niveau européen contre M. Agnelli, qui vient d’être élu à la présidence de l’Association européenne des clubs. La société Juventus Football Club a été sanctionnée d’une amende de €300 000.
13. Les révélations connues sous le nom de «Panama papers» ont été suivies d’une série d’enquêtes fiscales concernant plusieurs grands noms du football, y compris ceux de M. Lionel Messi et M. Cristiano Ronaldo, ainsi que de M. José Mourinho, l’un des entraîneurs les plus médiatisés, et M. Jorge Mendes, l’un des plus importants agents dans le marché mondial du football. En somme, la gangrène est partout: la soif de pouvoir et d’argent corrode de l’intérieur ce qu’on appelle «le plus beau sport du monde». Ces affaires d’évasion fiscale sont décrites en détail dans le livre «Football Leaks» 
			(11) 
			Football Leaks: Die
schmutzigen Geschäfte im Profifussball von Rafael Buschmannund Michael
Wulzinger. Ein Spiegel-Buch 2017..
14. Ce rappel de faits récents étaye les raisons que j’avais en présentant une nouvelle proposition sur «la bonne gouvernance du football» 
			(12) 
			Doc. 14027. après l’adoption par notre Assemblée de la Résolution 2053 (2015). D’une part, il me semble indispensable que nous puissions continuer à suivre les processus de réforme de la gouvernance au sein de la FIFA et de l’UEFA, pour vérifier si les réformes se poursuivent en tenant compte des demandes formulées par notre commission et par l’Assemblée dans la Résolution 2053 (2015), mais également pour mettre en valeur et appuyer tout effort de promouvoir dans ces deux organisations une culture de la transparence et de faire de leur gouvernance un modèle, aussi dans le but d’inciter des amélioration au sein de leurs associations membres.
15. Ce nouveau rapport veut porter l’attention sur la gouvernance du football en Europe et renforcer la collaboration existante avec l’UEFA et d’autres partenaires, y compris les organisations représentatives des ligues professionnelles de football (EPFL), des clubs (ECA) et des footballeurs professionnels (FIFPro), pour réfléchir sur comment améliorer ensemble la gouvernance du football en Europe, au niveau national et au niveau des clubs, et pour faire du football européen une vitrine pour la promotion de nos valeurs fondamentales.
16. Dès lors, ce rapport se penche aussi sur le rôle que ces divers partenaires jouent ou peuvent jouer pour promouvoir les droits de l’homme et plus particulièrement pour: combattre les discriminations, sauvegarder les droits des mineurs, renforcer la solidarité, la cohésion sociale et le respect de la dignité humaine.

2. Poursuivre les réformes de la gouvernance à la FIFA et à l’UEFA

17. Deux documents d’information [AS/Cult/Inf (2017) 15 rév et AS/Cult/Inf (2017) 16 rév] et les tableaux synoptiques qui y sont joints présentent en détail les éléments qui m’ont semblé les plus significatifs sur l’état des réformes de gouvernance à la FIFA et à l’UEFA et sur la mise en œuvre de nos recommandations spécifiques. Je ne reprendrai ici que certains de ces éléments. Mon intention n’est pas nécessairement d’insister sur toutes les recommandations qui n’ont pas encore été mises en œuvre; même si un appel général à la FIFA et à l’UEFA pour qu’elles mettent en œuvre ces recommandations est indispensable, je suggère que nous nous concentrions sur certains éléments qui présentent, à mon avis, un intérêt majeur. Ces éléments concernent essentiellement la question de la séparation des pouvoirs, les mécanismes de contrôle et le système des freins et contrepoids.
18. Même si, dans cette section, l’analyse vise à souligner des questions problématiques, il serait injuste de ne pas reconnaître d’emblée, que des améliorations sont intervenues, tant à la FIFA qu’à l’UEFA, notamment en terme de transparence financière, de réduction de certaines dépenses, de contrôle des flux financiers pour prévenir les malversations, de gouvernance participative. Nous pouvons nous en réjouir; notre insistance sur certains points n’a pas été inutile. Pour des raisons pratiques, je renvoie aux documents d’information susmentionnés pour de plus amples indications sur ces aspects. La section de ce rapport dédiée aux questions sur la protection des droits de l’homme fait état d’avancées significatives de la part des deux organisations dans ce domaine.

2.1. Séparation des pouvoirs, mécanismes de contrôle et système de freins et contrepoids à la FIFA

19. La forte concentration des pouvoirs et l’absence de freins et contrepoids effectifs sont deux éléments problématiques de la gouvernance des institutions sportives en général y compris les institutions du football. A cet égard, je salue le fait que les nouveaux Statuts de la FIFA prévoient aujourd’hui une séparation claire entre la fonction stratégique – assurée par le Conseil de la FIFA (précédemment le Comité exécutif) – et la fonction exécutive/de management, assurée par le Secrétariat général sous l’autorité du Secrétaire général. Par exemple, le Secretariat général de la FIFA a la responsabilité de négocier, exécuter et mettre en œuvre l’ensemble des contrats commerciaux, conformément aux normes, politiques et procédures mises en place par le Conseil.
20. Toutefois, le contrôle exercé par le Président sur l’ensemble des activités de la FIFA, y compris les fonctions de management, semble au moins aussi fort que sous le leadership précédent. Bien sûr, l’administration doit exécuter les décisions stratégiques prises par les «organes décisionnels» et en particulier par le Président et le Conseil. Ce qui soulève des questions est le pouvoir que, me semble-t-il, le Président conserve en pratique dans les décisions concernant, par exemple, la nomination et la révocation de personnes à des postes clés.
21. Le 16 octobre 2017, lors de la réunion que je eue à la FIFA avec M. Infantino, Mme Fatma Samoura, Secrétaire Générale de la FIFA, et de hauts fonctionnaires de la FIFA, M. Infantino a affirmé que l’idée qu’il garde le contrôle sur les questions de management est fausse et ne s’appuie sur aucun fait concret. A cet égard, je souhaite préciser, tout d’abord, que cette opinion n’est pas en soi une «critique»; il s’agit pour moi simplement d’exposer ce qui me semble pertinent pour comprendre les dynamiques internes à la FIFA. Je constate que certains choix avaient été faits avant même l’arrivée de Mme Samoura; il est un fait qu’elle, n’étant pas issue du milieu du football, est moins bien armée que M. Infantino – un gestionnaire hors pair dans le monde du football – lorsqu’il s’agit de sélectionner les cadres dirigeants d’une organisation spécialisée comme la FIFA; il est un fait aussi que, pendant trois heures de réunion, c’est bien M. Infantino qui a piloté l’exercice; il m’est donc impossible de croire qu’il ne soit pas aux commandes en ce qui concerne aussi bien le macro- que le micro-management.
22. Le nombre élevé de personnes démis de leurs fonctions depuis l’élection de M. Infantino pourrait s’expliquer, au moins en partie, par la volonté d’écarter les personnes trop proches de la direction précédente – à l’exception de M. Marco Villiger 
			(13) 
			M. Villiger a joué
un rôle clé l’an dernier en tant que directeur juridique. Il a depuis
été nommé secrétaire général adjoint chargé du nouveau secteur commercial
et administratif. – et peut-être aussi par une certaine volonté de renouveau. La manière avec laquelle ces changements ont été opérés paraît, néanmoins, quelque peu «brutale» pour reprendre les termes de certaines des personnes avec lesquelles je me suis entretenue. Pour éviter tout malentendu: je ne mets nullement en doute les compétences et les aptitudes des hauts fonctionnaires de la FIFA qui sont maintenant en fonction.
23. Je crois que la position prééminente du Président et son emprise sur les questions (notamment) de management restent une des composantes clés de la culture de gouvernance de la FIFA. Il en est ainsi depuis des dizaines d’années et il serait naïf de croire que cela pourrait changer à cause d’une nouvelle disposition proclamant un modus operandi différent. Il faut reconnaître que le Président de la FIFA, M. Infantino, a une longue et riche expérience, ainsi qu’une vaste et profonde connaissance du fonctionnement des institutions du football. La Secrétaire générale, Mme Samoura, est une nouvelle venue dans ce monde, ce qui est à bien d’égards une excellente chose; néanmoins, la conséquence est qu’elle a besoin de temps pour asseoir sa position. C’est une personne déterminée et compétente, rompue à la gestion de dossiers complexes et profondément attachée à la sauvegarde des droits de l’homme; j’espère qu’elle parviendra à consolider progressivement sa fonction et à instaurer une véritable séparation des rôles, prescrite par les règles mais qui n’existe pas à l’heure actuelle.
24. L’élément qui suscite mes plus fortes réserves sur les évolutions récentes à la FIFA est celui d’une perte d’indépendance réelle de la part des organes dits indépendants. Le Président et le Conseil de la FIFA ont un pouvoir discrétionnaire étendu en matière de nomination et de révocation des membres des commissions permanentes de la FIFA. En soi, ce principe ne pose pas de problème: il est tout à fait normal que les positions clés dans les commissions permanentes, dont le rôle est de conseiller et d’assister le Conseil dans l’élaboration des politiques stratégiques, soient aux mains du Conseil de la FIFA.
25. Cependant l’axe central de la réforme entreprise par la Commission indépendante de gouvernance de la FIFA (CIG), présidée par le professeur Mark Pieth, était de garantir l’indépendance des organes chargés des principales fonctions de contrôle et responsables de la prévention, de la détection et de la répression des abus et malversations, à savoir: la Commission d’Audit et de Conformité, la Commission d’Éthique, dans ses deux structures (la Chambre d’instruction et la Chambre de jugement) et la Commission de Gouvernance. L’indépendance réelle de leurs présidents a été considérée d’emblée comme une condition nécessaire au bon fonctionnement de ces organes.
26. Dans la structure actuelle de la FIFA, quatre organes sont qualifiés d’indépendants: la Commission d’Audit et de Conformité (y compris la Sous-commission de Rémunération) et les trois organes juridictionnels, à savoir la Commission de Recours, la Commission de Discipline et la Commission d’Éthique. Par conséquent, leurs membres, y compris leurs présidents et vice-présidents, ne sont pas nommés par le Conseil: ils sont élus par le Congrès et ne peuvent être révoqués que par ce dernier. De plus, ils ne peuvent pas être membres d’autres organes de la FIFA.
27. Bien qu’elle figure dans la liste des commissions permanentes, la «Commission de Gouvernance» est considérée comme un organe indépendant ou est tout du moins assimilée à ces derniers. Ainsi, le président, le vice-président et les membres de la Commission de Gouvernance sont élus par le Congrès sur proposition du Conseil, ils ne peuvent pas faire partie de ce dernier et ils doivent remplir les critères d’indépendance établis par le Règlement de Gouvernance de la FIFA.
28. Tout cela semble parfait, en théorie du moins. Cependant, l’indépendance ne peut être purement formelle: au-delà de sa consécration dans les Statuts, elle doit être confirmée sur le fond et appliquée en pratique. C’est pourquoi un changement majeur introduit sur proposition de la Commission Indépendante de Gouvernance était que l’indépendance réelle des présidents (et vice-présidents) de ces organes soit garantie aussi à travers une procédure transparente et indépendante d’identification et de sélection de candidats qui soient à la hauteur.
29. Des propositions pour la première présidence des deux chambres de la Commission d’Éthique et de la Commission d’Audit et de Conformité ont été faites par la Commission Indépendante de Gouvernance elle-même et les personnes qui ont effectivement été nommées avaient l’agrément de cette commission. Il s’agissait de:
  • Domenico Scala, élu à la présidence de la Commission d’Audit et de Conformité (sur proposition de la CIG);
  • Hans-Joachim Eckert, élu à la présidence de la Chambre de jugement de la Commission d’Éthique (sur proposition du professeur Pieth, président de la CIG);
  • Michael Garcia, élu à la présidence de la Chambre d’instruction de la Commission d’Éthique (sur proposition d’Interpol).
30. Malgré la reconnaissance formelle de «l’indépendance», aujourd’hui ancrée dans les Statuts, la situation concrète paraît aujourd’hui très différente de celle que la Commission indépendante de gouvernance du professeur Pieth avait souhaitée.
31. Suite à la décision du 66ème Congrès de la FIFA (réuni dans la ville de Mexico le 13 mai 2016) d’autoriser le Conseil de la FIFA à nommer les titulaires de postes des fonctions encore vacantes des commissions indépendantes et de la Commission de Gouvernance et à révoquer tout titulaire de poste de ces commissions jusqu’à la tenue du 67e Congrès de la FIFA, M. Scala a immédiatement démissionné de ses fonctions. Il a considéré que cette décision constituait une réelle menace pour l’indépendance des organes concernés, le Conseil pouvant faire usage de ce pouvoir pour empêcher des enquêtes en révoquant les membres concernés des commissions ou en s’assurant de leur acquiescement par crainte d’une révocation.
32. La FIFA a déclaré que M. Scala avait mal interprété le but de cette décision et expliqué qu’elle avait été prise pour permettre au Conseil de nommer des membres à titre provisoire sur des fonctions vacantes dans les nouvelles commissions de manière à ce que celles-ci puissent remplir leur rôle. Cette explication n’est cependant pas convaincante, car le principal problème ne tient pas au pouvoir de nomination, mais au pouvoir de révocation. A cet égard, M. Infantino, lors de notre rencontre du 16 octobre 2017, m’a donné une explication, à savoir la nécessité de pouvoir intervenir rapidement par rapport à un membre de commission fautif d’avoir failli à ses obligations. C’est là une raison valable pour un pouvoir exceptionnel et temporaire, mais je me demande pourquoi la disposition en question (qui, semble-t-il, n’a finalement pas été utilisée) ne fut pas rédigée plus clairement dans ce sens. M. Scala a été remplacé par M. Tomaž Vesel, un expert international en audit, qui a été, depuis, élu pour un mandat de quatre ans par le Congrès de la FIFA qui s’est tenu à Bahrain les 11 et 12 mai 2017.
33. Le Congrès de Bahrain, sur proposition du Conseil 
			(14) 
			Le rapport officiel
indique qu’il s’agissait d’une proposition «unanime». Formellement,
il se peut qu’il en ait été ainsi, mais il y avait apparemment un
certain désaccord: M. Reinhard Grindel, Président de l’Association
allemande de football, aurait déclaré qu’il s’agissait d’une décision
du Président de la FIFA et non d’une décision ouverte. Voir: <a href='http://www.insideworldfootball.com/2017/05/11/uefa-duped-lack-transparency-process-picking-new-ethics-chiefs-saying-skouris-not-man/'>UEFA
duped over lack of transparency in process for picking new Ethics
chiefs</a>., a décidé, à la surprise générale, de ne pas renouveler le mandat de M. Borbély (qui avait remplacé M. Garcia à la présidence de la Chambre d’instruction de la Commission d’Éthique en décembre 2014) et de M. Eckert et a élu Mme Maria Claudia Rojas (ancienne présidente du Conseil d’État de Colombie) et M. Vassilios Skouris (juge grec, ancien Président de la Cour de Justice européenne) respectivement à la présidence de la Chambre d’instruction et à la présidence de la Chambre de jugement de la Commission d’Éthique. Avec eux, la totalité des membres des deux chambres, sauf deux, ont été remplacés.
34. M. Luís Miguel Maduro, ancien avocat général auprès de la Cour de justice européenne, qui présidait la Commission de Gouvernance et la Commission de Contrôle (chargée, entre autres, des contrôles d’éligibilité et des contrôles d’indépendance 
			(15) 
			Ainsi, M. Maduro a
pris la tête du refus catégorique d’approuver que le Vice-Premier
ministre russe M. Vitaly Moutko se représente au Conseil de la FIFA.) depuis seulement huit mois, a aussi été remplacé par son ancien adjoint, M. Mukul Mudgal (ancien juge principal de la Haute Cour indienne).
35. Concernant MM. Borbély et Eckert, je note que l’action de ces deux présidents, épaulée aussi par celle de M. Scala au niveau des vérifications sur la régularité comptable de certaines opérations, a conduit à des sanctions lourdes pour 70 personnalités officielles, y compris MM. Blatter et Platini.
36. M. Infantino considère que le véritable élément déclencheur des poursuites et des sanctions en question a été plutôt l’action du FBI et des autorités américaines. Il a sans doute raison, dans le sens que la possibilité pour la Commission d’éthique de la FIFA d’utiliser les éléments de preuves acquis par les enquêteurs américains a accéléré plusieurs procédures et a été probablement déterminante sur le fond; en effet, la Commission d’éthique de la FIFA n’a pas les pouvoirs d’enquête des autorités judiciaires nationales. Même si je n’ai pas la possibilité de me prononcer sur d’autres affaires en connaissance de cause, celle concernant MM. Blatter et Platini n’a rien à voir, me semble-t-il, avec les enquêtes du FBI.
37. Ce n’est pas mon rôle, ici, d’établir si M. Borbély et M. Eckert auraient pu mieux faire. Néanmoins, j’estime que les résultats qu’ils ont obtenus n’auraient jamais pu être atteints sans une réelle indépendance d’action. Cette indépendance requiert des standards normatifs adéquats, une pratique de l’organisation cohérente avec ces standards (qui n’est jamais acquise une fois pour toutes) et aussi des qualités professionnelles et une probité avérée des personnes qui finalement occupent ces postes; mais cette indépendance demande aussi des procédures ouvertes, transparentes et objectives de sélection des candidats à ces fonctions, une limitation du rôle des organes de direction dans les procédures de nomination et de révocation, ainsi que d’autres précautions comme une durée limitée des mandats et le principe d’un renouvellement partiel, pour assurer la continuité des travaux de ces organes.
38. Le remplacement de MM. Borbély et Eckert a soulevé beaucoup de questions. Hormis le fait que la procédure normale aurait exigé qu’ils soient informés plus tôt, alors que les intentions du Conseil leur ont été communiquées seulement deux jours avant le Congrès, les deux anciens présidents ont publiquement déclaré que la décision de ne pas renouveler leur mandat répondait à «des motivations politiques», qu’elle faisait obstruction à la poursuite de centaines d’investigations en cours et qu’elle mettait un terme aux efforts de réforme de la FIFA. La FIFA a répliqué que les nouveaux présidents, Mme Rojas et M. Skouris, étaient des personnes reconnues, hautement spécialisées dans leurs domaines respectifs et que leur élection avait aussi pour but de mieux refléter la diversité de genre et géographique au sein des organes de la FIFA. Cette explication est également celle qui a été donnée par les représentants de la FIFA à notre commission lors de l’audition du 22 mai 2017 et qui m’a été donnée par Mme Samoura lors de ma première visite à la FIFA le 29 mai 2017, ainsi que par M. Infantino lors de la visite du 16 octobre 2017.
39. Quelle que soit la qualité des présidents en exercice et de leur travail, je considère qu’il est sage de prévoir leur remplacement à un moment ou à un autre. À ce sujet, notre position a toujours été, et reste, qu’une date limite doit être fixée pour les postes clés; je me réjouis du fait que la FIFA ait suivi cette recommandation y compris pour les présidents de la Commission d’Éthique.
40. Cependant, je pense que la bonne manière de faire n’était ni de manœuvrer dans l’ombre, en ne donnant pratiquement aucune information aux intéressés, ni de remplacer 13 membres sur 15 de la Commission d’Éthique alors que la qualité de leur travail était jugée (du moins dans le discours officiel) excellente. Lors de leur audition devant notre commission en date du 22 septembre 2017, MM. Borbély et Eckert ont insisté sur l’impact que leur remplacement a déjà eu sur la poursuite des enquêtes et procédures en cours, constatant que presqu’aucune décision n’avait encore été prise par la Commission d’Éthique après leur départ.
41. Les qualités des nouveaux présidents élus par le Congrès de la FIFA ne peuvent guère être mises en doute: M. Skouris a été Président de la Cour de justice européenne pendant 12 ans et Mme Rojas a été Présidente du Conseil d’État et juge à la Cour constitutionnelle de son pays, la Colombie. J’ai eu l’occasion de les rencontrer lors de ma visite à la FIFA du 16 octobre 2017; j’en ai retenu une excellente impression. Il s’agit de deux professionnels du plus haut niveau et de la plus haute probité.
42. Cependant, alors que le profil de M. Skouris et son expérience professionnelle sont parfaitement cohérents avec les fonctions qu’il doit assumer, la charge de Présidente de la Chambre d’instruction de la Commission d’éthique demande une expérience dans le domaine des investigations criminelles et notamment financières, que Mme Rojas n’a pas; elle n’a pas le profil de «procureur», ce qui était clairement le cas des deux prédécesseurs, MM. Garcia et Borbély. L’absence de connaissances des langues française et anglaise constitue également un handicap majeur, alors que presque tous les documents sont rédigés dans une des deux langues. Il ne s’agit pas seulement d’un facteur qui risque de ralentir Mme Rojas dans l’étude des dossiers, même si elle fait preuve de la disponibilité nécessaire pour accomplir ses fonctions; il s’agit aussi – et c’est bien plus problématique – d’une dépendance accrue qu’elle a par rapport au secrétariat qui l’assiste et d’une difficulté objective à entrer en contact de manière confidentielle avec des témoins ou experts.
43. J’ai été surprise d’apprendre qu’aucune rencontre n’a eu lieu entre les anciens et les nouveaux présidents. Cela n’est pas bien grave pour les dossiers devant la Chambre de jugement, mais c’est peu efficace en ce qui concerne la gestion des dossiers d’investigations. Mme Rojas a déclaré à la presse qu’il n’y avait pas d’enquêtes en cours concernant M. Infantino avant d’avoir pris connaissance de tous les dossiers, y compris ceux – plus sensibles – que son prédécesseur, M. Borbély, avait encore en sa possession au moment de cette déclaration et qu’il n’avait pas eu la possibilité de lui communiquer.
44. Selon le quotidien The Guardian 
			(16) 
			Voir: <a href='https://www.theguardian.com/football/2017/jun/18/gianni-infantino-fifa-president-ethics-committee-under-investigation-alleged-malpractice'>Gianni
Infantino faced investigation by Fifa ethics committee for alleged
malpractice</a> et <a href='https://www.theguardian.com/football/2017/jul/21/fifa-investigating-gianni-infantino-election-expenses'>Fifa
ethics committee was investigating Gianni Infantino over election
expenses.</a> (information reprise par d’autres médias) M. Infantino faisait bien l’objet de deux instructions préliminaires:
  • l’une concernant une fausse déclaration concernant les frais de sa campagne électorale pour l’élection à la présidence de la FIFA (sa déclaration fait état d’un budget de € 500 000, alors que l’UEFA lui avait accordé un budget d’environ 1 million d’euros);
  • l’autre suite à des plaintes affirmant que M. Infantino et Mme Samoura auraient cherché à influencer de manière illicite l'élection de M. Ahmad Ahmad (Madagascar) à la présidence de la Confédération africaine de football (CAF) en assurant à plusieurs dirigeants de fédérations africaines, au cours d'entretiens privés, un versement plus rapide des fonds de développement à leurs fédérations respectives s'ils votaient pour M. Ahmad.
Cela ne veut pas dire que M. Infantino soit responsable mais simplement que la déclaration de Mme Rojas n’a peut-être pas été faite en pleine connaissance de cause.
45. M. Maduro, en date du 14 septembre 2017, a déclaré publiquement devant la Commission de la culture des médias et du sport (select committee for culture, media and sport) de la Chambre des communes (House of Commons) du Parlement du Royaume-Uni qu’il a été évincé de son mandat à la tête de la Commission de gouvernance de la FIFA suite à son refus de céder aux pressions exercées sur lui par M. Infantino, ainsi que (à la demande de ce dernier) par Mme Samoura et par M. Vesel, afin que la Commission de gouvernance revienne sur sa décision concernant l’inéligibilité de M. Vitaly Moutko, Vice-Premier ministre russe, au Conseil de la FIFA. Cette interférence a été confirmée par Mme Navi Pillay, ancienne juge à la Cour Pénale Internationale et ancienne Haut-commissaire des Nations Unies pour les droits de l’homme, dans une lettre de démission des fonctions de membre de la Commission de gouvernance de la FIFA. Le Professeur Joseph Weiler, ancien membre de la Commission de gouvernance, a déposé une plainte contre Monsieur Infantino et d’autres responsables pour tentative de blocage des enquêtes à l’encontre de dirigeants du football.
46. M. Borbély et M. Eckert, à qui j’ai posé une question directe à ce sujet, m’ont indiqué que si des ingérences de ce type étaient établies, le Code d’éthique de la FIFA serait, pour eux, d’application. Je souhaite reprendre ici également la version des faits que M. Infantino m’a donnée le 16 octobre 2017 à propos des allégations de M. Maduro: il a confirmé qu’il avait abordé avec M. Maduro la question de l’inéligibilité de M. Moutko et qu’il lui avait fait part de ses doutes quant à l’approche de la Commission de Gouvernance, car pour M. Infantino cette inéligibilité n’était pas prévue dans les textes en vigueur. M. Infantino a estimé qu’il était de son devoir de faire part à M. Maduro de son opinion à cet égard, vu les conséquences potentielles sur l’organisation de la Coupe du Monde 2018 en Russie. Il ne voit aucune ingérence indue (de sa part ou de celle de Mme Samoura) et considère qu’il s’agissait là d’un échange institutionnel normal, dans le respect des compétences et responsabilités de chacun. Par ailleurs, une fois la décision prise par la Commission de Gouvernance, la décision a été appliquée sans problèmes. Pour ma part, je considère qu’il n’est pas notre rôle de prendre parti dans une affaire où tout est dans les nuances. L’organe compétent à se prononcer sur cette affaire est la Commission d’éthique de la FIFA et je respecte son rôle. Je ne puis cependant pas m’empêcher de suggérer que, pour éviter toute méprise, la forme du dialogue institutionnel avec un organe de contrôle indépendant devrait être différente de celle d’un aparté: peut-être, aurait-il été préférable d’avoir une intervention transparente de M. Infantino devant la Commission de Gouvernance.
47. Enfin, je constate que les présidents des quatre principaux organes de contrôle de la FIFA ont été remplacés en moins d’un an. Je trouve cela regrettable et j’y vois un mauvais signal. La façon de procéder ne peut pas être raisonnablement considérée comme une rotation normale aux postes clés et le sentiment général est, malheureusement, que le Conseil de la FIFA, et M. Infantino en particulier, voulaient se débarrasser des personnes qui risquaient de les gêner.
48. Loin de moi de dénigrer la FIFA ou de faire du «FIFA bashing» (comme s’est exprimé M. Infantino). Je reviendrai plus loin sur plusieurs avancées importantes réalisées par la FIFA. Toutefois, en ce qui concerne l’équilibre des pouvoirs, le Président et le Conseil ont clairement montré que ce sont eux qui sont aux commandes; ceux qui ne sont pas avec eux sont contre eux et doivent s’en aller. L'indépendance des organes de contrôle de la FIFA ne semble pas assurée. C’est également la conclusion de tous les experts extérieurs à la FIFA que j’ai rencontrés.
49. Il n’y a pas de solution toute faite pour remédier à cette situation. Certains garde-fous formels, comme l’adoption de mandats échelonnés dans le temps pour les différents membres des organes tels que la Commission d’Éthique, pourraient être utiles. Nous l’avons déjà demandé et réitérons notre demande. Mais l’essentiel reste de savoir qui propose et choisit les membres des «organes indépendants» (et les membres indépendants des autres commissions permanentes). Si les décideurs de la FIFA acceptent réellement que des personnalités indépendantes, c’est-à-dire des personnalités sur lesquelles ils n’ont aucun contrôle, surveillent leurs activités, ils doivent aussi accepter de ne pas jouer un rôle déterminant dans leur nomination et leur révocation. Il conviendrait de mettre en place un système par lequel les candidats (et le renouvellement de leur mandat) seraient proposés par des instances externes à la FIFA, en s’inspirant du modèle de la première Commission indépendante de gouvernance. Je crois qu’il serait également utile que le Congrès n’ait pas pour seule possibilité d’accepter ou de rejeter un candidat, mais qu’il puisse élire les présidents et leurs adjoints parmi des listes restreintes de candidats présentant des profils de haut niveau comparables.
50. L’efficacité de nombreuses avancées importantes réalisées par les réformes de gouvernance de la FIFA dépend largement de la marge de manœuvre effective des commissions indépendantes, y compris la Commission de gouvernance, à travailler en toute indépendance. Si cette indépendance, proclamée et formellement protégée par de nombreuses dispositions, devait être mise à mal par les pratiques du Conseil ou de son président, toute tentative d’instaurer une nouvelle culture de la gouvernance à la FIFA serait vouée à l’échec.
51. Je souhaiterais cependant conclure cette partie sur une note positive et saluer le fait que les nouveaux Statuts de la FIFA fixent des limites à la durée des mandats, en n’autorisant pas plus de trois mandats de quatre ans, soit 12 ans au total, pour les fonctions suivantes:
  • Président de la FIFA et membres du Conseil (articles 33.2 et 33.3 des Statuts);
  • membres des organes juridictionnels de la FIFA (articles 52.5 et 52.6 des Statuts);
  • membres de la Commission d’Audit et de Conformité (articles 51.3 et 51.4 des Statuts).

2.2. Séparation des pouvoirs et système de freins et contrepoids à l’UEFA

52. En analysant les règles statutaires, l’UEFA ne semble pas respecter entièrement le principe de séparation entre la fonction stratégique et la fonction de gestion, cette dernière étant confiée explicitement au Comité exécutif qui «gère les affaires de l'UEFA». Cependant cet élément doit être replacé dans son contexte et analysé conjointement à deux autres éléments.
53. D’une part, l’UEFA a créé l’«UEFA Events S.A.», une société anonyme que l’UEFA détient à 100 %, chargée de gérer ses opérations commerciales et événementielles. Ainsi, de fait, la gestion des opérations commerciales est soustraite au Comité exécutif. D’autre part les Statuts confient explicitement la gestion et la direction de l’Administration au Secrétaire général et l’article 30 mentionne parmi ses attributions: la nomination et révocation des directeurs, après consultation du président; l’engagement et licenciement des employés de l’Administration; la présentation d’un plan d’activités annuel; l’établissement d’un budget concernant les recettes et les dépenses; l’approbation des dépenses dans le cadre du budget. Dès lors, on peut considérer que la séparation entre la fonction stratégique et la fonction de gestion est réalisée; et en effet, en listant les attributions intransmissibles du Comité exécutif, les Statuts parlent de «haute direction de l’UEFA» et de «haute surveillance sur l’Administration», donc un rôle plus stratégique que de management.
54. Quant à la position du Président de l’UEFA, malgré l’importance et le prestige de son rôle institutionnel et l’influence réelle qu’il peut avoir dans le processus décisionnel, ses pouvoirs sont bien encadrés et on est loin d’une figure toute puissante qui peut décider de tout: l’institution du Comité d’urgence est en soi un signe de la volonté d’un exercice collégial des fonctions stratégiques renforcé par la disposition que le Président, dans l’exercice de ses responsabilités, «consulte le Comité exécutif» (article 29, in fine, des Statuts). Par ailleurs, le Président est responsable de la mise en œuvre des décisions du Congrès et du Comité exécutif «par l’Administration», ce qui confirme le rôle de cette dernière. Ainsi, globalement, la situation de l’UEFA par rapport aux équilibres des pouvoirs ne me semble pas soulever des questions.
55. Je note également que, par rapport à la situation analysée par notre Commission à l’occasion du rapport sur «La réforme de la gouvernance du football», une amélioration majeure a eu lieu. Nous avions suggéré à l’UEFA de limiter la durée des mandats du président et des autres cadres élus, y compris le Comité exécutif; l’UEFA a donné suite à cette recommandation.
56. L’article 22.1 des nouveaux Statuts de l’UEFA dispose que «[p]ersonne ne peut exercer plus de trois mandats (consécutifs ou non) comme président ou membre du Comité exécutif. Tout mandat partiel compte comme un mandat plein». L’article 22.2 garde la limite d’âge déjà existante: «Une élection ou une réélection n’est pas possible après 70 ans révolus.»
57. Par ailleurs, l’article 21.3 prévoit que les candidats aux fonctions de membre du Comité exécutif, à l’exception du président, «doivent exercer une fonction active dans leur association». L’idée est de promouvoir la création de liens plus étroits entre le Comité exécutif de l’UEFA et les associations nationales et d’éviter des «parachutages politiques». Enfin, il est désormais prévu (article 22.1) que tous les deux ans ait lieu l’élection (ou réélection) de 50 % du Comité exécutif, en appliquant ainsi le principe d’un renouvellement échelonné des mandats dans cet organe.
58. Concernant les autres organes, l’exigence d’indépendance – qui est également soutenue par des dispositions détaillées visant la prévention des conflits d’intérêt – est soulignée de manière spécifique pour les membres des organes juridictionnels. A cet égard, l’article 32.1 des Statuts dispose qu’ils «(…) sont indépendants et ne peuvent appartenir à aucun autre organe ni commission de l’UEFA. Ils ne doivent prendre aucune mesure ni exercer aucune influence en relation avec une affaire où il existe, ou dans laquelle est perçu, un quelconque conflit d’intérêts. Ils sont tenus d’observer exclusivement les Statuts, règles et règlements de l’UEFA et la législation applicable.»
59. Ces dispositions sont appropriées; j’ai néanmoins quelques remarques et propositions d’amélioration:
  • Les contrôles d’éligibilité et d’indépendance préalables aux nominations semblent être absents, ou du moins ils ne sont pas codifiés. Il faudrait réfléchir à l’introduction de dispositions statutaires spécifiques à cet égard.
  • L’article 32.2 prévoit que «[l]es membres de l’Instance de contrôle, d’éthique et de discipline et de l’Instance d’appel ainsi que les inspecteurs d’éthique et de discipline sont élus par le Comité exécutif (parmi les candidats proposés par les associations membres) pour un mandat de quatre ans. Les membres de l’Instance de contrôle financier des clubs sont élus par le Comité exécutif pour un mandat de quatre ans. Les membres élus des organes de juridiction de l’UEFA doivent être présentés au Congrès pour ratification». Cela veut dire que le Comité exécutif de l’UEFA a un rôle déterminant dans le choix des membres. Cela peut jouer contre leur indépendance effective, d’autant plus que leur mandat (de quatre ans) est renouvelable sans limite. En conséquence, même s’il faut noter qu’en pratique il ne semble pas y avoir de problèmes d’ingérence dans le fonctionnement des organes de juridiction, il faudrait envisager que le président de l’Instance de contrôle, d’éthique et de discipline et l’Inspecteur d'éthique et de discipline en chef soient sélectionnés selon des procédures transparentes, que les candidatures puissent venir non seulement des associations membres mais également d’autres parties prenantes et que les personnes concernées soient élues (et éventuellement révoquées) par le Congrès sur la base d’une liste présélectionnée (d’au moins trois membres) et de propositions motivées du Comité exécutif.
  • Il faudrait introduire une limite à la durée des mandats et décaler les débuts et fins des mandats des membres des instances disciplinaires pour assurer que tous ne viennent à échéance au même moment, afin de mieux assurer la continuité des travaux. Les règles applicables aux membres du Comité exécutif pourraient servir de modèle.

3. La gouvernance du football et les droits de l’homme

3.1. Mise en œuvre des recommandations faites par l’Assemblée parlementaire concernant l’inclusion des droits de l’homme dans le système de gouvernance

60. La Résolution 2053 (2015) de l’Assemblée sur la réforme de la gouvernance du football appelait la FIFA à demander aux autorités du Qatar de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le respect des droits fondamentaux de tous les travailleurs immigrés employés dans leur pays et de coopérer avec l’Organisation internationale du travail (OIT) pour contrôler le respect effectif de ces droits par les entreprises publiques ou privées qui opèrent au Qatar. Je prends acte avec satisfaction des initiatives concrètes prises par la FIFA à ce sujet et les salue sincèrement. Je souhaiterais en particulier mentionner la mise en place de systèmes de contrôle des conditions de travail en Russie et au Qatar pour les Coupes du monde 2018 et 2022 de la FIFA.
61. Le premier rapport du Conseil consultatif des droits de l’homme de la FIFA (voir ci-après, paragraphe 65) indique que, selon la FIFA et l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB), le système de contrôle a porté à des améliorations. Néanmoins, le Conseil consultatif note qu’il n’y pas de données publiques disponibles sur l’efficacité globale du système et qu’il n’y pas de consensus sur la question de savoir si le système traite dûment les causes à l’origine des accidents.
62. Au Qatar, la FIFA s’est engagée à côté de l’OIT, d’Amnesty International, de Human Rights Watch, de l’IBB, ainsi que des autorités qataries pour améliorer les conditions de travail sur les sites de construction. Des normes de bien-être des travailleurs, conformes aux bonnes pratiques internationales, font maintenant partie intégrante des appels d’offres et s’imposent contractuellement à toutes les entreprises qui opèrent dans les chantiers liés à la Coupe du monde de la FIFA™. La mise en œuvre de ces normes est suivie avec un système de contrôle à quatre niveaux, qui comprend des auto-évaluations, des audits par le Comité suprême, des audits par une partie tierce indépendante (la compagnie anglaise Impactt Ltd) et des audits par le ministère du Travail du Qatar. En avril 2017, Impactt Ltd a publié son premier rapport public; il en résulte que sur les chantiers en question la situation s’était considérablement améliorée, ce qui montre que les mécanismes mis en place produisent des résultats concrets. Néanmoins, la situation au Qatar suscite toujours de sérieuses inquiétudes. Human Rights Watch, dans un communiqué publié sur son site 
			(17) 
			Voir:<a href='https://www.hrw.org/news/2017/09/27/qatar-take-urgent-action-protect-construction-workers'> Qatar:
Take Urgent Action to Protect Construction Workers</a>., souligne la nécessité d’adopter d’urgence des actions pour améliorer la situation de tous les travailleurs du bâtiment et non seulement de ceux qui sont employés sur les chantiers de la Coupe du monde.
63. Dans la Résolution 2053 (2015), notre Assemblée a demandé à l’ensemble des organisations sportives internationales et nommément la FIFA et l’UEFA:
  • «à assurer que tout pays candidat à l’organisation d’événements sportifs majeurs s’engage à respecter, dans toutes les activités liées à l’organisation de l’événement et à son déroulement, les standards internationaux en matière de droits fondamentaux, y compris les normes de l’OIT»;
  • «à renforcer la coopération avec les organisations intergouvernementales pertinentes afin de promouvoir les droits de l’homme à travers le sport et d’encourager leur protection effective, en particulier à travers leurs programmes de développement».

– FIFA et les droits de l’homme

64. Je note avec satisfaction que les mesures adoptées par la FIFA vont au-delà de nos demandes et peuvent réellement servir de modèle à d’autres organisations internationales. Le document AS/Cult/Inf (2017) 15 rév et les tableaux y annexés contiennent une présentation des actions concrètes entreprises par la FIFA pour intégrer la prise en compte des droits de l’homme dans son système de gouvernance; je renvoie aussi à deux documents fondamentaux publiées par la FIFA en mai 2017 concernant sa politique en matière des droits de l’homme et sa mise en œuvre 
			(18) 
			<a href='http://resources.fifa.com/mm/document/affederation/footballgovernance/02/89/33/12/fifashumanrightspolicy_neutral.pdf'>Politique
de la FIFA en matière des droits de l’homme</a>; <a href='http://r.pdf/'>FIFA Activity
Update on Human Rights</a> (disponible seulement en anglais).. Je me limiterai ici à souligner seulement quelques éléments particulièrement significatifs.
65. La FIFA a inscrit son engagement pour la promotion des droits de l’homme dans le nouvel article 3 de ses Statuts: «la FIFA s’engage à respecter tous les droits de l’homme internationalement reconnus et elle mettra tout en œuvre pour promouvoir la protection de ces droits». La FIFA a créé un Conseil consultatif des droits de l’homme, qui devra la conseiller dans ses efforts pour mettre en œuvre l’article 3 de ses Statuts 
			(19) 
			Ce
conseil consultatif a tenu sa première réunion les 13 et 14 mars
2017; voir le <a href='http://fr.fifa.com/governance/news/y=2017/m=3/news=reunion-du-conseil-consultatif-des-droits-de-l-homme-le-13-mars-2875487.html'>communiqué
de presse</a>.. Cette initiative est prometteuse et nous pourrions explorer les possibilités de collaboration avec ce Conseil sur des questions telles que la protection des mineurs ou la lutte contre le racisme et la discrimination.
66. En mai 2017, le Conseil de la FIFA a décidé d’intégrer les droits de l’homme dans le processus d’appel d’offres pour la Coupe du Monde 2026 de la FIFA. Le nouveau guide de la procédure de candidature vient d’être publié. Le modèle d’Inscription des candidatures («Bidding Registration»), qui figure en annexe du «Règlement de la FIFA sur la procédure de sélection de l’hôte de la compétition finale de la Coupe du Monde de la FIFA 2026», prévoit dans son article 8.2 que «[l]a ou les associations membres doivent respecter les droits de l’homme internationalement reconnus, y compris les droits des travailleurs, dans tous les aspects de leurs activités en rapport avec la procédure de candidature, conformément aux Principes directeurs des Nations Unies [relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme]». Il sera exigé des soumissionnaires et du ou des pays hôtes sélectionnés qu’ils s’engagent publiquement à respecter les droits de l’homme internationalement reconnus conformément auxdits Principes directeurs des Nations Unies dans tous les aspects de leurs activités relatives à l’accueil et à l’organisation de la compétition et à présenter une stratégie en matière de droits de l’homme et un schéma comportant une évaluation détaillée des risques et un ensemble de mesures pour remédier aux incidences potentiellement négatives sur les droits de l’homme. Une évaluation initiale et une proposition de stratégie devront être remises par les soumissionnaires dans le cadre du processus d’appel d’offres. Les critères de droits de l’homme et les informations présentées par les soumissionnaires feront ensuite partie intégrante de l’évaluation de l’offre par l’administration de la FIFA.
67. En outre, la FIFA a commencé à intégrer des considérations de droits de l’homme dans les critères des appels d’offres pour ses autres tournois. De même, dans le cadre de ses relations commerciales, la FIFA inclut de façon systématique des conditions concernant les droits de l’homme dans les procédures d’appel d’offres.
68. Le premier objectif énuméré à l’article 2 des Statuts de la FIFA est «d’améliorer constamment le football et de le diffuser dans le monde en tenant compte de son impact universel, éducatif, culturel et humanitaire, et ce en mettant en œuvre des programmes de jeunes et de développement». Dans cet esprit, la FIFA prévoit d’investir $US 4 milliards ces dix prochaines années dans le développement du football (y compris le football féminin) par l’intermédiaire de ses 211 associations membres dans le cadre de son nouveau programme Forward et d’autres initiatives de financement. Je souhaite souligner que la FIFA a maintenant inclus des considérations concernant les droits de l’homme dans les règles du nouveau programme Forward. De plus, dans le cadre du programme «Football for Hope», la FIFA soutient un large éventail d’organisations non gouvernementales (ONG) s’attaquant aux problèmes sociaux de leurs communautés via le football et contribuant à la protection et à la promotion des droits de l’homme.

UEFA et les droits de l’homme

69. Je salue aussi les efforts de l’UEFA pour la promotion des droits de l’homme, dont le document AS/Cult/Inf (2017) 16 rév donne un aperçu. Je ne reprendrai ici que quelques exemples marquants.
70. L’UEFA a prévu l’obligation pour tout pays candidat à l’organisation d’événements sportifs majeurs de respecter les standards internationaux en matière de droits fondamentaux, dans toutes les activités liées à l’organisation de l’événement et à son déroulement. Concernant l’organisation de l’EURO, selon l’article 3.3 des «Exigences relatives au tournoi de l’EURO 2024»: «Les candidats ont l’obligation de respecter, de protéger et de mettre en œuvre les droits et les libertés fondamentales de l’être humain, et particulièrement les droits des enfants et des travailleurs, au cours de la procédure de candidature et, s’ils sont sélectionnés, jusqu’au démontage des installations de l’UEFA EURO 2024. (…) Afin de respecter au mieux les droits de l’homme, les candidats doivent viser à intégrer les droits de l’homme sur un plan culturel; anticiper les risques de violations des droits de l’homme; s’associer aux parties intéressées et mettre en œuvre des mesures de rapport et de responsabilisation.» En outre, le «Contrat d’organisation» prévoit le devoir pour l’association organisatrice d’encourager et de garantir le respect des droits de l’homme internationalement reconnus, et en particulier des droits de l’enfant, et de veiller à ne pas se rendre complice de violations desdits droits.
71. Dans le cadre de son programme de responsabilité sociale, l’UEFA soutient des activités qui traitent des problèmes sociaux à travers le football et a mis en place des partenariats avec des organisations qui contribuent par leur action à promouvoir les droits de l’homme, comme le réseau Football against racism in Europe (FARE). L’UEFA fait passer son message de tolérance zéro pour toute forme de racisme et de discrimination et pour plus de respect pour la diversité aussi par l’entremise de ses grandes compétitions: la Champions League, l’Europa League et l’UEFA EURO. L’initiative «#EqualGame» lancée en août 2017 dans le contexte de la campagne «Respect» est à saluer.
72. La lutte contre le racisme, l’intolérance et la discrimination sont au cœur de l’action du Conseil de l’Europe et de notre Assemblée; ainsi, j’aimerais que nous puissions réfléchir avec l’UEFA sur comment travailler ensemble dans ce domaine; j’espère que l’accord de coopération entre l’UEFA et le Conseil de l’Europe qui est à l’étude pourra donner aussi un cadre approprié pour une collaboration plus suivie entre l’UEFA et l’Assemblée parlementaire.
73. Je mentionnerai aussi le soutien de l’UEFA à des projets visant les enfants et à d’autres initiatives pour favoriser à travers le football la paix et la réconciliation, l’accès au football des personnes handicapées, l’intégration sociale et la réhabilitation des personnes sans-abri. Les montants affectés à ce type d’actions de «responsabilité sociale» sont (par rapport au budget de l’organisation) assez limités; le rapport financier indique un total de 4,8 millions d’euros pour 2015-2016. J’estime qu’il serait possible de faire un effort supplémentaire pour soutenir ces activités.
74. Néanmoins, il convient d’indiquer que l’effort financier de l’UEFA au titre de la responsabilité sociale comprend également les actions de sensibilisation, comme la production du spot «Equal Game» ou les panneaux autour des terrains de football («Respect», «No to Racism», «EqualGame», «UEFA Foundation»), soit l’utilisation à des fins éducatives d’espaces publicitaires (panneaux publicitaires et spots TV de 30 secondes diffusés à la mi-temps des rencontres) dont la valeur marchande serait d’environ 290 à 340 millions d’euros sur un cycle de quatre années.

3.2. La promotion de l’égalité des genres: les femmes dans le football et le développement du football féminin

75. Le rôle des femmes dans le monde du football est un thème auquel j’attache beaucoup d’importance, car dans ce domaine le football peut devenir un moteur des politiques d’égalité des chances et un puissant facteur du changement de mentalités, qui est nécessaire également en Europe.
76. Dans son rapport sur «La réforme de la gouvernance du football», notre commission a demandé à l’UEFA et à la FIFA d’encourager les candidatures féminines aux postes clés et de rechercher un effet d’entraînement sur les politiques d’égalité des genres dans les associations nationales (et dans le cas de la FIFA, dans les fédérations de football aussi). Là aussi, je me réjouis des efforts faits par les deux organisations.

– FIFA et la promotion de l’égalité des genres

77. Sur le plan interne, les nouveaux Statuts de la FIFA contiennent des dispositions qui visent directement la question de l’égalité des genres. Remarquablement, l’article 2.f fixe un nouvel objectif: «promouvoir le développement du football féminin et la pleine participation des femmes à tous les niveaux de la gouvernance du football». L’article 4 interdit toute discrimination fondée (entre autres) sur le genre et punit cette discrimination de suspension ou d’expulsion.
78. Un problème très concret que notre commission a identifié est celui de la faible représentation des femmes au sein des principaux organes de la FIFA, qui est le reflet d’une domination des hommes dans les structures tant des confédérations que des associations nationales. A cet égard, les Statuts de la FIFA demandent à chaque confédération d’élire au moins une femme au Conseil (article 33.5). Si une confédération ne respecte pas cette obligation, le siège reste vacant jusqu’à la prochaine élection des membres du Conseil 
			(20) 
			Dans le précédent Comité
exécutif, un seul siège était réservé aux femmes.. Le Conseil est chargé d’assurer une représentation correcte des femmes dans les commissions permanentes (article 39.4) et doit veiller à ce qu’elles soient correctement représentées dans les candidatures proposées au Congrès pour la présidence, les vice-présidences et les autres sièges des organes juridictionnels (article 52.2).
79. Le document «FIFA 2.0: une vision pour l’avenir du football» fixe comme objectif le doublement du nombre de joueuses de football à l’échelle mondiale, qui devrait donc passer à 60 millions d’ici 2026, grâce à l’élaboration et à l’application d’une stratégie de généralisation du football féminin. Un programme ciblé 
			(21) 
			<a href='http://resources.fifa.com/mm/document/footballdevelopment/women/02/79/97/02/fifa_ffldp_brochure_en_neutral.pdf'>FIFA
Female Leadership Development Programme</a>. a été conçu afin de repérer des femmes susceptibles de devenir de grandes dirigeantes dans le monde du football, de les soutenir et de leur permettre d’évoluer, tout en préconisant l’accès de femmes à des postes décisionnels de haut niveau dans le monde entier. Au sein des structures de la FIFA, une Division du football féminin a été créée afin d’élaborer et d’appliquer une stratégie commerciale et de développement du jeu féminin.

– UEFA et la promotion de l’égalité des genres

80. Les Statuts de l’UEFA ne contiennent pas de disposition de principe qui fixe l’objectif de promouvoir le football féminin et l’égalité des genres. L’égalité de genres est néanmoins l’une des priorités affichées par le nouveau Président de l’UEFA et son équipe.
81. Je voudrais insister sur la nécessité de garantir une représentation plus équilibrée du point de vue des genres au sein des différents organes collégiaux de l’UEFA. L’article 19 des Statuts dispose qu’au moins un membre du Comité exécutif et au moins l’un des membres européens du Conseil de la FIFA (tous élus par l’UEFA) soit une femme. En effet, à l’heure actuelle il n’y a qu’une seule femme dans le Comité exécutif et une seule femme désignée comme membre du Conseil de la FIFA. Je ne dispose pas d’indications sur la composition actuelle d’autres commissions de l’UEFA, mais sur les 19, seulement deux sont présidées par une femme; j’estime qu’on peut mieux faire.
82. L’UEFA doit également continuer de promouvoir un changement de culture dans l’ensemble des associations nationales de football d’Europe. A cet égard, il est important de souligner que l’UEFA a lancé un programme spécifique à long terme pour la promotion des femmes aux postes de direction du football européen: le «Women in Football Leadership Programme». Ce programme vise à identifier les femmes ayant le potentiel pour assumer des fonctions dirigeantes et à les aider à développer leurs compétences, pour leur permettre de se rapprocher des postes de direction. En outre, les femmes occupant déjà des postes à responsabilités se verront offrir plus de soutien dans leur fonction.
83. L’UEFA perçoit le développement du football féminin comme un enjeu stratégique pour le développement du football et vise à le promouvoir aussi en tant que facteur d’évolution sociale. Une nouvelle initiative, la campagne «Together #WePlayStrong», qui vise principalement les filles entre 13 et 17 ans, a pour but de transformer la perception du football féminin et d'encourager la pratique de ce sport par les jeunes filles, afin que le football devienne le sport féminin numéro un en Europe d’ici l’année 2020.
84. Au niveau national, la stratégie de l’UEFA repose sur la mise en œuvre de programmes de participation locale par l’ensemble des 55 fédérations membres (que l’UEFA soutiendra dans leurs efforts) et vise à atteindre le public des jeunes filles et leur proposer des contenus adaptés à travers de nouveau canaux médiatiques, car elles ne consultent pas les médias utilisés habituellement pour la promotion du football masculin. Par ailleurs, l’UEFA collaborera avec un réseau de partenaires sponsors, afin de toucher un public encore plus large.
85. Ces initiatives sont à saluer; mais la croissance budgétaire exponentielle de l’UEFA devrait permettre d’utiliser un pourcentage plus élevé de ressources pour promouvoir le football féminin, notamment dans les pays dont les associations sont moins riches.

3.3. La protection des joueurs mineurs

86. La question de la protection des joueurs mineurs se pose principalement dans le cadre des transferts internationaux qui, outre le risque d’une véritable traite d’enfants, engendrent le déracinement des jeunes joueurs de leur pays et culture d’origine; mais cette question se pose aussi par rapport à la destinée incertaine de ces jeunes joueurs expatriés – et plus en général de tous les jeunes joueurs dont le rêve se brise – lorsqu’ils ne répondent pas aux attentes de leurs clubs, car tous ne deviennent pas des Lionel Messi ou des Cristiano Ronaldo.
87. Suite à un accord signé par la Commission européenne (aujourd’hui l’Union européenne), la FIFA et l’UEFA sur la révision du système des transferts internationaux de joueurs de football 
			(22) 
			«Accord entre la Commission
et la FIFA/l’UEFA sur les règles relatives aux transferts internationaux
de joueurs de football» (Bruxelles, 5 mars 2001, IP/01/314)., concernant aussi la question de la protection des mineurs, la FIFA a modifié la réglementation sur les transferts des joueurs et a renforcé la protection des mineurs à travers des amendements apportés en 2005 et 2009.
88. En particulier, le Règlement du statut et du transfert des joueurs de la FIFA établit, à l’article 19, que «en principe, le transfert international d’un joueur n’est autorisé que si le joueur est âgé d’au moins 18 ans». Il prévoit néanmoins quatre exceptions, dans les cas suivants:
  • les parents du joueur mineur s’installent dans le pays du nouveau club pour des raisons étrangères au football;
  • le cas des mineurs transfrontaliers; le nouveau club dans l’association voisine se trouve à une distance de 50 km maximum de la frontière et le domicile du joueurs est au plus à 50 km de la frontière nationale et à 100 km du nouveau club; les associations concernées doivent donner leur accord explicite;
  • le transfert à l’intérieur de l’Union européenne ou au sein de l’Espace économique européen (EEE), pour les joueurs âgés de 16 à 18 ans. Dans ce cas, le club d’accueil assume une série d’obligations impliquant, en substance, la mise en place d’un projet pour la formation sportive, l’éducation (scolaire, académique) et/ou la formation professionnelle et l’encadrement du mineur 
			(23) 
			En particulier, le
club est tenu de: fournir au joueur une éducation et/ou une formation
footballistique(s) adéquate(s) conforme(s) au plus haut standard
national; garantir au joueur une éducation académique, scolaire,
et/ou professionnelle, et/ou une formation qui lui permettra d’exercer
une autre profession s’il cesse de jouer au football comme professionnel; tout
mettre en œuvre afin d’offrir un encadrement optimal au joueur (hébergement
optimal dans une famille d’accueil ou dans le centre du club, mise
à disposition d’un tuteur au sein du club, etc.).; le club doit fournir à son association les preuves qu’il est à même de respecter ces obligations;
  • le joueur a vécu de façon continue dans le pays où le premier enregistrement est demandé pendant au moins les derniers cinq ans précédant l’introduction de la demande.
89. Sous réserve du respect de certaines conditions strictes, les transferts internationaux de joueurs réfugiés ou d’étudiants en échange scolaire peuvent être autorisés à titre exceptionnel.
90. Les dispositions de l’article 19 s’appliquent également au premier enregistrement d’un joueur mineur qui n’a pas la nationalité du pays dans lequel il demande l’enregistrement. Chaque transfert international et chaque premier enregistrement d’un joueur mineur «doivent être approuvés par la sous-commission créée à cet effet par la Commission du Statut du Joueur» (article 19.4). L’annexe 2 du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs précise la procédure de demande auprès de la sous-commission.
91. L’article 19bis du même Règlement a introduit des dispositions visant à garantir que tous les académies ou centres de formation – en relation avec un club ou autonomes – signalent à l’association nationale concernée tous les joueurs mineurs qui participent à leurs activités. Chaque association nationale doit tenir un registre où sont consignées toutes les déclarations émanant des clubs ou des académies, avec les noms et dates de naissance des mineurs. L’article 19 bis prévoit, à l’alinéa 6, que «[l]’art. 19 s’applique également aux déclarations des joueurs mineurs qui ne sont pas ressortissants du pays dans lequel ils souhaitent être déclarés».
92. L’article 7.8 du Règlement sur la collaboration avec les intermédiaires renforce la protection des mineurs, en interdisant aux joueurs et aux clubs de rémunérer un intermédiaire dont les services sont sollicités pour un joueur mineur: «Les joueurs et/ou les clubs qui ont recours aux services d’un intermédiaire dans le cadre de la négociation d’un contrat de travail et/ou d’un accord de transfert ne peuvent effectuer de paiement en faveur dudit intermédiaire si le joueur concerné est mineur (…)»
93. En 2015, le Comité Exécutif de la FIFA a décidé de réduire de 12 à 10 ans la limite d’âge à partir de laquelle un certificat international de transfert – obtenu en en faisant la demande via le système de régulation des transferts internationaux (Transfer Matching System – TMS) – est obligatoire. Cette décision a été prise pour renforcer la protection des mineurs, vue l’augmentation du nombre de transferts internationaux impliquant des joueurs âgés de moins de 12 ans.
94. La FIFA surveille les transferts internationaux grâce à son TMS, un outil en ligne mis en place pour encourager et conserver la transparence du marché des transferts internationaux. Depuis 2009, l’utilisation du TMS est obligatoire pour toutes les demandes de transfert international de joueur mineur ou pour le premier enregistrement d’un mineur dans un pays autre que le sien. Une filiale de la FIFA, FIFA TMS GmbH, enquête sur les violations potentielles de la réglementation de la FIFA et porte certains cas devant la Commission de Discipline de la FIFA. Cette dernière a sanctionné, en avril 2014, la Real Federación Española de Fútbol (RFEF) et le club espagnol du FC Barcelone pour des infractions relatives au transfert international et à l’enregistrement de joueurs âgés de moins de 18 ans.
95. Pour la Commission de Discipline de la FIFA, la protection des mineurs dans le contexte des transferts internationaux est une question sociale et juridique importante qui concerne tous les acteurs du football et l’intérêt de la protection du développement sain et approprié d’un mineur dans son ensemble doit prévaloir sur les intérêts purement sportifs.
96. C’est justement au nom de la primauté de l’intérêt des mineurs qu’il convient de réfléchir sur comment continuer à améliorer le système de protection. A ce stade, au lieu de fixer de nouvelles normes au niveau global, il me semble plus important, d’une part, d’assurer le respect de celles qui existent et, d’autre part, de les compléter par des mesures au niveau national visant surtout l’accueil et l’accompagnement des joueurs mineurs. Il y a à cet égard – me semble-t-il – une responsabilité qui incombe directement aux clubs, aux associations nationales et aux confédérations, selon les compétences respectives.

4. La gouvernance du football et l’éthique: les affaires ou les valeurs?

97. Sans argent le sport ne saurait se développer et remplir sa fonction sociale; en conséquence, il faut se réjouir que l’économie du football soit prospère. Néanmoins, trop d’argent tue le sport et il me semble que le football soit à cet égard le sport le plus à risque.
98. Lors de l’audition que notre commission a tenue le 22 mai 2017, nous avons évoqué plusieurs questions, en partie interconnectées, y compris:
  • la transparence des flux financiers (par exemple, des montants versés au titre des programmes de développement) et le suivi de leur utilisation;
  • la propriété des joueurs, question qui est liée à celle des transferts et qui, nonobstant les nouvelles normes adoptées par la FIFA ne semble pas résolue en pratique; à cet égard, le président de la FIFA, M. Infantino, a déclaré au Congrès extraordinaire de l’UEFA réuni à Genève le 20 septembre 2017 que s’occuper du système de transferts – qui pour lui engendre aujourd’hui une «course folle» (rat race) –pour faire face à l’escalade des dépenses et rendre le système plus transparent est une responsabilité commune;
  • le fair-play financier est un autre sujet lié aux transferts, qui redevient d’actualité après les nouveaux records établis par le marché des transferts de l’été 2017 (près de 65 000 transactions dans le monde, pour un montant total de dépenses s’élevant à près de 5 milliards d’euros) et les prix astronomiques payés pour les transferts de trois joueurs: Neymar (passé du FC Barcelone au Paris Saint Germain pour 222 millions d’euros) Kylian Mbappé (passé de Monaco au Paris Saint Germain pour 180 millions d’euros) et Ousmane Dembélé (passé du Borussia Dortmund au FC Barcelone pour 150 millions d’euros);
  • les écarts croissants entre le niveau des diverses ligues et (surtout) entre grands et petits clubs;
  • la solidarité entre football professionnel et amateur;
  • les agents et intermédiaires, soit la question de savoir s’il conviendrait de les soumettre à un statut spécifique, pour un meilleur encadrement professionnel (y compris concernant le niveau des rémunérations et leurs responsabilités).
99. Une autre question, à laquelle les partenaires de la FIFPro attachent beaucoup d’importance, est celle du statut et de la protection des droits des joueurs; tous ne sont pas millionnaires et, bien au contraire, loin des feux des projecteurs et inaperçus par les médias et le grand public, nombreux sont ceux qui vivent dans des situations de précarité. Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue deux problèmes épineux: le trucage des matchs et le dopage. Nous avons abordé ces questions dans deux rapports distincts, mais il y a encore beaucoup à faire et on pourrait songer à les reprendre.
100. J’ajouterai trois autres questions sensibles:
  • la première concerne le rôle que les clubs, les associations nationales et l’UEFA peuvent et doivent jouer pour lutter – à côté des autorités publiques – contre le phénomène de l’évasion fiscale dans le monde du football, que les «Panama papers» et le livre «Football Leaks» ont mis en évidence;
  • la deuxième porte sur les accords passés entre les organisations sportives – y compris la FIFA et l’UEFA – et les États hôtes des événements sportifs majeurs; ces accords introduisent des clauses d’exception par rapport au droit commun notamment, mais pas seulement, en prévoyant des exemptions fiscales. La Cour des comptes française, dans son rapport sur l’organisation de L’EURO 2016, est très critique et parle d’«accords exorbitants du droit national» 
			(24) 
			Le rapport sur «Les
soutiens publics à l’EURO 2016 en France» ainsi qu’une synthèse
de ce rapport sont accessible par la page <a href='https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-soutiens-publics-leuro-2016-en-france'>https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-soutiens-publics-leuro-2016-en-france</a>.;
  • enfin, une question clé transversale est celle des interconnections entre le sport, la politique, l’économie et les média. L’ignorance ou la mauvaise compréhension des influences réciproques entre ces quatre dimensions est un obstacle à la recherche efficace de solutions.
101. Une analyse de toutes ces questions déborderait le cadre du présent rapport. Mais ces thèmes sont d’une importance majeure et, pour cette raison, mon intention est de présenter tout de suite une nouvelle proposition de résolution, afin que notre commission puisse continuer son travail en collaboration avec la FIFA, l’UEFA, l’EPFL, l’ECA et la FIFPro. A cet égard, j’ai également inséré dans le projet de résolution un appel à la FIFA et à l’UEFA, afin que ces organisations prennent l’initiative d’établir une table de travail pour discuter de ces questions parmi d’autres. L’Assemblée pourrait, je l’espère, y être associée.

5. Conclusions

102. Le football est bien plus que de marquer des buts, remporter des victoires et des titres. Le sport en général et le football en particulier, comme sport le plus populaire et le plus universel, doit se baser sur des valeurs comme le fair-play, le respect et la tolérance entre autres. Pour transmettre ces valeurs aux sportifs et aux supporters, il faut que les instances dirigeantes, aux niveaux local, national et international donnent le bon exemple et fassent preuve d’un comportement irréprochable, ce qui malheureusement est loin d’être le cas.
103. Manipulations, prises d’influence, corruption, blanchiment d’argent entre autres sont à l’ordre du jour. Souvent des considérations d’ordre géopolitique influencent des prises de décision. Malgré les efforts louables qui ont été menés pour adapter les procédures, il faut constater que souvent, en pratique, elles restent lettre morte. Ainsi l’indépendance des organes de contrôle, un facteur indispensable de bonne gouvernance, est gravement menacée.
104. Le football n’appartient à personne, il appartient à tout le monde. Partant de ce constat il est inéluctable que les autorités publiques prennent leurs responsabilités pour mettre un terme aux dérives et ceci dans l’intérêt du football. Le football ne peut pas être une zone de non droit. Il faut mettre un terme à la tendance de cacher, d’ignorer, de minimiser, de bagatelliser les dérives et la démesure. Toutes les parties concernées, à savoir les autorités publiques, le monde du football, les sponsors et la presse sportive doivent coopérer pour arriver à un changement de culture afin de vaincre les résistances et d’éviter ainsi que le football ne s’autodétruise. Notre Assemblée doit prôner ce changement de culture.

5.1. L’influence du politique sur le sport et l’indépendance des organes de contrôle

105. Un premier pas nécessaire est d’éviter une influence politique indue sur les décisions des organisations sportives. La relation entre la politique et le sport mérite d’être reprise et approfondie dans le cadre d’un rapport futur. Néanmoins, il me semble nécessaire d’insister déjà dans ce rapport sur la nécessité d’inclure dans les Statuts de la FIFA et de l’UEFA une règle explicite interdisant à un membre d’un gouvernement de siéger au sein de leurs organes décisionnels. La même situation existe ou peut exister dans d’autres organisations, y compris le CIO. Les Statuts des organisations sportives internationales doivent prévoir qu’aucun membre de gouvernement (voire aucune personne ayant une charge au sein des structures gouvernementales) ne puisse siéger dans leurs organes décisionnels.
106. Une deuxième question, que je considère cruciale pour soutenir durablement la bonne gouvernance des organisations sportives, est celle de l’indépendance des organes de contrôle. Au nom de l’autonomie, le sport devrait s’autoréguler et s’autocontrôler tout en respectant le droit commun. Or force est de constater que certaines fédérations sont dans l’incapacité de s’autoréguler. La présence au sein de ces organisations d’organes de contrôle indépendants peut être une réponse, mais seulement à condition que cette indépendance soit réelle.
107. Pour éviter des malentendus, je précise tout de suite qu’il ne s’agit pas de contrôler si les règles du jeu sont appropriées. Je considère que cela doit rester dans le champ de l’autonomie sportive. Je me pose, par contre, la question de savoir s’il est acceptable que les dirigeants des grandes organisations sportives puissent décider à loisir des montants des salaires, des indemnités, des bénéfices économiques qu’ils s’octroient, distribuer l’argent du sport sans un contrôle efficace de son utilisation, nommer ceux qu’ils veulent aux places stratégiques, y compris à la tête des organes qui sont chargés de les contrôler.
108. Le cœur du problème est, me semble-t-il, de savoir qui propose et choisit les membres des organes «indépendants». Il va de soi que, si l’organe se veut «indépendant», les membres de ces organes doivent être des personnalités indépendantes, c’est-à-dire des personnalités sur lesquelles les décideurs des organisations sportives n’ont aucune espèce de contrôle; en conséquence les organes de direction ne peuvent pas jouer un rôle aussi important dans leur nomination et leur révocation.
109. La question des contrôles indépendants est une question sensible qui touche tout le monde sportif; ainsi, elle est aussi traitée dans le cadre du rapport de notre collègue M. Mogens Jensen «Vers un cadre pour une gouvernance sportive moderne» 
			(25) 
			Voir Doc. 14464.. Je propose que l’Assemblée demande aux instances de l’Union européenne de créer un observatoire international indépendant afin de mettre en place des mécanismes de contrôle portant sur des aspects de gouvernance des organismes de football ainsi que d’autres organisations sportives en mettant l’accent entre autres sur l’éthique et l’intégrité des élections. Ceci ne conférera pas le pouvoir à cet observatoire de gouverner le sport, mais de veiller à ce que les principes de bonne gouvernance soient effectivement appliqués.

5.2. Le football et les droits de l’homme, la protection des mineurs et l’égalité

110. La FIFA et l’UEFA ont fait dans ce domaine des progrès qu’il convient de saluer. Si dûment mises en œuvre, les mesures que ces deux organisations ont adoptées sont de nature à les placer à l’avant-garde en ce qui concerne la prise en compte de la dimension «droits de l’homme» dans l’ensemble des activités sportives et commerciales d’une organisation sportive internationale. Maintenant, il faudra assurer la mise en œuvre de ces nouvelles mesures et notamment instaurer un contrôle efficace du respect des obligations que les pays candidats à l’organisation des grandes compétitions de football devront assumer.
111. Il est indispensable que la protection des droits de l’homme soit assurée non seulement à l’égard de ceux qui travaillent pour construire les infrastructures de la Coupe du Monde ou contribuent autrement à son organisation, mais à tous les citoyens d’un pays candidat. Ainsi je propose de demander à la FIFA qu’elle incite les autorités qataries à assurer que les normes de bien-être des travailleurs s’appliquent à tous les travailleurs du bâtiment et non seulement à ceux qui sont employés sur les chantiers des stades pour la Coupe du monde.
112. Je propose de demander à la FIFA et à l’UEFA:
  • d’insister auprès des gouvernements des pays hôtes sur la nécessité de sauvegarder les droits civils et politiques fondamentaux, et en particulier la liberté d’expression – y compris la liberté des médias – et la liberté de réunion pacifique, et cela non seulement en relation avec leurs compétitions mais au-delà;
  • d’assurer que tous les cas de manquements graves aux droits de l’homme, y compris les droits des travailleurs, par des sociétés privées impliquées dans l’organisation de leurs compétitions, à commencer par celles qui construisent les stades et les infrastructures, soient rendus publics et que des sanctions effectives soient appliquées lorsque les mesures de suivi recommandées par les organes de contrôle ne sont pas mises en œuvre; les gouvernements des pays hôtes doivent assumer cette responsabilité.
113. Nonobstant l’attention portée par la FIFA à la question des transferts des joueurs mineurs et les règles et procédures existant à cet égard, le risque est que pour des adolescents, voire pour des enfants, le rêve du football puisse se transformer en cauchemar. Pour cette raison, je propose à la FIFA et l’UEFA de réfléchir en collaboration avec le Groupe d'experts du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA), sur des mécanismes et mesures nécessaires pour stopper la chaîne de «transferts forcés» de joueurs mineurs, qui relève de la traite des êtres humains.
114. Il faut, d’une part, assurer le respect des normes qui existent pour prévenir un véritable commerce d’enfants et, d’autre part, compléter ces normes par des mesures au niveau national visant surtout l’accueil et l’accompagnement des joueurs mineurs. Cette responsabilité incombe non seulement à la FIFA mais aussi directement aux clubs, aux associations nationales et aux confédérations, selon leurs compétences respectives.
115. A cet égard, je suggère que la FIFA et l’UEFA réfléchissent avec les autres parties prenantes sur différentes mesures:
  • élaborer une «charte» applicable au niveau confédéral, ayant pour but de promouvoir des bonnes pratiques visant à prévenir tout mauvais traitement moral ou physique causé à un sportif mineur et qui pourrait peut-être devenir un modèle pour d’autres confédérations, voire pour d’autres sports;
  • renforcer les mécanismes de contrôle du respect de l’obligation de déclaration (et de rapport) prévu à l’article 19bis du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs, avec une attention particulière aux mineurs étrangers;
  • élargir à d’autres cas et aux pays non Union européenne (du moins dans le cadre de l’UEFA) l’obligation du double projet sportif et scolaire/professionnel que l’article 19 du même règlement prévoit pour les transferts au sein de l’Union européenne/EEE des joueurs âgés de 16 à 18 ans;
  • même en l’absence d’une obligation formelle au niveau global, promouvoir l’adoption par toutes les associations nationales de mesures s’inspirant des 10 recommandations pour l’accueil d’un jeune mineur étranger de l’Union des clubs professionnels de football (UCPF) française 
			(26) 
			Les
clubs professionnels de Ligue 1 et Ligue 2, sous l’égide de l’Union
des clubs professionnels de football (UCPF), ont adopté́ en 2009
10 recommandations pour encadrer l’accueil d’un jeune mineur étranger
dans un club. Les recommandations adoptées ont précisément pour
objectif de proposer les meilleures pratiques afin de sécuriser
le déplacement, l’accueil, le séjour et le retour des jeunes étrangers
en stage en France. Il s’agit notamment de: 
			(26) 
			1. accueillir
le jeune en stage d’initiation sur la base de critères préalablement
détermines et s’informer de son passé sportif. 
			(26) 
			2.
s’assurer de la fiabilité́ des intermédiaires/accompagnants 
			(26) 
			3.
envoyer une lettre d’invitation au consulat de France du pays d’origine
et, le cas échéant, au club d’origine. 
			(26) 
			4. recueillir
un accord et une décharge parentale. 
			(26) 
			5. veiller à
demander la photocopie du passeport et du visa. 
			(26) 
			6.
contrôler les billets d’avion aller-retour. 
			(26) 
			7. prendre
en charge une assurance en responsabilité́ civile et en dommages
corporels. 
			(26) 
			8. organiser une visite médicale par le
médecin du club. 
			(26) 
			9. prendre en charge l’hébergement
et les frais du joueur lors de son séjour au club. 
			(26) 
			10.
organiser l’accompagnement du joueur à l’aéroport à l’aller comme
au retour..
116. Je voudrais proposer également que les programmes de soutien – comme le programme Forward de la FIFA – soient conçus de manière à soutenir non seulement le développement du football en soi, mais aussi le développement humain des joueurs, ce qui les aiderait à améliorer leurs compétences et aptitudes générales dans la vie, tout en renforçant leurs capacités sportives. Je voudrais en particulier encourager les efforts d’éducation et de formation professionnelle des joueurs. Il faut que les jeunes footballeurs reçoivent non seulement une formation sportive mais également une éducation et une formation professionnelle leur permettant de s’insérer dans le monde du travail après leur carrière de footballeurs.
117. A cet égard, j’estime que la responsabilité principale devrait être assumée par les clubs et des règles plus détaillées pourraient être prévues à cet égard par les associations nationales; mais il y a sans doute un rôle de promotion et peut-être de définition de standards minima que la FIFA au niveau global et l’UEFA au niveau européen devraient jouer, en agissant en concertation avec la FIFPro et l’ECA. FIFA et UEFA pourraient initier un processus de réflexion sur cette question.
118. Par ailleurs, l’UEFA devrait avoir pour objectif accroître progressivement les montants destinées à soutenir des projets éducatifs mis en œuvre au niveau national. A ce sujet, les programmes de solidarité de l’UEFA entrent en ligne de compte. 
			(27) 
			Ces programmes, et
notamment Hat Trick, sont
financés à partir de deux sources différentes de recettes nettes:
les produits de l’EURO de l’UEFA et les produits des principales
compétitions interclubs de l’UEFA, à savoir la Champions League
et l’Europa League. Le rapport financier 2015-2016 fait état de
payements de solidarité pour un total supérieur à 312,3 millions
d’euros. L’UEFA pourrait affecter des pourcentages plus élevés de ressources à la promotion:
  • du football des jeunes en général;
  • du football féminin en particulier (actuellement les paiements incitatifs annuels au titre de la mise en œuvre du UEFA Women Development Programme sont au maximum de € 100 000 par association, sur un total maximum de € 1 025 000;
  • de la bonne gouvernance des associations nationales (actuellement les paiements incitatifs annuels au titre de la mise en œuvre du UEFA Good Governance Programme sont au maximum de € 100 000 par association, sur un total maximum de € 1 025 000);
  • du programme leadership pour les femmes au niveau national.
119. Par ailleurs, grâce à l’augmentation significative des recettes des deux compétitions interclub (soit plus de 2 160 millions d’euros net déduction faite des coûts directs d’organisation des compétitions) l’UEFA a pu dégager un montant de 198,7 millions d’euros (qui est part du résultat net de l’exercice) que l’UEFA destine spécifiquement au «football européen», ce qui comprend, entre autres, le financement d’activités de développement du football et d’éducation. Il résulte du rapport financier que la «contribution au football européen» représente le 8,2 % des recettes des compétitions interclubs. L’UEFA pourrait augmenter cette contribution à 10 % et réserver l’augmentation au soutien des projets éducatifs lancés au niveau national.
120. Concernant la promotion de l’égalité des genres au sein des institutions sportives, je souhaite faire un appel pour accroître les efforts afin de corriger les déséquilibres. Même si cela est évidemment un problème général, j’estime que le football peut et doit jouer dans ce domaine un rôle de modèle.
121. Je ne suis pas une partisane des quotas pour les femmes, car j’estime que cela donne parfois l’impression d’un déni des compétences et des qualités professionnelles que les femmes ont et dont elles font preuve lorsqu’on leur donne la possibilité d’accéder à des postes à responsabilité. Néanmoins, il faut promouvoir le changement de culture et de mentalité et il faut accélérer le processus de résorption du retard existant dans un milieu – celui du football et de ses dirigeants – traditionnellement monopole des hommes.
122. Je souhaite donc reprendre une suggestion que notre Commission a formulé dans son rapport précédent et demander à la FIFA et à l’UEFA de promouvoir l’adoption par toutes les fédérations sportives nationales des règles statutaires afin d’assurer, dans leurs comités exécutifs et commissions permanentes, une représentation féminine au moins proportionnelle au nombre de licenciées, avec un nombre minimum de places réservées aux femmes dans tous les cas. L’efficacité d’une telle approche est liée à un processus de développement du football féminin. Dès lors, la FIFA et l’UEFA, devraient utiliser un pourcentage plus élevé de leurs ressources pour promouvoir le football féminin, notamment dans les pays dont les associations sont moins riches. Dans le cadre européen, il serait intéressant d’étudier à cet égard des formes de collaboration entre l’UEFA les associations nationales.

5.3. Œuvrer ensemble pour une meilleure gouvernance du football

123. Dernière question mais non la moindre: pour être plus efficaces, les institutions du football devraient travailler ensemble et nous devrions travailler avec eux. A cet égard, j’ai formulé trois propositions, à savoir que notre Assemblée:
  • invite la FIFA et l’UEFA à prendre l’initiative d’établir une table de travail pour discuter de ces questions et d’autres en indiquant qu’elle est prête à y participer et en demandant d’y associer la Commission européenne;
  • demande aux instances de l’Union européenne de créer un observatoire international indépendant afin de mettre en place des mécanismes de contrôle portant sur des aspects de gouvernance des organismes de football ainsi que d’autres organisations sportives en mettant l’accent entre autres sur l’éthique et l’intégrité des élections; ceci ne conférera pas le pouvoir à cet observatoire de gouverner le sport, mais de veiller à ce que les principes de bonne gouvernance soient effectivement appliqués;
  • demande aux autorités publiques de se concerter avec les organismes sportifs internationaux et plus particulièrement avec la FIFA et l’UEFA afin de veiller à ce que le droit commun soit appliqué également en ce qui concerne les questions financières et fiscales.

5.4. Remerciements

124. Je tiens à remercier les interlocuteurs qui m’ont aidée à mieux comprendre le fonctionnement et les dysfonctionnements des instances du football: les dirigeants de la FIFA, de l’UEFA, de l’EPFL, de l’ECA et de la FIFPro, ainsi que de nombreux experts indépendants et journalistes.
125. Pour terminer, je voudrais citer une phrase de Rafael Buschmann – journaliste au magazine allemand Der Spiegel et auteur de nombreux livres liés au sport – qui décrit bien l’impact du football: «Le football est un cinéma d’émotion, ce qui est parfois difficile à comprendre. On y pardonne, hait et pardonne à nouveau, plus vite que dans la vie normale. Une victoire, une défaite, un but peut tout changer.»