1. Introduction
1. Les conflits armés en Europe
et ailleurs cristallisent régulièrement l’attention sur le sort
des enfants qui sont inexorablement pris dans la tourmente. Ils
réduisent à court terme les chances de ces derniers de vivre une
enfance heureuse et de se développer dans un environnement sûr,
les empêchent à moyen terme de grandir et de devenir des adultes
en bonne santé ayant une vie épanouie et compromettent à long terme l’émergence
d’États stables où les individus peuvent vivre et travailler en
paix. À cet égard, la guerre en Syrie a récemment fait l’objet d’une
attention accrue, notamment du fait de ses conséquences géopolitiques
et de la crise des réfugiés à laquelle elle a contribué, dont les
effets se sont fait durement ressentir dans de nombreux pays voisins
et européens.
2. Par l’intermédiaire des médias, ce conflit en particulier
s’est incarné dans le «visage d’un enfant»: en 2016, Omran Daqneesh,
un enfant syrien de cinq ans, est devenu le symbole de la souffrance
de la population d’Alep et de tous les enfants touchés par la guerre.
Cependant, nous ne devons pas oublier que, même en Europe, plusieurs
régions sont encore le théâtre de ce que nous pourrions appeler
des «conflits non-résolus» ou «gelés» ou de «situations de post-conflit»,
souvent suite à des guerres ou des conflits armés.
3. Le but de ce rapport n’est pas d’examiner chaque conflit en
détail, ni d’incriminer l’une des parties en présence, mais uniquement
d’attirer l’attention sur le sort des enfants pris au piège de ces
situations. Je souhaite rappeler dans quelle mesure ces dernières
peuvent affecter leur vie quotidienne et l’équilibre de leur développement.
Pour nous, parlementaires, l’inquiétude à l’égard de ces enfants
ne doit pas seulement nous conduire à exprimer notre compassion;
elle doit aussi nous encourager à agir pour les protéger réellement, notamment
en contribuant à la prévention et à la résolution des conflits armés
partout où nous le pouvons, en renforçant la protection des enfants
se trouvant dans des situations de conflit et en leur offrant un
accueil, une prise en charge et un soutien une fois qu’ils ont quitté
les zones de guerre et de conflit armé. Il est inutile de préciser
que la situation d’autres groupes vulnérables et d’adultes mérite
une attention égale, mais se trouve en dehors du champ de ce rapport
spécifique.
2. La question en jeu – les
différentes façons dont les enfants sont touchés par les conflits
armés
4. Étant donné leur vulnérabilité,
les enfants sont touchés par les conflits armés de maintes façons.
Outre qu’ils ont, sur les enfants victimes, des effets physiques
et psychologiques qui menacent leur vie, la guerre et les conflits
privent trop souvent les enfants de leurs parents ou d’autres personnes
qui s’occupent d’eux, mais aussi de services sociaux élémentaires,
de soins de santé et d’éducation, de conditions de vie saines, d’eau et
de nourriture. Les enfants souffrent des conflits armés en tant
que témoins de la mort et de la violence, des événements hautement
traumatisants qui peuvent leur laisser pour toujours d’intenses
sentiments de peur et de défiance. Enfin, en particulier dans des
contextes socio-économiques marqués par la pauvreté, l’exclusion sociale,
l’inégalité des chances et la discrimination, des enfants et des
jeunes sont régulièrement recrutés, y compris en Europe, pour devenir
des combattants ou des enfants soldats.
2.1. Les enfants touchés par
la guerre et fuyant les zones de conflits en tant que réfugiés ou personnes
déplacées à l’intérieur du pays
5. Des chiffres récents nous aident
à comprendre à quel point les enfants sont touchés par les conflits armés:
plus de 250 000 personnes, dont des milliers d’enfants, ont perdu
la vie au cours des cinq années de guerre en Syrie, d’après les
données publiées par les Nations Unies en 2016
. On estime que 11 millions de Syriens
ont fui leur foyer depuis le début de la guerre civile en mars 2011.
Fin 2016, 13,5 millions de personnes dans le pays avaient besoin
d’une aide humanitaire. Selon le Haut-Commissaire des Nations Unies
pour les réfugiés (HCR), 4,8 millions de personnes avaient fui vers
la Turquie, le Liban, la Jordanie, l’Égypte et l’Irak, et l’on comptait
6,6 millions de personnes déplacées à l’intérieur de la Syrie. Par
ailleurs, environ un million de Syriens avaient demandé asile en
Europe (les deux principaux pays d’accueil étant l’Allemagne et
la Suède)
.
6. Au Yémen, autre pays en conflit qui fait régulièrement l’objet
de reportages dans les médias, les enfants font partie des premières
victimes du conflit qui a de nouveau éclaté en mars 2015 entre une
coalition internationale soutenant le président et le mouvement
rebelle houthi
. Le pays, déjà confronté à une pauvreté généralisée,
à l’insécurité alimentaire et à l’absence de services de santé avant
le conflit, compte désormais plus de 2,2 millions de personnes déplacées,
tandis que 70 % de sa population a besoin d’une forme d’aide humanitaire.
Le conflit a causé directement la mort de près de 4 000 civils,
dont 1 332 enfants, alors que des milliers d’autres dépérissent
en raison des privations provoquées par le conflit et de l’épidémie
de choléra qui a été confirmée par les autorités sanitaires en octobre 2016.
L’UNICEF estime que plus de 460 000 enfants sont en état de malnutrition
sévère au Yémen, tandis que 3,3 millions d’enfants ou de femmes
enceintes ou allaitantes souffrent de malnutrition aiguë. Le nombre
d’enfants non scolarisés a atteint les 2 millions, et 350 000 autres
enfants ont vu leur école fermer. Les infrastructures de distribution
et d’assainissement des eaux du pays ont été dévastées, ce qui représente
de graves risques sanitaires. En raison d’un manque cruel de financements,
l’UNICEF et d’autres organisations internationales ont des difficultés
à assurer même les services les plus élémentaires en matière de
santé, d’éducation et de protection en 2017
.
7. Outre la Syrie et le Yémen, beaucoup d’autres pays et de régions
du monde sont concernés, et l’Europe ne devrait pas s’en désintéresser.
Dans son rapport annuel de 2015 sur les enfants et les conflits
armés, le Secrétaire général des Nations Unies a évoqué la mise
en œuvre de plans d’action spécifiques dans les pays suivants: Afghanistan,
République démocratique du Congo, Myanmar, Somalie, Soudan du Sud,
Soudan, Yémen et Philippines. Dans ce rapport, les Nations Unies
ont examiné 20 situations de conflits au sein de 14 pays et ont
dressé une liste des nombreuses parties à des conflits qui se sont
rendues coupables de cinq principales violations des droits humains
à l’égard des enfants: 1) recrutement et utilisation d’enfants; 2) meurtre
ou atteinte à leur intégrité physique; 3) viol et autres formes
de violences sexuelles; 4) attaque d’écoles ou d’hôpitaux; et 5) enlèvement.
Il y est établi que les enfants ont été la cible directe d’actes
de violence infligés à des civils ou à des communautés, les séparant
souvent de leur famille. Bon nombre d’entre eux ont été recrutés
comme enfants soldats, avant d’être considérés comme représentant
un risque en matière de sécurité, puis d’être placés en détention
et de faire l’objet de poursuites, au lieu d’être confiés à des organisations
civiles de protection de l’enfance ou de se voir proposer une aide
pour leur réinsertion dans la société
.
8. Encore tout récemment, des comptes rendus parus dans les médias
ont montré au monde entier à quel point les enfants sont victimes
des conflits armés et violents menés et alimentés par des adultes
en raison de différences et intolérances ethniques ou religieuses
et auxquels ils n’ont aucune chance d’échapper: des histoires atroces
nous parviennent presque chaque semaine du Myanmar, où des enfants
innocents de la minorité rohingya sont tués dans ce que les autorités
de l’État considèrent comme une lutte contre le terrorisme, mais
qui se révèle dans les faits être un nettoyage ethnique
. Rien que depuis la mi-août 2017,
plus de 400 000 enfants et familles rohingya auraient fui au Bangladesh,
selon les organisations des droits de l’homme
. Les femmes et les enfants sont
aussi parmi les premiers à souffrir des combats qui se poursuivent contre
Daech en Irak, où les agences internationales de protection de l’enfance
préviennent du danger extrême dans lequel se trouvent des dizaines
de milliers d’enfants au moment où les forces irakiennes et celles
de la coalition lancent une offensive contre le bastion de Daech
dans la ville de Haouija
. La communauté internationale doit
user de son influence partout où elle le peut pour s’assurer que
ces conflits prennent fin et, dans l’intervalle, que les civils
et les enfants en particulier soient protégés dans toute la mesure
du possible.
9. L’Europe est elle-même également concernée par plusieurs «conflits
non résolus» ou «gelés» ou par des «situations de post-conflit».
Dans l’est de l’Ukraine, où la guerre se poursuit et où les affrontements militaires
ont encore empiré depuis le début 2017
, plus de 1,5 million de personnes,
dont un tiers d’enfants, ont été déplacées ces dernières années
. En février
2016 déjà, l’UNICEF avait attiré l’attention sur la situation critique
des enfants dans la troisième année de guerre dans l’est du pays,
estimant que les vies de plus de 580 000 enfants en étaient directement
affectées
. En 2017, de nouveaux éléments sont
venus confirmer que les plus de 200 000 enfants vivant le long de
la «ligne de contact» continuent tout particulièrement de payer un
lourd tribut et qu’ils ont besoin d’un soutien psychologique. Pour
leur part, les experts de l’UNICEF regrettent que ce conflit soit
devenu dans l’intervalle une espèce de «crise invisible» de tous,
excepté de ceux qui sont contraints de supporter toujours et encore
les violences, les abus et les privations.
10. D’autres régions situées dans le périmètre du Conseil de l’Europe
sont concernées à des degrés divers par des conflits armés, comme
par exemple l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud, la Transnistrie et le
Haut-Karabakh. Ces régions peuvent être prises comme exemples ici
car, comme dans tout conflit, beaucoup d’enfants subissent les conséquences
de ces conflits non résolus qui ont entraîné des déplacements massifs
de population dans ces régions. Dans le cas du Haut-Karabakh, les
tensions persistantes le long de la ligne de contact ont, à de nombreuses
occasions, provoqué des explosions de violence, au cours desquelles,
dans les deux camps, des civils innocents, dont des enfants, ont
malheureusement perdu la vie. À la suite des plus récents accrochages,
les corapporteurs de l’Assemblée chargés du suivi de l’Arménie et
de l’Azerbaïdjan ont rappelé la nécessité pour les deux pays de
résoudre leurs différends pacifiquement
. L’Assemblée a adopté plusieurs
résolutions sur les conflits mentionnés plus haut, dans lesquelles
elle a appelé toutes les parties à honorer leurs obligations en
tant qu’États membres du Conseil de l’Europe s’agissant de ces conflits,
mais la paix n’a hélas pas encore été rétablie
.
2.2. Les enfants victimes de
violences, de traumatismes et de privations
11. D’après l’organisation non
gouvernementale (ONG) internationale Save the Children
, les conséquences de la guerre
et des conflits armés sont dramatiques pour les enfants: bon nombre
d’entre eux meurent dans des conflits ou sont handicapés à vie;
jusqu’à 80 % des victimes de violence sexuelle dans les pays en
conflit sont des enfants, en particulier des filles; des établissements
de santé et des écoles sont pris pour cible dans de nombreux pays
et sont détournés à des fins militaires; de nombreux enfants sont
privés de scolarisation, déplacés à l’intérieur de leur pays ou
placés dans des centres de détention. Comme mentionné auparavant,
dans les périodes troublées, outre tous les préjudices corporels
qui leur sont infligés par les bombardements ou les tirs d’artillerie,
les enfants courent plus de risques d’être victimes de toutes sortes
de violences. Alors que certains sont contraints de prendre part
au conflit, de tuer ou de commettre des attentats-suicides et d’autres
actes de violence, d’autres sont incités à intégrer des groupes
armés, poussés par la pauvreté ou le désespoir
.
D’autres encore sont réduits en esclavage, font l’objet d’abus sexuels
ou sont exploités par les forces armées.
12. Des éléments émanant de sources diverses démontrent que les
enfants qui sont touchés par des conflits armés et qui y sont confrontés,
ainsi que ceux qui sont témoins de violences, ne peuvent pas se
développer convenablement et s’épanouir pleinement. Il leur est
non seulement impossible de se rendre à l’école, celle-ci pouvant
même être fermée ou détruite, mais ils doivent souvent faire face
à la perte de membres de leur famille, c’est-à-dire de personnes
qui leur apportaient protection et soins. Ainsi, les enfants se
trouvent à un très jeune âge en butte à des situations traumatisantes
et doivent trouver par eux-mêmes des moyens de survivre. Comme indiqué
plus haut, nombreux sont ceux qui doivent fuir les zones de conflits,
avec leur famille ou seuls, pour arriver dans des pays lointains,
devenant des réfugiés ou des migrants coupés de leurs racines, d’autres
membres de leur famille et de leur environnement quotidien familier.
13. Dans un contexte de guerre et de conflit, de nombreux enfants
connaissent une sorte de «normalisation» de la violence. Cette situation
peut entraîner une radicalisation politique et une transmission de
la violence entre générations. Ces dernières années, celle-ci a
été constatée en Irlande du Nord, où «l’impact transgénérationnel
de l’exposition aux traumatismes liés à des conflits» a été examiné
dans le cadre du projet de recherche «Vers un avenir meilleur» lancé
par la Commission nord-irlandaise pour les victimes et les survivants
.
14. Les pays en conflit manquent régulièrement des services de
base, comme le relève aussi Save the Children dans plusieurs pays;
dans certains cas, les services sont même complètement interrompus
et la population n’est plus en mesure d’acheter des biens de consommation
courante, comme au Soudan du Sud, où le conflit dure depuis plus
de 20 ans; dans ce pays, plus de 20 000 enfants ont été recrutés
par les forces armées et plus de 10 000 ont été séparés de leur
famille et sont désormais non accompagnés.
15. En Syrie, de nombreux enfants font l’objet de recrutements
forcés, sont soumis à des risques d’explosion, à des violences sexuelles
ou à l’obligation de travailler, ou encore sont exploités dans l’ensemble du
pays. Pour bon nombre d’entre eux, la violence est en effet devenue
une expérience «normale» et le taux de détention des enfants est
en hausse. Cependant, les principales conséquences sur leur vie
apparaissent sous la forme de troubles de la santé mentale, comme
le montre le dernier rapport publié par Save the Children en 2017:
les bombardements et les tirs d’artillerie sont la première cause
de stress psychologique dans la vie quotidienne des enfants; ils
deviennent plus nerveux et angoissés, et souvent plus agressifs;
de nombreux enfants souffrent d’énurésie, un symptôme de stress
toxique, et d’état de stress post-traumatique (ESPT); d’autres commencent
à consommer des drogues pour faire face au stress, au deuil des
membres de leur famille ou à la tristesse; enfin, on considère que
l’interruption de leur scolarité a de profondes répercussions sur
la vie des enfants
.
2.3. Besoins particuliers des
enfants migrants et réfugiés qui arrivent en Europe
16. En ce qui concerne les besoins
particuliers des enfants migrants et réfugiés qui arrivent en Europe,
notre commission a eu l’occasion d’en apprendre davantage lors de
l’audition tenue à Bakou grâce au rapport détaillé présenté par
une psychologue venant de Berlin (Allemagne)
qui travaille avec cette catégorie d’enfants,
dont des migrants et des réfugiés venant de Syrie, d’Irak, d’Iran,
d’Afghanistan, d’Érythrée, de Somalie, du Nigeria, de Turquie, de
la Fédération de Russie, d’Ukraine et de la République de Moldova.
Le soutien psychologique nécessaire aux réfugiés dans l’ensemble
de l’Europe semble immense: l’Allemagne à elle seule a accueilli
plus de 1,2 million de réfugiés au cours des deux dernières années
(dont environ un tiers d’enfants), ce qui représente un défi pour
les autorités publiques à tous les niveaux, y compris les pouvoirs locaux,
les organisations de la société civile et les bénévoles.
17. En particulier, les femmes et les enfants qui arrivent en
Europe sont fortement traumatisés et souffrent d’anxiété, d’insomnie,
d’un sentiment d’impuissance et de fatigue chronique. Il est compliqué
de leur apporter une aide psychologique, car les besoins des enfants
et des adultes sont à la fois très différents et interconnectés:
alors que les enfants souffrent de la perte de membres de leur famille
ou craignent que cela ne leur arrive, l’état psychologique des parents
a aussi un impact sur les enfants. Les préoccupations des enfants
sont souvent négligées en raison de problèmes plus urgents, tels
que la mort du père de famille, les procédures de demande d’asile
ou l’absence d’un hébergement décent et sûr. Afin de protéger les
enfants, des familles tout entières doivent être soutenues dans
leur fonctionnement et pour leur cohésion. Les délais d’attente
importants des procédures de demande d’asile, qui comprennent l’enregistrement,
les entretiens et l’attente d’une éventuelle reconnaissance, semblent
souvent générer une forte inquiétude chez les familles. Au cours
de ce processus, celles-ci doivent souvent rester longtemps dans
des hébergements d’urgence provisoires, et donc dans des lieux non
sécurisés ou qui ne sont pas adaptés aux enfants, qui ne leur permettent
pas de préserver leur intimité et dans lesquels il existe des tensions
entre familles et entre groupes ethniques.
18. Étant donné que les enfants ont un mécanisme de protection
«intégré» qui leur permet de se détacher des expériences traumatisantes
et de dissocier les différentes sphères de leur vie, ils trouvent
généralement refuge dans des écoles maternelles ou primaires au
sein desquelles ils sont pris en charge et peuvent jouer et oublier.
Les professionnels en contact avec ces enfants ont besoin d’un soutien
et d’une formation spécifiques, notamment pour développer leur propre
résilience, pour éviter de briser les mécanismes de protection des enfants
et pour créer un environnement «normal» à leur proposer.
19. D’après la psychologue que notre commission a entendue, le
principal objectif des professionnels en contact avec des enfants
réfugiés n’est pas de leur faire oublier la terreur qu’ils ont vécue
mais de l’intégrer dans leur vie quotidienne et de trouver des manières
de l’exprimer. En règle générale, les enfants semblent beaucoup
plus réceptifs à ces approches que les adultes qui les entourent,
car ceux-ci ont souvent honte ou craignent les préjugés ou les conséquences
négatives de leurs actes ou de leurs propos. À l’instar des autres patients
souffrant de traumatismes, les réfugiés présentent souvent des signes
de dépression et certains d’entre eux ont un risque de suicide plus
élevé. En plus de l’intervention médicale et psychologique, une
vraie «culture d’accueil» et une véritable solidarité seraient nécessaires
dans le cadre de politiques migratoires coordonnées.
20. Nous pouvons assurément retenir de ces enseignements que l’éducation
et les activités éducatives fondées sur le jeu seront des moyens
essentiels d’atteindre et de soutenir les enfants qui ont souffert
de la guerre et des conflits armés d’une quelconque façon. De nombreuses
ressources existent à cette fin et beaucoup de pays ont gagné en
expérience dans ce domaine au cours des dernières années
; il conviendrait donc d’engager un
processus d’apprentissage au niveau international, avec la participation
d’acteurs des systèmes éducatifs nationaux et d’agents de la protection
de l’enfance pour qu’ils partagent leur expérience.
2.4. Les enfants de retour après
avoir été recrutés ou utilisés comme enfants soldats ou après avoir
vécu des expériences violentes
21. Dans le monde entier, de nombreux
enfants sont recrutés comme enfants soldats et contraints de prendre
part aux hostilités, par exemple au Nigéria, où des groupes terroristes
comme Daech et Boko Haram utilisent des enfants pour commettre des
attentats-suicides, mais aussi au Congo ou en Afghanistan. En Europe,
la question des enfants soldats n’est pas aussi pertinente, même
si des pratiques quelque peu contestables peuvent être observées
dans certains pays
.
22. Cependant, les stratégies de protection de l’enfance doivent
prévoir d’offrir un accueil et un soutien aux enfants qui ont combattu
dans des conflits armés avant d’arriver en Europe en tant que réfugiés,
ainsi que d’empêcher, en premier lieu, les jeunes Européens de participer
à des conflits qui ont lieu dans d’autres pays: il arrive régulièrement
que des enfants et des jeunes souffrant de pauvreté et d’exclusion
soient séduits par l’idée de rejoindre des groupes terroristes comme
Daech dans leur lutte pour la création d’un «État islamique», ces
derniers leur faisant croire que cet engagement leur donnera le
but social qu’ils recherchent, comme j’en ai déjà fait état en ma
qualité de rapporteure sur le thème «Prévenir la radicalisation
d’enfants et de jeunes en s’attaquant à ses causes profondes», dont
l’aboutissement a été l’adoption de la
Résolution 2103 (2016) de l’Assemblée.
23. Au lieu d’incriminer les enfants et les jeunes de retour d’un
conflit, il est nécessaire de leur offrir un soutien dans leur réadaptation,
leur rééducation et leur réinsertion dans les sociétés européennes.
Cela est également valable pour les enfants qui sont nés dans des
territoires contrôlés par Daech, et qui constituent un groupe de
victimes à part. Après avoir été régulièrement témoins de viols,
d’actes de torture ou de meurtres (ou même après y avoir participé),
ils ont très souvent des comportements agressifs et font preuve
d’un faible niveau d’empathie, font des cauchemars et ont des problèmes
neurologiques ou de concentration. Leur perception de leur place
dans le monde est altérée, et les martyrs ou les commandants qu’ils
considèrent comme des modèles les conduisent à redéfinir leurs devoirs
moraux et leur notion du «bien» et du «mal». Des experts estiment
qu’une durée minimale de deux ans de travail quotidien avec des
travailleurs sociaux, des psychothérapeutes, des enseignants et
d’autres professionnels est nécessaire pour donner à ces enfants
une chance de mener une vie normale, fondée sur la sécurité, la
stabilité et l’orientation
.
2.5. Conséquences pour les sociétés
dans leur ensemble et leur stabilité
24. En matière de protection de
l’enfant, de nouveaux problèmes se posent également compte tenu
des changements de stratégie militaire. Les tactiques récentes consistent
à gommer les différences entre combattants et non-combattants en
dissimulant des combattants au sein de la population, en violation
des conventions de Genève. Par conséquent, le recours aux bombardements
aériens et aux tirs d’artillerie non ciblés est une pratique de
plus en plus courante qui tue essentiellement des civils, dont de
nombreux enfants. C’est ainsi que dans nombre de conflits récents,
les combattants s’attaquent directement aux maisons, hôpitaux et
infrastructures éducatives, portant ainsi atteinte au fonctionnement
de la société dans son ensemble. L’utilisation d’écoles à des fins
militaires et les attaques menées contre des bâtiments scolaires
sont très préoccupantes car elles accroissent considérablement les
risques pour les enfants (exposés notamment à des engins explosifs
qui, laissés derrière eux par les combattants, n’ont pas encore
explosé).
25. Outre certains des effets directs sur les enfants mentionnés
précédemment, les conflits armés ont aussi les conséquences suivantes:
- ils compromettent l’émergence
de sociétés sûres et stables en réduisant les chances des enfants
de se développer dans des pays sûrs. La peur ou la colère peuvent
empêcher les enfants, habitués à réagir sur un mode violent, de
mener une vie normale, les rendant dangereux pour eux-mêmes et pour
la société. Au niveau individuel, on peut dire que les enfants subissent
un «lavage de cerveau», et à un niveau plus collectif, on observe
la transmission des conflits d’une génération à l’autre, comme évoqué plus
haut;
- les conflits armés ont des répercussions et des conséquences
importantes, notamment en raison des dépenses publiques élevées
consacrées à l’armement. La reconstruction des sociétés, l’indemnisation des
préjudices causés aux villes et à la population, ainsi que les actions
de réinsertion et de soutien en faveur des victimes de conflits
représentent un coût considérable pendant de nombreuses années.
Les personnes traumatisées et handicapées, y compris les enfants,
ont besoin de soins médicaux et psychologiques, parfois pendant
toute leur vie.
3. La protection des enfants
par la loi – manque de respect pour les normes internationales
26. La communauté internationale
est convenue de considérer l’enfant, c’est-à-dire tout être humain
âgé de moins de 18 ans, comme une personne ayant des besoins particuliers
et dont l’intérêt supérieur doit toujours primer
.
Malgré ce consensus en droit international, les enfants restent
des victimes majeures des conflits armés du fait de leur jeunesse,
de leur dépendance et de leur vulnérabilité, qu’ils souffrent des
conséquences de la guerre ou deviennent les agents des hostilités,
en tant qu’enfants soldats par exemple.
27. En vertu du droit international, les enfants doivent être
protégés de tout danger, quelle que soit leur situation. En cas
de conflit armé, les enfants bénéficient de la protection générale
accordée aux civils par la loi et d’une protection spéciale selon
les principes fondamentaux des conventions de Genève
. La Convention des Nations Unies relative
aux droits de l’enfant (UNCRC) le rappelle dans son article 38(4):
«Conformément à l’obligation qui leur incombe en vertu du droit
humanitaire international de protéger la population civile en cas de
conflit armé, les États Parties prennent toutes les mesures possibles
dans la pratique pour que les enfants qui sont touchés par un conflit
armé bénéficient d’une protection et de soins.» Les droits de l’enfant
sont également abordés de façon spécifique dans le Protocole facultatif
à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication
d’enfants dans les conflits armés (entré en vigueur en 2002), qui
vise à empêcher le recrutement d’enfants soldats, et dans lequel
il est énoncé à l’article 2: «Les États Parties veillent à ce que
les personnes n’ayant pas atteint l’âge de 18 ans ne fassent pas
l’objet d’un enrôlement obligatoire dans leurs forces armées.
» Des orientations juridiques et stratégiques
de base relatives aux enfants soldats figurent en outre dans les
Principes directeurs relatifs aux enfants associés aux forces armées
ou aux groupes armés de 2007 («Principes de Paris»)
.
28. Toutefois, les nombreuses et graves violations des droits
de l’enfant lors de conflits armés passés et présents montrent que
la communauté internationale ne remplit pas, jusqu’à présent, sa
mission de protection des enfants. Cet état de fait a été confirmé
à notre commission par Save the Children, une organisation très présente
sur le terrain dans de nombreux pays
.
D’après cette ONG, le cadre juridique international visant à protéger
les enfants en temps de guerre est assez solide; pourtant les enfants
sont plus vulnérables aujourd’hui qu’ils ne l’étaient il y a dix
ans. Les conflits sont devenus plus internationaux, différents acteurs
ont recours à des formes extrêmes de violence et agissent dans un
non-respect consternant du droit international et des institutions
qui veillent à son application.
29. Face au constat terrifiant de ces chiffres et de ces violations
des droits humains, je tiens à rappeler qu’il est de notre devoir,
en tant que représentants politiques, de garantir une protection
effective de tous les enfants. Il est donc nécessaire de concevoir
et mettre en œuvre des mesures politiques ciblées pour assurer la
protection des enfants alors que les conflits continuent de faire
rage. À cet égard, pas plus tard qu’en septembre 2016, dans le cadre
des fonctions de rapporteure générale de l’Assemblée parlementaire
sur les enfants que j’occupais alors, j’ai appelé les gouvernements
européens à intensifier leur action pour protéger et soutenir les
enfants concernés par le conflit armé en Syrie, notamment à Alep
où, à ce moment-là, 100 000 enfants vivaient dans la zone de conflit
et subissaient encore les bombardements des forces armées.
30. Les enfants sont parmi les groupes les plus vulnérables et
sans défense dans les conflits mondiaux qui perdurent, et leur sort
doit faire l’objet, de la part des pays européens où règnent encore
la prospérité et la paix, de toute l’attention requise si l’on ne
veut pas que les guerres qui déchirent actuellement de nombreux
pays engendrent une génération perdue. Bien que certains conflits
aient lieu dans des pays qui semblent lointains, l’Europe est directement
concernée par leurs répercussions (par exemple par les flux de réfugiés
et de migrants) et ne peut ignorer la responsabilité qui lui incombe
de protéger les plus vulnérables, y compris en les accueillant et
en leur proposant la protection et les soins dont ils ont besoin.
4. Des mesures à prendre d’urgence
– une meilleure protection des enfants touchés par les conflits armés
31. Bien qu’il existe un grand
nombre d’instruments juridiques et de programmes, les droits de
l’enfant sont encore trop souvent bafoués dans les conflits armés
du monde entier et dans le traitement de leurs conséquences, ce
qui met en lumière l’écart important qui subsiste entre les engagements
pris par les États Parties et leur mise en œuvre. C’est, je crois,
un écart qu’il faut combler d’urgence et à divers niveaux d’intervention,
notamment en appelant une nouvelle fois tous les États membres du
Conseil de l’Europe à respecter leurs obligations en vertu du droit
international et européen, ainsi qu’à élaborer des politiques nationales
efficaces dans leur domaine de compétence.
32. Outre le fait de mettre un terme aux conflits armés et de
reconstruire les sociétés, l’amélioration de la protection des enfants
implique d’identifier les différentes manières dont ceux-ci sont
touchés par les conflits et les lacunes dans les systèmes de protection
à cet égard à divers niveaux (mondial, européen, national et local).
Il est en outre nécessaire d’affermir la volonté politique au sein
de la communauté internationale et parmi les gouvernements nationaux,
afin de débloquer des ressources financières suffisantes pour renforcer
les programmes de protection de l’enfance et mettre en place des
moyens judiciaires adéquats pour lutter contre l’impunité.
33. Les acteurs européens n’ont pas toujours les pouvoirs d’intervenir
directement pour protéger les enfants dans des lieux lointains,
comme Alep ou Sanaa, lorsque des hôpitaux ou des écoles sont attaqués,
ou pour prévenir de telles attaques. En tant que parlementaires
de la Grande Europe, nous devons donc, d’une part, reconnaître les
limites de l’action européenne à l’égard de ces conflits, et, d’autre
part, stimuler les efforts consentis par nos gouvernements respectifs,
pour contribuer à la résolution politique de tels conflits et à
leur future prévention, notamment dans l’intérêt des enfants. Les
gouvernements, dans l’ensemble de l’Europe et dans le monde entier,
doivent adopter des positions cohérentes concernant les conflits
qui ont lieu dans des pays éloignés, par exemple en s’abstenant
de condamner publiquement les conflits, d’un côté, tout en permettant
la livraison d’armes à grande échelle à des parties à ces conflits,
ces transactions bénéficiant à leur propre économie nationale. Ils
doivent en outre davantage favoriser les conceptions centrées sur
l’enfant au sein des parties aux conflits pour empêcher le recrutement
et l’utilisation d’enfants soldats, par exemple en soutenant la
criminalisation de ce recrutement et de cette utilisation des enfants,
en encourageant l’élaboration de mécanismes de contrôle indépendants
et en renforçant les capacités des systèmes de justice pénale
.
34. Partout où il est impossible, pour les acteurs européens,
d’intervenir directement pour prévenir les conflits ou y mettre
un terme, il nous faut soutenir les enfants touchés par des conflits
armés par tous les moyens possibles, notamment en améliorant les
conditions de vie et le niveau de protection des enfants, en soutenant
la réadaptation et la réinsertion dans la société des enfants soldats
lorsqu’ils sont de retour d’un conflit armé, ainsi qu’en mettant
en œuvre des mesures en faveur des enfants réfugiés qui arrivent
en Europe ou qui sont déplacés à l’intérieur de pays européens.
35. D’après les experts internationaux réunis lors de la Conférence
de Wilton Park en octobre 2016 (comprenant les représentants de
divers États, organisations internationales et ONG), une protection
efficace des enfants face à l’extrême violence doit traiter trois
aspects essentiels: la prévention du recrutement des enfants et
leur réinsertion dans la société, la prévention et la lutte contre
les graves violations des droits humains (les enlèvements et l’exploitation,
par exemple) et les répercussions des conflits armés sur tous les enfants
.
36. L’aide qui doit être apportée aux réfugiés ou aux personnes
déplacées à l’intérieur de leur pays consiste notamment à offrir
des services de base par l’intermédiaire d’organismes publics à
divers niveaux, tels qu’un hébergement, de la nourriture et des
soins de santé, mais aussi une action éducative et un soutien psychosocial
et logistique pour leur intégration. En Azerbaïdjan, à la suite
du cessez-le-feu conclu en 1994 au Haut-Karabakh, 50 000 réfugiés
et familles déplacées à l’intérieur du pays ont été logés dans le
cadre de programmes nationaux et de projets locaux, et des écoles
maternelles et primaires ainsi que des centres de réadaptation ont
été mis à leur disposition. Bien que ces programmes aient eu des
effets positifs sur de nombreux enfants, ceux qui ont vécu dans
les hostilités du passé sont maintenant devenus des parents qui transmettent
encore leurs propres traumatismes à leur progéniture. Les enfants
et les adolescents, même s’ils ne sont plus directement victimes
de ces hostilités, ont encore très souvent besoin d’une assistance psychologique
ou d’autres formes de soutien. Il peut s’agir d’activités de loisirs
qui créent des expériences positives pour eux et qui les soulagent
d’une partie du stress qu’ils peuvent ressentir dans leur environnement. Depuis
de nombreuses années, des experts ont proposé de mettre en place
des projets d’intégration rassemblant des enfants issus des différentes
parties au conflit, ce qui serait un premier pas vers une coexistence
pacifique des générations futures
.
37. Pour mieux protéger les enfants touchés par les conflits armés
de diverses manières, il est nécessaire de mettre en œuvre une approche
plus centrée sur les enfants. Il est capital de répondre aux besoins
des enfants, de leurs familles et des communautés pour leur offrir
une protection immédiate, prévenir la participation des enfants
aux conflits et les aider à se reconstruire après des expériences
violentes. La prise en compte des vecteurs de vulnérabilité des
enfants, notamment le manque de perspectives, le manque d’accès
à l’éducation, la militarisation de leur environnement, la corruption
et les abus de pouvoir, ainsi que les expériences d’injustice et
de discrimination, permettra de renforcer la stabilité socio-économique
des sociétés dans leur ensemble et contribuera à prévenir l’exploitation
des enfants
.
Il convient que toutes les parties prenantes gardent à l’esprit
cette approche globale lorsqu’elles examinent le problème des enfants
et des conflits armés en Europe ou ailleurs.
5. Conclusions
et recommandations
38. Les situations terribles dans
lesquelles se trouvent les enfants aux prises avec la guerre et
les conflits armés dans de nombreux pays du monde appellent à mener
rapidement des actions efficaces à tous les niveaux en commençant,
néanmoins, par le plus haut niveau de responsabilité, à savoir les
gouvernements et les parlements nationaux. Elles exigent aussi la
mise en œuvre de stratégies globales fondées sur une volonté politique
et un engagement des autorités publiques, qui définissent clairement
les responsabilités des différentes parties prenantes et qui soient
conscientes de leurs possibilités et de leurs limites en matière d’intervention.
J’appellerai les parlements de tous les États membres du Conseil
de l’Europe à placer le problème «des enfants et des conflits armés»
au premier rang de leurs préoccupations politiques et d’examiner cette
question afin de trouver des solutions efficaces pour les conflits
récents, en cours ou imminents.
39. En me fondant sur certaines des contributions d’experts les
plus précieuses présentées au cours de l’audition organisée par
la commission des questions sociales tenue lors de sa réunion du
1er juin 2017 à Bakou (Azerbaïdjan),
sur mes propres recherches sur la question et sur un échange de
vues très instructif tenu lors de la réunion de la commission du
19 septembre 2017 à Paris, je recommande que les États membres du Conseil
de l’Europe prennent les mesures suivantes:
- investir dans la prévention des conflits et de la participation
des enfants: la communauté internationale dispose des outils et
de l’expérience pour prévenir les conflits à venir, mais les instruments internationaux
continuent d’être bafoués et violés de façon tout à fait scandaleuse
– dans de nombreux cas, le premier élément qui s’oppose à l’établissement
et au maintien de la paix, et à la promotion d’un développement
socio-économique durable des pays impliqués dans des conflits, est
manifestement la volonté politique;
- intervenir pour mettre fin aux conflits en cours: toutes
les parties à un conflit et les parties tierces qui se sont engagées
d’une façon ou d’une autre dans un processus d’instauration de la
paix ces dernières années doivent tenir leurs engagements et continuer
à faire de leur mieux pour parvenir à un règlement pacifique des
conflits, évitant ainsi de faire davantage de victimes innocentes
parmi la population civile, notamment des enfants. La manière la
plus efficace de protéger les enfants est d’éviter et de régler
les conflits, et de maintenir la paix. Les pays qui ne sont pas
directement touchés par les conflits peuvent aussi œuvrer en ce
sens par l’intermédiaire de leurs engagements internationaux, au
niveau des Nations Unies, par exemple ;
- axer l’éducation des enfants et des jeunes sur des approches
non violentes pour mettre fin à la culture de l’agression et du
conflit: là où le conflit ne pouvait pas être évité, il faut rendre
les enfants et les jeunes résilients à la transmission de la violence
d’une génération à l’autre; ils doivent grandir dans une culture du
dialogue positif qui remplace le conflit armé comme moyen de surmonter
des différences substantielles entre les nationalités ou les groupes
ethniques. La diplomatie internationale, entre les pays et au sein
d’organisations comme le Conseil de l’Europe ou l’Organisation pour
la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), joue un rôle décisif
dans ce domaine, mais il est également possible de faire de grands
progrès grâce aux activités pour la jeunesse et aux activités de
terrain menées auprès des enfants et des jeunes, que ce soit au
niveau international ou de ces organisations ;
- renforcer les mécanismes de protection de l’enfance et
de soutien à tous les niveaux: il convient d’accroître l’aide sociale
accordée à chaque enfant et aux familles, à la fois au sein des
pays en conflit et des pays qui accueillent des réfugiés. Les perspectives
socio-économiques pour les enfants et leurs familles doivent être
améliorées dans leur pays d’origine comme dans les pays d’accueil
des réfugiés. Les organisations internationales et les ONG qui travaillent
sur le terrain dans les pays en conflit ont besoin d’un soutien
gouvernemental et financier pour faciliter leur accès aux enfants
qui doivent être protégés, ainsi que pour garantir la continuité
des programmes conformément aux normes internationales (pour ce
qui est du nombre de personnes chargées de s’occuper d’un nombre
donné d’enfants, par exemple);
- soutenir les enfants soldats et d’autres enfants impliqués
de façon active dans des conflits et les aider à se réadapter: les
enfants qui ont été recrutés comme enfants soldats par la force
doivent être traités comme des mineurs et non comme des délinquants
adultes . Ils ne doivent pas être placés dans
des centres de détention mais confiés à des organisations de protection
de l’enfance qui agissent aussi pour qu’ils se réinsèrent dans le
système éducatif traditionnel et sur le marché du travail, et qu’ils
retrouvent une vie sociale normale. Les enfants qui ont connu la
guerre et les conflits armés doivent eux-mêmes être impliqués dans
des actions de consolidation de la paix si les circonstances s’y
prêtent (pour éviter un nouveau traumatisme). Il conviendrait de
promouvoir des programmes œuvrant en ce sens auprès de toutes les
parties à des conflits dans le monde;
- accueillir et soutenir les enfants qui ont quitté des
zones de conflit: les enfants réfugiés, migrants et déplacés dans
leur propre pays ayant vécu des situations violentes ou traumatisantes
doivent bénéficier d’une aide spécialisée lorsqu’ils arrivent en
lieu sûr, y compris dans divers pays d’Europe. Les professionnels
qui prennent ces enfants en charge doivent recevoir une formation
spéciale pour éviter de créer un nouveau traumatisme et de briser
leurs barrières de protection naturelles, et se mettre en condition
de créer de nouvelles expériences de vie positives pour eux. Dans
l’intérêt des sociétés européennes, cela est également valable pour
les enfants et les jeunes qui sont revenus de territoires contrôlés
par Daech, où les enfants subissent un «lavage de cerveau» en profondeur;
ils ne doivent pas être traités comme des criminels mais comme des
enfants victimes de maltraitance.
40. Dans le traitement de ces questions relatives à la protection
des enfants touchés par des conflits armés, les acteurs européens
doivent garder à l’esprit qu’ils agissent dans un contexte extrêmement
complexe. Même lorsque leurs interventions dans des conflits en
cours ou leurs stratégies antiterroristes partent d’une bonne intention
à long terme, elles ne sont pas forcément toujours en adéquation
avec les besoins immédiats de protection des enfants. Les combats
contre certaines parties à un conflit affectent souvent la population
civile, donc également des enfants. Il est par conséquent nécessaire
de réaliser des analyses très complètes de ce problème et d’adopter
les approches les plus sensibles, qui vont de la participation d’experts
internationaux à l’examen des spécificités, des histoires et des
questions locales. Dans l’ensemble de l’Europe et du monde, on observe
régulièrement que les élites politiques des États fragiles cherchent
essentiellement à asseoir leur pouvoir et à le conserver, mais ne
s’intéressent pas aux règles de droit international en matière de
protection des enfants; pour protéger ces derniers de manière plus
efficace et durable, les professionnels doivent pouvoir travailler
très localement et au niveau des communautés
.