1. Introduction:
remerciements, buts et origines
1. Les récents scandales ayant
éclaboussé le monde du sport ont terni l’image du sport international.
Non seulement nous entendons parler presque quotidiennement d'activités
criminelles comme le dopage, la manipulation de résultats sportifs,
la corruption, les malversations financières, les cas d'évasion
fiscale, les paris illégaux, la violence et les discours racistes,
les relations douteuses entre le sport et les plus hauts niveaux
de la politique, etc. qui sont alléguées ou découvertes dans différentes
organisations, mais le monde a de plus en plus conscience que les
défaillances de la gouvernance internationale du sport sont par
nature systémiques et enracinées, et qu’il devient stratégiquement
urgent de moderniser les modalités de gouvernance des organisations
sportives.
2. En octobre 2015,
Play the Game/Institut
danois pour les études sur le sport a publié une étude intitulée « Sports
Governance Observer » («étude SGO 2015») consacrée à la crise de
légitimité de la gouvernance internationale du sport
, ce qui a incité à la rédaction du
présent rapport. J’ai voulu savoir pourquoi et comment – après tant
d’années consacrées à des discussions sur la bonne gouvernance dans
le sport, y compris au sein du Conseil de l’Europe
–
la gestion du monde du sport relève toujours de modèles archaïques
dépourvus des plus élémentaires structures démocratiques, du minimum
de principes de responsabilité et de transparence dans la prise
de décision; cette situation confère encore l’impunité aux personnes
ayant recours à des pratiques entachées de corruption.
3. Dès le début de mon mandat de rapporteur en mars 2016, j’ai
eu l’occasion de participer aux réunions du groupe de travail sur
la bonne gouvernance du sport chargé de préparer la 14e conférence
du Conseil de l’Europe des ministres responsables du sport tenue
le 29 novembre 2016 à Budapest, qui m’ont aidé à mieux comprendre
les défis énormes auxquels la gouvernance du sport est confrontée
aujourd'hui et les mesures pratiques que le mouvement sportif et
les gouvernements devraient prendre pour trouver des solutions.
4. Au niveau de la commission, dans le cadre de l’élaboration
du présent rapport, nous avons tenu cinq auditions importantes avec
des représentants de presque tous les groupes d’acteurs qui jouent
aujourd'hui un rôle essentiel dans la promotion des réformes de
la gouvernance du sport. Je tiens à les remercier tous pour leurs
contributions personnelles; leurs idées et suggestions sont bien
reflétées dans ce rapport. Je remercie en particulier M. Andreas
Selliaas, dont la première analyse d'experts a servi de base solide
pour la préparation de mon rapport, ainsi que M. Antonio de Marco,
qui est intervenu au stade final et a réalisé dans ce contexte une
étude comparative de 15 codes, normes ou principes fondamentaux
internationaux ou nationaux dans le but de simplifier les principaux
critères de bonne gouvernance dans le sport.
5. Par ailleurs, j’adresse également des remerciements particuliers
à Play the Game et son dynamique directeur international, M. Jens
Sejer Andersen, avec qui la sous-commission de l'éducation, de la
jeunesse et du sport a organisé le 3 avril 2017 à Aarhus, Danemark,
une audition publique commune intitulée «Acteurs ou spectateurs ?
Le rôle des responsables politiques dans la réforme de la gouvernance
du sport»; et à l’Accord partiel élargi sur le sport (APES) du Conseil
de l'Europe car sans leur soutien et coopération régulière, le rapport
n’aurait pas été le même.
6. Au cours de la phase préparatoire, le titre du présent document
a évolué, passant de «La crise de légitimité de la gouvernance internationale
du sport» qui faisait écho à l’étude SGO 2015, à un titre provisoire «Le
besoin d’une meilleure gouvernance internationale du sport», que
la commission a convenu de modifier lors de sa dernière réunion
pour parvenir à l’actuel intitulé «Vers un cadre pour une gouvernance
sportive moderne». Celui-ci reflète mon intention de me concentrer
avant tout sur la recherche de solutions pour améliorer la gouvernance
des organisations sportives internationales et sur le rôle crucial
que les gouvernements nationaux peuvent jouer lorsqu’ils introduisent
des normes et des exigences analogues au niveau national. Je suis
convaincu que les solutions présentées dans ce rapport constituent
un bon moyen d’aller de l’avant pour introduire un système progressif
et innovant de gouvernance du sport.
2. Le paysage changeant du monde du sport
7. Le sport connaît une évolution
très rapide. Il n'est plus seulement perçu comme une simple activité
de loisir qui contribue au bien-être personnel des individus, mais
comme un secteur économique d'une importance significative pesant
plusieurs milliards d’euros, qui crée des emplois et propose une
gamme toujours plus étendue de produits et de services
.
8. Dans le même temps, l’industrie du sport n’a jamais subi autant
de bouleversements
. Les deux secteurs qui l'influencent
le plus – la technologie et les médias – évoluent à une vitesse
record. Les médias audiovisuels connaissent une expansion inégalée,
mais la télévision linéaire enregistre une baisse de son audience
et de ses revenus. Les géants mondiaux de la technologie entrent
lentement mais sûrement sur le marché des droits sportifs. Les marques
disposent désormais de plus de canaux de communication avec les consommateurs,
ce qui réduit leur dépendance à l'égard du sponsoring. La concurrence
pour séduire de nouveaux publics est intense et ne cesse d'augmenter.
9. La mondialisation des médias perpétue la domination d'une
poignée de sports d'élite, alors que les événements sportifs se
multiplient dans le monde entier. Ces derniers génèrent un marché
et d'importantes opportunités commerciales. Cependant, les coûts
croissants de l'organisation de grands événements sportifs réduisent
l'intérêt des villes hôtes, dont les populations s’élèvent de plus
en plus contre le fait que l'argent public soit dépensé sans gains
durables à long terme.
10. Les nouvelles technologies transforment l'expérience des supporters
et leurs interactions avec le sport. Le développement rapide des
médias sociaux contribue largement à la «démocratisation» des modes traditionnels
de diffusion et de commercialisation du sport, en permettant à tout
le monde de s’exprimer. Aujourd'hui, les supporters ont la possibilité
d’entrer immédiatement en contact avec leurs joueurs ou sportifs préférés,
ainsi qu'avec les instances sportives via Twitter ou Facebook. Ils
peuvent engager instantanément le dialogue avec eux sur une base
personnelle. Une relation bidirectionnelle est en train d'émerger
à travers les médias sociaux, permettant au grand public de communiquer
sur le champ ses impressions mais aussi d'exiger plus des instances
dirigeantes et de ses idoles.
11. Le sport est donc plus que jamais exposé au regard scrutateur
du public, qui exerce une pression de plus en plus forte pour que
le sport devienne transparent et responsable. En particulier, les
milléniaux (ou génération Y) et les plus jeunes générations actives
sur les médias sociaux demandent aux instances dirigeantes des réformes
de la gouvernance sportive et expriment leurs préoccupations en
matière d'intégrité, etc. Ils souhaitent que le sport reflète les
valeurs auxquelles ils s'associent. Ce nouveau groupe émerge avec force
en tant que nouvel acteur clé dans le domaine de la gouvernance
et de l'intégrité du sport.
12. Ce groupe est également actif au plan politique et réagit
aux nombreux scandales et malversations signalés dans le monde du
sport presque tous les jours. En quelques minutes, toutes les nouvelles
peuvent être partagées entre les 1,86 milliard d'utilisateurs actifs
de Facebook, 1,2 milliard de WhatsApp et Messenger, 1 milliard d'utilisateurs
de YouTube ou les 328 millions d'utilisateurs de Twitter dans le
monde
. Chacun est en mesure d’afficher
ses réflexions et idées. Lorsqu'aucune mesure n'est prise, le public
s’en aperçoit immédiatement.
13. Je veux croire que les dirigeants des organisations sportives
internationales ont compris qu’il en est terminé des vieilles habitudes
consistant à prendre des décisions dans le plus grand secret ou
à acheter des votes pour obtenir des postes ou des lieux de compétition
et d'autres types de faveurs. Si le sport veut regagner la confiance
du public, toucher de nouvelles audiences et assurer des sources
de revenus, il doit s'adapter aux nouvelles réalités qui imposent
d’une part un contrôle public rigoureux et d’autre part de répondre
à la demande d'ouverture, de transparence, de responsabilité, de
bonne gouvernance et d'intégrité. Dans leurs efforts de réforme,
il serait souhaitable que les instances sportives se penchent sur
d'autres secteurs, comme les entreprises et les organismes à but
non lucratif, pour tirer des enseignements en matière de gouvernance.
3. Quels
sont les enjeux?
3.1. Les
spécificités tenaces du monde du sport
14. Pendant des décennies, les
organisations sportives ont joui d’une autonomie de fonctionnement
quasi totale. Cette autonomie est sans aucun doute importante pour
le bon fonctionnement du sport en termes d'établissement des calendriers
sportifs, de fixation des règles internes, etc. Cependant, cette
autonomie a manifestement été également exploitée de manière impropre
et abusive, entraînant la perte de confiance et de crédibilité dont
le sport souffre aujourd'hui.
15. Il est clair aussi que les organisations sportives sont très
diverses du point de vue de leur taille, de leurs ressources et
des difficultés spécifiques qu’elles rencontrent selon la discipline
et le pays; elles évoluent en outre dans un environnement très complexe.
Les fédérations internationales sont en fait des structures hybrides:
d’un côté elles reposent sur le volontariat et le professionnalisme
et, de l’autre, elles ont vocation à soutenir des buts non lucratifs
par des activités commerciales
.
16. Faisant valoir l'autonomie et le statut juridique associatif
non gouvernemental de la plupart des fédérations internationales,
le leadership sportif international s'est créé une position d'«intouchable»,
avec une quasi-impossibilité de poursuites pour des versements de
pots-de-vin, des détournements de fonds, des abus de pouvoir, des
matchs truqués, etc. Dans la plupart des pays, la législation nationale
qui régit l’engagement de poursuites pour des faits de corruption
dans le secteur privé ne s’applique pas au monde du sport, ce qui complique
encore davantage la lutte contre les pratiques frauduleuses dans
ce milieu.
17. Même si les recettes associées aux organisations sportives
internationales ne sont pas comparables à celles des plus grands
groupes de l’économie mondiale, le sport peut être néanmoins considéré
comme une grosse entreprise. En particulier, les méga-événements
(Jeux olympiques, Coupe du monde de la FIFA) génèrent l’investissement
de dizaines de milliards de dollars sous forme de dépenses d’infrastructures soutenues
par les États. Or, en raison de leur structure de gouvernance unique,
il n’est pas facile d’engager la responsabilité de ces instances
pour ce qui est du respect des normes de bonne gouvernance. Les
entreprises et autres organisations doivent, elles, normalement
rendre compte formellement aux parties intéressées (par exemple
les actionnaires en ce qui concerne les sociétés anonymes) et sont
fréquemment contrôlées par des administrateurs indépendants. Les
instances sportives internationales entretiennent en revanche des
relations plus diffuses et plus complexes avec les parties intéressées
et très rares sont celles qui comptent des administrateurs externes
(l’Agence mondiale antidopage constituant une exception à cet égard)
.
18. Le Comité international olympique (CIO) coordonne les activités
des comités nationaux olympiques et collabore avec des fédérations
sportives internationales (dont 35 fédérations gérant une discipline
olympique, 36 appartenant à l’Association des fédérations internationales
de sports reconnues par le Comité international olympique (ARISF)
et 5 associations régionales). Même si on le perçoit comme une instance
internationale, il s’agit en fait d’une organisation à but non lucratif
enregistrée selon le droit suisse et qui, de même que plusieurs autres
instances sportives mondiales, bénéficie d’un traitement spécial
en vertu dudit droit, notamment en matière fiscale et foncière.
19. Outre le CIO, une soixantaine d’organisations sportives internationales
ont leur siège en Suisse. Elles bénéficient de fait
d’un statut d’organisation internationale.
Légalement, cependant, elles ne sont pas enregistrées comme des
organisations internationales gouvernementales (OIG), ni comme des
organisations internationales quasi gouvernementales (OIQG). Il
s’agit d’associations assujetties au droit privé national et dont
les modalités d’enregistrement et d’organisation sont énoncées dans
le Code civil suisse. Le cadre juridique établi par ce Code confère
une large liberté aux associations, tout en leur imposant certaines conditions
.
20. Jusqu’en 2000, la corruption d’agents étrangers n’était pas
une infraction passible de poursuites en Suisse. Il était courant
d’offrir de pots-de-vin pour faire des affaires et les sommes ainsi
transférées étaient déductibles de l’impôt sur les sociétés. Cependant,
la pression internationale n’a cessé de croître depuis, en raison
de l’adoption de la Convention de l’Organisation de coopération
et de développement économiques (OCDE) sur la lutte contre la corruption
(2000), de la Convention pénale sur la corruption du Conseil de l’Europe
(STE no 173) (2006), de la Convention
des Nations Unies contre la corruption (2009) et du rapport critique
sur la Suisse élaboré par le Groupe d'Etats contre la corruption
(GRECO) dans le cadre de son évaluation du troisième cycle (2011)
qui recommande que la corruption dans le secteur privé fasse désormais l’objet
de poursuites d’office, même en l’absence de plainte, et que la
définition de cette infraction englobe les associations sportives
.
21. En réaction à ce qui précède et à de nombreux scandales, le
Gouvernement suisse a fait adopter en décembre 2014 une loi rattachant
les dirigeants des organisations sportives à la catégorie des « personnes politiquement
exposées », afin de permettre aux enquêteurs d’examiner leurs opérations/avoirs
financiers.
22. Toutefois, la gouvernance du sport international comporte
encore de nombreuses failles. Par exemple, la divulgation des indemnités
versées aux dirigeants est l’un des nombreux domaines dans lesquels
les organisations sportives privées à but non lucratif diffèrent
des gouvernements.
23. Transparency International et plusieurs autres organismes
internationaux rappellent régulièrement que les instances dirigeantes
du sport doivent commencer à adopter les règles de fonctionnement
des grandes entreprises et à observer les meilleures pratiques en
la matière. Une telle approche impliquerait notamment l’adoption
de règles de reddition de comptes, qui ne s’imposent pas pour ces
instances dans le contexte actuel.
24. La résolution finale adoptée par la Conférence Ministérielle
de Budapest recommande aussi l’introduction du niveau approprié
de transparence des comptes financiers et des processus de prise
de décision politique de manière à obliger les instances sportives
à se conformer aux exigences applicables à des entreprises commerciales
de même taille, par exemple les normes internationales d’information
financière
.
25. Dans la réalité d’aujourd’hui, la plupart des instances dirigeantes
du sport international, plutôt que de s’engager sur la voie du changement
en l’absence de pressions extérieures, ont malheureusement davantage tendance
à mettre en avant leur autonomie et la complexité du système sportif
international inhérente aux divers statuts juridiques dont elles
se réclament (association à but non lucratif, société anonyme, organisme caritatif,
structures spécifiques chargées d’organiser un événement, etc.),
mais aussi au fait qu’elles dépendent des législations nationales,
ayant l’obligation de se soumettre à de multiples formes de systèmes de
conformité et d’environnements réglementaires.
3.2. La
nécessité de restaurer la confiance du public
26. Tant les études internes qu’externes
aux fédérations internationales
montrent
que 50 % à 75 % des fédérations internationales olympiques sont
en conformité avec moins de 50 % des indicateurs utilisés dans le cadre
de ces études. Le déficit tient essentiellement à un problème de
conception institutionnelle imparfaite, mais aussi à l’absence de
mécanismes qui encourageraient la responsabilisation et la transparence
dans ces institutions et permettraient de contrôler et sanctionner
les membres des instances dirigeantes. Il ne faut pas s'attendre
à ce que les structures actuelles de gouvernance du sport qui, depuis
des décennies, ferment les yeux sur la corruption et les pratiques
frauduleuses au sein du mouvement sportif, fassent un véritable
bond en avant et introduisent une conception institutionnelle moderne
ou des réformes audacieuses sans une forte pression des acteurs
extérieurs.
27. Et pourtant, il est absolument nécessaire de rétablir la confiance
du public dans un sport et des dirigeants d’organisations sportives
propres, capables d’administrer le mouvement sportif selon des pratiques et
normes de gouvernance contemporaines optimales. Cela suppose une
réelle volonté et des efforts considérables de la part des organisations
faîtières internationales comme le CIO, l’ASOIF ou l’AIOWF et des fédérations
nationales et internationales elles-mêmes.
28. Il serait injuste de ne pas reconnaître les efforts déployés
pour atténuer les risques de corruption par le CIO à travers son
Agenda 2020, par l'ASOIF avec l'évaluation du respect par ses fédérations
membres des normes de bonne gouvernance, ou encore par diverses
fédérations internationales. De plus en plus de dirigeants, d'organisations
et de parties prenantes conviennent de la nécessité d’aborder tout
un éventail de problèmes de gouvernance pour s'assurer que les organisations
sportives restent aptes à s’acquitter de leurs fonctions. D'autres
solutions sont également élaborées et mises en œuvre au sein du
mouvement sportif, des pays ou des régions.
29. Dans ce contexte, je me dois de souligner les réformes engagées
par plusieurs fédérations sportives internationales. Les mesures
prises par la FIFA et l’UEFA font l’objet d’une analyse approfondie
dans le rapport de Mme Anne Brasseur
sur «La bonne gouvernance du football»
.
30. L'Association internationale des fédérations d'athlétisme
(IAAF) a été la dernière fédération internationale à suivre l'exemple
de la FIFA en se soumettant à une modernisation globale de la gouvernance. Elle
a mis en place une nouvelle unité indépendante d'intégrité de l’athlétisme
chargée de gérer les questions d'intégrité, et d’assumer notamment
la responsabilité de la formation et des contrôles, ainsi que des
enquêtes et des poursuites en cas d’infraction au Code de conduite
d’intégrité de l'IAAF. Celle-ci est également chargée d'enquêter
sur les violations des règles antidopage de tous les sportifs de
niveau international, habituellement commises au niveau national,
et d’engager des poursuites. Afin de garantir son indépendance,
l'Unité d'intégrité de l’athlétisme dispose de son propre conseil
d'administration et son propre personnel. L'Unité dispose de ses
propres locaux et fonctionne indépendamment de l'IAAF. Un nouveau
tribunal disciplinaire et ledit «Panel de vérification», composé
de trois personnes indépendantes, nommées par le Congrès de l'IAAF sur
recommandation du Conseil de l'IAAF, ont également été créés et
les décisions des deux instances peuvent faire l'objet d'un appel
devant le Tribunal arbitral du sport (TAS)
.
31. Au niveau national, de nombreuses réformes récentes de la
gouvernance des organisations sportives ont été initiées en réponse
à une crise liée à la gouvernance et sur la base d'un examen de
cette dernière. Dans un nombre croissant de pays, le comité national
olympique et/ou le gouvernement s’emploient également à élaborer
des cadres et des outils nationaux pour la bonne gouvernance dans
le sport. Dans certains cas, le respect des critères minimaux de
gouvernance est également devenu une condition préalable pour que
les organisations sportives nationales restent éligibles à un financement
public intégral
. Globalement,
selon Play the Game, le projet «Erasmus+» «National Sports Governance
Observer» de l’Union européenne, actuellement mis en œuvre en vue
de créer un outil d'analyse comparative et qui évalue le niveau
de bonne gouvernance dans les fédérations sportives nationales,
montre que les fédérations sportives nationales se portent mieux
et s’avèrent plus coopératives, curieuses et ouvertes au changement
.
32. La plupart de ces mesures ont toutefois été prises en réaction
à de vastes scandales. Il y a plus de trois ans, lors de l'adoption
de son programme de réforme Agenda 2020, le président du CIO a envoyé
un signal d'avertissement: «insuffler le changement ou y être contraint».
Trois ans après, la moindre perspective de changement se heurte
toujours à une forte résistance de la part du mouvement sportif.
Le CIO lui-même a fait l’objet de vives critiques face à la lenteur
de ses propres réformes et aux affaires de corruption impliquant plusieurs
de ses membres. Le dernier scandale a éclaté juste avant la session
du CIO tenue à Lima, au Pérou, (du 13 au 15 septembre 2017), Carlos
Nuzman, président du comité d’organisation des Jeux de Rio 2016, étant
accusé d’avoir pris part à une affaire de corruption, en l’occurrence
d’avoir acheté les votes des membres africains du CIO en échange
de leur soutien de la candidature brésilienne. Ce scandale fait
suite aux précédentes accusations portées à l’encontre de Patrick
Hickey, membre de la commission exécutive du CIO et premier vice-président
de l'Association des comités nationaux olympiques (ACNO), poursuivi
pour vol, évasion fiscale et blanchiment d’argent dans le cadre
d’un trafic de billets aux Jeux de Rio 2016. Selon certains, le
système décisionnel au sein du CIO est plus opaque que jamais et
les quelques membres qui s’efforcent encore d’amener le CIO à prendre
des décisions en totale indépendance ont quasiment perdu toute influence
.
33. Il est pourtant clair que la mise en œuvre d'une bonne gouvernance
et l'adoption d’actions ciblées seraient des mesures efficaces qui
renforceraient la confiance dans le mouvement sportif et sa légitimité.
Elles permettraient de réduire les risques de corruption et d’accroître
la résistance aux pratiques contraires à l'éthique, compte tenu
de l'environnement à haut risque dans lequel opèrent les organisations
sportives internationales. Finalement, une bonne gouvernance renforcerait
aussi leur autonomie en instaurant la confiance avec les gouvernements
et divers groupes d’acteurs.
34. L'Agenda Olympique 2020, adopté juste avant les révélations
de dysfonctionnements systémiques au sein des instances dirigeantes
du sport au niveau international, était adapté à une époque antérieure
où la situation était «bien plus idyllique» au sein du CIO. Je suis
d’accord avec ceux qui l’estiment insuffisant pour rassurer les
habitants de futures villes candidates, ou pour faire face au flot
de critiques déversées à l’encontre de l’instance au cours des deux
ou trois dernières années. Il a rempli une fonction subsidiaire
utile, qui consistait à obtenir le soutien unanime des membres du
CIO à un train de réformes parfois si vagues qu'elles couvraient
presque tout
.
35. La gouvernance du sport traverse aujourd'hui une grave crise
de leadership. Je partage les préoccupations exprimées par beaucoup
des intervenants à la conférence Play the Game 2017, dont la tenue coïncide
avec la finalisation du présent rapport, faisant état de la progression
des réformes à la vitesse d’un escargot et du silence du leadership
du mouvement olympique sur les questions de tolérance, de respect,
de fair-play et de droits de l'homme.
36. Pour témoigner de leur volonté de s'adapter et d’engager des
réformes sérieuses de la gouvernance, il faudrait que les dirigeants
du CIO définissent une vision stratégique et des priorités appropriées
qui prennent en considération les réalités changeantes et génèrent
une nouvelle culture de la gouvernance du sport. Cette vision stratégique
devrait comprendre, entre autres, les éléments suivants:
- une véritable stratégie d’atténuation
des risques de corruption;
- la mise en place de structures et de procédures démocratiques
qui encouragent la transparence et la responsabilité et garantissent
une stricte séparation des pouvoirs et des fonctions;
- la fin de l’impunité au sein des organisations sportives
grâce à la conduite d’enquêtes approfondies et la mise en examen
de toutes les personnes mêlées à des activités de corruption;
- l’introduction d’un système fonctionnel de carottes et
de bâtons en matière de gouvernance du sport, au moyen notamment
d’un suivi, d’une évaluation et d’un accompagnement appropriés des
organisations sportives; et de la révision du système de sanctions
et de récompenses.
37. Je pense par ailleurs que, même s’il convient de saluer chaque
initiative individuelle visant à améliorer les pratiques, la gouvernance
du sport est un sujet complexe et nécessite une large vision d'ensemble.
Dans les prochains chapitres, je souhaite donner mon humble avis
et appelle toutes les personnes concernées à débattre ouvertement
de ces questions.
4. Vers
un cadre de la gouvernance du sport
38. Les exemples positifs existants
révèlent une corrélation entre la définition et la mise en œuvre
d’objectifs stratégiques, l'adoption de règlements et de codes,
l'introduction et le respect de la législation pertinente, le contrôle
en matière de bonne gouvernance et d’autre part l'amélioration de
ladite gouvernance, et la subordination des subventions, des autorisations
administratives des associations sportives et des éventuels avantages
fiscaux au respect des normes de bonne gouvernance.
39. L’établissement d’un vaste cadre de gouvernance devrait reposer
sur trois piliers:
- l’instauration
du cadre réglementaire de base et de la culture qui le sous-tend,
s’appliquant avant tout aux organisations sportives individuelles
et à leur gestion à différents niveaux;
- l'adoption d'outils communs, notamment d’un cadre législatif
harmonisé et de procédures en matière de procès équitable, d'arbitrage
indépendant et de collaboration avec les services répressifs et
les organes d’investigation; mais aussi de normes harmonisées et
leur respect;
- la mise en œuvre d’une action inclusive et d’une culture
de gouvernance grâce au partage des connaissances, à la participation
d'un large éventail d’acteurs et de divers groupes de la société
à l'élaboration des politiques et à la communication, et au travers
de la coopération avec des plates-formes multipartites.
4.1. Pilier
1: Les aspects fondamentaux de la bonne gouvernance du sport
40. Afin de mettre en place un
système efficace de bonne gouvernance du sport, il est avant tout
important de se pencher sur ce que l’on entend par bonne gouvernance
dans la société d’aujourd’hui et sur la manière dont les organisations
sportives devraient l'aborder.
41. La bonne gouvernance est un concept complexe. Cependant, il
ressort clairement des études sur les entreprises, le secteur public,
les organismes à but non lucratif et le secteur du sport que les
principes de bonne gouvernance y sont très semblables. Malgré cela,
le processus de réforme de la gouvernance dans le sport semble particulièrement
difficile en raison de plusieurs facteurs inhérents au secteur qui
compliquent la tâche
.
42. Il n'existe pas de définition précise unique de la bonne gouvernance.
On entend généralement par gouvernance l'action ou la manière de
gouverner un État ou une organisation. La littérature existante
la définit également comme le processus de prise de décisions et
de mise en œuvre (ou non) de ces décisions. La bonne gouvernance
a également différentes significations selon le contexte. Au sens
le plus large, ce terme est employé pour décrire comment les institutions
et les organisations se conduisent et prennent leurs décisions les
plus importantes, comment elles déterminent qui sera chargé de les
mettre en œuvre et comment il en sera rendu compte
.
43. Malheureusement pour les instances dirigeantes du sport, les
fédérations sportives nationales et internationales ne s'alignent
pas parfaitement sur les modèles de gouvernance des entités commerciales traditionnelles
ou de celles à but non lucratif. Malgré cela, rien ne justifie l’application
d'autres normes en matière de bonne gouvernance.
44. L’examen de ce qui constitue une bonne gouvernance comprend
notamment un volet consacré aux structures organisationnelles, qui
englobe la séparation des pouvoirs, l'existence de statuts et de
règlements internes, la transparence et la responsabilité, les mesures
de contrôle interne, les codes de déontologie et les commissions
d'éthique, ainsi que les procédures judiciaires/disciplinaires et
de recours appropriées.
45. L’autre volet a trait aux pratiques de gestion, telles que:
l'élection des membres des conseils d'administration; l'encouragement
à la tenue d'élections concurrentielles, la limitation de la durée
des mandats; la séparation de la gestion politique et opérationnelle
des conseils d'administration fondés sur le mérite; la diversité
et le respect de l'égalité entre les femmes et les hommes; des responsabilités
clairement définies des conseils d'administration; la déclaration
d’absence de conflit d'intérêts des membres de ces conseils; le recrutement
de personnel fondé sur le mérite; la reconnaissance des droits et
le traitement équitable des membres et des actionnaires; la participation
et la diversité des parties prenantes et des investisseurs; des mesures
proactives anticorruption et l’intégrité financière.
46. Plus précisément, le sport a également des aspects spécifiques
qui doivent être pris en considération lors de l'élaboration de
politiques proactives pour lutter contre le dopage, le trucage de
matches, les paris illégaux, l'intolérance et la discrimination,
les abus ou le «trafic» dont sont victimes des sportifs, ou pour
assurer l'intégrité des événements sportifs (y compris les processus
de candidature et la sélection des organisateurs d'événements, la
distribution et la tarification des billets, la sélection des sponsors,
l'octroi des droits de retransmission, la construction de l'infrastructure
pour de grands événements, le respect par le soumissionnaire des
droits de l’homme, les normes du travail, l'environnement et la
lutte contre la corruption, la durabilité et l'héritage). Ces politiques
proactives doivent également favoriser le financement du développement
(des règles claires pour l'attribution et l'utilisation justes,
équitables et transparentes des fonds pour le développement du sport;
le réinvestissement des bénéfices dans les activités au niveau local;
des mécanismes de contrôle de l'utilisation des fonds de développement)
et une stratégie/un programme en matière d'environnement et de responsabilité
sociale.
47. En résumé, la clé d'une bonne gouvernance dans le sport tient
à la mise en place d'un système de réglementation solide, s’imposant
à toutes les instances sportives, et à la culture qui le sous-tend.
C’est aux dirigeants qu’il appartient de donner le ton et d’en assurer
la répercussion à tous les niveaux, jusqu’à la base. Les scandales
qui ont ébranlé le sport étaient en fait principalement liés à des
défaillances de leadership d'un point de vue culturel. Il faut par
conséquent établir un solide système de suivi de ces règles et règlements clairement
définis et que cette culture imprègne les organisations sportives
et ceux qui financent le sport.
4.2. Pilier
2: Outils communément employés en matière de bonne gouvernance
4.2.1. Mettre
fin à l’impunité en cas de corruption
48. Pour rétablir la confiance
de l’opinion publique, il convient premièrement de mettre fin à
l’impunité et de traduire en justice les auteurs d’infractions.
Il appartient avant tout au mouvement sportif lui-même de démontrer
qu’il est capable et qu’il a la volonté de prendre des mesures proactives
pour éradiquer la culture de la corruption et l’illégalité dans
ses propres rangs et de traduire en justice ceux qui commettent
des infractions. Deuxièmement, les autorités nationales ont l'obligation
de mettre à jour la législation appropriée. Troisièmement, il incombe
également aux autorités nationales d’établir des codes de gouvernance
et d’en contrôler le respect. Enfin, dans ce contexte, il importe
aussi que les lanceurs d’alerte bénéficient d’une protection suffisante.
49. Cette démarche a pour corollaire de traduire en justice les
coupables dans le cadre de procès équitables et d'assurer un arbitrage
indépendant et une collaboration avec les services répressifs et
les organes d'enquête.
4.2.1.1. La
nécessité d’un cadre juridique approprié
50. Les gouvernements et les parlements
peuvent jouer un rôle essentiel et ont une responsabilité cruciale en
matière d'enquête, de poursuite ou de sanction des actes de corruption,
même lorsqu’ils sont commis dans les milieux sportifs. En définissant
de solides cadres nationaux de gouvernance du sport et en encourageant un
changement de culture, ils peuvent également offrir des solutions
ascendantes qui soient crédibles en matière d’amélioration du fonctionnement
des fédérations internationales.
51. Malheureusement, les gouvernements ont souvent fait preuve
d’inaction voire de laxisme, ce qui a renforcé au sein du grand
public l’impression qu’en matière de gouvernance et d’intégrité,
les autorités sont impuissantes face à des conduites inappropriées
dans le monde du sport. Cette situation s’explique par plusieurs
raisons
.
Tant que les gouvernements feront preuve de complaisance à l’égard
de la corruption dans le sport ou bien fermeront les yeux et ne
seront pas prêts à promouvoir activement une bonne gouvernance,
il sera impossible de s’attaquer convenablement à ce problème. Il
est par conséquent stratégiquement urgent d’inciter les gouvernements
à en comprendre les enjeux.
52. Les gouvernements et les pouvoirs publics peuvent également
adopter d’autres mesures concrètes au sein de leurs juridictions
respectives, notamment:
- en
évaluant si la législation nationale permet des enquêtes, des poursuites
et une entraide judiciaire et policière internationale dans les
affaires de corruption dans le sport;
- en adoptant et en appliquant efficacement des dispositions
pénales claires sur la lutte contre la corruption dans le secteur
privé, en vue notamment d’imposer des poursuites automatiques en
cas de corruption dans le monde sportif;
- en appliquant des dispositions adéquates en matière de
lutte contre le blanchiment de capitaux et la corruption dans le
milieu sportif, par exemple en incitant les institutions financières
à considérer certains dirigeants sportifs comme des «personnes politiquement
exposées»;
53. La plupart de ces mesures ont été reprises dans la résolution
finale de la Conférence ministérielle de Budapest et figureront,
espérons-le, par les recommandations aux États membres relative
à la mise en œuvre de la bonne gouvernance.
54. De plus, les gouvernements pourraient également envisager
d’accorder des exemptions fiscales aux sponsors qui promeuvent un
sport propre et une bonne gouvernance; d’exiger la modification
sur leur territoire du statut juridique des fédérations représentant
un sport d’élite professionnel; et de promouvoir la coopération internationale.
4.2.1.2. Protection
des lanceurs d’alerte
55. Bien que la valeur intrinsèque
des lanceurs d’alerte dans le sport soit généralement reconnue à
l'heure actuelle, il va sans dire qu’il convient de mettre en place
des politiques et des procédures pour réglementer l'utilisation
qui est faite des informations fournies et protéger les personnes
concernées contre les représailles.
56. Des lignes téléphoniques, mesures et procédures de signalement
sont de plus en plus souvent mises en œuvre dans diverses organisations
sportives et d'autres autorités dans le domaine de la lutte contre
le dopage, le trucage de matchs et le harcèlement de sportifs.
57. Pourtant, la protection des lanceurs d’alerte dans le sport
est généralement confiée à des organisations sportives privées et/ou
à des autorités publiques ou semi-publiques. Malgré leurs bonnes
intentions pour soutenir et protéger les futurs lanceurs d’alerte,
il est peu probable qu'elles soient suffisamment puissantes dans
les cas où la vie et les moyens de subsistance de ces derniers sont
menacés.
58. Une assistance juridique et des conseils dans le domaine des
médias peuvent être fournis par les organisations sportives ou par
des initiatives indépendantes comme Fair Sport, mais seuls les gouvernements et
leurs services de répression ont les pouvoirs et les moyens nécessaires
pour assurer un soutien financier à long terme et la sécurité physique.
Pour l’heure, ils n'agissent que dans une mesure extrêmement limitée
et de très rares cas.
59. Les organisations sportives et les agences antidopage ne sont
pas en mesure d’élaborer seules des programmes efficaces pour les
lanceurs d’alerte. Il conviendrait d’associer les services répressifs
et d’adopter une approche unifiée permettant de prendre en charge
les personnes menacées. Les gouvernements doivent jouer un rôle
beaucoup plus actif. La collaboration avec les organisations sportives
et les agences antidopage et d'intégrité est une nécessité fondamentale
si l'on veut assurer une protection crédible et efficace des lanceurs
d’alerte.
60. Les gouvernements devraient prendre des mesures pour veiller
à ce que les lanceurs d’alerte n'aient pas besoin de fuir ou, dans
le pire des cas, de changer d'identité parce qu’ils ont révélé la
vérité. Ils devraient aussi leur assurer un soutien financier, au
moins temporairement, jusqu' à ce qu'ils soient à nouveau capables de
subvenir à leurs besoins. C'est le moins que nous puissions faire
si nous voulons que les lanceurs d’alerte remplissent leurs fonctions.
61. Les lanceurs d’alerte qui envisagent de s'exprimer doivent
bénéficier des conseils de professionnels pour prendre des décisions
éclairées: est-ce que cela en vaudra la peine? Quels sont les risques
encourus? Comment sera la vie après coup? Cette responsabilité devrait
également incomber aux forces de l'ordre et les organisations sportives
et antidopage doivent prendre conscience de leur nécessité d’être
épaulées dans ce domaine.
62. Naturellement, cela ne fonctionnera qu’à condition de pouvoir
faire confiance aux gouvernements. Or ce n’est souvent pas le cas.
Ou bien les autorités ne semblent pas avoir la volonté de protéger
les personnes qui fournissent des informations compromettantes.
Pourtant, une coopération plus étroite entre le mouvement sportif
et les gouvernements du monde entier paraît plus que jamais d’actualité.
Nous sommes très loin d’avoir trouvé des solutions convaincantes,
mais certains signes témoignent d'un intérêt grandissant. L'Agence mondiale
antidopage (AMA) a mis en œuvre un programme de protection des informateurs,
intitulé «Brisez le silence!». Le CIO indique avoir mis en place
il y a quelques années un programme pour les lanceurs d’alerte, mais
aucune information concernant ses politiques, ses mesures de protection
et ses résultats n'est communiquée au public.
63. Donnant suite à l'une des recommandations du «Plan d'action
de Kazan» adopté par l'UNESCO en juillet 2017, les gouvernements
ont procédé à un premier examen de la manière de mieux protéger
les lanceurs d’alerte. Reste à voir combien de pays suivront ces
recommandations dans toute la mesure requise
.
4.2.2. Harmoniser
les normes de gouvernance
64. Le thème de la bonne gouvernance
du sport figure sur l’agenda politique depuis le début des années 1990.
Le Conseil de l’Europe a été le premier à proposer un ensemble de
principes de bonne gouvernance dans le sport avec l’adoption en
2005 de la Recommandation Rec(2005)8 du Comité des Ministres. Depuis,
une cinquantaine d’ensembles de principes et codes de bonne gouvernance
ont été élaborés aux niveaux international et national, notamment
par le CIO (Principes universels de base de bonne gouvernance du
Mouvement olympique et sportif (2008) et Agenda olympique 2020),
l’Association européenne des sports d’équipe (2008), l’UEFA (2009),
l’UNESCO (2010), l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe
(
Résolution 1875 (2012)), l’Union européenne (2013), l’Australian Sports Commission
(2015), l’ASOIF (2016), UK Sport (2016), la FIFA (2016), l’IAAF
(2017) etc. En outre, des outils tels que des ensembles d’indicateurs
ont été élaborés par des universitaires, la société civile et différentes
organisations sportives, le tout dernier en date ayant été publié
par la SIGA (Sport Integrity Global Alliance) en septembre 2016.
Toutes ces initiatives louables présentent des points communs, mais
relèvent aussi d’approches différentes et varient sous l’angle de
leurs procédures d’évaluation.
65. Bien qu'elles soient en grande partie cohérentes les unes
avec les autres, il s’agit de normes individuelles qui ne constituent
pas une norme ou référence communément admise sur laquelle fonder
une évaluation de la conformité et une coopération efficaces au
plan international.
4.2.2.1. Révision
des normes du Mouvement olympique
66. Les Principes universels de
base de bonne gouvernance du Mouvement olympique et sportif du CIO (PUB)
forment le seul document international contraignant dont le non-respect
pourrait en théorie donner lieu à des sanctions. Cependant, les
critères de gouvernance sont formulés de manière extrêmement vague,
ce qui rend toute sanction difficile. Les PUB ne proposent pas non
plus une politique cohérente significative pour renforcer les capacités,
fournir des orientations ou apporter un soutien financier
.
67. En 2016, l’Association des fédérations internationales olympiques
des sports d’été (ASOIF) a introduit ses Grands principes et indicateurs
de base en matière de gouvernance (GPI) à l’usage de ses 28 fédérations internationales
olympiques des sports d’été, élaborés autour de cinq dimensions
évaluées
chacune au moyen de 10 indicateurs. Le groupe de travail GTF (Governance
Task Force) de l’ASOIF s’est engagé à mener une première évaluation
de la mise en œuvre de ces indicateurs par l’ensemble des fédérations
internationales en 2016-2017. À l’issue du premier cycle d’auto-évaluation,
j’ai le sentiment que le CIO est plutôt d’avis qu’il convient d’étendre
les GPI de l’ASOIF à toutes les fédérations internationales olympiques.
Lors d’une récente réunion tenue en juin 2017, l'Association générale
des fédérations internationales de sports (AGFIS) a fait savoir
qu’en cas de résultats concluants de l’auto-évaluation de la bonne
gouvernance menée par l’ASOIF, elle pourrait envisager d’appliquer
la même méthodologie de manière à couvrir également les organisations sportives
non olympiques
.Cela montre
que l’AGFIS de l’ASOIF, une instance qui regroupe une centaine d’organisations
sportives, est disposée à proposer à ces dernières d’adopter les
GPI de l’ASOIF à titre de référence. Cette proposition est bienvenue
en soi, dans la mesure où les GPI constituent l’un des ensembles de
principes et d’indicateurs en matière de gouvernance les plus complets,
élaboré sur la base des indicateurs de base d'une bonne gouvernance
dans le sport international (BIBGIS), eux-mêmes mis au point par
l'Institut suisse de hautes études en administration publique à
l’université de Lausanne. Cependant, pour des raisons de fond, l’ASOIF,
dans ses GPI, ne prévoit pas l’imposition de sanctions ou de répercussions
financières en cas de non-conformité.
68. Avec son Agenda 2020, le CIO s’est engagé à mettre périodiquement
à jour ses Principes universels de base. J’entends les arguments
avancés par le mouvement sportif selon lesquels l’ouverture d’un
débat sur les PCC peut donner lieu à des discussions difficiles,
mais il ne faut pas craindre ces discussions: en près de dix ans,
les normes ont évolué comme le montre clairement l’étude comparative
réalisée par l’équipe de l’Assemblée. Dans un premier temps, le
CIO pourrait être encouragé à aligner au minimum ses PUB et indicateurs
sur les Grands principes et indicateurs de base en matière de gouvernance
établis par l’ASOIF, de manière à ce qu’au moins la famille olympique
parle d’une seule voix.
69. Toutefois, pour des raisons de fond, l’ASOIF, dans ses GPI,
ne prévoit pas l’imposition de sanctions ou de répercussions financières
en cas de non-conformité, même si un recours à la dénonciation et
la condamnation publiques est toujours possible. À ce jour cependant,
l’ASOIF n’a manifesté aucune volonté de publier les résultats des
premières auto-évaluations, et je ne vois pas la raison qui pourrait
l’amener à changer sa manière de procéder à l'avenir. Par conséquent,
en l'absence de sanctions crédibles ou de suivi de la mise en œuvre,
il est peu probable que les fédérations internationales soient suffisamment
motivées pour se conformer aux GPI de l'ASOIF au-delà des exercices
d'auto-évaluation.
70. Étant donné ces contraintes, et tout en tenant compte des
arguments avancés par la quasi-totalité de nos partenaires clés
dans cet exercice sur la nécessité d’élaborer des références élémentaires
communes applicables aux organisations sportives, quelles qu’en
soient la taille et l’origine, j'ai commandé l'été dernier une étude
visant à comparer 15 grands ensembles de normes, principes et codes
mis en place par le mouvement sportif (CIO, ASOIF, FIFA, UEFA, IAAF),
des organisations internationales (Conseil de l’Europe, Union européenne,
UNESCO), des gouvernements nationaux et régionaux (Royaume-Uni,
Australie, Flandre), des organisations non gouvernementales (ONG)
(Play the Game, SIGA), des instituts de recherche universitaire
(BIBGIS, AGGIS). Cependant, j’en conclus de prime abord que ces
normes et codes sont très complémentaires. Ils ont évolué au fil
du temps (2005-2017), chaque nouveau code s’inspirant des bonnes pratiques
des précédents. Les critères et la manière de les mesurer diffèrent
certainement quelque peu, mais il est possible dans l’ensemble d’en
déduire des références élémentaires ou des critères fondamentaux communs.
71. J'encourage par conséquent le CIO et tous les acteurs concernés
à tirer parti de notre étude comparative et à engager le débat avec
tous ces différents partenaires sur ce qui constitue véritablement
les pratiques optimales de bonne gouvernance, susceptibles également
d’évoluer au fil du temps.
72. À partir de ces critères communs, je pourrais envisager quatre
scénarios d’évolution différents:
- mettre
les principes universels de base du CIO en phase avec des normes
de gouvernance sportive moderne;
- au niveau européen, élaborer une nouvelle convention du
Conseil de l’Europe relative à la bonne gouvernance dans le sport;
- mettre en place une certification professionnelle de l’Organisation
internationale de normalisation (ISO) sur la gouvernance des organisations
sportives;
- élaborer des lignes directrices à l’intention des gouvernements
nationaux en vue de les aider à mettre en œuvre des codes modernes.
73. Ces quatre possibilités peuvent se compléter l’une l’autre,
chacune d’elle ayant son propre champ d’application: les Principes
universels de base révisés du CIO seraient utiles au Mouvement olympique
et à d’autres organisations sportives qui feront la démarche d’y
adhérer; une nouvelle convention du Conseil de l’Europe obligerait
les gouvernements européens et les autres parties intéressées à
respecter et à assurer le suivi des pratiques de bonne gouvernance
dans ce domaine; la certification ISO encouragerait les organisations
sportives du monde entier à adopter certaines politiques et procédures
que les gouvernements pourraient imposer en contrepartie d’un financement
public. Enfin, l’adoption d’une référence commune encouragerait
et faciliterait l’adoption de codes nationaux clairs et uniformisés
à travers le monde.
74. Il semble selon moi tout à fait logique qu’un ensemble harmonisé
et approuvé de références ou de critères crée de nouvelles synergies
et permette d’asseoir les bases nécessaires à l’évaluation et au
suivi de la conformité.
4.2.2.2. Vers
une nouvelle convention du Conseil de l’Europe sur la bonne gouvernance
dans le sport?
75. Le Conseil de l’Europe est
un précurseur en matière de bonne gouvernance depuis l’adoption
de la Recommandation Rec(2005)8 du Comité des Ministres en 2005.
Dans le cadre du suivi de la Conférence ministérielle de Budapest
tenue en novembre 2016, une nouvelle recommandation du Comité des
Ministres aux États membres sur la promotion de la bonne gouvernance
dans le sport est en cours de préparation. L’APES, qui s’emploie
déjà à recueillir des bonnes pratiques sur la gouvernance, travaille
également à l’élaboration d’un guide de bonnes pratiques en matière
de gouvernance du sport.
76. L’introduction d’une nouvelle convention du Conseil de l’Europe
sur la bonne gouvernance dans le sport viendrait compléter la base
conventionnelle existante de l’Organisation couvrant le dopage,
le trucage des matchs et la violence des spectateurs, obligerait
ses États membres à respecter les mêmes normes harmonisées et permettrait
un suivi efficace de leur mise en œuvre.
77. Aux fins d’assurer un suivi conventionnel de la gouvernance
du sport, le Conseil de l’Europe pourrait dans un premier temps
introduire un mécanisme d’évaluation systématique des politiques
nationales en matière de bonne gouvernance du sport et de leur mise
en œuvre et réaliser un tableau de bord des résultats disponibles
des activités de suivi pour en faire une analyse critique.
4.2.2.3. Introduction
d’une norme de certification ISO sur la bonne gouvernance du sport
78. Dès le début de la rédaction
de ce rapport et dans ma quête de solutions pragmatiques, je me
suis posé la question suivante: pourquoi le monde du sport n’emprunterait-il
pas des idées à d’autres secteurs d’activités dont certaines procédures
ont permis d’améliorer la situation? J’ai tout de suite pensé qu’en
cas de problèmes d’harmonisation des normes, l’ISO aurait une solution
à proposer.
79. L’objectif de l’ISO est de « [réunir] des experts qui mettent
en commun leurs connaissances pour élaborer des normes internationales
d’application volontaire, fondées sur le consensus, pertinentes
pour le marché, soutenant l’innovation et apportant des solutions
aux enjeux mondiaux ».
80. Les normes de l’ISO doivent respecter quatre principes de
base:
- répondre à un besoin
exprimé par les organisations: il n’appartient pas à l’ISO de décider
de l’élaboration d’une nouvelle norme. L’ISO répond à une demande
exprimée par l’industrie ou d’autres parties prenantes;
- se fonder sur l’avis d’experts mondiaux: les normes ISO
sont élaborées par des groupes d’experts venus du monde entier qui
relèvent de groupes plus vastes, les comités techniques. Ces experts
négocient tous les aspects de la norme, notamment son champ d’application,
ses définitions clés et son contenu;
- être le fruit d’un processus multipartite;
- reposer sur un consensus.
81. Il existe actuellement deux normes de certification ISO que
l’on pourrait appliquer au monde du sport:
- La norme ISO 37001 (2016) – Systèmes de management anticorruption;
- La norme ISO 20121 (2012) – Systèmes de management responsable
appliqués à l'activité événementielle.
82. L’adhésion des organisations sportives à ces deux normes devrait
être encouragée. La norme ISO 37001 (2016) va notamment dans le
sens d’une meilleure gouvernance du sport et pourrait être imposée,
par exemple, aux organisateurs de manifestations sportives de grande
envergure ou aux organisations qui bénéficient de subventions publiques
supérieures à un certain montant.
83. Le Comité technique CT309 de l’ISO, placé sous l’autorité
de la British Standards Institution (BSI) avec laquelle notre commission
a eu l’occasion de s’entretenir le 26 avril 2017 à Strasbourg, travaille
actuellement à l’élaboration de normes sur la gouvernance des organisations
et sur les lanceurs d’alerte.
84. Il serait possible d’élaborer, sous l’égide du même comité
technique, une nouvelle norme de certification ISO sur la gouvernance
des organisations sportives. Une norme internationale serait la
solution optimale et sa mise en place pourrait être facilitée par
un organisme national de normalisation comme la BSI qui proposerait un
nouveau projet à l’ISO. Il faut ensuite compter généralement trois
ans avant la publication finale d’une norme.
85. Etant donné l’urgence de la question, il pourrait être utile
d’élaborer un document de base qui serait utilisé avant d’être transformé
en une norme ISO à part entière. Ce document de base peut être développé sous
la forme d’une Spécification publiquement disponible (PAS), qui
est une norme commanditée par un organisme externe et constitue
la solution la plus rapide (6 à 8 mois). Cette PAS, après une phase
initiale de projet/essai pilote, peut ensuite être convertie en
une véritable norme de certification ISO.
86. L’énorme avantage de l’introduction d’une norme de certification
ISO est sa légitimité: les normes ISO sont véritablement universelles
et leur contenu est incontesté. Les normes sont d’application volontaire
et ont vocation à apporter un soutien mais ne relèvent pas de la
législation. Parce qu’elles ont caractère volontaire, ces normes
sont le moyen idéal d’assurer une mise en conformité transnationale.
Elles préconisent mais n’imposent pas de modifier la législation
nationale, condition qui constitue généralement un obstacle majeur
à l’adoption d’un accord ou d’une convention. La certification ISO
est une structure existante qui ne nécessite aucun frais de développement
supplémentaire; elle constitue un atout pour les fédérations internationales désirant
donner l’image d’une organisation non entachée de corruption; elle
implique en effet la mise en œuvre d’une série de mesures concrètes
qui ne sont actuellement pas obligatoires dans le cadre des PUB
du CIO et des GPI de l’ASOIF.
4.2.3. Suivi
et évaluation de la conformité
87. L’harmonisation mondiale des
normes est indissociable de la mise en place d’un système adapté
de suivi et d’évaluation de la conformité de la mise en œuvre de
ces normes. Jusqu’en 2015, l’ensemble du mouvement sportif n’était
soumis à aucun contrôle ou évaluation s’agissant de l’application
des codes, normes ou principes en vigueur.
88. Depuis, un certain nombre d’outils ont été élaborés pour mesurer
la bonne gouvernance. Citons notamment l’outil «Sports Governance
Observer» (SG0 2015) et le National Sports Governance Observer 2017,
élaboré par Play the Game, ainsi que les indicateurs BIBGIS établis
par l’université de Lausanne. Ces outils proposent des listes de
vérification qui permettent aux organisations sportives de mesurer
leur degré de conformité à certains principes de bonne gouvernance
identifiés par l’outil.
89. Si l’adoption de normes harmonisées et le suivi et l’évaluation
de leur mise en œuvre sont des éléments fondamentaux pour garantir
la bonne gouvernance, ils ne sauraient à eux seuls impulser les
changements nécessaires pour une réforme réussie de la gouvernance
dans le sport, ni aider les organisations sportives à surmonter
certains des problèmes majeurs auxquels elles sont actuellement
confrontées, notamment les atteintes à leur réputation, la perte
de confiance des principales parties prenantes, l’atténuation des
risques, etc.
90. Le fait de «cocher des cases» et de remplir des listes de
vérification à partir d’indicateurs non pondérés et non motivés
permet de dégager certaines tendances et d’identifier les principaux
dysfonctionnements du système; et a permis, pour utiliser une métaphore,
d’obtenir une photo détaillée permettant de «déterminer la gravité
de la maladie que le patient a lui-même diagnostiqué en cochant
les cases de la liste de symptômes». Cette méthode ne permettra
toutefois pas d’identifier l’origine ou la cause de la maladie ni
son évolution. En l’absence d’un suivi, d’un accompagnement et d’un
soutien appropriés, cette méthode d’évaluation de la conformité
ne sera pas la panacée à tous les problèmes organisationnels et
culturels de fond des organisations sportives ni à la crise de gouvernance
qu’elles traversent.
4.2.3.1. Auto-évaluation
91. En février 2016, parallèlement
à l’introduction de ses Grands principes et indicateurs de base
en matière de gouvernance (GPI) à l’usage de ses 28 fédérations
internationales olympiques des sports d’été, l’ASOIF s’est engagée
à mener une première évaluation de la mise en œuvre de ces indicateurs
par l’ensemble des fédérations internationales. Les résultats généraux
de cette première évaluation ont été examinés par un expert indépendant
et communiqués à l’Assemblée générale de l’ASOIF le 4 avril 2017.
92. Les progrès réalisés en si peu de temps grâce à la mise en
place de ce processus sont impressionnants et méritent d’être salués.
Beaucoup d’experts et de parties prenantes conviennent que l’auto-évaluation
de l’ASOIF est une initiative bienvenue, qui va dans la bonne direction.
C’est la première fois que des fédérations internationales acceptent
de participer à un processus de conformité en matière de bonne gouvernance.
D’un autre côté, ce processus reste un outil d’autorégulation, qui
ne confère pas au processus l’indépendance nécessaire à la fiabilité
de l’évaluation, malgré le recrutement d’un expert externe d’une
intégrité incontestable chargé de vérifier et confirmer les résultats.
Par ailleurs, le fait que les scores de chaque fédération internationale
ne soient pas publiés, mais seulement communiqués sous forme de
résultats agrégés anonymes, n’est pas très convaincant et ne favorise
ni la transparence ni la confiance.
93. Concernant la méthodologie employée, parallèlement à l’application
d’indicateurs non pondérés et non motivés, qui ne sont pas comparés
aux pratiques réelles, le premier examen de la gouvernance des fédérations
internationales
met lui-même en lumière les limitations
suivantes: l’analyse théorique des documents, des procédures et
des structures ne tient pas compte du comportement réel et de la
culture organisationnelle; le questionnaire n’aborde pas certains
sujets majeurs et actuels, tels que l’égalité hommes-femmes, les
preuves d’agissements criminels ou les questions de protection sociale;
la plupart des notes portaient généralement sur des aspects «quantitatifs»
plutôt que «qualitatifs»; la ventilation thématique des sections
du questionnaire a un caractère purement pragmatique, et ne se veut
nullement scientifique; il y a un certain degré de subjectivité
dans la notation, qui explique la nécessité d’accepter une marge
d’erreur.
94. L’ASOIF a elle-même conclu que le système employé pour ce
premier exercice méritait d’être sérieusement revu et nécessitait
éventuellement une toute autre méthodologie pour les évaluations
à mener dans le futur.
95. S’agissant des autres mesures prises, j’ai appris qu’entre
avril et septembre, un représentant de l’ASOIF et l’expert externe
mandaté avaient rencontré séparément la quasi-totalité des fédérations
internationales afin d’examiner leurs résultats individuels. Depuis
le mois d’avril, l’expert externe mène également un projet similaire
avec l'Association des fédérations internationales olympiques des
sports d'hiver (AIOWF), lequel est en voie d’achèvement. Comme annoncé
en avril, il est prévu de reconduire l’exercice d’évaluation à compter de
novembre 2017 en utilisant une version actualisée du questionnaire.
On ne sait pas encore si les résultats seront ou non rendus publics,
ni si d’éventuelles sanctions seront imposées aux fédérations internationales n’ayant
réalisé aucun progrès.
96. Je peux accepter que ce premier exercice reste confidentiel
si cela peut permettre d’obtenir l’adhésion des 28 fédérations internationales
de l’ASOIF; toutefois, dans un souci de crédibilité, la direction
de l’ASOIF devra publier des informations détaillées sur l’ensemble
de ses indicateurs ainsi que les résultats des prochains cycles
de manière à pouvoir les comparer avec une évaluation externe indépendante
menée par le «Sports Governance Observer» ou d’autres organismes
non gouvernementaux.
97. S’agissant de l’efficacité de la méthodologie, je dois cependant
attirer l’attention sur certaines lacunes de l’autoévaluation: son
manque d’objectivité et l’absence de mécanismes internes de contrôle;
l’analyse théorique des documents, des procédures et des structures
ne tient pas compte du comportement effectif et de la culture organisationnelle;
la plupart des notes portaient généralement sur des aspects «quantitatifs» plutôt
que «qualitatifs» (par exemple l’existence d’un règlement pour une
procédure interne de recours plutôt que les modalités de fonctionnement
du règlement); et les résultats ne sont pas pondérés.
98. L’autoévaluation ne fonctionne que si les parties prenantes,
les gouvernements, les acteurs publics ou les organisations internationales
exercent une pression extérieure suffisante. A l’heure actuelle,
la pression extérieure des parties prenantes n’est malheureusement
pas suffisamment forte. Il serait peut-être plus efficace de faire
appel à la motivation pour provoquer des changements.
99. La question essentielle de l’indépendance de l’évaluation
se pose également. Le premier exercice de l’ASOIF a été imposé à
toutes les organisations membres et mené par le groupe de travail
GTF (Governance Task Force) de l’ASOIF
; ses résultats ont été vérifiés par
des experts externes appartenant à «I Trust Sport» (société de conseil
spécialisée dans le sport basée au Royaume-Uni). Les critères reposaient
sur un système développé par Jean-Loup Chappelet, professeur à l’Université
de Lausanne, membre du groupe de travail GTF aux côtés du directeur
du département «Conformité» du CIO et de cinq autres membres. Les
résultats n’ont pas été publiés ni même envoyés aux fédérations
internationales. Le Groupe GTF de l’ASOIF propose ensuite de consulter/conseiller
ses membres. L’ensemble du processus, depuis la définition des critères
jusqu’à l’évaluation et les activités de conseil, le tout par le
même groupe de parties prenantes, manque à l’évidence de transparence
et d’indépendance et ne possède donc pas la crédibilité nécessaire
ou ne présente pas d’intérêt suffisant pour que cette méthode soit
élargie à d’autres organisations extérieures à l’ASOIF.
100. Ce qui précède illustre parfaitement ce qu’il convient d’éviter
et le mouvement olympique doit encore lever le conflit d’intérêts
dans ce système ainsi que dans ses autres tentatives récentes de
créer des agences «indépendantes», comme la Independent Testing
Agency (ITA). Toute évaluation de la conformité devrait être entreprise
dans le respect du principe de séparation des pouvoirs: les personnes
ou organismes chargés d’élaborer des concepts et d’assurer un suivi,
de fournir des conseils/une assistance/un accompagnement ne devraient
jamais assumer des fonctions de contrôle. Pour être crédible, l’évaluation
doit être menée par des organismes professionnels indépendants jouissant
d’une réputation internationale irréprochable, similaires aux agences
de notation ESG ou financière existantes.
4.2.3.2. Vers
un modèle de notation de l’éthique dans le sport
101. L’introduction d’un système
de classement international en matière de gouvernance du sport offre
une solution analogue à celle de la normalisation ISO: ce processus
est volontaire, élaboré grâce à la participation des principaux
acteurs, puis évalué par des fournisseurs de services relevant du
secteur privé et totalement indépendants et les résultats de l’évaluation
appartiendraient entièrement à l’organisation/fédération examinée.
Il offre en outre l’avantage d’être plus dynamique et d’encourager
une saine concurrence entre les organisations sportives. Le classement
peut fluctuer au fil du temps et offrir ainsi aux organisations
l’occasion de progresser, mais aussi de perdre des points en cas
de corruption. Ce système contient donc un élément de compétition
en vue de l’atteinte d’objectifs souhaitables, pouvant inciter les
organisations sportives à améliorer au fil du temps leurs performances
en matière de gouvernance.
102. Comme c’est le cas pour la certification ISO, les fédérations
comme les clubs, qu’ils soient internationaux ou nationaux et quels
que soient leur taille et leur statut juridique, pourraient bénéficier,
s’ils en expriment le désir, d’une évaluation indépendante et professionnelle.
Le système de classement a démontré sa fiabilité dans le monde économique
pour toucher les entreprises et les pays. Les agences professionnelles fondent
leur évaluation sur des modules et des algorithmes scientifiques
et non sur des recherches universitaires; elles utilisent une méthodologie
solide et fiable, qui pourrait être adaptée aux particularités ainsi qu’aux
codes et principes existants du monde du sport
.
103. Le processus de notation suit généralement un cycle annuel
au cours duquel l’organisation est évaluée en se fondant sur un
algorithme scientifique qui fait appel à des indicateurs pondérés.
Les critères de notation sont régulièrement réexaminés et adaptés
aux changements (les fluctuations modifient l’algorithme). En outre, toutes
les agences de notation professionnelles appliquent les «règles
d’or suivantes» selon lesquelles:
- elles
garantissent leur indépendance totale à l’égard des entités en cours
d’évaluation et des instances dirigeantes;
- elles ne fournissent aucun conseil afin de prévenir les
conflits d’intérêts;
- elles sont dotées de mécanismes internes de séparation
des pouvoirs et de contrôle;
- elles disposent d’organes de contrôle internes et indépendants
(agent de conformité, comité de notation).
104. Comme l’ont expliqué les experts lors de notre audition du
26 avril 2017, le système de classement proposé par «Standard Ethics»
est en mesure d’évaluer le changement de la culture organisationnelle
au fil du temps, un aspect que ne sont pas capables d’appréhender
les modèles employés par l’ASOIF, le «Sports Governance Observer»
les récentes Normes universelles de bonne gouvernance de la SIGA
ou encore l’ISO. Le classement est un «outil vivant», car son algorithme
est à même de prendre en compte toutes les nouvelles références
ou modifications dans les normes. L’avantage du classement de «Standard
Ethics» tient aussi en ce qu’il diffère des notations sollicitées
(où les résultats appartiennent à la fédération ou au club ayant
sollicité l’évaluation) ou des notations spontanées (réalisées à
la demande d’une instance faîtière dirigeante du sport ou d’un gouvernement).
105. À supposer que le système s’avère adaptable et applicable
à une masse critique d’organisations sportives, il pourrait être
utilisé à l’avenir pour conditionner l’affectation de fonds publics
ou décider de l’endroit destiné à accueillir de grands événements
sportifs. Il a également l’avantage de pouvoir être mis sur pied relativement
rapidement.
106. Comme indiqué avant, le cycle d’auto-évaluation achevé par
le groupe de travail GTF de l’ASOIF offre une excellente occasion
d’identifier les forces et les faiblesses de ses fédérations internationales
à l’aune des cinq grands principes de gouvernance: transparence,
intégrité, démocratie, développement du sport/solidarité et mécanismes
de contrôle. Les performances des mêmes fédérations internationales
ont également été évaluées par le Sports Governance Observer en
2015, selon les indicateurs définis par cet organisme. Alors que
le premier exercice manque de l’indépendance requise pour être reconnu
comme pleinement crédible par l’ensemble des acteurs, le second
présente l’inconvénient d’avoir été effectué essentiellement de
façon spontanée et de n’avoir, par conséquent, pas eu accès à une
bonne partie des informations disponibles « en interne ». Les deux
souffrent des mêmes limitations. Un classement de la gouvernance
du sport pourrait combler cette lacune et offrir une solution plus
fiable pour la prochaine procédure d’évaluation de l’ASOIF. Autre
avantage supplémentaire: être réalisée par des professionnels neutres
et non partisans intervenant à la demande des intéressés (base volontaire).
107. La professionnalisation des évaluations en matière de bonne
gouvernance par le biais d’un système de classement indépendant
serait totalement conforme à la vision du Groupe de travail GTF
de l’ASOIF concernant les mesures souhaitables à l’avenir pour encourager
les fédérations à améliorer leurs performances. Les fédérations
capables et désireuses de consacrer des ressources matérielles et
humaines à la mise en œuvre d’indicateurs plus avancés pourraient
vouloir être récompensées de leurs efforts par un système adéquat
de classement des performances en matière de gouvernance. De plus,
le GTF envisage dans un troisième temps d’instaurer un système de
gestion qui permettrait d’assurer un soutien adéquat aux fédérations
internationales dans la mise en place de l’ensemble des principes
et indicateurs. L’établissement d’un système de gestion approprié
devrait s’accompagner d’un système professionnel totalement indépendant à
la place d’une évaluation par les parties prenantes elles-mêmes.
Ce système devrait aussi être suffisamment souple pour intégrer
les nouveaux principes et références de gouvernance.
4.2.4. A
qui devrait-on confier l’harmonisation des normes et la mise en
place d’un suivi et d’une évaluation?
108. Le mouvement sportif manque
à l’heure actuelle d’un leadership solide pour véritablement prendre
en main les questions d’intégrité et de gouvernance du sport. Par
ailleurs, la tendance est clairement à l’implication de nouveaux
partenaires dans l’élaboration des politiques sportives et à l’émergence
de nouvelles plateformes et alliances multipartites désireuses de
prendre l’initiative dans la recherche de solutions globales.
109. En 2016, deux initiatives parallèles ont vu le jour: la Sports
Integrity Global Alliance (SIGA), sous l’égide de l’ICSS, et le
Partenariat international pour l’intégrité du sport (PIIS, renommé
par la suite Partenariat international contre la Corruption dans
le Sport (IPACS), sous l’égide du CIO de l’ASOIF, du Conseil de l’Europe,
de l’OCDE et de l’UNODC. L’IPACS a pour ambition de réunir des représentants
du mouvement sportif, des gouvernements nationaux et des organisations
internationales afin qu’ils œuvrent à l’harmonisation des procédures
et à une définition commune des critères de gouvernance; la SIGA,
quant à elle, a fait de la gouvernance du sport, de l’intégrité
financière et de l’intégrité des paris sportifs ses priorités essentielles,
a défini ses propres normes universelles et s’est déclarée disposée
à se concentrer sur l’évaluation et la notation.
110. Il s’agit là de tendances extrêmement positives. Je tiens
néanmoins à attirer l’attention des structures multipartites sur
le fait que toute activité de suivi, d’assistance et de conseil
doit être clairement dissociée du contrôle de la conformité qui,
aux fins de garantir une pleine indépendance, doit être effectué
par une agence extérieure professionnelle en mesure de s’acquitter
de cette mission. On ne peut pas être à la fois juge et partie!
111. Je tiens en outre à faire observer que ces nouvelles initiatives
multipartites devraient exploiter leurs synergies et leurs expériences
et coopérer efficacement dans leurs domaines respectifs.
4.2.5. Le
rôle et l’indépendance des commissions d’éthique
112. Depuis que j’ai commencé ce
rapport, j’ai constaté avec satisfaction l’adoption de codes d’éthique toujours
plus nombreux et la création d’un nombre croissant de commissions
d’éthique et de discipline au sein des instances dirigeantes du
sport au niveau international. L’indépendance est un aspect fondamental
pour tout organe de ce type. J’invite donc instamment les organisations
sportives au sein desquelles ces commissions ont été créées à leur
accorder une pleine indépendance structurelle, budgétaire et opérationnelle.
Les membres de ces commissions doivent être libres de tout conflit
d’intérêt dissimulé, réel ou potentiel.
113. En juillet 2017, l’International Management School de Lausanne
a publié une étude sur la gouvernance, réalisée à la demande du
CIO, dans laquelle figuraient plusieurs recommandations politiques
portant sur le renforcement du Code d’éthique du CIO et le fonctionnement
de sa commission d’éthique ainsi que sur l’introduction d’une procédure
normalisée et codifiée visant à rappeler aux membres du CIO leur
obligation de respecter le code d’éthique; elle appelait également
le CIO à accorder plus d’indépendance à sa commission d’éthique
pour enquêter sur les affaires de manquement à l’éthique, de la
doter de ressources financières propres et d’un secrétariat indépendant
et de renforcer ses pouvoirs de sanction et les sanctions pour non-conformité
en cas de conflit d’intérêt. Plusieurs de ces recommandations ont
été mises en œuvre entre juillet et décembre 2017.
114. Je me félicite de la récente nomination de l’ancien secrétaire
général des Nations Unies, M. Ban Ki-moon, à la présidence de la
commission d’éthique du CIO et compte sur lui pour en faire une
instance exemplaire, faisant preuve de poigne et d’indépendance.
4.3. Pillar
3: Action inclusive et partage de savoir-faire
4.3.1. Nouveaux
partenariats multipartites
115. Comme évoqué plus haut, au
niveau international et multipartite, deux partenariats sont particulièrement dignes
d’intérêt: la Global Sports Integrity Alliance (SIGA), une initiative
indépendante, et le Partenariat international contre la Corruption
dans le Sport (IPACS), un forum tripartite réunissant des organisations
de gouvernance du sport, des gouvernements et des organisations
intergouvernementales sélectionnés.
4.3.1.1. Sports
Integrity Global Alliance (SIGA)
116. La SIGA a été créée en janvier
2017 et a pour objectif d’œuvrer en faveur d’un sport pratiqué et
régi dans le respect des plus hautes normes d’intégrité, dépourvu
de toute forme d’activité illicite, criminelle ou contraire à l’éthique,
afin de sauvegarder ses valeurs et en garantir un impact positif
et les bénéfices pour l’ensemble des citoyens. La mission officielle
de la SIGA est d’assurer un leadership mondial, de promouvoir la
bonne gouvernance et de préserver l’intégrité du sport grâce à une
série de normes universelles mises en œuvre par un organe indépendant,
neutre et global.
117. Un an après son lancement, la SIGA se distingue par son indépendance
et sa nature multipartite. Au nombre de ses membres et partenaires
fondateurs figurent des parties prenantes telles que des organisations sportives
nationales, régionales et internationales ainsi que des gouvernements,
des organismes intergouvernementaux, des sponsors, des entreprises
sportives, des médias, des institutions financières, des ONG, des
universités et des services professionnels. La SIGA se distingue
également en cela qu’elle offre une diversité de normes universelles
sur la bonne gouvernance dans le sport, l'intégrité financière et
l'intégrité des paris, ainsi qu'un réseau complet de mise en œuvre,
qui tient compte du fait que les organisations sportives sont très
différentes en termes de taille, de ressources et d’enjeux spécifiques
en matière de gouvernance
.
118. Après examen du mandat de la SIGA, et bien que je comprenne
son empressement à vouloir trouver des solutions rapides pour parvenir
à une meilleure gestion du monde du sport, je lui conseille d’éviter
de vouloir jouer tous les rôles à la fois. Elle devrait définir
avec précision son champ d’intervention, arrêter une stratégie pour
les années à venir et la communiquer de manière claire.
4.3.1.2. Partenariat
international contre la Corruption dans le Sport (IPACS)
119. L’IPACS (initialement lancé
sous le nom de Partenariat International pour l'Intégrité Sportive
(ISIP)) a été annoncé à l'occasion du 2ème Forum International pour
l'Intégrité Sportive (IFSI), convoqué par le Comité international
olympique en février 2017 à Lausanne. Selon la déclaration de l'IFSI,
il a pour ambition d’être une plateforme multipartite qui rassemble
les gouvernements, les organisations sportives et les organisations internationales
afin de promouvoir la transparence, l'intégrité et la bonne gouvernance.
120. Bien qu’il soit trop tôt pour spéculer sur le succès de ce
processus, il est en revanche positif que les principales organisations
sportives internationales aient convenu d’instaurer un dialogue
informel, mais structuré et régulier, avec les gouvernements et
un petit groupe choisi d'organisations internationales sur la lutte
contre la corruption et la promotion de la bonne gouvernance.
121. Peu d’éléments ont filtré quant aux objectifs concrets, à
la nature et au fonctionnement de la nouvelle plateforme. Le 21
juin, un groupe choisi d’organisations et de représentants gouvernementaux,
appelé «Groupe de travail informel» s’est réuni dans le bureau du
Conseil de l’Europe à Paris
; au cours de cette réunion,
il a convenu de rebaptiser le partenariat en «Partenariat contre
la corruption dans le sport» (IPACS) et a défini sa mission comme
suit: «Réunir des organisations sportives internationales, des gouvernements, des
organisations intergouvernementales et d’autres parties prenantes
pour soutenir et renforcer les efforts visant à éliminer la corruption
et à promouvoir une culture de la bonne gouvernance dans et autour
du sport
».
122. Le groupe de travail informel s’est déclaré fermement déterminé
à appuyer les travaux dans trois domaines clés:
- réduire le risque de corruption
dans les marchés publics relatifs aux événements sportifs;
- garantir transparence et intégrité dans le processus de
sélection des lieux d’accueil d’événements sportifs;
- respecter les principes de bonne gouvernance dans les
milieux sportifs, en s’attachant tout particulièrement à certains
aspects comme la limitation des mandats, la transparence financière
et les conflits d’intérêts.
123. La réunion fut également l’occasion d’examiner quelles devraient
être les prochaines étapes et d’envisager l’idée de réunir le partenariat
dans le cadre d’une séance plénière plus large et d’organiser des réunions
au niveau ministériel en vue de susciter une volonté politique en
faveur du partenariat et de générer un nouvel élan entre les réunions
du groupe de travail. Il a été décidé que la prochaine réunion se
tiendrait en décembre 2017 à Paris (accueillie par l’OCDE).
124. Je salue l’approche pragmatique adoptée par ce groupe de travail
informel. Cependant, certaines questions demeurent: l’IPACS pourrait-il
évoluer et passer de ce cercle restreint de quelques acteurs à un partenariat
international multipartite, crédible et inclusif, réunissant d’une
part les principaux membres de la famille olympique, mais également
des représentants de divers mouvements sportifs et des athlètes,
et d’autre part un groupe plus large d’acteurs comme les organisations
concernées de la société civile et des représentants du monde universitaire,
de la presse ou des sponsors?
125. J’espère que l’IPACS se réunira bientôt en séance plénière,
ouverte à tous les États intéressés et permettant une plus large
participation des autres parties prenantes, notamment l’industrie
du sport, les médias, les sponsors, les ONG, les chercheurs etc.
Cette séance plénière devrait également décider de la composition
des groupes de travail.
126. Les organisations transparentes montrent la voie à suivre
en matière d’ouverture, d’accessibilité et de responsabilité, et
obtiennent ainsi la confiance des parties prenantes et du public.
Dès lors, des partenariats internationaux comme l’IPACS et la SIGA
sont essentiels pour passer de la parole aux actes; les deux ont
de la valeur.
127. Selon moi, ce qui est primordial dans ces partenariats internationaux,
et que je ne retrouve pas à l’heure actuelle dans l’IPACS, est qu’ils
doivent appliquer à eux-mêmes les principes de bonne gouvernance,
de transparence et de réciprocité. Ils devraient être eux-mêmes
irréprochables quant aux principes qu’ils prônent.
4.3.2. L’inclusion
d'autres parties prenantes
128. Les organisations sportives
et les athlètes de haut niveau sont dépendants de la commercialisation
de leurs droits pour générer des revenus, tandis que les sponsors
et les radiodiffuseurs ont besoin du sport pour toucher un public
plus large. Récemment, plusieurs gros contrats de parrainage avec
des instances sportives et des athlètes ont pris fin prématurément
ou n’ont pas été renouvelés, uniquement pour des questions de réputation.
129. Cependant, selon des études récentes, les divers scandales
ont eu peu d’impact sur deux acteurs principaux: les sponsors et
le public. Les sponsors n’ont pas vraiment cherché à se retourner
contre les instances sportives lorsque des allégations de corruption
ont fait surface. La popularité du sport ne cesse de croître et
aucun signe ne suggère qu’elle pourrait pâtir de pratiques frauduleuses
alléguées ou réelles des instances dirigeantes. Le dopage ou le
trucage de matchs s’avère constituer une menace beaucoup plus importante
pour l’intégrité du sport que les lacunes de sa gouvernance.
130. Néanmoins, alors que les problèmes de corruption, de dopage
ou de trucage de matchs deviennent de plus en plus publics, les
sponsors et les marques devront prendre une position sur le sujet.
Comme cela a été discuté lors de notre audition du 22 septembre,
c'est l'émotion autour du sport qui conduit les sponsors à transformer
ou véhiculer l’image de leurs produits. A travers le sponsoring
ils acquièrent visibilité et image positive. Inversement, une entreprise
qui sponsorise peut également être affectée par des conséquences négatives.
La fédération suisse de ski a été une des premières à inclure dans
ses contrats une clause stipulant qu'un tel contrat peut être immédiatement
annulé en cas de non-respect de la réglementation antidopage. Inclure
des clauses de bonne gouvernance dans les contrats et promouvoir
les principes de bonne gouvernance parmi les sponsors et les marques
sont ce que l'European Sponsorship Association est également prête
à soutenir. Cependant, ils doivent être guidés, éduqués et soutenus
dans la promotion du changement.
131. Sensibilisation, inclusion et éducation sont les facteurs
clés pour impliquer dans la réforme du sport et le changement de
la culture de gouvernance un large éventail de parties prenantes,
parmi lesquelles j’en souligne trois: les athlètes; les jeunes et
la génération Y; et les femmes. Non seulement la génération Y et
les femmes représentent respectivement un pouvoir d’achat de $US 2 500
et $US 30 000 milliards
, mais les trois
groupes sont motivés et doivent être renforcés par l'éducation et
impliqués dans les organes officiels de prise de décision.
5. Conclusions
132. La gouvernance internationale
du sport est aujourd’hui à la croisée des chemins. Le milieu sportif
est confronté à une perte de confiance sans précédent vis-à-vis
de ses divers acteurs qui, parallèlement, n’ont jamais auparavant
eu autant leur mot à dire sur les questions liées à l’intégrité
et à la gouvernance du sport. Le mouvement sportif, à tous les échelons,
devra mettre de l’ordre dans ses affaires et réformer son mode de fonctionnement
en termes d’équilibre des pouvoirs, de transparence des procédures
ou de responsabilité. Cependant, les parties prenantes, qu’il s’agisse
des gouvernements, des acteurs publics, des organisations internationales
ou des sponsors, devraient également exercer davantage de pressions
extérieures et exiger des réformes plus audacieuses.
133. Le mouvement sportif manque à l’heure actuelle d’un leadership
solide pour véritablement prendre en main les questions d’intégrité
et de gouvernance du sport. Le CIO doit incontestablement accomplir
davantage de progrès et non seulement réagir de manière proactive
aux récents problèmes de corruption concernant les procédures de
candidature ou les scandales de dopage, mais également faire preuve
de détermination et d’un esprit d’initiative pour réviser ses Principes
universels de base et ses procédures de sélection des villes hôtes ou
éliminer tout conflit d’intérêt dans la composition de sa commission
d’éthique.
134. Sur un plan général, le monde du sport doit faire un véritable
bond en avant et introduire une culture de la gouvernance moderne.
Pour ce faire, il doit avant tout rétablir la confiance du public
dans un sport et des dirigeants d’organisations sportives propres,
capables d’administrer le mouvement sportif selon des pratiques et
normes de gouvernance contemporaines optimales. Cela suppose une
réelle volonté et des efforts considérables de la part des organisations
faîtières internationales (CIO, ASOIF, AIOWF) et des fédérations nationales
et internationales elles-mêmes.
135. Il est également urgent:
- de
mettre fin à l’impunité en cas de corruption dans le milieu sportif,
en améliorant la législation nationale et internationale et l’engagement
des organismes de répression;
- d’introduire un système efficace de la carotte et du bâton
en matière de gouvernance du sport, au moyen notamment d’un suivi,
d’une évaluation et d’un accompagnement appropriés des organisations sportives;
- de mettre au point des plateformes ouvertes à toutes les
parties prenantes pour partager informations et pratiques.
136. L’actuel défaut de leadership solide pourrait éventuellement
être pallié en créant une nouvelle plateforme ou alliance internationale
multipartite plus inclusive et gérée démocratiquement, qui oserait
fixer des objectifs ambitieux et se montrerait à la hauteur des
ambitions affichées. Cette instance pourrait prendre la tête des
opérations:
- en associant tous
les groupes d’acteurs à la définition de normes/références communes
en matière de gouvernance du sport. Afin de faciliter leur acceptation
universelle, ces normes/références pourraient être élaborées en
faisant appel au système d’un organisme de normalisation incontestable
et mondialement reconnu, par exemple en créant une norme de certification
ISO sur la bonne gouvernance du sport;
- en proposant un suivi, des conseils et un accompagnement
aux organisations sportives, quelle qu’en soient la taille, afin
de les aider à mettre en œuvre des réformes institutionnelles;
- en mettant en place une évaluation menée par des professionnels
indépendants du respect de la mise en œuvre des normes fondamentales
acceptées comme condition préalable pour pouvoir procéder à des
évaluations exactes, objectives et crédibles.
137. Toute évaluation de la conformité devrait être entreprise
dans le respect du principe de séparation des pouvoirs: les personnes
ou organismes chargés d’élaborer des concepts et d’assurer un suivi,
de fournir des conseils/une assistance/un accompagnement ne devraient
jamais assumer des fonctions de contrôle. Pour être crédible, l’évaluation
doit être menée par des organismes professionnels indépendants jouissant
d’une réputation internationale irréprochable, similaires aux agences
de notation ESG ou financière existantes.
138. Selon moi, tant les normes ISO qu’un système de notation de
l’éthique dans le sport constitueraient des alternatives viables,
loin de s’exclure mutuellement. La notation prend en fait le relais
de la certification ISO.
139. Un système efficace d’évaluation et de notation ne peut fonctionner
de manière indépendante: il suppose une approche plus globale et
holistique par la création d’interconnexions entre le développement, l’évaluation,
le suivi, l’examen, le conseil et la formation, le renforcement
des capacités et la participation des principaux acteurs, à savoir
les organisations sportives à tous les échelons.
140. Il va sans dire que les divers acteurs – y compris le mouvement
sportif, les instances internationales compétentes, les gouvernements
et les experts de la société civile – devraient participer à la
conceptualisation des bases pour élaborer des références et critères
de la norme ISO et des algorithmes de classement. Une telle initiative
pourrait même permettre d’accélérer la définition de références
de gouvernance communes dans le cadre du même processus.
141. En tant que parties prenantes, les gouvernements devraient
avoir un intérêt tant à l’adhésion à des normes ISO qu’à un système
indépendant de classement international. Ces outils, bien que conçus
d’abord et surtout pour les fédérations sportives internationales,
ne devraient pas être fermés aux fédérations nationales ou aux clubs,
bien au contraire. On pourrait même envisager de subordonner l’octroi
de fonds ou subventions publics à l’obtention d’une certification
ISO ou d’un bon classement.
142. A long terme, la solution idéale serait de mettre en place
une fondation mondiale de la gouvernance du sport dotée de son propre
conseil consultatif multipartite, d’un véritable comité de direction
et d’un financement indépendant. Cette fondation pourrait être utile
à tous: d’un côté, elle financerait la création et l’évolution d’un modèle
de classement et, de l’autre, elle externaliserait l’évaluation,
la confiant à «Standard Ethics» ou à une structure de notation spécialisée
créée de sa propre initiative. Dans le même temps, la fondation
pourrait accorder des subventions aux organisations sportives qui
demandent de leur plein gré à être évaluées (ce qui écarterait l’argument
selon lequel les petites organisations ne peuvent se le permettre)
et aux gouvernements et instances sportives dirigeantes qui commandent
une notation spontanée.
143. Enfin, tout au long des travaux que je mène depuis deux ans,
j’ai pu observer que si les gouvernements nationaux s’investissent
de plus en plus activement dans le débat sur la gouvernance et l’intégrité
du sport, il n’existe en revanche pas d’action parlementaire coordonnée
ou de partenariat parlementaire international qui permettrait aux
députés d’intervenir comme des interlocuteurs crédibles dans le
débat actuel, en dehors du cadre des rapports individuels. À cette
fin, je propose de créer une alliance parlementaire pour la bonne gouvernance
et l’intégrité dans le sport, qui réunirait les parlements nationaux
et les instances parlementaires internationales pour débattre de
manière constructive sur les questions de gouvernance et d’intégrité
dans le sport. La première mission de cette alliance pourrait être
de contribuer aux préparatifs de la 15e Conférence du
Conseil de l’Europe des ministres responsables du Sport qui aura
lieu en octobre 2018 à Tbilissi et d’organiser une conférence parlementaire
en marge de cette manifestation.