1. Introduction
1. En 2012, l’Assemblée parlementaire
notait que les gouvernements européens avaient réduit les niveaux d’immigration
sans faire d’exception pour la mobilité universitaire (voir la
Résolution 1906 (2012) sur la consolidation et l'ouverture internationale de
l'Espace européen de l’enseignement supérieur (EEES)). Pour inverser
cette tendance, elle recommandait des mesures visant à encourager
la mobilité des étudiants, des enseignants, des chercheurs et des
responsables universitaires par une réduction des obstacles administratifs.
Ainsi deviendrait-il plus facile d’obtenir des visas et une couverture
sociale. Ces mesures devaient également permettre d’assurer une
reconnaissance adéquate des qualifications et améliorer la coopération
avec les pays non membres de l’EEES.
2. Plus récemment, la
Résolution
2044 (2015) et la
Recommandation
2066 (2015) sur la mobilité des étudiants invitaient les États membres
à supprimer les obstacles à la mobilité, qui, comme le met fortement
en avant le Processus de Bologne, a contribué au progrès économique,
au développement social et à la compréhension interculturelle. La
résolution souligne combien il est important de susciter l'intérêt
et la motivation des étudiants, et explique également que les entreprises
privées peuvent soutenir la mobilité universitaire.
3. Les travaux antérieurs de l’Assemblée sur la mobilité des
étudiants s’inscrivaient dans le contexte de l’éducation (commission
de la culture, de la science, de l’éducation et des médias). Le
rapport de 2014 sur la mobilité des étudiants, qui a donné lieu
aux textes adoptés ci-dessus, appelle à augmenter le financement alloué
à la mobilité des étudiants, d’améliorer la reconnaissance des résultats
de l’apprentissage et de réduire les complications bureaucratiques.
Les établissements d’enseignement supérieur sont invités à multiplier
les informations sur les programmes de mobilité universitaire et
à intégrer ces programmes aux cours ordinaires, aux diplômes conjoints
et aux cours de langue étrangère, ainsi qu’aux programmes de parrainage
entre étudiants entrants et sortants.
4. Toutefois, le présent rapport étant rédigé dans le cadre des
migrations, il traite d’aspects plus étroitement liés à ce domaine,
tels que la diversité culturelle, l’élargissement de la gamme des
compétences et la transition entre les études et le marché du travail.
5. Je tiens à remercier Mme Lucie
Cerna, associée de recherche au Centre des Migrations, des politiques et
de la Société (Centre on Migration, Policy and Society, COMPAS),
Oxford, Royaume-Uni. Son travail de grande qualité m’a permis de
fonder mes recommandations sur des faits vérifiés soutenus par des
sources qualifiées.
6. Afin d’assurer le suivi de ce rapport et d’examiner les défis
que représente le départ de l’Union européenne du Royaume-Uni pour
la mobilité des étudiants arrivant et partant du pays, la sous-commission sur
les enfants et les jeunes réfugiés et migrants de la commission
des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées tiendra
une audition en mars 2018 à Londres, avec la participation d’institutions parlementaires,
gouvernementales et universitaires.
2. Mobilité des étudiants en Europe et
au-delà
2.1. Avantages
de la mobilité internationale des étudiants
7. La mobilité universitaire offre
des avantages aux étudiants, aux établissements d’enseignement supérieur,
aux employeurs et aux pays d’accueil. Pour les étudiants, apprendre
à l’étranger est l’occasion d’accéder à un enseignement de qualité,
d’acquérir des compétences parfois ignorées dans le pays d’origine et
de se rapprocher d’un marché de l’emploi qui accueillera favorablement
une bonne éducation. Étudier à l’étranger est aussi considéré comme
un moyen d’améliorer ses qualifications dans un marché du travail
en pleine mondialisation.
8. Étudier à l’étranger peut non seulement faciliter la transition
entre l’école et le travail
, mais
aussi développer l’entente entre des cultures différentes, la confiance
en soi et l’esprit de conciliation, la diplomatie
et la collaboration
. Par
ailleurs, il améliore les compétences en langues, notamment en anglais
.
9. Ce qui est enseigné à l’étranger n’est pas nécessairement
proposé dans le pays d’origine, mais peut être apprécié des employeurs
locaux, qui demandent de plus en plus de qualifications à composante internationale
.
10. Pour les pays d’accueil, les étudiants mobiles peuvent être
une importante source de revenu
. À court terme, les étudiants
étrangers paient souvent des frais de scolarité qui, dans certains
pays, sont supérieurs à ceux appliqués aux ressortissants nationaux.
Par leurs dépenses de subsistance, ils contribuent aussi à l’économie
locale. À plus long terme, les étudiants étrangers hautement qualifiés
ont des chances d’intégrer le marché du travail local. Attirer des
étudiants étrangers, surtout s’ils restent définitivement, est un
moyen de puiser dans un bassin mondial de talents, de favoriser
le développement de nouveaux systèmes de production mais aussi pour
beaucoup de pays d’atténuer l’impact du vieillissement démographique
sur la disponibilité future de compétences
.
11. La mobilité des étudiants qui promeut la diversité
et la connaissance d’autres cultures
favorise l’innovation
et la créativité
,
améliorant ainsi la qualité et les opportunités. Les régions à diversité
de main-d’œuvre font souvent davantage preuve de meilleurs résultats,
et leurs entreprises sont une meilleure source d’idées et de résolution
des problèmes
.
12. Malgré les nombreux avantages que la mobilité internationale
des étudiants peut apporter aux personnes, aux établissements d‘enseignement
supérieur, aux employeurs et aux pays, tous les pays et autres acteurs
concernés n’ont pas pu en profiter.
2.2. Une
augmentation générale de la mobilité, mais des mesures incitatives
insuffisantes pour les étudiants non européens
13. Il y a actuellement une forte
attraction vers les études à l’étranger. Il y a une demande globale
pour une éducation tertiaire qui incite de plus en plus d’étudiants
à poursuivre au moins une partie de leurs études à l’étranger. La
réduction des coûts de transport et de communication et l’internationalisation
des marchés de l’emploi pour les personnes hautement qualifiées
y ont contribué. En outre, beaucoup de gouvernements et d’institutions
supranationales (dont l’Union européenne) ont encouragé les liens
universitaires, culturels, sociaux et politiques entre les pays
.
14. Dans le monde entier, la mobilité des étudiants est passée
de 800 000 étudiants étrangers inscrits dans des programmes tertiaires
en 1975 à 4,6 millions en 2016
.
Entre 2000 et 2012, l’Union européenne a plus que doublé sa population
estudiantine internationale.
15. Toutefois, ces chiffres ne tiennent pas compte des différences
considérables entre pays dès lors qu’il s’agit d’attirer des étudiants
étrangers
. De plus,
si la mobilité des étudiants en Europe est facilitée par le programme
d’échange Erasmus et par l’EEES mis en place par le Processus de
Bologne, ces mesures ne suffisent pas à attirer les étudiants non
européens vers des universités européennes sur le long terme.
2.3. Typologie
de la mobilité des étudiants étrangers
16. En 2015, les pays anglophones
ont généralement accueilli le plus grand nombre, quatre d’entre
eux accueillant plus de la moitié des étudiants étrangers. Les États-Unis
ont reçu 907 000 étudiants, le Royaume-Uni 431 000, l’Australie
294 000 et le Canada 172 000, provenant principalement de l’Asie
– 87 % en Australie, 76 % aux États-Unis et 54 % au Royaume-Uni
.
17. En 2015, l’Australie, l’Autriche, le Luxembourg, la Nouvelle-Zélande,
la Suisse et le Royaume-Uni connaissaient le plus grand nombre d’étudiants
entrants, par rapport à l’ensemble des étudiants étrangers inscrits
dans l’enseignement supérieur. En Europe, les étudiants étrangers
représentent 15,9 % des inscriptions dans l’enseignement supérieur
en Autriche, 18,5 % au Royaume-Uni, 45,9 % au Luxembourg, 11,2 %
au Pays-Bas, 10,3 % au Danemark, 9,9 % en France et 7,7 % en Allemagne.
Les étrangers forment un vaste groupe parmi les étudiants des universités
tchèques (10,5 %)
. En revanche,
en Slovénie, Espagne et Pologne, les étudiants entrants représentent
moins de 3 % des inscriptions dans l’enseignement supérieur.
18. Quelque 1,52 million d’étudiants étrangers étaient inscrits
à des programmes dans l’Union européenne en 2015. Néanmoins, les
chiffres varient considérablement entre les États membres de l’Union
européenne. La France (239 000) et l’Allemagne (229 000) sont en
tête des pays d’accueil – suivis des Pays-Bas (86 000) et de l’Espagne
(75 000). Mais si la majorité des étudiants entrant en France viennent
d’Afrique (41 %), d’autres pays européens sont la principale source
pour l’Allemagne (42 %). Néanmoins, l’Asie arrive en second en ce
qui concerne les étudiants étrangers en France (23 %) et en Allemagne
(35 %). Aux Pays-Bas, les étudiants étrangers sont aussi principalement
européens (57 %). L’Espagne diffère de manière notable – jusqu’à
37 % proviennent de pays de l’Amérique latine. Les plus petits pays
européens comptent davantage sur la mobilité intra-européenne. Par
exemple, plus de 80 % des étudiants entrant en Autriche, en République tchèque,
au Danemark, au Luxembourg, en Pologne, en Slovénie et en République
slovaque viennent d’Europe
.
19. En 2010, en comparaison, l’Europe était la destination préférée:
41 % de tous les étudiants étrangers s’y sont rendus. Les régions
de destination montantes étaient l’Amérique Latine et les Caraïbes,
l’Océanie et l’Asie, tendance reflétant l’internationalisation des
universités dans un nombre croissant de pays
.
20. En 2010, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne étaient
les principaux pays d’accueil, suivis de l’Espagne et de l’Autriche.
Mais à cette époque, comme maintenant, les divergences étaient grandes.
Si la majorité des étudiants entrant en France venaient d’Afrique
(42,8 %), d’autres pays européens demeuraient la principale source
d’étudiants étrangers pour l’Allemagne (46,4 %). Au Royaume-Uni,
une grande part des étudiants étrangers venait de pays asiatiques
(42,7 %). En Autriche, les étudiants étrangers étaient aussi majoritairement
européens (83,8 %) alors que 50 % des arrivées en Espagne provenaient
d’Amérique latine. Plus de 80 % des étudiants entrant en Autriche,
en République tchèque, en Estonie, au Luxembourg, en République
slovaque et en Slovénie venaient d’ailleurs en Europe
.
21. Pour diverses raisons exposées dans ce rapport (droits de
scolarité, langue de l’enseignement, qualité des établissements
d’enseignement supérieur et politique d’immigration), beaucoup de
pays de l’Union européenne ont toujours du mal à attirer des étudiants
non européens. Tous ces facteurs ont un effet déterminant sur le
nombre d’étudiants étrangers et sur la durée de leur séjour.
2.4. Limites
des données existantes
22. Les modes de collecte des données
sur les étudiants étrangers sont incohérents. Dans un certain nombre
d’États, en particulier au Royaume-Uni, les statistiques ne différencient
pas les étudiants des autres migrants: les étudiants sont comptés
dans les statistiques générales de migration. Certains pays, tels l’Australie,
le Canada et les États-Unis reclassent les étudiants en tant que
migrants temporaires et ne les comptent pas dans la catégorie des
migrants permanents.
23. Pour l’OCDE et l’Organisation des Nations Unies pour l'éducation,
la science et la culture (UNESCO, les données relatives aux étudiants
étrangers s’appuient sur les inscriptions enregistrées dans les
pays de destination. Cette même méthode est employée pour collecter
les données concernant le total des inscriptions – c’est-à-dire
les étudiants normalement inscrits à un programme d’enseignement.
Quant aux étudiants inscrits dans des pays n’ayant rien signalé
à l’OCDE ni à l’Institut de statistique de l’Unesco, ils ne sont
pas inclus et, pour leurs pays d’origine, le nombre total d’étudiants
nationaux inscrits à l’étranger est parfois sous-estimé.
24. Dans ses statistiques internationales sur l’éducation, l’OCDE
a tendance à ignorer l’impact de l’apprentissage à distance et en
ligne (notamment des MOOC (Massive Open Online Courses – Cours online ouverts
à tous) en plein essor), des étudiants qui font tous les jours la
navette entre deux pays et des programmes d’échange de courte durée
limités à une année universitaire (programme Erasmus, par exemple). D’autres
préoccupations tiennent à la classification des étudiants étrangers
dans des cohortes d’étudiants du pays d’accueil, malgré une inscription
sur un campus étranger et dans des écoles européennes. Ajoutons
que l’OCDE ne collecte pas les données de tendance relatives aux
étudiants étrangers selon l’origine
.
3. Les
facteurs de divergence dans la capacité des pays à attirer des étudiants
étrangers
25. Les raisons de ces différences
dans la capacité des pays à attirer des étudiants étrangers sont
multiples. La migration étudiante est souvent influencée par des
différences au niveau des capacités d’éducation; il peut s’agir
d’un manque d’équipements universitaires dans le pays d’origine
ou, tout simplement, du prestige d’établissements d’enseignement
et de leurs programmes dans le pays de destination. Elle tient aussi
à la comparaison entre pays d’origine et pays de destination au
niveau du «retour sur investissement» dans les études et les compétences.
Par ailleurs, les liens culturels, linguistiques et historiques
entre pays ainsi que les réseaux communautaires ne sont pas sans
influer sur le choix des étudiants
.
Parmi d’autres facteurs, citons également les frais de scolarité,
la qualité perçue des établissements d’enseignement à l’étranger,
la langue d’enseignement, la compatibilité et la comparabilité des
systèmes d’enseignement, la politique d’immigration ainsi que la
perception du contexte économique, politique et social dans les
pays d’accueil potentiels.
26. L’incidence des frais de scolarité sur la mobilité internationale
des étudiants a déjà été exposée. Le plus souvent le niveau des
droits de scolarité est fixé par les établissements d’enseignement
supérieur eux-mêmes, mais les gouvernements peuvent contrôler ou
plafonner ces frais par une réglementation ou en augmentant le financement
public de ces établissements. Ils peuvent aussi alléger la charge
financière pesant sur les individus en subventionnant les étudiants
(prêts ou bourses, par exemple).
27. Dans certains pays, les frais de scolarité sont les mêmes
pour tous les étudiants, qu’ils soient ressortissants nationaux
ou étrangers. Ainsi, au sein de l’Espace européen de l’enseignement
supérieur (EEES), les étudiants étrangers venus d’autres pays de
l’Union européenne sont traités comme des étudiants nationaux en
ce qui concerne le paiement des frais de scolarité. En dehors de
l’Europe, des pays tels que le Brésil, la Colombie, Israël, la Corée
et la Suisse appliquent aussi des droits identiques aux étudiants
nationaux et étrangers. En revanche, certains pays hôtes (Grèce,
Irlande, Lettonie, Canada et Nouvelle-Zélande, par exemple) différencient
entre les étudiants étrangers et nationaux et appliquent aux étrangers
des frais de scolarité supérieurs. Ils évitent ainsi d’alourdir
la charge fiscale des contribuables et accroissent même les revenus
issus du commerce international des services éducatifs
.
28. Les étudiants étrangers sont moins disposés à se rendre dans
les pays appliquant des droits de scolarité élevés. Ainsi, pour
l’année universitaire 2011-2012, la Suède a introduit des frais
de scolarité pour certains programmes de l’enseignement supérieur.
Pour ces programmes, le nombre des nouveaux entrants n’appartenant
pas à l’Espace économique européenne (EEE) a chuté de presque 80 %
en 2012, puis légèrement remonté (de 6 points de pourcentage) entre
2012 et 2014. Parallèlement, le nombre des entrants appartenant
à l’EEE a augmenté – 28 % l’année où la réforme est entrée en vigueur.
Des effets identiques se sont fait sentir au Danemark après la réforme
des frais de scolarité en 2006
.
29. Les étudiants les plus motivés s’inscrivent quel que soit
le montant des droits car, lorsqu’ils choisissent leur pays de destination,
les critères clés sont pour eux la qualité de l’enseignement et
la valeur des établissements universitaires à l’étranger telles
que perçues
.
Les destinations les plus prisées comprennent par conséquent un
grand nombre d’établissements d’enseignement supérieur de renom.
30. La langue a déjà été identifiée en tant que déterminant majeur.
Les pays dont la langue d’enseignement, tant parlée qu’écrite, est
répandue (par exemple, anglais, français, allemand, russe et espagnol)
ont beaucoup de succès auprès des étudiants étrangers. L’anglais
est la
lingua franca mondiale
– il est parlé par une personne sur quatre
. Les pays où l’anglais est langue
officielle (juridiquement ou de fait
)
– tels l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande, l’Afrique du
Sud, le Royaume-Uni et les États-Unis – comptent parmi les destinations
favorites des étudiants étrangers. L’anglais se voit de plus en
plus inclus dans le programme scolaire obligatoire, même à des niveaux
précoces de l’éducation et, pour améliorer leurs compétences, beaucoup
d’étudiants choisissent des destinations dont l’anglais est la langue
officielle. Qui plus est, dans un nombre croissant de pays non anglophones
(pays nordiques, par exemple) les programmes de l’enseignement supérieur
sont dispensés en anglais
– en
Europe continentale, les Pays-Bas sont le pays qui offre le plus
de programmes enseignés en anglais: environ 30 % des cours de 1er cycle
d’université et plus de la moitié des programmes de master proposés
dans le pays
.
31. La compatibilité des systèmes d’enseignement nationaux conditionne
aussi la mobilité, de même que la reconnaissance des diplômes et
l’information, cette dernière permettant d’écarter des obstacles
aux échanges d’étudiants, favorisant en même temps le marché mondial
des compétences avancées. Le Processus de Bologne illustre ce type
de coopération au niveau de l’Union européenne, ayant augmenté la
mobilité des étudiants en Europe par l’harmonisation de la structure
des diplômes, le renforcement de l’assurance qualité, la simplification
de la reconnaissance des qualifications et des périodes d’études
dans les pays de l’Union européenne ainsi que par la promotion de
divers instruments de mobilité
.
32. Les restrictions et la complexité des procédures d’immigration
dissuadent souvent les étudiants de se rendre dans certains pays.
Aussi les pays continuent-ils de remanier leur cadre juridique pour
attirer et fidéliser les étudiants étrangers
. Les réformes consistent essentiellement
à délivrer des visas étudiant, à améliorer ou à simplifier les procédures
d’immigration et à assouplir les restrictions applicables au permis
de travail de courte durée pour les étudiants.
33. Par exemple, en juillet 2016, l’Australie a mis en place le
régime de visa étudiant simplifié (SSVF,
Simplified
Student Visa Framework), le but étant de simplifier le
processus de demande de visa étudiant et de réduire la paperasserie
des entreprises
. Cette démarche a permis
de ramener de huit à deux le nombre de sous-classes de visas étudiant,
ainsi que d’instaurer un seul et unique cadre de gestion des risques d’immigration
simplifié pour aider les étudiants à satisfaire aux conditions financières
et linguistiques
. En mai 2016,
le Gouvernement australien a annoncé un plan d’action sur 10 ans
pour attirer les étudiants étrangers. Cette initiative vise à améliorer
la qualité de l’enseignement, à apporter un meilleur soutien aux
étudiants et à construire des partenariats; objectif: obtenir 720 000 nouvelles
inscriptions d’ici à 2025
.
34. En Nouvelle-Zélande, un visa étudiant spécial permet à l’étudiant
d’entreprendre jusqu’à trois programmes d’études consécutifs, et
ce sur une période maximale de cinq ans
. En 2014, le
Canada a révisé son programme de mobilité internationale et simplifié
l’accès au permis de séjour pour les étudiants étrangers inscrits
dans un établissement d’enseignement canadien afin qu’ils puissent
travailler à temps partiel (20 heures par semaine) en dehors du
campus
.
35. La décision de partir étudier à l’étranger peut aussi être
conditionnée par des facteurs économiques, politiques et sociaux,
tels que croissance économique et possibilités d’emploi, stabilité
politique, climat politique (se sentir bienvenu ou non) et robustesse
des institutions dans le pays hôte, affinités culturelle et/ou religieuse
entre pays d’origine et de destination, ou réseaux en place dans
le pays de destination
. Ainsi, de récents facteurs tels
que la récession financière, la crise des migrants et des réfugiés,
le Brexit, la montée des partis populistes et le ralentissement
de la croissance économique en Chine ont également tous influé sur
la mobilité internationale des étudiants.
36. La mobilité internationale des étudiants peut se décrire en
trois étapes. La première (1999-2006) a démarré avec les attaques
terroristes de 2001 aux États-Unis et a été caractérisée par une
augmentation du nombre d’inscriptions dans les domaines des sciences
et de la technologie. La deuxième étape (2006-2013) a reflété la
récession financière mondiale, qui a poussé les destinations traditionnelles
à recruter des étudiants étrangers. Quant à la troisième étape (2013-2020),
elle s’est amorcée avec le ralentissement de l’économie chinoise,
le référendum du Royaume-Uni pour quitter l’Union européenne et
des politiques américaines. Cette étape donne lieu à une compétition
accrue parmi les destinations nouvelles et traditionnelles pour
attirer les étudiants étrangers
.
4. Cadre
législatif et politiques en place dans l’Union européenne
37. Pour encourager la mobilité
des étudiants, l’Union européenne a lancé un certain nombre de programmes
et d’initiatives, en particulier le programme d’échange d’étudiants
Erasmus et l’EEES mis en place par le Processus de Bologne. Ce sont
là des outils en faveur du progrès économique, du développement social
et de la compréhension interculturelle. L’EEES a amené des changements
facilitant les études et la formation à l’étranger; ainsi la structure
licence-master-doctorat (L.M.D.) et des avancées en matière d’assurance
qualité ont-elles favorisé la mobilité des étudiants et du personnel
universitaire ainsi que renforcé les établissements et les systèmes
universitaires.
38. Le programme le plus connu, Erasmus, apporte un soutien direct
à ceux qui souhaitent étudier ou se former à l’étranger, ainsi qu’aux
projets favorisant une coopération inter-frontalière entre établissements d’enseignement
supérieur. Axé sur l’acquisition des compétences par les étudiants,
Erasmus entend traiter des enjeux macroéconomiques à l’échelon national
et régional
. Le programme vise aussi à «améliorer l’attractivité
de l’enseignement supérieur en Europe et aider les établissements
d’enseignement supérieur européens à être compétitifs sur le marché
mondial de l’enseignement supérieur»
.
39. Depuis ses débuts en 1987-1988, le programme Erasmus a permis
à plus de trois millions d’étudiants européens de partir à l’étranger
étudier dans un établissement d’enseignement supérieur ou se former
dans une entreprise
.
Parce qu’elle est centrée sur le développement des compétences à
des fins d’employabilité et de citoyenneté active, la mobilité Erasmus
est un élément central des stratégies de la Commission européenne.
En 2015, 33 États ont participé au programme, dont les 28 États
membres de l’Union européenne. Destination la plus prisée: l’Espagne,
qui a accueilli plus de 44 000 étudiants; suivie de l’Allemagne,
du Royaume-Uni, de la France et de l’Italie
.
La popularité de ces cinq pays est demeurée plus ou moins constante
au cours des dernières années.
40. Toutefois, les programmes existants ne facilitent pas suffisamment
la mobilité étudiante dans et vers l’Union européenne. Erasmus et
l’EEES promeuvent surtout des séjours de courte durée (en moyenne
six mois) pour les étudiants entre établissements d’enseignement
supérieur de l’Union européenne.
41. C’est pourquoi la Commission européenne a introduit en 2016
de «nouvelles règles pour attirer les étudiants, chercheurs et stagiaires
de pays tiers dans l’UE». Ces règles associent deux directives antérieures relatives
aux étudiants et aux chercheurs. La directive telle que modifiée
étend et améliore la mobilité au sein de l’Union européenne pour
les étudiants et les chercheurs et, pour les membres de la famille
des chercheurs (mais pas des étudiants), les possibilités d’accès
au marché du travail. Elle leur accorde la couverture en vertu de
la directive relative au regroupement familial, mais exempte les
chercheurs de bon nombre de ses conditions les plus restrictives
(celles liées à des mesures d’intégration avant le regroupement
et aux périodes d’attente). Les dispositions relatives à la mobilité,
tant pour les étudiants que les chercheurs, se voient multipliées.
En outre, la directive telle que modifiée permet aux étudiants comme
aux chercheurs de prolonger leur séjour de neuf mois au terme de
leurs études ou recherches afin de trouver du travail ou de créer
une entreprise
.
42. Bien que l’Union européenne soit une destination privilégiée
des étudiants étrangers, elle n’a pas été jusqu’à présent une très
grande réserve d’emploi pour les diplômés étrangers. La Directive
révisée de l’Union européenne sur les étudiants et les chercheurs
assure une période consacrée à la recherche d’emploi et à la création
d’entreprise, mais il faut faire davantage pour attirer les étudiants
dans l’Union européenne en premier lieu et pour aider ceux qui trouvent
un travail à rester après leurs études, et ce en facilitant l’octroi
du permis de travail et la recherche d’emploi dans toute l’Union
européenne
.
5. Étudiants
étrangers et voies vers la migration de main-d’œuvre
43. Avec leurs compétences et leurs
capacités, les étudiants étrangers représentent un atout pour les économies
locales. Aussi de nombreux pays les encouragent à rechercher un
emploi dans le pays où ils ont étudié. En 2014, la durée des périodes
de recherche d’emploi variait de six mois dans des pays tels que
la Norvège, la Slovénie, la Suisse, le Danemark et la Finlande,
à un an aux Pays-Bas
.
44. En revanche, d’autres pays n’ont prévu aucune disposition
spéciale pour prolonger les séjours, les diplômés devant recourir
aux canaux habituels de recherche d’emploi ouverts aux migrants.
C’était le cas, en 2014, de pays tels la Belgique, l’Estonie, la
Grèce, la Hongrie, le Portugal, l’Espagne, la Suède, le Royaume-Uni,
Israël et les États-Unis. En Suède, les étudiants étrangers peuvent
rechercher un emploi durant leurs études et, s’ils réussissent,
ils peuvent même passer au statut de travailleur avant la fin de
leur cursus universitaire.
45. Depuis 2014, les pays de l’OCDE sont plus nombreux à avoir
adopté des mesures pour encourager les étudiants étrangers à trouver
un emploi après obtention des diplômes. Ainsi la Norvège a-t-elle
étendu le permis de recherche d’emploi pour les étudiants et les
chercheurs étrangers de six à 12 mois. Depuis mars 2016, les Pays-Bas
accordent aux diplômés étrangers une période de trois ans après
obtention de leur diplôme pour demander un permis de séjour (au
lieu d’un an auparavant) – l’obligation d’obtenir un permis de travail au
cours de la première année a été supprimée. En Italie, le gouvernement
s’est efforcé de promouvoir le programme
Startup
Hubs, lancé fin 2014 et conçu pour faciliter la rétention
des étudiants étrangers (ainsi que d’autres migrants résidant déjà
en Italie) en simplifiant les procédures pour devenir créateur d’entreprise
.
46. En Estonie, les étudiants étrangers, de même que chercheurs
et enseignants, peuvent rester et travailler pendant 183 jours après
expiration de leur permis de séjour. Depuis juillet 2016, la Lettonie
autorise les étudiants de premier cycle à travailler 20 heures par
semaine, les étudiants de master et de doctorat autant qu’ils le
veulent. Les diplômés dotés d’un master ou d’un doctorat peuvent
demander un permis de séjour temporaire d’une durée de six mois,
période durant laquelle ils peuvent rechercher un emploi. En 2015,
la Lituanie a facilité l’entrée des étudiants étrangers sur le marché
du travail après obtention de leurs diplômes. Ils peuvent obtenir
une Carte Bleue et rester dans le pays s’ils prennent un emploi
hautement qualifié sans avoir besoin d’attester d’une expérience
professionnelle
.
47. Toutefois, ces mesures pour faciliter la recherche d’emploi
n’ont pas nécessairement conduit à un nombre plus grand d’emplois
pour les étudiants internationaux. Ce point est difficile à éclaircir
car, pour de nombreux pays, nous manquons de données fiables sur
les taux de rétention. Par exemple, en 2008-2009, quelque 17 % des
étudiants étrangers (non Union européenne) ont changé de statut
et prolongé leur séjour en Autriche, tandis qu’ils ont été plus
de 30 % à faire de même en France, en République tchèque et au Canada
.
48. Entre 16,4 % et 29,1 % des étudiants venus de pays hors Union
européenne restent dans l’Union européenne après leur diplôme. Ce
pourcentage est le plus élevé pour les étudiants venus d’Afrique
du nord-ouest et de la Communauté des États indépendants (CEI).
Mais un grand nombre d’inscriptions dans l’enseignement supérieur
ne signifie pas automatiquement un pourcentage élevé d’étudiants
qui restent. Ainsi, pour les étudiants chinois, groupe d’étudiants
étrangers le plus important, le pourcentage de ceux qui restent dans
le pays où ils ont étudié se situe entre 13,7 % et 15,5 % seulement.
Les données actuelles montrent les séjours courts (6-12 mois après
la fin des études), mais l’analyse est compliquée par la suite
. Différents facteurs
influent sur la durée du séjour des étudiants étrangers: par exemple,
similitude de la langue entre le pays d’origine et le pays d’accueil,
qualité institutionnelle et efficacité de la gouvernance et, enfin,
la maturité technologique et l’esprit d’innovation des pays.
6. Quelques
conclusions et recommandations
49. Le présent rapport conclut
que la mobilité universitaire est tout aussi bénéfique aux étudiants,
aux établissements d’enseignement supérieur, aux employeurs qu’aux
pays. Les étudiants étrangers contribuent à la viabilité économique,
favorisent la diversité et élargissent l’éventail des compétences.
En conséquence, tous les acteurs concernés doivent s’employer à
attirer et retenir les étudiants étrangers.
50. Les aspects principaux à prendre en compte sont les frais
de scolarité, la validation des diplômes, la compatibilité entre
systèmes d’enseignement et le degré de facilité pour les diplômés
de trouver un emploi dans le pays où ils ont étudié. Les pays hôte,
avec le soutien de leurs dirigeants politiques, devraient assurer un
environnement favorable à l’accueil des étudiants.
51. Nombreux sont les États membres de l’Union européenne à attirer
essentiellement des étudiants d’autres États membres plutôt que
d’autres parties du monde. Le présent rapport a permis d’identifier
plusieurs facteurs influant sur la mobilité internationale des étudiants
en Europe – les frais de scolarité, la langue d’enseignement, la
qualité institutionnelle, la politique d’immigration, les schémas
culturels et historiques et, enfin, le contexte économique, politique
et social dans le pays.
52. Multiplier les programmes enseignés en anglais aiderait les
pays, notamment les plus petits pays dont la langue n’est pas parlée
ailleurs, à attirer un plus grand nombre d’étudiants étrangers.
53. Beaucoup plus d’étudiants étrangers s’inscrirait en Europe
si les droits d’inscription étaient fixés à un taux raisonnable
ou identiques pour tous les étudiants, nationaux et étrangers.
54. Pour attirer des étudiants vers l’Europe, il est également
conseillé d’améliorer la qualité des établissements d’enseignement
supérieur et de créer plus d’universités de classe mondiale.
55. De même il serait important de développer un environnement
innovant et compétitif pour attirer des étudiants étrangers.
56. Mettre en place des politiques d’immigration propres à faciliter
l’admission des étudiants étrangers, à leur permettre d’acquérir
une expérience professionnelle et de prolonger leur période de recherche
d’emploi en fin d’études, voilà aussi qui peut clairement influencer
la décision de diplômés étrangers de partir étudier, puis travailler,
en plus grand nombre en dehors de leur pays d’origine.
57. D’autres mesures consisteraient à lever les barrières linguistiques
durant les études et apporter une aide à ceux qui souhaitent passer
des études vers l’emploi.
58. Une fois un emploi trouvé, il pourrait être utile d’aider
les diplômés étrangers à trouver un logement et à répondre aux exigences
du marché du travail local.
59. Il est très important d’offrir aux étudiants étrangers un
environnement positif dès leur arrivée dans le pays de destination,
afin de leur donner envie d’étudier et de travailler sur place,
se sentant mieux accueillis au sein des collectivités et des établissements
d’enseignement universitaire.
60. L’amélioration de la collecte des données par l’harmonisation
entre les pays des définitions de la mobilité étudiante ainsi que
par une subdivision des données sur l’immigration par catégories
est essentielle.