1. Introduction:
origine, portée et objectif du rapport
1. Le 21 juin 2016, la commission
des questions sociales, de la santé et du développement durable
a déposé une proposition de résolution sur «Le changement climatique
et la mise en œuvre de l’Accord de Paris» (
Doc. 14093). Cette proposition souligne que le changement climatique
représente la menace la plus importante de ce siècle pour l’humanité
et que ce sont l’avenir des prochaines générations et le développement durable
de notre planète qui sont en péril. Les auteurs de la proposition
déplorent que les pays en développement soient les plus durement
touchés alors que leur responsabilité dans les émissions de gaz
à effet de serre est bien moindre que celle des pays développés.
C’est pourquoi la proposition salue l’accord historique signé à
Paris en 2015 et appelle instamment l’Assemblée parlementaire à
favoriser la mise en œuvre de ce dernier à tous les niveaux de gouvernance,
notamment grâce au recensement des bonnes pratiques adoptées dans
les États membres en matière de lutte contre le changement climatique.
2. Étant à l’origine de cette initiative et au vu de mes précédents
travaux sur le changement climatique, j’ai été nommé rapporteur
par la commission le 10 octobre 2016. La commission m’a par la même
occasion désigné pour la représenter à la Conférence des Nations
Unies sur le changement climatique (COP22) qui s’est tenue du 7
au 18 novembre 2016 à Marrakech (Maroc), ce qui m’a permis de présenter
la position de notre Assemblée lors de la réunion parlementaire
organisée par l’Union interparlementaire (UIP) et le Parlement marocain
durant cette conférence. J’ai profité de cette visite pour organiser
des réunions de haut niveau avec les autorités marocaines et réunir
des éléments pour étayer mon rapport. D’autres d’informations ont
pu être recueillies lors de la réunion parlementaire et de diverses
manifestations qui ont eu lieu les 12 et 13 novembre 2017 pendant
la COP23 à Bonn (Allemagne).
3. Le présent rapport, qui s’appuie sur les discussions tenues
au sein de la commission, sera axé sur la nécessité d’établir des
partenariats étroits et pragmatiques entre pays développés et pays
en développement afin d’engager des projets et d’échanger des bonnes
pratiques pour répondre plus efficacement aux enjeux climatiques.
Il fait le point sur les mesures de lutte contre le changement climatique
adoptées par la communauté internationale sur la base de l’Accord
de Paris et démontre qu’investir dans un développement plus respectueux
de l’environnement et dans des politiques mondiales durables relève
du bon sens économique et constitue un choix politique responsable
pour l’avenir. Il passe en revue les propositions les plus récentes
visant à intégrer les préoccupations liées au changement climatique
dans les priorités stratégiques et examine les défis posés par la
concrétisation des engagements pris dans le cadre de l’Accord de
Paris. Les perspectives se sont assombries dernièrement après l’annonce
par le Président Trump du retrait des États-Unis de cet Accord.
2. L’Accord de Paris – un tremplin vers
une action climatique d’envergure mondiale
4. Le compte à rebours a commencé
pour notre planète. La catastrophe du changement climatique, causée
par l’homme, peut encore être évitée à condition d’ouvrir les yeux
sur la nécessité d’un développement plus «propre» et plus «vert».
Les répercussions du dérèglement climatique qui s’observent déjà
dans les écosystèmes devraient se faire sentir de nombreuses décennies
durant. Une action immédiate s’impose donc à l’échelle planétaire.
Tous ensemble, nous pouvons échapper à la tempête, mais si nous
échouons, c’est toute l’humanité qui sombrera. En 1997, le Protocole
de Kyoto a été un premier pas dans la bonne direction pour les 40 pays
signataires. Grâce à l’Accord de Paris signé en décembre 2015, ce
sont désormais 195 signataires qui se sont engagés à agir (174 pays
ont ratifié le traité avant février 2018
; par conséquent, même avec le
retrait des États-Unis, plus de 70 % des émissions mondiales sont
couvertes). Alors que le processus de Kyoto définissait une approche
«du sommet vers la base», l’Accord de Paris préconise une approche
«de la base vers le sommet».
5. Ayant acté le principe d’une responsabilité commune mais différenciée
et forts de la promesse d’un investissement de $US 100 milliards
dans le Fonds vert pour le climat pour la mise en place de politiques d’adaptation,
nous devons encore accroître la solidarité de fait entre pays développés
et pays en développement pour assurer les échanges de savoir-faire.
Si nous voulons faire de l’Accord de Paris un instrument vivant
et préserver notre planète du réchauffement en faisant en sorte
de ne pas consommer plus de ressources qu’elle ne peut en produire,
il nous faudra établir des partenariats solides entre pouvoirs publics et
secteur privé à tous les niveaux. Les émissions de gaz à effet de
serre doivent être réduites pour limiter l’augmentation des températures
à 2°C d’ici à 2050. Dans l’idéal, il faudrait que les objectifs
nationaux et mondiaux en matière d’émissions nous permettent d’atteindre
une augmentation maximale de 1,8°C.
6. Le Conseil de l’Europe se fait avec l’Union européenne le
défenseur des efforts européens de lutte contre le changement climatique.
Son Assemblée parlementaire a suivi les négociateurs de la Convention-cadre
des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) de Kyoto
à Paris en publiant de nombreux rapports et déclarations sur le
climat, l’eau et la sécurité alimentaire, les nouveaux Objectifs
de développement durable, la diversification de l’énergie et les
énergies fossiles non conventionnelles, les implications des nanotechnologies
pour la santé publique et l’environnement
, pour ne citer que quelques-uns des points
saillants examinés en ayant à l’esprit les impératifs climatiques.
7. En notre qualité de parlementaires engagés au nom du Conseil
de l’Europe, nous avons le devoir de plaider en faveur du développement
durable, seule voie possible pour prévenir des violations des droits
de l’homme (et en particulier les droits à la vie, à l’eau, à l’alimentation
et à l’hébergement) dues à des catastrophes climatiques. Le coût
des événements climatiques extrêmes ne cesse d’augmenter, tout comme celui
de l’inaction. Selon l’Agence européenne pour l’environnement, la
note s’élevait entre 1980 et 2013 à € 400 milliards dans l’ensemble
de l’Europe. Elle est passée de € 7,6 milliards par an dans les
années 1980 à € 13,7 milliards par an dans les années 2000
. Dans le contexte actuel,
l’Europe est particulièrement bien placée pour jouer un rôle de
chef de file mondial en matière de climat, tout particulièrement
si elle forge une alliance verte avec des acteurs de premier plan
comme la Chine.
3. Enseignements
tirés de la COP22 (Marrakech (Maroc), 7-18 novembre 2016): coopération
et efficacité des politiques pour faire face au changement climatique
8. Notre climat se réchauffant
à un rythme alarmant et sans précédent, il est de notre devoir de
réagir. Un engagement politique au plus haut niveau est aussi urgent
qu’impératif pour lutter contre ce phénomène, comme l’a reconnu
la Proclamation d’action de Marrakech approuvée en novembre 2016,
un an après la conclusion de l’Accord de Paris
. Les modalités d’application des
mesures proposées par ledit accord, entré en vigueur le 4 novembre 2016,
restent à définir. Comme cela a été décidé lors de la COP22, ce
processus – dont les législateurs sont les principaux artisans –
devrait aboutir d’ici fin 2018. Une feuille de route sur cinq ans,
destinée à évaluer les politiques nationales pour déterminer si
celles-ci vont dans le sens des objectifs nationaux, doit être approuvée
dans chacun des pays signataires. Il sera ainsi possible de suivre
l’avancement de la mise en œuvre des engagements souscrits dans
le cadre de l’Accord de Paris.
9. La réalisation des objectifs passe par la coopération entre
pays développés et pays en développement. La COP22 a mis en lumière
certains désaccords quant aux actions à entreprendre, les pays en
développement étant davantage attachés à l’adaptabilité et à la
résilience tandis que les pays développés privilégiaient les objectifs
en matière d’émissions. Cette absence de consensus tend à pénaliser
les populations les plus vulnérables qui sont les premières à souffrir
du réchauffement climatique. Selon l’économiste français Thomas Piketty,
la tendance au creusement des inégalités sera exacerbée par les
mesures d’atténuation des effets du changement climatique et les
efforts d’adaptation. C’est pourquoi les politiques en matière de
durabilité proposées à Paris doivent être coordonnées au niveau
national en gardant à l’esprit le principe des responsabilités communes
mais différenciées, ainsi que la nécessité d’une solidarité accrue
envers les pays les plus exposés.
10. L’agriculture durable et l’adaptation au changement climatique
ont été les thèmes majeurs de la COP22. Diverses mesures touchant
à la sécurité alimentaire ont été examinées: celle-ci deviendra
en effet – réchauffement climatique oblige – un enjeu crucial pour
les populations vivant dans des régions sujettes à la sécheresse.
Les pays en développement doivent attirer des investissements étrangers
pour pouvoir s’adapter aux effets du réchauffement climatique sur
leur agriculture et continuer de jouer un rôle à part entière dans
la réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
11. Une agriculture durable suppose un usage plus parcimonieux
et rationnel des ressources. Les meilleures ressources et énergies
sont celles que l’on ne consomme pas. Une étude réalisée par l’Université de
Hull
montre les multiples contributions potentielles
des nouvelles technologies à une utilisation plus rationnelle de
l’eau et de l’énergie dans le secteur agricole. D’après l’Organisation
de coopération et de développement économiques (OCDE), 70 % de la
consommation d’eau douce dans le monde sont imputables à l’agriculture.
En outre, d’ici 2030, l’agriculture mondiale pourrait devoir produire
jusqu’à 50 % de vivres supplémentaires selon les régions, ce qui
représente un défi de taille. Dans les régions arides, la pénurie
d’eau est d’ores et déjà préoccupante, y compris pour la consommation
des ménages. La transition vers une agriculture durable grâce à
la modernisation des systèmes d’approvisionnement en eau et à une
irrigation plus efficace pourrait permettre d’économiser jusqu’à
40 % d’eau par rapport aux modes d’utilisation traditionnels. Elle
contribuerait aussi à réduire les émissions de carbone et les ponctions
dans les aquifères extrêmement précieux des régions arides. Le financement
vert devrait permettre aux pays en développement d’écologiser leur
économie et de renforcer leur capacité d’adaptation
. En plus
d’ouvrir d’immenses perspectives économiques pour le développement
durable, cette transition favoriserait la création d’emplois qualifiés
et renforcerait la lutte contre la pauvreté.
12. S’agissant de l’adoption de politiques de «décarbonation»,
il ne faut pas oublier que les émissions de dioxyde de carbone ne
constituent qu’une fraction de l’ensemble des émissions de gaz à
effet de serre. Ainsi, sur une période de référence de 20 ans, le
potentiel de réchauffement planétaire du méthane est 86 fois supérieur
à celui du CO2. L’élevage représente quant
à lui près de 18 % des émissions de gaz à effet de serre, principalement
sous forme de méthane. Cet aspect souvent ignoré doit être dûment
pris en compte dans l’optique d’une transition vers un développement
écologique. Au total, les émissions de gaz à effet de serre d’origine
humaine sont de sept types (CO2, CH4,
N2O, HFC, PCF, SF6,
NF3). C’est le CO2 qui
a le plus faible potentiel de réchauffement planétaire mais c’est
aussi lui qui a le plus contribué au réchauffement de la planète depuis
1750
.
4. Partenariat
de Marrakech pour l’Action climatique globale, à travers l’investissement
et le renforcement de l’engagement de toutes les parties prenantes
13. D’après le Secrétaire exécutif
de la CCNUCC, le mouvement collectif amorcé avec l’Accord de Paris sera
déterminant pour assurer l’irréversibilité de la dynamique et un
avenir durable pour tous. Dans le cadre de l’Accord de Paris, ce
ne sont pas seulement les États, mais aussi les autorités régionales
et les entreprises privées qui se disent prêtes à s’engager et à
agir en faveur d’un développement durable et respectueux de l’environnement.
C’est dans cet esprit que le Partenariat de Marrakech pour l’Action
climatique globale («le Partenariat de Marrakech») a été lancé lors
de la COP22. Conçu pour asseoir solidement le processus de la CCNUCC,
il a pour but de catalyser et de soutenir l’action des États parties
et non parties entre 2017 et 2020 en appliquant les mesures définies
lors de la COP21 à Paris. Le Partenariat de Marrakech entend mobiliser des
acteurs de tous bords et encourage à cet effet la coopération volontaire,
y compris de la société civile, du secteur privé, des institutions
financières, des villes et autres autorités infranationales, des
communautés locales et de l’ensemble de la population.
14. Il faut impérativement que les gouvernements travaillent avec
les principaux acteurs financiers, banques de développement et organismes
privés pour réunir les financements nécessaires à la transition
vers une économie mondiale à faibles émissions de carbone et résistant
au changement climatique. Sans appuis financiers soutenant des objectifs
de développement durable, les objectifs de l’Accord de Paris ne
pourront être atteints dans les délais voulus. C’est pourquoi il
faut en particulier encourager les partenariats d’investissement
public-privé. Le domaine des énergies renouvelables est un bon exemple
de secteur dans lequel ces partenariats peuvent être bénéfiques
pour les deux parties et servir la cause du climat. Alors que de
nombreux pays européens ont déjà entamé leur transition vers des
énergies plus propres, les entreprises privées pourraient se positionner
comme des facilitateurs industriels de la transition énergétique
sur tout le continent et dans les régions voisines.
15. Les partenariats public-privé ne donneront pas leur pleine
mesure sans synergies avec les universités, les centres de recherche
et la société civile. La transmission de données et de savoir-faire
à l’échelle européenne devrait stimuler la recherche de nouvelles
solutions durables. Il faudrait également s’intéresser davantage
aux actions citoyennes. Pour atteindre les objectifs fixés à Paris,
il faut que les États établissent un cadre mondial et que les citoyens
d’Europe et du monde entier se comportent en acteurs conscients,
éclairés et solidaires de ces efforts titanesques. Les organisations
non gouvernementales (ONG) et les pouvoirs locaux permettront quant
à eux d’agir en faveur de la durabilité aux niveaux régional ou
urbain. L’Agenda 21, plan d’action global des Nations Unies lancé
lors du Sommet de la Terre en 1992, reste un outil précieux non seulement
pour les organisations multilatérales et les gouvernements à travers
le monde, mais également pour les ONG et les autorités locales.
Le Partenariat de Marrakech pour l’action climatique globale a mis
en place une plate-forme structurée et cohérente destinée à accélérer
ce processus planétaire qui s’impose de toute urgence.
16. Le degré de partenariat civique et régional entre les pays/régions
développés et les pays/régions en développement reflète l’Accord
de Kyoto comme cadre de référence et l’Accord de Paris, avec des engagements
nationaux envers des objectifs au niveau national. Une telle coopération
est un grand pas en avant quant à la réduction des émissions de
carbone au niveau régional. Un exemple particulièrement frappant de
cette coopération est l’université de Hull (Royaume-Uni), qui a
des projets concrets pour un développement à l’échelle régionale
par le biais d’accords entre les régions du Humber (Royaume-Uni),
du Maroc et du Ghana. En fait, l’université de Hull a créé un nouvel
Institut pour l’énergie et l’environnement en vue de développer cette
approche innovante de partenariat régional entre une région du Maroc
et le Ghana dans le cadre de l’Accord estuarien.
5. Modèles
estuariens et urbains: avantages du développement durable et d’une
économie à faible production de carbone pour le climat
17. Après un XIXe siècle
tout entier voué à l’accélération de la production par l’industrialisation
et une économie du XXe siècle basée sur
la consommation, l’enjeu au XXIe siècle
est d’assurer la durabilité de l’économie. Un développement plus
respectueux de l’environnement n’est pas nécessairement incompatible avec
un développement économique: il peut même le favoriser et présenter
des avantages substantiels pour la société à moyen et à long terme.
En effet, selon le Global Footprint Network,
48 pays ont réussi à maintenir la croissance de leur produit intérieur
brut (PIB) tout en diminuant leur empreinte écologique entre 2000
et 2013, alors qu’à l’échelle planétaire, le déficit écologique
ne cesse de se creuser depuis 1971. Cette croissance durable repose
avant tout sur une économie sobre en carbone, des énergies renouvelables,
une utilisation rationnelle des ressources (combinée au recyclage
des déchets) et des circuits courts. Divers modèles économiques
peuvent s’appliquer en fonction de la situation géographique et
économique. Des modèles estuariens et urbains sont présentés ici
pour illustrer l’énorme potentiel du développement vert, à la fois
pour les populations locales et pour le climat.
5.1. Le
modèle de l’estuaire du Humber
18. L’estuaire du Humber est un
exemple instructif de développement respectueux de l’environnement.
Le Humber est une région du nord-est du Royaume-Uni comptant près
d’un million d’habitants, dont l’économie génère annuellement quelque
£ 14 milliards. Une étude réalisée en 2009
a
montré qu’il était possible d’arriver à une baisse de 30 % des émissions
de carbone du Humber sur la période 1990-2022 grâce à des investissements
rentables ou neutres en termes de coûts. Une modernisation conduisant
à la mise en place d’une économie à faibles émissions de CO2 peut
considérablement réduire la consommation énergétique et l’empreinte
carbone tout en créant des emplois dans de nouveaux secteurs d’activité.
Il est également ressorti de l’étude que les solutions technologiques
et comportementales existantes permettaient une décarbonation à
l’échelle régionale. Par ailleurs, au niveau mondial, le poids économique
des secteurs des biens et services environnementaux et à faibles
émissions de carbone est estimé à £ 3 200 milliards par an; il est
en augmentation constante, preuve de l’attractivité de ce secteur
pour les investisseurs privés.
19. La clé de ce développement à faibles émissions de carbone
à l’échelle régionale est la production d’énergies renouvelables,
solution à la fois techniquement réalisable et économiquement intéressante.
Elle permet une diminution progressive de la dépendance aux énergies
fossiles, une réduction importante des polluants et des émissions
de gaz à effet de serre et, dernier point mais non des moindres,
la création de nouveaux emplois d’avenir. Dans le cas du Humber,
c’est l’énergie éolienne qui a été choisie et des turbines ont été
installées sur la côte et en mer. La région compte trois des plus
vastes parcs éoliens au monde et ses industries travaillent à la
mise au point de turbines à haut rendement. L’énergie solaire demeure
elle aussi une option à approfondir dans les régions ensoleillées,
grâce aux progrès technologiques considérables accomplis ces dernières
années (même si des efforts supplémentaires sont nécessaires pour
le recyclage du matériel usagé).
20. Ce cas particulier est également un exemple de partenariat
civique entre le Maroc et l’estuaire d’Humber, qui produit 20% de
l’électricité du Royaume-Uni dans l’une des zones les plus grandes
d’Europe en ce qui concerne la production de carbone. Ce défi a
conduit l’estuaire d’Humber à mettre en place un partenariat civique
qui contribue à l’objectif fixé au Royaume-Uni par l’Accord de Paris
de réduire les émissions de carbone de 80% d’ici 2050. Des accords
de partenariat civique sont en cours avec des régions au Ghana et
au Maroc. Mais plus important encore, ce modèle a reçu le soutien
de l’ancien Secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, qui
a piloté l’action de la communauté internationale sur les objectifs
du Millénaire pour le développement dans le domaine du partenariat.
21. Les estuaires jouent depuis longtemps un rôle central dans
la vie économique de tous les grands pays côtiers et maritimes.
Leurs ports, villes et industries en font des pôles de développement
à part entière, mais ce sont également des couloirs de transport
essentiels entre pays ou régions d’un même pays. Reliant les bassins
hydrographiques aux mers, ils sont également indispensables à la
faune. Il en découle que le développement des estuaires doit répondre
au double défi de protéger les espèces sauvages tout en permettant
une croissance économique et en apportant des bénéfices pour la
société. Les estuaires peuvent être à la fois des sources d’émissions
de carbone (par les transports, les zones urbaines et l’industrie)
et des puits de carbone. La perte de zones humides naturelles réduit
la capacité de piégeage du carbone, d’où la nécessité de les protéger
tout particulièrement. Les usages des estuaires doivent avant tout
et surtout être durables pour résister aux sources de stress liées
au développement. C’est pourquoi il nous faut des modèles de gestion
reposant sur ce que l’on pourrait appeler une approche intégrée
«carbone/couloirs/connectivité».
5.2. Le(s)
modèle(s) et enjeux urbains
22. Les citadins tendant à devenir
majoritaires dans la population mondiale, il est désormais indispensable de
concevoir un modèle de développement urbain écologique qui permette
de faire face au changement climatique et à la pollution. Cela dit,
pour réussir la transition environnementale, la gestion des villes
doit être axée sur la résilience car une amélioration de la capacité
d’adaptation des villes peut réduire considérablement leur vulnérabilité
aux aléas climatiques et leur empreinte environnementale. Cette
capacité d’adaptation repose sur les savoir-faire, les technologies
et infrastructures modernes, les ressources économiques et l’efficacité
des institutions. Certaines municipalités ambitieuses comme Séoul
et Oslo mènent déjà des campagnes zéro émission; la capitale norvégienne
vise d’ailleurs à atteindre cet objectif dans moins d’une décennie.
23. En Europe, l’adaptation des villes au réchauffement climatique
concerne tous les niveaux de gouvernement. Tandis que les communes
et les collectivités locales axent leurs efforts sur la mise en
œuvre de mesures d’adaptation à l’échelle du territoire, les autorités
nationales et européennes ont un rôle de soutien à jouer
. Lorsque les États-nations se montrent
inefficaces ou lents à réagir face aux impératifs environnementaux,
les villes doivent affirmer leur droit et leur responsabilité d’instaurer
un monde plus durable
.
Les municipalités peuvent lancer des projets véritablement innovants,
par exemple pour faciliter la multiplication des flottes de véhicules
électriques, l’investissement dans les infrastructures vertes et
la modernisation de l’habitat urbain. Une coordination horizontale
entre différents secteurs devrait amplifier la portée des mesures
adoptées.
24. Comme les modèles estuariens, les modèles urbains mis en place
dans les pays développés pourraient aussi être testés comme modèles
pilotes dans les pays en développement. Les progrès de la technologie,
mais aussi l’amélioration de l’efficacité énergétique, permettront
d’assurer un développement économique moins vorace en ressources.
La même remarque vaut pour les circuits courts: le transport des
marchandises et des ressources (dont l’énergie) ayant un coût à
la fois économique et environnemental, ces modes d’approvisionnement
revêtiront une importance cruciale pour asseoir la durabilité. Le
dernier levier est l’économie circulaire, qui devrait progressivement
prendre le pas sur le statu quo pour réduire les déchets et compenser
l’épuisement des ressources non renouvelables. Cette transition
vers plus de durabilité doit s’appuyer sur une réduction de la consommation
d’énergie et une orientation stratégique vers un recours accru aux
énergies renouvelables. La croissance démographique en Europe et
dans le monde nécessite plus que jamais une utilisation efficace
et raisonnée de l’énergie et des ressources.
25. En Chine, l’étalement urbain a longtemps été assimilé à un
cauchemar écologique accompagné d’une pollution massive: en l’espace
de deux décennies, de 1991 à 2012, la population urbaine a doublé,
atteignant 53 % de la population totale; en 2014, les valeurs limites
fixées pour les polluants de l’air n’étaient respectées que dans
huit des 74 plus grandes villes. Cette situation a eu pour corollaire
une explosion des problèmes de santé au sein de la population. Les
choses pourraient toutefois être en train de changer. Les autorités
centrales chinoises expérimentent en effet activement un concept
global d’écocité, comme à Guiyang, ville que j’ai eu l’occasion
de visiter récemment. Pas moins de 280 villes affichent leur ambition
de poursuivre leur transformation urbaine en s’appuyant sur les
transports et les bâtiments verts, de grands espaces végétalisés, une
gestion et un recyclage intelligents des déchets, la préservation
de l’eau et le recours massif aux sources d’énergie renouvelables
(pour les besoins des secteurs résidentiel et tertiaire). Si ce
concept vert de développement urbain est à la hauteur des attentes,
il pourrait devenir une référence mondiale en matière d’excellence
verte urbaine
.
26. En outre, la Chine ne perd pas de vue les objectifs de l’Accord
de Paris et développe sa stratégie sous-régionale d’une «nouvelle
route de la soie» en tissant une nouvelle filière d’éco-investissement
à grande échelle porteuse d’activités pour les entreprises européennes
et chinoises dans les zones urbaines et rurales de l’Asie du sud-est.
L’initiative chinoise «Belt and Road» (la Ceinture et la Route)
qui s’étend sur quelque 11 000 kilomètres englobe 60 pays et relie
la région Asie-Pacifique et les économies européennes. Ses grands axes
sont la coordination des politiques, la connectivité des installations,
le commerce sans entrave et l’intégration financière. Elle applique
aux considérations écologiques le principe de consultations élargies
et de bénéfices partagés. Les «couloirs de croissance» se développent
également en Europe avec le concept d’«autoroute de la mer» au sein
de l’Union européenne et le corridor reliant l’Irlande à l’Europe
continentale via le Royaume-Uni.
6. Les
nations européennes ensemble face au changement climatique
27. Le développement durable est
une stratégie à long terme et de grande envergure pour le futur
que nous souhaitons. Les nouveaux Objectifs de développement durable
fixés par la communauté internationale en 2015 sont limpides: ils
incitent à lutter contre le changement climatique dans le cadre
d’une vision globale de l’avenir de l’humanité pour les prochaines
décennies. Le changement climatique trouve ses causes profondes dans
l’expansion industrielle des pays développés qui négligent depuis
trop longtemps l’environnement. Les régions du sud et du sud-est
de l’Europe sont particulièrement vulnérables et ont besoin d’une
intervention rapide
.
Il faudra cependant attendre avant de pouvoir constater les résultats
des solutions mises en œuvre aujourd’hui, raison pour laquelle les
objectifs de développement durable ont besoin d’un appui politique
solide et constant. Il faut que les nations européennes relèvent
ensemble le défi du changement climatique, qu’elles fassent ou non
partie de l’Union européenne.
28. Le Brexit sème une confusion inutile. Toutefois, le Royaume-Uni
quitte l’Union européenne et non l’Europe. La politique climatique
britannique est à ce point imbriquée dans le droit environnemental communautaire
que négocier de nouvelles formes de relations commerciales amènerait
inévitablement la question suivante: faut-il se conformer aux normes
en vigueur ou chercher à adopter des mesures équivalentes aux normes
environnementales de l’Union européenne en général et aux objectifs
climatiques en particulier? La décision de quitter l’Union européenne
pourrait compromettre la stabilité des politiques du Royaume-Uni
et remettre en cause ses engagements sur la question du changement
climatique au niveau européen et mondial. Le Brexit pourrait avoir
des conséquences graves sur l’environnement, non seulement au Royaume-Uni,
mais plus généralement en Europe
. Dans de nombreux
domaines comme la protection des espèces ou la qualité de l’eau
et de l’air, l’avenir des Européens et celui des Britanniques sont
liés.
29. Selon la Chambre des Lords, il est impératif que le Royaume-Uni
et l’Union européenne poursuivent leur coopération pour protéger
l’environnement européen commun. L’environnement n’a pas été le
thème principal de la campagne de référendum sur le Brexit mais
80 % des Britanniques sont en faveur d’un niveau égal – voire supérieur
– de protection de l’environnement que celui requis par le droit
de l’Union européenne. C’est pourquoi le gouvernement britannique
n’aura pas de répit et devra rapidement définir des priorités en
matière d’environnement et de climat. Au-delà de la législation
environnementale nationale, une coopération entre le Royaume-Uni
et l’Europe continentale est absolument indispensable.
30. L’intégration du développement durable et de la capacité d’adaptation
au changement climatique dans les politiques nationales à travers
le droit européen est un défi de taille. Outre les critères politiques
de l’Union européenne en matière de climat
, les instruments
du Conseil de l’Europe – dont la Convention européenne des droits
de l’homme (STE no 5, «la Convention»)
et la Charte sociale européenne (révisée) (STE no 163,
«la Charte») – et la jurisprudence de la Cour européenne des droits
de l’homme («la Cour») sont applicables à la défense du climat
. La Cour a jugé que le droit à la vie (article 2
de la Convention) couvrait les risques environnementaux menaçant
la sécurité humaine et que l’article 8 qui consacre le droit à la
vie privée était lui aussi applicable dans certains cas. De plus,
l’article 11 de la Charte prévoit le droit à la protection d’un environnement
sain dans le cadre du droit à la protection de la santé. Même si
ces outils n’ont pas été initialement conçus pour la protection
de l’environnement, ils peuvent être invoqués pour protéger des
droits individuels susceptibles d’être affectés par l’environnement
et, par extension, par des catastrophes climatiques.
31. La conclusion d’alliances pour la protection du climat entre
les États, les collectivités locales et les villes peut venir compléter
utilement les actions menées au niveau européen. L’objectif consiste
à renforcer la cohérence des politiques pour lutter contre le changement
climatique dans différents domaines d’action et à différents niveaux
de gouvernement. Ceci vaut tout particulièrement pour les problèmes
de pollution qui débordent les frontières nationales et ont des
répercussions sur le climat et la santé publique. Les réglementations
européennes en matière de qualité de l’air, comme celles établies
par la législation de l’Union européenne, présentent des avantages
évidents par rapport aux efforts déployés isolément par les pays
dans le but de juguler la pollution
.
Plus la coopération sera étendue, plus les résultats seront tangibles.
7. Actions
en justice dans le monde relatives au changement climatique
32. Il est communément admis aujourd’hui
qu’un État peut être poursuivi par des citoyens pour manquement
à ses obligations. Plusieurs États ont ainsi été traduits en justice
pour n’avoir pas protégé l’environnement de manière adéquate ou
pour avoir mis en œuvre des politiques publiques dont l’efficacité était
jugée insuffisante. Les États ont désormais aussi une responsabilité
dans le changement climatique. Bien que la toute première action
en justice relative à des questions climatiques remonte à 1994,
c’est en 2015 qu’un jalon a été posé en Europe avec une affaire
directement liée au changement climatique (affaire climat Urgenda).
Dans ce dossier, qui opposait quelque 900 citoyens néerlandais à
leur gouvernement, le tribunal a donné raison aux plaignants, ordonnant
à l’État d’adopter des mesures pour réduire ses émissions de gaz
à effet de serre de 25 % d’ici 2020, alors qu’une baisse de 17 %
au mieux était prévue (l’État a toutefois fait appel du verdict;
la procédure est en cours).
33. La même année en Allemagne, des associations environnementales
ont poursuivi l’État car il n’était pas parvenu à ramener les concentrations
de polluants atmosphériques en-dessous des seuils autorisés. En
2015-2016, la Cour suprême britannique, saisie par des citoyens,
a jugé que l’État ne respectait pas la directive (de l’Union européenne)
sur la qualité de l’air car il n’avait pas pris des mesures immédiates
pour ramener les émissions d’oxyde d’azote (N2O)
à un niveau conforme aux normes européennes. Dans ces deux affaires,
les griefs des citoyens concernaient principalement des gaz qui
sont à la fois des polluants et des gaz à effet de serre contribuant
au réchauffement climatique.
34. Suite à des incendies meurtriers qui ont dévasté leur pays
à l’été 2017, des enfants portugais ont décidé de porter plainte
contre les États membres du Conseil de l’Europe, estimant que ces
derniers, qui représentent collectivement près de 15 % des émissions
mondiales, n’avaient pas pris de mesures suffisamment vigoureuses
pour mettre un terme au changement climatique à l’origine de ces
gigantesques incendies et avaient donc une responsabilité dans ces
événements. Les requérants, représentés par des avocats spécialistes
du droit de l’environnement et l’ONG britannique Global Legal Action
Network, sont déterminés à agir en tant que représentants des générations
actuelles et futures.
35. En France, l’association «Notre affaire à tous» milite pour
une plus grande justice climatique et déplore le manque d’ambition
des politiques menées par les autorités françaises pour lutter contre
le changement climatique malgré le lancement officiel d’un grand
paquet de mesures «énergie-climat» à l’été 2017. Elle considère
que les mesures et l’investissement public actuellement prévus ne
suffiront pas pour réduire les émissions de manière substantielle
à court terme. En marge du «One Planet
Summit» (organisé juste après la réunion de la COP23
à Bonn), l’association a accentué la pression sur le gouvernement
et pourrait intenter une action en justice en 2018.
36. D’une manière générale, les poursuites concernant l’environnement
sont en hausse à travers le monde: près de 900 actions en justice
ont été engagées depuis 1994 et près d’un quart des procès qui ont
eu lieu sont liés au changement climatique
.
Ces actions peuvent apporter de grands changements et ne devraient
pas être sous-estimées par les États concernés, au premier rang
desquels les États-Unis (avec plus de 600 procès). Parmi les 25
États de l’étude visés par des actions en justice relatives au climat,
14 sont des États membres du Conseil de l’Europe, ce qui représente
80 procès sur 250. Quarante-deux autres cas concernent l’Union européenne.
À ce jour, 40 % des actions en justice sont menées par des entreprises
qui contestent des décisions gouvernementales protégeant le climat
et ayant un impact sur l’activité économique. Les gouvernements
sont donc attaqués d’un côté par des sociétés qui leur reprochent
d’être trop respectueux de l’environnement, et de l’autre par des
ONG, des associations et des citoyens (près de 33 % des cas) qui
leur reprochent de ne pas l’être assez. Il importe toutefois de
noter que deux tiers des actions en justice relatives au climat
ont eu une issue positive pour la planète car les tribunaux se sont
prononcés en faveur d’un renforcement, ou au moins d’un maintien
des réglementations en vigueur.
8. Les
années à venir seront cruciales pour ramener les émissions à la
baisse – observations finales
37. Selon les calculs du Groupe
d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, les trois
années à venir seront décisives pour juguler les émissions de gaz
à effet de serre. Alors que les quatre dernières années (2014-2017)
ont été les plus chaudes jamais enregistrées sur notre planète,
les émissions de dioxyde de carbone sont restées globalement stables,
ce qui laisse espérer que la courbe des émissions pourrait être inversée
d’ici à 2020. De l’avis de Christiana Figueres, ancienne secrétaire
exécutive de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements
climatiques, qui a amené les États Parties à signer l’Accord de
Paris, le défi est colossal mais pas insurmontable, car il «coïncide
avec une ouverture sans précédent des gouvernements infranationaux
aux États-Unis, des gouvernements à tous niveaux en dehors des États-Unis et
du secteur privé en général».
38. Les conséquences de l’annonce par le gouvernement Trump du
retrait des États-Unis de l’Accord de Paris, très critiquée, pourraient
être atténuées grâce à l’action en faveur du climat des États fédérés
des États-Unis et des chefs d’entreprise locaux et mondiaux, ainsi
qu’aux efforts déployés massivement à tous les niveaux, partout
dans le monde. Les résultats du G20 à Hambourg (7-8 juillet 2017)
témoignent d’une volonté politique forte de la part des pays les
plus puissants qui réaffirment leur mobilisation à grande échelle
en faveur du climat et la priorité donnée aux sources d’énergie
renouvelables et au développement durable. L’Union européenne, la
Chine, l’Inde, la Fédération de Russie, l’Australie et beaucoup
d’autres acteurs majeurs sur la scène internationale se sont engagés
à poursuivre la lutte contre le changement climatique «avec ou sans
les États-Unis». Lors de la COP23 à Bonn (6-17 novembre 2017), une
délégation d’acteurs non fédéraux représentant l’initiative «
We are still in» (nous en sommes
encore) a présenté un rapport intitulé «America’s pledge» (la promesse
américaine) qui explique comment cette coalition de villes, d’États
et d’entreprises représentant plus de la moitié de l’économie américaine
entend contribuer au respect des engagements pris par les États-Unis
dans le cadre de l’Accord de Paris en intensifiant les actions en
faveur du climat
.
39. Dans le pire des scénarios, la décision des États-Unis pourrait
entraîner une augmentation de 0,3°C de la température du globe d’ici
à la fin du siècle, selon l’Organisation météorologique mondiale
des Nations Unies. Dans le meilleur scénario (le plus probable),
la réaction internationale pourrait se traduire par une intensification
des mesures en faveur du climat dans le monde entier. Cette attitude
positive émane très largement des entreprises et des collectivités
locales qui font volontairement des choix d’investissements propres
pour l’avenir. À titre d’exemple, en 2015 les sources d’énergies
propres (comme l’éolien et le solaire) représentaient déjà plus
de la moitié des nouvelles capacités de production électrique installées
dans le monde (selon l’Agence internationale de l’énergie), et de
nombreux pays – à l’exception des États-Unis sous le gouvernement
Trump – éliminent progressivement le charbon. La balance penche
désormais en faveur des stratégies d’entreprise vertes et responsables
pour répondre aux attentes de la société.
40. Dans ce contexte, les arguments en faveur d’une implication
parlementaire se trouvent renforcés: les élus assurent en effet
le lien entre leur électorat et les instances chargées de l’élaboration
des politiques, notamment par leur rôle de contrôle de l’action
menée par les gouvernements pour assurer la mise en œuvre des engagements
nationaux et internationaux des États, la répartition équilibrée
des ressources budgétaires et la continuité des investissements
à long terme destinés à garantir la prospérité des générations actuelles
et futures. Il est regrettable que les délégations nationales aux
réunions mondiales sur les changements climatiques («COP») comprennent
rarement des parlementaires. Cela pourrait changer si les pays européens associaient
systématiquement des groupes de parlementaires à leurs travaux,
donnant ainsi l’exemple. C’est l’une des recommandations qui devraient
être formulées dans le présent rapport.
41. Les parlementaires devraient en outre plaider en faveur de
la reconstitution intégrale, en temps voulu, du Fonds vert pour
le climat (mécanisme international créé par la Convention-cadre
des Nations Unies sur les changements climatiques) moyennant le
versement des $US 100 milliards promis il y a des années aux pays en
développement. Ce fonds est nécessaire pour aider les pays les plus
pauvres et les plus vulnérables à conjuguer croissance et développement
durable sans «réinventer la roue» et à ne pas reproduire les erreurs commises
par les pays développés dans le passé. Chaque pays rencontre des
difficultés spécifiques mais de taille pour tenir les engagements
pris en faveur du climat et du développement durable dans le cadre
de l’Accord de Paris et des Objectifs de développement durable.
Il est temps d’appliquer concrètement le principe du «pollueur-payeur».
À cet égard, les parlementaires pourraient proposer des solutions
adaptées au contexte national, par exemple des taxes sur les émissions
de CO2, la suppression des subventions aux
énergies fossiles et une refonte des politiques de gestion des déchets.
42. Il ne nous reste plus beaucoup de temps pour définir d’ici
à fin 2018 les modalités d’application de l’Accord de Paris. Il
incombe aux législateurs de vérifier si la feuille de route sur
cinq ans destinée à évaluer les politiques nationales en matière
de climat est en bonne voie et conforme aux objectifs nationaux
fixés. Ils devront également appeler à la ratification de l’Accord
de Paris dans certains pays (les ratifications de trois États membres
du Conseil de l’Europe demeurent en attente) et suivre les progrès
réalisés dans la mise en œuvre des engagements pris. Au niveau européen,
un soutien plus large au Système européen d’échange de quotas d’émissions
de l’Union européenne est nécessaire: par exemple, des pays hors
Union européenne pourraient rejoindre ce système comme l’a fait
la Suisse
.
43. De plus, des efforts spécifiques seront nécessaires pour adapter
le mix énergétique de chaque pays en vue d’augmenter la part des
énergies renouvelables et de réduire celle des combustibles fossiles.
Comme l’ont montré les rapports précédents de l’Assemblée, pour
plafonner durablement les émissions globales, 80 % des ressources
fossiles existantes doivent rester sous terre ou être converties
pour des usages hors secteur énergétique (en tant que matières premières)
dans l’industrie chimique, la construction et d’autres secteurs
. Il convient
également de rappeler la mise en garde relative à la production
d’hydrocarbures non conventionnels, non compatible avec les objectifs
climatiques et de développement durable
. Dans une démarche audacieuse,
certains pays comme la France et le Royaume-Uni ont déjà pris l’engagement prioritaire
de supprimer progressivement les voitures à essence et diesel d’ici
2040, tandis que certaines grandes villes prévoient de les interdire
complètement bien plus tôt.
44. Plusieurs villes européennes prennent des initiatives résolument
tournées vers l’avenir en matière de développement durable et devraient
être encouragées à poursuivre en ce sens: tout ce qui favorise une
baisse de la pollution (mobilité, utilisation des ressources et
gestion des déchets) sert également la cause mondiale du climat.
Des projets d’économie circulaire peuvent ainsi être testés à l’échelon
local avant d’être mis en œuvre au niveau national. De même, le
modèle de développement estuarien pourrait être davantage mis en valeur
dans le cadre des programmes existants d’aide au développement.
45. Pour conclure, le changement climatique est un phénomène mondial
qui exige une solution globale avec des apports locaux selon le
principe «penser mondialement, agir localement». La santé de notre
planète est la clé de notre prospérité. Le moyen le plus sûr de
pérenniser cette prospérité est le développement durable, qui doit
être pris en compte à tous les niveaux de gouvernance, mais d’abord
et avant tout par les collectivités locales et les villes. L’Accord
de Paris incarne une solution globale pour le climat. Ce texte de
référence en matière de lutte contre le changement climatique est
un appel à agir à l’échelon national (et ce à tous les niveaux,
du local au régional) et à l’échelle internationale. En tant que
parlementaires, nous avons un devoir moral de nous mobiliser. Face
à cet immense défi, notre voix est importante pour construire dès
aujourd’hui un avenir plus viable pour tous.