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Rapport | Doc. 14524 | 06 avril 2018

L'intégration, l'autonomisation et la protection des enfants migrants par la scolarité obligatoire

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteure : Mme Petra De SUTTER, Belgique, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 14241, Renvoi 4277 du 10 mars 2017. 2018 - Deuxième partie de session

Résumé

En 2016, sur un total de 6,4 millions d'enfants réfugiés en âge d'être scolarisés dans l'enseignement primaire ou secondaire, environ 3,5 millions n’avaient pas d’école où aller. Seuls 61 % des enfants réfugiés fréquentaient l’école primaire, contre 91 % des enfants non-réfugiés dans le monde, et en moyenne, 23 % des adolescents réfugiés étaient inscrits dans le premier cycle de l'enseignement secondaire, contre 84 % des adolescents non-réfugiés.

L’école devrait être un lieu protégé où les enfants peuvent grandir, se socialiser et apprendre ensemble, mais des écoles sont encore prises pour cible ou utilisées en tant que bases militaires dans les zones de conflit. Même dans les pays sans guerre, les écoles peuvent être la scène de démonstrations de coercition inacceptables par les forces armées, au moment de l’expulsion de migrants en situation irrégulière, par exemple. Les procédures d’asile sont parfois un prétexte pour refuser la scolarisation aux enfants, et la ségrégation est un moyen d’éviter d’avoir à relever les défis linguistiques ou culturels.  

Ce rapport souligne le fossé entre les engagements des États selon la législation nationale et internationale sur l’éducation primaire et secondaire et l’offre réellement en place pour les enfants migrants et réfugiés. Des exemples venant d’États membres du Conseil de l’Europe illustrent des bonnes pratiques ainsi que des domaines d’amélioration souhaités. Les recommandations constituent une «checklist» de conditions garantissant l’éducation des enfants migrants.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission le 21 mars 2018.

(open)
1. Le droit à l'éducation et l'obligation faite aux États de le garantir sont inscrits à l'article 26 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, à l'article 17.2 de la Charte sociale européenne (révisée) (STE no 163) de 1996, à l'article 13 du Pacte international des Nations Unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966) et dans la Convention de 1989 des Nations Unies relative aux droits de l'enfant.
2. Malgré cette panoplie de dispositions juridiques internationales qui définissent pour les pays européens le cadre de l’obligation de garantir à tous les enfants une éducation accessible, acceptable et adaptable, seuls 61 % des enfants réfugiés fréquentaient l’école primaire en 2016, contre 91 % des enfants non-réfugiés dans le monde. En moyenne, 23 % des adolescents réfugiés sont inscrits dans le premier cycle de l'enseignement secondaire, contre 84 % des adolescents non-réfugiés dans le monde; enfin, 1 % seulement des réfugiés étudient à l'université, contre 36 % des jeunes à travers le monde. Selon les estimations, sur un total de 6,4 millions d'enfants réfugiés en âge d'être scolarisés dans l'enseignement primaire ou secondaire, environ 3,5 millions n’avaient pas d’école où aller.
3. L'Assemblée parlementaire est vivement préoccupée par l'incapacité des États membres du Conseil de l’Europe à se conformer à leurs engagements en matière d'éducation des enfants migrants, et en particulier des enfants réfugiés, et insiste sur l'urgence de remédier à cette situation en accordant la priorité à des programmes éducatifs efficaces et intégrateurs et à la mise en place des infrastructures et des moyens pédagogiques nécessaires à leur mise en œuvre. Elle appelle les États membres à respecter leurs engagements internationaux, et notamment leur obligation d'organiser un enseignement primaire et secondaire accessible et gratuit pour tous les enfants migrants présents sur leur territoire, quels que soient leurs origines, leur sexe et leur milieu. À la lumière des obligations souscrites aux termes de l'article 17.2 de la Charte sociale européenne (révisée), l'Assemblée demande instamment à l'Allemagne, à la Croatie, au Danemark, à l'Espagne, à l'Islande, au Luxembourg, à Monaco, à la Pologne, au Royaume-Uni, à Saint-Marin et à la République tchèque de ratifier cet instrument.
4. Dans les régions affectées par des conflits, les écoles doivent être reconnues comme des sanctuaires qui ne sauraient être instrumentalisés par l’armée ou par la police. Dans les pays qui ne sont pas directement touchés par la guerre ou par des tensions, la législation nationale devrait interdire la présence ou l’entrée de militaires de policiers dans les salles de classe en temps normal (pour procéder à des expulsions, par exemple). Leur présence est traumatisante non seulement pour les enfants concernés, mais également pour les enfants témoins de telles violations de droits, de traitements inhumains et d’intimidations. À cet égard, l’Assemblée appelle les États membres qui ne l’auraient pas encore fait à signer la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, adoptée en mai 2015 à Oslo par la Conférence sur la sécurité dans les écoles.
5. La plupart des pays offrent aux enfants migrants inscrits dans l’enseignement ordinaire les mêmes services qu’aux autres. L’Assemblée s’en félicite et invite instamment les États à étendre l'égalité de traitement aux diverses situations que peuvent traverser les enfants migrants et réfugiés, de l’accueil à l’intégration et pendant la relocalisation et la réinstallation, afin d’assurer une continuité dans l’éducation, le bien-être individuel et la stabilité sociale dans le pays d’accueil, mais aussi leur intégration future. Les enfants destinés à retourner dans leur pays d’origine souffriront aussi de lacunes dans leur éducation une fois rentrés chez eux.
6. Les problèmes rencontrés par les familles et les enfants migrants et réfugiés non accompagnés sont essentiellement liés aux situations précaires et imprévisibles, aux délais d’attente pour accéder à l’éducation, aux barrières linguistiques, à l’accessibilité géographique, au manque d’information et d’orientation des familles, à l’insuffisance ou à l’absence d’aides financières aux demandeurs d’asile pour couvrir les dépenses scolaires, ainsi qu’au traitement et à l’intégration des enfants traumatisés. L’Assemblée appelle par conséquent les États membres:
6.1. à assurer aux enfants migrants un enseignement scolaire accessible et gratuit dans les établissements primaires et secondaires;
6.2. à se fixer des objectifs nationaux de scolarisation des enfants migrants et réfugiés;
6.3. à inscrire l’éducation des enfants migrants et réfugiés, ainsi que la formation d’enseignants spécialisés, dans le budget du ministère de l’Éducation plutôt que dans celui de l’aide humanitaire et au développement;
6.4. à ne pas établir de distinctions fondées sur le statut d’asile entre les enfants dans l’accès à l’éducation;
6.5. à encourager tous les enfants à poursuivre leurs études secondaires jusqu’à 18 ans, indépendamment de l’âge minimum de fin de scolarité dans le pays d’accueil ou dans le pays d’origine;
6.6. à dispenser des informations complètes et exhaustives aux parents sur les solutions éducatives offertes à leurs enfants en âge scolaire et sur leur propre responsabilité de permettre à leurs enfants d’étudier;
6.7. à mettre en place des «firewalls» efficaces entre les systèmes d’information des écoles et des services de l’immigration afin de protéger les données sur le statut des migrants en situation irrégulière, afin d’éviter qu’elles soient utilisées pour refuser ou pour compliquer l’accès à l’éducation des enfants migrants;
6.8. à informer les mineurs non accompagnés et leur offrir un accès à l’école, des encouragements, des incitations à l’apprentissage et une assistance pour suivre des cours;
6.9. à ouvrir, dans la mesure du possible, l’accès à l’enseignement ordinaire dans des établissements locaux, et organiser des transports adaptés ainsi qu’un accompagnement pour les enfants hébergés dans des centres et dans des camps;
6.10. à veiller, quand il n’est pas possible d’assurer la scolarisation dans des classes mixtes locales, à ce que l’enseignement dispensé respecte les méthodes et les programmes reconnus, qui pourront servir à établir des niveaux d’éducation par la suite;
6.11. à assurer une assistance psychosociale pour diagnostiquer et traiter les traumatismes, ainsi qu’une formation spécifique pour apprendre aux enseignants à reconnaître les signes précoces de détresse liés au vécu des enfants réfugiés;
6.12. à s'attaquer aux problèmes d'infrastructure en termes de structures éducatives, ce qui constitue l'un des principaux obstacles à l'obtention de taux de scolarisation élevés des enfants réfugiés et migrants.
7. Les enfants migrants et réfugiés devraient avoir la possibilité de fréquenter les structures préscolaires dans les pays où elles existent. Si les établissements préscolaires ne sont pas gratuits, une aide devrait être prévue pour permettre à ces enfants de les fréquenter. L’Assemblée salue l’organisation de «classes d’accueil» dans l’enseignement primaire et de classes internationales dans l’enseignement secondaire; elles devraient être organisées à l’intérieur des établissements ordinaires plutôt que dans des centres spécifiques, et ne devraient pas constituer un instrument de ségrégation des enfants migrants (ainsi, leur durée ne devrait pas dépasser le stade où les enfants sont prêts à intégrer les cours ordinaires).
8. L’apprentissage de la langue est un facteur important d’intégration et conditionne les autres compétences d’apprentissage. Des cours de langue supplémentaires devraient être proposés gratuitement aux enfants (et aux parents) en cas de besoin. Si possible, un accès à des ressources pédagogiques dans la langue maternelle des enfants devrait être proposé. L’Assemblée appelle tous les États membres du Conseil de l’Europe à mettre en place des incitations financières et structurelles pour encourager les migrants à participer à l’enseignement postsecondaire et supérieur, en s’appuyant sur des instruments comme la boîte à outils du Conseil de l’Europe pour l’accompagnement linguistique des réfugiés adultes et en soutenant des projets tels que le Passeport européen de qualifications pour les réfugiés, du Conseil de l’Europe, que la Grèce a expérimenté en 2017.
9. L’éducation devrait être sensible à la dimension de genre et les enseignants devraient être formés à la gestion de situations culturellement sensibles liées au genre, à reconnaître les problèmes sexo-spécifiques, à rejeter les clichés et à éviter de les propager. L’enseignement de telles compétences devrait être généralisé, mais l’Assemblée fait observer qu’elles sont d’autant plus importantes quand les cultures, les coutumes et les croyances des migrants et des réfugiés diffèrent de celles de la majorité de la population du pays d’accueil. L’acceptation des différences et l’éveil de la curiosité pour d’autres cultures, et même pour sa propre culture ou histoire, commencent à l’école.
10. L’Assemblée appelle donc de façon urgente les États membres à s’efforcer d’atteindre activement les objectifs décrits ci-dessus. Le non-respect des engagements juridiques que ces mesures concrètes permettent de mettre en place constitue une violation flagrante des droits de l’enfant. L’éducation est un puissant outil d’intégration des migrants et des réfugiés et de renforcement des capacités des jeunes déstabilisés par des situations dont ils ne sont pas responsables.

B. Exposé des motifs, par Mme Petra De Sutter, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. D'après les chiffres du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), les réfugiés passent en moyenne près de 20 ans en exil. Bien que cette moyenne soit pondérée par le nombre de ceux qui ne rentrent pas dans leur pays d'origine, il est clair que les réfugiés vivent souvent de nombreuses années dans des situations temporaires et parfois précaires, telles que des campements de réfugiés dans les villes, où l'accès aux droits et aux ressources de base pour soi-même et sa famille prend généralement le dessus sur d'autres nécessités de l'existence humaine qui ne sont pas directement liées à la survie physique, dont l'éducation fait partie. Or, celle-ci revêt une triple fonction puisqu'elle est à la fois un facteur qui permet à chacun d'atteindre son plein potentiel, une condition du bien-être individuel et un outil pour la vie en général.
2. Le fossé considérable qui sépare le droit inaliénable à l'enseignement scolaire, tel qu'il est inscrit dans le droit international, et la réalité de la scolarisation des enfants réfugiés, y compris quand il ne s'agit pas de régions défavorisées où la plupart des enfants peuvent difficilement faire valoir leur droit à l'éducation, n'est qu'un triste rappel des obstacles auxquels les réfugiés se heurtent de manière générale dans l'exercice de leurs droits fondamentaux par rapport aux populations qui ne sont pas victimes de conflits et de persécution.
3. Les chiffres sont éloquents: en 2016, il y avait dans le monde 6,4 millions d'enfants réfugiés en âge d'être scolarisés dans l'enseignement primaire ou secondaire; selon les estimations, 3,5 millions d'entre eux n'avaient pas d'école où aller. Seuls 61 % de ces enfants fréquentaient l'école primaire, contre 91 % des enfants non-réfugiés dans le monde. En moyenne, 23 % des adolescents réfugiés sont inscrits dans le premier cycle de l'enseignement secondaire, contre 84 % des adolescents non-réfugiés dans le monde; enfin, 1 % seulement des réfugiés étudient à l'université, contre 36 % des jeunes à travers le monde 
			(2) 
			HCR, «Left behind:
refugee education in crisis», 2017. Dans l'introduction, Philippo
Grandi souligne toutefois qu'en 2015, le pourcentage d'enfants scolarisés
dans l'enseignement primaire n'était que de 50 %, l'augmentation
étant «largement due aux mesures prises par les pays voisins de
la Syrie pour inscrire davantage d'enfants réfugiés à l'école et dans
d'autres programmes éducatifs, ainsi qu'à une scolarisation croissante
des enfants réfugiés dans les pays européens qui peuvent plus facilement
étendre leurs capacités»..
4. Bien que la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées aborde régulièrement la question de l'éducation dans ses rapports consacrés à divers aspects des droits des migrants et des réfugiés, elle ne lui a encore jamais consacré un rapport entier. Dès 2004, la commission de la culture, de la science et de l'éducation avait préparé un rapport et une recommandation sur l'éducation des réfugiés et des personnes déplacées dans leur propre pays (Recommandation 1652 (2004)). Par conséquent, il semble aujourd'hui opportun de procéder à un examen approfondi de la question, notamment au vu de la situation critique des réfugiés et des migrants, laquelle tend à s'installer dans la durée, de manière à ce que l'Assemblée puisse faire un point sur les politiques et programmes en vigueur au niveau européen et adresser des recommandations appropriées aux États membres.
5. Lors de la préparation du présent rapport, j'ai entrepris d'examiner dans un premier temps les différents aspects de la scolarisation des enfants et les spécificités de l'éducation des enfants non autochtones dans les pays de transit et d'accueil, avant de me pencher sur les obligations des États en vertu des conventions internationales. Pour compléter mes travaux, j'ai examiné tout un éventail de cas et pratiques nationales afin d'offrir à l'Assemblée une vue d'ensemble des obstacles à la réalisation des droits et à la satisfaction des besoins des enfants réfugiés en matière d'éducation, ainsi que des réponses qui peuvent y être apportées.
6. À une audition de la commission le 8 décembre 2017 à Paris, Wouter Vanderhole, titulaire de la chaire de l'UNICEF pour les droits de l'enfant et porte-parole du groupe de recherche «droit et développement» de l'université d'Anvers, a dressé un panorama fort utile des normes internationales applicables en matière de droit à l'éducation ainsi que des recommandations pour leur mise en œuvre. Des représentants de la Fondation Humanitarian Relief ont également présenté un exposé sur les réalisations et les défis en matière d'éducation des enfants réfugiés en Turquie, ainsi que sur les activités de la fondation, qui est en train de construire 29 écoles, gère cinq centres de formation préscolaire et 12 centres de réinsertion pour les réfugiés et personnes déplacées dans leur pays, met du matériel pédagogique à la disposition de 357 écoles et soutient 225 centres d'éducation provisoires et trois centres de formation d'enseignants.

2. L'importance de la scolarisation des enfants migrants et réfugiés

2.1. Pourquoi donner la priorité à l'éducation?

7. Comme le souligne la proposition à l'origine de ce rapport, «les États ont l'obligation positive de respecter le droit à l'éducation des enfants immigrés, notamment des plus vulnérables (comme les migrants sans papiers)». En des temps et des lieux où règne la paix, la salle de classe permet aux enfants de se retrouver dans un environnement participatif, non discriminatoire et sans conflit, à l'abri des préoccupations quotidiennes et des soucis familiaux. À l'école primaire, les enfants commencent à acquérir une méthodologie et des capacités de raisonnement verbal et numérique; c'est aussi là qu'ils découvrent les codes socioculturels et apprennent la vie en collectivité: cette période est donc essentielle pour leur permettre de grandir et de devenir des individus à part entière.
8. L'importance de l'éducation tient également à son effet multiplicateur dans l'éradication de la pauvreté et de la faim, la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes et la croissance économique. Les pays qui offrent un enseignement de qualité en tirent des bénéfices sur le plan économique, et notamment une productivité accrue et davantage de recettes pour l'État. À cela s'ajoute le fait que plus le niveau d'instruction de la population est élevé, moins l'État a besoin de financer des aides et prestations diverses. En matière d’intégration, un parcours éducatif cohérent est une condition préalable à l’accès des jeunes migrants aux études, à l’enseignement supérieur et à l’emploi; il les équipera pour défendre leur propre valeur en qualité de facteurs de la diversité et leur permettre de devenir des adultes compétents et motivés. Une telle évolution contribuera nécessairement à démentir les clichés négatifs qui présentent les migrants comme des fardeaux pour la société et des sources de communautarisme.
9. L'éducation joue un rôle crucial pour les enfants réfugiés, arrachés à leur foyer et à leur culture et exposés à de grandes souffrances, à des violences et à la criminalité, car elle les aide à comprendre une situation endurée contre leur gré et leur redonne leur dignité et le sentiment d’avoir une place dans la société. L'éducation protège également les enfants migrants contre l'exploitation par le travail, le travail dangereux et l'exploitation sexuelle.

2.2. Les dispositions internationales prévoyant l'accès des migrants à l'éducation

10. Le droit à l'éducation ainsi que l'obligation faite aux États de le garantir, en particulier en ce qui concerne l'enseignement primaire, sont inscrits dans de nombreux textes internationaux fondamentaux allant de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 (article 26) à la Charte sociale européenne (révisée) (ETS no 163) de 1996, en passant par le Pacte international des Nations Unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966) et la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant (1989).
11. L'article 13 du Pacte international des Nations Unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966) précise que l'enseignement doit répondre aux caractéristiques de dotations, d'accessibilité, d'acceptabilité et d'adaptabilité. L'enseignement primaire doit être «obligatoire et accessible gratuitement à tous», tandis que l'enseignement secondaire «doit être généralisé et rendu accessible à tous par tous les moyens appropriés et notamment par l'instauration progressive de la gratuité». L'article 13.1 dispose que l'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et du sens de sa dignité, mettre toute personne en mesure de jouer un rôle utile dans une société libre, et favoriser la compréhension entre toutes les nations et tous les groupes raciaux, ethniques ou religieux. Dans une Observation générale du 16 novembre 2017, les Nations Unies affirment que tous les enfants dans le contexte des migrations internationales, quel que soit leur statut, doivent avoir pleinement accès à tous les niveaux et à tous les aspects de l'éducation, sur un pied d'égalité avec les nationaux du pays dans lequel ils vivent.
12. S'agissant du Conseil de l'Europe, les Parties à la Charte sociale européenne (révisée) s'engagent à «assurer aux enfants et aux adolescents un enseignement primaire et secondaire gratuit, ainsi qu'à favoriser la régularité de la fréquentation scolaire» (article 17.2). La Charte contient également des dispositions interdisant le travail des enfants (de moins de 15 ans) et l'emploi des enfants encore soumis à l'instruction obligatoire. Le Comité européen des droits sociaux (CEDS) a confirmé à plusieurs reprises dans sa jurisprudence que les mineurs migrants ont droit à l'éducation, quel que soit leur statut. Il dit également depuis 2004 que les réfugiés doivent jouir autant que possible des droits qui leur sont garantis par la Charte 
			(3) 
			Voir,
par exemple, Comité européen des droits sociaux, Conclusions 2015,
Introduction générale (articles 7, 8, 16, 17, 19, 27 et 31 de la
Charte), publiées en janvier 2016..
13. À l'audition de décembre 2017 à Paris, Wouter Vandenhole a fait remarquer que la Cour européenne des droits de l'homme avait souligné l'importance et la nature particulière de l'éducation primaire et de l'enseignement secondaire (concluant notamment que ce dernier devait être gratuit même pour les migrants en situation irrégulière).
14. La Cour reconnaît à l'éducation des fonctions sociales plus larges: elle permet non seulement à ceux qui en bénéficient d'atteindre leur plein potentiel tant au plan personnel que professionnel, mais elle est également importante pour la société, favorisant le pluralisme et donc la démocratie 
			(4) 
			Voir
en particulier Ponomaryovi c. Bulgarie,
Requête no 5335/05, arrêt du 21 juin
2011, paragraphes 55-57.. Dans la société du savoir, l'enseignement secondaire joue un rôle toujours croissant dans l'épanouissement personnel et l'intégration socioprofessionnelle de chacun.
15. La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne cite le droit à l'éducation dans ses articles 13, 14, 21 et 32, et regroupe des droits déjà énoncés dans les traités du Conseil de l'Europe et des Nations Unies. L'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne (FRA), qui suit les questions liées à l'éducation des enfants réfugiés, a été une précieuse source d'information pour le présent rapport. Une étude inquiétante portant sur 14 États membres de l’Union européenne 
			(5) 
			Situation actuelle des migrations dans l'UE:
éducation, FRA, mai 2017. L'étude couvre les pays suivants:
Allemagne, Autriche, Bulgarie, Danemark, Espagne, Finlande, France,
Grèce, Hongrie, Italie, Pays-Bas, Pologne, République slovaque et
Suède. révèle que dans neuf États, les enfants placés dans des centres de rétention n’ont accès à aucune forme d’éducation et que les principaux obstacles à l’accès des jeunes enfants à l’éducation sont les longs délais d’attente, les barrières linguistiques, l’accessibilité (distances), l’insuffisance des conseils aux familles, le manque d’informations, les aides trop faibles pour couvrir les dépenses et le traitement et l’intégration des enfants traumatisés. Dans certaines régions de trois États membres (Allemagne, Grèce, Hongrie), les demandeurs d'asile et les réfugiés n’ont pas accès à l’enseignement ordinaire, seules quelques ONG ou des bénévoles fournissant une forme d’éducation.

3. Accès des migrants et des réfugiés à l'éducation: la situation au niveau mondial

16. Le nombre d'enfants réfugiés ne cesse d'augmenter: d'après un rapport publié par l'Unicef en 2016, les enfants constituent plus de la moitié des réfugiés dans le monde aujourd'hui, même s'ils représentent moins d'un tiers de la population mondiale. Depuis 2011, les conflits dans le monde ont entraîné une augmentation de 75 % du nombre d'enfants réfugiés (la moitié des enfants réfugiés placés sous la protection du HCR en 2016 venaient de Syrie et d'Afghanistan). Bon nombre d'entre eux sont des mineurs non accompagnés (cette question étant l'objet de plusieurs rapports passés et en cours, elle ne sera pas examinée en détail dans la présente étude).
17. Les chiffres mentionnés ci-dessus (paragraphe 3) sont des moyennes mondiales; dans les pays à faible revenu, 9 % seulement des enfants d'âge scolaire vont à l'école. Dans ces pays, l'objectif de la scolarisation pour tous est encore plus difficile à assurer: c'est pourquoi l'enseignement primaire et secondaire pour les enfants réfugiés a un double but: autonomiser tous les enfants réfugiés à titre individuel, mais aussi aider par leur biais leurs parents et frères et sœurs eux aussi déplacés, mais peu alphabétisés, sans qualifications professionnelles et ne disposant pas des compétences nécessaires à la vie quotidienne dans leur pays d'accueil, à trouver leur place dans leur nouvel environnement et à s'engager sur la voie de l'intégration.

3.1. Nations Unies et organisations non gouvernementales

18. L'Objectif de développement durable no 4 des Nations Unies, «Assurer l'accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d'égalité, et promouvoir les possibilités d'apprentissage tout au long de la vie» (d'ici à 2030), est assorti d'une feuille de route visant notamment la prise en compte des besoins éducatifs des populations vulnérables, dont les réfugiés, les apatrides et autres personnes déplacées de force. Lors du Sommet mondial sur l'action humanitaire tenu en Turquie en mai 2016, un fonds pour l'éducation, «Education Cannot Wait Fund», a été créé pour répondre aux besoins éducatifs de millions d'enfants et de jeunes touchés par des situations de crise partout dans le monde et contribuer, surtout, à résorber la fracture entre l’aide humanitaire et l’aide au développement. Le fonds a pour but d'aider 1,4 million d'enfants d'ici la fin 2017 et près de 16 millions d'ici 2030.
19. Le Forum mondial sur l'éducation organisé par l'UNESCO en mai 2015 a adopté un Cadre d'action intitulé «Vers une éducation inclusive et équitable de qualité et un apprentissage tout au long de la vie pour tous». Il rappelle que les États sont tenus d'assurer un enseignement primaire obligatoire et gratuit et de veiller à ce que l'enseignement secondaire (y compris technique et professionnel) et l'enseignement supérieur soient accessibles à tous. Ils doivent également éliminer la discrimination à tous les niveaux du système éducatif.

3.2. L'Union européenne

20. En avril 2016, la Commission européenne a annoncé un train de mesures d'aide humanitaire d'un montant de 52 millions d'euros visant spécifiquement la réalisation de projets éducatifs en faveur d'enfants en situation d'urgence, conformément à l'engagement pris par la Commission de consacrer 4 % de son budget d'aide humanitaire à l'éducation (contre 1 % précédemment). Ce financement ciblera les régions où les enfants sont davantage exposés au risque de déscolarisation ou d'interruption scolaire, à savoir le Moyen-Orient (en particulier la Syrie et l'Irak), l'Afrique centrale et occidentale, l'Asie, l'Ukraine, l'Amérique centrale et la Colombie.
21. L'aide sera acheminée par l'intermédiaire d'ONG, d'agences des Nations Unies et d'organisations internationales et, en plus de financer directement des matériels pédagogiques et des formations, réglera des problèmes d'infrastructures. À titre d'exemple, l'UNICEF a obtenu des fonds pour améliorer la qualité de l'environnement pédagogique des enfants à Alep en fournissant des panneaux solaires aux écoles sujettes à de fréquentes coupures de courant. Des ordinateurs et des tablettes peu coûteux seront mis à la disposition des élèves syriens dans les écoles pour leur donner accès aux ressources numériques.
22. C'est en Turquie que la Commission européenne a lancé en 2017 son plus grand programme humanitaire en faveur de l'éducation des enfants réfugiés, qui vise à inciter 230 000 enfants réfugiés à aller à l'école dans ce pays. En mars 2017, le programme CCTE («Conditional Cash Transfer for Education») doté d'un budget de 34 millions d'euros, conçu et géré en partenariat avec l'UNICEF et le Croissant-Rouge turc, a commencé à verser des aides aux familles de réfugiés dont les enfants fréquentent régulièrement l'école. Le CCTE apportera un soutien aux enfants vulnérables pour améliorer leur accès à l'éducation dans les écoles publiques turques et les centres d'éducation temporaires et permettra leur intégration dans le programme national. Au 12 février 2018, 604 057 enfants, arrivés en Turquie par des migrations massives, sont inscrits dans le système éducatif turc. 369 056 Syriens et Irakiens sous protection temporaire sont inscrits dans des établissements d'enseignement qui suivent les programmes scolaires turcs. Dans 338 centres d'éducation temporaires dans 20 provinces de Turquie, 225 390 étudiants suivent des cours intensifs de turc. Les faibles taux de scolarisation des Syriens sous protection temporaire pourraient s'expliquer en partie par le fait que la Syrie ne possédait pas d'enseignement secondaire obligatoire.

4. Quel type d'éducation?

4.1. Faire des écoles des lieux sûrs

23. Depuis 2007, l'utilisation d'écoles ou d'universités à des fins militaires par les forces armées gouvernementales et les groupes armés non étatiques a été observée dans au moins 29 pays touchés par des conflits armés ou par l'insécurité, d'après la Coalition mondiale pour la protection de l'éducation contre les attaques 
			(6) 
			<a href='http://www.protectingeducation.org/http:/www.protectingeducation.org/'>www.protectingeducation.org/; </a><a href='http://www.protectingeducation.org/.'>www.protectingeducation.org/.</a>. L'organisation Human Rights Watch, qui est membre de la coalition, a publié un rapport sur la question en mars 2017, ainsi que plusieurs rapports par pays, dont un sur l'Ukraine 
			(7) 
			«Studying
Under Fire: Attacks on Schools, Military Use of Schools During the
Armed Conflict in Eastern Ukraine», février 2016: <a href='https://www.hrw.org/fr/news/2016/02/11/ukraine-des-ecoles-attaquees-et-utilisees-des-fins-militaireshttps:/www.hrw.org/news/2016/02/11/ukraine-attacks-military-use-schools'>https://www.hrw.org/fr/news/2016/02/11/ukraine-des-ecoles-attaquees-et-utilisees-des-fins-militaires</a>. dans lequel elle indique que les forces gouvernementales ukrainiennes et les militaires soutenus par la Russie ont mené des attaques contre des écoles, utilisé des écoles à des fins militaires et déployé leurs forces à l'intérieur et à proximité d'écoles. La destruction ainsi engendrée a contraint de nombreuses écoles à fermer leurs portes ou à continuer de fonctionner dans des conditions extrêmement difficiles.
24. Dans les pays de transit et d'accueil de réfugiés et de migrants qui ne sont pas directement engagés dans un conflit, il conviendrait de mettre en place des «pare-feu» entre les établissements d'enseignement et les services de l'immigration. Les enfants ne doivent pas être privés de scolarité en raison de décisions administratives tardives ou défavorables. Il convient de donner la priorité à leur développement en tant qu'enfants et jeunes et d'éviter toute interruption de scolarité pour limiter les sources de discrimination multiple à l'avenir. Les policiers ne devraient jamais avoir accès aux écoles dans des situations liées au processus migratoire, par exemple pour procéder à des reconduites à la frontière après rejet d'une demande d'asile.

4.2. Les enfants doivent s’instruire ensemble

25. Lorsque les réfugiés et les enfants de la société d'accueil apprennent les uns avec les autres, l'investissement dans un système commun apporte des améliorations durables pour la collectivité et apaise les tensions liées aux pressions supplémentaires sur les ressources locales. La construction de nouvelles écoles et la formation d'un plus grand nombre d'enseignants améliorent la qualité du système éducatif d'un pays pour les générations futures d'élèves, qu'ils soient réfugiés ou ressortissants du pays d'accueil. Dans les pays où le nombre de réfugiés est tel qu’ils sont accueillis dans des centres de la taille d’une grande ville – essentiellement dans les pays voisins de la Syrie, en dehors de l’Europe, y compris la Turquie – les classes doivent toutefois être organisées de manière autonome pour assurer un accès par la proximité. Dans ce domaine, il convient de se laisser guider par les principes des Nations Unies de dotations, d'accessibilité, d'acceptabilité et d'adaptabilité. Dans ce contexte, la Turquie constitue un bon exemple, puisque les élèves syriens sont inscrits dans le système éducatif turc après des cours intensifs de turc.
26. La mise en œuvre de principes éducatifs favorisant l’inclusion peut se heurter à des difficultés qui, si elles ne sont pas surmontées, peuvent constituer les graves violations du droit à l’éducation. Lors d’une audition conjointe de la commission sur l'égalité et la non-discrimination et de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, organisée en juin 2016 à Strasbourg, des ONG actives dans la «jungle» de Calais ont dénoncé le fait que les enfants réfugiés théoriquement transportés par autocar vers les écoles locales de Calais manquaient les classes la plupart du temps à cause des retards et de la mauvaise programmation des arrivées et des départs des cars. Cela rappelle qu’il faut assurer un contrôle à toutes les étapes et que l’objectif du respect de l’intérêt supérieur de l'enfant doit être partagé par tous les acteurs. Les États doivent afficher une ferme volonté politique dans la mise en œuvre de leurs mesures.
27. La nécessité d'intégrer les enfants réfugiés dans l'enseignement ordinaire fait aujourd'hui largement consensus au sein de la communauté internationale. Pour l'heure, la Cour européenne des droits de l'homme ne s'est prononcée sur cette question que dans des affaires concernant des enfants handicapés ou des enfants roms, mais le principe de non-ségrégation en matière d'éducation devrait être étendu aux enfants migrants (éviter une différenciation fondée sur la nationalité ou l'origine ethnique) 
			(8) 
			Voir
notamment Oršuš c. Croatie,
Requête no 15766/03, arrêt du 16 mars
2010 (Grande Chambre).. La formation de classes séparées peut se justifier dans certaines disciplines et notamment les langues; des tests devraient alors être réalisés avant l'affectation des élèves. Les programmes devraient être conçus pour combler les lacunes en langues et en aucun cas pour pratiquer une ségrégation.
28. Indépendamment des obligations internationales, les différentes situations des réfugiés dans les pays d'accueil plaident en faveur d'une législation d'ordre général rendant l'éducation primaire et secondaire obligatoire pour tous les enfants, quel que soit leur origine ou leur statut. L’étude de l’Agence des droits fondamentaux note également qu’une fois inscrits à l’école, les enfants demandeurs d’asile bénéficient généralement du même enseignement et des mêmes soins que les enfants du pays, et que dans certains pays ils peuvent aussi obtenir un soutien supplémentaire, comme des cours de langue ou des aides financières pour le matériel scolaire ou une assistance pour un handicap.

4.3. L'enseignement primaire doit être obligatoire et assuré à tous les stades du processus d'asile

29. En Europe, les réglementations relatives à la scolarité obligatoire varient considérablement d'un État à l'autre et révèlent dans bien des cas des lacunes et des manquements dans la mise en œuvre du droit des enfants à l'éducation. Aux Pays-Bas, par exemple, l'éducation primaire est obligatoire pour les enfants néerlandais comme pour les enfants migrants jusqu'à l'âge de 16 ans, tandis qu'en Suède et en Allemagne, l'école n'est pas obligatoire pour les enfants âgés de 6 à 16 ans en attente d'une détermination de leur statut. Cela dit, le fait que l'éducation préscolaire soit principalement privée et payante aux Pays-Bas a pour conséquence que les enfants migrants en sont souvent exclus, alors que tout enfant arrivant en Suède peut s'inscrire gratuitement dans une structure préscolaire ouverte. Dans les grandes villes de Suède, certains établissements préscolaires dédiés mettent l'accent sur l'apprentissage du suédois.
30. En Turquie, 362 451 enfants de réfugiés enregistrés ne vont pas à l'école. Les élèves étrangers qui n'ont pas de carte d'identité sont enregistrés sur place par l’intermédiaire d’un système en ligne. La Turquie entreprend d'importants projets d'infrastructure pour faire en sorte que chaque élève sous protection internationale puisse recevoir une éducation s'il le souhaite. Il semblerait toutefois que l'accès à l'éducation aux enfants sans protection temporaire reste un problème. Pour de nombreuses familles de réfugiés extrêmement pauvres, les enfants sont les seules sources de revenus; d'après les estimations, il y aurait dans une famille sur quatre au moins un enfant qui travaille. Par ailleurs, les années de scolarité perdues sont très difficiles à rattraper.

4.4. L'accès à tous les niveaux de l'éducation doit être assuré

31. Un autre avantage de l'intégration des élèves dans des structures éducatives ordinaires réside dans le fait qu'elles délivrent des diplômes officiels et reconnus qui leur donnent accès au niveau supérieur. Fort de sa longue expérience en la matière, le HCR considère que les systèmes parallèles sont de piètres substituts qui peuvent même se révéler contre-productifs, la non-reconnaissance des apprentissages freinant les progrès des élèves.
32. Le Conseil de l'Europe n'a pas traité directement la question de la scolarisation précoce. En revanche, il a lancé en 2017 un projet pilote de «Passeport européen de qualifications pour les réfugiés» 
			(9) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/education/recognition-of-refugees-qualificationshttps:/www.coe.int/fr/web/education/recognition-of-refugees-qualifications'>https://www.coe.int/fr/web/education/recognition-of-refugees-qualificationshttps.</a> qui permet aux réfugiés ayant perdu leurs diplômes de passer des entretiens pour obtenir un document leur permettant de poursuivre leurs études. Il a également conçu une boîte à outils pour l'accompagnement linguistique des réfugiés adultes 
			(10) 
			<a href='https://www.coe.int/en/web/lang-migrants/'>https://www.coe.int/en/web/lang-migrants/.</a>.

4.5. L’importance de la langue

33. Bien qu'il soit parfois nécessaire de prévoir des cours supplémentaires pour l'apprentissage des langues, le moyen le plus rapide d'acquérir le langage social est l'immersion avec les pairs. Le jeu et l'interaction avec les autres facilitent cet apprentissage. En revanche, la maîtrise de la langue académique peut être beaucoup plus longue à acquérir. Pour cela, le vocabulaire et la grammaire utilisés en classe doivent être explicités, mais cela n’impose pas de déplacer les enfants vers d'autres établissements, puisque dans ce domaine aussi les enfants profitent de la présence et de l'émulation de leurs pairs. A cet égard, il est évident que plus les enfants seront scolarisés jeunes, moins il leur sera nécessaire de suivre des cours de langues supplémentaires, car tous les élèves de leur classe en seront au même stade qu'eux, c'est-à-dire au début de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture.
34. Pour les élèves plus âgés et leurs familles, la langue peut être un obstacle à l'intégration (réel ou ressenti) et constitue indéniablement l'un des facteurs d'attraction de pays comme le Royaume-Uni ou l'Allemagne. L'aide à l'apprentissage de la langue dans les pays d'accueil et l'accès de tous les enfants à une deuxième et à une troisième langue dès le plus jeune âge sont essentiels pour le partage des responsabilités et la répartition des flux migratoires actuels en Europe.

4.6. Compétences sociales et culturelles, éducation non formelle, différences culturelles et différences liées au sexe

35. Le présent document se concentre sur la mise en œuvre de la scolarité obligatoire, mais il convient également d'évoquer l'éducation non formelle et l'éducation interculturelle, très importantes pour des réfugiés et des migrants qui ont traversé des continents entiers pour rejoindre des pays aux traditions socioculturelles bien différentes de celles de leur pays d'origine. Les programmes formels devraient donc se doubler d'informations et de conseils utiles pour la vie quotidienne dans le pays d'accueil, adaptés en fonction de l'âge et de la situation des enfants concernés.
36. L'éducation a une fonction émancipatrice particulière pour les filles migrantes car elle leur permet de s'affranchir de leur famille et de situations au sein de leur communauté susceptibles d'entraver leur indépendance en tant qu'individus. De la même manière, l'école doit être un lieu sûr pour tous les élèves, mais encore plus pour les filles. Il est d'ailleurs prouvé que leur scolarisation précoce réduit le risque de mariage forcé et d'exploitation et d'abus sexuels. Dans les pays d'origine de nombreux réfugiés, les filles ont généralement plus de difficultés d'accès à l'éducation formelle que les garçons, ce qui constitue un motif supplémentaire de rendre obligatoire au moins l'éducation primaire dans les pays d'accueil, afin d'autonomiser les filles et de favoriser leur intégration.
37. La scolarisation des filles pose quelques problèmes particuliers: en Syrie, par exemple, le système éducatif sépare les jeunes filles et les jeunes garçons à partir de 12 ans, si bien que de nombreux parents sont réticents à autoriser leur fille à fréquenter une école mixte. Dans le cadre d'une initiative menée dans la vallée de la Bekaa au Liban avec le soutien financier de Save the Children et de l'Association des femmes pour la paix des Nations Unies, une école a été ouverte pour 160 filles syriennes de 14 à 18 ans qui n'avaient pas été scolarisées pendant plusieurs années. Si elles réussissent les examens de huitième année du système libanais (que les élèves passent généralement à l'âge de 14 ou 15 ans), elles pourront reprendre leur scolarité dans des écoles publiques locales au Liban.
38. Dans les pays de transit ou d’accueil où les différences culturelles et/ou religieuses sont marquées, les enfants et leurs parents doivent s’assimiler et rapidement accepter les cultures et traditions locales; pour bénéficier d’une éducation aux côtés des enfants autochtones, les enfants migrants doivent évidemment respecter la législation et les règles du système éducatif du pays d’accueil. Par conséquent, la réussite de l’éducation des enfants migrants dépend également de leur volonté d’apprendre, doublée d’une volonté des parents d’éduquer leurs enfants dans le respect des règles et lois locales. Sans une telle volonté d’intégration, les efforts des autorités du pays d’accueil pour offrir une éducation aux enfants migrants n’auront qu’un effet limité 
			(11) 
			La Cour européenne
des droits de l’homme a jugé en janvier 2017 qu’il n’y a pas eu
de violation de la liberté de religion dans une école de Bâle où
la participation à des classes mixtes de natation était obligatoire
pour les filles musulmanes. Les personnes concernées n’avaient pas
immigré récemment en Suisse, mais l’affaire illustre qu’il est nécessaire
de savoir s’adapter de part et d’autre. .

4.7. Formation des enseignants

39. La formation des enseignants est également importante pour assurer une éducation de qualité par l'intégration des migrants dans l'enseignement ordinaire. Le HCR a conçu un dossier pédagogique en ligne à l'intention des enseignants, contenant du matériel pédagogique adaptable sur les réfugiés, l'asile, les migrations et l'apatridie. Des outils de formation et des recommandations sont proposés aux enseignants du primaire et du secondaire pour faciliter l'accueil et l'intégration des enfants réfugiés dans leur classe. On trouve également sur ces pages des explications de base sur les différentes situations des enfants réfugiés et migrants, avec de nombreuses animations vidéo. Des supports pédagogiques par tranche d'âge sont accessibles en ligne et disponibles au téléchargement. Enfin, des orientations sont fournies sur la manière d'identifier et d'interagir avec les enfants qui souffrent de stress et de traumatismes liés à leur parcours d'immigration 
			(12) 
			«Recommandations pour
une meilleure intégration dans la classe d'enfants réfugiés souffrant
de stress et de traumatisme» (<a href='http://www.unhcr.org/59d346de4'>www.unhcr.org/59d346de4</a>) et «Teachers’ toolkit on language acquisition».. Ces outils pratiques extrêmement bien conçus devraient être largement diffusés et traduits.

5. Conclusions et recommandations

40. En dépit de la situation actuelle des réfugiés, qui se prolonge, les fonds d'urgence restent la principale source de financement de l'éducation des personnes fuyant des situations critiques, ce qui ne favorise guère les investissements à long terme dans des politiques pérennes. Dans la majorité des pays, l'éducation des réfugiés ne fait pas partie des plans nationaux de développement ni de la planification du secteur éducatif même si, d'après mes recherches, quelques-uns des pays qui accueillent le plus de réfugiés ont entrepris d'inverser la situation. Ainsi, selon l’Agence des droits fondamentaux, la plupart des États membres de l’Union européenne ont augmenté le budget et les ressources humaines consacrés à l’éducation en réaction à la crise migratoire de 2015/16. Dans certains États membres, l’assistance dépend toutefois d’un financement par projets 
			(13) 
			Current migration situation
in the EU: Education, FRA, mai 2017..
41. D'une manière générale, l'accès des réfugiés à l'éducation et leurs résultats scolaires ne font l'objet d'aucun suivi de la part des mécanismes nationaux de contrôle, ce qui signifie que les enfants et les jeunes réfugiés sont non seulement défavorisés en matière d'éducation, mais que, de surcroit, leurs besoins et leurs résultats scolaires restent bien souvent invisibles.
42. En Europe, la mise à disposition d'une éducation de qualité conformément aux engagements internationaux des pays est un défi qui est loin d'être relevé, puisqu'il existe autant de disparités dans les situations que de différences dans les conditions d'accueil et d'intégration. La scolarité obligatoire est l'un des principaux moyens de mettre en œuvre ces engagements et de faire primer l'intérêt supérieur de l'enfant, comme cela a été expliqué dans de nombreux rapports récents de l'Assemblée parlementaire. Le présent rapport entend donner une vue d'ensemble des exigences auxquelles doivent répondre l'enseignement primaire (et secondaire) s'agissant des enfants migrants et réfugiés.
43. De plus, les pays d’accueil doivent davantage tenir compte du vécu des enfants migrants et, en particulier, des enfants réfugiés. Dans la plupart des pays d’Europe, les enfants traumatisés ont accès à l’une ou l’autre forme d’assistance psychologique, mais elle ne s’adresse pas spécifiquement à des enfants qui ont traversé le parcours des réfugiés. Il est rare que l’assistance organisée dans l’enseignement officiel prenne en compte les traumatismes multiples de chaque enfant 
			(14) 
			Ibid.,
les réponses provenant d'à peine trois États membres indiquent que
les enseignants ont bénéficié d'une assistance et d'orientations
pour s'occuper d'enfants traumatisés, comme les instructions spéciales
et une formation pour identifier et traiter les enfants présentant
des traumatismes. .
44. En assurant aujourd’hui à ces enfants une éducation de qualité en plus d'autres formes d'assistance et de prise en charge, et notamment une assistance psychologique immédiate et continue aux enfants traumatisés par leur vécu, on prépare l’Europe de demain. Tout échec dans cette mission se soldera par de nouvelles crises et d'autres bouleversements sociaux. Les recommandations du projet de résolution soulignent aussi l'importance cruciale de l'éducation pour la promotion d'une coexistence pacifique dans les années à venir.