Rapport | Doc. 14622 | 24 septembre 2018
La sûreté et la sécurité nucléaires en Europe
Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable
Résumé
Les inquiétudes liées à la sûreté et à la sécurité nucléaires sont en hausse en Europe depuis les accidents de Tchernobyl et de Fukushima (respectivement en 1986 et en 2011) ainsi que depuis les récentes attaques terroristes. De plus, bon nombre de centrales nucléaires sont vieillissantes, ce qui augmente la probabilité d’incidents graves et d’accidents.
Le rapport soulève la question du secret qui entoure l’exploitation des installations nucléaires et souligne le fait qu’il n’y a pas eu de véritables consultations publiques avant la construction de la majeure partie des installations constituant la «flotte» nucléaire européenne. Etant donné que beaucoup de centrales nucléaires européennes sont situées à proximité de grandes villes et de zones densément peuplées, les Etats européens doivent fournir une protection indiscutable et d’un niveau «raisonnablement atteignable» en ce qui concerne ces installations stratégiques. La capacité de préparation aux situations d’urgence de même que les plans d’urgence devraient être améliorés, en particulier dans les contextes transfrontaliers.
Le projet de résolution fait une série de recommandations en ce sens en général et en ce qui concerne la nouvelle centrale nucléaire d’Ostrovets (Bélarus), et exprime sa grande préoccupation quant à la centrale nucléaire en construction à Akkuyu (Turquie). Il plaide notamment pour des examens périodiques de sûreté plus fréquents, une extension des périmètres de sécurité, le renforcement de l’indépendance et des capacités des organismes de régulation nationaux ainsi que de la protection des réacteurs et des piscines d’entreposage des combustibles nucléaires usés.
A. Projet de résolution
(open)B. Exposé des motifs, par Mme Emine Nur Günay, rapporteure
(open)1. Introduction: «Pas dans mon jardin»?
1. L’énergie nucléaire est une réalité en Europe depuis plusieurs décennies. Si le premier accord fondamental – le traité Euratom – a été signé dès 1957 (la même année que le traité instituant l’Union européenne), le déploiement massif de la puissance nucléaire date des années 1970, plus précisément au sortir de la crise pétrolière de 1973. Actuellement, sur les 184 réacteurs nucléaires en service en Europe, 29 unités ont plus de 40 ans et sont proches de leur fin de vie, ce qui pose des questions quant à leur sûreté opérationnelle. Des problèmes de sûreté nucléaire se profilent depuis l’accident survenu en 1986 à Tchernobyl et se sont fait plus pressants encore depuis l’accident de Fukushima en 2011.
2. Bien que «seulement» 17 États membres du Conseil de l’Europe sur 47 possèdent des centrales nucléaires, la population des pays voisins serait aussi directement impactée par les retombées nucléaires, en cas d’accident avec rejets radioactifs. Au vu des récents attentats terroristes survenus en France et en Belgique, la sécurité des infrastructures nucléaires fait l’objet d’une attention accrue. Un accident nucléaire – qu’il soit causé par un acte malveillant ou par une panne des systèmes – peut avoir des conséquences mortelles et très étendues; c’est pourquoi les populations européennes doivent avoir l’assurance que les autorités chargées de la sûreté et de la sécurité nucléaires font le maximum pour les protéger.
3. Le 10 octobre 2016, j’ai été nommée rapporteure sur «La centrale nucléaire du Bélarus: une menace potentielle pour les pays d’Europe» (Doc. 14033). De plus, la proposition de résolution sur «La sûreté nucléaire à la lumière des menaces terroristes en Europe» (Doc. 14179) a été renvoyée à la commission pour prise en compte dans la préparation de ce rapport. Il y a quelques années, une question concernant les tremblements de terre et la sûreté nucléaire a été soulevée à l’Assemblée parlementaire, mais elle n’a pas donné lieu à un rapport . Sur ma proposition, la commission a décidé que le champ d’application du présent rapport devait englober les inquiétudes majeures que suscitent la sûreté et la sécurité nucléaires en Europe, et a modifié le titre en conséquence. Ce rapport a donc pour objet d’examiner, sous divers aspects, l’utilisation de l’énergie et des technologies nucléaires en Europe, y compris en ce qui concerne la construction de nouvelles centrales dans le contexte actuel, notamment au Bélarus.
4. Avec le présent rapport, l’Assemblée entend passer en revue les principales normes qui font référence au niveau mondial et européen en matière de sûreté et de sécurité nucléaires, tout en étudiant les questions d’ouverture et de bon voisinage s’agissant du choix de l’emplacement des nouvelles centrales. À cette fin, la commission a organisé une série de discussions avec des experts et des représentants d’institutions européennes, du secteur de l’énergie nucléaire et de la société civile . De plus, en ma qualité de rapporteure, j’ai effectué une visite d’information à l’Agence pour l’énergie nucléaire (AEN) et utilisé les ressources en ligne de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).
5. Je tiens à souligner d’emblée que le présent rapport n’entend pas se prononcer «pour» ou «contre» l’énergie nucléaire: il vise à examiner la situation actuelle en termes de sûreté et de sécurité nucléaires et à proposer, le cas échéant, des améliorations et des mesures en vue de développer la confiance. Je considère qu’il est de notre devoir d’élus de nous assurer, avec un niveau de confiance élevé, que le secteur nucléaire européen met tout en œuvre pour viser l’excellence et la sécurité maximale de la population. Bien entendu, mes observations se limiteront aux usages civils de la technologie nucléaire, et je m’intéresserai essentiellement à la question des centrales.
2. Données de base concernant l’énergie nucléaire en Europe
6. On compte, dans le monde, quelques 453 réacteurs nucléaires, qui, pour l’essentiel, sont en service dans des pays économiquement avancés; près de la moitié de la «flotte» nucléaire se trouve en Europe, certains pays (comme la France, la République slovaque, l’Ukraine, la Belgique et la Hongrie) tirant la plus grande partie de leur électricité de l’énergie nucléaire. Il a été estimé que la consommation mondiale d’énergie a presque doublé ces 30 dernières années et les tendances actuelles laissent entrevoir une accélération encore plus rapide de la consommation dans le futur . Avec la conclusion de l’Accord de Paris sur le changement climatique, la communauté internationale a reconnu qu’il était nécessaire de revoir les politiques énergétiques. Pour atteindre l’objectif d’un réchauffement mondial de 2°C maximum, des efforts massifs de décarbonisation sont nécessaires et de nombreuses parties prenantes à l’Accord de Paris envisagent d’utiliser des sources d’énergie moins émettrices de gaz à effet de serre (GES), comme les énergies renouvelables et l’énergie nucléaire.
7. Chaque pays est libre de choisir son «mix» énergétique . Aujourd’hui, les centrales nucléaires produisent environ un tiers de toute l’électricité de l’Union européenne, à un prix très compétitif, et représentent quelque 800 000 emplois . On compte 126 réacteurs nucléaires en service dans 14 pays de l’Union européenne et 58 autres situés dans d’autres régions de l’Europe (essentiellement dans la Fédération de Russie et en Ukraine). Quinze unités sont en construction dans sept pays européens , notamment dans trois États membres de l’Union européenne (la Finlande, la France et la République slovaque ont quatre unités qui sont en phase de construction) et des extensions de capacité sur des installations existantes sont programmées ou proposées en Bulgarie, en Finlande, en France, en Hongrie, en Pologne, en République tchèque, en Roumanie et au Royaume-Uni. Enfin, la Turquie a démarré la construction de sa première centrale nucléaire à Akkuyu sur la côte méditerranéenne. Les polémiques entourant la construction de la première centrale nucléaire au Bélarus (conçue et construite par l’entreprise publique russe Rosatom), près d’Ostrovets, aux abords de la frontière lituanienne, ont été l’élément déclencheur de la proposition de résolution qui est à l’origine du présent rapport (voir plus loin le chapitre consacré à ce point).
8. L’Europe moderne porte encore les cicatrices de la catastrophe de Tchernobyl survenue en 1986, qui a conduit à la contamination des terres et de l’eau au Bélarus, en Ukraine et en Russie, et qui a eu des effets dramatiques sur l’environnement et la santé des populations dans la région. Ce n’est qu’à la fin de 2016 – 30 ans après le pire accident nucléaire qu’ait connu l’Europe – que le «sarcophage» d’urgence qui abrite le réacteur endommagé a finalement été recouvert d’une structure hermétique en acier. L’opération a coûté plus de 1,5 milliard euros à la communauté internationale. La structure de protection définitive est censée protéger le site contre les fuites radioactives pendant cent ans environ. Cependant, la population n’est toujours pas autorisée à retourner aux abords du site de la catastrophe . L’un des enseignements tirés de cet accident a été la mise à niveau de certains réacteurs de type RBMK (catégorie LWGR selon la classification de l’AIEA) au moyen d’une structure de confinement partiel et d’autres fonctions de sûreté. Au total, 11 réacteurs de ce type sont toujours en service; ils sont tous situés en Russie (unités de Koursk, de Leningrad et de Smolensk).
9. En règle générale, la durée de vie opérationnelle d’une centrale nucléaire est comprise entre 40 et 60 ans. La «flotte» nucléaire européenne vieillit rapidement: en 2018, 82 réacteurs sur 184 étaient en service depuis 35 ans ou plus, et environ un réacteur sur six en Europe a plus de 40 ans. Même lorsque les installations sont correctement entretenues, l’état général de ces réacteurs se dégrade constamment, ce qui augmente la probabilité d’incidents graves et d’accidents. Comme l’a expliqué un représentant de FORATOM au cours de l’audition de la commission en janvier 2018, normalement, la décision de fermer les réacteurs les plus anciens est prise par les exploitants, dans certains cas après un contrôle périodique de la sûreté (lequel comprend une évaluation de la sécurité des composants, qui ne sont pas tous remplaçables) et une analyse de la performance de la centrale tout au long de sa vie. Dans certains cas, cependant, une injonction d’arrêt d’un réacteur peut être émise par un régulateur national.
10. À la suite de l’accident nucléaire de Fukushima, les pays de l’Union européenne ont effectué des évaluations poussées des risques et de la sûreté («tests de résistance») sur les réacteurs existants, qui ont donné globalement des résultats très positifs et ont confirmé la volonté politique forte de chercher à améliorer constamment le cadre de sûreté et de sécurité. Aucun réacteur n’a dû être fermé suite à ces évaluations, mais certains pays ont purement et simplement décidé de fermer progressivement leurs centrales nucléaires. Allemagne, par exemple, prévoit d’y parvenir d’ici à 2022 et un réacteur (Gundremmingen B) a été fermé fin 2017. En Suisse, en juin 2011, le parlement a décidé de ne remplacer aucun des quatre réacteurs nucléaires du pays et donc d’abandonner progressivement cette ressource énergétique (cette stratégie a été confirmée en 2017 par référendum) .
11. Le démantèlement d’une centrale ou d’un réacteur est un processus long et financièrement dissuasif. En principe, un réacteur peut être fermé immédiatement en cas de nécessité; néanmoins, de trois à quatre ans peuvent être nécessaires pour parvenir à la fermeture définitive et commencer les travaux de démantèlement, lesquels dureront plusieurs décennies, ou 15 ans tout au moins. De plus, les conséquences environnementales de la gestion du combustible nucléaire usé et des déchets sont loin d’être suffisamment comprises . Une question systématiquement soulevée au cours des discussions de la commission a été celle de la consultation de la population au sujet de la construction des centrales nucléaires et des informations divulguées au public concernant la sûreté et la sécurité des centrales existantes. Il apparaît qu’il n’y a pas eu de consultation publique véritable avant la construction de la plus grande partie de la «flotte» nucléaire européenne, et les générations actuelles supportent tout le poids des risques opérationnels en matière de sûreté et de sécurité, ainsi que le coût du démantèlement, du traitement des déchets nucléaires et de leur stockage à long terme.
12. On considère généralement que l’énergie nucléaire est, du point de vue de l’émission, l’un des moyens les plus respectueux de l’environnement pour produire de l’électricité, car elle ne génère aucun polluant ni gaz à effet de serre.Les tenants de l’énergie nucléaire soulignent que cette ressource contribue de façon essentielle à produire de l’énergie propre pour le développement économique durable dans le monde entier. Toutefois, en avril 2001, une conférence des Nations Unies sur le développement durable a refusé de taxer l’énergie nucléaire de technologie durable . De manière générale, l’Europe a besoin d’effectuer une transition énergétique rapide fondée sur les énergies renouvelables: les législateurs ont déjà commencé à prendre des mesures dans cette direction en réduisant la part de l’énergie nucléaire et en intégrant plus d’énergies renouvelables dans le «mix» énergétique. L’Allemagne, par exemple, s’est engagée à convertir son offre en électricité vers une utilisation à 100 % des sources renouvelables d’ici à 2050 . La Résolution 1977 (2014) de l’Assemblée sur la diversification de l’énergie en tant que contribution fondamentale au développement durable recommande aux États membres du Conseil de l’Europe de «donner la priorité à une meilleure exploitation des sources d’énergie les plus abondantes, propres, rentables et locales, en particulier des sources d’énergie renouvelables telles que la biomasse», tout en reconnaissant que «l’énergie nucléaire restera inscrite dans le paysage énergétique européen pour des raisons de sécurité d’approvisionnement, de compétitivité, de faibles émissions de carbone, ainsi que de potentiel de croissance au niveau mondial, mais qu’elle nécessite la mise en place de politiques de sûreté plus strictes et de solutions à long terme pour la gestion des déchets nucléaires».
3. La sécurité nucléaire suscite de plus en plus d’inquiétudes
13. La plupart des pays utilisent comme référence la définition que donne l’AIEA de la sécurité nucléaire: «Mesures visant à empêcher et à détecter un vol, un sabotage, un accès non autorisé, un transfert illégal ou d’autres actes malveillants mettant en jeu des matières nucléaires et autres matières radioactives ou les installations associées, et à intervenir en pareil cas.» En somme, la sécurité nucléaire concerne les risques extérieurs et menaces de nature physique ou cybernétique. Compte tenu des conséquences potentiellement catastrophiques du terrorisme nucléaire, ce domaine relève largement de la sphère de la sécurité nationale et est protégé par le secret défense. Au niveau de l’Union européenne, il n’existe pas de réglementation spécifique sur la sécurité nucléaire, mais l’ensemble des États membres et les signataires du traité Euratom sont Parties contractantes à la Convention de l’AIEA – servant de référence – sur la protection physique des matières nucléaires (adoptée en 1979 et en vigueur depuis 1987) et peuvent demander à l’AIEA d’effectuer une mission «Site et conception basée sur les événements externes (SEED)».
14. Le terrorisme nucléaire est devenu, au xxie siècle, une très grave menace. Ainsi, des terroristes pourraient prendre pour cible des centrales nucléaires dans le but de provoquer la libération massive de substances radioactives dans l’environnement et sur la population. Les scénarios possibles dépassent l’imagination: une centrale pourrait être la cible d’une bombe, attaquée par un avion utilisé comme un missile guidé, ou encore sabotée de l’intérieur ou par des intrus, voire par des moyens électroniques pilotés à distance . Or, de nombreuses centrales électriques européennes sont situées à proximité de grandes villes. Un tel événement aurait donc des effets dévastateurs: des milliers de personnes perdraient la vie ou tomberaient malades, et les sols, l’eau et la nourriture en Europe seraient contaminés pendant des décennies. Sans une protection adéquate, toute installation nucléaire peut devenir une bombe nucléaire à retardement. Au vu des récents attentats terroristes survenus sur le continent, il est aujourd’hui impératif que les États réexaminent certains aspects de leur politique nationale en matière de sécurité nucléaire.
15. À cet égard, j’aimerais évoquer des incidents qui se sont produits en 2014 à la centrale nucléaire de Fessenheim (la plus ancienne de France), qui est située à 75 km de Strasbourg , ainsi qu’en 2017 à la centrale de Cattenom (près de la frontière franco-luxembourgeoise) . Dans les deux cas, des militants de Greenpeace ont facilement réussi à pénétrer dans le site de la centrale, mettant en lumière des failles dans la sécurité des centrales nucléaires. Ainsi que l’a expliqué le représentant de Greenpeace à la commission le 6 décembre 2017, «la plupart des installations nucléaires en service ont été conçues à une époque où les menaces étaient de nature différente». Si des militants sont parvenus à s’approcher d’une piscine d’entreposage de combustible usé, des personnes mal intentionnées pourraient faire de même et causer des dommages considérables.
16. Dans un rapport sur la sécurité nucléaire en France et en Belgique (publié le 10 octobre 2017 et se basant sur les travaux de sept experts indépendants), Greenpeace avance que les piscines d’entreposage de combustible usé ne sont pas bien protégées. Si ces piscines étaient endommagées, elles ne seraient plus refroidies et passeraient en surchauffe, ce qui provoquerait des réactions en chaîne à grande échelle. Il y a 63 piscines d’entreposage rien qu’en France, pays le plus nucléarisé d’Europe et sans doute au monde. Alors que les réacteurs sont en général bien protégés par d’épais murs de béton, de sérieux doutes sont semble-t-il permis quant aux piscines d’entreposage, et il pourrait être nécessaire de renforcer leur «bunkérisation».
17. De plus, en 2014, des drones ont survolé l’ensemble des centrales nucléaires françaises. On ne sait toujours pas qui était à l’origine de ces actions, et ces événements continuent de se produire. Ils jettent le doute sur de possibles violations de la cybersécurité des installations nucléaires (qui, par ailleurs, sont «hors ligne» afin de protéger les fonctions systémiques informatisées contre toute tentative de piratage). De plus, les drones peuvent lâcher sur les installations nucléaires des dispositifs portables dangereux, ou prendre des photos en vue d’actes malveillants ultérieurs.
18. Dans le contexte de l’après 11 septembre, d’autres questions se posent quant à la protection physique des installations nucléaires et des matières radioactives, protection qui est régie par les politiques de sécurité et de défense nationales et relève pour l’essentiel des compétences de chaque État. En 2004 est née l’Association européenne des autorités de sécurité nucléaire ou ENSRA, qui est un lieu d’échanges confidentiels d’informations et d’expériences sur la sécurité nucléaire. En 2011-2012, parallèlement à la réalisation de tests de résistance, un groupe ad hoc sur la sécurité nucléaire a été constitué. Chaque pays européen dispose de son propre régime de sécurité sur la base de l’évaluation des «menaces de référence» et des principes de «défense en profondeur» (prévention, détection, réponse et procédures d’atténuation/de rétablissement). Les organismes de sécurité nationaux délèguent souvent certaines responsabilités aux exploitants d’installations nucléaires, aux autorités de sûreté ainsi qu’à des ministères et services spécialisés. Les exploitants sont notamment responsables de la politique de protection du site, du modèle de protection physique du site et des mesures visant à organiser le transport des matières radioactives en provenance et à destination des installations nucléaires .
19. Dans ce domaine, les parlementaires doivent exercer leur fonction de contrôle en tant que membres de commissions parlementaires traitant de questions de sécurité nationale afin de veiller à ce que les États déploient des efforts suffisants pour assurer la protection incontestable et «raisonnablement atteignable» des éléments stratégiques essentiels. Ceux-ci comprennent les installations nucléaires nationales et celles des pays voisins qui sont situées à proximité des frontières. De plus, il faut être plus vigilant pour empêcher tout accès non autorisé aux installations et matières nucléaires (sur site, pendant le transport de combustible, de déchets, etc.), dans le but de construire une «bombe sale» par exemple.
20. Enfin et surtout, comme nous l’avons vu à Fukushima, les risques naturels représentent un danger bien réel pour la sécurité des installations nucléaires. De fait, les risques d’accident (ou d’attaque) conduisant à la libération massive de substances radioactives dans l’environnement pourraient largement l’emporter sur tout avantage environnemental ou économique de l’énergie nucléaire. Les centrales nucléaires modernes sont censées résister aux ouragans, aux tornades, aux séismes et aux crashs de petits avions; mais l’accident de Fukushima en 2011 a montré que la centrale n’avait pas pu faire face à la double catastrophe d’un tremblement de terre et d’un tsunami . La sûreté des anciennes centrales construites dans des zones propices aux catastrophes naturelles telles que les tremblements de terre doit être réexaminée et des études complémentaires devraient être menées pour évaluer avec précision le niveau de sécurité de toutes les centrales nucléaires en cas d’attaque grave, par exemple en cas de collision avec un avion détourné ou d’utilisation de missiles portatifs.
4. La sûreté nucléaire – un défi permanent
21. Tout comme la sécurité nucléaire, la sûreté nucléaire est essentielle pour assurer la sécurité du public. Par certains aspects, ces objectifs sont inextricablement liés et doivent faire l’objet d’améliorations constantes, sans attendre, comme c’est malheureusement trop souvent le cas, que surviennent des accidents majeurs (notamment Three Mile Island, Tchernobyl, Fukushima). Comme pour la sécurité nucléaire, c’est la définition de la sûreté nucléaire de l’AIEA qui sert de référence: «L’obtention de conditions d’exploitation correctes, la prévention des accidents ou l’atténuation de leurs conséquences, avec pour résultat la protection des travailleurs, du public et de l’environnement contre des risques radiologiques indus.» La sûreté nucléaire (et sa réglementation) est vue comme un processus d’apprentissage dynamique qui concerne la conception, la construction, l’exploitation et le démantèlement des installations nucléaires, ainsi que la totalité du cycle du combustible radioactif .
22. L’AIEA a élaboré un ensemble cohérent de normes de sûreté, qui va des textes de référence (notamment la Convention de 1996 sur la sûreté nucléaire et la Convention conjointe de 2001 sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs) à des recommandations et lignes directrices. À l’échelle européenne, la WENRA (Association des autorités de sûreté nucléaire des pays d’Europe de l’Ouest), la Commission européenne et l’ENSREG (Groupement européen des autorités de sûreté nucléaire) ainsi que l’EUR (organe des titulaires d’une licence nucléaire) et le WNA/CORDEL (Groupe de travail de l’Association nucléaire mondiale sur la coopération en matière d’évaluation et d’autorisation des conceptions de réacteurs) jouent également un rôle majeur pour ce qui est des normes, des réglementations et de la mise en œuvre. Il importe de souligner que les directives de l’Union européenne sont contraignantes pour les États membres, tandis que les normes de l’AIEA servent davantage de cadre général de référence; cela étant, l’AIEA offre une meilleure couverture des pays européens que le cadre de l’Union européenne. Les missions d’examen par les pairs du Service d’examen intégré de la réglementation (IRRS) et de l’ENSREG fournissent des orientations très utiles pour l’amélioration continue des pays en matière de sûreté nucléaire.
23. Des efforts particuliers sont déployés dans le domaine de l’harmonisation des règles de sûreté nucléaire à travers l’Europe, et en particulier dans les pays de l’Union européenne. Les dernières initiatives en matière d’harmonisation sont celles de la Commission européenne (notamment pour la prévention des accidents et la prévention des rejets radioactifs), de la WENRA (concernant les objectifs de sûreté pour les nouveaux réacteurs et les niveaux de référence pour les réacteurs existants) et des industriels (sur les spécifications pour les nouveaux réacteurs par l’intermédiaire de l’EUR, organe des titulaires d’une licence nucléaire). Conformément aux obligations de l’Union européenne en matière de contrôle périodique de la sûreté, des vérifications de conformité et des mises à niveau des installations sont effectuées au moins tous les dix ans. Après l’accident de Fukushima, des tests de résistance supplémentaires ont été menés sur tous les réacteurs des pays de l’Union européenne et de plusieurs pays hors Union européenne . Aucun réacteur n’a été arrêté à la suite de ces tests, mais des améliorations de sûreté ont dû être effectuées rapidement: des modifications ont été apportées pour augmenter la résistance face aux risques externes et les normes de sûreté ont été révisées . Des améliorations à long terme sont en voie d’aboutir ou programmées pour les années à venir (mise en œuvre au plus tard en 2020), car elles nécessitent une «mise en conformité» assez complexe de la conception des centrales existantes.
24. La défense en profondeur est une approche fondamentale de la sûreté nucléaire, qui associe prévention des incidents et des accidents dans les centrales et atténuation de leurs conséquences par la mise en place de multiples barrières de sûreté. L’application de ce principe dans la conception et l’exploitation des installations nucléaires a pour but d’apporter une protection solide contre les pannes d’équipement, les défaillances d’origine humaine et les ingérences de l’extérieur. Selon l’échelle internationale des événements nucléaires (INES), les défaillances de sûreté dans les installations nucléaires sont évaluées sur une échelle comprenant sept niveaux, les niveaux supérieurs (de 4 à 7) étant appelés des accidents et les niveaux inférieurs (de 1 à 3) des incidents. Normalement, pour les niveaux 1 à 3, l’extérieur du site n’est pas touché, mais il peut y avoir une contamination à l’intérieur du site et une exposition du personnel; les accidents causent des rejets radioactifs plus ou moins importants à l’extérieur de la centrale, des dégâts aux réacteurs et l’exposition mortelle de personnes travaillant sur le site (comme à Tchernobyl et à Fukushima, qui étaient des accidents de niveau 7).
25. Après l’accident de Fukushima, les pays de l’Union européenne et leurs partenaires ont été instamment priés de mieux gérer les aléas externes comme les séismes et les inondations, sur la base de l’événement le plus grave survenu aux environs du site nucléaire au cours des 10 000 dernières années. Cette recommandation s’applique en particulier aux organes de décision s’agissant de la construction de nouvelles centrales (en particulier, la conception des centrales «doit permettre de résister à un séisme entraînant au moins un pic d’accélération du sol de 0,1 g» ). S’agissant des centrales existantes, la nouvelle prescription en matière de sûreté souligne que les moyens de lutte contre les accidents doivent être convenablement stockés à l’extérieur du site (générateurs d’électricité portables, pompes, tuyaux, équipements de ventilation, carburant diesel et véhicules, camions d’incendie, etc.) et que les réacteurs et les piscines d’entreposage de combustible usé doivent être mieux protégés contre les risques multiples et les pannes simultanées. L’AEN (Agence pour l’énergie nucléaire) souligne également la nécessité de renforcer la solidité des systèmes de confinement des réacteurs ainsi que la culture de la sûreté (y compris les aspects humains et organisationnels).
26. De plus, des contrôles périodiques de la sûreté (CPS) sont effectués à intervalles réguliers dans les centrales nucléaires compte tenu du vieillissement inévitable des installations. Ces contrôles servent à évaluer la sûreté des composants (certains d’entre eux ne pouvant pas être remplacés) en lien avec l’analyse de la qualité de fonctionnement de la centrale tout au long de sa vie et pour identifier de possibles améliorations en vue de la réalisation des objectifs de sûreté récemment fixés. Les contrôles sont réalisés sous la supervision des régulateurs nucléaires nationaux, dont l’indépendance et l’efficacité sont essentielles pour obtenir un résultat solide. De plus, pour certains types de dangers, l’étude probabiliste de la sûreté permet de planifier les investissements en matière de sûreté de façon rationnelle.
27. Enfin, il faut aussi garder à l’esprit qu’il y a en Europe un certain nombre de réacteurs nucléaires de recherche; certains d’entre eux sont en phase de démantèlement et sont soumis aux mêmes règles de sûreté que les réacteurs nucléaires de puissance. Cela étant, dans l’ensemble, la gestion et l’entreposage des déchets nucléaires restent problématiques en Europe, en particulier sur le long terme. Certains pays progressent dans ce domaine, comme la Finlande, qui est en train de construire un dépôt géologique profond destiné à recevoir du combustible nucléaire usé, le premier au monde. La directive de l’Union européenne (2011/70/EURATOM) et la Convention conjointe de l’AIEA ont été établies dans le même esprit. Elles font toutes deux obligation aux États membres d’assumer l’entière responsabilité de la gestion et du stockage définitif des déchets nucléaires sans préjudice pour l’homme ou l’environnement. Ce dernier instrument stipule, en outre, que la charge de la gestion des déchets ne doit pas être imposée de façon excessive aux générations futures. L’immersion de déchets nucléaires dans les mers et les océans est interdite par des traités internationaux depuis 1993; avant cette date, 14 pays avaient immergé leurs déchets solides et liquides dans des conteneurs . TEPCO, l’exploitant de la centrale de Fukushima, cherche encore des solutions pour les près de 777 000 tonnes d’eau polluée au tritium provenant des installations de refroidissement de ses réacteurs et envisage d’en rejeter une partie dans l’Océan pacifique.
5. Et si: préparation à la gestion des crises en cas d’urgence nucléaire
28. Comme on l’a souligné plus haut, la communauté internationale a tiré d’importantes leçons des accidents nucléaires passés. Les Conventions de l’AIEA sur la notification rapide d’un accident nucléaire et sur l’assistance en cas d’accident nucléaire ou de situation d’urgence radiologique ont été adoptées en 1986 suite à l’accident de Tchernobyl. Elles demandent respectivement aux États de signaler rapidement tout accident nucléaire susceptible de concerner d’autres pays et de s’engager, dans les meilleurs délais, dans un cadre international de coopération (y compris interétatique, l’AIEA jouant le rôle de centre de liaison) en vue de faciliter l’assistance et le soutien en cas d’urgence nucléaire ou radiologique. Dans ce contexte, l’AIEA aide les États membres à développer leurs capacités de préparation aux urgences (normes, formations et ateliers) et à les tester par le biais d’exercices de terrain de complexités variables.
29. La préparation à la gestion de crise exige également un échange d’information adéquat (efficace et régulier). À cette fin, le Centre des incidents et des urgences de l’AIEA met en œuvre le Système de gestion de l’information pour la préparation et la conduite des interventions d’urgence (EPRIMS), outil interactif de partage d’information basé sur le web, ainsi que le Système international d’information sur le contrôle radiologique (IRMIS), autre outil destiné à la communication des données radiologiques en situation d’urgence.
30. Plus près de nous, les «tests de résistance» européens réalisés après Fukushima ont conclu à la nécessité d’améliorer les Lignes directrices sur la gestion des accidents graves pour qu’elles couvrent un éventail plus large de situations et de les mettre en œuvre pleinement et rapidement. Lors des échanges qui se sont tenus dans notre commission, des membres ont fait remarquer que bon nombre de centrales nucléaires sont situées près de zones frontalières ou à proximité immédiate de zones densément peuplées, ce qui, à l’évidence, a des répercussions sur l’utilisation qui est faite de l’échelle INES pour communiquer avec le public en situation d’urgence, en particulier dans un contexte transfrontalier. De plus, des accords bilatéraux pourraient être nécessaires pour assurer la fluidité des échanges d’informations sur les questions de sûreté nucléaire entre pays voisins, afin d’instaurer la confiance via des canaux officiels et de répondre aux attentes du grand public.
31. Concernant la gestion des situations d’urgence dans les centrales nucléaires et de leurs conséquences, la responsabilité de l’État n’est illimitée qu’en théorie; dans les faits, en particulier en ce qui concerne l’indemnisation, divers régimes juridiques internationaux définissent des limites de fait . S’agissant des objectifs de sûreté affichés par la WENRA en matière de gestion des situations d’urgence et conformément à la directive de la Commission européenne pour la sûreté nucléaire (telle qu’amendée en 2014), les accidents sans fusion du cœur ne devraient pas avoir d’incidences radiologiques, ou seulement mineures, et les accidents avec fusion du cœur et libération importante de radioactivité doivent être quasiment éliminés; le périmètre de sûreté proposé est de 3 à 5 km seulement lorsqu’une évacuation, une mise à l’abri ou une prophylaxie à l’iode est éventuellement nécessaire . Cependant, à la suite d’un accident majeur, des restrictions sur les aliments produits au niveau local pourraient être imposées pendant une année. Par comparaison, la zone de mise à l’abri proposée par l’AIEA se situe dans un périmètre compris entre 5 et 30 km autour de l’installation nucléaire. Il est difficile de savoir cependant comment, en cas d’accident, les conditions météorologiques influent sur la nécessité de fait d’une évacuation ou d’une mise à l’abri.
6. Le cas de la centrale nucléaire d’Ostrovets au Bélarus
32. Au vu des accidents nucléaires passés et des exigences de sécurité modernes, une attention particulière devrait être portée à la question de la coopération internationale et du bon voisinage au moment de choisir l’emplacement des nouvelles centrales. Le conflit le plus récent à cet égard met en jeu le Bélarus et la Lituanie autour de la construction de la centrale d’Ostrovets au Bélarus, à 20 km de la frontière lituanienne et à 45 km de la capitale de la Lituanie, Vilnius. Les principaux problèmes soulevés par la Lituanie concernent la justification du choix du site (compte tenu, en particulier, des risques d’activité sismique dans la région).
33. La Résolution 2172 (2017) de l’Assemblée sur la situation au Bélarus déplore «l’absence de respect des normes internationales de sécurité nucléaire, ainsi que des violations graves en matière de sécurité et des incidents importants survenus au cours de la construction de la centrale [nucléaire Ostrovets]». Elle met en avant «un [possible] effet dévastateur sur la santé et la sécurité de la plupart des pays d’Europe et de leur population», énumère les violations d’instruments juridiques internationaux et mentionne les craintes exprimées par plusieurs organisations internationales compétentes (notamment l’AIEA, la WENRA et l’ENSREG). Par la suite, en octobre 2017, le Bélarus a publié un «test de résistance» national sur sa centrale nucléaire d’Ostrovets, conformément à l’accord passé avec la Commission européenne et l’ENSREG le 24 mai 2011 . Puis, à la mi-mars 2018, l’ENSREG a organisé au Bélarus une mission d’évaluation par les pairs, dont le rapport a été adopté le 2 juillet et publié le 4 juillet 2018, en même temps qu’une série de recommandations sur les opérations d’amélioration de la sûreté requises concernant: 1) les tremblements de terre, les inondations et les conditions météorologiques extrêmes; 2) les pannes d’électricité et les dysfonctionnements de dissipateurs de chaleur; et 3) le traitement des accidents graves .
34. En tant que rapporteure, j’ai reçu diverses contributions écrites des autorités bélarussiennes et lituaniennes sur ce cas. De plus, des experts du Bélarus et de la Lituanie ont livré des commentaires éclairants au cours de l’échange de vues de la commission, le 20 mars 2018. Je rappelle que la centrale d’Ostrovets, la première construite par le Bélarus, a été conçue par l’entreprise publique russe Rosatom et qu’elle est réalisée par une filiale de cette dernière. La centrale comportera deux réacteurs, avec une durée d’exploitation de 60 ans maximum. Les travaux de construction étant achevés à 90 %, le premier réacteur pourrait être mis en service avant la fin 2019 et le second en 2020. Cette centrale nucléaire est donc bien une réalité. Cela étant, comme l’a fait remarquer l’un de nos experts, elle ne devrait être mise en service qu’après la résolution des problèmes majeurs touchant à la sûreté.
35. Récapitulatif des problèmes concernant la sûreté nucléaire et environnementale que pose le projet de la centrale bélarussienne:
- Choix du site: D’après les explications écrites que j’ai reçues des autorités bélarussiennes, 74 sites ont été examinés dans un premier temps, puis 15 sites ont été sélectionnés en vue d’une évaluation complémentaire, laquelle a donné lieu à une liste restreinte de deux sites. Deux propositions supplémentaires ont ensuite été faites (dont le site d’Ostrovets) et une décision finale a été prise en faveur d’Ostrovets. Les principaux arguments avancés pour justifier le rejet des autres sites portent sur des facteurs de stabilité géologique défavorables; cela étant, les sites de Krasnaïa Poliana et de Kukshinovo demeuraient des sites de réserve. Les autorités bélarussiennes affirment que l’évaluation de l’impact sur l’environnement a été menée conformément aux exigences de la Convention d’Espoo s’agissant de l’impact environnemental transfrontière (six pays voisins ont été consultés: Autriche, Lettonie, Lituanie, Pologne, Russie et Ukraine), tandis que les autorités lituaniennes estiment, pour leur part, que les consultations ont été insuffisantes. De même, elles affirment que les obligations découlant de la Convention d’Aarhus en matière de consultation publique n’ont pas été respectées.
- Facteurs sismologiques: Les autorités lituaniennes ont signalé que les environs d’Ostrovets ont connu des séismes majeurs en 1887, 1893, 1896, 1908 et 1987. Des images montrent à la surface des fractures géologiques profondes. Les experts bélarussiens ont proposé dans le rapport relatif au test de résistance national que des évaluations complémentaires des risques sismiques étaient nécessaires.
- Missions de l’AIEA sur le terrain: À la demande des autorités bélarussiennes, une mission d’examen intégré de l’infrastructure nucléaire (INIR) a été menée en juin 2012 par l’AIEA pour les phases 1 et 2. Cette mission a conduit à la préparation, par le ministère pour les Situations d’urgence, du Plan d’action stratégique et du Plan de coopération pour le renforcement des capacités en vue d’améliorer Gosatomnadzor . À la suite de propositions des autorités lituaniennes et à la demande des autorités bélarussiennes, la mission SEED de l’AIEA s’est déroulée en janvier 2017. Elle a mis l’accent sur l’évaluation des risques relatifs au site. Mais les modules 1 à 4, qui concernent l’évaluation intégrée de la sûreté du site, n’ont apparemment pas été achevés (les missions de contrôle de l’AIEA sont organisées à la demande du pays hôte). Le Bélarus a rejoint l’Association mondiale des exploitants nucléaires (WANO), qui, conformément à son mandat, devrait en principe mener des contrôles par des pairs dans la centrale d’Ostrovets.
- Résistance à un crash aérien: Bien que les couloirs aériens situés au-dessus et à proximité de la centrale aient été interdits aux survols d’avions commerciaux, le risque d’un attentat terroriste ne peut être exclu. Or le bâtiment du réacteur ne peut résister qu’au crash d’un petit avion (inférieur à 5 tonnes). En Finlande, un réacteur de même conception a été renforcé (par Rosatom) au moyen d'une protection en béton supplémentaire. Les autorités lituaniennes exigent que des études soient menées pour évaluer la résistance des protections du réacteur d’Ostrovets contre la chute d’un avion commercial de 200 tonnes ou plus.
- Incidences sur les ressources hydriques transfrontalières: Il est prévu d’utiliser les eaux de la rivière transfrontalière Neris (appelée Vilija au Bélarus) comme source de refroidissement pour la centrale nucléaire d’Ostrovets. Cette rivière traverse la capitale lituanienne Vilnius avant de rejoindre le fleuve Niémen, les deux bassins fluviaux couvrant environ 72 % du territoire lituanien. En cas d’incident majeur ou d’accident à la centrale d’Ostrovets, la pollution radiologique et thermique de la rivière Neris altérerait considérablement les ressources en eau potable de plusieurs villes lituaniennes (dont Vilnius, Kaunas et Jonava) et de plus petites zones d’habitation, tout en contaminant aussi les écosystèmes environnants.
- Fiabilité du système de refroidissement du réacteur: La rivière Neris, qui sera utilisée à des fins de refroidissement dans la centrale d’Ostrovets, est située à environ 10 km de la centrale et à quelque 55-65 mètres sous le niveau de celle-ci. Il est de la plus haute importance de garantir que les pompes à eau disposent d’une alimentation électrique externe et autonome afin d’éviter toute perturbation du processus de refroidissement du réacteur en cas d’événement exceptionnel (voir notamment le cas de Fukushima, où des problèmes majeurs de refroidissement se sont produits et ont conduit à la fusion du cœur du réacteur, situation extrêmement dangereuse).
- Incidents sur le site de construction et culture générale de sûreté: Au moins quatre incidents notables se sont produits lors des travaux de construction à Ostrovets en 2016. À chaque fois, les pays voisins n’ont appris leur existence que plusieurs semaines plus tard et même les autorités bélarussiennes ont été informées avec du retard, après des fuites dans les médias locaux indépendants. L’incident le plus grave a causé la chute d’une cuve de réacteur de 330 tonnes d’une hauteur de 4 m; la cuve endommagée a finalement été remplacée par le sous-traitant russe à la demande insistante des autorités bélarussiennes. Cela étant, jusqu’ici, les incidents sont très rarement signalés, ce qui ne contribue pas à instaurer la confiance avec la population des communautés et des pays voisins. Comme à l’époque de l’accident de Tchernobyl, la première réaction des autorités compétentes est le déni; elles rechignent ensuite à admettre les faits, et, enfin, tentent de minimiser l’importance de l’incident ou de l’accident. Cette façon de concevoir la communication n’est pas rassurante tant sur le plan de l’état de préparation aux situations d’urgence que de la gestion des crises, même si, selon l’expert, des moyens techniques sont mis en place.
- Le régulateur nucléaire national: En tant que nouvel entrant dans le monde de l’énergie nucléaire, le Bélarus va acquérir l’expérience nécessaire dans l’organisation du travail de ses autorités de réglementation nucléaire, mais cela mettra du temps.
- Proximité avec des zones à forte densité de population: La centrale nucléaire bélarussienne est construite à 140 km de Minsk, la capitale du Bélarus, mais à seulement 45 km de Vilnius, la capitale lituanienne, qui, avec les faubourgs, regroupe un tiers de la population du pays. En cas d’accident dans la centrale et de conditions météorologiques défavorables, l’évacuation de la population de Vilnius pourrait s’avérer inévitable. L’AIEA n’a pas publié de recommandation officielle spécifiant une distance de sécurité à respecter entre une centrale nucléaire et des zones d’habitation humaines, mais les enseignements tirés des accidents passés devraient inciter les autorités compétentes à élaborer des lignes directrices plus claires à cet égard, en particulier dans le cas de projets menés à proximité immédiate de pays qui ne partagent pas nécessairement le même enthousiasme pour l’énergie nucléaire .
36. Il ressort de ce qui précède que l’amélioration de la transparence et de la communication avec le public contribuerait à une meilleure perception de la sûreté du projet d’Ostrovets. Les critiques les plus osées évoquent même l’existence de ramifications politiques qui sous-tendent la décision d’implanter le projet au plus près de la capitale du pays voisin. Cela dit, les faits sont là et les deux pays les plus concernés par le projet doivent inévitablement coopérer pour définir des canaux de communication et de coordination mutuellement acceptables, en particulier en ce qui concerne la préparation aux situations d’urgence. Cela pourrait se faire sur la base du Protocole de Melk (conclu en 2000 entre l’Autriche et la République tchèque au sujet de la centrale nucléaire de Temelín). Il est encore temps d’investir dans des structures de confinement renforcées afin d’améliorer la protection des réacteurs et des piscines d’entreposage de combustible usé contre les dangers externes tels que le crash d’un avion lourd, ainsi que pour renforcer la capacité du régulateur national en matière de sûreté nucléaire.
7. Conclusions
37. Les installations nucléaires en Europe affichent depuis longtemps un niveau de performance satisfaisant [si l’on exclut l’accident de Tchernobyl], et contribuent ainsi à la sécurité énergétique, à la compétitivité économique et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans les pays qui ont opté pour l’énergie nucléaire. Mais, par définition, les décisions en faveur de cette énergie engagent de nombreuses générations successives et la plus grande attention doit être portée à la sûreté et à la sécurité de peur d’avoir à supporter le risque de faire face à des conséquences dramatiques. Les objectifs de sûreté et de sécurité nucléaires ont été relativement bien intégrés par les autorités nationales et européennes compétentes dans les cadres techniques, réglementaires et juridiques, mais le secret qui entoure la gestion de ces objets hautement stratégiques suscite la méfiance du grand public.
38. Il ressort de ce rapport que la sûreté et la sécurité nucléaires sont des processus dynamiques qui nécessitent d’adapter en permanence les cadres de référence existants, souvent très complexes, sur la base de l’expérience, de la recherche et de l’évolution de la société. Le risque zéro n’existe pas, quel que soit le domaine, mais dans le secteur nucléaire, le but est d’éviter les scénarios les plus défavorables en fixant des objectifs «raisonnablement atteignables». Il faut en payer le prix. Ainsi, d’un point de vue politique, le défi majeur est d’apporter au public une information suffisante sans compromettre sa sécurité et de parvenir à un consensus démocratique sur les orientations stratégiques et le niveau de sûreté et de sécurité nucléaires que nous voulons. Nous devons donc chercher à améliorer la transparence et la communication dans ce défi que constitue l’énergie nucléaire.
39. Pour cette raison, nous tenons à saluer la publication, le 28 juin 2018, du rapport d’enquête parlementaire sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires françaises, faisant suite à des signaux alarmants provenant de sources diverses . Ce rapport exhaustif, sincère et passionnant souligne les difficultés, ainsi que les incertitudes, liées à la gestion des réacteurs nucléaires existants et ceux en cours de démantèlement dans le contexte de menaces et de risques nouveaux. Nous devons accorder une attention particulière aux questions liées au transport des substances radioactives (notamment le combustible et les déchets nucléaires), aux pratiques d’externalisation qui ont un impact sur la maîtrise du «facteur humain» et au coût faramineux de la sécurisation des installations nucléaires. Eu égard à la vaste expérience de la France dans ce domaine, je recommande vivement aux parlementaires et aux instances de régulation nucléaire d’autres États membres, en particulier s’ils ont des centrales nucléaires sur leur territoire, de faire de ce rapport l’un de leurs principaux textes de référence.
40. Si les décisions en matière de sûreté et de sécurité nucléaires relèvent de la sphère nationale, le rôle des organisations internationales spécialisées et des institutions supranationales ne saurait être sous-estimé. Elles élaborent des normes, émettent des recommandations et permettent la mise en commun des bonnes pratiques: nous devons les soutenir dans cette action. L’harmonisation des normes et des pratiques est souhaitable pour de nombreux aspects de la sûreté nucléaire, où l’objectif est de viser l’excellence et de tout mettre en œuvre pour améliorer la protection, compte tenu notamment des nouveaux risques que constituent par exemple les attaques contre des installations nucléaires. Cela étant, il se peut que des solutions spécifiques soient plus adaptées face à des risques externes qui ont été évalués en tenant compte des spécificités de telle ou telle installation. Nous avons tiré les enseignements des vulnérabilités potentielles liées aux piscines d’entreposage de combustible usé et aux survols par des drones, et nous devrions répercuter ces informations au niveau national, s’il y a lieu.
41. Au vu des leçons retenues des accidents nucléaires passés, il apparaît que les facteurs humains et organisationnels sont des déterminants essentiels dans la plupart des aspects de la sûreté nucléaire. Des initiatives très louables ont été prises dans ce domaine par plusieurs pays membres de l’AEN et il serait souhaitable d’y associer tous les pays européens concernés, en mettant l’accent sur les responsabilités décisionnelles et sur la coordination en situation d’urgence. Dans toutes les régions où sont implantées des installations nucléaires, les autorités locales devraient être associées à la planification de la gestion des situations d’urgence. Enfin, pour répondre aux attentes des populations et au vu des nouvelles menaces, je suis convaincue que nous avons suffisamment de raisons de demander aux organisations internationales concernées de fournir des orientations et des conseils adéquats sur le choix de l’emplacement des nouvelles installations nucléaires, à une distance raisonnable des zones densément peuplées.
Annexe 1 – Les centrales nucléaires en activité en Europe
(open)
Pays |
Nom du réacteur |
Type de réacteur |
Capacité nette (MW) |
Date de connexion |
Âge en 2018 |
Frontière la plus proche (km) |
Pays frontalier |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Arménie |
Armenia-2 |
WWER |
375 |
1980 |
38 |
16 |
Turquie |
Belgique |
Doel-1 |
PWR |
433 |
1974 |
44 |
4 |
Pays-Bas |
Belgique |
Doel-2 |
PWR |
433 |
1975 |
43 |
4 |
Pays-Bas |
Belgique |
Doel-3 |
PWR |
1,006 |
1982 |
36 |
4 |
Pays-Bas |
Belgique |
Doel-4 |
PWR |
1,033 |
1985 |
33 |
4 |
Pays-Bas |
Belgique |
Tihange-1 |
PWR |
962 |
1975 |
43 |
38 |
Pays-Bas |
Belgique |
Tihange-2 |
PWR |
1,008 |
1982 |
36 |
38 |
Pays-Bas |
Belgique |
Tihange-3 |
PWR |
1,038 |
1985 |
33 |
38 |
Pays-Bas |
Bulgarie |
Kozloduy-5 |
WWER |
963 |
1987 |
31 |
5 |
Roumanie |
Bulgarie |
Kozloduy-6 |
WWER |
963 |
1991 |
27 |
5 |
Roumanie |
Rép. tchèque |
Dukovany-1 |
WWER |
468 |
1985 |
33 |
32 |
Autriche |
Rép. tchèque |
Dukovany-2 |
WWER |
471 |
1986 |
32 |
32 |
Autriche |
Rép. tchèque |
Dukovany-3 |
WWER |
468 |
1986 |
32 |
32 |
Autriche |
Rép. tchèque |
Dukovany-4 |
WWER |
471 |
1987 |
31 |
32 |
Autriche |
Rép. tchèque |
Temelin-1 |
WWER |
1,026 |
2000 |
18 |
50 |
Autriche |
Rép. tchèque |
Temelin-2 |
WWER |
1,026 |
2002 |
16 |
50 |
Autriche |
Finlande |
Loviisa-1 |
WWER |
496 |
1977 |
41 |
75 |
Russie |
Finlande |
Loviisa-2 |
WWER |
496 |
1980 |
38 |
75 |
Russie |
Finlande |
Olkiluoto-1 |
BWR |
880 |
1978 |
40 |
220 |
Suède |
Finlande |
Olkiluoto-2 |
BWR |
880 |
1980 |
38 |
220 |
Suède |
France |
Belleville-1 |
PWR |
1,310 |
1987 |
31 |
260 |
Suisse |
France |
Belleville-2 |
PWR |
1,310 |
1988 |
30 |
260 |
Suisse |
France |
Blayais-1 |
PWR |
910 |
1981 |
37 |
223 |
Espagne |
France |
Blayais-2 |
PWR |
910 |
1982 |
36 |
223 |
Espagne |
France |
Blayais-3 |
PWR |
910 |
1983 |
35 |
223 |
Espagne |
France |
Blayais-4 |
PWR |
910 |
1983 |
35 |
223 |
Espagne |
France |
Bugey-2 |
PWR |
910 |
1978 |
40 |
64 |
Suisse |
France |
Bugey-3 |
PWR |
910 |
1978 |
40 |
64 |
Suisse |
France |
Bugey-4 |
PWR |
880 |
1979 |
39 |
64 |
Suisse |
France |
Bugey-5 |
PWR |
880 |
1979 |
39 |
64 |
Suisse |
France |
Cattenom-1 |
PWR |
1,300 |
1986 |
32 |
10 |
Luxembourg |
France |
Cattenom-2 |
PWR |
1,300 |
1987 |
31 |
10 |
Luxembourg |
France |
Cattenom-3 |
PWR |
1,300 |
1990 |
28 |
10 |
Luxembourg |
France |
Cattenom-4 |
PWR |
1,300 |
1991 |
27 |
10 |
Luxembourg |
France |
Chinon-B-1 |
PWR |
905 |
1982 |
36 |
393 |
Royaume-Uni |
France |
Chinon-B-2 |
PWR |
905 |
1983 |
35 |
393 |
Royaume-Uni |
France |
Chinon-B-3 |
PWR |
905 |
1986 |
32 |
393 |
Royaume-Uni |
France |
Chinon-B-4 |
PWR |
905 |
1987 |
31 |
393 |
Royaume-Uni |
France |
Chooz-B-1 |
PWR |
1,500 |
1996 |
22 |
4 |
Belgique |
France |
Chooz-B-2 |
PWR |
1,500 |
1997 |
21 |
4 |
Belgique |
France |
Civaux-1 |
PWR |
1,495 |
1997 |
21 |
400 |
Espagne |
France |
Civaux-2 |
PWR |
1,495 |
1999 |
19 |
400 |
Espagne |
France |
Cruas-1 |
PWR |
915 |
1983 |
35 |
160 |
Italie |
France |
Cruas-2 |
PWR |
915 |
1984 |
34 |
160 |
Italie |
France |
Cruas-3 |
PWR |
915 |
1984 |
34 |
160 |
Italie |
France |
Cruas-4 |
PWR |
915 |
1984 |
34 |
160 |
Italie |
France |
Dampierre-1 |
PWR |
890 |
1980 |
38 |
290 |
Belgique |
France |
Dampierre-2 |
PWR |
890 |
1980 |
38 |
290 |
Belgique |
France |
Dampierre-3 |
PWR |
890 |
1981 |
37 |
290 |
Belgique |
France |
Dampierre-4 |
PWR |
890 |
1981 |
37 |
290 |
Belgique |
France |
Fessenheim-1 |
PWR |
880 |
1977 |
41 |
1,5 |
Allemagne |
France |
Fessenheim-2 |
PWR |
880 |
1977 |
41 |
1,5 |
Allemagne |
France |
Flamanville-1 |
PWR |
1,330 |
1985 |
33 |
120 |
Royaume-Uni |
France |
Flamanville-2 |
PWR |
1,330 |
1986 |
32 |
120 |
Royaume-Uni |
France |
Golfech-1 |
PWR |
1,310 |
1990 |
28 |
144 |
Espagne |
France |
Golfech-2 |
PWR |
1,310 |
1993 |
25 |
144 |
Espagne |
France |
Gravelines-1 |
PWR |
910 |
1980 |
38 |
50 |
Royaume-Uni |
France |
Gravelines-2 |
PWR |
910 |
1980 |
38 |
50 |
Royaume-Uni |
France |
Gravelines-3 |
PWR |
910 |
1980 |
38 |
50 |
Royaume-Uni |
France |
Gravelines-4 |
PWR |
910 |
1981 |
37 |
50 |
Royaume-Uni |
France |
Gravelines-5 |
PWR |
910 |
1984 |
34 |
50 |
Royaume-Uni |
France |
Gravelines-6 |
PWR |
910 |
1985 |
33 |
50 |
Royaume-Uni |
France |
Nogent-1 |
PWR |
1,310 |
1987 |
31 |
175 |
Belgique |
France |
Nogent-2 |
PWR |
1,310 |
1988 |
30 |
175 |
Belgique |
France |
Paluel-1 |
PWR |
1,330 |
1984 |
34 |
100 |
Royaume-Uni |
France |
Paluel-2 |
PWR |
1,330 |
1984 |
34 |
100 |
Royaume-Uni |
France |
Paluel-3 |
PWR |
1,330 |
1985 |
33 |
100 |
Royaume-Uni |
France |
Paluel-4 |
PWR |
1,330 |
1986 |
32 |
100 |
Royaume-Uni |
France |
Penly-1 |
PWR |
1,330 |
1990 |
28 |
110 |
Royaume-Uni |
France |
Penly-2 |
PWR |
1,330 |
1992 |
26 |
110 |
Royaume-Uni |
France |
St. Alban-1 |
PWR |
1,335 |
1985 |
33 |
120 |
Suisse |
France |
St. Alban-2 |
PWR |
1,335 |
1986 |
32 |
120 |
Suisse |
France |
St. Laurent-B-1 |
PWR |
915 |
1981 |
37 |
315 |
Belgique |
France |
St. Laurent-B-2 |
PWR |
915 |
1981 |
37 |
315 |
Belgique |
France |
Tricastin-1 |
PWR |
915 |
1980 |
38 |
170 |
Italie |
France |
Tricastin-2 |
PWR |
915 |
1980 |
38 |
170 |
Italie |
France |
Tricastin-3 |
PWR |
915 |
1981 |
37 |
170 |
Italie |
France |
Tricastin-4 |
PWR |
915 |
1981 |
37 |
170 |
Italie |
Allemagne |
Brokdorf (KBR) |
PWR |
1,410 |
1986 |
32 |
107 |
Danemark |
Allemagne |
Emsland (KKE) |
PWR |
1,335 |
1988 |
30 |
20 |
Pays-Bas |
Allemagne |
Grohnde (KWG) |
PWR |
1,360 |
1984 |
34 |
160 |
Pays-Bas |
Allemagne |
Gundremmingen-C |
BWR |
1,288 |
1984 |
34 |
106 |
Autriche |
Allemagne |
Isar-2 (KKI 2) |
PWR |
1,410 |
1988 |
30 |
60 |
Autriche |
Allemagne |
Neckarwestheim-2 |
PWR |
1,310 |
1989 |
29 |
70 |
France |
Allemagne |
Philippsburg-2 |
PWR |
1,402 |
1984 |
34 |
35 |
France |
Hongrie |
Paks-1 |
WWER |
470 |
1982 |
36 |
70 |
Serbie |
Hongrie |
Paks-2 |
WWER |
473 |
1984 |
34 |
70 |
Serbie |
Hongrie |
Paks-3 |
WWER |
473 |
1986 |
32 |
70 |
Serbie |
Hongrie |
Paks-4 |
WWER |
473 |
1987 |
31 |
70 |
Serbie |
Pays-Bas |
Borssele |
PWR |
482 |
1973 |
45 |
17 |
Belgique |
Roumanie |
Cernavoda-1 |
PHWR |
650 |
1996 |
22 |
36 |
Bulgarie |
Roumanie |
Cernavoda-2 |
PHWR |
650 |
2007 |
11 |
36 |
Bulgarie |
Russie |
Balakovo-1 |
WWER |
950 |
1985 |
33 |
155 |
Kazakhstan |
Russie |
Balakovo-2 |
WWER |
950 |
1987 |
31 |
155 |
Kazakhstan |
Russie |
Balakovo-3 |
WWER |
950 |
1988 |
30 |
155 |
Kazakhstan |
Russie |
Balakovo-4 |
WWER |
950 |
1993 |
25 |
155 |
Kazakhstan |
Russie |
Beloyarsky-3 |
FBR |
560 |
1980 |
38 |
317 |
Kazakhstan |
Russie |
Beloyarsky-4 |
FBR |
789 |
2015 |
3 |
317 |
Kazakhstan |
Russie |
Bilibino 1 |
LWGR |
11 |
1974 |
44 |
- |
- |
Russie |
Bilibino 2 |
LWGR |
11 |
1974 |
44 |
- |
- |
Russie |
Bilibino 3 |
LWGR |
11 |
1975 |
43 |
- |
- |
Russie |
Bilibino 4 |
LWGR |
11 |
1976 |
42 |
- |
- |
Russie |
Kalinin-1 |
WWER |
950 |
1984 |
34 |
360 |
Bélarus |
Russie |
Kalinin-2 |
WWER |
950 |
1986 |
32 |
360 |
Bélarus |
Russie |
Kalinin-3 |
WWER |
950 |
2004 |
14 |
360 |
Bélarus |
Russie |
Kalinin-4 |
WWER |
950 |
2011 |
7 |
360 |
Bélarus |
Russie |
Kola-1 |
WWER |
411 |
1973 |
45 |
110 |
Finlande |
Russie |
Kola-2 |
WWER |
411 |
1974 |
44 |
110 |
Finlande |
Russie |
Kola-3 |
WWER |
411 |
1981 |
37 |
110 |
Finlande |
Russie |
Kola-4 |
WWER |
411 |
1984 |
34 |
110 |
Finlande |
Russie |
Kursk-1 |
LWGR |
925 |
1976 |
42 |
58 |
Ukraine |
Russie |
Kursk-2 |
LWGR |
925 |
1979 |
39 |
58 |
Ukraine |
Russie |
Kursk-3 |
LWGR |
925 |
1983 |
35 |
58 |
Ukraine |
Russie |
Kursk-4 |
LWGR |
925 |
1985 |
33 |
58 |
Ukraine |
Russie |
Leningrad-1 |
LWGR |
925 |
1973 |
45 |
66 |
Estonie |
Russie |
Leningrad-2 |
LWGR |
925 |
1975 |
43 |
66 |
Estonie |
Russie |
Leningrad-3 |
LWGR |
925 |
1979 |
39 |
66 |
Estonie |
Russie |
Leningrad-4 |
LWGR |
925 |
1981 |
37 |
66 |
Estonie |
Russie |
Leningrad 2-1 |
WWER |
1,085 |
2018 |
1 |
66 |
Estonie |
Russie |
Novovoronezh 2-1 |
WWER |
1,114 |
2016 |
2 |
150 |
Ukraine |
Russie |
Novovoronezh-4 |
WWER |
385 |
1972 |
46 |
150 |
Ukraine |
Russie |
Novovoronezh-5 |
WWER |
950 |
1980 |
38 |
150 |
Ukraine |
Russie |
Rostov 1 |
WWER |
950 |
2001 |
17 |
196 |
Ukraine |
Russie |
Rostov 2 |
WWER |
950 |
2010 |
8 |
196 |
Ukraine |
Russie |
Rostov 3 |
WWER |
1,011 |
2014 |
4 |
196 |
Ukraine |
Russie |
Rostov 4 |
WWER |
1,011 |
2018 |
1 |
196 |
Ukraine |
Russie |
Smolensk-1 |
LWGR |
925 |
1982 |
36 |
70 |
Bélarus |
Russie |
Smolensk-2 |
LWGR |
925 |
1985 |
33 |
70 |
Bélarus |
Russie |
Smolensk-3 |
LWGR |
925 |
1990 |
28 |
70 |
Bélarus |
Rép. slovaque |
Bohunice-3 |
WWER |
471 |
1984 |
34 |
37 |
Rép. tchèque |
Rép. slovaque |
Bohunice-4 |
WWER |
471 |
1985 |
33 |
37 |
Rép. tchèque |
Rép. slovaque |
Mochovce-1 |
WWER |
436 |
1998 |
20 |
37 |
Hongrie |
Rép. slovaque |
Mochovce-2 |
WWER |
436 |
1999 |
19 |
37 |
Hongrie |
Slovénie |
Krsko |
PWR |
688 |
1981 |
37 |
14 |
Croatie |
Espagne |
Almaraz-1 |
PWR |
1,011 |
1981 |
37 |
100 |
Portugal |
Espagne |
Almaraz-2 |
PWR |
1,006 |
1983 |
35 |
100 |
Portugal |
Espagne |
Asco-1 |
PWR |
995 |
1983 |
35 |
155 |
France |
Espagne |
Asco-2 |
PWR |
997 |
1985 |
33 |
155 |
France |
Espagne |
Cofrentes |
BWR |
1,064 |
1984 |
34 |
355 |
Algérie |
Espagne |
Trillo-1 |
PWR |
1,003 |
1988 |
30 |
287 |
France |
Espagne |
Vandellos-2 |
PWR |
1,045 |
1987 |
31 |
170 |
France |
Suède |
Forsmark-1 |
BWR |
984 |
1980 |
38 |
170 |
Finlande |
Suède |
Forsmark-2 |
BWR |
1,120 |
1981 |
37 |
170 |
Finlande |
Suède |
Forsmark-3 |
BWR |
1,170 |
1985 |
33 |
170 |
Finlande |
Suède |
Oskarshamn-3 |
BWR |
1,400 |
1985 |
33 |
273 |
Lettonie |
Suède |
Ringhals-1 |
BWR |
881 |
1974 |
44 |
94 |
Danemark |
Suède |
Ringhals-2 |
PWR |
807 |
1974 |
44 |
94 |
Danemark |
Suède |
Ringhals-3 |
PWR |
1,063 |
1980 |
38 |
94 |
Danemark |
Suède |
Ringhals-4 |
PWR |
1,115 |
1982 |
36 |
94 |
Danemark |
Suisse |
Beznau-1 |
PWR |
365 |
1969 |
49 |
6 |
Allemagne |
Suisse |
Beznau-2 |
PWR |
365 |
1971 |
47 |
6 |
Allemagne |
Suisse |
Goesgen |
PWR |
1,010 |
1979 |
39 |
20 |
Allemagne |
Suisse |
Leibstadt |
BWR |
1,220 |
1984 |
34 |
0,5 |
Allemagne |
Suisse |
Muehleberg |
BWR |
373 |
1971 |
47 |
38 |
France |
Ukraine |
Khmelnitski-1 |
WWER |
950 |
1987 |
31 |
160 |
Russie |
Ukraine |
Khmelnitski-2 |
WWER |
950 |
2004 |
14 |
160 |
Russie |
Ukraine |
Rovno-1 |
WWER |
381 |
1980 |
38 |
65 |
Russie |
Ukraine |
Rovno-2 |
WWER |
376 |
1981 |
37 |
65 |
Russie |
Ukraine |
Rovno-3 |
WWER |
950 |
1986 |
32 |
65 |
Russie |
Ukraine |
Rovno-4 |
WWER |
950 |
2004 |
14 |
65 |
Russie |
Ukraine |
South Ukraine-1 |
WWER |
950 |
1982 |
36 |
132 |
Rép. de Moldova |
Ukraine |
South Ukraine-2 |
WWER |
950 |
1985 |
36 |
132 |
Rép. de Moldova |
Ukraine |
South Ukraine-3 |
WWER |
950 |
1989 |
29 |
132 |
Rép. de Moldova |
Ukraine |
Zaporozhe-1 |
WWER |
950 |
1984 |
34 |
277 |
Russie |
Ukraine |
Zaporozhe-2 |
WWER |
950 |
1985 |
33 |
277 |
Russie |
Ukraine |
Zaporozhe-3 |
WWER |
950 |
1986 |
32 |
277 |
Russie |
Ukraine |
Zaporozhe-4 |
WWER |
950 |
1987 |
31 |
277 |
Russie |
Ukraine |
Zaporozhe-5 |
WWER |
950 |
1989 |
29 |
277 |
Russie |
Ukraine |
Zaporozhe-6 |
WWER |
950 |
1995 |
23 |
277 |
Russie |
Royaume-Uni |
Dungeness-B1 |
AGR |
520 |
1985 |
33 |
43 |
France |
Royaume-Uni |
Dungeness-B2 |
AGR |
520 |
1983 |
35 |
43 |
France |
Royaume-Uni |
Hartlepool-A1 |
AGR |
595 |
1983 |
35 |
330 |
Irlande |
Royaume-Uni |
Hartlepool-A2 |
AGR |
585 |
1984 |
34 |
330 |
Irlande |
Royaume-Uni |
Heysham-1A |
AGR |
580 |
1983 |
35 |
210 |
Irlande |
Royaume-Uni |
Heysham-1B |
AGR |
610 |
1984 |
34 |
210 |
Irlande |
Royaume-Uni |
Heysham-2A |
AGR |
575 |
1988 |
30 |
210 |
Irlande |
Royaume-Uni |
Heysham-2B |
AGR |
610 |
1988 |
30 |
210 |
Irlande |
Royaume-Uni |
Hinkley Point-B1 |
AGR |
475 |
1976 |
42 |
185 |
France |
Royaume-Uni |
Hinkley Point-B2 |
AGR |
470 |
1976 |
42 |
185 |
France |
Royaume-Uni |
Hunterston-B1 |
AGR |
475 |
1976 |
42 |
140 |
Irelande |
Royaume-Uni |
Hunterston-B2 |
AGR |
485 |
1977 |
41 |
140 |
Irelande |
Royaume-Uni |
Sizewell-B |
PWR |
1,198 |
1995 |
23 |
140 |
Belgique |
Royaume-Uni |
Torness 1 |
AGR |
590 |
1988 |
30 |
295 |
Irelande |
Royaume-Uni |
Torness 2 |
AGR |
595 |
1989 |
29 |
295 |
Irelande |
Source: Agence internationale de l’énergie atomique, base de données PRIS, mise à jour en avril 2018. |
|||||||
AGR – réacteur avancé refroidi au gaz et modéré par graphite |
|||||||
BWR – réacteur à eau légère bouillante modéré à l'eau légère |
|||||||
FBR – réacteur surgénérateur |
|||||||
LWGR – réacteur à eau légère et modéré par graphite |
|||||||
PHWR – réacteur à eau lourde pressurisée, refroidi à l'eau lourde |
|||||||
PWR – réacteur à eau légère pressurisée, refroidi à l'eau légère |
|||||||
WWER – réacteur à eau, modéré par eau |
Annexe 2 – Les centrales nucléaires en construction
(open)
Pays |
Nom du réacteur |
Type de réacteur |
MW totals |
---|---|---|---|
Bélarus (2) |
Belarusian 1 |
PWR |
1,109 |
|
Belarusian 2 |
PWR |
1,109 |
Finlande (1) |
Olkiluoto 3 |
PWR |
1,600 |
France (1) |
Flamanville 3 |
PWR |
1,630 |
Russie (6) |
Akademik Lomonosov 1* |
PWR |
32 |
Akademik Lomonosov 2* |
PWR |
32 |
|
Baltiisk 1 |
PWR |
1,109 |
|
Kursk 2-1 |
PWR |
1,115 |
|
Leningrad 2-2 |
PWR |
1,085 |
|
Novovoronezh 2-2 |
PWR |
1,114 |
|
Rép. slovaque (2) |
Mochovce 3 |
PWR |
440 |
Mochovce 4 |
PWR |
440 |
|
Turquie (1) |
Akkuyu-1 |
PWR |
1,114 |
Ukraine (2) |
Khmelnitski 3 |
PWR |
950 |
Khmelnitski 4 |
PWR |
950 |
|
Total: 15 réacteurs |
|
|
|
* La première centrale nucléaire flottante au monde |
|||
Sources: AIEA, base de données PRIS; sponsors de projet; mise à jour en avril 2018. |
|||
PWR – réacteur à eau légère pressurisée, refroidi à l'eau légère |
Annexe 3 – Avis divergent de Ms Stella Kyriakides (Chypre, PPE/DC) , membre de la commission
(open)L’exposé des motifs sur «La sûreté et la sécurité nucléaires en Europe» par Mme Günay (Turquie, CE), couvre une question très importante qui nous préoccupe tous au premier chef, que nous vivions en Europe ou ailleurs. Des accidents nucléaires tragiques tels que celui de Tchernobyl, il y a 32 ans, qui a libéré dans l’atmosphère trente à quarante fois plus de radioactivité que la bombe atomique d’Hiroshima, avec des conséquences incalculables pour la santé de milliers de gens et pour l’environnement, nous ont fait prendre conscience que la sûreté nucléaire ne peut et ne doit pas être compromise pour quelque raison que ce soit.
A cet égard, il est pour le moins regrettable qu’hormis une simple mention au paragraphe 7 de l’exposé des motifs il ne soit pas fait référence de manière approfondie à la construction, en coopération avec la Fédération de Russie, de la centrale nucléaire d’Akkuyu dans la province de Mersin, en Turquie. Cette centrale a suscité beaucoup de réactions en Turquie et dans les pays voisins comme Chypre, approximativement à 85 kilomètres, car elle est très proche d’une région turque à forte activité sismique. Sur ce sujet, la Chambre des Représentants de la République de Chypre a adopté à l’unanimité une résolution le 18 mai 2018 demandant, entre autres choses, d’interrompre une telle construction.
Dans le même contexte, nous ne pouvons pas non pas ignorer la résolution du Parlement européen du 6 juillet 2017 (2016/2308(INI)) relative au rapport de la Commission européenne sur la Turquie, qui demande au Gouvernement turc «d’interrompre son projet de construction d’une centrale nucléaire à Akkuyu; souligne que le site prévu se trouve dans une région à forte activité sismique, ce qui représente un risque important non seulement pour la Turquie, mais aussi pour l’ensemble du bassin méditerranéen; demande par conséquent au Gouvernement turc de ratifier la Convention d’Espoo, laquelle engage les parties à s’informer et à se consulter mutuellement sur les projets majeurs à l’étude susceptibles d’avoir une incidence environnementale importante par-delà les frontières; demande à cette fin au Gouvernement turc d’associer – ou, à défaut, de consulter – les gouvernements des pays voisins, tels que Chypre et la Grèce, en ce qui concerne l’évolution du projet de centrale à Akkuyu.»
Malheureusement, ni l’un ni l’autre de ces textes n’a été suivi d’effet. En avril dernier, le Président Erdoğan, en compagnie du Président Poutine, a posé la première pierre de la première centrale nucléaire turque à Akkuyu. La Turquie n’a procédé à aucune consultation préalable des pays voisins, comme le prévoit aussi la Convention internationale sur la sûreté nucléaire.
Au vu de ce qui précède, il est impératif que le Gouvernement turc interrompe cette construction et reconsidère ses plans, en prenant en compte toutes les précautions nécessaires, comme l’ont exprimé aussi ses propres citoyens, et qu’il se concerte avec les pays voisins conformément à la Convention internationale sur la sûreté nucléaire. La Turquie devrait également adhérer sans plus attendre à la Convention de l’UNECE sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière (Convention d’Espoo). La santé et le bien-être de nos concitoyens et la protection de l’environnement ne devraient jamais être sacrifiés pour des considérations politiques ou d’autres motivations opportunistes.