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Rapport | Doc. 14661 | 30 octobre 2018

Lutter contre l’impunité par la prise de sanctions ciblées dans l’affaire Sergueï Magnitski et les situations analogues

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur : Lord Donald ANDERSON, Royaume-Uni, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 14440, Renvoi 4345 du 24 novembre 2017. 2019 - Première partie de session

Résumé

La commission des questions juridiques et des droits de l'homme réaffirme son engagement à lutter contre l’impunité des auteurs de graves violations des droits de l'homme et contre la corruption, qui menacent l’État de droit. Elle rappelle la Résolution 1966 (2014) «Refuser l'impunité pour les meurtriers de Sergueï Magnitski» et estime qu’au lieu de demander des comptes aux auteurs et bénéficiaires des crimes commis contre M. Magnitski et de ceux découverts par lui, les autorités russes ont harcelé la famille de la victime et son ancien client, M. William Browder.

Dans l’intervalle, plusieurs pays (l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, le Royaume-Uni, le Canada et les États-Unis) ont adopté des «lois Magnitsky» pour permettre à leurs gouvernements d’imposer des sanctions ciblées comme l'interdiction de visa et le gel d’avoirs aux auteurs et aux bénéficiaires de graves violations des droits de l'homme. Les instruments les plus récents de ce type peuvent s’appliquer à tout auteur de grave violation des droits de l'homme qui bénéficie de l’impunité dans son pays.

Tous les États membres du Conseil de l'Europe sont appelés à envisager d’adopter des instruments juridiques permettant à leur gouvernement d’imposer des sanctions ciblées aux personnes dont il y a lieu de croire qu’elles sont personnellement responsables de graves violations des droits de l’homme pour lesquelles elles jouissent de l’impunité pour des motifs politiques ou en raison de pratiques de corruption. De tels instruments doivent mettre en place une procédure équitable et transparente comme indiqué, concernant des crimes terroristes, dans la Résolution 1597 (2008). En outre, les États sont invités à s’abstenir de coopérer dans toute poursuite pénale politiquement motivée liée à l’affaire Magnitsky.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 10 septembre
2018.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire réaffirme son engagement à lutter contre l’impunité des auteurs de graves violations des droits de l'homme et contre la corruption, qui menacent l’État de droit.
2. Elle rappelle sa Résolution 1966 (2014) «Refuser l'impunité pour les meurtriers de Sergueï Magnitski», qui exhorte les autorités russes compétentes à mener une enquête complète sur les circonstances et le contexte de la mort en détention provisoire de Sergueï Magnitski et à amener les responsables à rendre des comptes. M. Magnitski avait dénoncé une fraude de grande ampleur au détriment du Trésor public russe commise par des criminels bénéficiant de la complicité de fonctionnaires corrompus. La Résolution 1966 (2014), adoptée en janvier 2014, envisageait en dernier ressort des sanctions ciblées, comme l’interdiction de visas et le gel d’avoirs, contre les personnes impliquées dans ce crime et sa dissimulation.
3. Fin 2014, la commission des questions juridiques et des droits de l'homme a estimé que la Fédération de Russie n’avait accompli aucun progrès dans la mise en œuvre de la résolution de l’Assemblée. Au lieu de demander des comptes aux auteurs des crimes commis contre M. Magnitski et de ceux découverts par lui, les autorités russes ont harcelé la mère de M. Magnitski, sa veuve et son ancien client, M. William Browder. En janvier 2015, la présidente de l’Assemblée a donc transmis la Résolution 1966 (2014) à toutes les délégations nationales aux fins d’un suivi par les autorités compétentes.
4. Depuis, les autorités russes n’ont toujours pas fait de progrès pour poursuivre en justice les auteurs et les bénéficiaires du crime commis contre Sergueï Magnitski, malgré l’engagement actif de sa famille dans la procédure. Toutes les poursuites pénales engagées contre les fonctionnaires impliqués dans les mauvais traitements et le meurtre de M. Magnitski ont été closes; certains de ces fonctionnaires ont même été publiquement félicités par de hauts représentants de l’État, d’autres ont reçu une promotion.
5. L’Assemblée note par ailleurs que l’ancien client de M. Magnitski, M. William Browder, qui fait campagne à travers le monde contre l’impunité, continue d’être harcelé et persécuté par les autorités russes, notamment par le recours abusif et répété aux procédures de notice rouge et de «diffusion» d’Interpol.
6. Dans l’intervalle, plusieurs États membres ou observateurs (dont l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, le Royaume-Uni, le Canada et les États-Unis) ont adopté des instruments législatifs et autres pour permettre à leur gouvernement d’imposer des sanctions ciblées aux auteurs et aux bénéficiaires de graves violations des droits de l'homme.
7. L’Assemblée se félicite du fait que les instruments les plus récents de ce type (adoptés aux États-Unis, au Canada et au Royaume-Uni) ne se limitent pas aux ressortissants de pays particuliers, ou reconnus coupables d’implication dans des crimes particuliers, comme le meurtre de Sergueï Magnitski. Ils peuvent en effet s’appliquer à tout auteur de grave violation des droits de l'homme qui bénéficie de l’impunité dans son pays, quel qu’il soit.
8. La loi de 2017 du Royaume-Uni sur les financements criminels entend par «violation flagrante des droits de l'homme» un traitement ou châtiment cruel, inhumain ou dégradant infligé par un fonctionnaire, par un individu agissant dans le cadre de fonctions officielles ou par un tiers agissant à l’instigation ou avec le consentement de l’un ou de l’autre à une personne qui a tenté de divulguer une activité illégale menée par un fonctionnaire ou un individu agissant dans le cadre de fonctions officielles, ou de défendre ou de promouvoir les droits de l’homme et les libertés fondamentales. Des définitions similaires figurent dans les lois Magnitski adoptées aux États-Unis et au Canada.
9. L’Assemblée considère que les sanctions ciblées («intelligentes») contre des personnes sont préférables aux sanctions économiques générales ou à d’autres sanctions qui visent des pays tout entiers:
9.1. les sanctions ciblées envoient un message clair à chacun des auteurs de graves violations des droits de l'homme pour leur dire qu’ils ne sont pas les bienvenus dans les pays ayant adopté les sanctions et que ceux-ci ne se rendront pas complices de leurs agissements répréhensibles en les autorisant à utiliser leurs institutions financières ou à jouir des produits de leur crime;
9.2. les sanctions générales, au contraire, nuisent en premier lieu à la population et surtout pas aux élites dirigeantes qui sont responsables des actes ayant entraîné les sanctions.
10. L’Assemblée rappelle également sa Résolution 1597 (2008) sur les listes noires du Conseil de sécurité des Nations Unies et de l’Union européenne et insiste sur le fait que les exigences d’équité de la procédure et de transparence énoncées dans ce texte doivent s'appliquer aussi aux personnes accusées de graves violations des droits de l’homme autres que des actes de terrorisme.
11. L’Assemblée appelle par conséquent tous les États membres du Conseil de l'Europe, l’Union européenne et les États ayant le statut d’observateur ou tout autre statut de coopération auprès du Conseil de l'Europe et son Assemblée parlementaire:
11.1. à envisager d’adopter une loi ou un autre instrument juridique permettant à leur exécutif, sous la surveillance générale du parlement, d’imposer des sanctions ciblées comme l'interdiction de visa et le gel de comptes bancaires, aux personnes dont il y a lieu de croire qu’elles sont personnellement responsables de graves violations des droits de l’homme pour lesquelles elles jouissent de l’impunité pour des motifs politiques ou en raison de pratiques de corruption;
11.2. à faire en sorte que ces lois ou instruments juridiques fixent une procédure équitable et transparente pour imposer des sanctions ciblées, comme indiqué en matière d’infractions terroristes dans la Résolution 1597 (2008), en particulier en veillant à ce que:
11.2.1. les personnes visées soient informées de l’imposition des sanctions et des raisons complètes et précises de cette décision, et que la possibilité leur soit offerte de répondre dans un délai raisonnable aux accusations sous-tendant les sanctions;
11.2.2. l’instance prenant la décision d’imposer des sanctions soit indépendante de celle qui rassemble les informations et propose d’inscrire une personne sur la liste des sanctions;
11.2.3. la décision initiale d’imposer des sanctions puisse être contestée devant un tribunal ou une instance d’appel dotée d’une indépendance et d’un pouvoir de décision suffisants, y compris le pouvoir de retirer une personne visée de la liste et de lui accorder une indemnisation adéquate si les sanctions avaient été infligées par erreur;
11.3. à coopérer les uns avec les autres pour identifier les personnes cibles appropriées, notamment en utilisant les mécanismes pertinents de l’Union européenne et en partageant les informations sur les personnes inscrites sur les listes de sanctions ainsi que les raisons pour lesquelles il y a lieu de croire qu’elles sont responsables de graves violations des droits de l’homme et bénéficient de l’impunité pour des motifs politiques ou en raison de pratiques de corruption;
11.4. à exploiter la vaste base d’informations et de preuves portant sur de graves violations des droits de l’homme dont les auteurs restent impunis, qui sont rassemblées et consignées par des organisations non gouvernementales locales, nationales et internationales de défense des droits de l’homme, et notamment par le Centre de documentation Natalia Estemirova à Oslo (Norvège);
11.5. à s’abstenir de coopérer dans toute poursuite pénale politiquement motivée liée à l’affaire Magnitski, comme celles qui visent son ancien client, M. William Browder.
12. Par ailleurs, l’Assemblée encourage les parlementaires qui la composent:
12.1. à suivre le précédent créé par leurs collègues dans un certain nombre des pays qui ont déjà pris des mesures dans ce domaine, en s’efforçant de persuader leur gouvernement d’adopter des propositions similaires et, le cas échéant, à agir eux-mêmes pour prendre des initiatives législatives;
12.2. à maintenir des contacts étroits avec l’Assemblée au sujet de toute initiative de ce type qu’ils proposeront ou qu’ils auront adoptée et à demander conseil et assistance à l’Assemblée, si besoin.

B. Exposé des motifs, par Lord Donald Anderson, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. La proposition de résolution sur laquelle repose le présent rapport vise à donner suite à la Résolution 1966 (2014) de l’Assemblée parlementaire «Refuser l'impunité pour les meurtriers de Sergueï Magnitski» 
			(2) 
			Doc. 13356 et addendum (rapporteur: M. Andreas Gross, Suisse, SOC)..
2. L'Assemblée avait été consternée par le décès en 2009 de Sergueï Magnitski, expert russe en fiscalité et en comptabilité, alors qu’il était en détention provisoire. M. Magnitski avait enquêté sur une gigantesque fraude au remboursement d’impôt au détriment du Trésor public russe; cette fraude avait été commise grâce à l’utilisation abusive, par des personnes bénéficiant de la complicité de fonctionnaires corrompus des forces de police et de l'administration fiscale, de sociétés d’investissement gérées par l’un des clients de M. Magnitski, M. William Browder, sociétés desquelles ils avaient frauduleusement pris le contrôle. Après que les plaintes qu'il avait rédigées furent versées au dossier de l’enquête menée précisément par les fonctionnaires qu’il avait accusés de complicité dans cette fraude supposée, M. Magnitski avait lui-même été placé en détention provisoire pour fraude fiscale supposée. Comme il avait refusé de revenir sur son témoignage, il avait subi des conditions de détention de plus en plus dures, malgré la dégradation de son état de santé; il souffrait notamment d’une pancréatite aiguë pour laquelle les soins chirurgicaux qui s’imposaient lui avaient été refusés. Il était finalement mort dans des conditions terribles au cours de sa détention provisoire, après avoir été frappé à l’aide de matraques en caoutchouc, que les gardiens employaient pour le «faire taire» lorsqu’il criait au cours de son agonie. L'Assemblée avait été consternée en plus par le fait qu’aucun des fonctionnaires responsables de la mort de M. Magnitski n'avait été puni. Au contraire, certains avaient bénéficié de promotions et des félicitations officielles de la part de hauts représentants de l’État, alors que les poursuites engagées contre M. Magnitski se poursuivaient à titre posthume, ce que l’on peut considérer à juste titre comme une absurdité absolue.
3. En se fondant sur l’analyse détaillée de ces événements, l'Assemblée avait exhorté les autorités russes compétentes à mener une enquête complète sur les circonstances et le contexte de la mort de M. Magnitski, ainsi que sur l'éventuelle responsabilité pénale de tous les fonctionnaires concernés. Les circonstances examinées par l’Assemblée incluaient les témoignages contradictoires donnés par les agents pénitentiaires et les autres témoins, l’existence de deux versions contradictoires de l’«acte de décès» provisoire officiel et l’origine de l’enrichissement considérable de certains fonctionnaires à la retraite du ministère de l’Intérieur et des services fiscaux. L’Assemblée avait particulièrement insisté sur l’achat de biens immobiliers à Dubaï par un certain nombre des fonctionnaires impliqués. Elle avait conclu que l’application de sanctions ciblées contre ces personnes, par exemple l’interdiction de visa et le gel d’avoirs, devait être considérée comme un moyen à utiliser en dernier ressort.
4. Dans sa Résolution 1966 (2014), adoptée à une écrasante majorité des voix, l'Assemblée parlementaire avait réaffirmé son adhésion indéfectible à la lutte contre l'impunité et la corruption qui menacent l’État de droit. Elle s’était également engagée à suivre attentivement la mise en œuvre des propositions concrètes qu'elle avait adressées aux autorités russes pour veiller à ce que les auteurs et les bénéficiaires du crime dont a été victime Sergueï Magnitski aient à rendre compte de leurs actes. Elle avait par ailleurs décidé que:
«si, dans des délais raisonnables, les autorités compétentes n’[avaient] pas apporté de réponse, ou pour le moins de réponse satisfaisante, à la présente résolution, l'Assemblée devrait recommander aux États membres du Conseil de l'Europe de suivre en dernier ressort l’exemple des États-Unis, en adoptant des sanctions ciblées à l’encontre de personnes particulières (interdiction de visa et gel de comptes bancaires), après avoir donné à ces personnes nommément désignées la possibilité de présenter des arguments appropriés pour leur défense.»
5. Comme l’expliquait dans le détail l’addendum au rapport établi par M. Gross, la réponse des autorités russes compétentes aux recommandations de l'Assemblée avait été totalement insuffisante. Ce constat a été confirmé par la commission des questions juridiques et des droits de l'homme lors de ses réunions des 29 septembre et 10 décembre 2014, la commission estimant que la Fédération de Russie n'avait fait aucun progrès dans la mise en œuvre de la résolution de l'Assemblée et exhortant la présidente à assurer le suivi de cette question avec les parlements nationaux. Au lieu de demander des comptes aux auteurs des crimes commis contre M. Magnitski et de ceux découverts par lui, les autorités russes ont harcelé la mère de M. Magnitski, sa veuve et son ancien client, M. William Browder. Le 6 janvier 2015, la présidente de l'Assemblée, Mme Anne Brasseur, avait transmis la Résolution 1966 (2014) et les documents connexes à l’ensemble des chefs des délégations nationales en leur demandant de se saisir de la question avec leurs autorités nationales compétentes.
6. Par la suite, plusieurs États membres du Conseil de l'Europe et des pays ayant le statut d’observateur (l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, le Royaume-Uni, ainsi que le Canada et les États-Unis) ont adopté des lois ou d’autres instruments juridiques pour permettre à leur gouvernement d’infliger des sanctions ciblées aux auteurs ou aux bénéficiaires de graves violations des droits de l'homme, comme la mise à mort de Sergueï Magnitski. Dans la proposition de résolution sur laquelle se fonde le présent rapport, l'Assemblée est invitée à examiner ces initiatives et à encourager les États membres et observateurs à faire de même 
			(3) 
			Lord Donald Anderson
(Royaume-Uni, SOC) a été désigné rapporteur lors de la réunion de
la commission du 12 décembre 2017.. Il est à noter que ce qui a débuté aux États-Unis en 2012 comme la possibilité d'imposer des sanctions aux responsables d'un crime contre un individu, Sergueï Magnitski, a été élargi en 2016 à la possibilité d'imposer des sanctions (gel des avoirs et interdiction de visa) à tout auteur de grave violation des droits de l'homme jouissant de l’impunité pour des motifs politiques ou en raison de pratiques de corruption 
			(4) 
			Au Royaume-Uni, la
loi de 2017 sur les financements criminels entend par «violation
flagrante des droits de l'homme» un traitement ou châtiment cruel,
inhumain ou dégradant infligé par un fonctionnaire, par un individu
agissant dans le cadre de fonctions officielles ou par un tiers
agissant à l’instigation ou avec le consentement de l’un ou de l’autre
à une personne qui a tenté de divulguer une activité illégale menée
par un fonctionnaire ou un individu agissant dans le cadre de fonctions
officielles, ou de défendre ou de promouvoir les droits de l’homme
et les libertés fondamentales. Des définitions similaires figurent
dans les lois Magnitski adoptées aux États-Unis et au Canada..
7. À ce jour, l’ancien client de M. Magnitski continue d’être persécuté par les autorités russes, notamment par le recours abusif et répété à la procédure de notice rouge d'Interpol 
			(5) 
			Voir «Détournement
du système d’Interpol: nécessité de garanties légales plus strictes», Doc. 14277 du 29 mars 2017, rapporteur: M. Bernd Fabritius (Allemagne,
PPE/DC), paragraphe 54.. Jusqu’à présent, toutes ces tentatives ont échoué. M. Browder fait campagne dans le monde entier pour l'adoption de «lois Magnitski» prévoyant des sanctions ciblées (comme des interdictions de voyager ou le gel d’avoirs) contre les fonctionnaires responsables de la mort de M. Magnitski et ceux qui ont tiré profit du crime qu’il avait dénoncé. Le champ d’application de ces dispositions légales a été élargi dans plusieurs pays afin d’englober l’ensemble des individus personnellement responsables de graves violations des droits de l'homme et bénéficiant d’une impunité de fait dans leur pays.
8. Comme je l’annonçais dans ma note introductive examinée lors des réunions de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme en avril 2018 à Strasbourg et en mai 2018 à Reykjavik, je commencerai par faire un point rapide sur les suites données par les autorités russes à l’affaire Magnitski depuis l’adoption de la Résolution 1966 (2014), notamment la campagne de désinformation orchestrée contre le rapport de 2014 de l’Assemblée et les progrès réalisés par les services répressifs d’un certain nombre de pays pour retracer le cheminement des sommes obtenues grâce aux remboursements frauduleux d’impôts, qui s’élèvent à près de $US 230 millions.
9. Puis j’examinerai les «lois Magnitski» qui ont déjà été adoptées dans plusieurs pays. Après avoir brièvement rappelé les avantages des sanctions ciblées par rapport aux sanctions générales, j’analyserai les caractéristiques communes de ces textes de loi au sujet des critères et procédures d'identification des personnes à soumettre à des sanctions ciblées, les difficultés auxquelles les parlements ont été confrontés pour adopter ces lois et la manière dont ils en sont venus à bout.
10. Enfin, et ce point est particulièrement important, j’examinerai plus en détail les «droits de la défense» nécessaires compte tenu de la solide réputation dont jouit l'Assemblée en matière de respect des droits de toute personne qui fait l’objet de sanctions pour des actes répréhensibles allégués. Ce point, déjà évoqué dans la Résolution 1966 (2014), ne doit pas être négligé, afin de garantir la crédibilité de l’Assemblée en qualité de défenseur des droits de l'homme. L'Assemblée a défini les exigences pertinentes dans la Résolution 1597 (2008) sur les listes noires du Conseil de sécurité des Nations Unies et de l’Union européenne et nous devons veiller à ce que ces exigences s'appliquent également aux personnes accusées de graves violations des droits de l’homme autres que des actes de terrorisme.
11. Sur la base de ces éléments, j’ai élaboré des propositions concrètes pour de nouvelles actions, qui sont résumées dans le projet de résolution adressée à l’ensemble des États membres et observateurs et aux membres de l’Assemblée, en tenant compte des bonnes pratiques et des enseignements tirés. L’objectif du présent rapport est donc d'encourager les membres de l'Assemblée à examiner la réponse des parlementaires d'autres pays qui ont légiféré pour sanctionner ceux qui commettent de graves violations des droits de l'homme et, dans le même temps, à adapter et adopter ce type de loi ou d’autre instrument juridique selon qu'il conviendra au sein de leur propre parlement. Ainsi, nos recommandations ne se veulent pas prescriptives. Après tout, les collègues parlementaires sont les experts des procédures et des opportunités législatives dans leur pays; dans la plupart, si ce n’est dans tous les États, ce sont les parlementaires qui ont ouvert la voie en poussant leur gouvernement, parfois hésitant, à agir.

2. Nouveaux éléments dans l’affaire Magnitski depuis décembre 2014

2.1. Suites données par les autorités russes: la désinformation au lieu de la transparence

12. En décembre 2014, l’avocat de Mme Magnitskaïa a porté plainte devant le Service des enquêtes de la Commission d’enquête russe, invoquant l’absence d’investigations approfondies et complètes sur la mort du mari de sa cliente, et notamment le fait que les fonctionnaires suspectés n’ont pas été interrogés, la perte d’éléments de preuve, le refus de pratiquer une autopsie indépendante et la non-prise en compte de la question d’éventuels conflits d’intérêts. La plainte a été rejetée par le chef du Service des enquêtes, M. Tshukin.
13. En janvier 2015, l’avocat de la famille Magnitski a demandé l’ouverture d’une enquête et de poursuites contre M. Tagiev, directeur du centre de détention de Matrosskaya Tishina (où est décédé M. Magnitski), pour fausses informations pendant l’enquête sur la mort de M. Magnitski. M. Tagiev avait en effet indiqué dans une lettre datée du 16 mars 2011 qu’il n’existait aucun enregistrement de vidéosurveillance pour les zones dans lesquelles M. Magnitski a passé ses dernières heures et où il a été retrouvé mort. Ces indications étaient contraires aux éléments figurant dans le dossier pénal, notamment des photos de caméras de surveillance dans les zones en question, des témoignages du personnel pénitentiaire et des documents sur l’équipement du centre de détention avec des caméras de surveillance, y compris leur emplacement. Mais les demandes ont été rejetées par le tribunal de district de Preobrajenskoïe et le tribunal de la ville de Moscou en juin 2015.
14. En février 2015, l’avocat de la famille Magnitski a déposé un recours contre le décret visant à clore l’enquête sur la mort de M. Magnitski, invoquant en particulier l’absence d’enquête sur l’utilisation de matraques en caoutchouc et de menottes. Ce recours a été rejeté en février 2015 au motif que «les éléments concernant l’utilisation éventuelle d’une matraque en caoutchouc ont fait l’objet d’une vérification, qui n’a abouti à aucune confirmation» – alors que le rapport médicolégal officiel contient des conclusions selon lesquelles les lésions sur le corps de M. Magnitski étaient compatibles avec l’utilisation d’un objet dur et contondant comme une matraque en caoutchouc. Fait intéressant, l’usage de matraques en caoutchouc était déjà mentionné dans le rapport de 2014 de M. Gross pour l’Assemblée, qui s’était basé sur un exemplaire d’un document de l’administration pénitentiaire concernant l’emploi de «moyens spéciaux» pour «faire taire» M. Magnitski. Dans la version de ce document dont M. Gross avait obtenu copie auprès de la «Commission de surveillance publique» (le mécanisme national de prévention russe officiel au titre de la Convention de l’ONU contre la torture), qui avait pris des copies des documents pertinents avant toute manœuvre de dissimulation, les «moyens spéciaux» dont l’usage était évoqué dans ce document incluaient les menottes et les matraques. Dans une «version» ultérieure du document par ailleurs identique, seules les menottes étaient mentionnées dans le texte entre crochets détaillant les «moyens spéciaux» appliqués.
15. En février, mars et avril 2015, l’avocat de la famille Magnitski a également déposé des recours contre la désignation posthume, dans le décret clôturant l’enquête sur sa mort, de Sergueï Magnitski comme un responsable de la fraude de $US 230 millions qu’il avait dénoncée et du blanchiment des produits de la fraude, et pour faire admettre des éléments prouvant l’innocence de M. Magnitski. Toutes ces demandes ont été rejetées en dernière instance en mai 2015. Un recours similaire (motivé par de nouvelles accusations posthumes contre Sergueï Magnitski en réponse à une demande d’entraide judiciaire venant des États-Unis) a été rejeté en janvier/mars 2016.
16. En décembre 2015, le procureur général russe, M. Chaika, a publiquement accusé M. Magnitski et M. Browder d’avoir eux-mêmes commis la fraude de $US 230 millions qu’ils ont dénoncée et a laissé entendre que M. Browder était responsable de la mort de trois citoyens russes. Le même mois, la Commission d’enquête russe a ouvert une enquête contre M. Browder au sujet de la mort de trois personnes – MM. Korobeinikov, Kurochkin et Gasanov. En avril 2017, la télévision d’État russe a diffusé un reportage accusant M. Browder et la CIA d’avoir assassiné M. Magnitski, le Bureau du procureur général et la Commission d’enquête annonçant une enquête en ce sens.
17. En janvier 2017, M. Nikolai Gorokhov, avocat de la famille Magnitski, a porté plainte au pénal contre deux enquêteurs pour abus de pouvoir et collusion avec les suspects présumés. Il a également fourni des preuves aux autorités américaines sur le blanchiment d’une partie des produits du crime dénoncé par M. Magnitski à New York. En mars 2017, avant les audiences consacrées à ces plaintes, M. Gorokhov est tombé du balcon de son appartement (situé au quatrième étage) 
			(6) 
			Voir NBC
news, 7 juillet 2017, «Lawyer probing Russian corruption says his
balcony fall was “no accident”», <a href='https://www.nbcnews.com/news/world/lawyer-probing-russian-corruption-says-his-balcony-fall-was-no-n780416'>www.nbcnews.com/news/world/lawyer-probing-russian-corruption-says-his-balcony-fall-was-no-n780416</a> (interview de M. Gorokhov).. Il a miraculeusement survécu à sa chute, dont il ne se rappelle pas les détails. Mais il semblerait que des inconnus aient été vus à ses côtés sur le balcon et il avait reçu plusieurs menaces de mort précédemment.
18. En juillet et octobre 2017, les autorités russes ont déposé deux requêtes supplémentaires (les quatrième et cinquième) auprès d’Interpol pour la publication de notices rouges et de «diffusions» 
			(7) 
			Les «diffusions» visent
le même objectif que les notices (rouges ou autres) mais sont envoyées
directement par un pays membre ou un organisme international aux
pays de leur choix. Elles sont aussi consignées dans les bases de données
policières d’Interpol., demandant l’arrestation de M. Browder. Ces demandes ont finalement été rejetées car elles étaient motivées par des considérations politiques. Une sixième tentative russe de faire arrêter M. Browder a échoué récemment en Espagne, le 30 mai 2018. M. Browder a été brièvement détenu par la police espagnole sur la base d’une demande bilatérale émanant de la Russie – l’ironie de la situation est qu’il se trouvait en Espagne pour témoigner devant des procureurs espagnols de haut rang sur le blanchiment, dans ce pays, d’une partie des produits du crime dénoncé par M. Magnitski – mais a été libéré rapidement après que les autorités espagnoles eurent été informées des motivations politiques sous-tendant la demande russe 
			(8) 
			Voir par
exemple The Guardian, 30 mai
2018, «Putin critic Bill Browder released after arrest in Spain», <a href='https://www.theguardian.com/world/2018/may/30/putin-critic-bill-browder-arrested-in-spain'>www.theguardian.com/world/2018/may/30/putin-critic-bill-browder-arrested-in-spain</a>..
19. Enfin, en décembre 2017, M. Browder et son collègue, M. Cherkasov, ont été déclarés coupables par contumace et condamnés à de longues peines d’emprisonnement par le tribunal du district de Tverskoï de Moscou pour évasion fiscale et faillite frauduleuse. Dans le cadre de poursuites pénales toujours en cours en octobre 2018, il est allégué que M. Magnitski et M. Browder étaient eux-mêmes les auteurs de la fraude de $US 230 millions qu’ils avaient dénoncée, tandis que les véritables auteurs, le «groupe Klyuev», et les fonctionnaires des impôts et de la police impliqués dans le crime et dans sa dissimulation sont exonérés de toute responsabilité 
			(9) 
			Doc. 13356, paragraphes 73-114. malgré leur richesse inexpliquée (propriétés de luxe et autres biens en Russie, à Dubaï, à Chypre et ailleurs, comme l’indique le rapport de 2014 de l’Assemblée 
			(10) 
			Ibid., notamment paragraphe 100. ). Par contre, les poursuites contre l’avocat mandaté par Hermitage, M. Khareitdinov, continuent malgré l’appel spécifique en sens contraire lancé par l’Assemblée dans sa Résolution 1966 (2014) 
			(11) 
			Résolution 1966 (2014), paragraphe 14.5. Le dernier refus de la Commission
d’enquête russe de clore les poursuites contre M. Khairetdinov (affaire
no 360138) date de février 2018. . M. Khareitdinov est poursuivi pour avoir utilisé un «faux mandat» car il a agi pour le compte des véritables propriétaires des sociétés d’Hermitage même après leur appropriation frauduleuse par le «groupe Klyuev».
20. Pour compléter ce tableau décrivant une dissimulation officielle systématique de la vérité et un harcèlement permanent des victimes, j’évoquerai brièvement la campagne de désinformation inhabituelle qui a visé à discréditer le rapport de 2014 de l’Assemblée sur l’affaire Magnitski. Un «documentaire d’enquête» de format long métrage présenté au printemps 2016 par le cinéaste russe connu Andreï Nekrasov affirmait présenter la «vérité» (c’est-à-dire la ligne russe officielle) sur l’affaire Magnitski. Le film devait être diffusé notamment sur des chaînes de la télévision publique française et allemande. Le cinéaste a utilisé des méthodes extrêmement déloyales pour essayer de faire croire que le rapporteur de l’Assemblée et ses collègues parlementaires qui avaient soutenu le rapport durant les débats à l’Assemblée étaient mal informés et incompétents, accusant même l’une d’entre eux (Mme Marieluise Beck, Allemagne/Les Verts) d’être un agent de la CIA. Grâce aux interventions en temps utile de plusieurs membres et anciens membres de notre commission, notamment du vice-président de l’époque, M. Fabritius, et de M. Gross lui-même, la diffusion de ce cas flagrant de «fausses informations» a été empêchée à la dernière minute et un entretien trompeur accordé par M. Nekrasov au journal Frankfurter Allgemeine Zeitung a été rectifié.

2.2. La piste de l’argent: enquête sur les produits du crime dénoncé par Sergueï Magnitski

21. William Browder et son équipe ont persévéré sans relâche pour suivre le cheminement de l’argent volé par les auteurs du crime dénoncé par Sergueï Magnitski, transmettant les informations pertinentes obtenues auprès de lanceurs d’alerte comme M. Alexander Perepilichny (décédé dans des circonstances suspectes au Royaume-Uni en novembre 2012 
			(12) 
			Doc. 13356, paragraphes 105-108; voir aussi The
Atlantic, janvier/février 2017, «An Enemy of the Kremlin
dies in London», <a href='https://www.theatlantic.com/magazine/archive/2017/01/the-poison-flower/508736/'>www.theatlantic.com/magazine/archive/2017/01/the-poison-flower/508736/</a>, avec des informations plus récentes sur cette affaire.
Une enquête sur la mort soudaine de M. Perepilichny a finalement
été ouverte au Royaume-Uni en mai 2018 – peut-être en réponse à
l’affaire d’empoisonnement à Salisbury.) aux services répressifs des pays concernés (12 jusqu’à présent: Chypre, l’Espagne, les États-Unis, la France, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, la République de Moldova, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suisse). J’ai rencontré M. Browder et son équipe dans leurs bureaux de Londres, aux côtés de notre rapporteur sur les «lessiveuses» russe et azerbaïdjanaise, M. Mart van de Ven (Pays-Bas, ADLE). L’expérience acquise par l’équipe de M. Browder pour remonter les circuits de l’argent de la fraude de $US 230 millions commise au détriment du Trésor public russe est extrêmement utile, y compris pour la lutte permanente du Conseil de l'Europe contre la corruption de grande ampleur et le blanchiment de capitaux en général. Je suis convaincu que M. van de Ven y fera référence dans son futur rapport, comme il convient, et qu’il en tirera les conclusions nécessaires. En ce qui concerne mon propre rapport, je me félicite que près de 20% des $US 230 millions aient déjà été récupérés jusqu’à présent, malgré les méthodes très sophistiquées de blanchiment d’argent et la réticence de plusieurs pays à enquêter sur ces affaires (selon M. Browder, les pays réticents incluent Chypre mais aussi, ce qui est peut-être plus surprenant, la Lettonie et pendant quelque temps le Royaume-Uni). L’un des membres de l’équipe de M. Browder, se référant à des informations internes, pense que les $US 230 millions ont été blanchis à travers un «circuit» bien en place contrôlé par un service spécial (le «service K») du FSB. À son avis, l’accès à ce «circuit» est accordé occasionnellement à des membres du crime organisé, mais il sert surtout à des fins «officielles», comme les activités de financement visant à influer sur la situation politique dans certains pays, au-delà des «récompenses» attribuées à certains fonctionnaires corrompus. Compte tenu du système d’alerte en vigueur dans la Fédération de Russie au sujet des sorties de capitaux, le blanchiment des produits du crime divulgué par Sergueï Magnitski doit obligatoirement avoir été «autorisé» par de hauts responsables. Bien que je n’aie pas vu d’éléments suffisants pour endosser cette thèse, cela expliquerait en grande partie pourquoi les autorités russes refusent d’apporter une assistance – y compris en réponse aux demandes officielles d’entraide judiciaire émanant d’organes répressifs d’autres pays – à ceux qui tentent de récupérer les fonds incontestablement volés au Trésor public russe. Comme M. Gross l’avait soupçonné, Sergueï Magnitski pourrait avoir perdu la vie parce qu’en lançant l’alerte sur la fraude au remboursement d’impôt de $US 230 millions, il avait buté sur le sommet d’un iceberg constitué de ce que M. van de Ven nomme «blanchiment à l’envers» ou «noircissement de capitaux» – c’est-à-dire le fait de détourner des ressources budgétaires légales (soumises à un certain niveau de contrôle budgétaire) pour les injecter dans un «budget parallèle» colossal utilisé pour toutes sortes de fins opaques.
22. Parmi les événements les plus notables dans ce contexte après janvier 2015, on peut citer l’ouverture d’enquêtes par les autorités françaises (mai 2015) pour blanchiment d’argent en relation avec la fraude de $US 230 millions et l’incursion, en novembre 2015, dans le bureau des avocats chypriotes d’Hermitage, à la demande de la Russie et sur la base des poursuites pénales engagées contre M. Browder. Par contre, en juin 2016, les autorités chypriotes ont refusé de donner suite à des indications d’Hermitage dénonçant une fraude contre deux entreprises chypriotes appartenant à Hermitage et des activités de blanchiment d’argent à Chypre menées par l’intermédiaire de comptes contrôlés par M. Klyuev 
			(13) 
			M. Klyuev
est l’un des principaux suspects du crime dénoncé par Sergueï Magnitski,
voir Doc. 13356, paragraphes 89-92. . Entre-temps, M. Browder a engagé des poursuites judiciaires à Chypre pour empêcher le bureau du procureur général chypriote de coopérer avec celui du procureur général russe, en raison du mobile politique présumé de la procédure. J’ai récemment été informé par l’avocat agissant pour M. Browder à Chypre, M. Christos Pourgourides 
			(14) 
			Ancien membre de la
commission des questions juridiques et des droits de l’homme (2002-2011)
et son président entre janvier 2010 et novembre 2011., que le tribunal de Nicosie, le 3 août 2018, a refusé l’injonction intérimaire requise par M. Pourgourides, en arguant que des dommages et intérêts postérieurs peuvent constituer un moyen de recours suffisant. Sur la substance, le juge a statué comme suit:
«(…) J’estime que les requérants ont satisfait à la deuxième demande de la section 32 de la Loi sur les Cours de Justice, donc ils ont une perspective raisonnable de succès, comme ils ont soumis des preuves qui montrent qu’ils ont une cause défendable par rapport à la violation de leurs droits sauvegardés par la Constitution, et non seulement ceci. Toutes les allégations et arguments soulevés par la partie défenderesse à mon avis n’affaiblissent pas la puissance des preuves apportées en soutien de la cause des requérants, à tel point que je suis en mesure de statuer que ces allégations et arguments n’ont pas une chance de succès raisonnable au procès sur le fond.»

Il convient de noter qu’en 2017 le Royaume-Uni a refusé des demandes d’entraide judiciaire similaires émanant de la Russie, précisément du fait du mobile politique présumé.

23. Enfin, Hermitage a transmis de nouvelles informations sur le blanchiment des $US 230 millions aux services répressifs de la Lettonie (décembre 2016), du Royaume-Uni (mai 2017), des Pays-Bas (dont les autorités ont gelé les avoirs d’une entreprise appartenant au fils d’un haut responsable gouvernemental russe, M. Katsyv, en mai 2017) et de l’Espagne (mars 2018) 
			(15) 
			L’ironie de la situation
est que M. Browder se trouvait à Madrid pour témoigner sur cette
question devant un procureur de haut rang lorsqu’il a été arrêté
brièvement par la police espagnole (voir plus haut paragraphe 18). . En février 2018, cette entreprise appartenant à M. Katsyv s’est vu ordonner de verser au Trésor américain plus de $US 6 millions dans le cadre d’un «règlement» 
			(16) 
			Voir Doc. 14618, rapport sur «Accords négociés dans le cadre de procédures
pénales: le besoin de normes minimales pour les systèmes de renonciation
au procès» (rapporteur: M. Boriss Cilevičs, Lettonie, SOC), et Recommandation 2142 (2018) et Résolution
2245 (2018). dans l’affaire de blanchiment d’argent États-Unis c. Prevezon, qui est en rapport avec la fraude de $US 230 millions. Les enquêtes pour blanchiment d’argent liées aux produits du crime dénoncé par M. Magnitski se poursuivent en France, aux Pays-Bas et en Suisse (où, en janvier 2018, un tribunal a confirmé la révocation d’un policier suisse accusé d’avoir coopéré de manière inappropriée avec des fonctionnaires russes et des particuliers en relation avec les produits du blanchiment d’une partie des $US 230 millions).

3. «Lois Magnitski» adoptées jusqu’à présent: défis et succès

24. Comme indiqué plus haut, quatre États membres du Conseil de l'Europe (par ordre chronologique, l’Estonie, la Lituanie, la Lettonie et le Royaume-Uni) et deux États ayant le statut d’observateur auprès de l’Organisation (États-Unis) ou de l’Assemblée parlementaire (Canada) ont jusqu’à présent adopté des «lois Magnitski» 
			(17) 
			Voir
le tableau en annexe qui résume les principales caractéristiques
de ces lois.. En 2012, aux États-Unis, la «loi Magnitski» habilitait le gouvernement à imposer des sanctions ciblées (gel des avoirs et interdiction de visa) aux responsables d'un crime contre un individu, Sergueï Magnitski. Le champ d’application de ce texte a été élargi en 2016 par la «loi Magnitski mondiale», qui permet d'imposer des sanctions ciblées à tout auteur de grave violation des droits de l'homme jouissant de l’impunité pour des motifs politiques ou en raison de pratiques de corruption, partout dans le monde. Comme l’a expliqué la sénatrice canadienne Raynell Andreychuk pendant la réunion à Reykjavik, la loi canadienne, adoptée à son initiative par des votes unanimes dans les deux Chambres du parlement, suit également l’approche «mondiale», plus large.
25. La sénatrice Raynell Andreychuk et ses collègues des pays baltes, qui –  à cette même réunion à Reykjavik – ont partagé les expériences de leur parlement pour parvenir à l’adoption de «lois Magnitski», ont convenu que l’adoption de ces textes dans leur pays avait été nettement facilitée par l’approche «mondiale»: en ne montrant pas du doigt un pays en particulier, ou les auteurs présumés de violations des droits de l’homme d’un pays, les promoteurs de ces instruments ont réussi à désamorcer les accusations de «deux poids, deux mesures» ou de motivations géopolitiques inappropriées. Détail intéressant, le premier groupe de personnes inscrites sur la liste après l’adoption de la loi canadienne inclut des militaires de haut rang du Venezuela et du Soudan du Sud soupçonnés d’actes illégaux. La référence à Sergueï Magnitski dans ces lois n’est qu’un hommage bien mérité au courageux avocat russe qui est mort pour faire éclater la vérité. Je tiens à souligner que je suis également favorable au champ d’application mondial des instruments adoptés plus récemment. Cette position est, à n’en pas douter, pleinement conforme à la raison d’être du Conseil de l'Europe.
26. Un autre défi à relever pour faciliter l’adoption d’instruments de type Magnitski est la crainte que les régimes de sanctions tendent souvent à nuire aux mauvaises personnes. Cela peut effectivement être vrai pour les sanctions générales, par exemple les embargos commerciaux. Ces dernières ont souvent des conséquences néfastes sur les populations vulnérables des pays concernés, généralement sans affecter leurs dirigeants. Les personnes au pouvoir, dont les actes ont entraîné la prise de sanctions et qui sont à même d’en supprimer les causes, ont également les moyens de parer aux conséquences des sanctions qui peuvent les toucher.
27. À l’inverse, les sanctions ciblées (ou «intelligentes») ne font pas peser des difficultés économiques sur la population mais mettent l'accent sur la responsabilité individuelle des personnes directement responsables des actes visés. Ce qui a convaincu de nombreux esprits sceptiques à l’égard des sanctions au Canada et ailleurs est l’argument de Mme Raynell Andreychuk selon lequel autoriser ces individus à venir dans nos pays, les autoriser à utiliser nos institutions, en particulier nos banques, revient en fait à se rendre «complice» de leurs agissements répréhensibles ou à les aider à jouir des produits de leur crime. Naturellement, nous ne souhaitons pas y être associés, encore moins en tirer un bénéfice financier, par exemple en prélevant des frais bancaires ou en vendant des produits de luxe à ces personnes. Pour reprendre les termes de la Première ministre britannique Theresa May 
			(18) 
			Discours du 14 mars
2018 devant la Chambre des Communes (en anglais)<a href='https://blogs.spectator.co.uk/2018/03/theresa-mays-russia-response-full-text/'>:
https://blogs.spectator.co.uk/2018/03/theresa-mays-russia-response-full-text/</a>., ces personnes «ne sont pas les bienvenues» dans nos pays.
28. Un autre enseignement important tiré des parlements qui ont réussi à adopter des «lois Magnitski» est que ces initiatives doivent être soutenues d’emblée par des représentants de tous les partis. Ce fut clairement le cas au Royaume-Uni, comme l’ont confirmé mes collègues parlementaires britanniques, qui ont joué un rôle essentiel pour surmonter la résistance initiale du gouvernement contre les «amendements Magnitski» apportés à la loi sur les sanctions, et que j’ai consultés à maintes reprises pour préparer le présent rapport. Ceux qui étaient à la tête de cette initiative au Parlement du Royaume-Uni étaient des membres expérimentés du Parti conservateur, du Parti travailliste, du Parti national écossais et du Parti libéral démocrate.
29. Le dernier défi à relever pour adopter et appliquer les «lois Magnitski» est la mise en place de garanties appropriées pour éviter d’établir des listes erronées. Cette question fait l’objet du chapitre qui suit.

4. Garanties nécessaires au regard de la Résolution 1597 (2008)

30. L’appel à des sanctions ciblées contre les auteurs de violations des droits de l’homme qui bénéficient de l’impunité dans leur pays vise à promouvoir le respect des droits de l’homme et ne doit pas déboucher sur de nouvelles violations. Les sanctions «intelligentes», comme les restrictions de déplacement et le gel des avoirs, ont clairement un impact direct sur les droits individuels tels que la liberté de mouvement et la protection de la propriété. Bien que la nature de ces sanctions – pénale, administrative ou civile – demeure sujette à débat, leur application doit respecter certaines normes minimales de protection procédurale et de sécurité juridique. Le respect de normes élevées de procédure et de fond est indispensable à la crédibilité et à l’efficacité des sanctions. En ce qui concerne l’Assemblée, la Résolution 1597 (2008) sur les listes noires du Conseil de sécurité des Nations Unies et de l’Union européenne a énoncé des normes appropriées fondées sur la Convention européenne des droits de l'homme (ETS no 5, «la Convention»). L’Assemblée doit aujourd’hui exiger les mêmes normes et garanties pour les «lois Magnitski» qui ciblent des catégories d’auteurs de violations des droits de l’homme autres que les terroristes et leurs partisans.
31. Les normes proposées figurent au paragraphe 11.2 du projet de résolution et ses sous-paragraphes. Sur le fondement de l’article 6 de la Convention, il est exigé d’abord et avant tout que les personnes visées soient informées de l’imposition de sanctions, notamment de leur nature, et des raisons pour lesquelles elles sont imposées. Les personnes visées doivent avoir la possibilité de répondre aux accusations sous-tendant les sanctions. Cela peut se faire dans le cadre d’une procédure écrite, dans un délai raisonnable, pour les deux parties.
32. La deuxième exigence est que l’instance décidant d’imposer des sanctions doit être indépendante de l’organisme qui rassemble et évalue les informations et qui propose d’inscrire une personne sur la liste de sanctions – cela découle du principe fondamental de l’équité de la procédure, selon lequel celui qui enquête et accuse («le procureur») ne doit pas être celui qui décide («le juge»).
33. Enfin, mais ce point est tout aussi important, la possibilité doit être offerte à la personne ciblée de contester la décision initiale d’imposer des sanctions devant une instance d’appel dotée d’une indépendance suffisante et d’un pouvoir de décision, y compris celui de retirer l’intéressé de la liste et de lui accorder une indemnisation adéquate si les sanctions étaient une erreur.
34. La répartition des compétences et l’organisation pratique de la procédure relèvent de chaque pays, qui tiendra compte de ses propres modalités institutionnelles et de ses possibilités opérationnelles. La qualité du processus de décision peut être nettement améliorée par la coopération internationale, en particulier par le partage des informations concernant les personnes visées éventuelles et de la réponse de ces dernières aux allégations factuelles qui motivent l’imposition de sanctions.
35. Dans ce contexte, il convient de noter que des informations impartiales et fiables sur l’identité des personnes jugées responsables de graves violations des droits de l’homme et bénéficiant de l’impunité dans leur pays peuvent également être obtenues auprès des organisations non gouvernementales. J’ai attiré l’attention sur l’excellent travail du Centre de documentation Natalia Estemirova (NEDC) 
			(19) 
			Voir, par exemple, <a href='https://humanrightshouse.org/articles/oslo-the-natalia-estemirova-documentation-centre-established/'>https://humanrightshouse.org/articles/oslo-the-natalia-estemirova-documentation-centre-established/</a>., basé à Oslo (Norvège), qui rassemble des informations sur de graves violations des droits de l’homme, des témoignages de témoins, des pièces justificatives et des informations sur les enquêtes menées (ou non) par les services répressifs compétents. Le Centre, qui réunit des chercheurs de neuf grandes organisations de défense des droits de l’homme (notamment le Comité Helsinki de Norvège, le Centre des droits de l’homme «Memorial», Human Rights Watch et la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH)), a développé et gère une base de données, dans laquelle il est possible de faire des recherches, sur les violations des droits de l’homme qui n’ont pas donné lieu à des enquêtes satisfaisantes par les autorités compétentes. Sa création peut d'ailleurs être considérée comme une réponse positive de la société civile à l’appel lancé par l’Assemblée au Comité des Ministres dans la Recommandation 1922 (2010) sur les recours juridiques en cas de violations des droits de l’homme dans la région du Caucase du Nord 
			(20) 
			Doc. 12276., à savoir «examiner la création, au sein du Conseil de l’Europe et avec la collaboration d’organisations non gouvernementales travaillant dans ce domaine, d’un système d’archivage des témoignages, des documents et des preuves des violations des droits de l’homme commises dans la région».

5. Conclusions

36. L’objet du présent rapport est d’encourager les parlements nationaux à envisager d’adopter des «lois Magnitski» prévoyant des sanctions ciblées contre des personnes jugées personnellement responsables de graves violations des droits de l’homme et bénéficiant d’une impunité dans leur pays pour des motifs politiques ou en raison de pratiques de corruption. L’accent est placé sur «encourager» – chaque parlement décidera lui-même du moyen le plus approprié de combattre l’impunité. À mes yeux, les «lois Magnitski mondiales», qui évitent de montrer du doigt tel ou tel pays tout en rendant hommage au courageux avocat qui est mort pour défendre la vérité sont d’excellents outils dans la lutte contre l’impunité. Leur simple existence devrait aussi avoir un effet dissuasif sur les auteurs potentiels de graves violations des droits de l’homme qui se sentent protégés contre tout risque d’avoir à rendre des comptes dans leur pays mais qui veulent bénéficier des fruits de leurs agissements à l’étranger.
37. Le présent rapport repose sur l’idée que les «sanctions ciblées», infligées à des personnes précises pour les amener à rendre compte de leurs actes, sont préférables aux sanctions économiques générales ou à d’autres types de sanctions qui visent un pays dans son ensemble. Comme je l’ai expliqué plus haut, les sanctions ciblées évitent de faire peser les difficultés économiques sur la population et seules les personnes directement responsables des actes visés doivent rendre des comptes.
38. Il est vrai que les graves violations des droits de l'homme telles que celles pour lesquelles nous préconisons la prise de sanctions ciblées sont, dans la plupart des pays, également constitutives d’infractions pénales. Il appartient normalement aux services répressifs nationaux d’amener les auteurs d’infractions pénales à rendre des comptes 
			(21) 
			La Cour
pénale internationale (CPI) peut, à titre exceptionnel et dans des
conditions restreintes, également amener des individus auteurs de
crimes contre l’humanité, comme le génocide ou les crimes de guerre
particulièrement graves, à rendre compte de leurs actes, dans les
limites de sa compétence géographique.. Mais il est devenu parfaitement clair avec l’affaire Magnitski, une affaire particulièrement bien documentée par cette Assemblée 
			(22) 
			Doc. 13356., que les auteurs de graves violations des droits de l’homme ne sont pas tous amenés à rendre des comptes par les autorités compétentes de leur pays. Beaucoup échappent à toute responsabilité pénale, soit parce que les autorités concernées sont incompétentes et débordées, soit parce qu’ils sont protégés par de hauts responsables contre l’engagement de poursuites pénales, pour des motifs politiques ou en raison de pratiques de corruption.
39. En pareil cas, des sanctions ciblées bien appliquées, assorties des garanties appropriées susmentionnées, peuvent être très efficaces: elles permettent de faire subir directement aux personnes responsables de graves violations des droits de l'homme les effets négatifs de leurs actions, comme l'impossibilité d'obtenir un visa pour se rendre dans les pays étrangers prisés, ou le gel de leurs avoirs financiers à l'étranger, qui sont bien souvent le fruit des violations mêmes pour lesquelles elles encourent ces sanctions. Il ne faut toutefois pas confondre ces sanctions avec les peines infligées en matière pénale, qui soulèveraient des questions de compétence et exigeraient l’application de procédures plus élaborées. Je reconnais que les sanctions ciblées sont essentiellement des mesures symboliques, destinées à faire clairement comprendre aux personnes concernées que la communauté internationale réprouve fortement leurs actes. Pour reprendre les termes de la Première ministre britannique Theresa May, ces personnes «ne sont pas les bienvenues» 
			(23) 
			Voir plus haut paragraphe
27.; ou, comme la sénatrice canadienne Raynell Andreychuk nous l’a expliqué à Reykjavik, nous ne voulons pas nous rendre «complices» de leurs agissements répréhensibles en leur permettant d’utiliser les institutions de nos pays et en les aidant à jouir de leur gains mal acquis. La colère manifestée jusqu’à présent par les personnes visées par ces sanctions et par leurs protecteurs haut placés démontre qu’ils ont bien compris le message.
40. Pour finir, j’aimerais faire deux observations: tout d’abord, ce rapport et ses recommandations sont totalement cohérents avec les buts et les idéaux du Conseil de l'Europe, institution primordiale en matière de droits de l’homme en Europe, à savoir la protection des droits de l’homme; ensuite, pour mettre efficacement en œuvre ces recommandations, les parlementaires devraient informer l’Assemblée des propositions dont ils sont à l’origine et de tout progrès réalisé par la suite; l’Assemblée leur prodiguera des conseils et leur donnera des contacts utiles.

Annexe – Tableau synoptique des «lois Magnitski» en vigueur (pays, dates, intitulés et principales caractéristiques)

(open)

Pays

Date

Intitulé

Principales caractéristiques

États-Unis

14.2.2012

Loi Sergueï Magnitski sur la transparence de l’État de droit

  • Gels des avoirs et interdictions de visa
  • S’applique uniquement aux auteurs de violations des droits de l’homme originaires de Russie (affaire Magnitski, mais aussi homicides, disparitions et tortures notoires dans le Caucase du Nord par exemple)
  • Désigne nommément et publiquement les individus sanctionnés
  • La personne est retirée de la liste si elle y a été inscrite par erreur, si elle témoigne de façon crédible d’un changement significatif de comportement ou si elle a fait l’objet de poursuites appropriées
  • Désignation des personnes visées par le président, rapport aux commissions concernées du Congrès

Estonie

8.12.2016

Amendements à la loi modifiant la loi relative à l’obligation de quitter le territoire et à l’interdiction d’y entrer, 262 SE

  • Ajoutent à la «loi relative à l’obligation de quitter le territoire et à l’interdiction d’y entrer», en vigueur, une disposition énonçant une interdiction contre des étrangers lorsqu’il existe une bonne raison de penser qu’ils ont participé ou contribué à une violation des droits de l’homme à l’étranger ayant entraîné la mort ou une blessure grave, ou à une autre infraction pénale pour des motifs politiques

États-Unis

23.12.2016

Loi Magnitski mondiale sur la responsabilité en matière de droits de l’homme

  • Gels des avoirs et interdictions de visa
  • S’applique aux auteurs de violations des droits de l’homme partout dans le monde et aux responsables de pratiques de corruption à grande échelle
  • Désigne nommément et publiquement les individus sanctionnés
  • Désignation des personnes visées par le président, qui rend compte dans le détail et à intervalles réguliers aux commissions concernées du Congrès; identification des personnes sanctionnables par le secrétaire d’État, qui examine les informations fournies par les services gouvernementaux compétents
  • Prévoit de tenir compte des informations crédibles obtenues par les autres pays et par les organisations non gouvernementales qui suivent les violations des droits de l’homme
  • La personne est retirée de la liste si elle y a été inscrite par erreur, si elle témoigne de façon crédible d’un changement significatif de comportement, si elle a fait l’objet de poursuites appropriées ou si la levée des sanctions est un intérêt vital pour la sécurité nationale des États-Unis

Royaume-Uni

21.2.2017

«Amendements Magnitski» à la loi de 2017 sur les financements criminels

  • Permet la confiscation (recouvrement civil) d’avoirs illégaux détenus par des auteurs de violations des droits de l’homme
  • Définit la «violation flagrante des droits de l'homme» comme un traitement ou châtiment cruel, inhumain ou dégradant infligé par un fonctionnaire, par un individu agissant dans le cadre de fonctions officielles ou par un tiers agissant à l’instigation ou avec le consentement de l’un ou de l’autre à une personne qui a tenté de divulguer une activité illégale menée par un fonctionnaire ou un individu agissant dans le cadre de fonctions officielles, ou de défendre ou de promouvoir les droits de l’homme et les libertés fondamentales
  • S’applique rétroactivement à tout acte commis, ou à tout bien obtenu, avant l’entrée en vigueur de la loi, dans une limite de 20 ans

Canada

19.10.2017

Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitsky)

  • Gels des avoirs et interdictions de visa
  • S’applique aux auteurs de violations des droits de l’homme partout dans le monde
  • Vise les responsables ou complices de meurtres extrajudiciaires, de torture ou d’autres violations graves de droits de la personne reconnus à l’échelle internationale contre des personnes dans un État étranger qui tentent de dénoncer des activités illégales commises par des agents publics ou d’obtenir, d’exercer, de défendre ou de promouvoir des droits de la personne et des libertés reconnus à l’échelle internationale
  • Interdit aux Canadiens et aux institutions canadiennes d’effectuer toute opération avec les personnes visées; impose à ceux-ci une obligation de vérification et de communication; prévoit des sanctions pénales en cas de violation des sanctions
  • Désigne nommément et publiquement les individus sanctionnés
  • Accorde expressément aux personnes visées le droit de demander au ministre des Affaires étrangères d’être retiré de la liste; le ministre est tenu de répondre dans les 90 jours
  • Les comités spécialement désignés du Sénat et de la Chambre des Communes peuvent procéder à un examen portant sur les personnes sanctionnées et formuler des recommandations appropriées

Lituanie

16.11.2017

«Amendements Magnitski» à l’article 133 de la loi sur le statut juridique des étrangers

  • Interdictions de visa pour les personnes impliquées dans la corruption de grande ampleur, le blanchiment d’argent ou des violations des droits de l’homme, sans aucune limite géographique
  • Le ministre des Affaires étrangères identifie les personnes visées et le ministre de l’Intérieur met la mesure en œuvre
  • Désigne nommément et publiquement les individus sanctionnés (jusqu’à présent 49 ressortissants russes)
  • Adoption à l’unanimité, en présence de tous les parlementaires

Lettonie

8.2.2018

Résolution parlementaire «sur la proposition d’introduire des sanctions contre les fonctionnaires liés à l’affaire Sergueï Magnitski»

  • Invite le gouvernement à interdire l’entrée de 49 Russes impliqués dans la mort de Sergueï Magnitski ou ayant tiré profit de la fraude de $US 230 millions découverte par Sergueï Magnitski ou jugés responsables d’atrocités commises dans le Caucase du Nord; mise en œuvre par le ministre des Affaires étrangères le 22 février 2018
  • Référence expresse aux résolutions de l’Assemblée parlementaire et du Parlement européen exhortant les États membres à imposer des sanctions ciblées aux individus liés à l’affaire Sergueï Magnitski

Royaume-Uni

1.5.2018

(Chambre des Communes)

21.5.2018

(Chambre des Lords)

«Amendements Magnitski» à la loi de 2018 sur les sanctions et la lutte contre le blanchiment d’argent

  • Élargit le champ d’application des sanctions par rapport à la loi de 2017, notamment grâce à des interdictions de visa
  • Reprend la définition de «violation flagrante des droits de l’homme» énoncée dans la loi de 2017
  • Accorde au Gouvernement du Royaume-Uni des prérogatives propres en matière de sanctions après le Brexit
  • Énonce des règles détaillées concernant la mise en œuvre et les rapports (mise en œuvre par les ministères de l'Intérieur et des Affaires étrangères, rapports réguliers au parlement)
  • Prévoit les procédures d’examen administratif et de contrôle juridictionnel des sanctions, y compris un réexamen périodique des sanctions existantes par l’administration elle-même