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Résolution 2243 (2018)
Regroupement familial des réfugiés et des migrants dans les États membres du Conseil de l’Europe
1. L’Assemblée parlementaire est vivement
préoccupée par la multiplication des déclarations et initiatives politiques
contre les étrangers, une situation qui constitue une réelle menace
pour la protection des réfugiés et en particulier de leur vie familiale.
Il ne faut pas déchirer les familles et les empêcher de se réunir
à l’issue d’une fuite souvent périlleuse et éprouvante de leur pays
d’origine, où leurs droits fondamentaux à la sûreté et à la sécurité
ont été menacés.
2. Rappelant que les États membres sont tenus de protéger le
droit à la vie familiale en vertu de l’article 8 de la Convention
européenne des droits de l'homme (STE no 5),
l’Assemblée souligne que ce droit s’applique à chacun, y compris
aux réfugiés et aux migrants. Les États membres devraient prévoir
des moyens sûrs et réguliers pour que les familles puissent se regrouper,
afin de réduire le recours à des trafiquants et d’amoindrir les
risques inhérents à la migration irrégulière.
3. L’Assemblée fait observer qu’il n’existe aucune définition
générale de la famille concernant le regroupement familial. Les États
membres ont certes une grande marge d’appréciation en matière de
morale et de religion, mais les droits familiaux impliquent un plus
haut niveau de protection en vertu de la Convention européenne des
droits de l'homme. Par conséquent, les autorités nationales devraient
adopter une approche conciliante en vue du regroupement familial,
en allant au-delà de la définition traditionnelle de la famille,
une définition qui ne rend pas nécessairement compte des multiples
manières dont les personnes cohabitent aujourd’hui en tant que famille.
4. Les enfants ne sauraient être l’objet d’une discrimination
parce que leurs parents ne sont pas mariés, sont divorcés ou remariés,
parce qu’ils vivent dans des familles «arc-en-ciel», ont été adoptés
par une autre personne ou élevés par leurs grands-parents ou leur
fratrie. Les autorités nationales devraient accorder une attention
particulière aux personnes vulnérables, comme les jeunes enfants
et les membres de la famille qui ont des besoins physiques ou mentaux
particuliers, et qui ont ainsi un plus grand besoin du regroupement familial.
Les réfugiés doivent également avoir la possibilité de démontrer
leurs liens familiaux tissés en exil ou pendant leur fuite.
5. Les personnes fuyant la persécution ou la guerre ont droit
à une protection internationale et les membres de leur famille dont
ils ont été séparés ont droit à la même protection, en vertu de
la Convention de 1951 des Nations Unies relative au statut des réfugiés.
Les États devraient donc accorder avec cohérence l’octroi du statut
de réfugié aux membres d’une même famille et ainsi garantir la protection
de la vie familiale, conformément aux dispositions de l’article
8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Les bénéficiaires
de la protection internationale devraient avoir accès à des informations
sur les procédures de regroupement familial, aux formulaires de
demande et à l’assistance juridique dans une langue qu’ils comprennent.
Les États membres devraient envisager de créer un fonds renouvelable
au moyen d’accords bilatéraux ou de régimes nationaux ou européens,
afin de prendre en charge les frais de regroupement familial des
bénéficiaires d’une protection internationale qui n’ont pas les
moyens de les prendre eux-mêmes en charge.
6. L’Assemblée note avec préoccupation que le droit national
refuse souvent la délivrance de visa aux membres de la famille de
personnes qui n’ont pas obtenu le statut de réfugié mais qui bénéficient
d’une protection subsidiaire ou temporaire pour des raisons humanitaires.
Les impératifs de protection de la vie familiale et de l’intérêt
supérieur de l’enfant, en vertu de l’article 10 de la Convention
des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, impliquent cependant
que de telles personnes puissent préserver l’unité de leur famille ou
rejoindre leurs proches. Un tel statut de protection subsidiaire
ou temporaire ne saurait être envisagé comme un «statut alternatif
de réfugié», avec moins de droits. Les États ne devraient donc pas
privilégier la protection subsidiaire ou temporaire par rapport
au statut de réfugié afin de limiter notamment le regroupement familial
en raison de la nature temporaire et personnelle de ce statut subsidiaire.
7. S’agissant des migrants, l’Assemblée souligne que la protection
de leur vie familiale et de l’intérêt supérieur de l’enfant implique
que les exigences de visa pour les membres de la famille des migrants
ne doivent pas constituer un obstacle empêchant de fait de préserver
l’unité familiale. L’Assemblée déplore notamment les exigences financières
ou les longs délais d’attente imposés par certains États membres
aux migrants qui souhaitent demander des visas pour les membres
de leur famille. Pour les États membres de l’Union européenne, la
législation de l’Union européenne sur la liberté de circulation
des personnes, y compris les membres de leur famille, doit également
être respectée.
8. Selon l’article 10.2 de la Convention relative aux droits
de l’enfant, un enfant dont les parents résident dans des États
différents a le droit d’entretenir des relations personnelles et
des contacts directs réguliers avec ses deux parents. L’Assemblée
déplore que ce droit ne soit souvent pas respecté à l’égard des
réfugiés et des migrants. Les autorités nationales doivent dûment
protéger ce droit en veillant à identifier et à contacter les deux
parents d’un enfant, et en s’assurant que tous deux bénéficient
des mêmes droits au regroupement familial avec leurs enfants. Aucun
parent ne doit faire l’objet de discrimination et les lois étrangères discriminatoires
ne sauraient être appliquées par les États membres si elles accordent
davantage de droits à un parent, par exemple pour des motifs d’appartenance
sexuelle ou religieuse.
9. Concernant les mineurs qui demandent le statut de réfugié
à l’étranger, l’Assemblée appelle les autorités nationales à respecter
la Convention de La Haye sur les aspects civils de l’enlèvement
international d’enfants, car l’enlèvement peut également s’appliquer
aux mineurs victimes de la traite, qui sont introduits clandestinement
dans un pays ou qui sont accompagnés par un seul de leurs parents.
Comme cette convention concerne uniquement les enfants jusqu’à l’âge
de 16 ans, les autorités nationales devraient mettre en place une
procédure spécifique pour les réfugiés et les migrants qui n’ont
pas encore atteint cet âge. Il faut également veiller au respect
de cette convention quand des enfants non accompagnés sont confiés
à la tutelle d’autres personnes, afin de préserver la protection
de la vie familiale de tels enfants. Les procédures de divorce ne
devraient pas entraver le regroupement familial, car ce dernier
doit avant tout satisfaire à l’intérêt supérieur de l’enfant.
10. L’Assemblée rappelle que les enfants réfugiés et les mineurs
ont des droits en vertu de la Charte sociale européenne révisée
(STE no 163), y compris le droit au soutien
financier et autre des autorités du pays où ils résident. Dès lors,
le regroupement familial ne saurait dépendre de la situation financière
d’un parent migrant ou réfugié. À cet égard, l’Assemblée constate
avec préoccupation que des enfants restent parfois dans un autre
pays pour des raisons financières et que des allocations pour enfants
sont souvent versées sans tenir compte du domicile effectif des
enfants en vertu du droit de l’Union européenne et des lois nationales.
Selon la Charte sociale européenne, la responsabilité incombe aux
autorités nationales du pays de résidence de l’enfant.
11. L’Assemblée insiste aussi sur le fait que les enfants migrants
et réfugiés appartiennent aux groupes les plus vulnérables, surtout
s’ils sont non accompagnés et séparés de leur famille. Ils subissent
fréquemment des violations persistantes de leurs droits de l’homme
et passent à travers les mailles des dispositifs de protection de
l’enfance. Une mesure essentielle est la désignation d’une tutelle
effective.
12. Le regroupement familial est souvent compromis parce que les
membres des familles ne peuvent être localisés. Les autorités nationales
doivent donc veiller à ce que tous les réfugiés et migrants soient
enregistrés dès leur arrivée, et à ce que les données correspondantes
soient partagées avec les autorités compétentes d’autres États membres,
notamment par le biais du Système d’information sur les visas de
l’Espace Schengen de l’Union européenne. Cette démarche est cruciale
pour que les mineurs non accompagnés puissent retrouver leurs parents
et d’autres membres de leur famille. À défaut de telles données,
le regroupement familial devient une affaire de hasard, en violation
du droit à la protection de la vie familiale. Dans ce contexte, l’Assemblée
salue le travail que mène depuis longtemps le Comité international
de la Croix-Rouge (CICR) pour retrouver les proches dont les familles
ont perdu la trace, et encourage à intensifier la coopération entre
le CICR et les autorités nationales.
13. Le regroupement familial suppose également que les autorités
compétentes mettent en place des procédures administratives adéquates
et opérationnelles, y compris dans les services consulaires à l’étranger. Les
pays d’origine doivent délivrer ou redélivrer rapidement des documents
d’identification et les pays d’accueil doivent délivrer les documents
de voyage prévus par la Convention relative au statut des réfugiés
ou les visas pour migrants, afin de permettre aux porteurs de se
rendre chez les membres de leur famille et de préserver l’unité
familiale, y compris au-delà des frontières, conformément à l’Accord
européen relatif à la suppression des visas pour les réfugiés (STE
no 31) et, le cas échéant, à législation
de l’Union européenne. Il importe que les États membres admettent
les documents de voyage émis par le CICR à des fins de regroupement
familial.
14. L’Assemblée invite tous les États membres à élaborer et à
respecter des orientations communes pour la mise en œuvre du droit
au regroupement familial afin de veiller à ce que les réfugiés et
les migrants ne soient pas contraints d’aller vers les pays où les
familles peuvent plus facilement se regrouper. Les obstacles à la protection
de la vie familiale ne sont pas admissibles, selon l’article 8 de
la Convention européenne des droits de l’homme, pour dissuader des
migrants, des réfugiés et les membres de leur famille.