1. Introduction
1. La procédure de suivi de l’Assemblée
se fonde sur la
Résolution
1115 (1997) portant création de la commission pour le respect des
obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe (commission
de suivi), telle que modifiée par les
Résolutions 1431 (2005),
1710 (2010),
1936 (2013) et
2018 (2014). Cette résolution définit le mandat de la commission
de suivi et la charge de veiller «au respect des obligations contractées
par les États membres aux termes du Statut du Conseil de l’Europe
(STE no 1), de la Convention européenne
des droits de l’homme (STE no 5, «la
Convention») et de toutes les autres conventions de l’Organisation
auxquelles ils sont parties», ainsi qu’au «respect des engagements
pris par les autorités des États membres à l’occasion de leur adhésion
au Conseil de l’Europe».
2. Conformément à la
Résolution
1115 (1997), telle que modifiée, la commission de suivi est tenue
de rendre compte à l’Assemblée, une fois par an, du déroulement
général des procédures de suivi. Depuis 2016, les rapports relatifs
à l’évolution de la procédure de suivi de l’Assemblée sont examinés
lors des parties de session de janvier de cette dernière et couvrent
l’année civile précédente. En accord avec la pratique établie, la
commission m’a chargé, en ma qualité de président de faire rapport
sur ses activités.
3. Conformément à son mandat, la commission de suivi veille au
respect par tous les États membres des obligations découlant de
leur adhésion au Conseil de l’Europe et, s’il en est, des engagements
spécifiques qu’ils ont contractés. À ce jour, 10 pays font l’objet
d’une procédure de suivi
stricto sensu et
trois sont engagés dans un dialogue postsuivi avec l’Assemblée.
Depuis 2014, tous les pays (actuellement 34) ne faisant pas l’objet
d’une procédure de suivi
stricto sensu et
n’étant pas engagés dans un dialogue postsuivi sont soumis à un
examen périodique concernant le respect des obligations découlant
de leur adhésion au Conseil de l’Europe. Conformément aux méthodes
de travail adoptées par la commission de suivi
, deux pays, l’Islande et
l’Italie, qui faisaient l’objet depuis 2017 d’un examen périodique,
ont vu leur procédure menée à son terme et les rapports y afférents
sont inclus dans le rapport relatif à l’évolution de la procédure
de suivi de l’Assemblée. Les contraintes de personnel expliquent
que seuls ces deux pays aient été concernés au lieu des quatre initialement
prévus.
4. L’évolution de la procédure de suivi de l’Assemblée pour les
pays qui font l’objet d’une procédure de suivi stricto sensu ou sont engagés dans
un dialogue postsuivi sera traitée dans la prochaine partie du présent rapport.
Comme le veut l’usage, je me suis limité aux constatations des textes
pertinents adoptés par l’Assemblée et aux rapports, déclarations
et autres documents publics établis par les corapporteurs pour les pays
respectifs. De plus, j’ai fait référence, le cas échéant, aux rapports
des commissions ad hoc pour l’observation des élections dans les
pays en question.
5. Les rapports d’examen périodique pour l’Islande et l’Italie
figurent dans les parties 2 et 3 du présent rapport d’activité.
La pratique des examens périodiques des pays qui ne font pas l’objet
d’une procédure de suivi stricto sensu ou
ne sont pas engagés dans un dialogue postsuivi a été bien établie
au sein de la commission de suivi. Le processus et les rapports
d’examen périodique sont appréciés par les pays concernés ainsi
que par les membres de l’Assemblée et contribuent à contrer toute
allégation de double standard susceptible d’être formulée si certaines
catégories de pays membres ne faisaient pas l’objet d’un suivi au regard
des obligations découlant de leur adhésion au Conseil de l’Europe.
Le cadre combiné de la procédure de suivi stricto
sensu, du dialogue postsuivi et des rapports d’examen
périodique ainsi que la possibilité pour la commission de suivi
d’établir un rapport sur le fonctionnement des institutions démocratiques
de tout État membre du Conseil de l’Europe garantissent le suivi
global par l’Assemblée des obligations et des engagements souscrits
lors de l’adhésion de tous les États membres du Conseil de l’Europe.
En même temps, ces examens périodiques font peser une pression considérable
sur les ressources de la commission et sur le temps dont elle dispose,
y compris sur son secrétariat, ainsi que sur le travail du président
de la commission, qui est rapporteur de droit de ces rapports.
2. Aperçu des activités de la commission
2.1. Observations
générales
6. Dix pays
font l’objet
d’une procédure de suivi
stricto sensu et
trois autres
sont
engagés dans un dialogue postsuivi avec l’Assemblée.
7. Au cours de la période couverte par le présent rapport, la
commission a préparé un rapport sur le respect des obligations et
engagements de la Bosnie-Herzégovine
qui a été débattu par l’Assemblée.
8. Au cours de cette même période, la commission s’est réunie
neuf fois, quatre fois à Strasbourg durant la session plénière de
l’Assemblée, quatre fois à Paris et une fois à Tbilissi à l’invitation
du Parlement géorgien que je tiens à remercier pour son accueil
chaleureux. Dans le cadre de la réunion qu’elle a tenue à Tbilissi,
la commission a organisé un séminaire ouvert à la presse et au public
sur «le contrôle parlementaire et le rôle de l’opposition».
9. Au cours de cette période, les corapporteurs respectifs ont
effectué des visites d’information en Albanie, en Arménie, en Géorgie,
en République de Moldova, en Turquie, en Ukraine (deux fois) et
en Bulgarie. En outre, les corapporteurs pour l’Arménie, l’Azerbaïdjan,
la Bosnie-Herzégovine, la Géorgie, la Serbie, la Turquie, le Monténégro,
et «l’ex-République yougoslave de Macédoine» ont participé aux missions préélectorales
et/ou d’observation des élections ou de référendum dans ces pays.
10. À l’issue de leurs visites, les corapporteurs respectifs ont
produit des notes d’information sur l’Albanie, l’Arménie, la Géorgie,
la République de Moldova, la Turquie, l’Ukraine, la Bulgarie et
«l’ex-République yougoslave de Macédoine» qui ont été déclassifiées
par la commission. En outre, les rapporteurs et la commission ont
adopté un certain nombre de déclarations concernant les développements
en Albanie, en Arménie, en Géorgie, en République de Moldova, en
Turquie, en Ukraine, en Bulgarie et dans «l’ex-République yougoslave
de Macédoine».
11. La sous-commission sur les conflits entre les États membres
du Conseil de l’Europe, que la commission a créée le 23 janvier
2017, conformément à la décision qu’elle avait prise le 9 novembre
2016, s’est réunie le 16 janvier 2018 à Paris sur le processus de
règlement transnistrien avec une participation de haut niveau, ainsi que
le 25 janvier et le 11 octobre 2018 à Strasbourg. Lors de cette
dernière réunion, M. Egidijus Vareikis (Lituanie, PPE/DC) a été
élu président de la sous-commission, à la suite de la démission
de son prédécesseur, M. Cezar Florin Preda (Roumanie, PPE/DC). La
sous-commission a notamment décidé d’organiser, lors d’une prochaine
réunion, un séminaire sur «la contribution du Conseil de l’Europe
aux aspects droits de l’homme du processus de règlement du conflit
transnistrien» dans le cadre du suivi de sa réunion de janvier 2018,
et dans le même format.
12. L’excellente coopération avec la Commission européenne pour
la démocratie par le droit (Commission de Venise) s’est poursuivie
cette année. La commission a sollicité, le 31 janvier 2018, un avis
de la Commission de Venise sur les amendements constitutionnels
adoptés par le Parlement géorgien le 15 décembre 2017. Elle a également
demandé l’avis de la Commission de Venise le 21 septembre 2018 sur
les dispositions légales relatives au Conseil supérieur de la justice
et au Conseil supérieur des procureurs géorgiens. Le 4 mai 2018, elle
a demandé un avis sur les amendements à la loi électorale et les
lois subséquentes dites «lois d’harmonisation» adoptées en mars
et avril 2018 en Turquie. Le même jour, elle a également saisi la Commission
de Venise d’une demande d’avis sur les modifications apportées à
trois lois régissant le pouvoir judiciaire en Roumanie: l’une sur
le statut des juges et des procureurs, une autre sur l’organisation
judiciaire, et la dernière sur le Conseil Supérieur de la Magistrature.
Elle a par ailleurs demandé le 2 juillet 2018 un avis sur les récents
changements intervenus dans le Code pénal et le Code de procédure
pénale roumains. Je tiens à exprimer une nouvelle fois ma profonde
gratitude pour la cordialité des relations de travail et, en général,
la rapidité des réponses de la Commission de Venise aux demandes
de la commission.
13. Le travail des corapporteurs dans le cadre d’une procédure
de suivi ou d’un dialogue postsuivi est complexe, chronophage et
exige une disponibilité et une souplesse considérables. Toutefois,
la commission a récemment constaté qu’en raison d’élections et d’agendas
nationaux chargés, les rapporteurs étaient moins disponibles pour
assurer leurs fonctions de rapporteurs. Cela a parfois entraîné
des retards considérables dans la préparation des rapports présentés
à la commission et à l’Assemblée. Il s’agit d’un réel sujet de préoccupation
qui doit être abordé par les groupes politiques chargés de proposer
les membres de la commission et des candidats aux postes vacants
de rapporteur. J’invite donc tous ces groupes à nommer à la commission
des membres qui sont disponibles pour occuper les postes de rapporteurs.
2.2. Aperçu
du suivi au cours de la période visée concernant les pays soumis
à une procédure de suivi stricto sensu
2.2.1. Albanie
14. Les corapporteurs se sont rendus
dans le pays du 5 au 7 septembre 2018 dans le cadre d’une visite d’information.
15. Bien que la polarisation de la vie politique perdure et que
le champ politique demeure conflictuel et hostile, opposition et
majorité s’accusant mutuellement de corruption et de soumission
aux intérêts du crime organisé, certaines réformes, notamment celle
du système judiciaire, ont commencé à être mises en œuvre. La lutte
contre la corruption et le crime organisé demeure l’un des principaux
défis de l’Albanie. Le Conseil européen du 26 juin 2018 a subordonné
l’ouverture des négociations d’adhésion à l’Union européenne en
juin 2019 à des progrès notables dans ces deux domaines.
16. Le climat politique s’était considérablement apaisé à la suite
de l’accord conclu en 2017 par le Parti démocratique d’Albanie (PD)
et le Parti socialiste (PS) à l’instigation de l’Union européenne
et des États-Unis. Cet accord avait permis, entre autres, la constitution
d’un gouvernement technique et la tenue des élections législatives
le 25 juin 2017. Cet apaisement n’a pas duré. La victoire électorale
du PS a en effet donné à ce dernier une majorité absolue qui pourrait
lui permettre de gouverner sans consulter l’opposition constituée autour
du PD, ni dialoguer avec elle, ce qu’il a pu faire pour certaines
décisions comme la nomination d’un procureur général intérimaire
ou la modification de la législation fiscale en septembre 2017 qui
renforce les prérogatives de l’exécutif. Par ailleurs, depuis les
élections, les partis d’opposition ont renoué avec leur pratique
de boycott des votes importants et d’obstruction des travaux parlementaires.
Les corapporteurs de la commission de suivi ont réaffirmé à leurs
interlocuteurs albanais des différentes formations politiques que
le parlement était le seul espace adapté à l’interaction, au débat
et à la délibération politiques. La fin du boycott des débats et
des votes importants par l’opposition d’une part, et l’octroi d’un
espace à cette dernière, d’autre part, afin que la majorité s’engage
avec elle dans un dialogue authentique et constructif sur les réformes
clés et la gouvernance du pays constituent des mesures essentielles
dans la perspective de l’ouverture des négociations d’adhésion à
l’Union européenne en 2019.
17. Si la Mission internationale d’observation des élections (Assemblée
parlementaire du Conseil de l’Europe, Bureau des institutions démocratiques
et des droits de l'homme de l’Organisation pour la sécurité et la
coopération en Europe (OSCE/BIDDH), Parlement européen) a considéré
que la campagne électorale des législatives de 2017 s’était déroulée
sans incidents, que tous les candidats avaient pu faire campagne librement
et que les droits fondamentaux de chacun avaient été respectés,
elle a également noté la politisation persistante de l’administration
électorale ainsi que les nombreuses allégations d’achat de voix
et de pressions exercées sur les électeurs qui ont sapé la confiance
du public à l’égard du processus électoral. Ces problèmes récurrents,
relevés par les missions successives d’observation des élections,
ont conduit les corapporteurs à demander à tous les partis de s’entendre
sur une administration électorale qui puisse fonctionner de manière indépendante
et d’adopter, en accord avec la Commission de Venise, une loi entièrement
révisée sur le financement des partis politiques et des campagnes
électorales, qui soit conforme aux normes européennes. Par ailleurs,
la Commission de Venise et l’OSCE/BIDHH ont formulé plusieurs recommandations
en matière de réforme électorale qu’il importe de voir mises en
œuvre avant les élections locales qui se dérouleront en 2019. À
cet égard, les corapporteurs se sont félicités de la création d’une
commission ad hoc sur la réforme électorale par le Parlement, coprésidée
par le PS et le PD, dont le mandat était de proposer un nouveau
code électoral. Cette commission a annoncé son intention de présenter
le projet de code électoral avant la fin de 2018.
18. La réforme judiciaire en Albanie est actuellement dominée
par le processus de contrôle des juges et des procureurs, mené par
la Commission indépendante de vérification des qualifications (la
Commission indépendante), dont les membres sont nommés par le parlement
sur la base des recommandations de l’Opération internationale de
surveillance dirigée par la Commission européenne et les États-Unis.
L’ensemble des juges et des procureurs sont évalués à l’aune de
trois critères: la justification du patrimoine, le contrôle des antécédents
et la compétence juridique. Sur les 54 décisions que la Commission
avait rendues à la fin du mois d’août 2018, 21 ont conduit à la
révocation de magistrats, parmi lesquels trois juges de la Cour constitutionnelle.
Le nombre élevé de révocations (plus de 40 % du nombre total des
fonctionnaires contrôlés) souligne le rôle important et pertinent
de la Commission indépendante dans la mise en place d’un système judiciaire
albanais indépendant et exempt de corruption, première étape qui
devra être suivie par d’autres.
19. L’effet collatéral de la mise en œuvre de ce processus de
contrôle a été le blocage de certains organes judiciaires et non
des moindres, faute d’anticipation du temps qu’impliquait ce processus
et de la mise en place d’un plan d’urgence. Lors de la visite des
corapporteurs, ni la Cour constitutionnelle, ni la Haute Cour ne fonctionnaient,
le nombre de leurs membres n’étant pas suffisant pour atteindre
le quorum prévu par la réglementation et les deux organes, le Conseil
supérieur de la justice et le Conseil supérieur des procureurs, dont
la saisine conditionne la nomination de nouveaux membres à la Cour
constitutionnelle ou à la Haute Cour, n’étaient pas opérationnels,
leurs propres membres devant eux aussi être préalablement soumis
au processus de contrôle mené par la Commission indépendante.
20. La corruption généralisée en Albanie, la présence et l’influence
puissantes de la criminalité organisée ainsi que les allégations
persistantes d’interdépendance de la criminalité organisée avec
les intérêts économiques et politiques du pays demeurent des préoccupations
importantes. Le fait qu’un nombre élevé de juges et de procureurs
aient été révoqués en raison de divergences dans leurs déclarations
de patrimoine, déclarations qui auraient dû être vérifiées par la
Haute inspection pour la déclaration et le contrôle du patrimoine
et des conflits d’intérêt (HIDAACI) démontre la faiblesse actuelle
de l’HIDAACI, qui devait être la pierre angulaire de la lutte contre
la corruption de haut niveau en Albanie.
21. Dans le cadre des réformes et des politiques adoptées pour
lutter contre la corruption à haut niveau, trois organes spécialisés
chargés d’enquêter sur les affaires de corruption et d’en poursuivre
les auteurs ont été créés: le Bureau national des enquêtes, le Procureur
spécial contre la corruption et le Tribunal spécialisé. Ils devaient
être opérationnels avant la fin 2018, leurs membres ne pouvant être
nommés qu’après que le Conseil supérieur de la justice et le Conseil
supérieur des procureurs sont devenus fonctionnels.
22. Dans son rapport 2018 sur l’Albanie, la Commission européenne
indiquait que la lutte contre la corruption semblait se concentrer
principalement sur la corruption administrative et délaisser la
corruption politique et la «captation de l’État». Or, le succès
et les résultats du contrôle des magistrats ont suscité une demande
de contrôle de la société albanaise, tant à l’égard des forces de
l’ordre qu’en direction des élus et responsables politiques. En
mars 2018, le parlement a adopté une loi mettant en place un dispositif
de contrôle des 12 300 agents des forces de l’ordre portant sur
leur patrimoine et le respect de normes éthiques et professionnelles.
Cette loi demeure néanmoins controversée: elle est décriée par l’opposition
qui la considère comme un instrument dans les mains du pouvoir et,
par ailleurs, son mécanisme n’a pas prévu les garde-fous du système
de contrôle mis en place pour les magistrats. Parallèlement, des
dirigeants de l’opposition parlementaire ont proposé que tous les
élus soient contrôlés de la même manière que les juges et les procureurs.
Les corapporteurs ont indiqué qu’ils examineraient la question du
contrôle des forces de l’ordre et des élus lors de leur prochaine
visite en Albanie.
23. Dans son rapport 2018, la Commission européenne notait que
le nombre de condamnations pour des affaires liées à la criminalité
organisée restait très faible. L’inculpation de l’ancien ministre
de l’Intérieur, Simir Tahiri
, le 12 mai 2018,
pour trafic de stupéfiants, corruption et appartenance à un groupe
criminel, ainsi que la poursuite des saisies d’importantes quantités
de drogues dures et de cannabis aux frontières italienne et grecque,
laissent penser que seules une volonté politique continue et une
action résolue permettront de lutter efficacement contre l’influence
de la criminalité organisée.
2.2.2. Arménie
24. Les corapporteurs se sont rendus
du 23 au 25 mai 2018 à Erevan dans le cadre d’une visite d’information,
intervenue dans un contexte politique bouleversé, des mouvements
de protestations massives ayant conduit à un changement de gouvernement.
25. La nouvelle Constitution arménienne, élaborée en étroite collaboration
avec la Commission de Venise, qui a émis un avis positif sur le
texte final, tout comme l’Assemblée parlementaire, avait mis un
terme au régime présidentiel, à la tête duquel M. Serzh Sargsyan
achevait son deuxième mandat, pour instaurer une démocratie parlementaire.
Un nouveau code électoral, élaboré sur la base d’un consensus entre
tous les acteurs politiques, avait été adopté et salué par la Commission
de Venise. Des élections législatives régies par ce nouveau code
s’étaient tenues le 2 avril 2017. Cette législation électorale avait
été perçue comme un progrès, notamment au regard des mesures qu’elle
prévoyait pour lutter contre la fraude. La complexité du système
et des procédures électorales avait néanmoins pu créer une certaine
confusion parmi les électeurs et les commissions électorales, entamant
la confiance générale de la population dans le processus. Surtout,
ces élections avaient été entachées par des allégations d’achats
massifs de voix par tous les candidats et de détournement de ressources
administratives, souvent en faveur des autorités en place. De nombreux interlocuteurs
des corapporteurs avaient ainsi avancé que le maintien d’une composante
régionale dans le système électoral incitait à l’achat de voix et
à l’abus de ressources administratives.
26. Bien que remportées par sa formation, le Parti républicain,
l’ancien président Serzh Sargsyan avait affirmé publiquement qu’il
n’entendait pas briguer le poste de Premier ministre. Le faire aurait
été en effet vu par l’opposition comme un moyen d’utiliser la nouvelle
Constitution pour demeurer au pouvoir. Or, M. Sargsyan a été nommé
le 17 avril 2018 Premier ministre par l’Assemblée nationale, le
Parti républicain ayant formé une coalition avec une autre formation,
la Fédération révolutionnaire arménienne. Cette nomination a déclenché une
vague de protestations populaires, dont la nature spontanée mérite
d’être soulignée. Les manifestations n’ont pas été orchestrées par
les partis politiques mais ont débuté à l’initiative de jeunes gens
et d’étudiants de tous milieux sociaux, en particulier dans les
grandes villes. Les manifestants ont rapidement été rejoints par l’Alliance
Yelk, dirigée par Nikol Pashinian et les mouvements de protestations
sont alors devenus massifs et se sont traduits par une vaste campagne
de désobéissance civile. Après l’échec des négociations entre le pouvoir
et les protestataires, ainsi qu’une brève arrestation de M. Pashinian
et de parlementaires de l’Alliance Yelk, M. Sargsyan a démissionné
de son poste de Premier ministre le 23 avril 2018. Cette démission
a mis un terme à l’escalade de la crise politique et permis d’éviter
qu’elle ne dégénère en une confrontation violente.
27. Le principal parti d’opposition, «Arménie prospère», a alors
annoncé son ralliement aux manifestants, tandis que la Fédération
révolutionnaire arménienne se retirait de la coalition gouvernementale.
Les deux partis ont ensuite annoncé qu’ils soutenaient la candidature
de M. Pashinian au poste de Premier ministre. Conformément à la
Constitution, M. Pashinian a été élu Premier ministre le 8 mai 2018.
Dans le respect des délais imposés par la loi fondamentale, il a
formé un large gouvernement au sein duquel étaient non seulement représentés
les trois partis politiques qui l’avaient soutenu, l’Alliance Yelk,
Arménie prospère et la Fédération révolutionnaire arménienne, mais
aussi des experts et des technocrates, dont certains occupaient
des postes régaliens, comme le ministre des Affaires étrangères,
celui de la Défense ou des Finances. Puis il a présenté son programme
à l’Assemblée nationale qui, conformément à la Constitution, l’a
adopté dans les 20 jours suivants la formation du gouvernement.
28. Le gouvernement de M. Pashinian, bien qu’il s’apparentât à
un gouvernement d’union nationale et bénéficiât de la confiance
de la population arménienne et de la communauté internationale,
demeurait un gouvernement minoritaire, le Parti républicain se considérant
dans l’opposition et détenant, malgré plusieurs défections qui lui
avaient fait perdre la majorité absolue, le plus grand nombre de
sièges à l’Assemblée nationale. Une coopération entre la majorité
au pouvoir et l’opposition restait donc essentielle pour gouverner le
pays.
29. À la suite du changement de pouvoir, certaines voix, au sein
de la société civile, ont souhaité la mise en place d’une justice
transitionnelle, faisant naître la crainte d’éventuelles représailles
politiques. Divers parlementaires et fonctionnaires du Parti républicain
se sont également plaints de discours de haine et de menaces qui
auraient été proférés à leur encontre sur les réseaux sociaux. Parallèlement,
plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) ont appelé à
la libération immédiate de ceux qu’elles qualifient de «prisonniers
politiques», des détenus incarcérés par l’ancien régime notamment
à la suite de manifestations non autorisées ou d’actions de désobéissance
civile. La réaction du Premier ministre Pashinian a été constante et
marquée par la réaffirmation que le pouvoir judiciaire travaillerait
dans une totale indépendance, libre de toute instruction ou ingérence
politique et que, par ailleurs, il ne saurait y avoir d’impunité
pour les agissements criminels, y compris ceux d’hommes politiques
et de leurs partisans, indépendamment de leur couleur politique et
de leurs affiliations.
30. Il est à noter que le Président élu sous l’empire de la nouvelle
Constitution, et qui ne s’est vu attribuer par celle-ci qu’un rôle
honorifique, a parfaitement assumé sa fonction de rassembleur de
la Nation, indépendant des partis. Il a joué, pendant les évènements,
un rôle déterminant de médiateur entre les protestataires et l’ancienne
majorité au pouvoir, contribuant ainsi au règlement pacifique de
la crise.
31. Le Premier ministre Pashinian a maintes fois déclaré qu’une
de ses priorités était l’organisation d'élections législatives anticipées,
la Constitution ne prévoyant la tenue d’élections anticipées que
dans deux cas, soit l’échec de l’Assemblée nationale d’élire un
Premier ministre, après deux tours de scrutin, soit la non adoption
par cette dernière du programme du gouvernement. Le Premier ministre
a démissionné le 16 octobre 2018, et après deux votes à l’Assemblée
nationale, des élections législatives ont été convoquées le 9 décembre
2018. L’organisation d’élections démocratiques perçues et acceptées
comme telles par tous les acteurs et candidats politiques viendrait
couronner la transition démocratique et constitutionnelle du pouvoir
et constituerait une avancée importante vers la consolidation de
la démocratie en Arménie.
32. Le bouleversement politique qu’a connu l’Arménie a bien évidemment
ralenti le rythme d’adoption de certaines réformes importantes.
Les projets de loi sur les violences domestiques et sur la lutte
contre les discriminations sont encore au stade de la discussion
et si l’Arménie a signé la Convention du Conseil de l’Europe sur
la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes
et la violence domestique (STCE no 210,
«Convention d’Istanbul») en janvier 2018, elle ne l’a pas encore
ratifiée. Les corapporteurs se sont félicités de ce que tant le
nouveau gouvernement que l’opposition ont souligné que la réforme
en cours du pouvoir judiciaire, la lutte contre la corruption et
l’enrichissement illégal restaient des priorités pour le pays.
2.2.3. Azerbaïdjan
33. Les corapporteurs se sont rendus
en Azerbaïdjan dans le cadre d’une mission internationale d’observation
des élections (MIOE)
qui
s’est déroulée du 9 au 12 avril 2018, à l’occasion de l’élection présidentielle
anticipée qui s’est tenue le 11 avril 2018.
34. Les amendements à la Constitution proposés par le président
Ilham Aliyev, et adoptés par référendum en 2016, ont, entre autres,
octroyé au président la faculté de convoquer des élections présidentielles
sans conditions particulières, nouvelle prérogative que la Commission
de Venise a considérée comme incompatible avec les normes démocratiques.
C’est sur cette base juridique que le président Ilham Aliyev a annoncé
le 5 février 2018 la convocation d’une élection présidentielle anticipée
fixée au 11 avril 2018, à laquelle il s’est présenté pour briguer
un quatrième mandat consécutif d’une durée de sept ans.
35. À l’issue du premier tour de scrutin, qui a vu M. Aliyev remporter
86,02 % des suffrages exprimés, le taux de participation s’élevant
à 74,30 %, selon la Commission électorale centrale azerbaïdjanaise,
la MIOE a indiqué dans son communiqué que «l’élection présidentielle
anticipée en Azerbaïdjan s’est déroulée dans un contexte politique
restrictif et selon des lois portant atteinte aux libertés et droits
fondamentaux, sans lesquels il ne peut y avoir d’élections véritablement
démocratiques. Dans ce contexte, et faute de pluralisme, y compris dans
les médias, l’élection s’est caractérisée par l’absence d’une véritable
compétition. Le candidat sortant n’a pas été directement contesté
ni critiqué par ses adversaires et aucune distinction n’a été faite
entre sa campagne et ses activités officielles».
36. Sir Roger Gale (Royaume-Uni, CE) a été nommé corapporteur
le 28 juin 2018 en remplacement de M. Cezar Florin Preda (Roumanie,
PPE/DC), démissionnaire.
37. Le 13 août 2018, le chef du mouvement civique d'opposition
ReAl, M. Ilgar Mammadov, a été relâché après avoir purgé cinq ans
de prison. Toutefois, la reliquat de la sentence fondée sur un procès
inéquitable a été remplacée par une période de probation de deux
ans sans droit de quitter l'Azerbaïdjan.
2.2.4. Bosnie-Herzégovine
38. Le 8 janvier 2018, l’Assemblée
a adopté la
Résolution
2201 (2018) sur le respect des obligations et engagements de la
Bosnie-Herzégovine. Il est regrettable que les autorités bosniennes
n’aient transmis aucune observation à l’avant-projet de rapport
qui avait été préalablement établi et ce, sans aucune explication.
Ce manquement, qui constitue une violation grave de l’obligation
faite au pays de coopérer pleinement avec la commission de suivi,
soulève de sérieuses interrogations sur la volonté des autorités bosniennes
de tenir leurs engagements.
39. L’Assemblée a ainsi regretté que plusieurs engagements pris
par la Bosnie-Herzégovine lors de son adhésion au Conseil de l’Europe
en 2002 ne soient aujourd’hui toujours pas tenus.
40. «Plus de vingt ans après la fin de la guerre, le pays reste
profondément divisé sur des bases ethniques et ne partage aucune
vision commune de l’avenir, même si les trois principaux groupes
ethniques semblent s’accorder sur l’objectif stratégique de l’intégration
européenne (…) Les objectifs de guerre semblent aujourd’hui être
devenus des projets politiques en temps de paix; le niveau de confiance
entre les groupes ethniques est très faible, comme le montrent les
récriminations fréquentes, l’usage de tactiques d’obstruction et
la crise politique permanente
.»
41. L’Assemblée a ainsi déploré que ni la Constitution de l’État,
ni la législation électorale n’avaient été modifiées afin de respecter
l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme de 2009, Sedjić et Finci. Lors des élections
générales de 2014, puis de 2018, seuls les Serbes, les Croates et
les Bosniaques étaient autorisés à se présenter à la présidence
de l’État ou pouvaient être élus/nommés à la Chambre des peuples de
l’État; en outre, le droit pour un citoyen de Bosnie-Herzégovine
de voter pour un candidat à la Présidence de l’État ne peut s’exercer
qu’en faveur d’un Serbe, s’il demeure en Republika Srpska (RS),
ou d’un Croate ou d’un Bosniaque, s’il réside en Fédération de Bosnie-Herzégovine
(FBiH). Ce mode d’élection a lui aussi été jugé contraire à la Convention
européenne des droits de l’homme (STE no 5)
dans un arrêt Pilav de 2016.
42. Vingt ans après la fin de la guerre, la Bosnie-Herzégovine
n’est pas une démocratie mais une ethnocratie: elle ne fonctionne
pas sur le principe de l’égalité du suffrage, qui est l’un des fondements
d’une société démocratique. Revoir la législation électorale dans
un délai d’un an à la lumière des principes du Conseil de l’Europe
dans le but de l’amender, le cas échéant avec l’aide de la Commission
de Venise, était pourtant l’un des engagements souscrits par la
Bosnie-Herzégovine lors de son adhésion au Conseil de l’Europe en
2002.
43. L’Assemblée a également exhorté les autorités des deux entités
à adopter les amendements à leurs Constitutions, qu’il s’agisse
du maintien de la peine de mort dans la Constitution de la RS ou
du médiateur dans celle de la FBiH; de même, dans quatre cantons
de la FBiH, des modifications des Constitutions cantonales respectives
s’imposent afin de garantir le statut de «peuple constituant» aux
Serbes qui y vivent.
44. Elle a regretté que la rhétorique nationaliste et ethnique
continue de dominer le discours politique dans l’ensemble du pays
et indiqué que les propos haineux ou l’apologie des criminels de
guerre devraient faire l’objet d’une tolérance zéro.
45. Elle s’est déclarée très préoccupée par le non-respect croissant
de l’État de droit en Bosnie-Herzégovine et a demandé instamment
aux autorités compétentes de se conformer aux arrêts de la Cour constitutionnelle
et du Tribunal d’État, qui ont un caractère définitif et contraignant.
L’Assemblée visait en particulier le refus de la RS de mettre en
œuvre le jugement du Tribunal d’État sur l’enregistrement au niveau de
l’État des biens militaires situés en RS, la décision relative à
l’organisation d’un référendum sur le jour de la fête nationale
de la RS malgré l’arrêt de la Cour constitutionnelle l’interdisant,
et le retard considérable pris par le Parlement d’État dans l’exécution
de l’arrêt de la Cour constitutionnelle sur Mostar, qui date de
2010 et aux termes duquel plusieurs dispositions électorales spécifiques
à Mostar étaient anticonstitutionnelles.
46. Par ailleurs, la Bosnie-Herzégovine n’a pas redoublé d’efforts
pour lutter contre la corruption au sein du système judiciaire,
du ministère public et de la police, contrairement à l’un des engagements
qu’elle a pris
.
47. L’Assemblée a également exhorté les autorités bosniennes à
prendre en priorité toutes les mesures nécessaires pour honorer
l’engagement souscrit lors de l’adhésion de mettre fin à la ségrégation
et à l’assimilation dans l’éducation.
48. Si les dispositifs législatifs organisant la lutte contre
les discriminations, la lutte contre la traite des êtres humains
ou le secteur des médias méritent d’être salués, l’Assemblée a appelé
les autorités bosniennes à prendre des mesures pour renforcer la
sécurité des journalistes, qui font l’objet de menaces de mort et
d’autres manœuvres d’intimidation ces dernières années.
49. Le 18 septembre 2018, M. Serhiy Sobolev (Ukraine, PPE/DC)
a succédé à Sir Roger Gale en tant que corapporteur.
50. Il a ainsi participé avec M. Tiny Kox (Pays-Bas, GUE) à la
MIOE invitée par les autorités bosniennes à l’occasion des élections
générales qui s’y sont tenues le 7 octobre 2018. Dame Cheryl Gillan
(Royaume-Uni, CE), cheffe de la délégation de l’Assemblée au sein
de la MIOE, a déclaré le lendemain des élections que le vote «s’est
déroulé dans le calme et [que] les électeurs ont fait leur choix
librement parmi un grand nombre de partis et de candidats. La délégation
de l’Assemblée regrette qu’une fois encore, les élections se soient
tenues en violation de la Convention européenne des droits de l’homme
en ce qui concerne la discrimination sur la base de l’origine ethnique
et de la résidence. La délégation a également fait part de sa déception
face à une campagne électorale qui est restée divisée selon des
clivages ethniques.»
2.2.5. Géorgie
51. Les corapporteurs se sont rendus
à Tbilissi du 6 au 8 novembre 2018. Les principaux objectifs de
leur visite étaient de discuter, notamment, de l'état général de
la procédure de suivi de la Géorgie, de la réforme en cours du système
judiciaire, en particulier du fonctionnement du Conseil supérieur
de la justice, ainsi que du renforcement de la fonction de contrôle
du Parlement géorgien, celui-ci incluant le rôle de l'opposition.
52. Le climat politique en Géorgie est resté tendu et polarisé,
et s'est détérioré à l'approche de l’élection présidentielle. Malheureusement,
les relations entre les autorités et les organisations de la société
civile en Géorgie en ont également souffert et elles se sont considérablement
dégradées, surtout après le début de la campagne présidentielle.
Ceci est préoccupant compte tenu du rôle important que la société
civile a toujours joué en Géorgie.
53. Le premier tour de l'élection présidentielle en Géorgie s'est
déroulé le 28 octobre 2018. Cette élection a été observée par une
MIOE, à laquelle une délégation de l'Assemblée a pris part. Selon
la MIOE, le premier tour de l'élection présidentielle est intervenu
dans un climat de concurrence et a été organisé de manière professionnelle,
les électeurs disposant d'un véritable choix parmi des candidats
qui ont pu faire campagne librement. Toutefois, la MIOE s'est déclarée
préoccupée par l'inégalité des règles du jeu résultant du fait que des
lacunes dans la réglementation en matière de financement de campagne
ont permis un déséquilibre important des dons et des dépenses de
campagne entre candidats, et qu’il a été fait usage de candidats techniques,
qui ont obtenu des financements publics supplémentaires et du temps
d’antenne au profit, en fait, d’un autre candidat. Malheureusement,
l'utilisation abusive des ressources administratives a également
été constatée lors de ces élections, contribuant ainsi à rompre
l’égalité des chances entre les candidats. Aucun candidat n'ayant
obtenu la majorité absolue au premier tour, un second tour a été
annoncé pour le 28 novembre entre les deux candidats arrivés en
tête au premier tour: Mme Salomé Zourabishvili,
qui a obtenu 38,7 % des voix au premier tour, et M. Grigol Vashadze,
qui a obtenu 37,7 % des suffrages. À l’issue de ce second tour,
Mme Zourabishvili a été élue présidente
avec 59,52 % des suffrages exprimés, M. Vashadze ayant obtenu 40,48 %
des voix. Le taux de participation s’est élevé à 56,5 %.
54. Le renforcement du contrôle parlementaire et du rôle de l'opposition
dans celui-ci ont été identifiés comme une priorité essentielle
par les autorités actuelles. À cette fin, de nouvelles règles de
procédure pour le Parlement géorgien ont été élaborées dans le cadre
d'un processus inclusif mené en coopération avec l'opposition parlementaire.
Ces nouvelles règles sont généralement considérées comme une amélioration
par rapport aux anciennes. Leur mise en œuvre, en toute impartialité
et de bonne foi, constituera un élément important à même de garantir
que ces nouvelles règles remplissent les objectifs qui leur ont
été assignés.
55. Le renforcement de l'indépendance du pouvoir judiciaire et
de l’impartialité de la justice continue d'être une priorité pour
l'Assemblée. À cet égard, les rapporteurs se sont récemment intéressés
au fonctionnement du Conseil supérieur de la justice et du Conseil
supérieur des procureurs. À leur demande, la commission de suivi
a sollicité, le 18 septembre 2018, l’avis de la Commission de Venise
sur les règles juridiques régissant le Conseil supérieur de la justice
et le Conseil supérieur des procureurs. L’avis a été adopté lors
de la session plénière de la Commission de Venise en décembre 2018.
2.2.6. République
de Moldova
56. Les corapporteurs ont effectué
une visite d’information dans le pays du 3 au 5 avril 2018.
57. La consolidation de la majorité parlementaire formée sous
la direction du Parti démocrate (PDM) en janvier 2016 a permis au
Premier ministre Pavel Filip de lancer une série de réformes dans
le domaine de l’économie et de la sécurité énergétique, d’annoncer
des mesures sociales ainsi qu’un «programme de réforme détaillé»
approuvé par les partenaires extérieurs dans le but de lutter contre
la corruption et de réformer notamment l’administration publique,
le financement des partis politiques, les médias, la justice, l’égalité
entre les femmes et les hommes, et le secteur bancaire.
58. Toutefois, cette évolution positive contraste très fortement
avec le climat décrit aux corapporteurs par nombre d’interlocuteurs
de l’opposition et de la société civile qui ont fait état de pressions
de différentes sortes, d’une détérioration des libertés fondamentales,
d’un manque de confiance dans les institutions publiques, ces dernières
ainsi que les médias étant, selon eux, contrôlés par les deux principaux
partis politiques, le PDM et le Parti des Socialistes de la République
de Moldova (PRSM), tous deux liés aux oligarques. La situation reste marquée
par la gestion du scandale bancaire qui s’est traduit par la disparition,
en 2014, d’un milliard de dollars du système bancaire; les rapporteurs
ont appelé les autorités moldaves à publier le second rapport d’audit
de la société Kroll remis en 2018.
59. La dimension géopolitique continue à tenir une place importante
dans la vie politique nationale. L’influence de la Russie, à travers
différents canaux qu’ils soient économique, politique ou militaire,
est réelle. Parallèlement, plus de 140 collectivités locales de
la République de Moldova ont signé des déclarations solennelles
appelant à la réunification avec la Roumanie, dans le sillage de
l’adoption par le Parlement roumain, le 27 mars 2018, d’une déclaration
pour marquer le centième anniversaire de l’union de la Bessarabie avec
la Roumanie.
60. Le règlement de la question transnistrienne a enregistré un
certain nombre d’avancées, qui sont à saluer. Ainsi des protocoles,
dont la sous-commission de l’Assemblée sur les conflits entre les
États membres a pris connaissance en janvier 2018, ont été approuvés
et signés à Vienne les 27 et 28 novembre 2017. Ils portent sur l’apostillisation
des diplômes délivrés dans la région transnitrienne de la République
de Moldova, le fonctionnement des écoles dispensant un enseignement
en alphabet latin sur la rive gauche du Nistru/Dniestr, le rétablissement
de l’accès des agriculteurs moldaves à leurs terres dans le district
de Dubasari et la réouverture du pont Gura Bicului-Bychok. Par ailleurs,
un accord sur les mesures à prendre pour permettre aux véhicules
de Transnistrie d’entrer dans le trafic routier international a
été signé le 24 avril 2018. Enfin, le cycle des négociations au
format 5+2, qui a eu lieu à Rome les 29 et 30 mai 2018, a abordé
la question du rétablissement des communications téléphoniques entre
les deux rives du Nistru/Dniestr.
61. Sur le plan institutionnel, le maintien de l’élection du Président
de la République au suffrage universel direct, et le fait que l’actuel
titulaire de la fonction, M. Igor Dodon, soit issu d’un parti opposé
à la majorité parlementaire du PDM, ont conduit à certaines tensions
entre le parlement et le Président. La Cour Constitutionnelle les
a arbitrées de manière créative afin d’éviter tout blocage institutionnel.
Elle a ainsi permis au président du Parlement de promulguer les
textes de loi, lorsque le Président de la République, en violation des
dispositions constitutionnelles, refuse de le faire.
62. Dans la perspective des élections législatives, initialement
prévues à l’automne 2018, mais qui devraient finalement se tenir
en février 2019, le Parlement moldave a amendé le Code électoral
afin d’adopter un scrutin mixte, de liste et proportionnel d'une
part, uninominal et majoritaire d'autre part. Saisie une première
fois par la commission de suivi sur ce projet de loi, la Commission
de Venise a adopté un avis critique et conclu que «un tel changement
fondamental [du système électoral], qui relève certes d’une prérogative
souveraine du pays, n’est pas recommandée actuellement». Bien que
les autorités moldaves n’aient pas reçu cet avis de manière positive,
le projet de loi a, par la suite, été modifié. La commission de
suivi a demandé à la Commission de Venise de se prononcer sur les
amendements au texte. Dans son avis de mars 2018, celle-ci a considéré
que certaines de ses recommandations avaient été prises en compte,
mais en a émise d’autres, comme l’adoption de mesures supplémentaires
en vue de garantir l’indépendance de la commission chargée du découpage
électoral, et réaffirmé la nécessité de parvenir à un consensus
sur la législation électorale.
63. En ce qui concerne l’Entité territoriale autonome de Gagaouzie-Yeri
(ETAG), le dialogue établi entre Chişinău et Comrat en 2016 a débouché
sur l’adoption de trois textes, proposés par un groupe de travail chargé
d’harmoniser la législation moldave avec le statut de l’ETAG, toujours
dans l’attente d’être examinés par le Parlement moldave.
64. La visite d’information a confirmé la détérioration de la
situation de la démocratie locale décrite dans le dernier rapport
du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe
. L'organisation d'élections anticipées
des maires de Chişinău, de Bălţi et de six autres communes, perçues
comme un test politique avant les élections législatives, ont été
observées par le Congrès. Celui-ci a conclu qu'en dépit de la bonne
préparation des scrutins locaux sur le plan technique, des préoccupations
s'étaient exprimées au sujet de l'utilisation abusive de ressources
administratives, du faible taux de participation, du manque de confiance dans
les institutions de l'État et d'informations selon lesquelles des
pressions auraient été exercées sur des élus locaux, en particulier
des membres de l'opposition, au moyen de procédures judiciaires
et de menaces pour les amener à changer de camp
. Par ailleurs, l'invalidation
de l'élection d'un maire appartenant à l'opposition à Chişinău par
la Cour suprême a été qualifiée de «menace directe au bon fonctionnement
de la démocratie locale moldave», d’«intervention sans précédent
de la part du pouvoir judiciaire dans le processus démocratique»
et de «décision très inquiétante pour l'avenir de la démocratie
locale moldave» par la commission de suivi du Congrès
, tandis que la Haute
Représentante de l'Union européenne, Mme Federica Mogherini,
et le Commissaire Johannes Hahn ont plaidé pour que les autorités
moldaves prennent «les mesures appropriées pour veiller au respect
des résultats des élections municipales de Chişinău, qui ont également
été reconnus par les observateurs nationaux et internationaux et
reflètent la volonté des électeurs»
.
65. Dans le domaine des droits de l'homme, un nouveau code de
l'audiovisuel était en préparation en coopération avec le Conseil
de l'Europe, dont l'un des objectifs est de prévenir la monopolisation
des médias, qui seraient actuellement, selon certains interlocuteurs
des corapporteurs, aux mains des deux grands partis, le PDM et le
PRSM. Ce code a été adopté par le parlement le 18 octobre 2018,
puis à nouveau le 7 novembre 2018, après que le Président de la
République eu refusé de le promulguer. En outre, des initiatives
bienvenues ont été prises par les autorités moldaves pour lutter
contre les violences domestiques, notamment l'introduction de mesures
d'éloignement. En revanche, le recours important à la détention
provisoire perdure, alors qu'un tiers des personnes appréhendées
à l'encontre desquelles une telle mesure a été ordonnée sont finalement libérées.
66. En matière d'État de droit, malgré des avancées, telle l'adoption
en 2017 de la Stratégie nationale pour l'intégrité et la lutte contre
la corruption 2017-2020, d'une loi sur l'intégrité et d'une nouvelle
loi sur la prévention et la lutte contre le blanchiment de capitaux
et le terrorisme, des efforts sont nécessaires pour combattre la corruption
de haut niveau et lancer une réforme approfondie du système judiciaire.
Les corapporteurs ont notamment estimé qu'une révision de la Constitution
portant sur le pouvoir judiciaire devrait être entamée afin de garantir
l'indépendance et la responsabilité des juges, notamment du ministère
public, ainsi que l'équité des procès.
2.2.7. Fédération
de Russie
67. Le 25 avril 2018, M. Telmo
Correia (Portugal, PPE/DC) a succédé à Mme Theodora
Bakoyannis (Grèce, PPE/DC), en tant que corapporteur, et le 10 octobre
2018, Mme Angela Smith (Royaume-Uni,
SOC) a pris la suite de Mme Liliane Maury
Pasquier élue à la Présidence de l’Assemblée.
68. La délégation russe a maintenu sa décision regrettable de
boycotter les travaux de l’Assemblée parlementaire en 2018, décidant
de nouveau de ne pas présenter les pouvoirs de sa délégation en janvier 2018.
Les corapporteurs de la commission de suivi n’ont par conséquent
pas pu se rendre en Fédération de Russie, mais ont toutefois continué
de suivre les développements intervenus dans le pays.
69. Les informations faisant état d’enlèvements, de détentions
illégales, de tortures et d’assassinats d’hommes en République tchétchène
sur la base de leur orientation sexuelle et de leur identité de
genre ont conduit l’Assemblée à débattre d’un rapport sur la «Persécution
des personnes LGBTI en République tchétchène (Fédération de Russie)»
présenté par M. Piet de Bruyn (Belgique, NI), au nom de la commission sur
l’égalité et la non-discrimination, lors de sa partie de session
de juin 2018, et à adopter une résolution ainsi qu’une recommandation.
Dans sa
Résolution 2230
(2018), elle a notamment rappelé qu’il incombait à la Fédération
de Russie, en sa qualité de membre du Conseil de l’Europe, de faire
respecter les stipulations de la Convention européenne des droits
de l’homme sur l’ensemble de son territoire et l’a exhortée à mener
une enquête impartiale et efficace sur la persécution des personnes
LGBTI en République tchétchène, à s’assurer que les responsables
ne restent pas impunis, ainsi qu’à autoriser une organisation internationale
de défense des droits humains à effectuer une enquête internationale
au cas où une enquête ne serait pas menée au niveau national. Le
2 novembre 2018, 16 États membres de l’OSCE ont invoqué le Mécanisme
de Moscou
afin d’examiner les allégations de
violations des droits de l’homme en République tchétchène
.
70. Le 17 janvier 2018, le Secrétaire Général du Conseil, M. Thorbjørn
Jagland, a jugé alarmant et préoccupant, d’une part, le fait que
l’ONG de défense des droits de l’homme Memorial ait vu son bureau
en Ingouchie incendiés et, d’autre part, le placement en détention
en République tchétchène de M. Oyub Titiyev, directeur du bureau
de cette ONG à Grozny. Il a rappelé que les ONG de défense des droits
de l’homme avaient un rôle essentiel à jouer au sein de la société
civile de l’ensemble des États membres et qu’elles devaient être
protégées dans l’accomplissement de leur mission. Il a également
espéré que les mesures nécessaires seraient prises pour veiller
à ce que les engagements contractés par la Fédération de Russie
au titre de la Convention européenne des droits de l’homme soient
pleinement respectés
. Le 26 juin 2018,
un tribunal de la République tchétchène a prolongé la détention
provisoire de M. Oyub Titiev. Ce dernier, qui s’est vu décerner
le 6ème Prix des droits de l’homme Václav
Havel par l’Assemblée parlementaire le 8 octobre 2018 a, de ce fait,
été empêché de le recevoir en personne. M. Egidijus Vareikis (Lituanie,
PPE/DC), rapporteur de l’Assemblée sur la protection des défenseurs
des droits de l’homme dans les États membres du Conseil de l’Europe
a déclaré que la poursuite de la détention de M. Titiev pourrait
avoir un effet paralysant sur les travaux de Memorial, seule organisation
spécialisée dans les droits de l’homme œuvrant actuellement dans
le Caucase du Nord
.
71. Les tensions affectant la situation de l’État de droit et
des droits de l’homme dans cette région ont également été dénoncées
par M. Frank Schwabe (Allemagne, SOC), rapporteur de l'Assemblée
sur l'indispensable rétablissement des droits de l’homme et de l’État
de droit dans la région du Caucase du Nord, au nom de la commission
des questions juridiques et des droits de l’homme, à travers sa
déclaration sur l’enlèvement, suivi de violences, de M. Oleg Kozlovsky,
apparemment par les forces de l’ordre, en octobre 2018. M. Kozlovsky,
chercheur d'Amnesty International, était venu observer des manifestations
pacifiques à Maga en Ingouchie
. Dans un arrêt
du 15 novembre 2018, la Cour européenne des droits de l’homme a
eu l’occasion de rappeler que les restrictions pouvant être imposées
aux droits garantis par la Convention ne sauraient être politiquement
motivées
.
72. L’Assemblée a adopté, en juin 2018, la
Résolution 2231 (2018) relative aux ressortissants ukrainiens détenus par la
Fédération de Russie en tant que prisonniers politiques et appelé
cette dernière à libérer sans plus tarder tous les Ukrainiens détenus
en Fédération de Russie et en Crimée pour des raisons politiques
ou sur la base de fausses accusations. Parmi ceux-ci figurent notamment
MM. Oleg Sentsov, Volodymyr Balukh et Pavlo Hryb.
73. Le 18 septembre 2018, la commission de suivi a eu l’occasion
de se rendre, en Géorgie, sur la ligne de démarcation administrative
avec l’Ossétie du Sud. À cette occasion, le Président de la commission
a condamné avec force la violation de l’intégrité territoriale de
la Géorgie par la Fédération de Russie et l’occupation des régions
géorgiennes d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie.
2.2.8. Serbie
74. Le 26 juin 2018, M. Robert
Goodwill (Royaume-Uni, CE) a été nommé corapporteur, en remplacement de
M. Samad Seyidov (Azerbaïdjan, CE).
75. À la suite de leur visite intervenue en juillet 2017, les
corapporteurs ont élaboré un avant-projet de rapport, qui a été
discuté en commission le 24 janvier 2018 et transmis à la délégation
serbe. Celle-ci a fait part de ses commentaires, qui ont été examinés
par la commission le 26 juin 2018. Le projet de rapport devrait
être débattu par la commission prochainement.
2.2.9. Turquie
76. Les corapporteurs ont effectué
une visite d’information dans le pays du 28 au 30 mars 2018. Ils
ont en outre participé ex officio à
la MIOE pour les élections présidentielle et législatives anticipées
qui se sont tenues le 24 juin 2018.
77. Par sa
Résolution
2156 (2017) du 25 avril 2017, l’Assemblée a décidé de rouvrir la
procédure de suivi à l’égard de la Turquie, et précisé les huit
mesures prioritaires que la Turquie devrait prendre et qui seraient de
nature à répondre aux préoccupations de l’Assemblée. À cet égard,
la visite des corapporteurs en mars 2018 n’avait malheureusement
pas permis d’observer des progrès tangibles, à l’instar de ce qu’a
constaté la Commission européenne dans son rapport sur la Turquie
publié le 17 avril 2018
, dans un contexte
marqué par l’état d’urgence en place depuis la tentative de coup
d’État manqué du 15 juillet 2016, dont l’Assemblé a demandé, de
manière répétée, la levée.
78. Depuis l’instauration de l’état d’urgence, plus de 150 000
personnes ont en effet fait l’objet d’une garde à vue, 78 000 ont
été arrêtées et plus de 110 000 fonctionnaires ont été révoqués
. Or, selon les autorités, environ
40 000 ont été réintégrés. Les corapporteurs ont rencontré des membres
de la Commission d’enquête sur les mesures d’état d’urgence créée
en janvier 2017 et chargée d’examiner les plaintes des fonctionnaires contestant
leur révocation ou des associations s’opposant à leur fermeture
forcée. Les corapporteurs ont estimé que, bien qu’elle soit fonctionnelle,
cette commission était peu susceptible d’annuler les décisions prises
antérieurement par les autorités – 100 personnes seulement avaient
alors été réintégrées sur 6 400 recours examinés – et, qu’en outre,
les délais d’examen étaient particulièrement longs: trois années environ
seraient ainsi nécessaires pour que l’ensemble des dossiers fassent
l’objet d’une décision
.
79. En matière de démocratie, les corapporteurs ont regretté que
les lacunes relevées par les observateurs de l’Assemblée parlementaire
au cours des dernières années dans le domaine de la couverture médiatique, le
manque de transparence des ressources de l’État et des partis ou
du financement des partis politiques n’aient pas été prises en compte
dans une réforme de la législation électorale, comme le Groupe d'
États contre la corruption (GRECO) l’a récemment confirmé dans son
rapport de décembre 2017
. Les corapporteurs ont également
réitéré leur préoccupation concernant la détention des parlementaires
turcs, demandé leur libération et vivement déploré qu’ils n’aient
pu, une fois encore, leur rendre visite. Suite à l’arrêt de Chambre de
la Cour européenne des droits de l’homme du 22 novembre 2018 dans
l’affaire
Selahattin Demirtaş c. Turquie (no 2)
,
la Présidente de l’Assemblée, Liliane Maury Pasquier, a appelé la
Turquie à exécuter rapidement cet arrêt et à libérer l’ancien député
et coprésident du Parti démocratique des peuples (HDP)
.
80. Dans le domaine des droits de l’homme, et en particulier en
matière de liberté d’expression et des médias, les corapporteurs
ont constaté une nouvelle dégradation de la liberté d’expression,
qu’il s’agisse des poursuites engagées à l’encontre de personnes
critiquant la politique menée dans le sud-est de la Turquie, de celles
manifestant leur opposition à l’intervention militaire dans la région
d’Afrin en Syrie ou de l’emploi massif du délit «d’insulte au Président»
(article 299 du Code pénal), depuis l’élection de M. Recep Tayyip
Erdoğan en 2014. Au demeurant les activités des militants de la
société civile sont restées gravement perturbées par l’état d’urgence
et le climat actuel, comme l’a illustré la détention, pendant plus
d’un an, du Président d’Amnesty International Turquie, Taner Kiliç,
pour des motifs infondés (il a été remis en liberté sous caution
le 15 août 2018).
81. Parallèlement, la situation des journalistes ne s’est pas
améliorée: la Plateforme du Conseil de l’Europe pour renforcer la
protection du journalisme et la sécurité des journalistes a recensé
115 journalistes en détention
et plusieurs journalistes du quotidien
national
Cumhuriyet sont toujours
accusés de terrorisme. Enfin, après la vente annoncée du groupe
Doğan Media, qui représentait environ 20 % des médias en Turquie, Reporters
Sans Frontières a indiqué que neuf des dix chaînes de télévision
les plus regardées et neuf des dix quotidiens nationaux les plus
lus appartiendraient à des hommes d’affaires gouvernementaux
.
82. Par ailleurs, bien que les corapporteurs n’aient pu se rendre
dans le sud-est de la Turquie pour des raisons de sécurité, des
représentants de la société civile ont souligné le fait que la situation
ne s’y était pas améliorée depuis 2016 quant à la capacité des citoyens
de se réunir, de s’exprimer ou de vivre dans un environnement sûr
et démocratique.
83. En mars 2018, les autorités turques ont autorisé la publication
du rapport du Comité européen pour la prévention de la torture et
des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) sur sa visite
d’avril 2016 dans la prison de haute sécurité de l’île d’Imralı,
où Abdullah Öcalan est incarcéré, ce dont les corapporteurs se sont
félicités. Il semble néanmoins que les cas de mauvais traitement
et de torture dans les lieux de détention et les postes de police
aient augmenté depuis la tentative de coup d’État, selon des représentants de
la société civile.
84. La situation des femmes comme celle des personnes LGBT a connu
des évolutions préoccupantes, qu’il s’agisse de la persistance de
propos discriminatoires fondés sur le sexe chez une partie des politiques
de haut niveau, de l’annonce en février 2018, par le Président de
la République, d’une proposition en vue de criminaliser l’adultère,
ou d’une décision de la Cour constitutionnelle en date du 20 février
2018 dans laquelle elle a considéré que l’expulsion d’un soldat
des forces armées turques, en application du Code pénal militaire, au
motif qu’il entretenait des relations «d’intimité non naturelles»,
était conforme à la Constitution.
85. Dans le domaine de l’État de droit, les craintes récurrentes
sur l’indépendance du système judiciaire n’ont pas été dissipées.
Le GRECO a ainsi rappelé dans son rapport de mars 2018 que le mode
de nomination des membres du Conseil des juges et procureurs désignés,
depuis le référendum constitutionnel de 2017, par le Président et
le parlement allait à l’encontre du principe fondamental d’une justice
indépendante et que l’exécutif conservait une influence significative
tant sur le recrutement des magistrats, que sur leur mutation ou sur
les procédures disciplinaires dont ils peuvent être l’objet.
86. Les corapporteurs se sont félicités de la volonté des autorités
turques de poursuivre des programmes de coopération avec le Conseil
de l’Europe dans le domaine de la formation des juges et des procureurs
et des activités relatives à la liberté d’expression.
87. À l’inverse, ils se sont émus du refus, temporaire, de juridictions
inférieures de tirer les conséquences des décisions de la Cour constitutionnelle
en matière de relaxe de deux journalistes, MM. Şahin Alpay et Mehmet
Altan, dont la détention provisoire a un temps perduré, alors que
la Cour avait considéré que leur droit à la liberté, à la liberté
d’expression et des médias avaient été violés. La question a été
abordée par le Secrétaire général du Conseil, M. Thorbjørn Jagland,
et le Président Erdoğan en février 2018. Le 6 mars 2018, dans une
allocution publique, ce dernier a indiqué que les décisions de la
Cour constitutionnelle pouvaient certes être critiquées, mais qu’elles
devaient être respectées. Depuis, aucune autre décision de cette
Cour n’a été contestée par une juridiction inférieure, ce qui mérite
d’être salué.
88. Le 20 avril 2018, la Grande Assemblée nationale de Turquie
a convoqué des élections présidentielle et législatives anticipées
pour le 24 juin 2018, soit 19 mois avant leur terme normal. Ces
élections étaient d’une grande importance car elles devaient conduire
à institutionnaliser le passage d’un système parlementaire à un système
présidentiel, conformément aux amendements constitutionnels adoptés
par référendum en avril 2017. Le jour où elle a convoqué ces élections
anticipées, la Grande Assemblée nationale a également décidé de prolonger
l’état d’urgence pour la septième fois depuis la tentative avortée
de coup d’état du 15 juillet 2016.
89. La commission de suivi a adopté le 24 avril 2018 une déclaration
recommandant aux autorités
turques de reporter les élections compte tenu des conditions défavorables
qui entraveraient la tenue d’élections libres et régulières. Elle
a en outre décidé de saisir la Commission de Venise pour avis sur
les amendements à la législation électorale adoptées en mars et
avril 2018 rendant possible la tenue de ces élections anticipées.
90. Au regard de la Déclaration adoptée par la MIOE le 25 juin
2018, prolongée par le rapport de la commission ad hoc de l’Assemblée
parlementaire sur l’observation des élections présidentielle et
législatives anticipées en Turquie (24 juin 2018), les craintes
de la commission de suivi étaient largement fondées. Si ces scrutins
confirment «que les citoyens turcs sont prêts à se mobiliser pour
leur démocratie (…), à descendre dans la rue, participer à des manifestations,
faire campagne, surveiller l’intégrité du processus électoral et
voter en grand nombre», selon la commission ad hoc
, il n’en demeure
pas moins que «la restriction des libertés et droits fondamentaux
résultant de l’état d’urgence, le nombre élevé d’arrestations d’hommes
politiques et de journalistes, ainsi que les opérations de sécurité
en cours dans le sud-est du pays, ont réduit l’espace nécessaire
au débat démocratique et à la libre expression de la diversité des
opinions, qui sont essentiels pour permettre aux citoyens de faire
un choix informé le jour du scrutin»
. La MIOE a ainsi conclu que les
électeurs avaient eu véritablement le choix lors de ces élections,
mais que le Président sortant et le parti au pouvoir avaient bénéficié
d’un avantage indu, y compris dans les médias
.
91. À l’issue de l’élection présidentielle, le président sortant,
M. Recep Tayyip Erdoğan, a été réélu au premier tour avec 52,59 %
des voix. Les élections législatives ont permis aux formations politiques
suivantes d’être représentées au sein de la Grande Assemblée nationale:
AKP (42,56 %) et MHP (11,10 %), dans le cadre de l’Alliance populaire;
CHP (22,64 %), İYİ (9,96 %) et Parti de la félicité (1,34 %), dans
le cadre de l’Alliance nationale; et HDP (11,07%). Des 600 membres
élus, 104 sont des femmes.
92. Le 19 juillet 2018, les rapporteurs se sont félicités de la
décision des autorités turques de lever l’état d’urgence, les exhortant
à restaurer les libertés fondamentales et à s’assurer que les lois
à venir soient conformes aux normes du Conseil de l’Europe. La Présidente
de l’Assemblée, Mme Maury Pasquier, a
salué la fin de la dérogation, dans le cadre de l'état d’urgence
en Turquie, au titre de l'article 15 de la Convention européenne
des droits de l’homme, notifiée le 8 août 2018.
2.2.10. Ukraine
93. Le 25 avril 2018, Mme Dzhema
Grozdanova (Bulgarie, PPE/DC) a remplacé M. Axel Fischer (Allemagne, PPE/DC)
en qualité de corapporteure. Par ailleurs, M. Alfred Heer (Suisse,
ADLE) a succédé le 11 octobre 2018 à M. Eerik-Niils Kross (Estonie,
ADLE). Sur autorisation de la commission de suivi, ce dernier a
effectué une visite d’information en Ukraine du 19 au 21 mars 2018.
Mme Grozdanova et M. Heer se sont, pour
leur part, rendus dans ce pays du 19 au 21 novembre 2018.
94. Sur le plan politique, l’ensemble des formations ont débuté
relativement tôt leur campagne pour les élections présidentielle
et législatives qui se tiendront en 2019. À l’heure actuelle, cette
campagne ne s’est pas traduite par une moindre fragmentation de
la vie politique, au sein de laquelle un puissant système d’intérêts oligarchiques
continue de prospérer, dans un contexte de corruption généralisée.
Dans sa
Résolution 2145 (2017) sur le fonctionnement des institutions démocratiques
en Ukraine, l’Assemblée a dit s’inquiéter du durcissement du discours
et de l’environnement politiques.
95. Dans ce contexte et dans la perspective des élections de 2019,
l’adoption d’un Code électoral unifié par la Verkhovna Rada, avant
la tenue des scrutins, comme l’ont recommandé tant l’Assemblée que
la Commission de Venise serait hautement souhaitable. Parallèlement,
la nécessité de parvenir à «une composition équilibrée de la Commission
électorale centrale (…) grâce à une représentation proportionnelle équilibrée
de tous les groupes parlementaires», comme l’a rappelé l’Assemblée
dans sa
Résolution 2203 (2018) sur la procédure de suivi de l’Assemblée (janvier-décembre
2017), devrait être partagée par l’ensemble des forces politiques.
96. Par ailleurs, l’ancien corapporteur, M. Kross, a recommandé
aux autorités ukrainiennes de profiter de la révision en cours du
Règlement intérieur de la Verkhovna Rada, pour y introduire un ensemble
de droits clairs pour l’opposition, qui, de l’avis général, étaient
mieux réglementés avant la précédente réforme de 2010.
97. Alors que les organisations de la société civile avaient joué
un rôle déterminant dans le mouvement Euromaïdan, l’espace politique
qui leur est désormais alloué s’est restreint, en particulier pour
les organisations et les personnes qui participent à la lutte contre
la corruption. Au-delà des cas de harcèlement et d’attaques de militants
de la société civile par des groupes d’extrême-droite indiqués par
des représentants d’ONG au corapporteur, la Verkhovna Rada a imposé,
le 3 mars 2017, aux militants de la lutte contre la corruption de
remplir la même déclaration électronique de patrimoine que les agents
publics sont tenus de renseigner. Ce dispositif est toujours en
vigueur malgré le dépôt de deux projets de loi (nos 6674
et 6675) visant à modifier ce système de déclaration et les militants
de la lutte contre la corruption ont été obligés de la remplir avant
le 1er avril 2018. À cet égard, tant
le système mis en place le 3 mars 2017 que les dispositions des
projets de loi nos 6674
et 6675 ont fait l’objet de sévères critiques
de la Commission de Venise saisie
pour avis par la commission de suivi. L’actuelle position de la
Verkhovna Rada, notamment son refus de différer l’entrée en vigueur
de l’obligation de déclaration imposée aux militants de la lutte
contre la corruption, suscite des interrogations quant à la volonté
de la majorité au pouvoir de favoriser l’instauration d’un climat
politique dans lequel les organisations de la société civile peuvent
remplir leurs fonctions démocratiques. À ce titre, cette position
doit être condamnée.
98. Dans sa
Résolution
2145 (2017), l’Assemblée s’était félicitée de la mise en place de
la plupart des structures anticorruption, mais s’était inquiétée
du caractère limité des résultats concrets de ces réformes et de
leur lenteur. Ce constat demeure pertinent. Ainsi, la proposition
de loi visant à créer une juridiction spécialisée, la Haute Cour
anticorruption (HCAC), a fait l’objet d’un avis de la Commission
de Venise, dont les recommandations sur plusieurs questions fondamentales,
en particulier les modalités de nomination de ses juges et le périmètre
de ses compétences, n’ont, à ce jour, pas été suivies. Par ailleurs,
les principales institutions en matière de lutte contre la corruption,
le Bureau national de lutte contre la corruption (NABU) et le Bureau
du procureur spécialisé dans la lutte contre la corruption, ont
dû affronter le Bureau du procureur général, M. Loutsenko, un proche
allié du Président Porochenko, dans le cadre de conflits réguliers
de compétence. Ainsi, lorsque le NABU a lancé une enquête pour corruption
au sein du parquet, le procureur général a ordonné l’arrestation
de plusieurs enquêteurs du NABU. Enfin, l’Agence nationale pour
la prévention de la corruption, notamment en charge de recueillir
les déclarations de patrimoine des agents publics, a procédé à un
nombre très faible de vérifications (3 000 à la mi-2017) et encore
plus faible de transmissions au NABU pour enquête (10). Le corapporteur
n’a, malheureusement, noté aucun progrès en la matière durant sa visite.
99. La poursuite de ces développements négatifs et l’absence de
résultats tangibles dans la lutte contre la corruption pourraient
mettre un coup d’arrêt à l’ensemble du programme de réformes du
pays, voire anéantir les progrès réalisés.
100. Concernant la loi sur l’éducation adoptée par la Verkhovna
Rada le 5 septembre 2017 et dont l’article 7, qui régit l’utilisation
de la langue officielle et des langues minoritaires dans le système
éducatif, a été critiqué, le corapporteur a insisté auprès de ses
homologues sur le fait qu’introduire des dispositions limitant les
droits acquis à l’enseignement dans la langue maternelle d’une aussi
large partie de la population, en l’espèce russophone de naissance,
pourrait avoir un impact négatif sur la stabilité et l’unité sociale
du pays et le rendre encore plus vulnérable à la propagande et à
l’ingérence russes.
101. Par ailleurs, les corapporteurs de la commission de suivi
ont, le 18 mai 2018, condamné l’ouverture d’un pont sur le détroit
de Kertch entre la Russie et la Crimée annexée illégalement, en
indiquant qu’en l’absence de consentement de l’Ukraine, la construction
de ce pont violait son intégrité territoriale et sa souveraineté
. Le 25 novembre 2018,
des navires de la marine de la Fédération de Russie ont capturé,
en faisant usage de la force, deux navires de la marine ukrainienne
et un remorqueur qui tentaient de franchir le détroit de Kertch. Cette
capture est intervenue en violation du droit international, y compris
l'accord de 2003 entre la Russie et l'Ukraine garantissant le droit
à naviguer librement pour les navires des deux nations à travers
le détroit de Kertch et dans la mer d'Azov. Ces actions ont été
décriées par l'Ukraine comme un acte clair d'agression militaire
de la Fédération de Russie et condamnées par la communauté internationale,
y compris la Présidente de l'Assemblée et les deux corapporteurs
pour l'Ukraine qui ont réitéré leur appui ferme à la souveraineté
et à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, y compris la liberté
de naviguer librement et sans entrave dans ses propres eaux territoriales.
Malheureusement, et en dépit des appels internationaux à restituer
à l’Ukraine ses trois navires et à remettre à cette dernière ses
24 marins capturés, dont six d’entre eux ont été blessés dans cet incident,
la Fédération de Russie, à l’heure où ce rapport était rédigé, continue
de refuser de le faire.
2.3. Pays
engagés dans un dialogue postsuivi
2.3.1. Bulgarie
102. Les corapporteurs se sont rendus
dans le pays du 3 au 5 octobre 2018. Au cours de leur visite, ils
ont mis l'accent sur le fonctionnement du pouvoir judiciaire et
sur sa réforme; sur les amendements au Code pénal et la lutte contre
la corruption de haut niveau et le crime organisé; sur la liberté
des médias ainsi que sur différents aspects des droits de l’homme,
y compris la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits
de l’homme, les droits des minorités, des réfugiés et des demandeurs
d’asile et les droits des femmes.
103. Les amendements à la loi sur le système judiciaire ont répondu
à la majorité des problèmes recensés dans la
Résolution 1915 (2013). Ils ont prévu la création de deux chambres de juges
et de procureurs distinctes au sein du Conseil supérieur de la magistrature
et établi des procédures plus transparentes pour la nomination, l’évaluation
et la promotion des juges. En outre, les pouvoirs de l'inspection
ont été renforcés pour inclure la vérification des conflits d'intérêts
et des biens personnels des magistrats, ainsi que de leur intégrité professionnelle.
104. En janvier 2018, le parlement a adopté une nouvelle loi sur
la lutte contre la corruption et la confiscation des avoirs. Il
a créé une nouvelle agence unique contre la corruption – la Commission
anticorruption et de confiscation des avoirs – chargée de vérifier
les conflits d'intérêts et les avoirs privés des hauts fonctionnaires, d'enquêter
sur les allégations de corruption parmi ces fonctionnaires, d'établir
des garanties pour la prévention de la corruption et de mettre en
place des procédures pour la saisie et la confiscation des avoirs
illicites.
105. Le 8 octobre 2018, les corapporteurs sur la Bulgarie ont publié
une déclaration à la suite du meurtre brutal de la journaliste d'investigation
Viktoria Marinova, appelant les autorités bulgares à mener une enquête exhaustive
et à traduire leurs auteurs en justice
.
2.3.2. Monténégro
106. Les corapporteurs ont participé
à la mission d’observation de l’élection présidentielle du 15 avril
2018, en tant que membres ex officio de
la commission ad hoc de l’Assemblée.
107. Le 10 octobre 2018, M. Anne Mulder (Pays-Bas, ADLE) a succédé
à M. Andrea Rigoni (Italie, SOC) en tant que corapporteur.
108. Les enseignements tirés par la commission ad hoc de l’élection
présidentielle revêtent, au-delà de leur contenu propre, un intérêt
particulier, dans la mesure où les réformes concernant le processus
électoral font partie de celles, qui, si elles n’étaient pas menées,
pourraient justifier la réouverture de la procédure de suivi générale
à l’égard du Monténégro, aux termes du paragraphe 13.2 de la
Résolution 2030 (2015) sur le respect des obligations et des engagements de
ce pays.
109. D’après la commission électorale d’État, le taux de participation
s’est élevé à 63,92 %. M. Milo Ðukanović, ancien Premier ministre
et ancien Président, a été élu au 1er tour
avec 53,90 % des voix, parmi sept candidats, dont une femme. Le
principal concurrent de M. Ðukanović, M. Mladen Bojanić a recueilli 33,40 %
des suffrages.
110. À l’issue du scrutin, la commission ad hoc a conclu que cette
élection «a respecté les libertés fondamentales, que le scrutin
a été bien organisé et les électeurs avaient le choix entre un large
éventail de candidats. Concernant la campagne électorale, des cas
d’utilisation abusive des ressources publiques et des allégations
crédibles de pressions exercées sur les électeurs en faveur du candidat
du parti au pouvoir ont été signalés. La commission ad hoc a souligné
qu’il s’agissait hélas de problèmes récurrents au Monténégro, au même
titre que les allégations crédibles d’achat de voix et de recrutement
d’agents publics en période électorale»
.
111. Parmi les sujets qui ont retenu son attention, la commission
ad hoc a notamment indiqué qu’en dépit des recommandations antérieures
de la Commission de Venise, la loi électorale ne contenait aucune
disposition relative à l’impartialité et au professionnalisme des
organes chargés d’administrer les élections; que la condition de
résidence de 24 mois sur le territoire monténégrin pour pouvoir
voter était contraire au Code de bonne conduite en matière électoral
de la Commission de Venise car d’une durée trop longue
; et que les dispositions
relatives à la présentation des candidats avaient, elles aussi,
fait l’objet de recommandations régulières de la Commission de Venise
en vue de les rendre plus conformes au Code de bonne conduite
.
112. Par ailleurs, la commission ad hoc a rappelé que la législation
électorale avait fait l’objet de profondes réformes depuis 2014
et qu’un groupe de travail parlementaire en avaient proposé de complémentaires
qui n’avaient pu être adoptées par le parlement, la majorité requise
des deux tiers n’ayant pu être obtenue en raison du boycott de l’opposition.
113. De manière générale, le boycott du parlement a partiellement
pris fin, plusieurs formations d’opposition ayant décidé de participer
à nouveau à ses travaux.
2.3.3. «L’ex-République
yougoslave de Macédoine»
114. Les corapporteurs se sont rendus
dans le pays du 18 au 20 juin 2018 au moment de la signature, le 17 juin
2018, par «l’ex-République yougoslave de Macédoine» et la Grèce,
d’un «accord sur le nom»
, également
appelé «Accord de Prespa». Les rapporteurs se sont félicités de
ce résultat qui permettrait de mettre un terme à un contentieux
vieux de 27 ans. Cet accord traite d’un large éventail de questions
comme celles du nom de l’État, qui deviendrait «République de Macédoine
du Nord», du nom des nationaux («Macédonien(ne)/citoyen(ne) de la
République de Macédoine du Nord») ou du nom de la langue officielle («langue
macédonienne»). Il vise également à clarifier des débats historiques,
en particulier dans les domaines archéologique et patrimonial, qui
sont en fait liés à des questions identitaires. De manière générale,
il a pour objet non seulement de normaliser les relations entre
«l’ex-République yougoslave de Macédoine» et la Grèce, mais, au-delà,
de créer des relations de confiance et de bon voisinage.
115. La réception de cet Accord en droit macédonien implique l’adoption
d’amendements constitutionnels, qui doivent être adoptés, selon
l’Accord lui-même (article 4), avant la fin de l’année 2018, tandis
qu’il appartient à la Grèce de le ratifier «rapidement».
116. Au-delà de son caractère historique pour ses signataires,
sa mise en œuvre permettrait également de mettre un terme au blocage
de la Grèce à l’entrée de «l’ex-République yougoslave de Macédoine»,
devenue «République de Macédoine du Nord», dans l'Organisation du
Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et l’Union européenne. Cette
dernière a d’ailleurs décidé de procéder en juin 2019 à une «ouverture
sous conditions» des négociations d’adhésion.
117. Cet accord a recueilli le soutien de l’ensemble des formations
politiques représentées au parlement, à l’exception du principal
parti d’opposition, le VRMO-DPMNE. Le 20 juin 2018, le parlement
a adopté la loi de ratification par 69 voix pour et aucune contre,
le VRMO-DPMNE s’étant abstenu. Le Président de la République, M. Gjorge
Ivanov, a refusé de la promulguer, la considérant comme contraire
à la Constitution.
118. Cette opposition n’a pas empêché la poursuite du processus
et le 30 juillet 2018, le parlement a décidé d’organiser un référendum
consultatif visant à obtenir l’approbation des électeurs sur le
contenu de l’Accord, sans qu’un consensus ne soit trouvé avec l’opposition
tant sur le caractère consultatif du vote que sur la formulation
de la question à poser aux électeurs
.
119. La consultation s’est tenue le 30 septembre 2018 et a été
observée par une commission ad hoc de l’Assemblée, partie prenante
de la Mission internationale d’observation du référendum (MIOR)
à laquelle participait l’OSCE/BIDDH.
120. La MIOR a considéré que, même si le cadre juridique ne couvrait
pas suffisamment tous les aspects du processus, le référendum avait
été administré de manière impartiale et que les libertés fondamentales
avaient été respectées.
121. Sur un nombre total d’électeurs inscrits d’environ 1,8 million
,
666,344 se sont exprimés. 609 427 ont répondu «oui», 37 687 ont
répondu «non». Le faible taux de participation, nettement inférieur
à 50 % des inscrits, s’explique en partie, selon la commission ad
hoc, par le fait que l’absence d’une réelle campagne organisée en
faveur du «non»
n’a pas
empêché une campagne de boycott menée par une coalition d’associations
citoyennes et deux petites formations politiques. Celles-ci n’ont
pas hésité à employer un discours provocateur. Le manque de clarté
de la question posée et l’absence de lien évident entre l’adoption de
l’Accord et l’obligation d’amender la Constitution ont peut-être
également joué. La délégation ad hoc a d’ailleurs eu l’occasion
de rappeler les dispositions du Code de bonne conduite en matière
référendaire de la Commission de Venise, en particulier le fait
que «l’électeur ne doit pas être appelé à voter simultanément sur plusieurs
questions sans rapport intrinsèque»
.
122. Le Premier ministre, M. Zoran Zaev, a indiqué que cette consultation
n’était pas décisionnelle et a annoncé que la révision constitutionnelle
serait engagée si le «oui» l’emportait, que le taux de participation
soit inférieur ou non à 50 % des électeurs inscrits. Le 19 octobre
2018, le Parlement macédonien est parvenu à adopter, à la majorité
des deux tiers, les amendements constitutionnels.
123. Sur le plan législatif, les corapporteurs ont salué les mesures
prises par les autorités macédoniennes pour réformer le système
judiciaire, renforcer la liberté des médias, réviser la loi électorale,
réformer les services de renseignement et les services secrets,
et prévenir la discrimination. Leur mise en œuvre doit désormais
être observée.
124. De même, la poursuite de la pratique consistant à recourir
aux avis à la Commission de Venise, comme sur le projet de loi relatif
aux discriminations
ou sur la réforme du Conseil judiciaire
et des tribunaux
, est à saluer.
125. Par ailleurs, les corapporteurs ont encouragé les autorités
macédoniennes à veiller à ce que les nouveaux textes législatifs
tiennent compte des recommandations formulées par le GRECO et intensifient leurs
efforts pour lutter contre la corruption, dans le sens indiqué par
ce dernier
.
126. Enfin, les réflexions sur le devenir du Bureau de la Procureure
spéciale, qui enquête actuellement sur les conversations recueillies
au cours d’écoutes téléphoniques illégales, devraient être considérées
comme des efforts supplémentaires pour normaliser le système et
remettre le pays sur la voie des normes européennes. La question
de prolonger son mandat qui s’achèvera en septembre 2019 en fait
partie.
3. Rapport
sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Pologne
127. Le 13 mars 2018, le Bureau
de l’Assemblée a autorisé la prolongation du délai de dépôt du rapport jusqu’au
25 janvier 2019. Le 23 novembre 2018, il a porté ce délai jusqu’au
25 juillet 2019.
128. Le 29 mai 2018, Mme Theodora Bakoyannis
(Grèce, PPE/DC) a succédé à Mme Elisabeth
Schneider-Schneiter (Suisse, PPE/DC) en tant que corapporteure.
129. Le même jour, la commission a tenu un échange de vues avec
les personnalités de haut niveau suivantes: M. Łukasz Piebiak, sous-secrétaire
d’État du ministère de la Justice polonais, M. Dariusz Drajewicz, vice-président
du Conseil national de la magistrature, Mme Zuzanna
Rudzińska-Bluszcz, coordinatrice des recours stratégiques au Bureau
du Commissaire aux droits de l’homme polonais, et M. Gianni Buquicchio, Président
de la Commission de Venise.
4. Examen
périodique sur le respect des obligations découlant de l’adhésion
au Conseil de l’Europe des pays ne faisant pas l’objet d’une procédure
de suivi stricto sensu ni engagés dans un dialogue postsuivi avec
l’Assemblée
130. Comme le prévoit la
Résolution 2018 (2014) sur l’évolution de la procédure de suivi de l’Assemblée,
la commission a poursuivi les examens périodiques sur le respect
des obligations découlant de l’adhésion au Conseil de l’Europe de
tous les pays ne faisant pas l’objet d’une procédure de suivi
stricto sensu ni engagés dans un
dialogue postsuivi. Conformément aux méthodes de travail convenues
par la commission, des rapports d’examen périodique concernant deux
pays (l’Islande et l’Italie) ont été élaborés en 2018. Ces examens
périodiques sont présentés dans les deuxième et troisième parties
du rapport d’activité et leurs principales recommandations sont
reprises dans le projet de résolution figurant dans le présent rapport.
5. Moyens
éventuels de réformer le système de suivi global de l’Assemblée
parlementaire et les méthodes de travail et procédures internes
actuelles de la commission de suivi
131. La procédure de suivi de l’Assemblée
a joué et continue de jouer un rôle important et positif dans le processus
de transformation de nombreux États ayant rejoint le Conseil de
l'Europe durant et après les années 1990. Le travail de suivi demeure
l’une des activités fondamentales de l’Assemblée et devrait perdurer. Cette
reconnaissance n’empêche toutefois pas de réfléchir aux améliorations
qui pourraient être apportées à la procédure en vigueur – ce que
fait régulièrement la commission.
132. Dans le cadre des discussions ayant eu lieu au sein de la
commission ad hoc sur le rôle et la mission de l’Assemblée parlementaire,
créée par le Bureau en décembre 2017, plusieurs délégations nationales
et tous les groupes politiques ont soulevé la question de l’efficacité
et de l’impact de la procédure de suivi de l’Assemblée, ainsi que
celle des méthodes de travail et procédures internes actuelles de
la commission de suivi. Leurs commentaires et propositions ont été
intégrés dans le rapport de la commission ad hoc soumis au Bureau
le 29 juin 2018
.
133. À la suite de l’échange de vues sur ce rapport, le Bureau
a décidé de renvoyer les «propositions visant à réformer le système
de suivi de l’Assemblée dans son ensemble ou les méthodes de travail
et les procédures internes actuelles de la commission de suivi sur
la base de la
Résolution
1115 (1997) (modifiée) pour examen à la commission de suivi et à
la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles
qui devraient agir de concert».
134. Entre-temps, même avant la décision de renvoi prise par le
Bureau, la commission de suivi a lancé son propre processus de réflexion
afin de renforcer l’efficacité et l’effectivité de la procédure
de suivi. Les membres ont tenu plusieurs échanges de vues sur la
base de ma note explicative, dans laquelle je suggérais des propositions
concrètes. Nous sommes arrivés à un consensus sur plusieurs questions.
135. Avant d’arriver à des points concrets, je précise qu’il faut
bien distinguer d’un côté les modifications éventuelles de la
Résolution 1115 (1997) (modifiée) qui concernent les principes généraux de la procédure
de suivi et qui ne peuvent être introduites que par l’Assemblée,
et de l’autre la révision des procédures internes de la commission
mettant ces principes en œuvre. Durant nos discussions dans la commission,
nous avons traité principalement de cette dernière.
5.1. Durée et clôture de la procédure de
suivi
136. Actuellement, 10 pays font
l’objet d’une procédure de suivi
stricto
sensu: l’Albanie (depuis 1995), l’Arménie (depuis 2001),
l’Azerbaïdjan (depuis 2001), la Bosnie-Herzégovine (depuis 2002),
la Géorgie (depuis 1999), la République de Moldova (depuis 1995),
la Fédération de Russie (depuis 1996), la Serbie (depuis 2006),
la Turquie (depuis 2017) et l’Ukraine (depuis 1995)
. En outre, trois pays sont
engagés dans un dialogue postsuivi: la Bulgarie (depuis 2003), le
Monténégro (depuis 2015) et «l'ex-République yougoslave de Macédoine»
(depuis 2000).
137. Sans vouloir remettre en question aucune des procédures de
suivi en cours, il convient de reconnaître que leur durée est considérable
dans certains cas (parfois plus de 20 ans), ce qui est une question
sur laquelle la commission a réfléchi.
138. D’un côté, la durée de la procédure apporte un argument à
ceux qui critiquent le suivi au motif qu’il n’aurait pas un impact
important et que les pays suivis ne feraient pas de progrès notables
en matière de respect de leurs engagements et obligations. De l’autre,
un certain nombre des pays soumis au suivi stricto sensu ou
engagés dans le dialogue postsuivi soulignent qu’ils ne savent pas
toujours clairement ce que l’on attend d’eux afin d’avancer dans
la procédure de suivi, que la portée des présents rapports dépasse
de loin les engagements initiaux et que, dans ces conditions, les
progrès réalisés et les efforts fournis ne sont pas toujours – de
leur point de vue – suffisamment reconnus.
139. La commission ne partage pas le raisonnement des premiers
– en effet, on ne peut nier les progrès marqués accomplis dans la
plupart des pays, ni la contribution de l’Assemblée à ce processus.
En outre, nous avons eu à maintes reprises des retours positifs
des représentants de la majorité au pouvoir comme de l’opposition
dans les pays concernés, engagés dans un dialogue politique avec
l’Assemblée ainsi que son assistance déterminante pour bâtir des
institutions et un environnement démocratiques.
140. Il convient également de souligner qu’il existe de nombreux
exemples de pays qui ne sont plus soumis à la procédure de suivi stricto sensu grâce aux progrès
accomplis: la République tchèque (1997); l’Estonie (1997), la Lituanie
(1997), la Roumanie (1997), la République slovaque (1999), la Croatie
(2000), la Bulgarie (2000), «l'ex-République yougoslave de Macédoine»
(2000), la Lettonie (2001), Monaco (2009) et le Monténégro (2015).
Le postsuivi est terminé pour l’Estonie (2001), la Roumanie (2002),
la Lituanie (2002), la Croatie (2003), la République tchèque (2004),
la République slovaque (2006), la Lettonie (2006) et Monaco (2015).
141. Toutefois, les membres considèrent que les pays sous suivi
ont le droit de disposer de critères clairs pour sortir de la procédure
et que ceux qui font montre de progrès prometteurs devraient en
obtenir la reconnaissance le plus rapidement possible.
142. En conclusion, il y a eu, d’abord un consensus clair que nous
devrions réfléchir, au sein de la commission de suivi, à davantage
de critères clairs et uniformes régissant les évaluations et la
clôture de la procédure de suivi stricto
sensu et du dialogue postsuivi lorsque les derniers engagements
initiaux ont été satisfaits. Deuxièmement, la commission est d’accord
pour dire que les pays ayant réalisé des progrès notables devraient
avoir des perspectives claires pour savoir ce qui doit être fait
pour entamer un dialogue postsuivi ou de voir se clore la procédure
dans son ensemble.
143. À cet effet, il a été convenu que la commission se lance dans
un processus de réflexion sur les critères et concepts qui fondent
la procédure de suivi et ses évaluations. La commission devrait
réfléchir à l’élaboration d’une liste de critères e de normes communs
permettant de clore la procédure de suivi. Cette liste constituerait une
base de réflexion pour les corapporteurs au sujet de pays spécifiques
et offrirait éventuellement des perspectives clairement définies
de sortir de la procédure de suivi.
144. Parallèlement, la commission a accepté que les corapporteurs
pour chaque pays préparent, si possible, en consultation avec les
autorités du pays concerné une liste claire de questions concrètes
à régler et d’actions à mener accompagnées d’un échéancier pour
faire avancer la procédure de suivi. Cette liste – après avoir été examinée
et approuvée par la commission – serait intégrée dans le prochain
projet de résolution accompagnant le rapport sur le pays concerné
et soumise à l’Assemblée pour adoption.
145. Il devrait être clair qu’en aucun cas des mesures propres
à renégocier les engagements et obligations contractés par les pays
concernés ne doivent être prises. Il n’est pas question de revoir
nos normes à la baisse mais nous devons être plus précis dans nos
exigences et offrir une feuille de route sur la marche à suivre.
Cette liste donnerait aux pays concernés des perspectives claires
d’être soumis à la procédure ou d’en sortir.
146. L’identification des mesures concrètes à introduire, en plus
d’un calendrier clair et de perspectives claires concernant la fin
du suivi stricto sensu, constituera
sans aucun doute une forte incitation, au moins pour certains des
pays concernés, à poursuivre leurs efforts. Parallèlement, il faudrait
reconnaître que la réforme des examens périodiques qui est exposée
ci-après, pour tous les États membres permettra à la commission, dans
un certain nombre de cas, de proposer plus facilement le passage
à l’étape suivante de la procédure de suivi.
147. Je suis convaincu que les effets conjugués de cette approche
volontariste et de la mise en place d’un système de rapports de
suivi complets et satisfaisants pour tous les États membres par
la commission permettraient à un certain nombre de pays d’avancer
et d’engager un dialogue postsuivi dans un très proche avenir.
5.2. Examens périodiques
148. Un objectif important de cette
réforme est de faire en sorte que tous les pays bénéficient d’une
égalité de traitement durant la procédure de suivi et qu’il n’y
ait aucune ligne de démarcation arbitraire entre les États membres.
De fait, même si les règles permettent maintenant d’ouvrir une procédure
de suivi
stricto sensu ou de
lancer un rapport individuel sur le fonctionnement des institutions
démocratiques de n’importe quel État membre
,
dans la pratique, ceux-ci sont largement perçus comme une sorte
de «sanction» et sont extrêmement politisés. Ils ne peuvent donc
remplacer pleinement des procédures véritablement égalitaires pour
tous les États membres.
149. Un effort a été fait en ce sens avec la mise en place, en
2014, des examens périodiques des États membres qui ne sont pas
soumis à une procédure de suivi stricto
sensu ni engagés dans un dialogue postsuivi. Si cette
démarche a généralement été saluée comme une avancée importante
pour garantir le suivi de tous les États membres, le processus doit
être consolidé afin d’assurer la pleine égalité entre les États
membres. Jusqu’à présent, 14 pays ont été examinés dans ce cadre:
l’Andorre, la Belgique, la Croatie et Chypre en 2015; l’Autriche,
la République tchèque, le Danemark, la Finlande, la France et l’Allemagne
en 2016; et l’Estonie, la Grèce, la Hongrie et l’Irlande en 2017.
Deux rapports, l’un sur l’Islande et l’autre sur l’Italie, ont été
préparés pour la partie de session de janvier 2019.
150. Malgré leur impact positif, il est évident que le poids politique
des examens périodiques n’est pas comparable à l’importance accordée
aux rapports de suivi, aux débats et aux textes adoptés dans le
cadre de la procédure de suivi stricto
sensu et du dialogue postsuivi. La principale raison
semble liée au format de ces rapports: annexés aux rapports d’activité
et non accompagnés de résolutions spécifiques, ils passent quasiment
inaperçus. Les recommandations adressées à plusieurs pays et incluses
dans une résolution accompagnant un rapport d’activité n’attirent
guère l’attention. Enfin, le mode de sélection (ordre alphabétique) ne
semble pas profiter à l’exercice dans son ensemble. C’est d’autant
plus regrettable que ces rapports sont très souvent excellents et
devraient donner lieu à un véritable examen, à des discussions approfondies
et à un suivi.
151. La commission convient que les examens dits périodiques sont
un outil important pour accroître la valeur ajoutée de la commission,
à condition que la procédure adoptée pour leur préparation et leur
format soient totalement revus. Ils renforceront également la pertinence
de l’Assemblée.
152. La sélection actuelle de pays devant donner lieu à la préparation
d’un rapport au cours de l’année suivante, qui est actuellement
basée sur l’ordre alphabétique, devrait être remplacée par une sélection
fondée sur des raisons de fond. La commission pourrait faire son
choix une fois par an, à la suite d’un débat interne, basé sur les
propositions du président. L’objectif ultime reste d’avoir au fil
du temps des rapports sur tous les États membres.
153. L’ordre et la fréquence de préparation des rapports sur des
pays spécifiques devraient varier selon les développements concernant
ces pays. Cela permettrait à la commission et à l’Assemblée de répondre
aux développements en cours et à l’actualité. Chaque année, la commission
pourrait identifier quatre pays au sujet desquels des rapports seraient
présentés dans les deux années suivantes.
154. En conséquence, un rapport «périodique» serait présenté pendant
la session (en plus des rapports sur les pays faisant l’objet d’un
suivi stricto sensu ou engagés
dans un dialogue postsuivi), accompagné d’une résolution. Il n’y
aurait pas de limite de temps pour la préparation du rapport suivant
sur le même pays sélectionné par la commission.
5.3. Autres questions
155. Les visites des corapporteurs
devraient en principe être effectuées lorsque les développements
justifient leur présence dans le pays concerné. Cela permettra d’éviter
l’organisation de visites improductives, ce que je considérerais
comme une mesure positive. En plus, nous n’accaparerons pas le temps
et les efforts des corapporteurs pour des visites dépourvues de
finalité et servant d’alibi aux autorités qui ne manifestent aucune volonté
politique de démocratisation; nous pourrons donc consacrer une plus
grande partie de notre temps limité aux autres États membres.
156. Dans le même temps, les membres, avant d’accepter d’être rapporteur,
devraient être conscients de la forte charge de travail et de la
disponibilité exigées par cette fonction.
157. Il n’est pas question d’abandonner l’approche pays par pays.
L'approche thématique, qui a des caractéristiques de suivi transnational,
a toujours existé au sein de l'Assemblée parlementaire et est systématiquement
appliquée par les commissions compétentes.
158. L’objectif ultime est de suivre tous les pays sur une base
périodique et selon des modalités homogènes.
159. L’évaluation de la procédure de suivi parlementaire est globalement
positive, cela ne fait aucun doute. Cette procédure a été et reste
un mécanisme essentiel à la consolidation des processus démocratiques
dans les États membres du Conseil de l'Europe. La procédure de suivi
est l’une des activités fondamentales de l’Assemblée parlementaire
et il convient de la maintenir et de la renforcer en tenant compte
des nouveaux défis et développements.