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| Doc. 14787 Add.
| 21 janvier 2019
Compatibilité de la charia avec la Convention européenne des droits de l’homme: des États Parties à la Convention peuvent-ils être signataires de la «Déclaration du Caire»?
Commission des questions juridiques et des droits de l'homme
Rapporteur : M. Antonio GUTIÉRREZ,
Espagne, SOC
Origine - Addendum
approuvé par la commission le 21 janvier 2019. 2019 - Première partie de session
1. Introduction
1. Depuis l’adoption du rapport
le 13 décembre 2018
, deux faits nouveaux se sont produits: premièrement,
l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme dans
l’affaire
Molla Sali c. Grèce et,
deuxièmement, le courrier adressé par M. Samad Seyidov, chef de
la délégation azerbaïdjanaise auprès de l’Assemblée parlementaire.
Ces deux éléments conduisent la commission des questions juridiques
et des droits de l’homme à proposer des amendements au projet de
résolution.
2. L’arrêt
de Grande Chambre rendu dans l’affaire Molla Sali c. Grèce
2. L’affaire Molla Sali c. Grèce est examinée
aux paragraphes 32 à 44 de l’exposé des motifs. La Cour européenne
de droits de l’homme («la Cour») a désormais conclu à la violation
par la Grèce de la Convention européenne des droits de l’homme (STE
no 5, «la Convention») (article 14 combiné
avec l’article 1 du Protocole no 1 à
la Convention (STE no 9)), au motif qu’elle
imposait aux personnes appartenant à la minorité musulmane de Thrace
occidentale l’application du droit islamique, jugé discriminatoire.
La Cour a rappelé que la Grèce était à l’époque le seul pays d’Europe
à appliquer la charia à une partie de ses citoyens «contre leur volonté»
et a constaté avec satisfaction que depuis la récente modification
de la législation, le droit grec autorise uniquement l’application
des dispositions de la charia avec le consentement de toutes les
parties concernées.
3. Mais la Cour a également conclu que «[l]es convictions religieuses
d’une personne ne peuvent valablement valoir renonciation à certains
droits si pareille renonciation se heurte à un intérêt public important». Reste
à examiner dans le cadre du processus d’exécution de cet arrêt si
l’égalité de traitement des hommes et des femmes représente un «intérêt
public important» ou dans quelle mesure les croyants de confession musulmane
peuvent volontairement se soumettre à la charia en s’écartant de
ce principe et comment garantir le caractère véritablement volontaire
de ce choix.
4. Il est donc proposé que l’Assemblée appelle les autorités
grecques à exécuter rapidement et pleinement l’arrêt susmentionné
de la Cour, tout en vérifiant si les récentes modifications de la
législation suffisent à satisfaire à l’ensemble des exigences de
la Convention.
3. Le courrier de
M. Samad Seyidov du 14 janvier 2019
5. Le rapporteur a reçu une lettre
datée du 14 janvier 2019 de M. Samad Seyidov, chef de la délégation azerbaïdjanaise
auprès de l’Assemblée parlementaire. Dans cette lettre, M. Seyidov
rappelle que «l’Azerbaïdjan a été admis en qualité de membre de
l'Organisation de la coopération islamique (OCI) en 1991», après
l’adoption de la Déclaration du Caire sur les droits de l’homme
en Islam en 1990. Il ajoute que «l’Azerbaïdjan n’avait pas pris
part à l’élaboration, la coordination et l’adoption de cette déclaration»
et que cet État ne peut de ce fait être considéré comme signataire
de celle-ci.
6. Bien que l’Albanie ne soit pas mentionnée dans cette lettre,
elle se trouve probablement dans une situation similaire.
7. Il convient cependant de noter que le préambule du
Statut
de la Commission permanente indépendante des droits de l’homme (CPIDH), adopté en 2011 par le Conseil des ministres
des Affaires étrangères de l’OCI, mentionne expressément la Déclaration
du Caire de 1990 et «les dispositions des articles 5 et 15 de la
charte de l’OCI, qui stipulent: “La Commission permanente indépendante
des droits humains favorise les droits civiques, politiques, sociaux
et économiques consacrés par les conventions
et
déclarations de l’Organisation, ainsi que par les autres
instruments universellement reconnus, en conformité avec les valeurs
islamiques”»
. Les termes en
italiques englobent clairement la Déclaration du Caire.
8. Comme tous les États membres de l’OCI ont participé à l’adoption
du Statut de la CPIDH, l’Azerbaïdjan et l’Albanie ont convenu d’utiliser
la Déclaration du Caire comme un des textes de référence de ses
activités, en souscrivant à la promotion des principes et des droits
qu’elle consacre.
9. La lettre de M. Seyidov mentionne également le processus de
révision actuellement en cours au sein de la CPIDH pour actualiser
la Déclaration du Caire, qui sera renommée «Déclaration des droits
de l’homme de l’OCI». Il importe d’encourager tous les États membres
du Conseil de l’Europe qui sont également membres de l’OCI à prendre
part à ce processus de révision, afin de veiller à ce que la future
Déclaration des droits de l’homme de l’OCI soit pleinement compatible
avec la Convention européenne des droits de l’homme, qui est contraignante
pour l’ensemble des États membres du Conseil de l’Europe. Les États
dont le parlement jouit du statut de partenaire pour la démocratie
auprès de l’Assemblée devraient également être encouragés à prendre part
à ce processus.
10. Il est par conséquent proposé d’amender le projet de résolution
en ce sens et de modifier le titre du rapport, de manière à le raccourcir
et à le simplifier.
4. Amendements proposés
Amendement A
Remplacer le titre du rapport par le titre suivant:
«La charia, la Déclaration du Caire
et la Convention européenne des droits de l’homme»
Amendement B (au projet de résolution)
Dans le paragraphe 4, dernière phrase, remplacer les mots
«soient signataires de» par les mots:
«aient avalisé, expressément
ou implicitement,»
Amendement C (au projet de résolution)
Dans le paragraphe 11.2, remplacer les mots «à admettre que
la Convention est un instrument international contraignant» par
les mots suivants:
«à prendre
part au processus de révision de la Déclaration du Caire engagé
par l’OCI, afin de veiller à ce que la future Déclaration des droits
de l’homme de l’OCI soit compatible avec les normes universelles des
droits de l’homme et la Convention européenne des droits de l’homme,
qui est contraignante»
Amendement D (au projet de résolution)
Supprimer le paragraphe 12.1 et ajouter les mots suivants
à la fin de la première phrase du paragraphe 12:
«à envisager de prendre leurs distances avec la Déclaration
du Caire de 1990 en:»
Et remplacer les mots «à utiliser» par le mot «utilisant»
dans le nouveau paragraphe 12.1 et remplacer les mots «à envisager»
par le mot «envisageant» dans le nouveau paragraphe 12.2.
Amendement E (au projet de résolution)
Dans le paragraphe 13.1, remplacer les mots «à vérifier si
cette modification» par les mots suivants:
«à exécuter rapidement et pleinement
l’arrêt de Grande chambre rendu par la Cour européenne des droits
de l’homme dans l’affaire Molla Sali c. Grèce et, en particulier,
à vérifier si la modification susmentionnée»