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Rapport | Doc. 14900 | 06 juin 2019

Renforcer le processus décisionnel de l'Assemblée parlementaire concernant les pouvoirs et le vote

Commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles

Rapporteure : Mme Petra De SUTTER, Belgique, SOC

Origine - Renvoi en commission: Renvoi 4400 du 9 octobre 2018. 2019 - Troisième partie de session

Résumé

Lors de sa 129e Session à Helsinki, le Comité des Ministres a accueilli positivement l’appel lancé par l’Assemblée parlementaire dans sa Résolution 2277 (2019) et sa Recommandation 2153 (2019) «Rôle et mission de l'Assemblée parlementaire: principaux défis pour l'avenir» en faveur du renforcement du dialogue politique et des synergies entre les deux organes statutaires, notamment par la mise en place, en complément des procédures existantes, d’une action coordonnée lorsqu’un État membre manque à ses obligations statutaires ou ne respecte pas les valeurs et les principes fondamentaux défendus par le Conseil de l’Europe.

Afin de prendre en compte la décision du Comité des Ministres, ainsi que le contexte exceptionnel qui a conduit à celle-ci, l’Assemblée est invitée à examiner l’opportunité:

  • d’inviter les parlements des États membres du Conseil de l'Europe qui ne sont pas représentés à l’Assemblée à présenter les pouvoirs de leur délégation dans le courant de la partie de session de l’Assemblée de juin 2019, par dérogation à certains articles du Règlement de l’Assemblée;
  • de clarifier la liste des droits de participation et de représentation des membres aux activités de l’Assemblée et de ses organes pouvant faire l’objet d’une suspension ou d’une privation par l’Assemblée, lorsqu’elle se prononce sur une contestation ou un réexamen des pouvoirs des délégations.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission le 3 juin 2019.

(open)
1. Alors qu’elle célèbre son 70ème anniversaire, l’Assemblée parlementaire réaffirme son engagement à promouvoir résolument, en tant qu’organe statutaire du Conseil de l'Europe, les buts de l’Organisation, tels qu’ils sont énoncés dans le Préambule et aux articles 1 et 3 du Statut du Conseil de l'Europe (STE no 1). Elle rappelle ses nombreuses résolutions qui ont visé, au cours des dernières décennies, tant à renforcer ses capacités d’action en la matière qu’à prendre position sur le manque de respect par les États membres concernés des obligations statutaires auxquelles ils ont souscrit en adhérant au Conseil de l'Europe.
2. Ainsi qu’elle l’a régulièrement fait dans le passé, l’Assemblée entend utilement s’interroger sur la cohérence, la pertinence, l’efficacité et la légitimité de ses procédures et de ses mécanismes au regard des buts qu’elle s’est fixés. Elle peut juger nécessaire de faire évoluer sa pratique et d’adapter ses règles si une révision de ses procédures et de ses mécanismes s’avère indispensable pour mieux garantir les principes et valeurs qui sont le «patrimoine commun des peuples» d’Europe et assurer une meilleure défense des valeurs fondamentales du Conseil de l'Europe – la démocratie, l’État de droit et les droits de l'homme.
3. L’Assemblée se félicite des contributions qui ont été présentées, en grand nombre, par ses délégations parlementaires et ses groupes politiques dans le cadre de la commission ad hoc sur le rôle et la mission de l’Assemblée parlementaire instituée par le Bureau en décembre 2017, qui ont révélé l’attachement profond des délégations et des groupes politiques aux valeurs et principes fondamentaux du Conseil de l'Europe, à leur promotion, à leur protection et au suivi de leur respect par les États membres. Elle prend note avec grande satisfaction du soutien qui s’est incontestablement manifesté en faveur des mécanismes de supervision existants qu’elle a développés depuis plus de 25 ans pour garantir le respect par les États membres des principes et valeurs du Conseil de l'Europe, des obligations statutaires et des engagements qu’ils ont souscrits en adhérant au Conseil de l'Europe.
4. L'Assemblée prend en considération la décision adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe lors de sa 129e session (Helsinki, 17 mai 2019) sur «Une responsabilité partagée pour la sécurité démocratique en Europe – Garantir le respect des droits et obligations, principes, normes et valeurs». Elle se félicite de l'accueil positif réservé par le Comité des Ministres à son appel en faveur d'un dialogue politique renforcé entre le Comité des Ministres et l'Assemblée parlementaire, et qu’il ait reconnu la nécessité urgente de développer des synergies et de prévoir une action coordonnée des deux organes statutaires, compte tenu de leurs mandats respectifs. L’Assemblée se félicite ainsi du soutien encourageant du Comité des Ministres à la proposition qu’elle a formulée dans sa Résolution 2277 (2019) et sa Recommandation 2153 (2019) «Rôle et mission de l'Assemblée parlementaire: principaux défis pour l'avenir» de mettre en place, en complément des procédures existantes, une procédure de réaction conjointe qui pourrait être engagée à l’initiative de l’Assemblée parlementaire, du Comité des Ministres ou du Secrétaire Général, «afin de renforcer la capacité de l'Organisation d’agir plus efficacement lorsqu'un État membre manque à ses obligations statutaires ou ne respecte pas les valeurs et les principes fondamentaux défendus par le Conseil de l'Europe». Pour sa part, l'Assemblée est fermement déterminée à rendre cette proposition opérationnelle dans les meilleurs délais.
5. L’Assemblée prend également note de ce que le Comité des Ministres «eu égard à l’importance des élections du/de la Secrétaire Général(e) et de juges à la Cour européenne des droits de l’homme, apprécierait vivement que les délégations de tous les États membres participent à la prochaine partie de Session de juin de l’Assemblée parlementaire».
6. L’Assemblée rappelle que, aux termes des dispositions de son Règlement, en pleine conformité avec le Statut du Conseil de l'Europe, le mandat des délégations des parlements nationaux à l’Assemblée prend effet à l’ouverture de la session ordinaire, après que les pouvoirs déposés ont été ratifiés.
7. Prenant en compte la décision du Comité des Ministres à Helsinki, ainsi que le contexte exceptionnel qui a conduit à celle-ci, l’Assemblée décide, par dérogation aux articles 6.1 (dernière phrase) et 6.3 de son Règlement, relatifs à la transmission des pouvoirs des délégations nationales au/à la Président(e) de l’Assemblée et à leur ratification par l’Assemblée, et à l’article 11.3 relatif aux désignations à la suite d’élections législatives, d’inviter les parlements des États membres du Conseil de l'Europe qui ne sont pas représentés par une délégation à l’Assemblée à présenter les pouvoirs de leurs représentants et suppléants dans le courant de la partie de session de l’Assemblée de juin 2019. Ces pouvoirs seront soumis à la ratification de l’Assemblée à la séance qui suit immédiatement leur transmission.
8. L’Assemblée constate avec le Comité des Ministres que les États membres du Conseil de l'Europe sont autorisés «à participer sur un pied d’égalité dans les deux organes statutaires du Conseil de l’Europe», dans les termes fixés par les articles 14, 25 et 26 du Statut du Conseil de l'Europe. Elle rappelle sa Résolution 2277 (2019) dans laquelle elle souligne que l'adhésion au Conseil de l'Europe implique l'obligation de tous les États membres de participer aux deux organes statutaires. À cet égard, elle rappelle que l’ensemble des délégations parlementaires bénéficient en vertu de son Règlement des mêmes droits et sont soumises aux mêmes obligations en application de procédures qui s’appliquent de manière égale à toutes.
9. Ainsi, l’Assemblée rappelle qu’elle peut décider, en application de l’article 10.1.c de son Règlement, de prendre des mesures collectives à l’encontre de ses membres par la privation ou la suspension de l’exercice de certains droits de participation et/ou de représentation aux activités de l’Assemblée et de ses organes, fondées sur des manquements ou des violations des dispositions de son Règlement ou du Statut du Conseil de l'Europe, et ce dans le cadre de la procédure de contestation ou de réexamen des pouvoirs des délégations nationales pour des raisons formelles ou substantielles.
10. L’Assemblée rappelle que le Règlement de l’Assemblée n’établit aucune liste des droits de participation et de représentation des membres aux activités de l’Assemblée et de ses organes pouvant faire l’objet d’une suspension ou d’une privation par l’Assemblée. Il appartient à l’Assemblée, lorsqu’elle se prononce par voie de résolution sur une contestation ou un réexamen des pouvoirs, de déterminer les droits concernés. Toutefois, afin de garantir la cohérence du cadre juridique interne de l’Organisation, l’Assemblée, dans ses décisions, doit continuer à respecter le Statut du Conseil de l’Europe et tenir dûment compte des décisions prises par le Comité des Ministres. Par conséquent, pour assurer le respect du droit et de l'obligation des États membres d'être représentés et de participer aux deux organes statutaires du Conseil de l'Europe, l'Assemblée décide de compléter l'article 10 de son Règlement, en ajoutant après l’article 10.1.c la précision suivante:
«Les membres ne peuvent être privés du droit de vote, du droit de parole ni du droit d’être représenté à l’Assemblée et dans ses organes, et l’exercice de ces droits ne peut être suspendu, dans le contexte d’une contestation ou d’un réexamen des pouvoirs.»
11. Enfin, l'Assemblée considère que la question de compléter son Règlement s’agissant d’instaurer une procédure permettant de contester les pouvoirs de membres d'une délégation nationale, à titre individuel, pour des raisons substantielles mérite d'être examinée plus avant.
12. L’Assemblée décide que les modifications du Règlement figurant dans la présente résolution entreront en vigueur dès l’adoption de la présente résolution.

B. Exposé des motifs, par Mme Petra De Sutter, rapporteure

(open)

1. Mandat de la commission

1. Lors de sa réunion du 29 juin 2018, le Bureau de l’Assemblée parlementaire a pris note du rapport de la commission ad hoc du Bureau sur le rôle et la mission de l’Assemblée parlementaire 
			(2) 
			Voir
le mémorandum révisé préparé par le Président de l’Assemblée (document
AS/Bur/MR-PA (2018) 06 rév, 5 juin 2018, déclassifié) ainsi que
le rapport de la commission ad hoc (document AS/Bur/MR-PA (2018)
08, 28 juin 2018). et a décidé de le transmettre à la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles afin qu’elle examine, dans le cadre d’un rapport à présenter à la partie de session de l’Assemblée d’octobre 2018, «les propositions visant à conserver, modifier ou à compléter le Règlement régissant la ratification ou la contestation des pouvoirs et/ou les droits de représentation ou de participation des délégations nationales pour rapport» ainsi que «les propositions portant sur les droits de vote des membres ou sur les procédures de vote de l’Assemblée».
2. Rappelons que la commission ad hoc, instituée par une décision du Bureau du 15 décembre 2017, avait pour objectif de mener une réflexion associant le plus grand nombre possible d’acteurs de l’Assemblée afin d’élaborer des propositions concrètes, relativement à la mise en œuvre des paragraphes 16-18 de la Résolution 2186 (2017) sur un appel pour un sommet du Conseil de l’Europe afin de réaffirmer l’unité européenne, et de défendre et promouvoir la sécurité démocratique en Europe 
			(3) 
			«16. En conséquence,
l'Assemblée décide d'engager, dans le cadre des préparatifs du sommet,
une procédure visant à harmoniser, conjointement avec le Comité
des Ministres, les règles régissant la participation et la représentation des
États membres dans les deux organes statutaires, tout en respectant
pleinement l’autonomie de ces organes. Cette cohérence devrait renforcer
le sens d’appartenance à une communauté et des obligations qui incombent
à chaque État membre. 
			(3) 
			17. Cette réflexion commune
pourrait être menée conjointement par l'Assemblée et le Comité des
Ministres au sein d'un groupe de travail ad hoc qui serait mis en
place par le Comité mixte. Afin de garantir la crédibilité et le
succès de ce processus, l’Assemblée dans son ensemble et chaque
État membre devraient faire le maximum pour que tous les États membres
de l’Organisation soient pleinement représentés dans le cadre de
ce processus, à la fois du côté parlementaire et du côté intergouvernemental
dans le strict respect de leurs obligations et résolutions respectives. 
			(3) 
			18.
Dans l'intervalle, et dans le cadre de la préparation du sommet,
l’Assemblée décide de poursuivre sa propre réflexion sur son identité,
son rôle et sa mission en tant qu’organe statutaire du Conseil de
l'Europe et en tant que forum paneuropéen de dialogue interparlementaire
qui vise à avoir un impact dans tous les États membres du Conseil
de l’Europe. Cette réflexion permettrait aussi à l’Assemblée de
donner sa propre vision de l’avenir de l’Organisation.». La commission ad hoc avait pour mandat:
«– de réfléchir à, et si possible d’élaborer, des propositions visant à harmoniser les règles régissant la participation et la représentation des États membres dans les deux organes statutaires, tout en respectant pleinement l'autonomie des deux organes;
de préparer des propositions concernant le rôle et la mission de l'Assemblée parlementaire en tant qu’organe statutaire du Conseil de l'Europe et en tant que forum paneuropéen de dialogue interparlementaire qui vise à avoir un impact dans tous les États membres du Conseil de l'Europe.»

2. Contexte relatif à l’élaboration du présent rapport

3. Les réflexions de la commission ont été synthétisées dans un rapport qu’elle a approuvé le 20 septembre 2018 
			(4) 
			Doc. 14621, rapport «Renforcer le processus décisionnel de l'Assemblée
parlementaire concernant les pouvoirs et le vote» (rapporteure:
Mme Petra De Sutter, Belgique, SOC). à une quasi-unanimité. Ce rapport a été présenté à l’Assemblée lors de sa partie de session d’octobre 2018; il comportait un projet de résolution proposant:
  • de renforcer la cohérence des procédures de contestation et de réexamen des pouvoirs des délégations nationales pour des raisons substantielles, en fusionnant les actuels articles 8 et 9 du Règlement en un article unique, en unifiant les conditions d’initiation de telles procédures, et en les renforçant;
  • de renforcer la légitimité de l’Assemblée et l’autorité de ses décisions lorsqu’elle se prononce sur une contestation ou un réexamen des pouvoirs d’une délégation nationale, que ce soit pour des raisons formelles ou pour des raisons substantielles, en stipulant que ces décisions requièrent le quorum des membres de l’Assemblée (à savoir un tiers des représentants ou suppléants autorisés à voter) et la majorité des deux tiers des votants;
  • de restreindre la portée des sanctions encourues par les membres des délégations dont les pouvoirs ont été ratifiés mais dont l’exercice de certains droits de participation ou de représentation aux activités de l’Assemblée a été suspendu.
4. Le rapport comportait également un projet de recommandation, rappelant l’attachement de l’Assemblée aux mécanismes et aux procédures qu’elle a développés pour garantir le respect par les États membres des principes et valeurs du Conseil de l'Europe, et par lequel elle invitait le Comité des Ministres à conduire une réflexion sur l’efficacité de ses propres procédures et sa capacité de réagir de manière effective aux violations des obligations statutaires contractées par les États membres, dans l’esprit de la Résolution 2186 (2017) susmentionnée.
5. La commission a présenté ce rapport à l’Assemblée le 9 octobre 2018. Aux termes d’un débat intense et animé, où se sont tout autant exprimés des arguments rationnels que des réactions plus émotionnelles, l’Assemblée décidait de renvoyer le rapport à la commission, après que la rapporteure en ait formulé la demande, face à la division de l’hémicycle et faute d’un contexte serein et dépolitisé pour débattre des propositions de la commission. Depuis, la commission a tenu deux échanges de vues sur ce qu’elle entendait faire du rapport et des propositions qu’il contient, au cours desquels des positions très diverses se sont exprimées. Toutefois, une très nette majorité s’est dégagée au sein de la commission pour ne pas soumettre à l’Assemblée le même rapport que celui qu’elle avait adopté en septembre 2018.
6. La rapporteure considère que le rapport initial comporte certaines propositions utiles et pertinentes, qui traitent de problèmes d’intérêt commun à l’ensemble des États membres et des délégations nationales à l’Assemblée, qu’il serait dommage de perdre. On ne saurait non plus ignorer les contributions formulées par les délégations nationales et les groupes politiques dans le cadre de la commission ad hoc et qui appelaient à améliorer les procédures existantes. Un nouveau rapport mériterait donc d’être soumis à l’Assemblée, à un moment approprié et dans un contexte apaisé, reprenant les propositions qui œuvrent dans le sens d’une plus grande cohérence de l’action de l’Assemblée.
7. Le champ du présent rapport a donc été substantiellement réduit aux seuls points qui pourraient faire encore consensus au sein de la commission, à savoir la question de restreindre la portée des sanctions encourues par les membres des délégations dont les pouvoirs ont été contestés. À cet égard, on rappellera que la commission avait été sollicitée par le Bureau de l’Assemblée en novembre 2018 pour «revoir la liste des droits de participation et de représentation dont l’exercice peut faire l’objet d’une privation ou d’une suspension dans le contexte d’une contestation des pouvoirs en vertu de l’article 10.1.c du Règlement s’agissant du droit de vote dans les procédures d’élection des personnalités par l’Assemblée»; la commission avait approuvé un avis en décembre 2018 clarifiant la question (voir plus loin chapitre 3.4).
8. Le présent rapport n’abordera donc pas les autres points ayant fait l’objet de la réflexion de la commission en septembre 2018.
9. De même, le présent rapport n’examinera pas la question de l’harmonisation des procédures entre le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire et de l’amélioration du dialogue entre les deux organes statutaires autour des mécanismes existants 
			(5) 
			On rappellera que le
Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire ont multiplié
les rencontres, à différents niveaux, ces derniers mois: le Comité
mixte s'est réuni à trois reprises (le 28 juin 2018, le 8 octobre
2018 et le 24 janvier 2019); le Comité présidentiel de l'Assemblée
et le Bureau du Comité des Ministres ont tenu six réunions, les
11 octobre 2018, 13 décembre 2018, 21 janvier 2019, 28 février 2019,
12 avril 2019 et 23 mai 2019 auxquelles a participé le Secrétaire
Général du Conseil de l'Europe.. Il n’y a donc plus lieu de présenter un projet de recommandation au Comité des Ministres.
10. Le rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie «Rôle et mission de l’Assemblée parlementaire: principaux défis pour l’avenir» 
			(6) 
			Doc. 14863 (rapporteur: M. Tiny Kox, Pays-Bas, GUE). dont l’Assemblée a débattu lors de sa partie de session d’avril 2019 comporte un examen détaillé des propositions formulées dans le cadre de la commission ad hoc s’agissant de renforcer le dialogue entre l’Assemblée et le Comité des Ministres. La Résolution 2277 (2019) et la Recommandation 2153 (2019) comportent notamment l’exposé d’une proposition relative à la mise en place, en complément des procédures existantes, d’une procédure de réaction conjointe du Comité des Ministres et de l’Assemblée parlementaire, en plusieurs étapes, lorsqu’un État membre manque à ses obligations statutaires ou ne respecte pas les valeurs et les principes fondamentaux défendus par le Conseil de l’Europe. En outre, dans sa Résolution 2277 (2019), l'Assemblée souligne que «l’adhésion au Conseil de l’Europe entraîne l’obligation pour tous les États membres de participer aux deux organes statutaires». En même temps, l'Assemblée «appelle la Fédération de Russie, conformément à ses obligations statutaires, à présenter une délégation à l’Assemblée et à reprendre le paiement obligatoire de sa contribution au budget de l’Organisation».
11. Lors de sa 129e Session ministérielle (Helsinki, 17 mai 2019), le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe a pris en considération la Recommandation 2153 (2019) de l'Assemblée et a accueilli positivement l’appel de l’Assemblée à un dialogue politique renforcé entre le Comité des Ministres et l’Assemblée, ainsi que la proposition qu’elle a formulée de mettre en place cette procédure de réaction commune. En outre, le Comité des Ministres a rappelé que «tous les États membres doivent être autorisés à participer sur un pied d’égalité dans les deux organes statutaires du Conseil de l’Europe, aussi longtemps que les articles 7, 8 ou 9 du Statut n’auront pas été appliqués». Par ailleurs, «eu égard à l’importance des élections du/de la Secrétaire Général(e) et de juges à la Cour européenne des droits de l’homme, [le Comité des Ministres] apprécierait vivement que les délégations de tous les États membres participent à la prochaine partie de Session de juin de l’Assemblée parlementaire».
12. Il importe que l’Assemblée réagisse à la décision que le Comité des Ministres a adoptée lors de sa 129e Session, intitulée «Une responsabilité partagée pour la sécurité démocratique en Europe – Garantir le respect des droits et obligations, principes, normes et valeurs». Dans ce contexte, le Bureau de l'Assemblée, lors de sa réunion du 23 mai dernier, a chargé la commission du Règlement de tenir compte des décisions du Comité des Ministres dans la préparation du présent rapport. C'est pourquoi, dans le présent rapport et dans le nouveau projet de résolution proposé, je proposerai à la commission un moyen de refléter ces décisions dans le Règlement de l'Assemblée (chapitres 4 et 5 ci-dessous). Mais, avant cela, je voudrais rappeler le cadre juridique et réglementaire qui régit les pouvoirs et les compétences de l'Assemblée.

3. Les pouvoirs et les compétences générales de l’Assemblée parlementaire – rappel

3.1. Dispositions statutaires

13. Le Statut du Conseil de l'Europe (STE no 1) stipule, à l’article 10, que «[l]es organes du Conseil de l’Europe sont: i. le Comité des Ministres; ii. l’Assemblée Consultative (Parlementaire)», et son chapitre V détaille les compétences de l’Assemblée, «l’organe délibérant du Conseil de l’Europe».
14. Aux termes de l’article 1er du Statut, l’Assemblée parlementaire est, au même titre que le Comité des Ministres, l’autre organe statutaire, chargé de contribuer à la réalisation du but du Conseil de l'Europe («Le but du Conseil de l’Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses [États] Membres afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun et de favoriser leur progrès économique et social. Ce but sera poursuivi au moyen des organes du Conseil, par l’examen des questions d’intérêt commun, par la conclusion d’accords et par l’adoption d’une action commune dans les domaines économique, social, culturel, scientifique, juridique et administratif, ainsi que par la sauvegarde et le développement des droits de l’homme et des libertés fondamentales.»)
15. En vertu de l’article 28 du Statut, l’Assemblée adopte son Règlement intérieur, et elle est libre de le modifier. Le Règlement de l’Assemblée découle du Statut de l’Organisation et vient, par des dispositions particulières, préciser les dispositions générales qu’il contient. L'article 28 du Statut confère donc à l'Assemblée la compétence exclusive d’édicter ses propres règles. Le fait que le Statut exige l'inclusion de certains éléments de procédure dans le Règlement ne peut limiter les compétences de l'Assemblée à adopter des règles qu'elle juge nécessaires pour son bon fonctionnement 
			(7) 
			Les articles concernant
la constitution, l’organisation et le fonctionnement de l’Assemblée
(articles 23 à 35 du Statut) ne peuvent pas être modifiés sans son
accord et tout amendement doit être approuvé par l’Assemblée elle-même..

3.2. Dispositions réglementaires

16. Le Statut du Conseil de l'Europe prévoit expressément la compétence de l’Assemblée pour vérifier les pouvoirs de ses membres. Les dispositions des articles 6 et suivants du Règlement relatifs à la composition des délégations nationales et à la vérification des pouvoirs se basent sur les articles 25, 26 et 28 du Statut 
			(8) 
			L’article
28.c du Statut précise que «le Règlement intérieur fixe notamment: … iv. la date et le mode de notification des
noms des Représentants et de leurs Suppléants».. L’Assemblée est souveraine quant aux conditions de représentation des parlements nationaux en son sein.
17. C’est sur l’ensemble de cette base statutaire que l’Assemblée a institué, depuis 1949, une procédure générale de vérification des pouvoirs de ses membres, à l’ouverture de la session annuelle (correspondant aux articles 6.3, 6.4, 7 et 8 du Règlement actuel), ainsi qu’une procédure de contestation des pouvoirs dans le courant d’une session (article 9 du Règlement), étant entendu que c’est sur cette même base statutaire que l’Assemblée a conçu des procédures spéciales de contestation des pouvoirs depuis 1964.
18. Que la contestation des pouvoirs d’une délégation nationale soit fondée sur des raisons formelles (article 7 du Règlement) ou des raisons substantielles (articles 8 et 9), l’article 10 du Règlement de l’Assemblée relatif aux décisions de l’Assemblée sur la contestation ou le réexamen de pouvoirs ne liste que trois alternatives possibles:
«10.1.a. la ratification des pouvoirs, ou la confirmation de la ratification des pouvoirs,
10.1.b. la non-ratification des pouvoirs, ou l’annulation de la ratification des pouvoirs,
10.1.c. la ratification des pouvoirs, ou la confirmation de la ratification des pouvoirs, assortie de la privation ou de la suspension, applicable aux membres de la délégation concernée, de l’exercice de certains des droits de participation ou de représentation aux activités de l’Assemblée et de ses organes.»
19. L’Assemblée peut décider de prendre des mesures collectives à l’encontre de ses membres par la privation ou la suspension de l’exercice d’un certain nombre de droits de participation et/ou de représentation, fondées sur des manquements ou des violations des dispositions de son Règlement ou du Statut du Conseil de l'Europe, et ce dans le cadre d’une procédure, celle de la contestation ou du réexamen des pouvoirs des délégations nationales pour des raisons formelles ou substantielles. Il n’existe pas dans le Règlement de l’Assemblée de procédure de sanction «autonome» à l’encontre d’une délégation ou d’un membre de l’Assemblée (à l’exception de ce qui relève du Code de conduite des membres de l’Assemblée dans ce dernier cas).
20. Le Règlement de l’Assemblée n’établit aucune liste des droits de participation et de représentation pouvant faire l’objet d’une privation ou d’une suspension. L’article 10.1.c du Règlement ne formule les sanctions auxquelles s’exposent les membres d’une délégation qu’en termes généraux et il appartient à l’Assemblée, lorsqu’elle se prononce par voie de résolution sur une contestation des pouvoirs, de déterminer l’étendue de ces sanctions.

3.3. Catalogue des «sanctions» possibles – l’avis de la commission du Règlement de 2014

21. C’est la raison pour laquelle, en avril 2014 (dans le contexte de la décision prise par l’Assemblée de suspendre certains droits de la délégation de la Fédération de Russie (Résolution 1990 (2014)), le Bureau de l’Assemblée avait chargé la commission du Règlement – en vertu de sa compétence générale et exclusive d’interprétation du Règlement (article 70.2) – de clarifier le cadre réglementaire et d’établir un catalogue des droits de représentation et de participation concernés dont les membres peuvent être privés dans le cadre de la contestation ou du réexamen des pouvoirs 
			(9) 
			Par ailleurs, la commission
du Règlement étant obligatoirement saisie pour rapport ou pour avis
de toute contestation des pouvoirs, elle peut également interpréter
l’article 10.1 du Règlement dans ce cadre et déterminer le périmètre
des sanctions susceptibles de s’appliquer aux membres d’une délégation
nationale dont les pouvoirs ont été contestés..
22. À ce jour, il n’existe pas d’autre cadre pour la mise en œuvre de l’article 10.1.c que l’avis au Bureau de l’Assemblée que la commission du Règlement a approuvé le 30 septembre 2014 
			(10) 
			«Privation ou suspension
des droits de participation ou de représentation des membres de
l’Assemblée dans le cadre de la contestation ou du réexamen des
pouvoirs d’une délégation, en application des articles 7, 8 et 9
du Règlement de l’Assemblée», document AS/Pro (2014) 10 def. et qui constitue la seule base encadrant la décision de l’Assemblée lorsqu’elle détermine des mesures restrictives à l’encontre d’une délégation. Cet avis de la commission du Règlement:
  • établit la liste des droits de participation et de représentation des membres aux activités de l’Assemblée et de ses organes pouvant faire l’objet d’une suspension ou d’une privation dans le contexte d’une contestation des pouvoirs – en rappelant toutefois qu’un tel catalogue de mesures ne peut être exhaustif;
  • établit également un cadre général rigoureux afin que la décision de l’Assemblée en matière de privation ou de suspension de droits soit claire, cohérente, rationnelle et compréhensible, à savoir que toute décision de «sanction» de l’Assemblée devra veiller à maintenir une rationalité réglementaire et une cohérence juridique, afin de respecter l’exigence de sécurité juridique qui doit s’appliquer à toute décision de cette importance.
23. Dans son avis, la commission établit la liste suivante de droits attachés à l’exercice du mandat à l’Assemblée, concernant tant les activités de l’Assemblée que celles des commissions, répartis en deux grandes catégories:
i. Les droits de participation comprennent les droits suivants:
  • droit de vote (article 43)
  • droit à la parole (article 35)
  • droit de prendre la parole dans les débats libres (article 39)
  • droit d’amendement (article 34)
  • droit de déposer des propositions de résolution ou de recommandation (comme auteur principal ou comme signataire) (article 25)
  • droit de présenter des déclarations écrites (article 54)
  • droit d’adresser des questions au Comité des Ministres (article 59)
  • droit d’être membre des commissions (article 44)
  • droit d’être désigné rapporteur (article 50)
  • droit de demander un débat selon la procédure d’urgence ou un débat d’actualité (articles 51, 52 et 53)
  • droit d’être candidat à la présidence de l’Assemblée (article 15), à la présidence ou la vice-présidence d’une commission ou d’une sous-commission (articles 46 et 49)
  • droit d’être membre d’une commission ad hoc d’observation des élections.
ii. Les droits de représentation recouvrent la représentation institutionnelle dans les organes de l’Assemblée et celle dans les organes du Conseil de l'Europe et les institutions externes:
  • représentation dans les organes de l’Assemblée: Comité présidentiel, Bureau, Commission permanente (articles 14 et 17)
  • représentation au Comité mixte (article 56)
  • représentation en tant que membre de droit (ex officio) dans les commissions de l’Assemblée (articles 19.5 et 44.1)
  • représentation institutionnelle de l’Assemblée (dans les organes du Conseil de l'Europe, sur décision du Bureau)
  • représentation occasionnelle de l’Assemblée (sur décision du Bureau ou des commissions) à des événements, réunions ou conférences organisés par des organes du Conseil de l'Europe, des organisations internationales ou des assemblées interparlementaires.

3.4. Élections par l’Assemblée et droit de vote des membres de l’Assemblée – l’avis de la commission du Règlement de 2018

24. L’avis de 2014 a été complété par un second avis de la commission, adopté le 10 décembre 2018 
			(11) 
			Liste des droits de
participation et de représentation dont l’exercice peut faire l’objet
d’une privation ou d’une suspension dans le contexte d’une contestation
des pouvoirs en vertu de l’article 10.1.c du Règlement s’agissant
du droit de vote dans les procédures d’élection des personnalités
par l’Assemblée (document AS/Pro (2018) 20 def)., à la demande du Bureau de l’Assemblée qui avait chargé la commission de réexaminer la liste des droits de participation et de représentation des membres de l’Assemblée pouvant faire l’objet d’une privation ou d’une suspension lorsque l’Assemblée se prononce sur une contestation des pouvoirs d’une délégation nationale, «s’agissant du droit de vote dans les procédures d’élection des personnalités par l’Assemblée».
25. Le droit de vote figurait dans l’avis de 2014 au nombre des droits de participation que l’Assemblée peut décider de suspendre ou de retirer à ses membres (voir paragraphe 23). La commission devait donc déterminer si le droit de vote dans les procédures d’élection par l’Assemblée des hauts responsables du Conseil de l'Europe pouvait être exclu de la liste des «sanctions» possibles.
26. En effet, l’Assemblée détient une compétence élective exclusive pour élire les hauts responsables du Conseil de l'Europe: juges à la Cour européenne des droits de l'homme, Commissaire aux droits de l’homme, Secrétaire Général(e) et Secrétaire Général(e) adjoint(e) du Conseil de l'Europe, Secrétaire Général(e) de l’Assemblée parlementaire. Différents textes attribuent à l’Assemblée cette compétence: l’article 36.b du Statut du Conseil de l'Europe, pour la nomination des Secrétaire Général(e) et Secrétaire Général(e) adjoint(e) du Conseil de l'Europe et Secrétaire Général(e) de l’Assemblée parlementaire; l’article 22 de la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5), pour l’élection des juges; et l’article 9 de la Résolution (99) 50 du Comité des Ministres, pour l’élection du Commissaire aux droits de l’homme.
27. On relèvera que les textes précités consacrent la compétence de l’Assemblée, en tant qu’organe statutaire, d’élire ces personnalités. Ils ne confèrent pas aux délégations parlementaires ou aux membres de l’Assemblée, individuellement, un droit de participer à l’élection des hauts responsables de l’Organisation. Cette responsabilité est attachée à un organe du Conseil de l'Europe – l’Assemblée parlementaire – qui l’exerce à travers ses membres.
28. Le Règlement de l’Assemblée organise, pour sa part et par des procédures spécifiques, l’élection de ces personnalités et la participation des membres de l’Assemblée à ces élections 
			(12) 
			Voir en particulier
la procédure pour les élections par l’Assemblée parlementaire adoptée
par le Bureau de l’Assemblée le 5 septembre 2016, ratifiée par l’Assemblée
le 10 octobre 2016 – Règlement de l’Assemblée, p. 161 et suivantes.. Seul le Règlement de l’Assemblée dispose (article 40.11, article 41.b, procédure pour les élections par l’Assemblée parlementaire) que ce sont les membres de l’Assemblée qui sont appelés à voter et prennent part à l’élection de ces personnalités. Cela explique la raison pour laquelle le droit de participer à de telles élections, parce qu’il relève du droit de vote individuel des membres de l’Assemblée, a été considéré au nombre des droits dont la suspension ou la privation pouvait être envisagée en application de l’article 10.1.c 
			(13) 
			Rappelons, à cet égard,
que le droit de vote à l’Assemblée est individuel (article 43 du
Règlement de l’Assemblée) et que les membres de l’Assemblée «exercent
leur mandat de façon libre et indépendante» et «expriment librement
leur opinion, que ce soit par leurs déclarations, leurs discours
ou leur vote, dans toutes leurs activités à l’Assemblée et dans ses
organes» (Résolution
2126 (2016) sur la nature du mandat des membres de l'Assemblée parlementaire)..
29. Dans son avis de 2018, la commission relevait qu’un changement d’approche était motivé par la nécessité de renforcer la cohérence des règles qui s’appliquent au Comité des Ministres et à l’Assemblée parlementaire s’agissant de la représentation et de la participation des États membres dans les deux organes statutaires. La commission constatait que, conformément au principe de la hiérarchie des normes juridiques, bien que le Règlement de l’Assemblée ne contredit, dans aucune de ses dispositions, ni le Statut du Conseil de l'Europe ni la Convention européenne des droits de l'homme, l’application qui en est faite ou l’interprétation qui en est donnée ne devaient aller à l’encontre ni de la lettre ni de l’esprit de dispositions statutaires ou conventionnelles.
30. Ainsi, la commission concluait que l’Assemblée n’avait pas compétence pour interférer avec l’application du Statut du Conseil de l'Europe ou de la Convention européenne des droits de l'homme et, qu’en conséquence, lorsqu’elle décide de mesures de privation ou de suspension de certains droits de participation ou de représentation aux activités de l’Assemblée et de ses organes (article 10.1.c du Règlement), elle ne pouvait pas porter atteinte aux droits de ses membres de prendre part à l’élection des juges à la Cour européenne des droits de l'homme, du/de la Commissaire aux droits de l’homme, du/de la Secrétaire Général(e), du/de la Secrétaire Général(e) adjoint(e) du Conseil de l'Europe et du/de la Secrétaire Général(e) de l’Assemblée parlementaire.

4. Suspension ou privation de certains droits de représentation et de participation – rappel de la proposition formulée par la commission

31. Dans le (premier) rapport qu’elle a soumis à l’Assemblée lors de la partie de session d’octobre 2018 sur «Renforcer le processus décisionnel de l'Assemblée parlementaire concernant les pouvoirs et le vote», la commission, en ayant à l’esprit ce cadre juridique et réglementaire spécifique, invitait l’Assemblée à décider que «la privation ou la suspension de certains droits de participation ou de représentation aux activités de l’Assemblée et de ses organes, énoncée à l’article 10.1.c du Règlement, ne porte pas atteinte aux droits des membres de l’Assemblée de prendre part à l’élection des juges à la Cour européenne des droits de l'homme, du/de la Commissaire aux droits de l’homme, du/de la Secrétaire Général(e) et du/de la Secrétaire Général(e) adjoint(e) du Conseil de l'Europe et du/de la Secrétaire Général(e) de l’Assemblée parlementaire» (paragraphe 9 du projet de résolution) 
			(14) 
			Dans ce rapport, il
était, en outre, précisé clairement que «seuls les membres de l’Assemblée
peuvent prendre part à une élection: dès lors, les membres d’une
délégation qui seraient privés de certains de leurs droits de participation
et de représentation consécutivement à une décision formelle de
l’Assemblée, y compris de leur droit de vote, pourront prendre part
à l’élection des personnalités susmentionnées. En revanche, tout
parlement dont les pouvoirs n’auraient pas été ratifiés par l’Assemblée
ou qui, par choix volontaire, ne serait pas représenté à l’Assemblée
par une délégation, ne peut revendiquer de prendre part à ces élections»..
32. L’exposé des motifs de ce rapport précise, en effet, que «bien que la compétence élective de l’Assemblée relève, dans les faits, de textes d’une valeur juridique différente – du Statut du Conseil de l'Europe pour le/la Secrétaire Général(e), le/la Secrétaire Général(e) adjoint(e) et le/la Secrétaire Général(e) de l’Assemblée parlementaire, de la Convention européenne des droits de l'homme pour l’élection des juges, et d’une résolution du Comité des Ministres pour le Commissaire aux droits de l’homme –, le fait que les procédures de sélection des candidats et de leur élection relèvent d’une compétence conjointe (ou à tout le moins partagée) avec le Comité des Ministres, devrait amener l’Assemblée à exclure du champ des droits de participation susceptibles d’être suspendus le droit d’élire ces personnalités».
33. Au cours de discussions antérieures, la commission avait considéré qu’il n’était pas opportun d’introduire formellement dans le Règlement un catalogue de «sanctions». De l’aveu même de la commission, la liste des droits de participation et de représentation des membres aux activités de l’Assemblée et de ses organes pouvant faire l’objet d’une suspension ou d’une privation dans le contexte d’une contestation des pouvoirs ne peut être exhaustive. Toutefois, la commission pourrait, dans le projet de résolution, formuler le principe que l’Assemblée ne peut introduire d’autres sanctions que celles mentionnées dans cet avis de 2014, complété par l’avis de 2018.
34. Toutefois, depuis lors, le Comité des Ministres a adopté, lors de sa 129e Session ministérielle, une décision mentionnée ci-dessus, stipulant notamment que les États membres du Conseil de l'Europe sont «autorisés à participer sur un pied d’égalité dans les deux organes statutaires du Conseil de l’Europe». Cette décision soutient l'approche adoptée par l'Assemblée dans sa Résolution 2277 (2019), dans laquelle elle a décidé que «l’adhésion au Conseil de l’Europe entraîne l’obligation pour tous les États membres de participer aux deux organes statutaires» (voir paragraphes 10 et 11 ci-dessus).
35. Afin de garantir la cohérence du cadre juridique interne de l’Organisation, l’Assemblée, dans ses décisions, doit continuer à respecter le Statut du Conseil de l’Europe et tenir dûment compte des décisions prises par le Comité des Ministres. Par conséquent, compte tenu de la Décision du Comité des Ministres sur «Une responsabilité partagée pour la sécurité démocratique en Europe – Garantir le respect des droits et obligations, principes, normes et valeurs» et afin d'assurer le respect du droit et de l'obligation des États membres d'être représentés et de participer aux deux organes statutaires du Conseil de l'Europe, la commission pourrait décider de proposer que l'Assemblée intègre dans son Règlement une disposition formelle à l'article 10.1 suivant laquelle les droits de vote, de parole et de représentation des membres à l'Assemblée et dans ses organes ne peuvent être suspendus ou retirés dans le cadre d'une contestation ou d'un réexamen des pouvoirs.
36. Je voudrais noter que cette proposition reflète certaines contributions à la réflexion de la commission ad hoc du Bureau (paragraphe 2) qui ont rappelé que l’Assemblée était un espace commun de dialogue entre les parlementaires issus des États membres du Conseil de l’Europe, et que l'Assemblée ne pouvait rester un forum de dialogue ouvert et constructif qu’à la condition de garantir à tous les représentants des droits égaux en ce qui concerne la participation aux réunions, le droit de parole et le droit de vote.
37. À la lumière des considérations qui précèdent et afin de tenir compte des décisions de l'Assemblée elle-même ainsi que de la décision d'Helsinki du Comité des Ministres, je voudrais demander à la commission de soutenir l'introduction de cette option dans le projet de résolution proposé.

5. Introduire une procédure de contestation des pouvoirs de membres individuels

38. La question de la contestation des pouvoirs non pas d’une délégation dans son ensemble, mais d’un ou plusieurs membres individuels, a été à nouveau récemment évoquée lors des réunions de la commission du Règlement.
39. La commission a eu l’occasion ces dernières années de discuter de l’opportunité de modifier le Règlement s’agissant de donner suite à une demande de contestation des pouvoirs non encore ratifiés, pour des raisons formelles, de membres de l’Assemblée, pris individuellement, dans le contexte de l'article 7, plus particulièrement afin de sanctionner les actes ou les paroles de membres lorsque ceux-ci violent gravement et avec persistance les principes et les valeurs défendues par le Conseil d’Europe 
			(15) 
			Cette
question a été abordée dans le détail par la commission du Règlement
dans son rapport sur l’évaluation de la mise en œuvre de la réforme
de l'Assemblée parlementaire, Doc. 13528 du 6 juin 2014 (rapporteure: Mme Liliana Palihovici,
République de Moldova, PPE/DC)..
40. À l’occasion d’une contestation des pouvoirs intervenue en janvier 2013 
			(16) 
			Voir
l’avis au Président de l’Assemblée parlementaire adopté par la commission
du Règlement, le 22 janvier 2013 (document AS/Pro (2013) 03 def),
suite à la contestation des pouvoirs de M. Tamás Gaudi Nagy et de
Mme Eleni Zaroulia par Mme Fiamma
Nirenstein., la commission du Règlement avait souligné les limites du Règlement actuel, puisque, en pratique, seul le refus d’un membre de signer une déclaration solennelle l’exposerait à voir ses pouvoirs contestés à titre individuel 
			(17) 
			L’article 7.1 du Règlement
ne prévoit que trois raisons formelles qui peuvent fonder une contestation:
le non-respect d’une ou plusieurs dispositions applicables du Statut,
relatives à des obligations formelles (article 7.1.a), le non-respect des
principes de composition des délégations relatifs à la représentation
politique équitable ainsi qu’à la représentation des sexes (article
7.1.b), et l’absence de déclaration solennelle (article 7.1.c).. La commission avait considéré que «le libellé actuel de l’article 7.1.c ne permet pas de contester les pouvoirs d’un membre individuel de manière effective, en particulier s’agissant de sanctionner un membre du fait de ses actions ou de ses déclarations lorsque celles-ci sont gravement contraires et portent atteinte de manière persistante aux principes et valeurs défendus par le Conseil de l'Europe».
41. Dans un rapport de 2005, la commission du Règlement avait déjà examiné la question de la contestation des pouvoirs à titre individuel et analysé en détail les arguments plaidant en faveur ou contre l’introduction d’une procédure visant à empêcher les membres de parlements nationaux qui se seraient expressément identifiés aux activités et aux programmes de partis opposés aux valeurs du Conseil de l’Europe de devenir représentants ou suppléants à l’Assemblée parlementaire 
			(18) 
			Voir
la Résolution 1443 (2005) et le rapport de la commission du Règlement et des immunités
sur la contestation des pouvoirs de membres d’une délégation nationale
auprès de l’Assemblée parlementaire, à titre individuel, pour des
raisons substantielles (Doc. 10494). Voir également la Résolution 1370 (2004) relative à la contestation des pouvoirs de la délégation
parlementaire de Serbie-Monténégro, par laquelle l’Assemblée n’a
pas jugé approprié de refuser la ratification des pouvoirs de la
délégation dans son ensemble pour des raisons concernant certains
de ses membres à titre individuel, estimant qu’une telle décision
pénaliserait la totalité des membres de la délégation et des partis
représentés. L’Assemblée y déplorait que le Règlement ne permette
pas de contester les pouvoirs de membres des délégations nationales,
à titre individuel, pour des raisons de fond telles qu’une violation
grave des principes fondamentaux du Conseil de l’Europe par un ou
plusieurs membres d’une délégation..
42. Dans la Résolution 1443 (2005) sur la contestation des pouvoirs de membres d'une délégation nationale auprès de l’Assemblée parlementaire, à titre individuel, pour des raisons substantielles, l’Assemblée avait alors considéré que «l’adoption de nouvelles dispositions réglementaires permettant de (…) contester à titre individuel les pouvoirs de parlementaires nationaux accusés d’activités ou de déclarations violant avec persistance les principes fondamentaux du Conseil de l’Europe, présenterait un risque d’abus. L’Assemblée n’a nullement intérêt à devenir le théâtre de luttes politiques internes». Elle avait alors décidé d’insérer dans son Règlement une disposition précisant que les pouvoirs des membres d’une délégation nationale ne peuvent être acceptés qu’après la signature d’une déclaration solennelle de chacun d’entre eux, à titre individuel, affirmant leur adhésion aux objectifs et aux principes fondamentaux du Conseil de l'Europe (la Résolution 1503 (2006) sur l’obligation des nouveaux membres de l’Assemblée par rapport aux objectifs et principes fondamentaux du Conseil de l'Europe est venue ajouter un article 6.2.b en ce sens).
43. En 2005-2006, la commission du Règlement avait donc considéré que la contestation des pouvoirs à titre individuel, pour des motifs politiques, risquait de présenter un risque d’abus à des fins de luttes politiciennes, soit internes – entre les partis politiques représentés au parlement national, voire de règlements de compte personnels – soit au niveau de l’Assemblée, en ouvrant la possibilité de prolonger sur le plan procédural des controverses politiques (entre groupes politiques, entre représentants de délégations différentes, etc.); la commission avait jugé que «l’Assemblée n’a aucun intérêt à devenir le champ clos de pareils affrontements».
44. La commission du Règlement pourrait juger utile d’examiner une fois encore la possibilité de modifier le Règlement en instituant une procédure de contestation de pouvoirs de représentants ou de suppléants à titre individuel 
			(19) 
			Lors
de sa réunion du 15 mai 2014, à une courte majorité, la commission
du Règlement avait décidé de ne pas proposer d’instaurer une telle
procédure.. Toutefois, il est bon de rappeler que le code de conduite des membres de l’Assemblée parlementaire et son mécanisme de sanctions sont susceptibles de s’appliquer aux membres qui enfreindraient par leur comportement, leurs actions ou déclarations, leurs obligations en la matière (paragraphe 7 du Code de conduite).

6. Dérogation temporaire à l’application de certaines dispositions du Règlement

45. Si l’Assemblée souhaite prendre en compte la décision du Comité des Ministres à Helsinki, ainsi que le contexte exceptionnel qui a conduit à celle-ci, elle devrait alors inviter les parlements des États membres du Conseil de l'Europe qui ne sont pas représentés par une délégation à l’Assemblée à présenter les pouvoirs de leurs représentants et suppléants dans le courant de la partie de session de l’Assemblée de juin 2019. Pour ce faire, compte tenu des dispositions du Statut du Conseil de l'Europe et de son propre Règlement, qui stipulent que les pouvoirs des délégations parlementaires nationales doivent être déposés avant l’ouverture de la Session Ordinaire pour ratification, l’Assemblée doit décider de déroger à l’application de certains articles: articles 6.1 (dernière phrase) et 6.3, relatifs à la transmission des pouvoirs des délégations nationales au/à la Président(e) de l’Assemblée et à leur ratification par l’Assemblée, et article 11.3 relatif aux désignations à la suite d’élections législatives.
46. Dans le passé, l’Assemblée a pris de telles décisions ad hoc, qui dérogeaient à son Règlement, dans des circonstances politiques exceptionnelles. Tel a été le cas lors de la réintégration de la Grèce au Conseil de l'Europe en novembre 1974: après sept ans d’absence de l’Assemblée (depuis avril 1967), suite au coup d'État militaire et à l’instauration de la Dictature des colonels, et sur la base de l’avis que l’Assemblée avait adopté à la demande du Comité des Ministres (Avis 69 (1974)), l’Assemblée ratifia les pouvoirs d’une nouvelle délégation grecque en janvier 1975 (au cours de la troisième partie de session). Il en a été de même pour la Turquie, dont la délégation a été suspendue en mai 1981 et a fait son retour en janvier 1984 (lors de la troisième partie de session). Dans un contexte très différent, l’Assemblée a dérogé en de nombreuses occasions aux conditions de présentation des pouvoirs à l’ouverture de sa Session Ordinaire, afin d’intégrer au plus vite les délégations parlementaires des nouveaux États membres 
			(20) 
			Par exemple, la délégation
portugaise, dont le pays a adhéré au Conseil de l'Europe en septembre
1976, a présenté ses premiers pouvoirs à la 3e partie
de session de l’Assemblée, en janvier 1977; l’Espagne, État membre
depuis octobre 1977, a présenté les pouvoirs de sa première délégation
lors de la 3e partie de session de l’Assemblée,
en janvier 1978; le Liechtenstein, État membre depuis novembre 1978,
a présenté les pouvoirs de sa première délégation lors de la 3e partie
de session de l’Assemblée, en janvier 1979. La Fédération de Russie,
devenue État membre en février 1996, a présenté les pouvoirs de
sa première délégation lors de la 2e partie
de session de l’Assemblée, en avril 1996..

7. Conclusions

47. La commission du Règlement est invitée à examiner les questions soulevées dans le présent rapport et à examiner l’opportunité:
  • d’inviter les parlements des États membres du Conseil de l'Europe qui ne sont pas représentés par une délégation à l’Assemblée à présenter les pouvoirs de leurs représentants et suppléants dans le courant de la partie de session de l’Assemblée de juin 2019, par dérogation aux articles 6.1 (dernière phrase) et 6.3 du Règlement, relatifs à la transmission des pouvoirs des délégations nationales au/à la Président(e) de l’Assemblée et à leur ratification par l’Assemblée, et à l’article 11.3 relatif aux désignations à la suite d’élections législatives;
  • de modifier l’article 10 du Règlement, s’agissant de clarifier la portée des sanctions encourues par les membres des délégations dont les pouvoirs ont été ratifiés mais dont l’exercice de certains droits de participation ou de représentation aux activités de l’Assemblée a été suspendu ou retiré;
  • d’instaurer une procédure de contestation des pouvoirs des membres à titre individuel.