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Rapport | Doc. 14905 | 07 juin 2019

Mettre fin à la violence à l'égard des enfants migrants et à leur exploitation

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteure : Mme Rósa Björk BRYNJÓLFSDÓTTIR, Islande, GUE

Origine - Renvoi en commission: Doc. 14363, Renvoi 4323 du 13 octobre 2017. 2019 - Troisième partie de session

Résumé :

Le rapport attire l’attention sur les graves menaces qui pèsent sur les enfants migrants au cours de leur périple vers l’Europe ainsi que par les lacunes importantes des politiques et procédures, qui limitent les voies légales de migration en Europe et exposent ces enfants au risque de tomber dans les mains des passeurs et des trafiquants.

Il condamne les pratiques violentes telles que le placement d’enfants migrants en rétention et le recours à des méthodes invasives durant la procédure de détermination de l’âge, qui peuvent avoir des effets dévastateurs sur le développement physique, affectif et psychologique de l’enfant.

Le rapport met en évidence la nécessité, pour les gouvernements des États membres du Conseil de l’Europe, d’adopter une stratégie commune sur les moyens de combattre la violence infligée aux enfants migrants sous toutes ses formes et de garantir une protection complète et étendue de leurs droits fondamentaux.

Les États membres sont exhortés à prendre une série de mesures législatives et de la mise en œuvre de politiques afin de prévenir la violence à l’égard des enfants migrants.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 29 mai 2019.

(open)
1. Les migrants qui arrivent en Europe depuis 2015 comptent parmi eux beaucoup d’enfants, souvent non accompagnés. Les enfants migrent pour échapper à la violence, à un conflit armé, aux persécutions, aux ravages du changement climatique et des catastrophes naturelles et à la pauvreté. Beaucoup de jeunes migrants sont en quête d’opportunités professionnelles ou éducatives. Dans d’autres cas, les enfants quittent leur foyer pour fuir la menace d’un mariage forcé, les mutilations génitales féminines ou la violence fondée sur le genre (pour les filles) ou la conscription (pour les garçons).
2. L’Assemblée est très préoccupée par les graves menaces qui pèsent sur les enfants migrants au cours de leur périple vers l’Europe ainsi que par les lacunes importantes des politiques et procédures, qui limitent les voies légales de migration en Europe et exposent ces enfants au risque de tomber dans les mains des passeurs et des trafiquants. Une fois arrivés en Europe, les enfants migrants peuvent aussi être victimes de maltraitance dans des centres de rétention ou des zones de transit, d’abus sexuels et de violence, ou être contraints de vivre dans la rue pour éviter l’expulsion, surtout s’ils sont entrés illégalement dans un pays européen. Ils courent également le risque d’être exploités sexuellement par des organisations criminelles se livrant à la traite d’êtres humains, ou d’être exploités en tant que travailleurs sans papiers. Ils sont aussi souvent confrontés à la discrimination et à la xénophobie dans les pays hôtes.
3. L’Assemblée rappelle sa Recommandation 2117 (2017) et sa Résolution 2195 (2017) «Enfants migrants non accompagnés: pour une détermination de l’âge adaptée à l’enfant», sa Résolution 2136 (2016), «Harmoniser la protection des mineurs non accompagnés en Europe», sa Résolution 2128 (2016) sur la violence envers les migrants et sa Résolution 2174 (2017) sur les répercussions sur les droits de l’homme de la réponse européenne aux migrations de transit en Méditerranée, qui soulevaient des questions particulières liées à la violation des droits des enfants migrants. Elle regrette qu’un certain nombre de signataires européens de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant continuent de violer leurs obligations en n’accordant pas une protection adéquate aux enfants migrants et en ne protégeant pas non plus leurs droits.
4. Les États membres du Conseil de l'Europe doivent respecter les principes de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, ce qui implique notamment de faire passer avant toute chose l’intérêt supérieur de l’enfant et de faire en sorte qu’une procédure visant à déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant soit inscrite dans la loi et appliquée pour chaque enfant migrant.
5. L’Assemblée souligne que les collectivités territoriales ont la grande responsabilité d’accorder la protection nécessaire aux enfants migrants sur les lieux d’arrivée et de veiller à ce qu’ils aient accès à leurs droits et à des procédures adaptées aux enfants, comme l’énonce la Résolution 428 (2018) du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe.
6. L’Assemblée réitère sa position condamnant les pratiques violentes telles que le placement d’enfants migrants en rétention et le recours à des méthodes invasives durant la procédure de détermination de l’âge, qui peut avoir des effets dévastateurs sur le développement physique, affectif et psychologique de l’enfant. Elle se félicite des activités menées par la Campagne parlementaire pour mettre fin à la rétention d’enfants migrants pour promouvoir des alternatives à la rétention des migrants et encourager une approche globale de la détermination de l’âge.
7. L’Assemblée est convaincue de la nécessité, pour les gouvernements des États membres, d’adopter une stratégie commune sur les moyens de combattre la violence infligée aux enfants migrants sous toutes ses formes et de garantir une protection complète et étendue de leurs droits. Cette stratégie devrait comprendre des propositions visant à garantir aux enfants migrants des conditions d’entrée sûres et légales en provenance d’États tiers afin de limiter le risque de traite et d’abus.
8. L’Assemblée exhorte les États membres à prévenir par les moyens ci-dessous toutes les violences exercées contre des enfants migrants:
8.1. pour ce qui est des mesures législatives:
8.1.1. en créant des voies de migration sûres, légales et régulières, ce qui renforcera les garanties pour les enfants et les membres de leur famille;
8.1.2. en veillant à la conformité de la législation nationale avec les normes internationales relatives à la protection des enfants migrants, en particulier en interdisant la rétention de ces derniers, en veillant à l’intérêt supérieur de l’enfant et en garantissant le droit des enfants de prendre part aux décisions qui les concernent;
8.1.3. en prévoyant des garanties légales pour l’accès des enfants migrants aux procédures d’asile;
8.1.4. en veillant à ce que la législation nationale protège les enfants migrants contre toutes les formes d’exploitation et accorde le statut de victime aux enfants qui font l’objet d’exploitation et de violence;
8.1.5. en veillant à ce que la législation nationale interdise les pratiques invasives de détermination de l’âge;
8.1.6. en garantissant la mise en place de mécanismes permettant aux enfants migrants de dénoncer les violences commises à leur encontre;
8.1.7. en veillant à ce que la législation nationale intègre le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant et qu’une procédure visant à déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant soit inscrite dans la loi et appliquée pour chaque enfant migrant;
8.1.8. pour les parlements des États membres qui ne l’ont pas encore fait, en signant et en ratifiant la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et les conventions du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197) et sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201, «Convention de Lanzarote»);
8.2. pour ce qui est de la mise en œuvre des politiques:
8.2.1. en s’abstenant de refouler les enfants migrants, en particulier;
8.2.2. en allouant les ressources nécessaires dans les budgets nationaux à la protection des enfants migrants et à l’offre de services adaptés aux enfants, notamment en matière de formation, d’éducation et de renforcement des capacités des professionnels de la protection de l’enfance;
8.2.3. en intégrant la prise en compte de considérations liées au genre dans les dispositifs nationaux de prise en charge des enfants demandeurs d’asile;
8.2.4. en dispensant des formations spéciales aux fonctionnaires de police, aux agents des services de l’immigration et aux gardes-frontières sur le droit international humanitaire et les principales normes internationales relatives au traitement des enfants migrants;
8.2.5. en associant les organisations non gouvernementales qui interviennent auprès des enfants migrants aux programmes gouvernementaux visant à prévenir la violence à l’égard de ces enfants;
8.2.6. en adoptant des politiques spécifiques pour parvenir à une parfaite insertion des enfants migrants dans la société du pays d’accueil et pour empêcher toute forme de discrimination ou de marginalisation qui pourrait aboutir à des violences et des abus;
8.2.7. en promouvant des projets communs entre les services répressifs nationaux, Interpol et Europol portant sur l’identification des réseaux de criminalité organisée et de traite des êtres humains impliqués dans l’exploitation et la maltraitance des enfants migrants;
8.2.8. en adoptant des stratégies proactives et inclusives en faveur des enfants migrants qui ont été victimes de violence et d’abus, en abordant les questions de santé mentale et physique;
8.2.9. en créant des unités d’asile spécialisées dans l’assistance aux enfants migrants et dans la communication d’informations adaptées aux enfants, dans la langue maternelle des enfants;
8.2.10. en formant des réseaux locaux de protection de l’enfance à l’identification et au suivi des enfants migrants qui risquent d’être exposés à la violence et à l’exploitation.
9. L’Assemblée invite le Conseil de l'Europe, en coopération avec l’Union européenne et Europol, à élaborer un système unifié d’enregistrement des enfants migrants non accompagnés qui entrent en Europe, afin de protéger leurs droits et obligations.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté à l’unanimité par la commission le 29 mai 2019.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire renvoie à sa Résolution … (2019) «Mettre fin à la violence à l’égard des enfants migrants et à leur exploitation».
2. Elle se félicite des travaux menés par le Conseil de l'Europe dans le cadre de son Plan d’action sur la protection des enfants réfugiés et migrants en Europe, qui fait suite au Rapport thématique sur les enfants migrants et réfugiés préparé par le Représentant spécial du Secrétaire Général sur les migrations et les réfugiés, en particulier à la partie consacrée à la prévention de la violence, de la traite et de l’exploitation et aux moyens d’y remédier.
3. L'Assemblée reconnaît le travail accompli par le Comité de Lanzarote pour suivre la mise en œuvre de la Convention du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201, «Convention de Lanzarote») et pour aider les États européens à adopter des lois spécifiques et prendre des mesures afin de prévenir la violence sexuelle à l’égard des enfants, de protéger les victimes, notamment les enfants migrants, et de poursuivre les auteurs. Elle salue en particulier le rapport spécial du Comité de Lanzarote «Protéger les enfants touchés par la crise des réfugiés contre l’exploitation et les abus sexuels».
4. Elle se félicite également des travaux du mécanisme de suivi de la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197), le Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA), qui portent sur la mise en œuvre des obligations incombant aux États membres d’octroyer des droits aux victimes de la traite, notamment aux enfants migrants, par exemple le droit d’être identifié comme victime, d’être protégé et d’être assisté.
5. L'Assemblée soutient par ailleurs les travaux du Comité ad hoc pour les droits de l'enfant (CAHENF), en particulier ceux menés dans le cadre de sa Campagne parlementaire pour mettre fin à la rétention d’enfants migrants, et se félicite de l’élaboration en cours de lignes directrices sur les droits de l’enfant et les garanties dans le contexte de la migration, notamment sur la tutelle et la détermination de l'âge.
6. En conséquence, l'Assemblée appelle le Comité des Ministres:
6.1. à adopter dès que possible les lignes directrices sur la tutelle et la détermination de l’âge, afin de fournir des garanties appropriées aux enfants migrants, et à inviter le CAHENF et les autres organes concernés du Conseil de l'Europe à les promouvoir auprès des États membres;
6.2. à charger le Comité directeur pour les droits de l’homme (CDDH) d’examiner la possibilité d’élaborer des normes européennes pour les centres d’accueil d’enfants migrants;
6.3. à exhorter les États membres qui sont Parties à la Convention de Lanzarote mais qui ne l’ont pas encore fait à prendre des mesures pour appliquer les recommandations figurant dans le rapport spécial du Comité de Lanzarote «Protéger les enfants touchés par la crise des réfugiés contre l’exploitation et les abus sexuels».

C. Exposé des motifs, par Mme Rósa Björk Brynjólfsdóttir, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Les migrants arrivés en Europe depuis 2015 comptent parmi eux beaucoup d’enfants, dont la plupart sont non accompagnés. D’après le rapport du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) «Refugee and Migrant Children in Europe: accompanied, unaccompanied and separated» 
			(3) 
			<a href='https://data2.unhcr.org/en/documents/download/60348'>https://data2.unhcr.org/en/documents/download/60348</a>., plus de 16 500 enfants sont arrivés en Grèce, en Italie, en Bulgarie et en Espagne au premier semestre 2017. Plus de 11 900 (soit 72 % d’entre eux) étaient non accompagnés ou séparés.
2. Même si tous les migrants risquent d’être confrontés à un certain degré de violence, comme indiqué dans le rapport de l’Assemblée intitulé « La violence envers les migrants », les enfants migrants sont particulièrement exposés à la violence et à la maltraitance, y compris après avoir atteint les pays d’accueil en Europe. Ils sont en butte à la maltraitance en raison des mauvaises conditions des centres de rétention ou des zones de transit, mais aussi de l’absence de normes et de bonnes pratiques dans certains pays. Les enfants migrants non accompagnés représentent la catégorie la plus vulnérable pour ce qui est du risque d’être victime d’abus sexuels et de violence, en particulier s’ils entrent illégalement dans les pays européens ou vivent dans la rue pour éviter l’expulsion. Ils courent également le risque d’être exploités par des organisations criminelles se livrant à la traite d’êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle, ou en tant que travailleurs sans papiers. Même lorsque les pouvoirs publics les intègrent à des programmes de scolarisation et à des programmes officiels, ils peuvent être confrontés à la discrimination et à la xénophobie dans les pays hôtes.
3. Leur exposition à la violence ne s’arrête donc pas aux frontières de l’Europe. De nombreux pays européens continuent de placer les migrants en situation irrégulière ou les demandeurs d’asile déboutés dans des centres de rétention ou des établissements de type carcéral, ce qui nuit à leur santé et à leur développement. Dans les centres d’accueil, les enfants migrants peuvent également être victimes d’abus sexuels, car ils sont souvent placés avec des adultes avec lesquels ils n’ont pas de lien de parenté. À leur arrivée dans les pays hôtes, cette violence continue puisque certains enfants sont contraints à la prostitution et à l’exploitation sexuelle pour «rembourser» leurs passeurs.
4. Les États sont tenus, en vertu du droit international, de protéger les enfants contre la violence. La Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant garantit le droit, pour les enfants, d’être protégés contre «toute forme de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d'abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d'exploitation, y compris la violence sexuelle» 
			(4) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/no-violence-against-children-is-acceptable-all-violence-is-preventable'>www.coe.int/fr/web/commissioner/-/no-violence-against-children-is-acceptable-all-violence-is-preventable.</a>. La Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5), dont l’article 3 interdit la torture et les traitements inhumains ou dégradants sous toutes leurs formes, s’applique également aux enfants. En outre, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme confirme que les pays ont l’obligation positive de prendre des mesures effectives pour protéger les enfants contre les abus. Par conséquent, chaque État membre doit protéger les migrants, qu’ils soient demandeurs d’asile, en transit ou engagés dans une procédure de retour.
5. L’Assemblée a adopté plusieurs résolutions et recommandations sur ce thème, qui examinent les difficultés auxquelles sont confrontés les enfants migrants, notamment la Recommandation 2117 (2017) et la Résolution 2195 (2017) «Enfants migrants non accompagnés: pour une détermination de l’âge adaptée à l’enfant», ainsi que la Résolution 2136 (2016) «Harmoniser la protection des mineurs non accompagnés en Europe». Elle a également adopté un certain nombre de résolutions et de recommandations relatives aux flux migratoires massifs vers l’Europe et à leurs conséquences sur les migrants eux-mêmes, notamment la Résolution 2128 (2016) sur la a violence envers les migrants, ou la Résolution 2174 (2017) sur les répercussions sur les droits de l’homme de la réponse européenne aux migrations de transit en Méditerranée. Les rapports en préparation, qui portent sur les réfugiés et les migrants qui sont des cibles faciles pour l’exploitation ou sur les disparitions d’enfants réfugiés ou migrants en Europe, aborderont les difficultés spécifiques des migrants étroitement liées au thème du présent rapport.
6. Les États membres du Conseil de l'Europe doivent agir en adoptant une stratégie commune sur les moyens de combattre la violence infligée aux enfants migrants sous toutes ses formes. Cette stratégie devrait comprendre des propositions visant à garantir aux enfants migrants des conditions d’entrée sûres et légales dans les États tiers afin de leur éviter le risque de tomber entre les mains de trafiquants d’êtres humains.
7. Pour préparer ce rapport, j’ai effectué une visite d’information à Madrid et à Melilla, dont les conclusions ont nourri mon travail.

2. Causes profondes et raisons de la grande vulnérabilité des enfants qui deviennent des migrants en situation irrégulière

8. Les enfants migrent pour échapper à la violence, à un conflit armé, aux persécutions, aux ravages du changement climatique, aux catastrophes naturelles et à la pauvreté. Beaucoup de jeunes migrants se mettent en quête d’opportunités professionnelles ou éducatives. Dans d’autres cas, les enfants quittent leur foyer pour fuir la perspective d’un mariage forcé, les mutilations génitales féminines ou la violence fondée sur le genre (pour les filles) ou la conscription (pour les garçons).
9. Parfois les enfants partent seuls car leurs chances de réussite sont jugées supérieures à celles des membres plus âgés de la famille. Des entretiens menés en Afghanistan dans des communautés dont étaient issus des enfants migrants non accompagnés ont révélé que la décision de migrer était basée sur la conviction que les enfants de moins de 18 ans arrivant en Europe bénéficieraient d’une protection spéciale et auraient plus de chances d’être autorisés à rester.
10. Un autre phénomène se développe, celui des parents qui envoient leurs enfants seuls en Europe. En 2016, le Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO) a publié un rapport annuel 
			(5) 
			<a href='https://www.easo.europa.eu/sites/default/files/public/EN_ Annual Report 2015_1.pdf'>www.easo.europa.eu/sites/default/files/public/EN_%20Annual%20Report%202015_1.pdf</a>., selon lequel des parents afghans envoient leurs enfants non accompagnés en Europe, dans l’espoir qu’ils y obtiennent l’asile et demandent le regroupement avec le reste de la famille. De nombreux enfants qui arrivent en Grèce ou en Espagne sont envoyés par leur famille pour des raisons économiques, afin de gagner de l’argent qu’ils expédieront au pays pour soutenir leurs proches.
11. Un grand nombre d’enfants (surtout ceux qui sont non accompagnés ou séparés) passent à travers les mailles de systèmes d’asile surchargés, inefficaces et incohérents. Il est fréquent que les enfants soient retenus (dans des centres de rétention, par la police à l’aéroport ou dans des zones de transit) en raison du manque de places dans les centres de protection de l’enfance et de la capacité limitée à trouver d’autres solutions. Les enfants migrants sont encouragés à emprunter des itinéraires dangereux et illégaux (qui nécessitent souvent de faire appel à des passeurs) et à fuir les centres de rétention à leur arrivée car ils y subissent des violences.
12. La situation actuelle est critique, en particulier en Italie, pays dans lequel près de 12 000 enfants migrants sont arrivés au premier semestre 2017, dont 96 % non accompagnés, ainsi qu’en Espagne, où le nombre d’enfants migrants non accompagnés est actuellement estimé à 10 000 environ. Elle demeure préoccupante dans d’autres pays qui ont été confrontés à l’afflux le plus massif de migrants, comme la Croatie, la Grèce, la Serbie et la Bulgarie.

3. Diverses formes de violence

13. La crise migratoire a été exploitée par des réseaux criminels de traite des êtres humains pour cibler les personnes les plus vulnérables, notamment les femmes et les enfants. Des travailleurs sociaux italiens ont déclaré 
			(6) 
			<a href='https://www.unicef.org/emergencies/childrenonthemove/files/Child_Alert_Final_PDF.pdf'>www.unicef.org/emergencies/childrenonthemove/files/Child_Alert_Final_PDF.pdf</a>. que certaines filles arrivaient enceintes, après avoir été violées pendant leur périple. Néanmoins, compte tenu du caractère illégal du trafic de migrants, il n’existe pas de chiffres fiables qui indiqueraient le nombre précis de migrants morts ou disparus dans un cadre de travail forcé ou de prostitution.

3.1. Les enfants migrants victimes de passeurs et de trafiquants

14. Les enfants migrants étant de plus en plus nombreux à se déplacer seuls, beaucoup sont exposés aux abus et à l’exploitation sexuels aux mains des passeurs et des trafiquants. L’itinéraire de la Méditerranée centrale a été identifié comme l’un des plus dangereux: plus de 75 % des 1 600 enfants âgés de 14 à 17 ans qui sont arrivés en Italie ont déclaré avoir été retenus contre leur volonté ou contraints à travailler 
			(7) 
			<a href='https://www.theguardian.com/global-development/2017/may/17/traffickers-smugglers-exploit-record-rise-unaccompanied-child-refugees-migrants-unicef-report'>www.theguardian.com/global-development/2017/may/17/traffickers-smugglers-exploit-record-rise-unaccompanied-child-refugees-migrants-unicef-report</a>.. D’après Europol, près de 90 % des migrants qui franchissent illégalement les frontières européennes ont été aidés par des passeurs; Europol a même indiqué que le nombre de passeurs avait explosé, atteignant quasiment 65 000 suspects en 2018 
			(8) 
			<a href='https://www.dailysabah.com/europe/2018/04/07/crisis-hit-eu-faces-increasing-numbers-of-migrant-smugglers'>www.dailysabah.com/europe/2018/04/07/crisis-hit-eu-faces-increasing-numbers-of-migrant-smugglers.</a>.
15. Dans les pays de première entrée comme l’Italie, la Grèce ou la Bulgarie ou dans les pays de destination comme la France, l’Espagne ou les Pays-Bas, l’existence de marchés illégaux ou très peu contrôlés favorise l’exploitation des enfants dans des activités clandestines par des organisations criminelles de toutes tailles, qui sont souvent actives dans la traite ou le trafic illicite d’êtres humains. La plupart des victimes de la traite et de l’exploitation sont des enfants qui fuient la violence, les conflits, de graves crises humanitaires ou la pauvreté. Faute de voies d’accès légales et sûres, les enfants non accompagnés doivent recourir à des passeurs qui peuvent exercer un contrôle sur eux à leur arrivée en Europe.
16. De nombreux enfants souffrent à cause des politiques inhumaines et agressives des États à l’égard des migrants. Ainsi, des pays ferment leurs frontières, appliquent des mesures de renvoi agressives et placent les migrants dans des abris surpeuplés et des camps de fortune. Toutes ces méthodes accroissent le risque d’exploitation des enfants, ce qui pousse les enfants non accompagnés à emprunter une nouvelle fois des itinéraires dangereux et à fuir les centres de rétention à leur arrivée.
17. Le rapport «Emergency within an emergency» 
			(9) 
			<a href='https://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/Emergency-Within-an-Emergency-FXB.pdf'>https://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/Emergency-Within-an-Emergency-FXB.pdf</a>. de l’université d’Harvard décrit une situation dans laquelle les enfants migrants sont victimes de violences sexuelles, y compris de prostitution, dans les camps et lieux d’accueil pour migrants en Grèce. D’après les recherches menées dans ce cadre, «chaque enfant migrant, quelle que soit son origine, risque d’être victime du commerce sexuel». Le rapport avertit que «pour payer les passeurs, les enfants se tournent vers des activités dangereuses et illégales, notamment le vol, le trafic de stupéfiants et les relations sexuelles tarifées». Les filles migrantes non accompagnées ou séparées sont particulièrement exposées à la violence sexuelle et fondée sur le genre.

3.2. La violence dans les lieux d’accueil, les zones de transit et les centres de migrants

18. L’ampleur de la crise migratoire met à rude épreuve les systèmes de protection sociale des pays hôtes malgré les efforts déployés à tous les niveaux de la société pour apporter un soutien. Par exemple, en décembre 2015, le gouvernement allemand et le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF) ont réalisé une évaluation 
			(10) 
			<a href='https://www.unicef.org/emergencies/childrenonthemove/files/Child_Alert_Final_PDF.pdf'>www.unicef.org/emergencies/childrenonthemove/files/Child_Alert_Final_PDF.pdf</a>. des enfants arrivés en Allemagne avec leur famille, qui a montré que les enfants risquaient de subir des violences, des abus et une exploitation, en particulier dans les centres d’accueil et d’hébergement temporaire. Dans l’attente du traitement de leur demande (qui prend plusieurs mois), ils sont hébergés dans des salles de sport, d’anciennes casernes ou d’autres abris temporaires, où ils ne sont pas scolarisés et ne bénéficient pas d’un soutien psychologique adéquat.
19. Après avoir fui la violence dans leur pays d’origine, les enfants réfugiés sont souvent victimes de violences physiques et psychologiques en Europe dans les camps de réfugiés, les lieux de rétention, les zones de transit, les dispositifs d'accueil et de premier accueil ou à proximité des frontières fermées.
20. La rétention d’enfants, avec leur famille, a été condamnée par le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies car elle est contraire au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. Les enfants migrants placés en rétention sont confrontés aux mauvaises conditions des centres de rétention qui sont généralement surpeuplés, dans lesquels ils ne sont pas suffisamment protégés et où les changements constants de personnel accentuent l’instabilité. Par la suite se posent également le problème de l’absence de véritable système de collecte des données et celui de la formation insuffisante des professionnels 
			(11) 
			Plataforma de Infancia,
Complementary Report to the 5th and 6th Report on the Implementation
of the UN CRC and its OP, p. 106-114, <a href='http://tbinternet.ohchr.org/Treaties/CRC/Shared Documents/ESP/INT_CRC_NGO_ESP_27135_E.pdf'>http://tbinternet.ohchr.org/Treaties/CRC/Shared%20Documents/ESP/INT_CRC_NGO_ESP_27135_E.pdf</a>..
21. En rétention, les enfants risquent de souffrir de dépression et d’anxiété et présentent fréquemment des symptômes correspondant à des troubles de stress post-traumatique tels que l’insomnie, les cauchemars et l’énurésie nocturne 
			(12) 
			<a href='https://idcoalition.org/wp-content/uploads/2016/09/End-Child-Detention-Advocacy-Brochure_web_spreads_190816-1.pdf'> https://idcoalition.org/wp-content/uploads/2016/09/End-Child-Detention-Advocacy-Brochure_web_spreads_190816-1.pdf</a>.. En fait, comme l’ont montré de nombreuses études ainsi que la Campagne de l'Assemblée parlementaire pour mettre fin à la rétention d'enfants migrants, même les courtes périodes de rétention peuvent être préjudiciables au bien-être psychologique et physique de l’enfant et compromettre son développement cognitif 
			(13) 
			No Child in Detention
Coalition, «Dad, have we done something wrong?», 2014, p. 5..
22. Des études ont révélé que la rétention était à l’origine de surtaux de suicides ou de tentatives de suicide, d’actes d’automutilation, de troubles mentaux et de problèmes de développement, notamment d’un grave trouble de l’attachement. D’après M. Juan Méndez, rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, des enfants placés en rétention ont été attachés, bâillonnés, frappés à coups de bâton, brûlés avec des cigarettes, soumis à des décharges électriques et mis à l’isolement, ce qui a provoqué une grave anxiété et des séquelles psychologiques 
			(14) 
			Juan
E. Méndez, Report of the Special Rapporteur on torture and other
cruel, inhuman or degrading treatment or punishment, 5 mars 2015,
A/HRC/28/68, paragraphe 60. .
23. Même les environnements de rétention relativement humains ou adaptés aux enfants peuvent exacerber des faiblesses préexistantes au niveau psychologique et du développement, comme un précédent traumatisme, l’éclatement de la cellule familiale ou l’absence de besoins primaires. Pour la Cour européenne des droits de l’homme, la rétention d’enfants, même pour une courte durée, viole l’interdiction de la torture et des autres mauvais traitements, car la vulnérabilité de l’enfant et son intérêt supérieur l’emportent sur l’intérêt du gouvernement de tenter de contrôler ou de faire cesser les migrations clandestines 
			(15) 
			Ibid.,
paragraphe 62 citant Popov c. France,
arrêt du 19 janvier 2012..

3.2.1. Étude de cas sur la violence envers les enfants migrants en Espagne : centre d’accueil de Melilla

24. Le nombre considérable de migrants qui ont débarqué sur les côtes européennes, en particulier en Italie et en Grèce, ont entraîné une surpopulation aiguë les lieux d’accueil. En Espagne, la situation demeure problématique dans les zones frontalières terrestres entre le Maroc et les territoires espagnols de Ceuta et Melilla, en raison du nombre énorme de migrants tentant la traversée ou déjà accueillis dans les lieux et centres de rétention de ces villes. Un autre problème est lié au fait que les enfants migrants tentent de s’enfuir des centres de rétention pour poursuivre leur voyage vers d’autres États européens et déjouer les procédures bureaucratiques officielles mises en place par ces États. Ils deviennent alors des migrants en situation irrégulière et la cible encore plus facile pour la violence et l’exploitation.
25. D’après plusieurs rapports, les enfants migrants à Ceuta et Melilla sont victimes d’abus à la frontière et à l’intérieur de ces enclaves. Lors d’entretiens, de nombreux migrants ont décrit les violences qu’ils avaient subies en voulant franchir la frontière marocaine, aussi bien de la part des autorités marocaines que de celle des gardes-frontières espagnols. Certains migrants, dont des enfants, ont déclaré avoir été remis à la police marocaine par les autorités espagnoles alors qu’ils avaient déjà gagné les deux enclaves espagnoles. Ces cas, comme d’autres, constituent des expulsions de fait effectuées par les autorités espagnoles au mépris de leurs obligations internationales. Plusieurs mineurs ont aussi été expulsés sans respect des procédures, en violation du droit international relatif aux droits de l’homme, de la Directive retour de l’Union européenne et du Plan d'action de l’Union européenne pour les mineurs non accompagnés 
			(16) 
			Human Rights Watch,
Abused and Expelled: Ill-Treatment of Sub-Saharan African Migrants
in Morocco, 2014, <a href='https://www.hrw.org/sites/default/files/reports/morocco0214_ForUpload.pdf'>www.hrw.org/sites/default/files/reports/morocco0214_ForUpload.pdf</a>..
26. Malgré l'augmentation des financements accordés par le gouvernement espagnol, les organisations non gouvernementales continuent de faire état d'une situation qui ne respecte pas les normes minimales dans les centres de rétention de Ceuta et Melilla. Selon Amnesty International, la surpopulation et les conditions sanitaires déplorables sont telles que les enfants migrants préfèrent dormir dans la rue plutôt qu’endurer un séjour en centre pour mineurs 
			(17) 
			Amnesty International,
En Tierra de Nadie, La situación de las personas refugiadas y migrantes
en Ceuta y Melilla, <a href='https://www.es.amnesty.org/uploads/media/Informe-Ceuta-y-Melilla_FINAL-1.pdf'>www.es.amnesty.org/uploads/media/Informe-Ceuta-y-Melilla_FINAL-1.pdf</a>..
27. Pendant ma mission d'information en Espagne, je me suis rendue à Melilla, qui accueille l’un de ces centres pour mineurs, La Purísima. Afin de comprendre le contexte, j'ai rencontré des responsables de la police nationale et de la garde civile, qui m'ont informée que quelque 14 000 personnes franchissent quotidiennement la frontière à Melilla, parmi lesquelles des enfants. Environ un millier d'enfants migrants non accompagnés sont enregistrés dans la ville, mais leur nombre exact est inconnu. Beaucoup arrivent avec des adultes, parents ou autres proches, qui les abandonnent souvent dans l'espoir qu'ils trouvent un travail ou soient scolarisés. Certains enfants arrivent comme migrants en situation irrégulière après avoir fait l'objet de traite par des organisations criminelles.
28. En cas de doute sur l’âge des enfants, la police les conduit à l’hôpital aux fins de la procédure médicale de détermination de l’âge, qui repose très souvent sur des tests invasifs, comme un examen des organes génitaux ou une radiographie (dentaire).
29. Le centre a une capacité officielle de 170 places, mais il héberge près de 650 mineurs. Tous sont des garçons, les filles étant logées dans un autre établissement. La plupart d'entre eux viennent du Maroc mais aussi de Palestine, de Syrie, de Tunisie et de Turquie. Le centre est surpeuplé et le personnel fait de son mieux pour s’occuper des enfants, mais il est évident que l’établissement n'est pas en mesure d’en prendre en charge un si grand nombre. Les enfants partagent souvent le même lit, les chambres sont très sombres et chichement meublées. Les éducateurs m'ont même dit que des enfants construisaient eux-mêmes leurs lits.
30. Pour limiter le nombre de personnes en rétention dans le centre, l'administration a décidé de fermer les portes à 22 heures, de sorte que tous les garçons qui arrivent plus tard sont obligés de passer une nuit dehors. Cela les expose incontestablement à des risques et pose des problèmes de sécurité, car les enfants sont en concurrence pour obtenir les ressources. Les mineurs non accompagnés ne demandent pas l'asile étant donné qu’ils ne sont pas informés de cette possibilité. Les enfants qui séjournent dans le centre pourraient aller à l'école en ville; par contre, ils n'ont aucun lieu pour faire du sport ou d'autres activités sociales.
31. Les ONG que j'ai rencontrées à Madrid affirment avoir recensé plusieurs cas de violence contre des enfants migrants dans deux centres d'accueil, mais les enfants ne peuvent signaler ces cas, car les juges doutent de leur capacité juridique et exigent la présence de leurs tuteurs, même s'ils ont commis des violences. Les autorités nient toute violence contre des mineurs non accompagnés, à l’exception d’un cas survenu en 2018, lorsque le travailleur d’un centre a poignardé un enfant.
32. Tout au long de 2014 et 2015 à Melilla, les militants de Asociación Harraga et de PRODEIN se sont entretenus avec des enfants migrants qui vivaient dans la rue: 92 % des 91 enfants migrants interrogés ont déclaré que les violences subies étaient la raison pour laquelle ils ne voulaient pas retourner dans le centre, et 75 % d'entre eux ont accusé le personnel du centre d’exercer une certaine violence à leur égard, en plus des violences commises par d'autres enfants migrants. Une autre raison explique le refus de rester dans le centre: certains enfants n’ont en effet reçu aucun document officiel, alors qu'ils y avaient droit. Dans ces conditions, ils ont préféré tenter de franchir la frontière illégalement pour gagner l'Espagne continentale et essayer d’entamer les procédures légales qui leur permettraient de rester dans le pays 
			(18) 
			Harraga
Melilla, De niños en peligro a niños
peligrosos, <a href='https://ep00.epimg.net/descargables/2017/06/21/a34d5de11e2a2bf04ea93f580d34b688.pdf'>https://ep00.epimg.net/descargables/2017/06/21/a34d5de11e2a2bf04ea93f580d34b688.pdf</a>; voir aussi: <a href='http://www.meltingpot.org/I-bambini-dimenticati-di-Melilla.html'>www.meltingpot.org/I-bambini-dimenticati-di-Melilla.html</a>.. Les enfants migrants sont aussi une cible facile d’abus sexuels. Plusieurs cas ont été signalés aux autorités – dont un concerne même deux policiers accusés d'avoir abusé d'un enfant qui proposait ses services sexuels en échange de petits cadeaux.

3.3. La grande vulnérabilité des enfants non accompagnés

33. Les enfants migrants non accompagnés figurent parmi les groupes les plus vulnérables. Dès le début de leur voyage, ils sont exposés à la violence et au risque de tomber entre les mains de réseaux criminels. Pour la grande majorité d’entre eux, la spirale de l’exploitation démarre au début du voyage et s’aggrave et se cristallise souvent à leur arrivée dans les pays européens. Les preuves recueillies par l’ONG  Save the Children, qui est présente aux frontières et dans de nombreuses villes italiennes 
			(19) 
			<a href='https://www.savethechildren.it/sites/default/files/files/rapporto young invisible enslaved DEF.pdf'>www.savethechildren.it/sites/default/files/files/rapporto%20young%20invisible%20enslaved%20DEF.pdf</a>. , ainsi que les données et rapports fournis par les principales organisations humanitaires confirment que bon nombre d’enfants non accompagnés, une fois arrivés dans les pays de destination, restent la cible de la violence et de l’exploitation exercées par des réseaux criminels et des personnes se livrant à la traite d’êtres humains.
34. À leur arrivée, beaucoup d’enfants migrants dont l'âge est contesté sont soumis à une procédure de détermination de l'âge. Dans de nombreux pays, les méthodes utilisées à cette fin incluent la radiographie des dents ou du poignet et l’examen des organes génitaux. Or, ces méthodes risquent de provoquer ou de réveiller un traumatisme chez l’enfant.
35. Les pratiques actuelles de détermination de l’âge varient d’un pays à l’autre en Europe, et les personnes qui les appliquent sont insuffisamment conseillées, formées et soutenues. Une erreur ou un différend sur son âge non seulement nuit à la santé et au bien-être de l’enfant, mais peut aussi amener à le traiter comme un adulte et à le placer dans un centre de rétention ou dans une prison.
36. Les enfants ont souvent peur d'être empêchés de poursuivre leur voyage et se méfient des autorités; jusqu’à 50 % des enfants migrants non accompagnés disparaissent dans les 48 heures qui suivent leur placement dans des centres d'accueil en Europe 
			(20) 
			<a href='http://missingchildreneurope.eu/news/Post/575/Up-to-50-of-unaccompanied-migrant-children-go-missing-within-48-hours-of-being-placed-in-certain-reception-centres-in-Europe'>http://missingchildreneurope.eu/news/Post/575/Up-to-50-of-unaccompanied-migrant-children-go-missing-within-48-hours-of-being-placed-in-certain-reception-centres-in-Europe</a>.. Certains disparaissent en ayant une destination bien précise en tête, ou fuient par peur d'être renvoyés et de retrouver la situation à laquelle ils essayaient d’échapper. D'autres sont victimes d'enlèvement, de traite et d'exploitation sexuelle ou économique, notamment le prélèvement forcé d'organes, la prostitution, le trafic de drogue et la mendicité forcés.

4. Protéger les enfants migrants contre toutes les formes de violence

37. La Convention relative aux droits de l’enfant (CIDE) impose des obligations claires aux États signataires en matière de protection des enfants non accompagnés et séparés. Ses dispositions prévoient toutes les mesures nécessaires pour identifier le plus tôt possible un mineur non accompagné, pour lui accorder toute la protection requise, pour retrouver sa famille et, si c’est possible et dans l’intérêt supérieur de l’enfant, pour le réunir avec sa famille. Les États parties à la CIDE devraient harmoniser leur législation nationale avec les dispositions de la Convention et créer les organes administratifs nécessaires à leur mise en œuvre.
38. Les États devraient faire en sorte qu’une procédure visant à déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant soit inscrite dans la loi et appliquée pour chaque enfant migrant. Étant donné qu’elle suppose une évaluation globale de l’histoire de l’enfant et de sa situation actuelle, cette procédure permet d’identifier plus facilement les actes de violence et les risques éventuels et d’y apporter une réponse appropriée. Des bonnes pratiques indiquent comment les États veillent à la détermination de l’intérêt supérieur dans le cadre national de protection et de prise en charge des enfants. Cependant, s’agissant des enfants migrants, pour lesquels on aspire à trouver une solution durable individuelle, ces procédures sont souvent très fragmentées, inefficaces voire inexistantes.
39. Dans la pratique, rares sont les enfants en situation de migration dont l’intérêt supérieur fait l’objet d’un examen global. En Europe, seule la Finlande a adopté une loi qui énumère les éléments et facteurs à prendre en compte pour déterminer l’intérêt supérieur. Initialement adoptées pour le cadre national d’aide à l’enfance, ces dispositions ont ensuite été étendues aux enfants migrants. La loi finlandaise s’inspire beaucoup des droits de l’enfant énoncés dans la CIDE et a été à l’origine d’une série de mesures politiques et activités dans le pays, qui ont aidé à préciser et à renforcer la détermination de l’intérêt supérieur des enfants migrants.
40. Une procédure visant à déterminer l’intérêt supérieur offre toujours la possibilité de protéger les droits des enfants migrants dans leur globalité. Une loi efficace dans ce domaine peut avoir des effets importants afin d’identifier et d’orienter les enfants victimes de violence ou d’exploitation, et améliorer les mesures de prévention. Il est urgent de mener une réforme législative en la matière, qui facilitera également la mise en œuvre de toute une série d’autres lois concernant la protection de l’enfance, les soins, l’éducation et l’immigration/l’asile. La procédure de détermination de l’intérêt supérieur vise à trouver une solution durable. Une solution qui défend les droits de l’enfant à moyen et long terme, en tenant compte du passage de l’enfant à l’âge adulte et vers l’indépendance, et qui définit où cette solution sera la mieux mise en œuvre.

4.1. Mesures d’action positive du Conseil de l’Europe

41. Le Conseil de l’Europe a pris de nombreuses initiatives concrètes en vue de lutter contre les différentes formes de violence contre les enfants migrants. Le Secrétaire Général a proposé en mars 2016 une série d’actions prioritaires pour la protection des enfants touchés par la crise des réfugiés, la première de ces actions étant d’éviter que les enfants migrants et demandeurs d’asile ne deviennent victimes de la violence, des abus, de l’exploitation, des trafics et de la traite 
			(21) 
			SG/Inf(2016)9final,
Protéger les enfants touchés par la crise des réfugiés: une responsabilité
partagée – Propositions du Secrétaire Général pour des actions prioritaires.. En 2016, le Conseil de l’Europe a lancé sa Stratégie pour les droits de l’enfant 
			(22) 
			<a href='https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=09000016805a920c'>https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=09000016805a920c</a>., qui comprend un volet sur la lutte contre la discrimination et les orientations aux États membres sur la façon d’adopter une approche coordonnée fondée sur les droits de l’enfant.
42. De plus, le Conseil de l’Europe a élaboré un Plan d’action sur la protection des enfants réfugiés et migrants en Europe 
			(23) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/portal/-/47-european-states-agreed-on-an-action-plan-on-how-to-protect-children-in-migration'>www.coe.int/fr/web/portal/-/47-european-states-agreed-on-an-action-plan-on-how-to-protect-children-in-migration.</a>. Mis en place dans le prolongement du Rapport thématique sur les enfants migrants et réfugiés préparé par le Représentant spécial du Secrétaire Général sur les migrations et les réfugiés 
			(24) 
			<a href='https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=09000016806fdccb'>https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=09000016806fdccb</a>., ce plan s’attache en particulier à la partie intitulée «Prévenir la violence, la traite et l’exploitation et y remédier». Les principales priorités concernent l’accès à un système effectif de tutelle, l’accès à un hébergement adéquat pour les enfants et leur famille lors des longs voyages, le rétablissement des liens familiaux, la nécessité d’éviter le recours à la privation de liberté des enfants et la mise en œuvre d’une protection effective contre les violences, notamment la traite et l’exploitation sexuelle.
43. La Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels 
			(25) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/children/lanzarote-convention'>www.coe.int/fr/web/children/lanzarote-convention</a>. (STCE no 201, «Convention de Lanzarote») impose la criminalisation de tous les types d’infractions à caractère sexuel perpétrées contre des enfants. Elle dispose que les États, en Europe et au-delà, doivent adopter des dispositions législatives spécifiques et prendre des mesures en vue de prévenir la violence sexuelle, de protéger les enfants victimes et de poursuivre les responsables. Un rapport spécial sur la protection des enfants touchés par la crise des réfugiés contre l’exploitation et les abus sexuels a été adopté par le Comité de Lanzarote le 3 mars 2017 
			(26) 
			<a href='https://rm.coe.int/rapport-special-proteger-les-enfants-touches-par-la-crise-des-refugies/168075ba3c'>https://rm.coe.int/rapport-special-proteger-les-enfants-touches-par-la-crise-des-refugies/168075ba3c.</a>.
44. Enfin, la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197) 
			(27) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/anti-human-trafficking/about-the-convention'>www.coe.int/fr/web/anti-human-trafficking/about-the-convention</a>. reconnaît un ensemble de droits aux victimes de la traite, y compris les enfants migrants, en particulier le droit à l’identification comme victime, à une protection et à une assistance. Un mécanisme de suivi de la convention est en place – le Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) – ce qui permet le contrôle de la mise en œuvre des obligations et le respect effectif de ces dernières.
45. Dans sa Résolution 2020 (2014) 
			(28) 
			Résolution 2020 (2014) sur les alternatives au placement en rétention
d’enfants migrants; Assemblée parlementaire, Étude sur les pratiques
de rétention des migrants et les alternatives à la rétention d’enfants
migrants (2017), p. 7., l’Assemblée a invité les États membres à introduire dans la législation l’interdiction du placement en rétention d’enfants pour des raisons relatives à l’immigration et à veiller à la pleine application de la législation dans les faits 
			(29) 
			Voir
la Résolution 2020 (2014)., et en 2015, elle a lancé sa Campagne parlementaire pour mettre fin à la rétention d’enfants migrants 
			(30) 
			<a href='https://pace.coe.int/fr/web/apce/children-in-detention'>https://pace.coe.int/fr/web/apce/children-in-detention</a>.. L’objectif de la Campagne est de sensibiliser à la question de la privation de liberté des enfants migrants et de promouvoir l’adoption par les États membres d’alternatives au placement en rétention d’enfants migrants. Un certain nombre d’initiatives ont été prises dans le cadre de la campagne, dont des activités de sensibilisation sur la rétention d’enfants migrants, la formation de parlementaires et de médiateurs à un contrôle efficace des centres de rétention et diverses tables rondes et études visant à dresser un état des lieux de la rétention et des pratiques de détermination de l’âge dans les États membres 
			(31) 
			Voir <a href='https://pace.coe.int/fr/web/apce/eidc-at-a-glance'>https://pace.coe.int/fr/web/apce/eidc-at-a-glance</a>.. Dans le cadre de la Campagne, le Conseil de l’Europe a conçu un guide à l’intention des parlementaires intitulé «Visiter les lieux où des enfants sont privés de liberté à la suite de procédures d’immigration» 
			(32) 
			Conseil de l’Europe,
Visiter les lieux où des enfants sont privés de liberté à la suite
de procédures d’immigration – Guide à l’intention des parlementaires,
Strasbourg, octobre 2017., donnant des orientations détaillées aux personnes chargées du contrôle de ces structures.
46. Organisée par la présidence tchèque du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, une conférence internationale intitulée «La rétention d’enfants migrants: bientôt la fin?» s’est tenue à Prague les 25 et 26 septembre 2017. Il s’agissait à la fois de faire mieux connaître les droits des enfants et de promouvoir l’échange de bonnes pratiques en matière d’alternatives 
			(33) 
			Stratégie du Conseil
de l’Europe sur les droits de l’enfant (2016-2021) – 1er Rapport de mise en œuvre, octobre 2017,
p. 26.. Le rapport publié à la fin de cette conférence présentait un certain nombre de suggestions à l’intention des États membres dans ce domaine; il préconisait que les gouvernements établissent une feuille de route claire en vue de mettre un terme à la pratique de la rétention d’enfants migrants et faisait valoir la nécessité d’adopter des procédures adaptées aux besoins des enfants 
			(34) 
			Bureau de l’Agent du
gouvernement tchèque, Immigration Detention of Children: Coming
to a Close?, Prague, 25-26 septembre 2017: Conference Report (Présidence
tchèque du Comité des Ministres et Conseil de l’Europe, 2017), p. 42-43.. Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a lui aussi souligné la nécessité de mettre en place des alternatives claires dans la législation et dans les politiques, d’échanger les bonnes pratiques et d’améliorer la collecte des données 
			(35) 
			Voir <a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/high-time-for-states-to-invest-in-alternatives-to-migrant-detention?inheritRedirect=true&redirect=%2Fen%2Fweb%2Fcommissioner%2Fthematic-work%2Fmigration'>www.coe.int/fr/web/commissioner/-/high-time-for-states-to-invest-in-alternatives-to-migrant-detention?inheritRedirect=true&redirect=%2Fen%2Fweb%2Fcommissioner%2Fthematic-work%2Fmigration</a>..
47. L’article 17 de la Charte sociale européenne (révisée) (STE no 163) garantit le droit des enfants et des adolescents, y compris des mineurs non accompagnés, aux soins et à l’assistance 
			(36) 
			Fédération internationale des Ligues des droits
de l’homme (FIDH) c. France, Réclamation no 14/2003,
décision sur le bien-fondé du 8 septembre 2004, paragraphe 36.. De nombreux pays continuent de placer en rétention des enfants migrants et il a été souligné qu’il convient dans ce cas de ne pas séparer les enfants de leurs parents contre leur volonté 
			(37) 
			Assemblée parlementaire,
Étude sur les pratiques de rétention des migrants et les alternatives
à la rétention d’enfants migrants (2017), p. 13.. La Charte sociale européenne donne obligation aux États de prendre les mesures nécessaires et appropriées pour assurer aux enfants les soins et l’assistance dont ils ont besoin pour les protéger contre la négligence, la violence ou l’exploitation 
			(38) 
			Défense
des Enfants International (DEI) c. Belgique, Réclamation
no 69/2011, décision sur le bien-fondé
du 23 octobre 2012, paragraphe 82.. Cette obligation s’étend aux enfants qui sont en situation irrégulière sur leur territoire 
			(39) 
			Défense
des Enfants International (DEI) c. Pays-Bas, Réclamation
no 47/2008, décision sur le bien-fondé
du 20 octobre 2009.. Les enfants doivent être pris en charge au cas par cas et le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant devrait s’appliquer pleinement aux enfants migrants 
			(40) 
			Assemblée parlementaire,
Étude sur les pratiques de rétention des migrants et les alternatives
à la rétention d’enfants migrants (2017), p. 16..
48. La Cour européenne des droits de l’homme a conclu de manière systématique que, en raison de leur extrême vulnérabilité, les enfants migrants avaient un seuil de risques plus bas et que le maintien en rétention pouvait de ce fait constituer un traitement inhumain ou dégradant. La Cour a par exemple conclu à la violation des droits de l’enfants garantis par l’article 3 dans une affaire où une fillette non accompagnée âgée de cinq ans avait été placée en rétention dans un centre pour adultes 
			(41) 
			<a href='http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-77447'>Mubilanzila
Mayeka et Kaniki Mitunga c. Belgique</a>, Requête no 13178/03., et dans d’autres situations où les conditions en rétention étaient constitutives d’un traitement inhumain ou dégradant 
			(42) 
			<a href='http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-112592'>Mahmundi
et autres c. Grèce</a>, Requête no 14902/10, 31 juillet
2012; <a href='http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-179231'>S.F. et autres
c. Bulgarie</a>, Requête no 8138/16, arrêt
du 7 décembre 2017; <a href='http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-104367'>Rahimi c.
Grèce</a>, Requête no 8687/08,
arrêt du 5 avril 2011; <a href='http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-148927'>Mohamad c.
Grèce,</a> Requête no 70586/11, arrêt
du 11 décembre 2014 ; <a href='http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-168780'>Abdullahi
Elmi et Aweys Abubakar c. Malte</a>, Requêtes nos 25794/13 et
28151/13, arrêt du 22 novembre 2016.. Des violations similaires ont été constatées s’agissant d’enfants accompagnés 
			(43) 
			Popov
c. France, Requêtes nos 39472/07
et 39474/07, arrêt du 19 janvier 2012..
49. La situation des enfants migrants placés en rétention fait par ailleurs l’objet d’un suivi constant, notamment de la part du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) 
			(44) 
			CPT, Fiche thématique
sur la rétention des migrants, mars 2017; voir aussi, par exemple,
le rapport du CPT sur la visite effectuée en 2016 en Grèce, septembre
2017), p. 20-28. . La Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI), le Comité européen des Droits sociaux (CEDS) et le Comité d’experts de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires se sont eux aussi penchés sur cette question dans le cadre de leur procédure de suivi 
			(45) 
			Stratégie du Conseil
de l’Europe sur les droits de l’enfant (2016-2021) – 1er Rapport
de mise en œuvre, octobre 2017, p. 6; Stratégie du Conseil de l’Europe
pour les droits de l’enfant (2016-2021), mars 2016, p. 12 ; Assemblée parlementaire,
Étude sur les pratiques de rétention des migrants et les alternatives
à la rétention d’enfants migrants (2017), p. 14.. Pour améliorer le contrôle des lieux où des enfants sont privés de liberté, des formations sont organisées pour les personnes chargées des visites et du suivi des locaux de rétention 
			(46) 
			Stratégie du Conseil
de l’Europe sur les droits de l’enfant (2016-2021) – 1er Rapport
de mise en œuvre, octobre 2017, p. 6..
50. La troisième phase de la Campagne parlementaire pour mettre fin à la rétention d’enfants migrants, conduite par l’Assemblée en collaboration avec la Division des droits de l’enfant, s’attachera notamment à l’amélioration de l’accès aux droits des enfants migrants, en particulier lors des procédures d’évaluation de l’âge, en appui au travail conduit par le Comité ad hoc pour les droits de l'enfant (CAHENF). Celui-ci a par ailleurs créé un groupe d’experts chargé de contribuer à l’élaboration de lignes directrices sur les droits et les garanties pour les enfants dans le contexte de la migration. Deux textes d’orientation pour les États membres sur la tutelle et la détermination de l’âge dans le cadre de la migration sont actuellement en préparation et devraient être achevés dans le courant de 2019 
			(47) 
			Voir <a href='https://rm.coe.int/cahenf-safeguards-description-en/1680725335'>https://rm.coe.int/cahenf-safeguards-description-en/1680725335</a>..

5. Conclusions et recommandations

51. Les États membres devraient prendre des mesures effectives pour faire cesser l’usage de la violence contre les enfants migrants ou réfugiés et leur famille (notamment aux frontières), protéger les enfants exposés au risque de traite (conformément à la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains), prévoir des régimes de tutelle pour les enfants migrants non accompagnés et mettre fin à la rétention des enfants migrants. Il conviendrait de mettre en œuvre des réformes politiques et législatives au sein de l’Union européenne pour créer davantage de voies sûres, légales et régulières pour les réfugiés et les migrants, et renforcer les garanties juridiques pour les enfants venus sans leur famille. Les dispositions en vigueur pour le regroupement familial devraient être interprétées de manière extensive et plus souple afin de prendre en compte les besoins humanitaires des enfants.
52. Le Conseil de l’Europe devrait prendre en considération le plan en six points de l’UNICEF 
			(48) 
			<a href='https://www.unicef.org/fr/enfants-deracines/enfants-refugies-et-migrants-plan-d-action'>www.unicef.org/fr/enfants-deracines/enfants-refugies-et-migrants-plan-d-action</a>. pour les enfants réfugiés et migrants, qui demande notamment des mesures pour que les enfants aient accès à l’enseignement et aux services de santé, entre autres services; l’élaboration de stratégies efficaces pour réunir les enfants et leur famille; et la mise en place de voies de migration légales et durables à l’échelle de la planète.
53. En outre, les États membres devraient respecter les principes de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, ce qui implique notamment de faire passer avant toute chose l’intérêt supérieur de l’enfant. Le Conseil de l’Europe devrait par conséquent continuer à développer sa politique de lutte contre la rétention d’enfants migrants et à promouvoir des alternatives comme la prise en charge par des familles d’accueil, le placement dans un lieu de vie autonome surveillé et l’obligation de signalement. Ces solutions permettent d’éviter à la fois que les enfants (notamment non accompagnés) subissent des violences dans les centres de rétention et qu’ils soient tentés de prendre la fuite, ce qui les amène à tomber entre les mains de trafiquants d’êtres humains. Le Conseil de l’Europe devrait se référer aux bonnes pratiques existantes: dans plusieurs États, la tendance est clairement à la réforme de la détention et à la baisse du recours au placement en rétention; certains États (comme le Royaume-Uni, la Finlande et l’Italie 
			(49) 
			<a href='https://idcoalition.org/wp-content/uploads/2016/09/End-Child-Detention-Advocacy-Brochure_web_spreads_190816-1.pdf'>https://idcoalition.org/wp-content/uploads/2016/09/End-Child-Detention-Advocacy-Brochure_web_spreads_190816-1.pdf</a>.) se sont engagés à mettre fin à la rétention d’enfants migrants dans les meilleurs délais.
54. Le Conseil de l’Europe doit demander instamment à ses États membres de respecter le principe de «non-refoulement». Les enfants qui se trouvent sur le sol européen risquent de subir des violences, mais si on les renvoie dans leur pays d’origine, il est pratiquement certain qu’ils subiront des persécutions et de graves violations des droits de l’homme. Renvoyer des enfants migrants vers le pays d’où ils viennent équivaut à les remettre directement entre les mains de ceux qui les ont maltraités pendant leur voyage vers l’Europe.
55. Afin d’assurer la sûreté, la sécurité et la stabilité des enfants, les garanties liées à la procédure d’asile devraient être inscrites dans la législation plutôt que dans la réglementation. Les dispositions réglementaires laissent trop de place à une interprétation extensive et une mise en œuvre peu rigoureuse, souvent au détriment de l’enfant. La procédure d’asile doit être assortie, à chaque étape, de garanties beaucoup plus fortes assurant à l’enfant la possibilité de déposer un recours juridique et de bénéficier d’un réexamen judiciaire des décisions.
56. Les États membres devraient en outre envisager de renforcer leur cadre législatif et politique en ratifiant la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.
57. Par ailleurs, il faut intégrer la prise en compte de considérations liées au genre dans les dispositifs nationaux pour les enfants demandeurs d’asile. Par exemple les jeunes filles ne devraient pas être placées dans des dortoirs où se trouvent des hommes qu’elles ne connaissent pas car cela les expose au risque de subir des violences sexuelles.
58. Il faudrait encourager la coopération intergouvernementale et les projets communs entre les services répressifs, avec l’aide d’Europol et d’Interpol, en vue d’identifier effectivement les réseaux de criminalité organisée et de traite des êtres humains, qui exploitent les enfants migrants et exercent des violences contre eux. Les pouvoirs publics et les gouvernements des États membres devraient être incités à intégrer les travaux des ONG qui consacrent leurs programmes officiels aux enfants migrants, pour faire en sorte que tous les enfants migrants bénéficient d’une protection étendue à tous les niveaux. Les ONG ont bien souvent la possibilité de toucher des enfants migrants marginalisés et vivant dans des conditions extrêmes, ce qui permet de les inclure dans les programmes et d’aider ces enfants qui vivent dans la rue ou dans des camps de fortune ainsi que ceux qui sont exploités comme main-d’œuvre bon marché ou comme esclaves sexuels.
59. La tutelle constitue elle aussi une garantie essentielle. Elle permet aux enfants non accompagnés d’avoir un adulte auquel ils peuvent s’adresser personnellement et qui peut leur apporter un soutien moral ainsi qu’une aide dans la procédure d’asile. Il conviendrait de mettre en place un code commun de bonnes pratiques pour garantir à chaque enfant l’accès à un tuteur et à un représentant en justice. Les États membres devraient mettre en place des lignes directrices claires sur la confidentialité et les litiges entre le tuteur et l’enfant, ainsi que sur le droit de l’enfant de s’exprimer lui-même et de formuler des griefs contre son tuteur.
60. Enfin, les États membres devraient veiller à ce que les demandeurs d’asile, en particulier les enfants, aient accès aux services sociaux et de santé dans les mêmes conditions que les nationaux. Bien que les enfants migrants aient droit aux soins de santé et aux traitements médicaux, les services de santé locaux se montrent parfois réticents à accorder la prise en charge. Il faut par conséquent que les pays définissent un «panier» de services essentiels accessibles aux demandeurs d’asile. Par ailleurs, l’incertitude quant à leur situation juridique et leurs conditions de vie difficiles ont des répercussions graves sur la santé mentale des enfants demandeurs d’asile. Les États membres doivent donc mettre en place une stratégie préventive et inclusive pour traiter les problèmes de santé mentale des enfants demandeurs d’asile.
61. Le Conseil de l’Europe devrait mettre en évidence et proposer les bonnes pratiques et les politiques efficaces mises en œuvre par certains États membres, comme la spécialisation de fonctionnaires de l’asile dans la prise en charge des enfants migrants, dans une démarche d’assistance comprenant l’information des enfants dans leur langue maternelle et sous une forme adaptée, et la création d’espaces réservés exclusivement aux enfants migrants dans les zones de transit et les postes de police.
62. Il conviendrait d’adopter des politiques spécifiques pour parvenir à une parfaite insertion des enfants migrants dans la société du pays d’accueil, afin d’empêcher toute forme de discrimination ou de marginalisation qui pourrait en faire des cibles de la violence et des abus.
63. Ce rapport met en évidence la nécessité, pour les gouvernements des États membres, d’adopter une stratégie commune sur les moyens de combattre la violence infligée aux enfants migrants sous toutes ses formes et de garantir une protection complète et étendue de leurs droits fondamentaux. Ce type de stratégie doit comprendre des propositions visant à garantir aux enfants migrants des conditions d’entrée sûres et légales dans les États tiers afin de leur éviter le risque de tomber entre les mains de trafiquants d’êtres humains.
64. Le comité intergouvernemental compétent du Conseil de l’Europe – le Comité directeur pour les droits de l’homme (CDDH) et son Groupe de rédaction sur les droits de l’homme et la migration (CCDH-MIG) – pourrait par ailleurs examiner la possibilité d’élaborer de nouvelles normes européennes pour les centres d’accueil des enfants migrants.