1. Introduction
1. Les migrants arrivés en Europe
depuis 2015 comptent parmi eux beaucoup d’enfants, dont la plupart sont
non accompagnés. D’après le rapport du Haut Commissariat des Nations
Unies pour les réfugiés (HCR) «Refugee and Migrant Children in Europe:
accompanied, unaccompanied and separated»
, plus de 16 500 enfants sont arrivés
en Grèce, en Italie, en Bulgarie et en Espagne au premier semestre
2017. Plus de 11 900 (soit 72 % d’entre eux) étaient non accompagnés
ou séparés.
2. Même si tous les migrants risquent d’être confrontés à un
certain degré de violence, comme indiqué dans le rapport de l’Assemblée
intitulé «
La
violence envers les migrants », les enfants migrants sont particulièrement exposés
à la violence et à la maltraitance, y compris après avoir atteint
les pays d’accueil en Europe. Ils sont en butte à la maltraitance
en raison des mauvaises conditions des centres de rétention ou des zones
de transit, mais aussi de l’absence de normes et de bonnes pratiques
dans certains pays. Les enfants migrants non accompagnés représentent
la catégorie la plus vulnérable pour ce qui est du risque d’être
victime d’abus sexuels et de violence, en particulier s’ils entrent
illégalement dans les pays européens ou vivent dans la rue pour
éviter l’expulsion. Ils courent également le risque d’être exploités
par des organisations criminelles se livrant à la traite d’êtres
humains à des fins d’exploitation sexuelle, ou en tant que travailleurs
sans papiers. Même lorsque les pouvoirs publics les intègrent à
des programmes de scolarisation et à des programmes officiels, ils
peuvent être confrontés à la discrimination et à la xénophobie dans
les pays hôtes.
3. Leur exposition à la violence ne s’arrête donc pas aux frontières
de l’Europe. De nombreux pays européens continuent de placer les
migrants en situation irrégulière ou les demandeurs d’asile déboutés
dans des centres de rétention ou des établissements de type carcéral,
ce qui nuit à leur santé et à leur développement. Dans les centres
d’accueil, les enfants migrants peuvent également être victimes
d’abus sexuels, car ils sont souvent placés avec des adultes avec
lesquels ils n’ont pas de lien de parenté. À leur arrivée dans les
pays hôtes, cette violence continue puisque certains enfants sont
contraints à la prostitution et à l’exploitation sexuelle pour «rembourser»
leurs passeurs.
4. Les États sont tenus, en vertu du droit international, de
protéger les enfants contre la violence. La Convention des Nations
Unies relative aux droits de l’enfant garantit le droit, pour les
enfants, d’être protégés contre «toute forme de violence, d'atteinte
ou de brutalités physiques ou mentales, d'abandon ou de négligence,
de mauvais traitements ou d'exploitation, y compris la violence
sexuelle»
. La Convention européenne des droits
de l'homme (STE no 5), dont l’article
3 interdit la torture et les traitements inhumains ou dégradants
sous toutes leurs formes, s’applique également aux enfants. En outre,
la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme confirme
que les pays ont l’obligation positive de prendre des mesures effectives
pour protéger les enfants contre les abus. Par conséquent, chaque
État membre doit protéger les migrants, qu’ils soient demandeurs
d’asile, en transit ou engagés dans une procédure de retour.
5. L’Assemblée a adopté plusieurs résolutions et recommandations
sur ce thème, qui examinent les difficultés auxquelles sont confrontés
les enfants migrants, notamment la
Recommandation 2117 (2017) et la
Résolution
2195 (2017) «Enfants migrants non accompagnés: pour une détermination
de l’âge adaptée à l’enfant», ainsi que la
Résolution 2136 (2016) «Harmoniser la protection des mineurs non accompagnés
en Europe». Elle a également adopté un certain nombre de résolutions
et de recommandations relatives aux flux migratoires massifs vers
l’Europe et à leurs conséquences sur les migrants eux-mêmes, notamment
la
Résolution 2128 (2016) sur la a violence envers les migrants, ou la
Résolution 2174 (2017) sur les répercussions sur les droits de l’homme de la
réponse européenne aux migrations de transit en Méditerranée. Les
rapports en préparation, qui portent sur les réfugiés et les migrants
qui sont des cibles faciles pour l’exploitation ou sur les disparitions
d’enfants réfugiés ou migrants en Europe, aborderont les difficultés spécifiques
des migrants étroitement liées au thème du présent rapport.
6. Les États membres du Conseil de l'Europe doivent agir en adoptant
une stratégie commune sur les moyens de combattre la violence infligée
aux enfants migrants sous toutes ses formes. Cette stratégie devrait comprendre
des propositions visant à garantir aux enfants migrants des conditions
d’entrée sûres et légales dans les États tiers afin de leur éviter
le risque de tomber entre les mains de trafiquants d’êtres humains.
7. Pour préparer ce rapport, j’ai effectué une visite d’information
à Madrid et à Melilla, dont les conclusions ont nourri mon travail.
2. Causes profondes et raisons de la grande
vulnérabilité des enfants qui deviennent des migrants en situation
irrégulière
8. Les enfants migrent pour échapper
à la violence, à un conflit armé, aux persécutions, aux ravages
du changement climatique, aux catastrophes naturelles et à la pauvreté.
Beaucoup de jeunes migrants se mettent en quête d’opportunités professionnelles
ou éducatives. Dans d’autres cas, les enfants quittent leur foyer
pour fuir la perspective d’un mariage forcé, les mutilations génitales
féminines ou la violence fondée sur le genre (pour les filles) ou
la conscription (pour les garçons).
9. Parfois les enfants partent seuls car leurs chances de réussite
sont jugées supérieures à celles des membres plus âgés de la famille.
Des entretiens menés en Afghanistan dans des communautés dont étaient issus
des enfants migrants non accompagnés ont révélé que la décision
de migrer était basée sur la conviction que les enfants de moins
de 18 ans arrivant en Europe bénéficieraient d’une protection spéciale
et auraient plus de chances d’être autorisés à rester.
10. Un autre phénomène se développe, celui des parents qui envoient
leurs enfants seuls en Europe. En 2016, le Bureau européen d'appui
en matière d'asile (EASO) a publié un rapport annuel
, selon lequel des parents afghans
envoient leurs enfants non accompagnés en Europe, dans l’espoir
qu’ils y obtiennent l’asile et demandent le regroupement avec le
reste de la famille. De nombreux enfants qui arrivent en Grèce ou
en Espagne sont envoyés par leur famille pour des raisons économiques,
afin de gagner de l’argent qu’ils expédieront au pays pour soutenir
leurs proches.
11. Un grand nombre d’enfants (surtout ceux qui sont non accompagnés
ou séparés) passent à travers les mailles de systèmes d’asile surchargés,
inefficaces et incohérents. Il est fréquent que les enfants soient retenus
(dans des centres de rétention, par la police à l’aéroport ou dans
des zones de transit) en raison du manque de places dans les centres
de protection de l’enfance et de la capacité limitée à trouver d’autres solutions.
Les enfants migrants sont encouragés à emprunter des itinéraires
dangereux et illégaux (qui nécessitent souvent de faire appel à
des passeurs) et à fuir les centres de rétention à leur arrivée
car ils y subissent des violences.
12. La situation actuelle est critique, en particulier en Italie,
pays dans lequel près de 12 000 enfants migrants sont arrivés au
premier semestre 2017, dont 96 % non accompagnés, ainsi qu’en Espagne,
où le nombre d’enfants migrants non accompagnés est actuellement
estimé à 10 000 environ. Elle demeure préoccupante dans d’autres
pays qui ont été confrontés à l’afflux le plus massif de migrants,
comme la Croatie, la Grèce, la Serbie et la Bulgarie.
3. Diverses
formes de violence
13. La crise migratoire a été exploitée
par des réseaux criminels de traite des êtres humains pour cibler
les personnes les plus vulnérables, notamment les femmes et les
enfants. Des travailleurs sociaux italiens ont déclaré
que certaines filles arrivaient
enceintes, après avoir été violées pendant leur périple. Néanmoins, compte
tenu du caractère illégal du trafic de migrants, il n’existe pas
de chiffres fiables qui indiqueraient le nombre précis de migrants
morts ou disparus dans un cadre de travail forcé ou de prostitution.
3.1. Les
enfants migrants victimes de passeurs et de trafiquants
14. Les enfants migrants étant
de plus en plus nombreux à se déplacer seuls, beaucoup sont exposés
aux abus et à l’exploitation sexuels aux mains des passeurs et des
trafiquants. L’itinéraire de la Méditerranée centrale a été identifié
comme l’un des plus dangereux: plus de 75 % des 1 600 enfants âgés
de 14 à 17 ans qui sont arrivés en Italie ont déclaré avoir été
retenus contre leur volonté ou contraints à travailler
. D’après Europol, près de 90 % des
migrants qui franchissent illégalement les frontières européennes
ont été aidés par des passeurs; Europol a même indiqué que le nombre
de passeurs avait explosé, atteignant quasiment 65 000 suspects
en 2018
.
15. Dans les pays de première entrée comme l’Italie, la Grèce
ou la Bulgarie ou dans les pays de destination comme la France,
l’Espagne ou les Pays-Bas, l’existence de marchés illégaux ou très
peu contrôlés favorise l’exploitation des enfants dans des activités
clandestines par des organisations criminelles de toutes tailles,
qui sont souvent actives dans la traite ou le trafic illicite d’êtres
humains. La plupart des victimes de la traite et de l’exploitation
sont des enfants qui fuient la violence, les conflits, de graves
crises humanitaires ou la pauvreté. Faute de voies d’accès légales
et sûres, les enfants non accompagnés doivent recourir à des passeurs
qui peuvent exercer un contrôle sur eux à leur arrivée en Europe.
16. De nombreux enfants souffrent à cause des politiques inhumaines
et agressives des États à l’égard des migrants. Ainsi, des pays
ferment leurs frontières, appliquent des mesures de renvoi agressives
et placent les migrants dans des abris surpeuplés et des camps de
fortune. Toutes ces méthodes accroissent le risque d’exploitation
des enfants, ce qui pousse les enfants non accompagnés à emprunter
une nouvelle fois des itinéraires dangereux et à fuir les centres
de rétention à leur arrivée.
17. Le rapport «Emergency within an emergency»
de l’université d’Harvard décrit
une situation dans laquelle les enfants migrants sont victimes de
violences sexuelles, y compris de prostitution, dans les camps et
lieux d’accueil pour migrants en Grèce. D’après les recherches menées
dans ce cadre, «chaque enfant migrant, quelle que soit son origine,
risque d’être victime du commerce sexuel». Le rapport avertit que
«pour payer les passeurs, les enfants se tournent vers des activités
dangereuses et illégales, notamment le vol, le trafic de stupéfiants
et les relations sexuelles tarifées». Les filles migrantes non accompagnées
ou séparées sont particulièrement exposées à la violence sexuelle
et fondée sur le genre.
3.2. La
violence dans les lieux d’accueil, les zones de transit et les centres
de migrants
18. L’ampleur de la crise migratoire
met à rude épreuve les systèmes de protection sociale des pays hôtes malgré
les efforts déployés à tous les niveaux de la société pour apporter
un soutien. Par exemple, en décembre 2015, le gouvernement allemand
et le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF) ont réalisé une
évaluation
des enfants arrivés en Allemagne
avec leur famille, qui a montré que les enfants risquaient de subir
des violences, des abus et une exploitation, en particulier dans
les centres d’accueil et d’hébergement temporaire. Dans l’attente
du traitement de leur demande (qui prend plusieurs mois), ils sont
hébergés dans des salles de sport, d’anciennes casernes ou d’autres
abris temporaires, où ils ne sont pas scolarisés et ne bénéficient
pas d’un soutien psychologique adéquat.
19. Après avoir fui la violence dans leur pays d’origine, les
enfants réfugiés sont souvent victimes de violences physiques et
psychologiques en Europe dans les camps de réfugiés, les lieux de
rétention, les zones de transit, les dispositifs d'accueil et de
premier accueil ou à proximité des frontières fermées.
20. La rétention d’enfants, avec leur famille, a été condamnée
par le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies car elle
est contraire au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. Les
enfants migrants placés en rétention sont confrontés aux mauvaises
conditions des centres de rétention qui sont généralement surpeuplés,
dans lesquels ils ne sont pas suffisamment protégés et où les changements
constants de personnel accentuent l’instabilité. Par la suite se
posent également le problème de l’absence de véritable système de
collecte des données et celui de la formation insuffisante des professionnels
.
21. En rétention, les enfants risquent de souffrir de dépression
et d’anxiété et présentent fréquemment des symptômes correspondant
à des troubles de stress post-traumatique tels que l’insomnie, les
cauchemars et l’énurésie nocturne
. En fait, comme l’ont montré de
nombreuses études ainsi que la Campagne de l'Assemblée parlementaire
pour mettre fin à la rétention d'enfants migrants, même les courtes
périodes de rétention peuvent être préjudiciables au bien-être psychologique
et physique de l’enfant et compromettre son développement cognitif
.
22. Des études ont révélé que la rétention était à l’origine de
surtaux de suicides ou de tentatives de suicide, d’actes d’automutilation,
de troubles mentaux et de problèmes de développement, notamment
d’un grave trouble de l’attachement. D’après M. Juan Méndez, rapporteur
spécial des Nations Unies sur la torture et les autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants, des enfants placés
en rétention ont été attachés, bâillonnés, frappés à coups de bâton,
brûlés avec des cigarettes, soumis à des décharges électriques et
mis à l’isolement, ce qui a provoqué une grave anxiété et des séquelles
psychologiques
.
23. Même les environnements de rétention relativement humains
ou adaptés aux enfants peuvent exacerber des faiblesses préexistantes
au niveau psychologique et du développement, comme un précédent traumatisme,
l’éclatement de la cellule familiale ou l’absence de besoins primaires.
Pour la Cour européenne des droits de l’homme, la rétention d’enfants,
même pour une courte durée, viole l’interdiction de la torture et des
autres mauvais traitements, car la vulnérabilité de l’enfant et
son intérêt supérieur l’emportent sur l’intérêt du gouvernement
de tenter de contrôler ou de faire cesser les migrations clandestines
.
3.2.1. Étude
de cas sur la violence envers les enfants migrants en Espagne :
centre d’accueil de Melilla
24. Le nombre considérable de migrants
qui ont débarqué sur les côtes européennes, en particulier en Italie et
en Grèce, ont entraîné une surpopulation aiguë les lieux d’accueil.
En Espagne, la situation demeure problématique dans les zones frontalières
terrestres entre le Maroc et les territoires espagnols de Ceuta
et Melilla, en raison du nombre énorme de migrants tentant la traversée
ou déjà accueillis dans les lieux et centres de rétention de ces
villes. Un autre problème est lié au fait que les enfants migrants
tentent de s’enfuir des centres de rétention pour poursuivre leur
voyage vers d’autres États européens et déjouer les procédures bureaucratiques
officielles mises en place par ces États. Ils deviennent alors des
migrants en situation irrégulière et la cible encore plus facile
pour la violence et l’exploitation.
25. D’après plusieurs rapports, les enfants migrants à Ceuta et
Melilla sont victimes d’abus à la frontière et à l’intérieur de
ces enclaves. Lors d’entretiens, de nombreux migrants ont décrit
les violences qu’ils avaient subies en voulant franchir la frontière
marocaine, aussi bien de la part des autorités marocaines que de
celle des gardes-frontières espagnols. Certains migrants, dont des
enfants, ont déclaré avoir été remis à la police marocaine par les
autorités espagnoles alors qu’ils avaient déjà gagné les deux enclaves
espagnoles. Ces cas, comme d’autres, constituent des expulsions
de fait effectuées par les autorités espagnoles au mépris de leurs obligations
internationales. Plusieurs mineurs ont aussi été expulsés sans respect
des procédures, en violation du droit international relatif aux
droits de l’homme, de la Directive retour de l’Union européenne
et du Plan d'action de l’Union européenne pour les mineurs non accompagnés
.
26. Malgré l'augmentation des financements accordés par le gouvernement
espagnol, les organisations non gouvernementales continuent de faire
état d'une situation qui ne respecte pas les normes minimales dans
les centres de rétention de Ceuta et Melilla. Selon Amnesty International,
la surpopulation et les conditions sanitaires déplorables sont telles
que les enfants migrants préfèrent dormir dans la rue plutôt qu’endurer
un séjour en centre pour mineurs
.
27. Pendant ma mission d'information en Espagne, je me suis rendue
à Melilla, qui accueille l’un de ces centres pour mineurs, La Purísima. Afin de comprendre
le contexte, j'ai rencontré des responsables de la police nationale
et de la garde civile, qui m'ont informée que quelque 14 000 personnes
franchissent quotidiennement la frontière à Melilla, parmi lesquelles
des enfants. Environ un millier d'enfants migrants non accompagnés
sont enregistrés dans la ville, mais leur nombre exact est inconnu.
Beaucoup arrivent avec des adultes, parents ou autres proches, qui
les abandonnent souvent dans l'espoir qu'ils trouvent un travail
ou soient scolarisés. Certains enfants arrivent comme migrants en
situation irrégulière après avoir fait l'objet de traite par des
organisations criminelles.
28. En cas de doute sur l’âge des enfants, la police les conduit
à l’hôpital aux fins de la procédure médicale de détermination de
l’âge, qui repose très souvent sur des tests invasifs, comme un
examen des organes génitaux ou une radiographie (dentaire).
29. Le centre a une capacité officielle de 170 places, mais il
héberge près de 650 mineurs. Tous sont des garçons, les filles étant
logées dans un autre établissement. La plupart d'entre eux viennent
du Maroc mais aussi de Palestine, de Syrie, de Tunisie et de Turquie.
Le centre est surpeuplé et le personnel fait de son mieux pour s’occuper
des enfants, mais il est évident que l’établissement n'est pas en
mesure d’en prendre en charge un si grand nombre. Les enfants partagent
souvent le même lit, les chambres sont très sombres et chichement meublées.
Les éducateurs m'ont même dit que des enfants construisaient eux-mêmes
leurs lits.
30. Pour limiter le nombre de personnes en rétention dans le centre,
l'administration a décidé de fermer les portes à 22 heures, de sorte
que tous les garçons qui arrivent plus tard sont obligés de passer
une nuit dehors. Cela les expose incontestablement à des risques
et pose des problèmes de sécurité, car les enfants sont en concurrence
pour obtenir les ressources. Les mineurs non accompagnés ne demandent
pas l'asile étant donné qu’ils ne sont pas informés de cette possibilité.
Les enfants qui séjournent dans le centre pourraient aller à l'école
en ville; par contre, ils n'ont aucun lieu pour faire du sport ou
d'autres activités sociales.
31. Les ONG que j'ai rencontrées à Madrid affirment avoir recensé
plusieurs cas de violence contre des enfants migrants dans deux
centres d'accueil, mais les enfants ne peuvent signaler ces cas,
car les juges doutent de leur capacité juridique et exigent la présence
de leurs tuteurs, même s'ils ont commis des violences. Les autorités
nient toute violence contre des mineurs non accompagnés, à l’exception
d’un cas survenu en 2018, lorsque le travailleur d’un centre a poignardé
un enfant.
32. Tout au long de 2014 et 2015 à Melilla, les militants de Asociación
Harraga et de PRODEIN se sont entretenus avec des enfants migrants
qui vivaient dans la rue: 92 % des 91 enfants migrants interrogés
ont déclaré que les violences subies étaient la raison pour laquelle
ils ne voulaient pas retourner dans le centre, et 75 % d'entre eux
ont accusé le personnel du centre d’exercer une certaine violence
à leur égard, en plus des violences commises par d'autres enfants
migrants. Une autre raison explique le refus de rester dans le centre:
certains enfants n’ont en effet reçu aucun document officiel, alors
qu'ils y avaient droit. Dans ces conditions, ils ont préféré tenter
de franchir la frontière illégalement pour gagner l'Espagne continentale
et essayer d’entamer les procédures légales qui leur permettraient
de rester dans le pays
. Les enfants migrants sont aussi
une cible facile d’abus sexuels. Plusieurs cas ont été signalés
aux autorités – dont un concerne même deux policiers accusés d'avoir
abusé d'un enfant qui proposait ses services sexuels en échange
de petits cadeaux.
3.3. La
grande vulnérabilité des enfants non accompagnés
33. Les enfants migrants non accompagnés
figurent parmi les groupes les plus vulnérables. Dès le début de
leur voyage, ils sont exposés à la violence et au risque de tomber
entre les mains de réseaux criminels. Pour la grande majorité d’entre
eux, la spirale de l’exploitation démarre au début du voyage et
s’aggrave et se cristallise souvent à leur arrivée dans les pays
européens. Les preuves recueillies par l’ONG Save the Children,
qui est présente aux frontières et dans de nombreuses villes italiennes
, ainsi que les données et rapports
fournis par les principales organisations humanitaires confirment
que bon nombre d’enfants non accompagnés, une fois arrivés dans
les pays de destination, restent la cible de la violence et de l’exploitation exercées
par des réseaux criminels et des personnes se livrant à la traite
d’êtres humains.
34. À leur arrivée, beaucoup d’enfants migrants dont l'âge est
contesté sont soumis à une procédure de détermination de l'âge.
Dans de nombreux pays, les méthodes utilisées à cette fin incluent
la radiographie des dents ou du poignet et l’examen des organes
génitaux. Or, ces méthodes risquent de provoquer ou de réveiller un
traumatisme chez l’enfant.
35. Les pratiques actuelles de détermination de l’âge varient
d’un pays à l’autre en Europe, et les personnes qui les appliquent
sont insuffisamment conseillées, formées et soutenues. Une erreur
ou un différend sur son âge non seulement nuit à la santé et au
bien-être de l’enfant, mais peut aussi amener à le traiter comme
un adulte et à le placer dans un centre de rétention ou dans une
prison.
36. Les enfants ont souvent peur d'être empêchés de poursuivre
leur voyage et se méfient des autorités; jusqu’à 50 % des enfants
migrants non accompagnés disparaissent dans les 48 heures qui suivent
leur placement dans des centres d'accueil en Europe
. Certains disparaissent en ayant
une destination bien précise en tête, ou fuient par peur d'être
renvoyés et de retrouver la situation à laquelle ils essayaient d’échapper.
D'autres sont victimes d'enlèvement, de traite et d'exploitation
sexuelle ou économique, notamment le prélèvement forcé d'organes,
la prostitution, le trafic de drogue et la mendicité forcés.
4. Protéger
les enfants migrants contre toutes les formes de violence
37. La Convention relative aux
droits de l’enfant (CIDE) impose des obligations claires aux États
signataires en matière de protection des enfants non accompagnés
et séparés. Ses dispositions prévoient toutes les mesures nécessaires
pour identifier le plus tôt possible un mineur non accompagné, pour
lui accorder toute la protection requise, pour retrouver sa famille
et, si c’est possible et dans l’intérêt supérieur de l’enfant, pour
le réunir avec sa famille. Les États parties à la CIDE devraient
harmoniser leur législation nationale avec les dispositions de la
Convention et créer les organes administratifs nécessaires à leur
mise en œuvre.
38. Les États devraient faire en sorte qu’une procédure visant
à déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant soit inscrite dans
la loi et appliquée pour chaque enfant migrant. Étant donné qu’elle
suppose une évaluation globale de l’histoire de l’enfant et de sa
situation actuelle, cette procédure permet d’identifier plus facilement les
actes de violence et les risques éventuels et d’y apporter une réponse
appropriée. Des bonnes pratiques indiquent comment les États veillent
à la détermination de l’intérêt supérieur dans le cadre national
de protection et de prise en charge des enfants. Cependant, s’agissant
des enfants migrants, pour lesquels on aspire à trouver une solution
durable individuelle, ces procédures sont souvent très fragmentées,
inefficaces voire inexistantes.
39. Dans la pratique, rares sont les enfants en situation de migration
dont l’intérêt supérieur fait l’objet d’un examen global. En Europe,
seule la Finlande a adopté une loi qui énumère les éléments et facteurs
à prendre en compte pour déterminer l’intérêt supérieur. Initialement
adoptées pour le cadre national d’aide à l’enfance, ces dispositions
ont ensuite été étendues aux enfants migrants. La loi finlandaise
s’inspire beaucoup des droits de l’enfant énoncés dans la CIDE et
a été à l’origine d’une série de mesures politiques et activités
dans le pays, qui ont aidé à préciser et à renforcer la détermination
de l’intérêt supérieur des enfants migrants.
40. Une procédure visant à déterminer l’intérêt supérieur offre
toujours la possibilité de protéger les droits des enfants migrants
dans leur globalité. Une loi efficace dans ce domaine peut avoir
des effets importants afin d’identifier et d’orienter les enfants
victimes de violence ou d’exploitation, et améliorer les mesures
de prévention. Il est urgent de mener une réforme législative en
la matière, qui facilitera également la mise en œuvre de toute une
série d’autres lois concernant la protection de l’enfance, les soins,
l’éducation et l’immigration/l’asile. La procédure de détermination
de l’intérêt supérieur vise à trouver une solution durable. Une
solution qui défend les droits de l’enfant à moyen et long terme,
en tenant compte du passage de l’enfant à l’âge adulte et vers l’indépendance,
et qui définit où cette solution sera la mieux mise en œuvre.
4.1. Mesures
d’action positive du Conseil de l’Europe
41. Le Conseil de l’Europe a pris
de nombreuses initiatives concrètes en vue de lutter contre les
différentes formes de violence contre les enfants migrants. Le Secrétaire
Général a proposé en mars 2016 une série d’actions prioritaires
pour la protection des enfants touchés par la crise des réfugiés,
la première de ces actions étant d’éviter que les enfants migrants
et demandeurs d’asile ne deviennent victimes de la violence, des
abus, de l’exploitation, des trafics et de la traite
.
En 2016, le Conseil de l’Europe a lancé sa Stratégie pour les droits de
l’enfant
, qui comprend un volet sur la lutte
contre la discrimination et les orientations aux États membres sur
la façon d’adopter une approche coordonnée fondée sur les droits
de l’enfant.
42. De plus, le Conseil de l’Europe a élaboré un Plan d’action
sur la protection des enfants réfugiés et migrants en Europe
. Mis en place dans le prolongement
du Rapport thématique sur les enfants migrants et réfugiés préparé
par le Représentant spécial du Secrétaire Général sur les migrations
et les réfugiés
, ce plan s’attache en particulier
à la partie intitulée «Prévenir la violence, la traite et l’exploitation
et y remédier». Les principales priorités concernent l’accès à un
système effectif de tutelle, l’accès à un hébergement adéquat pour les
enfants et leur famille lors des longs voyages, le rétablissement
des liens familiaux, la nécessité d’éviter le recours à la privation
de liberté des enfants et la mise en œuvre d’une protection effective
contre les violences, notamment la traite et l’exploitation sexuelle.
43. La Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des
enfants contre l’exploitation et les abus sexuels
(STCE no 201,
«Convention de Lanzarote») impose la criminalisation de tous les
types d’infractions à caractère sexuel perpétrées contre des enfants.
Elle dispose que les États, en Europe et au-delà, doivent adopter
des dispositions législatives spécifiques et prendre des mesures
en vue de prévenir la violence sexuelle, de protéger les enfants
victimes et de poursuivre les responsables. Un rapport spécial sur
la protection des enfants touchés par la crise des réfugiés contre
l’exploitation et les abus sexuels a été adopté par le Comité de
Lanzarote le 3 mars 2017
.
44. Enfin, la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre
la traite des êtres humains (STCE no 197)
reconnaît un ensemble de droits
aux victimes de la traite, y compris les enfants migrants, en particulier
le droit à l’identification comme victime, à une protection et à
une assistance. Un mécanisme de suivi de la convention est en place
– le Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains
(GRETA) – ce qui permet le contrôle de la mise en œuvre des obligations
et le respect effectif de ces dernières.
45. Dans sa
Résolution
2020 (2014) , l’Assemblée a invité
les États membres à introduire dans la législation l’interdiction
du placement en rétention d’enfants pour des raisons relatives à
l’immigration et à veiller à la pleine application de la législation
dans les faits
, et en 2015, elle a lancé
sa Campagne parlementaire pour mettre fin à la rétention d’enfants
migrants
. L’objectif de la Campagne est de
sensibiliser à la question de la privation de liberté des enfants
migrants et de promouvoir l’adoption par les États membres d’alternatives
au placement en rétention d’enfants migrants. Un certain nombre
d’initiatives ont été prises dans le cadre de la campagne, dont
des activités de sensibilisation sur la rétention d’enfants migrants,
la formation de parlementaires et de médiateurs à un contrôle efficace
des centres de rétention et diverses tables rondes et études visant
à dresser un état des lieux de la rétention et des pratiques de
détermination de l’âge dans les États membres
. Dans le cadre de la Campagne, le
Conseil de l’Europe a conçu un guide à l’intention des parlementaires
intitulé «Visiter les lieux où des enfants sont privés de liberté
à la suite de procédures d’immigration»
, donnant des orientations
détaillées aux personnes chargées du contrôle de ces structures.
46. Organisée par la présidence tchèque du Comité des Ministres
du Conseil de l’Europe, une conférence internationale intitulée
«La rétention d’enfants migrants: bientôt la fin?» s’est tenue à
Prague les 25 et 26 septembre 2017. Il s’agissait à la fois de faire
mieux connaître les droits des enfants et de promouvoir l’échange
de bonnes pratiques en matière d’alternatives
. Le rapport publié à la fin de cette conférence présentait
un certain nombre de suggestions à l’intention des États membres
dans ce domaine; il préconisait que les gouvernements établissent
une feuille de route claire en vue de mettre un terme à la pratique
de la rétention d’enfants migrants et faisait valoir la nécessité
d’adopter des procédures adaptées aux besoins des enfants
.
Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a lui
aussi souligné la nécessité de mettre en place des alternatives
claires dans la législation et dans les politiques, d’échanger les
bonnes pratiques et d’améliorer la collecte des données
.
47. L’article 17 de la Charte sociale européenne (révisée) (STE
no 163) garantit le droit des enfants
et des adolescents, y compris des mineurs non accompagnés, aux soins
et à l’assistance
.
De nombreux pays continuent de placer en rétention des enfants migrants
et il a été souligné qu’il convient dans ce cas de ne pas séparer
les enfants de leurs parents contre leur volonté
.
La Charte sociale européenne donne obligation aux États de prendre
les mesures nécessaires et appropriées pour assurer aux enfants
les soins et l’assistance dont ils ont besoin pour les protéger
contre la négligence, la violence ou l’exploitation
. Cette obligation s’étend
aux enfants qui sont en situation irrégulière sur leur territoire
. Les enfants doivent être
pris en charge au cas par cas et le principe de l’intérêt supérieur
de l’enfant devrait s’appliquer pleinement aux enfants migrants
.
48. La Cour européenne des droits de l’homme a conclu de manière
systématique que, en raison de leur extrême vulnérabilité, les enfants
migrants avaient un seuil de risques plus bas et que le maintien
en rétention pouvait de ce fait constituer un traitement inhumain
ou dégradant. La Cour a par exemple conclu à la violation des droits
de l’enfants garantis par l’article 3 dans une affaire où une fillette
non accompagnée âgée de cinq ans avait été placée en rétention dans
un centre pour adultes
,
et dans d’autres situations où les conditions en rétention étaient
constitutives d’un traitement inhumain ou dégradant
. Des violations
similaires ont été constatées s’agissant d’enfants accompagnés
.
49. La situation des enfants migrants placés en rétention fait
par ailleurs l’objet d’un suivi constant, notamment de la part du
Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou
traitements inhumains ou dégradants (CPT)
. La Commission européenne contre
le racisme et l'intolérance (ECRI), le Comité européen des Droits
sociaux (CEDS) et le Comité d’experts de la Charte européenne des
langues régionales ou minoritaires se sont eux aussi penchés sur
cette question dans le cadre de leur procédure de suivi
.
Pour améliorer le contrôle des lieux où des enfants sont privés
de liberté, des formations sont organisées pour les personnes chargées
des visites et du suivi des locaux de rétention
.
50. La troisième phase de la Campagne parlementaire pour mettre
fin à la rétention d’enfants migrants, conduite par l’Assemblée
en collaboration avec la Division des droits de l’enfant, s’attachera
notamment à l’amélioration de l’accès aux droits des enfants migrants,
en particulier lors des procédures d’évaluation de l’âge, en appui
au travail conduit par le Comité ad hoc pour les droits de l'enfant
(CAHENF). Celui-ci a par ailleurs créé un groupe d’experts chargé
de contribuer à l’élaboration de lignes directrices sur les droits
et les garanties pour les enfants dans le contexte de la migration.
Deux textes d’orientation pour les États membres sur la tutelle
et la détermination de l’âge dans le cadre de la migration sont
actuellement en préparation et devraient être achevés dans le courant
de 2019
.
5. Conclusions
et recommandations
51. Les États membres devraient
prendre des mesures effectives pour faire cesser l’usage de la violence contre
les enfants migrants ou réfugiés et leur famille (notamment aux
frontières), protéger les enfants exposés au risque de traite (conformément
à la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains),
prévoir des régimes de tutelle pour les enfants migrants non accompagnés
et mettre fin à la rétention des enfants migrants. Il conviendrait
de mettre en œuvre des réformes politiques et législatives au sein
de l’Union européenne pour créer davantage de voies sûres, légales
et régulières pour les réfugiés et les migrants, et renforcer les garanties
juridiques pour les enfants venus sans leur famille. Les dispositions
en vigueur pour le regroupement familial devraient être interprétées
de manière extensive et plus souple afin de prendre en compte les
besoins humanitaires des enfants.
52. Le Conseil de l’Europe devrait prendre en considération le
plan en six points de l’UNICEF
pour les enfants réfugiés et migrants,
qui demande notamment des mesures pour que les enfants aient accès
à l’enseignement et aux services de santé, entre autres services;
l’élaboration de stratégies efficaces pour réunir les enfants et
leur famille; et la mise en place de voies de migration légales
et durables à l’échelle de la planète.
53. En outre, les États membres devraient respecter les principes
de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant,
ce qui implique notamment de faire passer avant toute chose l’intérêt
supérieur de l’enfant. Le Conseil de l’Europe devrait par conséquent
continuer à développer sa politique de lutte contre la rétention
d’enfants migrants et à promouvoir des alternatives comme la prise
en charge par des familles d’accueil, le placement dans un lieu
de vie autonome surveillé et l’obligation de signalement. Ces solutions permettent
d’éviter à la fois que les enfants (notamment non accompagnés) subissent
des violences dans les centres de rétention et qu’ils soient tentés
de prendre la fuite, ce qui les amène à tomber entre les mains de trafiquants
d’êtres humains. Le Conseil de l’Europe devrait se référer aux bonnes
pratiques existantes: dans plusieurs États, la tendance est clairement
à la réforme de la détention et à la baisse du recours au placement en
rétention; certains États (comme le Royaume-Uni, la Finlande et
l’Italie
) se sont engagés à mettre fin à
la rétention d’enfants migrants dans les meilleurs délais.
54. Le Conseil de l’Europe doit demander instamment à ses États
membres de respecter le principe de «non-refoulement». Les enfants
qui se trouvent sur le sol européen risquent de subir des violences,
mais si on les renvoie dans leur pays d’origine, il est pratiquement
certain qu’ils subiront des persécutions et de graves violations
des droits de l’homme. Renvoyer des enfants migrants vers le pays
d’où ils viennent équivaut à les remettre directement entre les
mains de ceux qui les ont maltraités pendant leur voyage vers l’Europe.
55. Afin d’assurer la sûreté, la sécurité et la stabilité des
enfants, les garanties liées à la procédure d’asile devraient être
inscrites dans la législation plutôt que dans la réglementation.
Les dispositions réglementaires laissent trop de place à une interprétation
extensive et une mise en œuvre peu rigoureuse, souvent au détriment
de l’enfant. La procédure d’asile doit être assortie, à chaque étape,
de garanties beaucoup plus fortes assurant à l’enfant la possibilité
de déposer un recours juridique et de bénéficier d’un réexamen judiciaire des
décisions.
56. Les États membres devraient en outre envisager de renforcer
leur cadre législatif et politique en ratifiant la Convention internationale
sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et
des membres de leur famille.
57. Par ailleurs, il faut intégrer la prise en compte de considérations
liées au genre dans les dispositifs nationaux pour les enfants demandeurs
d’asile. Par exemple les jeunes filles ne devraient pas être placées dans
des dortoirs où se trouvent des hommes qu’elles ne connaissent pas
car cela les expose au risque de subir des violences sexuelles.
58. Il faudrait encourager la coopération intergouvernementale
et les projets communs entre les services répressifs, avec l’aide
d’Europol et d’Interpol, en vue d’identifier effectivement les réseaux
de criminalité organisée et de traite des êtres humains, qui exploitent
les enfants migrants et exercent des violences contre eux. Les pouvoirs
publics et les gouvernements des États membres devraient être incités
à intégrer les travaux des ONG qui consacrent leurs programmes officiels
aux enfants migrants, pour faire en sorte que tous les enfants migrants
bénéficient d’une protection étendue à tous les niveaux. Les ONG
ont bien souvent la possibilité de toucher des enfants migrants
marginalisés et vivant dans des conditions extrêmes, ce qui permet de
les inclure dans les programmes et d’aider ces enfants qui vivent
dans la rue ou dans des camps de fortune ainsi que ceux qui sont
exploités comme main-d’œuvre bon marché ou comme esclaves sexuels.
59. La tutelle constitue elle aussi une garantie essentielle.
Elle permet aux enfants non accompagnés d’avoir un adulte auquel
ils peuvent s’adresser personnellement et qui peut leur apporter
un soutien moral ainsi qu’une aide dans la procédure d’asile. Il
conviendrait de mettre en place un code commun de bonnes pratiques pour
garantir à chaque enfant l’accès à un tuteur et à un représentant
en justice. Les États membres devraient mettre en place des lignes
directrices claires sur la confidentialité et les litiges entre
le tuteur et l’enfant, ainsi que sur le droit de l’enfant de s’exprimer
lui-même et de formuler des griefs contre son tuteur.
60. Enfin, les États membres devraient veiller à ce que les demandeurs
d’asile, en particulier les enfants, aient accès aux services sociaux
et de santé dans les mêmes conditions que les nationaux. Bien que
les enfants migrants aient droit aux soins de santé et aux traitements
médicaux, les services de santé locaux se montrent parfois réticents
à accorder la prise en charge. Il faut par conséquent que les pays
définissent un «panier» de services essentiels accessibles aux demandeurs
d’asile. Par ailleurs, l’incertitude quant à leur situation juridique
et leurs conditions de vie difficiles ont des répercussions graves
sur la santé mentale des enfants demandeurs d’asile. Les États membres
doivent donc mettre en place une stratégie préventive et inclusive
pour traiter les problèmes de santé mentale des enfants demandeurs
d’asile.
61. Le Conseil de l’Europe devrait mettre en évidence et proposer
les bonnes pratiques et les politiques efficaces mises en œuvre
par certains États membres, comme la spécialisation de fonctionnaires
de l’asile dans la prise en charge des enfants migrants, dans une
démarche d’assistance comprenant l’information des enfants dans
leur langue maternelle et sous une forme adaptée, et la création
d’espaces réservés exclusivement aux enfants migrants dans les zones
de transit et les postes de police.
62. Il conviendrait d’adopter des politiques spécifiques pour
parvenir à une parfaite insertion des enfants migrants dans la société
du pays d’accueil, afin d’empêcher toute forme de discrimination
ou de marginalisation qui pourrait en faire des cibles de la violence
et des abus.
63. Ce rapport met en évidence la nécessité, pour les gouvernements
des États membres, d’adopter une stratégie commune sur les moyens
de combattre la violence infligée aux enfants migrants sous toutes
ses formes et de garantir une protection complète et étendue de
leurs droits fondamentaux. Ce type de stratégie doit comprendre
des propositions visant à garantir aux enfants migrants des conditions
d’entrée sûres et légales dans les États tiers afin de leur éviter
le risque de tomber entre les mains de trafiquants d’êtres humains.
64. Le comité intergouvernemental compétent du Conseil de l’Europe
– le Comité directeur pour les droits de l’homme (CDDH) et son Groupe
de rédaction sur les droits de l’homme et la migration (CCDH-MIG) – pourrait
par ailleurs examiner la possibilité d’élaborer de nouvelles normes
européennes pour les centres d’accueil des enfants migrants.