1. Introduction
1. La préparation de l’avis de
l’Assemblée parlementaire sur le budget et les priorités du Conseil
de l’Europe pour l’exercice biennal 2020-2021 se fait dans un contexte
étrange. En effet, l’Assemblée doit se prononcer sur des priorités
du Conseil de l’Europe en tenant compte de la participation des
47 États membres au budget du Conseil de l’Europe, alors que la
réalité devrait nous conduire à présenter un avis sur la base de la
situation réelle dans laquelle se trouve le Conseil de l’Europe,
c’est-à-dire sans le financement d’un des cinq grands contributeurs:
la Fédération de Russie. Une partie de la crise financière actuelle
est due au fait que l’Assemblée parlementaire n’a pas de prérogatives
en matière budgétaire
. Je rappelle que le
Conseil de l'Europe est une organisation internationale à caractère
politique, sans but économique ou lucratif, créée par des États
souverains. Le financement du Conseil de l'Europe repose sur les
contributions de ses États membres.
2. Aujourd’hui, fort est de constater que beaucoup d’États membres
souhaitent que la Fédération de Russie ne quitte pas l’Organisation
mais s’acquitte de ses contributions (actuelle et dues) au budget
du Conseil de l’Europe conformément à ses engagements financiers.
Dès lors on peut se demander si ces États sont prêts à renoncer
aux principes de primauté du droit, en oubliant que la Fédération
de Russie n’a pas respecté ses engagements pris au moment de son
adhésion, notamment en ne respectant pas la souveraineté et l’intégrité territoriale
de l’Ukraine, à l’intérieur de ses frontières internationalement
reconnues, telles que définies après la disparition de l’Union soviétique.
3. Il n’est pas acceptable qu’un État membre, pour des considérations
purement politiques, exerce une telle pression budgétaire sur le
Conseil de l’Europe, pour arriver à ses fins, précipitant toute
une Organisation vers un abîme au moment même où cette dernière
célèbre les 70 ans de sa création et alors que l’Europe, qui assiste
à une montée du populisme et une remise en cause du multilatéralisme,
est confrontée à une crise sociale et politique sans précédent depuis
les années 1930.
4. Aux politiques portant atteinte aux droits sociaux et démocratiques
des citoyens en Europe s’ajoutent des défis extérieurs tels que
la crise des migrants et des réfugiés, les hostilités persistantes
dans de nombreuses régions du monde et la menace permanente du terrorisme.
Un nouvel engagement du Conseil de l’Europe s’impose pour relever
efficacement ces défis et trouver des solutions à long terme. Mais
il ne peut le faire sans renforcer sa capacité normative, mise en
œuvre à travers son réseau de comités intergouvernementaux, dont
les mandats pourraient être revus pour tenir compte des défis susmentionnés.
5. Le Conseil de l’Europe est-il prêt, dans les perspectives
financières actuelles, à apporter à l’ensemble de ses États membres
et aux autres États partenaires les éléments de réponse permettant
à ces derniers de relever ces défis et combattre les dérives actuelles?
2. Audit des comptes 2016 et 2017
6. La Najwyższa Izba Kontroli
(NIK), Auditeur externe du Conseil de l'Europe, a examiné les états financiers
consolidés du Conseil de l’Europe pour les exercices clos le 31
décembre 2016 et 2017 et a donné une opinion sans réserve pour les
deux exercices. Les états financiers présentent fidèlement la situation financière
du Conseil de l’Europe ainsi que les résultats de ses opérations
et des flux de sa trésorerie en fin d’exercice.
7. Au cours de son audit portant sur les comptes de 2016, l’Auditeur
externe a réalisé trois audits de performance dans le domaine des
retraites et des pensions du Conseil de l’Europe, les archives et
la modernisation du système informatique de la gestion des ressources
humaines. Pour 2017 les audits de performance ont concerné les prélèvements
administratifs sur les ressources extrabudgétaires, les systèmes informatiques
de gestion des «records» et des documents et la ligne de programme
Éducation à la citoyenneté démocratique, Centre européen des langues
vivantes (Graz) et Centre européen pour l’interdépendance et la solidarité
mondiales (Centre Nord-Sud) (Lisbonne).
8. Dans ses deux rapports, l’Auditeur externe a plus particulièrement
souligné le problème des pensions et la situation financière du
Conseil de l’Europe depuis 2017. En ce qui concerne les pensions,
il convient de noter que le montant des avantages du personnel inscrits
au passif de l’état de la situation financière au 31 décembre 2017
représente un montant total de 2 795,8 millions d’euros (2 757,1
millions d’euros en 2016) et dépasse celui du total des actifs du
Conseil de l’Europe de 1 940,1 millions d’euros et en 2017 (1 986,1
millions d’euros en 2016)
9. Dans ce contexte, il convient de rappeler que depuis 1949,
le Conseil de l’Europe et son personnel versaient des cotisations
à un plan de pensions à cotisations définies. Ce plan a été clôturé
le 1er juillet 1974 par le Comité des
Ministres et les cotisations versées par les États membres et le
personnel ont été remboursées aux seuls États membres. En avril
1977, le Comité des Ministres a adopté la Résolution (77) 11 relative
à un nouveau régime de pensions à prestations définies, également
en vigueur dans cinq autres organisations internationales. Le personnel
a continué à verser des cotisations pour ses droits à pension tandis que
l’employeur, à savoir les États membres, n’ont versé que les montants
complémentaires nécessaires pour couvrir les petites prestations
de retraite réellement versées chaque année.
10. Le Conseil de l’Europe a aujourd’hui 3 régimes de pension:
le régime de pension coordonné, tel que mentionné ci-dessus; le
nouveau régime de pension (NRP), entré en vigueur en 2003 et le
troisième régime de pension (TRP) établi en 2013. Si les deux nouveaux
régimes sont autofinancés, ce n’est pas le cas du premier régime
coordonné qui traîne derrière lui une dette créée dans les années
70 et 80 du fait du non-paiement par les États de leur contribution.
11. Pour ces trois régimes les «États membres de l’Organisation
garantissent collectivement le paiement des prestations» et si un
État, membre ou ancien membre de l’Organisation, n’assume pas les
obligations prévues par leur règlement, «les autres États en reprennent
la charge, en proportion de leur contribution au budget de l’Organisation,
telle qu’elle est fixée annuellement à compter de la défaillance
de l’État susdit.»
12. Les contributions des États ont depuis lors augmenté de manière
significative et, en 1996-1997, leur montant dépassait du double
les cotisations versées par le personnel. Face à ce défi et pour
répondre à son obligation, le Comité des Ministres a adopté en 2002
la Résolution Res(2002)53 visant à créer un fonds de réserve pour
les pensions conçu pour contribuer au financement des futures obligations
de pension. Ce texte a été révisé en 2006 et remplacé par la Résolution
Res(2006)1.
13. Le fonds de réserve pour les pensions n’est pas conçu comme
un fonds de pension mais il a pour objectif de lisser (stabiliser)
à moyen et à long terme le financement des obligations des États
membres au titre des régimes de pension de l’Organisation. Le fonds
a trois sources principales de revenu: les cotisations du Conseil de
l’Europe et du personnel (part employeur et employés), les contributions
directes des États membres (déterminées par le Comité des Ministres
sur la base d’études actuarielles) et les rendements d’investissement (revenu
généré par les actifs du Fonds). Au 31 décembre 2017, les actifs
du fonds s’élevaient à 362,2 millions d’euros (320,4 millions d’euros
en 2016).
14. S’agissant de la situation financière pour 2017, l’Auditeur
externe a noté l’existence d’une créance à recevoir de la Fédération
de Russie au 31 décembre 2017, pour un montant de 22,3 millions
d’euros, qui représente la partie impayée de la contribution annuelle
obligatoire de ce pays pour 2017. Sur ce montant, 2,5 millions d’euros
correspondent à une contribution directe au Fonds de réserve pour
les pensions.
3. Année
2017
15. Dans son rapport sur la situation
de la démocratie, des droits de l’homme et de l’État de droit, le Secrétaire
Général du Conseil de l’Europe a alerté les États membres sur la
résurgence des politiques populistes en Europe, qui voit non seulement
une progression inquiétante des partis nationalistes et xénophobes
dans les pays européens attisant les craintes des citoyens européens
vis-à-vis des questions migratoires mais également certaines dérives
lorsque des gouvernements contestent ouvertement les règles constitutionnelles
et passent outre à leurs obligations internationales en matière
de protection des droits de l’homme.
16. La lutte contre le terrorisme est restée une question d’actualité
à l’agenda du Conseil de l’Europe. En particulier à l’occasion de
la 127ème session ministérielle du 19 mai 2017 à Nicosie, le Comité
des Ministres a ouvert à la signature la Convention du Conseil de
l’Europe sur les infractions visant les biens culturels (STCE no 221)
et à cette occasion, 12 États membres et non membres l’ont signée
((l’Arménie, Chypre, la Fédération de Russie, la Grèce, l’Italie,
la Lettonie, le Monténégro, le Portugal, Saint-Marin, la Slovénie,
l’Ukraine et le Mexique). Chypre et le Mexique l’ont ratifiée.
17. En outre, les ministres des Affaires étrangères ont aussi
adopté de nouvelles lignes directrices visant à améliorer la prise
en charge, l’information et l’indemnisation des victimes d’attentats
terroristes dans chacun des 47 États membres. Ces lignes directrices
énoncent un certain nombre de mesures que les États sont invités
à mettre en place, notamment des services d’assistance et d’aide
médicale, psychologique et sociale d’urgence – tous gratuits – et
des centres d’information pour les victimes, des mécanismes permettant
d’avoir accès à la justice et des dispositifs d’indemnisation rapide.
Le Comité des Ministres a également adopté une Recommandation [CM/Rec(2017)6]
relative aux «techniques spéciales d’enquête» en relation avec des infractions
graves y compris des actes de terrorisme.
18. Dans le domaine des migrations, le Comité des Ministres a
adopté un Plan d’action du Conseil de l’Europe sur la protection
des enfants réfugiés et migrants en Europe. En parallèle, l’Assemblée
parlementaire, avec le soutien de la Suisse, a poursuivi sa campagne
parlementaire, lancée en 2015, pour mettre fin à la détention d’enfants
migrants. Elle a continué à avoir au centre de ses débats des questions
portant à fois sur un plan plus large – trouver une réponse humanitaire
et politique à la crise – et sur des aspects spécifiques, tels que
les incidences des migrations de transit sur les droits de l'homme,
l'intégration des réfugiés à un moment de pression critique, ou
la protection des femmes réfugiées. Parmi les autres événements
importants, il convient aussi de noter les efforts déployés par
l’Assemblée dans le domaine de la lutte contre la corruption avec
deux rapports débattus au cours de sa session de 2017 et la décision
de créer un groupe d’enquête externe indépendant chargé d’examiner
les allégations de corruption la concernant.
19. Dans le domaine de la coopération juridique, il convient de
noter l’adoption du Protocole portant amendement au Protocole additionnel
à la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées (STE no 167)
ainsi que les demandes du Brésil et du Ghana d’adhérer à la Convention
elle-même (STE no 112). Il convient également
de signaler d’autres demandes d’adhésion d’États non membres à des
traités du Conseil de l’Europe: l’Argentine et le Burkina Faso pour
la Convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement
automatisé des données à caractère personnel (STE no 08)
et son Protocole additionnel (STE no 181);
le Nigéria et le Cap-Vert pour la Convention sur la cybercriminalité
(STE no 185); et enfin la demande de
la Tunisie à adhérer à la Convention sur la protection des enfants
contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201).
20. S’agissant des autres domaines d’activités du Conseil de l’Europe
(cohésion sociale, éducation, culture, jeunesse et sport), on peut
noter le lancement en mars 2017 de la nouvelle Stratégie 2017-2023
du Conseil de l’Europe en faveur des personnes handicapées ainsi
que l’adoption de plusieurs recommandations dans le domaine culturel
et de résolutions dans le domaine des greffes d’organes. Par ailleurs,
un autre État, le Liban, a adhéré à l’Accord Partiel Élargi du Conseil
de l’Europe sur les Itinéraires culturels (Luxembourg) et la demande
de l’Algérie d’adhérer au Centre Nord Sud (Lisbonne) a été acceptée
par le Comité des Ministres.
21. De son côté, l’Assemblée, en plus des questions liées à la
lutte contre la corruption ou aux migrations citées plus haut, a
accordé une attention particulière à la situation des médias et
des journalistes en Europe, au fonctionnement des institutions démocratiques
dans plusieurs États membres du Conseil de l'Europe (Azerbaïdjan,
Turquie et Ukraine). L’Assemblée a également décerné son Prix Václav
Havel des droits de l’homme à Murat Arslan (Turquie).
4. Année
2018
22. Le Comité des Ministres a adopté
le quatrième programme et budget biennal de l’Organisation (pour
les années 2018 et 2019). Le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe
avait préparé un budget en croissance réelle de 0,5 %. Malheureusement
à la suite du refus de deux États membres, le budget a finalement
été adopté sur la base d’une croissance zéro en termes nominaux.
De plus, au mois de décembre 2017, après l’adoption du budget biennal,
le ministre des Affaires étrangères de la Turquie a informé le Conseil
de l’Europe que son pays renonçait, à compter du 1er janvier
2018, à son statut de grand contributeur. À la suite de cette décision
soudaine, il a été nécessaire d’identifier dans le budget ordinaire
de 2018, 14,8 millions d’euros sous forme d’économies et de mesures
de renforcement de l’efficience. À ce montant s’est ajouté le non-paiement par
la Fédération de Russie de sa contribution pour 2018. L’Assemblée
a été impactée avec une réduction de son budget pour 2018 de 1,5
millions d’euros.
23. Malgré ces difficultés budgétaires, le Secrétaire Général
a opté pour une utilisation optimale de la trésorerie de l’Organisation
pour lui permettre de poursuivre son travail et ses missions auprès
des États membres, aidé en cela par des ressources extrabudgétaires
versées par les États membres et les projets financés par l’Union
européenne. À la fin du 3e trimestre
2018, un total de 37 611 568 euros avait été perçu, dont 23 113
670 euros de l’Union européenne, pour les programmes conjoints.
24. Garantir l’efficacité continue du système de la Convention
européenne des droits de l’homme (STE no 5) est
un sujet que le Comité des Ministres a suivi avec beaucoup d’attention.
En particulier, il a endossé la Déclaration adoptée à l’occasion
de la Conférence de haut niveau tenue à Copenhague sur la «Protection continue
du système de la Convention européenne des droits de l’homme: un
meilleur équilibre et une protection renforcée».
25. Par ailleurs, lors de sa 128ème Session
ministérielle qui s’est tenue à Elseneur (Danemark) en mai 2018, le
Comité des Ministres a également adopté le Protocole d’amendement
à la Convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement
automatisé des données à caractère personnel (STCE no 223),
qui s’attaque aux problèmes que pose, en termes de respect de la
vie privée, l’utilisation des nouvelles technologies de l’information
et de la communication, et renforce le mécanisme de la Convention
afin de garantir sa mise en œuvre effective. Dans ce contexte, il
a également appelé les États Parties à la Convention européenne
des droits de l’homme à signer et ratifier les Protocoles nos 15
et 16 (STCE nos 213 et 214) afin de permettre
leur entrée en vigueur.
26. S’agissant de la Convention pour la protection des personnes
à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel,
il convient de signaler que le Comité des Ministres a marqué son
accord pour inviter le Mexique à y adhérer ainsi qu’à son protocole
additionnel. Concernant l’adhésion à d’autres conventions, il convient
de signaler que le Costa Rica a demandé à adhérer à la Convention
du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains (STCE
no 216).
27. Dans le domaine de la coopération et en réponse aux différents
défis posés aux États membres, le Comité des Ministres a adopté
tout un ensemble de plans d’action pluriannuels, l’un au profit
de la Bosnie-Herzégovine pour la période 2018-2021, ainsi que deux
autres visant à apporter une assistance à l’Ukraine et à l’Azerbaïdjan
pour la même période. D’autre part, le Comité des Ministres a approuvé
la Stratégie du Conseil de l’Europe contre le terrorisme (2018-2022)
qui s’articule autour de trois axes principaux: la prévention du terrorisme,
la poursuite d’auteurs d’infractions en lien avec le terrorisme
et la protection de toutes les personnes présentes sur le territoire
des États membres contre le terrorisme. Enfin dans le domaine de
l’égalité des sexes, le Comité des Ministres a adopté, en mars 2018,
la Stratégie du Conseil de l'Europe pour l’égalité entre les femmes
et les hommes 2018-2023.
28. En ce qui concerne les relations avec les États non membres,
le Comité des Ministres a approuvé les Partenariats de voisinage
pour la période 2018-2021 avec le Maroc et la Tunisie. Il a également
pris note d’un rapport final sur la mise en œuvre des Priorités
de coopération 2014-2015 (prolongées jusqu’en 2018) avec le Kazakhstan
et a invité le Secrétariat à poursuivre les discussions avec les
autorités du Kazakhstan concernant la préparation d’un nouveau document
de coopération. Enfin, le Comité a également pris note d’un rapport intérimaire
sur la mise en œuvre des priorités de coopération pour la période
2015-2017 (prolongées jusqu’en 2019) avec la République kirghize
ainsi qu’avec la Palestine pour la période 2016-2018.
29. La coopération avec d’autres instances internationales a continué
d’être une priorité en 2018 et dans ce contexte, il convient de
noter la mise en place d’un programme de coopération pour 2018 et
2019 avec l’Organisation internationale de la Francophonie.
30. Concernant plus particulièrement les travaux de l’Assemblée
parlementaire, la question du rôle de la Russie au Conseil de l’Europe
a été un thème récurrent au cours de l’année 2018. Sur le plan social,
les droits des migrants et des réfugiés ont été au centre de ses
travaux. L’Assemblée a également appelé à mettre fin à la discrimination
à l’encontre des familles arc-en-ciel. Dans le domaine juridique,
l’Assemblée a appelé à une meilleure protection des défenseurs des
droits de l'homme et des organisations non gouvernementales.
31. La liberté des médias a également occupé une grande partie
du travail de l’Assemblée, avec des débats sur la protection de
l’intégrité éditoriale et le statut des journalistes. Enfin, la
lutte contre le terrorisme et le crime organisé figurait également
à l’ordre du jour de ses travaux notamment avec plusieurs résolutions
sur la manière de priver Daech de tout financement, de confisquer
les avoirs illégaux et de lutter contre la radicalisation des migrants
et des diasporas.
32. Enfin l’Assemblée a élu Mme Dunja
Mijatović en tant que nouvelle Commissaire aux droits de l’homme, pour
un mandat de six ans, en remplacement de Nils Muižnieks et a remis
son sixième prix Václav Havel des droits de l’homme à M. Oyub Titiev,
dirigeant du Centre Mémorial des droits de l’homme de Grozny (Tchétchénie).
5. Priorités
2020-2021
33. L’avis que j’ai préparé porte
essentiellement sur les grandes orientations politiques pour le
Conseil de l’Europe et des suggestions spécifiques en vue de permettre
à l’Organisation de se projeter dans l’avenir.
34. Soixante-dix ans après sa création, le Conseil de l’Europe
est inquiet de voir se développer sur l’ensemble du continent européen
une remise en cause de la primauté du droit, des droits de l’homme
et des institutions démocratiques, et assiste aussi à la résurgence
sans précédent du discours de haine et de l’antisémitisme. Dans
ces temps troublés, le Conseil de l’Europe doit agir comme dernier
rempart contre les atteintes à la démocratie. Le Comité des Ministres
et l’Assemblée parlementaire ont le devoir de défendre l’Organisation
et les États membres doivent s’engager véritablement pour la soutenir
et lui assurer son financement afin qu’elle demeure une institution
efficace pour garantir les droits de l’homme, l’État de droit et la
démocratie tant au niveau européen que national.
35. Le système conventionnel du Conseil de l’Europe a fortement
contribué à améliorer le fonctionnement des institutions démocratiques
en Europe, à développer l’État de droit dans toute l’Europe et à
protéger et promouvoir les droits de tous les citoyens européens.
Le Conseil de l’Europe demeure aujourd’hui l’un des très rares forums
multilatéraux capables d’élaborer rapidement des instruments internationaux
de type classique (comme les conventions) portant sur une gamme
étendue de sujets pour répondre aux enjeux de société et aux préoccupations
des citoyens européens.
36. Dans ce cadre, le Conseil de l’Europe pourrait renforcer sa
coopération et établir de nouveaux instruments juridiques en particulier
en ce qui concerne les questions liées à l’intelligence artificielle,
qui occupe une place de plus en plus grande dans le fonctionnement
de nos sociétés.
37. Il convient par ailleurs de noter la volonté de l’Organisation
de contribuer à l’Agenda 2030 des Nations Unies pour le développement
durable, comme l’Assemblée l’a démontré en adoptant sa
Résolution 2271 (2019) et à sa
Recommandation
2150 (2019) sur le renforcement de la coopération avec les Nations
Unies dans la mise en œuvre de l'Agenda 2030 pour le développement
durable.
38. Les efforts déployés par l'Organisation dans le domaine de
l'égalité entre les femmes et les hommes sont également salués,
en particulier dans le contexte de la Stratégie du Conseil de l'Europe
pour l'égalité entre les femmes et les hommes 2018-2023, qui souligne
l'importance de l'intégration de la dimension de genre dans toutes
les politiques et activités de l'Organisation.
39. Les choix stratégiques de ces dernières années, qui ont privilégié
les programmes d’assistance et de coopération à l’égard de certains
pays ou certains domaines d’action thématiques, financés presque exclusivement
par des ressources extrabudgétaires, ont finalement affaibli le
système de coopération intergouvernemental qui, lui, repose sur
le budget ordinaire. C’est pourtant ce système de coopération unique entre
les États membres centré sur l’élaboration de normes communes –
les conventions étant la principale source de l’acquis du Conseil
de l’Europe – qui constitue la raison d’être de l’Organisation.
40. Aujourd’hui, le contexte politique interne est défavorable
au maintien de ce qui fait la force de l’Organisation, en raison
de l’attitude de l’un de ses États membres, la Fédération de Russie
qui, en utilisant l’arme budgétaire pour arriver à ses fins, conduit
le Conseil de l’Europe à subir la plus grave crise financière de
son histoire et, de ce fait, pourrait obliger l’Organisation à prendre
des décisions qui pourraient être irrémédiables et qui l’affaibliraient.
41. À l’occasion d’une réunion de la Commission du Règlement en
janvier 2019, à laquelle le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe
avait été invité, en tant que Rapporteur général sur le budget j’avais
suggéré de réfléchir à différentes alternatives pour faire face
à cette crise financière, et pas seulement par le biais de coupes
budgétaires, et en particulier d’étudier la faisabilité de la cession
de créance russe à une tierce partie.
42. Ce principe existe au niveau international. Il a été utilisé
par plusieurs États dans le passé. L’Assemblée avait étudié cette
question des créances d’États dans le contexte de la protection
de l’aide financière des États membres du Conseil de l’Europe aux
pays pauvres contre les fonds financiers dits «fonds vautours» (voir
la
Recommandation 1870
(2009) et son rapport,
Doc.
11862). Pour autant, la cession de créances internationales
et la cession internationale de créances sont une action connue
dans le commerce international, encadrée par la Convention des Nations
Unies sur la cession de créances dans le commerce international
du 12 décembre 2001.
43. Il est regrettable que le Secrétaire Général du Conseil de
l’Europe ait écarté cette alternative sans même se donner les moyens
de l’étudier, optant pour un plan de contingence afin d’absorber
l’ampleur de la dette laissée volontairement par la Fédération de
Russie (90 millions d’euros à la fin de 2019). La mise en œuvre
de ce plan signifiera qu’un nombre important d’activités et des
pans entiers du travail du Conseil de l’Europe seraient voués à
leur perte, dont certains de manière irrémédiable pour les États
membres. Le coût humain sera également très lourd avec un plan de
départ de 250 personnes, soit près de 10 % des effectifs du Conseil de
l’Europe, que les États membres devront financer.
44. Le Programme et Budget 2020-2021, qui s'inscrivent dans ce
contexte d’incertitude, affichent néanmoins une volonté de promouvoir
une Organisation de plus en plus adaptable et confiante dans son savoir-faire
et son expertise grâce à des réformes visant à améliorer ses processus
et procédures de travail. Cela devrait conduire à mettre davantage
l'accent sur les priorités politiques, à améliorer les synergies
et à réduire les doubles emplois inutiles et permettra également
une plus grande souplesse de gestion dans la mise en œuvre des mesures
de réforme administrative.
45. Le Conseil de l’Europe va devoir se priver d’agents qui ont
une expérience et une connaissance des domaines d’action du Conseil
de l’Europe qu’il sera difficile de remplacer. En effet, la politique
en matière de ressources humaines conduite ces dernières années
(un recours massif aux contrats à durée déterminée) a affaibli la
transmission de la connaissance et de l’acquis du Conseil de l’Europe
à une nouvelle génération d’agents. En conséquence, et malgré les
incertitudes budgétaires, le Conseil de l’Europe devra mettre en
place une politique du personnel suffisamment attractive pour attirer
de bons candidats et leur donner également une perspective d’évolution
de carrière. Les indemnités de licenciement pour le départ anticipé
du personnel ne sont pas incluses dans le plan de contingence, sauf
un montant réservé à cet effet dans le cadre du Programme et Budget
2018-2019.
46. Dans le cadre des réformes administratives qui sont actuellement
en cours d’élaboration, il convient de citer le projet de nouvelle
stratégie des ressources humaines 2019-2023, présentée par le Secrétaire
Général du Conseil de l’Europe. Cette stratégie, qui a fait l’objet
d’une vaste consultation incluant le personnel du Conseil de l’Europe
à tous les niveaux, devrait permettre de répondre aux besoins présents
et futurs du Conseil de l’Europe en termes de ressources humaines
en ayant à l’esprit de placer les bonnes personnes au bon endroit
et en insufflant une dynamique permettant le renouvellement du personnel
et la transmission des connaissances.
47. Le plan de contingence prévoit également une réduction de
l’éventail des activités du Conseil de l’Europe qui pourrait conduire
à geler jusqu’à 30 % des activités financées par le budget ordinaire.
Toutes les entités administratives devront contribuer à l’effort.
Il n’est pas proposé d’entreprendre des réductions transversales
dans les lignes de programme, néanmoins certains secteurs seront
plus touchés que d’autres par ces réductions, notamment celui de
la démocratie. De plus, il est envisagé de rationaliser les méthodes
de travail au sein de l'Organisation et de concentrer les activités
sur neuf programmes opérationnels pour le prochain exercice biennal.
Le but poursuivi est de mettre davantage l'accent sur les priorités
politiques, les synergies et la réduction les doubles emplois improductifs.
48. Le Secrétaire Général a indiqué qu’il préserverait certains
secteurs, notamment les capacités de la Cour européenne des droits
de l'homme à traiter les affaires, la supervision de l’exécution
des arrêts de cette dernière ainsi que le fonctionnement des différents
mécanismes de suivi existants à ce jour dans le secteur intergouvernemental.
En conséquence, ce sont les autres secteurs du Conseil de l’Europe
y compris les organes directeurs et statutaires (Assemblée, Comité
des Ministres, Congrès) qui devront absorber une plus grande part
de ces réductions.
49. En ce qui concerne l’Assemblée, elle ne refusera pas de prendre
sa part des efforts collectifs demandés sous plusieurs conditions:
- toutes les pistes alternatives
à la réduction du budget de l’Organisation doivent avoir été sérieusement étudiées;
- toutes les entités et secteurs du Conseil de l’Europe
contribuent à l’effort général;
- les efforts demandés à l’Assemblée ne la privent pas de
ses capacités opérationnelles.
50. L’Assemblée n’acceptera pas de supporter une part proportionnellement
supérieure à ce qu’elle représente dans le budget du Conseil de
l’Europe et rappelle que le Statut du Conseil de l’Europe (STE no 1) dans
son article 37.b oblige le Secrétaire Général à fournir à l’Assemblée
les services administratifs et autres dont elle peut avoir besoin.
51. Le Secrétaire Général a invité les États membres à participer
davantage au financement du Conseil de l’Europe. Cette demande fait
écho à une demande de l’Assemblée contenue dans plusieurs de ses
avis budgétaires et dans sa
Recommandation
1812 (2007) sur la dimension politique du budget du Conseil de l’Europe.
Dans cette dernière, elle demandait au Comité de Ministres de revoir
la méthode de calcul des barèmes des contributions en vue d’accorder
un poids plus important au produit intérieur brut et d’établir un barème
minimum des contributions des États membres permettant de couvrir
les coûts administratifs d’un juge à la Cour.
52. Le montant minimum de la contribution au budget ordinaire
payable par un État membre devrait avoisiner 500 000 euros afin
de couvrir au moins le coût budgétaire annuel d’un juge, d’un administrateur
et d’une assistante à plein temps, ainsi que les charges administratives
annuelles afférentes à leur travail et leur présence à Strasbourg.
Or, aujourd’hui, un tiers des États membres (16 sur 47) versent
une contribution au budget ordinaire inférieure à ce montant. Pourtant
tous ont un juge élu à la Cour européenne des droits de l’homme.
53. D’autre part, dans sa
Recommandation
2124 (2018) «Modification du Règlement de l’Assemblée: l’impact
de la crise budgétaire sur la liste des langues de travail de l’Assemblée»,
l’Assemblée a suggéré au Comité des Ministres plusieurs décisions
d’ordre budgétaire et financier qui pourraient être prises, notamment de
constituer un compte de réserve obligatoire financé par une partie
du reliquat de chaque exercice budgétaire. Il s’agit là d’une demande
répétée de l’Assemblée figurant dans ses avis sur le programme et
le budget du Conseil (voir entre autres ses
Avis 268 (2008),
279 (2009) et
281 (2011)).
54. Dans son
Avis 294
(2017), l’Assemblée avait également demandé au Comité de Ministres,
afin de renforcer les capacités opérationnelles de l’Organisation,
de revenir à une croissance réelle du budget du Conseil de l’Europe
équivalent au minimum au taux d’inflation constaté pour la France.
Une demande que le Secrétaire Général eût repris pour l’exercice
biennal 2018-2019, si deux États sur les 47 représentés au Comité
des Ministres n’avaient pas catégoriquement refusé. Sachant que
le règlement financier prévoit l’adoption du budget sur la base
de la majorité des deux tiers, on peut s’étonner que le Secrétaire
Général n’ait pas insisté davantage.
55. Un·e nouveau/nouvelle Secrétaire Général·e du Conseil de l’Europe
doit être élu·e par l’Assemblée au cours de la partie de session
de juin 2019 avec une prise de fonction le 1er octobre
2019 pour un mandat de cinq ans. Dans ce contexte, il serait opportun
que le Comité des Ministres prenne un engagement ferme pour assurer
au Conseil de l’Europe durant cinq ans une croissance réelle du
budget, ou zéro en termes réels pour ne tenir compte que de l’inflation.
Ce serait là un signe fort de soutien des États membres au/à la
futur·e Secrétaire Général·e.
56. En fin de compte, le plan de contingence présenté par le Secrétaire
Général est lié au non-paiement de la contribution de la Fédération
de Russie pour 2019 et sur les arriérés des années 2017 et 2018,
et s’apparente à un plan social. Mais il est toujours possible qu’une
telle éventualité ne se produise pas. Suite à la décision adoptée
par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe lors de sa 129e Session
(Helsinki, 17 mai 2019) sur «Une responsabilité partagée pour la
sécurité démocratique en Europe – Garantir le respect des droits
et obligations, principes, normes et valeurs», un début de solution
pourrait se concrétiser. À la fin du processus, la Fédération de
Russie pourrait décider de revenir à l’Assemblée et s’acquitter
du paiement de ses contributions impayées. Si tel n’est pas le cas,
l’Assemblée, rappelant sa
Recommandation
2153 «Rôle et mission de l’Assemblée parlementaire: principaux
défis pour l’avenir», pourrait demander au Comité des Ministres
d’appliquer l’article 9 du Statut du Conseil de l’Europe. Compte
tenu du caractère instable de la conjoncture politique actuelle
et des incertitudes y afférentes, ce rapport ne prend pas en compte
– et il ne saurait le faire – les conséquences pour les activités,
les opérations, la pérennité et l’avenir du Conseil de l’Europe
dans l’éventualité où le plan de contingence doive être exécuté.