1. Introduction
1. Dans sa résolution 2287 (2019)
sur le renforcement du processus décisionnel de l’Assemblée parlementaire
concernant les pouvoirs et le vote, adoptée le 24 juin 2019, l’Assemblée
invite les parlements des États membres du Conseil de l’Europe qui
ne sont pas représentés en son sein à présenter les pouvoirs de
leur délégation à la partie de session de l’Assemblée de juin 2019,
dérogeant ainsi à l’article 6, paragraphes 1 et 3, du Règlement
relatif à la transmission des pouvoirs des délégations nationales
et à l’article 11.3 relatif aux désignations à la suite d’élections
législatives.
2. Le 25 juin 2019, le Parlement de la Fédération de Russie a
présenté les pouvoirs de sa délégation pour ratification par l’Assemblée.
3. Le même jour, Mme Nino Goguadze
(Géorgie, CE), avec le soutien de plus de 30 membres de l’Assemblée
présents dans la salle des séances appartenant à au moins cinq délégations
nationales, a contesté les pouvoirs non encore ratifiés de la délégation
russe sur la base de l’article 8, paragraphes 1.a et 2, du Règlement
de l’Assemblée parlementaire. Par la suite, M. Volodymyr Ariev (Ukraine,
PPE/DC) a contesté les pouvoirs de la délégation russe pour des
raisons formelles sur la base de l'article 7 avec le soutien de
plus de 10 membres présents dans l’Hémicycle appartenant à au moins
cinq délégations nationales.
4. Les raisons substantielles sur la base desquelles les pouvoirs
ont été contestés sont l’agression militaire de la Fédération de
Russie dans l’est de l’Ukraine ainsi que le maintien de son annexion
illégale de la Crimée et, plus généralement, son non-respect des
Résolutions 1990 (2014) et
2034 (2015) de l’Assemblée qui ont abouti à une violation du Statut
du Conseil de l’Europe (STE no 1), et
en particulier son préambule, et des obligations et des engagements
du pays vis-à-vis du Conseil de l’Europe.
5. Dans la
Résolution
1990 (2014) sur le réexamen, pour des raisons substantielles, des
pouvoirs déjà ratifiés de la délégation russe adoptée le 10 avril
2014, l’Assemblée condamne fermement la violation de la souveraineté
et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, y voyant une violation
grave du droit international et du Statut du Conseil de l’Europe.
Elle décide en conséquence de suspendre le droit de vote de la délégation russe,
son droit d’être représentée à son Bureau, au Comité des Présidents
et à la Commission permanente et le droit de participer à des missions
d’observation des élections jusqu’à la fin de la session de 2014.
Elle se réserve en outre le droit d’annuler les pouvoirs de la délégation
russe, si la Fédération de Russie n’amorce pas une désescalade de
la situation et ne fait pas marche arrière sur l’annexion de la
Crimée.
6. La
Résolution 2034
(2015) sur la contestation, pour des raisons substantielles,
des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation de la Fédération
de Russie, adoptée le 28 juin 2015, condamne résolument les violations
graves du droit international commises par la Fédération de Russie
eu égard au conflit dans l’est de l’Ukraine et à l’annexion illégale
de la Crimée. Pour exprimer sa condamnation, l’Assemblée prive la
délégation russe d’un certain nombre de droits, dont le droit d’être
désigné rapporteur, le droit d’être membre d’une commission ad hoc
d’observation des élections et celui de la représenter dans les
instances du Conseil de l’Europe ainsi qu’auprès d’institutions
et d’organisations extérieures, tant au niveau institutionnel qu’à
titre occasionnel, pour la durée de sa session de 2015.
7. Outre ces sanctions, elle décide de suspendre les droits de
vote et de représentation à son Bureau, au Comité des Présidents
et à la Commission permanente de la délégation russe auprès de l’Assemblée.
Elle décide toutefois de réexaminer cette question en vue de rétablir
ces deux droits lors de sa partie de session suivante (avril 2015),
s’il devait s’avérer que la Fédération de Russie a fait des progrès
tangibles et mesurables pour donner suite aux exigences formulées
par l’Assemblée aux paragraphes 4.1 à 4.4, 5.1 à 5.3, 7.1 à 7.9, 11
et 12.1 à 12.4 de la
Résolution
2034 (2015), et qu’elle a apporté sa pleine et entière coopération
au groupe de travail mentionné au paragraphe 17 de cette résolution.
Dans le même temps, l’Assemblée décide d’annuler les pouvoirs de
la délégation russe lors de sa partie de session de juin 2015 si
aucun progrès n’est constaté pour ce qui concerne la mise en œuvre
du Protocole et du Mémorandum de Minsk ainsi que les demandes et recommandations
de l’Assemblée, en particulier celles relatives au retrait immédiat
des troupes russes de l’est de l’Ukraine.
8. Dans la
Résolution
2063 (2015) sur l’examen de l’annulation des pouvoirs déjà ratifiés
de la délégation de la Fédération de Russie (suivi du paragraphe
16 de la
Résolution 2034
(2015)), adoptée le 24 juin 2015, tout en prenant acte des
sanctions en place, l’Assemblée décide de ne pas annuler les pouvoirs
déjà ratifiés de la délégation russe afin d’exprimer son engagement
en faveur d’un dialogue ouvert et constructif avec la délégation
russe.
9. En réponse, la délégation russe choisit malheureusement de
ne pas participer aux travaux de l’Assemblée au cours des mois suivants
de 2015
.
De plus, ayant apparemment anticipé que ces pouvoirs seraient de
nouveau contestés et que des sanctions seraient appliquées, le Parlement
russe n’a pas présenté de nouveaux pouvoirs en janvier 2016, 2017,
2018 et 2019 et n’en a pas non plus présenté à la suite des élections
législatives de septembre 2016. Les dirigeants russes ont indiqué
clairement que la décision de ne pas présenter de pouvoirs s’accompagnait
d’une décision politique de ne pas coopérer avec l’Assemblée. Ils ont
en outre déclaré publiquement à plusieurs occasions qu’ils ne pouvaient
accepter de participer aux travaux de l’Assemblée sans jouir de
tous leurs droits.
10. De plus, la situation s’aggravant, la Russie a suspendu, en
juillet 2017, le versement de sa contribution annuelle au budget
de l’Organisation. Dans la
Résolution
2208 «La modification du Règlement de l’Assemblée: l’impact
de la crise budgétaire sur la liste des langues de travail de l’Assemblée»,
adoptée le 16 mars 2018, l’Assemblée exprime sa vive préoccupation
face à la crise budgétaire sans précédent qui affecte le Conseil
de l’Europe dans son ensemble
.
11. Si l’article 9 du Statut du Conseil de l’Europe dispose que
«Si un membre n’exécute pas ses obligations financières [c’est-à-dire
l’acquittement des contributions dans un délai de six mois à partir
de la date à laquelle elles sont dues], le Comité des Ministres
peut suspendre son droit de représentation au Comité et à l’Assemblée
Consultative (Parlementaire), aussi longtemps qu’il n’aura pas satisfait
auxdites obligations», le Comité des Ministres a décidé d’appliquer
sa décision de novembre 1994 qui permet de proroger le délai de non-versement
à deux ans dans des «circonstances exceptionnelles». Dans la
Recommandation 2124 (2018), adoptée le 16 mars 2018, l’Assemblée appelle instamment
le Comité des Ministres à prendre les mesures qui s’imposent, à
savoir la mise en œuvre de l’article 9 du Statut.
12. Dans l’allocution qu’il a prononcée devant l’Assemblée lors
de la partie de session d’octobre 2018, le Secrétaire Général du
Conseil de l’Europe, Thorbjørn Jagland, a déclaré que les droits
de la Russie d’être représentée au sein des organes statutaires
du Conseil de l’Europe, Comité des Ministres et Assemblée parlementaire,
pourraient être suspendus en juin 2019 pour défaut systématique
de paiement.
13. La question de l’avenir de l’appartenance de la Russie au
Conseil de l’Europe a été soulevée à maintes reprises par les responsables
russes dans le contexte de la crise des relations entre la Russie
et l’Assemblée parlementaire.
14. Malgré un certain nombre d’initiatives de l’Assemblée visant
à rétablir le dialogue et la coopération, par exemple les réunions
entre la Présidente de l’Assemblée parlementaire et le Président
de la Douma d’État dans le cadre de la Conférence de la Communauté
des États indépendants (CEI); la visite du Comité des Présidents
à Moscou en 2016 ou la participation du Président du Conseil de
la Fédération à la Conférence des présidents des parlements nationaux
organisée par l’Assemblée, dans la période précédant la célébration
du 70e anniversaire, le Conseil de l’Europe
s’est retrouvé aux prises avec une crise institutionnelle et politique sans
précédent due au refus de la Fédération de Russie de participer
à l’Assemblée.
15. Dans le cadre d’une réflexion plus générale de la commission
ad hoc du Bureau sur le rôle et la mission de l’Assemblée parlementaire,
la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles
a présenté le premier rapport sur le renforcement du processus décisionnel
de l’Assemblée parlementaire concernant les pouvoirs et le vote,
qui d’une manière générale a été perçu comme une tentative de sortir
de l’impasse et qui a fait l’objet de débats le 9 octobre 2018.
Dans le projet de résolution, la commission propose de modifier
les procédures afin de limiter les possibilités de contestation
des pouvoirs de délégations pour des raisons substantielles et de
réduire la portée des sanctions encourues par les membres des délégations
dont les pouvoirs ont été contestés en plénière de manière que les
délégations dont les pouvoirs ont été contestés conservent le droit
de participer à l’élection des juges de la Cour européenne des droits
de l’homme, du/de la Commissaire aux droits de l’homme, du/de la
Secrétaire Général(e) et du/de la Secrétaire Général(e) adjoint(e) du
Conseil de l’Europe ainsi que du/de la Secrétaire Général(e) de
l’Assemblée parlementaire. À l’issue du débat, le rapport a été
renvoyé à la commission du Règlement à la demande du rapporteur
pour être révisé compte tenu du débat et soumis à un stade ultérieur
(voir ci-dessous).
16. Le 10 avril 2019, l’Assemblée a examiné le texte intitulé
«Rôle et mission de l’Assemblée parlementaire: principaux défis
pour l’avenir.» À l’issue de cet examen, elle a adopté la
Résolution 2277 (2019) et la
Recommandation
2153 (2019) qui proposent toutes deux de mettre en place, en plus
des procédures existantes, une procédure de réaction conjointe qui
pourrait être engagée à l’initiative de l’Assemblée parlementaire,
du Comité des Ministres ou du Secrétaire Général «afin de renforcer
la capacité de l’Organisation d’agir plus efficacement lorsqu’un
État membre manque à ses obligations statutaires ou ne respecte
pas les valeurs et les principes fondamentaux défendus par le Conseil
de l’Europe».
17. Dans la décision sur «Une responsabilité partagée pour la
sécurité démocratique en Europe – garantir le respect des droits
et obligations, principes, normes et valeurs,» qu’il a prise à sa
129e session tenue le 17 mai 2019 à Helsinki,
le Comité des Ministres se félicite de cette proposition et «note
qu’il est urgent de développer des synergies et d’organiser des
actions coordonnées entre les deux organes statutaires, en reconnaissance
de leurs mandats respectifs, afin de renforcer la capacité de l’Organisation
d’agir plus efficacement lorsqu’un État membre manque à ses obligations
statutaires ou ne respecte pas les normes, les valeurs et les principes
fondamentaux défendus par le Conseil de l’Europe». De plus, «eu
égard à l’importance des élections du/de la Secrétaire Général(e)
et de juges à la Cour européenne des droits de l’homme, le Comité
des Ministres apprécierait vivement que les délégations de tous
les États membres participent à la prochaine partie de session de
juin de l’Assemblée parlementaire».
18. Dans ce contexte et à la suite de contacts entre les responsables
de la Fédération de Russie et l’Assemblée parlementaire, la
Résolution 2287 (2019) qui, outre qu’elle déroge aux délais de présentation
des pouvoirs, précise que «les droits de vote, de parole et de représentation
des membres à l’Assemblée et au sein de ses organes ne sont ni suspendus
ni retirés en cas de contestation ou de réexamen des pouvoirs» a
permis à la délégation russe de présenter des pouvoirs. À la suite
de la contestation pour des raisons substantielles, les pouvoirs
ont été renvoyés à la commission de suivi pour rapport et à la commission
du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles pour
avis. La contestation pour des raisons formelles a été renvoyée à
la commission du Règlement pour rapport.
19. À sa réunion du 25 juin 2019, la commission de suivi m’a nommé
rapporteur pour le présent rapport.
20. Je présenterai ci-dessous les principaux faits nouveaux concernant
la Crimée et l’est de l’Ukraine. Je donnerai aussi un bref aperçu
des développements ayant un rapport direct avec les raisons substantielles
de la contestation des pouvoirs de la délégation russe en ce qui
concerne le respect du Statut du Conseil de l’Europe et des obligations
et des engagements de ce pays.
2. Évolution de la situation en Crimée
et dans l’est de l’Ukraine
21. Dans les
Résolutions 1990 (2014),
2034 (2015) et
2063
(2015) mentionnées dans le chapitre précédent, l’Assemblée a
condamné à plusieurs reprises l’annexion illégale de la Crimée et
la poursuite de son intégration dans la Fédération de Russie. Elle
a rappelé que cette annexion illégale constitue une violation grave
du droit international, dont la Charte des Nations Unies, l’Acte
final d’Helsinki de l’Organisation pour la sécurité et la coopération
en Europe (OSCE) ainsi que le Statut du Conseil de l’Europe, et
des engagements contractés par la Russie lors de son adhésion à
cette Organisation.
22. De plus, l’Assemblée a exprimé sa vive préoccupation concernant
la dégradation de la situation des droits de l’homme, et notamment
la mort, la disparition et la répression de personnes opposées à
l’annexion illégale de la Crimée par la Russie ou critiques à son
égard. L’Assemblée s’est en outre déclarée fort préoccupée par le
harcèlement et la fermeture en Crimée de la plupart des organisations
non gouvernementales et des médias critiques à l’égard de l’annexion
illégale de la région par la Russie, y compris la chaîne de télévision
des Tatars de Crimée ATR.
23. L’Assemblée a par conséquent exhorté la Fédération de Russie,
notamment, à annuler l’annexion illégale de la Crimée, à retirer
toutes ses troupes militaires du territoire ukrainien (y compris
la Crimée), à s’abstenir de tout harcèlement et de toute pression
à l’égard des institutions et organisations tatares de Crimée, à
mener des enquêtes sur toutes les morts et disparitions ainsi que
sur les abus et les violations des droits de l’homme par la police
et les forces (para) militaires actives dans cette région et à rouvrir
l’ATR, la chaîne de télévision des Tatars de Crimée.
24. Hélas, il est manifeste qu’aucun progrès n’a été réalisé dans
le sens de ces demandes. Au contraire, le harcèlement des Tatars
de Crimée et de leurs organisations et représentants a continué
sans fléchir. Le 26 avril 2016, la Cour suprême de Crimée nommée
par la Russie a interdit le Mejlis des Tatars de Crimée, leur plus
haut organe représentatif officiel, et l’a placé sur la liste des
organisations extrémistes interdites en Russie au motif qu’en s’opposant
à l’annexion illégale du territoire de la Crimée le Mejlis avait
participé à une «propagande d’agression et de haine envers la Russie,
incitant au nationalisme ethnique et à l’extrémisme dans la société».
Cette interdiction a été confirmée par la Cour suprême de la Fédération
de Russie le 29 septembre 2016.
25. L’interdiction du Mejlis des Tatars de Crimée a été condamnée
fermement par les membres de la communauté internationale, notamment
le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et l’Assemblée,
qui dans sa
Résolution
2132 (2016) relative aux «Conséquences politiques de l’agression
russe en Ukraine» appelait à l’annulation de cette mesure. Le 19 avril
2017, la Cour internationale de justice de La Haye a ordonné à la
Russie de lever son interdiction du Mejlis des Tatars de Crimée,
ce que la Russie n’a toujours pas fait à ce jour.
26. En outre, la décision d’interdire à la chaîne de télévision
des Tatars de Crimée ATR d’émettre depuis la Crimée n’a toujours
pas été annulée. Le 28 septembre 2017, témoignant d’un nouveau durcissement
des conditions imposées aux représentants de la Crimée, un tribunal
de Simferopol a condamné les Vice-Présidents du Mejlis, M. Akhmet
Tchiïgoz et M. Ilmi Oumerov, à deux ans de prison pour «séparatisme».
Le 25 octobre 2017, grâce uniquement à l’intervention directe et
à la médiation intense du Président Erdoğan de Turquie, les deux
dirigeants tatars ont été libérés.
27. Le 18 septembre 2016, la situation s’est encore dégradée lorsque
les autorités russes ont organisé, sans l’accord de l’Ukraine, des
élections à la Douma russe sur le territoire de la Crimée occupée,
en violation flagrante du droit international. Ces prétendues élections
et leurs résultats sont à la fois illégaux et illégitimes et ont
été déclarés nuls et non avenus par l’Assemblée dans la
Résolution 2132 (2016) relative aux conséquences politiques de l’agression russe
en Ukraine. Il ne fait aucun doute que nul ne peut être considéré comme
ayant été élu légitimement lors de ce scrutin et ne saurait tirer
un quelconque droit ou privilège de cet acte illégal au regard du
droit international.
28. Comme l’ont souligné de nombreux témoignages d’organisations
et de défenseurs des droits de l’homme crédibles et reconnus, la
situation des droits de l’homme en Crimée n’a cessé de se dégrader.
Aucune enquête fiable n’a été menée sur les abus des droits de l’homme
commis en Crimée, notamment sur les disparitions et meurtres de
militants opposés à l’annexion illégale de la Crimée par la Fédération
de Russie, comme l’a demandé, entre autres institutions, l’Assemblée.
29. Dans sa
Résolution
2231 (2018) sur «Les ressortissants ukrainiens détenus par la Fédération
de Russie en tant que prisonniers politiques», l’Assemblée s’inquiète
vivement du fait que plus de 70 personnes, considérées comme des
prisonniers politiques, soient détenues sur la base de fausses accusations
à motivation politique dans des prisons de Russie et de Crimée.
Un exemple particulièrement pertinent à cet égard est le cas d’Olegh
Sentsov, cinéaste ukrainien condamné à 20 ans de prison par un tribunal
russe pour avoir prétendument préparé des actes terroristes. Comme
l’a souligné Mme Federica Mogherini,
Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la
politique de sécurité, cette affaire constitue une violation du
droit international et des normes élémentaires de la justice.
30. En dépit d’appels répétés en faveur de sa libération, M. Sentsov,
à qui le Parlement européen a décerné le prix Sakharov, reste incarcéré
en Russie. Le rapport de mai 2019 du Groupe de défense des droits
de l’homme de Crimée dénombre un total de 86 personnes placées en
détention sur la base d’accusations pénales à motivation politique,
notamment pour appartenance à une organisation extrémiste, espionnage
ou conduite d’actions subversives en faveur de l’Ukraine. Dans ce
même rapport, l’organisation exprime sa préoccupation concernant
les conditions de détention effroyables et le fait que les droits
à la liberté d’expression et de réunion des opposants à l’occupation
de la Crimée par la Russie continuent d’être bafoués.
31. Un autre fait préoccupant est l’enrôlement de résidents de
Crimée pour le service militaire obligatoire dans les forces armées
russes, en violation de la IVe Convention
de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps
de guerre. Ce traité interdit expressément d’astreindre des personnes
vivant dans un territoire occupé à servir dans les forces armées
de la puissance occupante, ainsi que toute propagande tendant à
des engagements volontaires. Pour le seul mois de mai 2019, au moins
trois affaires concernant des personnes accusées de s’être «soustraites
au service militaire dans les forces armées de la Fédération de Russie»
ont été portées devant des «tribunaux» de Crimée.
32. Dans un geste qui menace la stabilité et la sécurité générales
de la région de la mer Noire, la Fédération de Russie a effectué
un regroupement massif de forces armées en Crimée. Elle a notamment
déployé des dispositifs antiaériens sophistiqués S-400 et S-300
et concentré massivement des troupes et des matériels militaires
à la ligne de démarcation administrative avec l’Ukraine non occupée
. Des câbles diplomatiques de l’Union
européenne ayant fait l’objet de fuites expriment la crainte que
la Fédération de Russie ait déployé des armes nucléaires en Crimée,
ce qui constituerait une violation du mémorandum de Budapest de
1994 sur les garanties de sécurité et représenterait une escalade
importante et un risque pour la sécurité de la région.
33. Le 25 novembre 2018, les tensions entre la Russie et l’Ukraine
se sont fortement aggravées lorsque des vaisseaux des gardes-frontières
du Service fédéral de sécurité russe ont ouvert le feu sur trois
navires ukrainiens qui traversaient le détroit de Kertch en direction
de Marioupol et les ont arraisonnés. Ces actions de la Fédération
de Russie constituent une violation manifeste du droit international,
notamment de la Convention des Nations Unies sur le droit de la
mer, qui autorise l’Ukraine à naviguer librement dans ses propres
eaux territoriales, et du traité de 2003 entre l’Ukraine et la Russie
sur l’usage de la mer d’Azov et du détroit de Kertch. Ce dernier
instrument prévoit la liberté de circulation des navires marchands
et bâtiments militaires de la Fédération de Russie et de l’Ukraine
dans ces eaux territoriales partagées. De surcroît, ces actions
de la Fédération de Russie constituent une violation directe du
Statut du Conseil de l’Europe et de l’engagement explicite de la
Russie, pris lors de son adhésion, de régler par des moyens pacifiques
tout conflit avec d’autres États membres
.
34. L’escalade des tensions et le recours à la force militaire
de la part de la Fédération de Russie ont été condamnés par l’Assemblée
dans la
Résolution 2259
(2019) sur l’escalade des tensions autour de la mer d’Azov
et du détroit de Kertch et les menaces pour la sécurité européenne.
Les autorités russes continuent de maintenir en détention les 24
marins ukrainiens capturés dans le détroit de Kertch, qu’elles accusent
d’avoir «franchi illégalement la frontière de la Fédération de Russie».
Dans sa
Résolution 2259
(2919), l’Assemblée appelle à leur libération immédiate. Le
25 mai 2019, le Tribunal international du droit de la mer des Nations Unies
(TIDM) a ordonné à la Fédération de Russie de libérer immédiatement
les marins ukrainiens capturés et de leur permettre de retourner
en Ukraine. Bien que les jugements du TIDM soient contraignants
pour ses membres, dont la Fédération de Russie fait partie, les
autorités russes ont refusé d’exécuter ce jugement et de libérer
les marins ukrainiens, ce qui soulève des questions quant à la volonté
des autorités russes de respecter le droit international et les
conventions internationales auxquelles la Russie est Partie.
35. Dans les
Résolutions
2034 (2015) et
2063 (2015), l’Assemblée a condamné l’agression militaire russe dans
l’est de l’Ukraine, le maintien d’un soutien militaire et logistique
des forces séparatistes et l’action militaire clandestine de troupes
russes. Cette position a été réitérée dans la
Résolution 2132 (2016) sur les conséquences politiques de l’agression russe
en Ukraine et plusieurs autres résolutions adoptées depuis. Dans
ces résolutions, l’Assemblée a appelé la Fédération de Russie, notamment:
à mettre pleinement en œuvre les Accords de Minsk et l’ensemble
de mesures en vue de leur application; à retirer toutes ses troupes du
territoire ukrainien et cesser de fournir des armes aux forces séparatistes;
et à mettre fin à l’afflux de «volontaires» russes sur la scène
du conflit dans l’est de l’Ukraine.
36. Hélas, la mise en œuvre des Accords de Minsk n’a guère progressé
et il est largement considéré que le processus est dans une impasse
.
Heureusement, le cessez-le-feu, qui est un aspect central des Accords
de Minsk, semble être dans l’ensemble respecté depuis le printemps
2015. Toutefois, comme l’ont noté les observateurs de l’OSCE déployés
afin d’évaluer la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu et
le retrait des armes lourdes de la ligne de contact et de la zone
tampon définie d’un commun accord, les violations du cessez-le-feu
sont fréquentes des deux côtés, faisant régulièrement des victimes,
tant civiles que militaires.
37. En février 2019, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme
des Nations Unies (HCDH) a estimé à plus de 13 000 le nombre des
personnes ayant trouvé la mort dans ce conflit
, dont plus de 200 civils pour la
seule année 2018 d’après les estimations de l’OSCE.
38. L’une des raisons principales de l’impasse dans laquelle se
trouve la mise en œuvre des Accords de Minsk est le refus de la
Fédération de Russie de reconnaître qu’elle est une partie au conflit
et qu’elle fournit aux forces séparatistes un soutien et un encadrement
logistiques et militaires. Les autorités ukrainiennes, pour leur
part, ont à de multiples reprises – et on peut le comprendre – déclaré
que les dispositions politiques des Accords de Minsk ne pourraient
être pleinement
mises
en œuvre que lorsque les conditions de sécurité prévues par les
Accords de Minsk le seraient aussi, notamment celle qui prévoit
le «retrait du territoire ukrainien de l’ensemble des unités armées
étrangères, équipements militaires et mercenaires étrangers, sous le
contrôle de l’OSCE».
39. La non-application des conditions de sécurité constituant
un obstacle majeur à la mise en œuvre des Accords de Minsk, d’autres
mécanismes permettant de fournir des garanties de sécurité ont été
envisagés, notamment le déploiement d’une force de maintien de la
paix des Nations Unies dans l’est de l’Ukraine. Cette proposition
a été formulée initialement par le Président Porochenko en 2015,
mais elle avait à l’époque été rejetée par la Fédération de Russie.
En septembre 2017, cependant, la Russie a indiqué dans un document communiqué
aux Nations Unies qu’elle n’était pas opposée à l’idée d’une mission
de maintien de la paix des Nations Unies, quoique sous une forme
beaucoup plus limitée que celle qu’avait proposée le Président Porochenko,
c’est-à-dire en limitant la mission à la ligne de contact. Cette
proposition a ensuite été examinée avec la participation de médiateurs
internationaux de la France, de l’Allemagne et des États-Unis.
40. La nouvelle proposition formulée par les médiateurs après
cet examen prévoyait un déploiement progressif de la force de maintien
de la paix, en commençant par la frontière entre la Russie et l’Ukraine
pour finir par l’ensemble de la région du Donbass
. La Russie a cependant rejeté cette
proposition au cours de l’été 2018, bien qu’un certain nombre de
pays aient indiqué être prêts à fournir des troupes pour une telle opération
. Lorsqu’en février 2019 le Président
Porochenko a renouvelé son appel aux Nations Unies pour le déploiement
d’une force internationale de maintien de la paix, cette proposition
a été résolument rejetée par la Fédération de Russie. Celle-ci s’est
opposée en particulier à ce qu’une telle force contrôle la frontière
russo-ukrainienne
, lieu de passage essentiel pour les
unités militaires russes et le soutien aux forces séparatistes.
41. Bien que la Russie s’en défende, l’engagement direct de forces
militaires russes dans l’est de l’Ukraine demeure largement attesté.
En février 2017, le chef-adjoint de la mission d’observation de
l’OSCE a indiqué lors d’une interview que des observateurs avaient
rencontré des soldats d’unités séparatistes affirmant faire partie
de l’Armée russe
, tandis que des drones déployés par
des observateurs de l’OSCE ont repéré à la fois des convois militaires
qui traversaient la frontière entre l’Ukraine et la Russie
et la présence sur le territoire de
l’Ukraine de dispositifs de guerre électroniques sophistiqués
.
42. À cet égard, il est à noter que le Procureur général néerlandais
a annoncé, le 23 mai 2018, que l’Équipe commune d’enquête (ECE)
dirigée par les Pays-Bas avait conclu, sur la base d’éléments probants,
que le missile anti-aérien BUK qui avait abattu l’avion de ligne
civil du vol MH17 de la Malaysia Airlines avait été fourni par la
53e brigade anti-aérienne basée à Koursk
. Le 19 juin 2019, le Procureur général
néerlandais a présenté de nouveaux éléments démontrant que le dispositif
BUK avait été fourni par la Russie; il a également identifié les
quatre premiers suspects, dont trois citoyens russes issus du Renseignement
militaire russe et un citoyen ukrainien, et engagé des poursuites
pénales à leur encontre. Il est regrettable que la Russie ait refusé toute
coopération avec l’ECE afin de faire la lumière sur cette tragédie
humaine qui a coûté la vie à 298 civils.
43. La Fédération de Russie continue de financer les forces séparatistes
de la région du Donbass et de leur fournir un entraînement et des
matériels militaires tels que des armements sophistiqués, en violation
des Accords de Minsk
. Le fait que les violations de
l’accord de cessez-le-feu de la part des forces séparatistes perdurent
depuis quatre ans est une preuve supplémentaire du soutien logistique
que la Fédération de Russie continue de leur apporter, car ces violations
n’auraient pas été possibles sans un approvisionnement régulier en
armes et en munitions.
44. Le 11 novembre 2018, des «élections» ont été organisées dans
les prétendues républiques populaires de Donetsk et de Louhansk,
avec le soutien de la Fédération de Russie. L’organisation de ces
«élections» est une violation manifeste des Accords de Minsk et
a été condamnée notamment par l’Union européenne et les États-Unis.
45. Le 24 avril 2019, le Président Poutine a promulgué un décret
permettant aux résidents des territoires du Donbass qui ne sont
pas sous le contrôle des autorités de Kiev d’obtenir un passeport
et la nationalité russe selon une procédure simplifiée. Le recours
de la Fédération de Russie à cette politique de «passeportisation» constitue
une violation du droit international et des principes des Accords
de Minsk signés par la Russie; elle est contraire au principe des
bonnes relations de voisinage et porte atteinte à la souveraineté
nationale de l’Ukraine. Elle a été fermement condamnée par la communauté
internationale, eu égard en particulier au fait que des politiques
analogues de passeportisation conduites dans les régions géorgiennes
d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud ont précédé une intervention armée
de la Russie en Géorgie en 2008.
3. Autres
points préoccupants concernant les violations du droit international
46. Comme cela a été réitéré dans
plusieurs résolutions de l’Assemblée, l’agression militaire russe
dans l’est de l’Ukraine et l’annexion illégale de la Crimée démontrent
clairement l’absence de volonté de la Russie de se conformer à ses
obligations d’État membre et aux engagements qu’elle a contractés
lors de son adhésion au Conseil de l’Europe en ce qui concerne ses
relations avec ses voisins
.
Dans ce contexte, l’Assemblée a insisté, dans ses résolutions, pour
que la Russie mette en œuvre, entre autres, les résolutions de l’Assemblée
concernant la guerre entre la Russie et la Géorgie; élimine tous
les obstacles à la libre circulation des civils de part et d’autre
des lignes de démarcation administratives entre l’Ossétie du Sud
et l’Abkhazie et le reste de la Géorgie; honore son engagement d’adhésion
à retirer la 14e armée et son équipement
du territoire de la République de Moldova.
47. Malheureusement, aucun progrès n’a été constaté à cet égard:
bien au contraire, concernant la Géorgie, la communauté internationale
a condamné à de multiples reprises la «frontiérisation» en cours
le long des lignes de démarcation administrative et l’annexion rampante
de ces deux régions par la Fédération de Russie.
48. Ces développements ainsi que la récente ingérence de la Fédération
de Russie dans des événements internes en Arménie montrent son refus
persistant d’honorer ses obligations d’État membre et ses engagements
d’adhésion dans ce domaine.
4. Développements
concernant d’autres engagements et obligations de la Fédération
de Russie
49. La dernière note d'information
sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Fédération
de Russie (AS/Mon (2016) 29 déclassifiée) remonte à octobre 2016.
Malheureusement, les problèmes qui y sont identifiés dans le domaine
de la démocratie, de l’État de droit, des droits de l’homme et des
libertés fondamentales n’ont pas été réglés et aucun progrès n’a
été constaté. Au contraire, les événements en Crimée et en Ukraine
ont eu un impact visible sur la situation de la démocratie, des
droits de l’homme et des libertés fondamentales en Fédération de
Russie, exacerbant un certain nombre de tendances négatives en ce
qui concerne d’autres engagements et obligations du pays
.
50. Les autorités ont renforcé le contrôle exercé sur la liberté
d’expression dans le but de maîtriser l’information, en particulier
celle qui a trait au conflit, et muselé les critiques indépendantes
(y compris les critiques en ligne). J’ai déjà cité les restrictions
à la liberté d’expression imposées aux territoires ukrainiens contrôlés
par la Russie, mais les journalistes font face à un environnement
répressif dans l’ensemble du pays
.
51. La Russie se trouve en 149e position
sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse de 2019 de
l’ONG Reporters sans frontières. Les attaques et les menaces contre
les journalistes sont courantes. En avril 2017, le journaliste indépendant
Nikolaï Andrushenko, cofondateur de l’hebdomadaire Novy Petersburg, connu
pour ses reportages sur la corruption et les brutalités policières,
est décédé après avoir été passé à tabac dans la rue. En mai 2017,
Dimitri Popkov, rédacteur en chef du journal local indépendant Ton-M
en Sibérie, a été abattu dans la rue dans la région de Krasnoïarsk
en Sibérie. En avril 2018, Maxim Borodin, correspondant d'investigation
pour le site d’information indépendant Novy Den, qui avait enquêté
sur la présence de mercenaires russes en Syrie, est décédé après
être tombé du balcon de son appartement au cinquième étage à Ekaterinbourg
dans des circonstances suspectes. En septembre 2018, un militant
des droits de l’homme et éditeur de site web aurait été empoisonné
et a été soigné en Allemagne. En octobre 2018, Denis Korotkov de
Novaya Gazeta a reçu des menaces de mort. En juin 2019, le blogueur
vidéo russe Vadim Kharchenko qui relate et commente les manifestations
menées contre les autorités et enquête sur des allégations d’abus
de pouvoir de la part de la police a été attaqué et blessé à Krasnodar
. Cette
liste n’est pas exhaustive et il n’est nul besoin de souligner l’effet
dissuasif que cela peut avoir sur d’autres journalistes.
52. Les journalistes et rédacteurs en chef émettant des critiques
sont également souvent persécutés dans le cadre de procédures (pénales)
qui sont considérées par la communauté internationale comme étant
dictées par des motifs politiques. En octobre 2018, un tribunal
de Moscou a infligé une amende de plus de 300 000 USD au magazine
New Times pour n’avoir prétendument pas soumis à temps ses déclarations
de financement. La rédactrice en chef Yevgenia Albats a affirmé
que l’amende sanctionnait son interview à la radio Echo Moscou avec
le militant de l’opposition Alexeï Navalny. En décembre 2018, Aleksandre
Valov, le rédacteur en chef de BlogSochi qui avait écrit des articles
sur la corruption, a été condamné à six ans de réclusion pour extorsion.
En juin 2018, un correspondant pour l’agence de presse nationale
ukrainienne Ukrinform en France, qui était détenu depuis 2016, a
été condamné à 12 ans de prison pour présomption d’espionnage. En
janvier 2019, le blogueur Viktor Toroptsev a été condamné à dix
jours de prison pour infraction au code de la route après avoir
partagé sur YouTube une vidéo qui montrerait plusieurs représentants
des forces de l’ordre assistant aux obsèques d’un chef de gang local.
En février 2019, la police a ouvert une enquête pénale, perquisitionné
l’appartement et saisi les effets personnels d’une journaliste, Svetlana
Prokopyeva, pour sa critique des autorités concernant un attentat-suicide
survenu l’an dernier
.
En mai 2019, le journaliste Victor Korb a été mis en examen pour
transcription et publication d’un discours prononcé par un détracteur
du Kremlin lors de son procès en 2015. En juin 2019, le rédacteur
en chef Abdulmumin Gadzhiev a été détenu pour des chefs d’accusation
de terrorisme fondés, d’après les constats du CPJ, sur la déposition
d’un témoin qui s’est ensuite rétracté, alléguant qu’elle lui avait
été extorquée sous la torture
. À nouveau, il ne s’agit que de quelques
exemples. Pour plus d’informations, veuillez consulter le rapport
de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et
des médias «Attaques contre les journalistes et la liberté des médias
en Europe» (
Doc. 14229).
53. Deux affaires ont récemment connu un dénouement plus heureux:
à la suite d’un niveau de pression historique de la part de la société
civile russe
, Ivan Golounov, un journaliste
d’investigation connu, qui avait été arrêté sur des accusations
très douteuses de trafic de drogue, a été libéré le 11 juin 2019
après plus d’un mois de détention; depuis, les poursuites ont été
abandonnées
. De même, le journaliste indépendant
Igor Rudnikov a été libéré il y a quelques jours par le tribunal
de Saint-Pétersbourg après avoir été détenu plus de 20 mois sur
des chefs d’accusation qui sont largement considérés comme fabriqués
de toutes pièces
. Toutefois, selon les organisations
internationales de défense des droits de l’homme, au moins cinq
autres journalistes sont toujours détenus en Russie sur des chefs
d’accusation douteux
. Malheureusement, cette tendance
positive s’est avérée être de courte durée avec l’arrestation par
la police le 12 juin de 100 manifestants, dont Alexeï Navalny, qui
demandaient la condamnation des policiers qui avaient placé des preuves
accablant Ivan Golounov.
54. Une loi contre l’extrémisme vague et exagérément large est
utilisée pour poursuivre pénalement toute critique sur les réseaux
sociaux. Depuis 2017, le parquet dispose du pouvoir de bloquer par
voie extrajudiciaire tout contenu partagé par des organisations
étrangères «indésirables», ainsi que les sites internet qui diffusent des
matériels provenant de ces organisations. En avril 2018, les autorités
ont bloqué l’application populaire de messagerie Telegram qui n’avait
pas permis au Service fédéral de sécurité (FSB) d’accéder aux communications
cryptées.
55. L’adoption récente de nouveaux textes législatifs par le Parlement
russe ne va pas améliorer la situation. Il s’agit notamment de la
loi sur les «fausses informations» et le «non-respect des autorités»,
qui permettent aux tribunaux de condamner des personnes à des peines
de réclusion et à des amendes et de bloquer les sites internet qui
publient des contenus litigieux; d’amendements au code des infractions
administratives qui permettent d’infliger des amendes aux personnes
physiques et morales qui distribuent de la presse écrite provenant
de médias étrangers sans l’autorisation du Roskomnadzor, le régulateur
fédéral russe des médias; et d’une loi permettant aux autorités
de qualifier des journalistes d’«agents étrangers». De premières poursuites
fondées sur la loi relative au non-respect des autorités ont déjà
été lancées. Il est à craindre que cette législation conduise à
interdire toute opposition politique en déclarant non respectueuse
toute critique des autorités
.
56. La situation des ONG et des défenseurs des droits de l’homme
ne s’est pas améliorée. Dans sa
Résolution 2096 (2016) «Comment prévenir la restriction inappropriée des activités
des ONG en Europe?» et dans sa
Résolution 2225 (2018) «Nouvelles restrictions des activités des ONG dans les
États membres du Conseil de l’Europe», l’Assemblée s’est dite vivement
préoccupée par la «loi relative aux agents étrangers», qui stigmatise
les organisations recevant des financements étrangers qui sont considérées
comme s’engageant dans des activités politiques. Fin 2018, 73 organisations
étaient considérées comme «agents étrangers», tandis que de nombreuses
autres avaient cessé d’accepter les contributions étrangères ou
mis fin à leurs activités. Celles qui sont enregistrées comme «agents
étrangers» ont des difficultés considérables à poursuivre leurs
objectifs.
57. Dans ces résolutions, l’Assemblée s’est également inquiétée
de l’adoption, en mai 2015, de la «loi relative aux organisations
indésirables». Quinze ONG étrangères ont été considérées comme étant
des «organisations indésirables» au motif qu’elles menaçaient la
sécurité nationale. Cette désignation permet aux autorités d’imposer
tout un éventail de sanctions contre ces organisations et contre
ceux qui travaillent avec elles. Dans sa
Résolution 2225 (2018), l’Assemblée a appelé la Russie à modifier la législation
relative aux ONG, conformément aux Avis nos 716/2013
et 717/2013 de la Commission de Venise. Malheureusement, cela n’a
pas été fait.
58. D’autres formes de harcèlement et d’intimidation entravent
le travail des ONG. En janvier 2018, Oyub Titiev, directeur du bureau
de Memorial en Tchétchénie, a été arrêté pour présomption de possession
de drogue
. Le
10 juin 2019, il a bénéficié d’une libération conditionnelle à la
suite de campagnes nationales et internationales massives menées
en sa faveur. En octobre 2018, Oleg Kozlovsky, chercheur d’Amnesty International,
a été détenu, battu et soumis à un simulacre d’exécution par des
agresseurs masqués qui cherchaient des informations sur ses contacts
locaux et ont menacé de tuer sa femme et ses enfants. Les personnes
intéressées peuvent trouver davantage d’informations dans les rapports
de la commission des questions juridiques «Nouvelles restrictions
des activités des ONG dans les États membres du Conseil de l’Europe»
(
Doc. 14570) et «Assurer la protection des défenseurs des droits
de l’homme dans les États membres du Conseil de l’Europe» (
Doc. 14567).
59. L’environnement dans lequel évolue l’opposition politique
est également de plus en plus restrictif. En raison du manque de
coopération avec l’Assemblée, ni l’élection présidentielle du 18 mars
2018 ni les élections législatives du 18 septembre 2016 n’ont été
observées par l’Assemblée parlementaire. Or les différents rapports
d’observation des élections de l’Organisation pour la sécurité et
la coopération en Europe (OSCE) ont montré de nombreuses violations,
aussi bien lors des campagnes électorales que le jour de l’élection.
Ces violations comprenaient le traitement préférentiel de certains
médias, l’utilisation abusive des ressources publiques, le bourrage
d’urnes, les pressions sur les électeurs et les campagnes illicites.
60. Certains candidats de l’opposition n’ont pas été autorisés
à s’enregistrer. Durant la course à la présidence, le principal
adversaire du président Poutine, Alexeï Navalny, avait été écarté
avant le début de la campagne en raison d’une condamnation pénale
dictée par des motifs politiques, entraînant ce que l’OSCE a qualifié
d’«absence de véritable compétition politique».
61. En août 2018, le ministère de la Justice a refusé une nouvelle
fois l’enregistrement du parti politique d’Alexeï Navalny. Celui-ci
tentait d’enregistrer un parti depuis 2012, mais ses demandes étaient
toujours retardées ou rejetées pour des motifs techniques.
62. Comme les journalistes et les militants des droits de l’homme,
les hommes politiques et les militants de l’opposition sont souvent
la cible d’affaires pénales fabriquées de toutes pièces et d’autres
formes de harcèlement administratif apparemment conçues pour empêcher
leur participation au processus politique. En 2018 seulement, Alexeï
Navalny a été incarcéré à trois reprises en lien avec des manifestations
non autorisées, pour des durées allant de 15 à 30 jours. En novembre
2018, la Cour européenne des droits de l’homme a conclu à la violation
de l’article 18 de la Convention européenne des droits de l’homme
(STE no 5) et déclaré que les sept arrestations
de M. Navalny entre 2012 et 2014 avaient pour but d’«étouffer le
pluralisme politique». Amnesty International l’a déclaré prisonnier
d’opinion.
63. Le 28 mai 2019, la commission des questions juridiques et
des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire a appelé les
autorités russes à «rouvrir et à poursuivre» leur enquête sur le
meurtre du leader de l’opposition Boris Nemtsov, en énumérant un
certain nombre de «sérieuses inquiétudes» quant à l’indépendance
et à l’efficacité de l’enquête.
64. Ces dernières années, le droit à la liberté de réunion en
Russie a été considérablement limité du fait des changements législatifs
et des réactions disproportionnées de la police, dont l’usage excessif
de la force et les arrestations régulières. L’autorisation d’organiser
un rassemblement dans la rue est souvent refusée et les manifestations
non autorisées, même quand elles sont pacifiques, sont sévèrement
punies par des amendes extrêmement élevées et l’arrestation des
participants.
65. Pour illustrer cette réalité, je me référerai aux événements
les plus récents: en juin 2019,100 personnes ont été détenues à
la suite de manifestations pacifiques contre l’arrestation d’Ivan
Golounov. Durant les manifestations du 1er mai
à Saint-Pétersbourg, plus de 100 personnes ont été arrêtées, dont
deux journalistes.
66. Les autorités régionales continuent de harceler les groupes
non traditionnels comme les témoins de Jéhovah et les mormons. La
législation de lutte contre le terrorisme approuvée en 2016 autorise
les autorités à réprimer les groupes religieux considérés comme
extrémistes. En 2017, la Cour suprême russe a confirmé la décision
du ministère de la Justice d’interdire les témoins de Jéhovah en
tant qu’organisation extrémiste. On estime qu’il y a 175 000 membres
de ce groupe en Russie. En décembre 2018, plus de 80 d’entre eux
avaient été incarcérés, assignés à domicile ou avaient vu leur liberté
limitée, et plusieurs milliers s’étaient réfugiés à l’étranger.
67. Les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) de la
Fédération de Russie sont victimes de discrimination dans de nombreux
domaines, notamment l'emploi, l'éducation, le dossier médical, la
liberté d'association et de réunion. L'environnement restrictif
envers les personnes LGBT s'est détérioré suite à l'adoption, en
2013, de la loi no 167-FZ sur la «propagande
gay» et, en 2014, d'un décret gouvernemental no 93.
Les politiciens et même les membres du gouvernement tiennent des
discours très répandus qui stigmatisent les personnes LGBT et encouragent
les sentiments et les comportements anti-LGBT au sein de la population.
La situation est particulièrement dramatique en Tchétchénie, où,
depuis 2019, des rapports fiables font état d'une nouvelle vague
de persécutions accrues des personnes LGBT, des défenseurs des droits
humains et des journalistes qui dénoncent les abus.
68. Un certain nombre d’autres problèmes identifiés dans la note
d’information sur le fonctionnement des institutions démocratiques
en Fédération de Russie
concernant
l’État de droit, notamment l’indépendance de la justice, l’exécution
des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme et les violations
des droits de l’homme n’ont pas été réglés par les autorités. Ils
feront l’objet, je l’espère, d’un rapport de suivi périodique une
fois que la coopération parlementaire aura repris.
69. À la suite de la décision de la délégation russe de cesser
tout contact avec l’Assemblée parlementaire, il n’y a pas eu de
coopération dans le cadre de la procédure de suivi depuis janvier
2015. Il convient de souligner que la coopération pleine et entière
avec la commission de suivi est un engagement explicite contracté
par la Fédération de Russie en tant que pays lors de son adhésion
au Conseil de l’Europe. Cet engagement demeure valable, indépendamment
du souhait du Parlement russe d’être représenté ou non à l’Assemblée
parlementaire et de participer ou non à ses travaux.
5. Pistes
possibles et conclusions
70. En qualité de rapporteur de
la commission de suivi, je suis chargé de la tâche difficile de
proposer un moyen de sortir de la situation dans laquelle l’Assemblée
se trouve. Le Règlement offre trois possibilités. L’Assemblée peut
décider: 1. de ne pas ratifier les pouvoirs de la délégation de
la Fédération de Russie; 2. de ratifier les pouvoirs; ou 3. de ratifier
les pouvoirs tout en suspendant certains des droits de la délégation, considérant
qu’après l’adoption de la
Résolution
2287 (2019) «les membres de l’Assemblée ne peuvent être privés du
droit de vote, du droit de parole, ni du droit d’être représentés
à l’Assemblée et dans ses organes, et l’exercice de ces droits ne
peut être suspendu, dans le contexte d’une contestation ou d’un
réexamen des pouvoirs» (article 10.1.c).
71. Les parties précédentes ont mis en évidence l’absence manifeste
de progrès dans la mise en œuvre par la Fédération de Russie des
demandes formulées par l’Assemblée dans les
Résolutions 1990 (2014),
2034 (2015) et
2063 (2015) qui ont déjà porté sur l’examen des pouvoirs de la délégation
russe.
72. Nous ne pouvons aussi que regretter la décision du Parlement
russe du 18 avril 2014 de suspendre la coopération avec l’Assemblée
parlementaire, laquelle équivaut à un rejet évident de l’offre de
dialogue politique de l’Assemblée et soulève des questions sur la
détermination de la Fédération de Russie à s’acquitter des obligations
qui sont les siennes en vertu du Statut du Conseil de l’Europe.
73. Compte tenu toutefois du débat sur le renforcement du processus
décisionnel de l’Assemblée parlementaire concernant les pouvoirs
et le vote, il est clair que l’Assemblée demeure attachée au dialogue pour
trouver des solutions durables à ces questions. Il convient aussi
de rappeler que dans les résolutions susmentionnées, elle s’est
déclarée convaincue que le dialogue devait être le moyen d’aller
de l’avant pour régler les conflits. Elle a estimé dans le même
temps que le rejet des pouvoirs nuirait à l’objectif du Conseil
de l’Europe et la priverait de toute possibilité de dialogue politique.
La décision du Parlement russe de présenter en fin de compte les
pouvoirs de sa délégation, après quatre ans d’absence au niveau
parlementaire du Conseil de l’Europe, devrait aussi être perçue
comme un signe de sa volonté de relancer ce dialogue. Je me félicite
de cette décision et pense sincèrement que nous ne devons pas lui
tourner le dos.
74. Il est important de noter que le rétablissement de la coopération
permettra, et doit entraîner, la réactivation de la procédure de
suivi à l’égard de la Fédération de Russie, ce qui permettrait à
l’Assemblée de tenir la délégation russe responsable sur la base
des valeurs et des principes du Conseil de l’Europe.
75. Nous devons aussi être conscients des conséquences possibles
du rejet des pouvoirs russes, qui pourrait conduire au bout du compte
au retrait de la Fédération de Russie du Conseil de l’Europe. L’adhésion de
leur pays au Conseil de l’Europe permet aux citoyens russes d’avoir
accès à la juridiction de la Cour européenne des droits de l’homme.
Nous ne devons pas l’oublier et tenir compte des besoins de citoyens russes
qui voient dans le Conseil de l’Europe un moyen de protéger leurs
droits. De même, les organisations non gouvernementales et les militants
considèrent le Conseil de l’Europe comme un instrument de protection. La
décision du Comité des Ministres du 17 mai 2019 témoigne aussi de
la volonté politique claire de faire de l’Assemblée parlementaire
et du Conseil de l’Europe une plateforme de dialogue politique avec
la Fédération de Russie. Bien que la décision des ministres des
Affaires étrangères ne nous lie nullement, nous souhaitons en tenir
compte.
76. C’est pourquoi je propose que l’Assemblée ratifie les pouvoirs
de la délégation russe avec des conditions, comme elle l’a fait
dans ses résolutions 1990 (2014), 2034 (2015) et 2063 (2015).
77. Se pose alors la question de savoir si l’Assemblée devrait
priver la délégation russe de certains droits et privilèges.
78. Je tiens à rappeler ici l’avis de la commission du Règlement,
des immunités et des affaires institutionnelles sur «une liste des
droits de participation et de représentation dont l’exercice peut
faire l’objet d’une privation ou d’une suspension dans le contexte
d’une contestation ou d’un réexamen des pouvoirs» établie et approuvée
par le Bureau de l’Assemblée le 30 septembre 2014. L’avis précise
que «toute sanction devrait être cohérente et reposer sur les principes
de la sécurité juridique et de la proportionnalité à la gravité de
l’infraction en cause».
79. Dans ce contexte, la sécurité juridique implique de veiller
à ce que des violations similaires conduisent à des sanctions similaires
si elles venaient à se répéter, et que des actions similaires d’autres
délégations entraînent des sanctions de même niveau. Le respect
de la proportionnalité signifie que s’il est décidé d’appliquer
des sanctions, ces dernières – ou l’absence de ces dernières – ne
devront pas, par leur trop grande sévérité ou leur trop grande légèreté,
empêcher l’Assemblée de sanctionner par la suite des violations
plus graves ou moins graves des obligations et engagements d’un
pays donné.
80. En conséquence, tout en proposant que les pouvoirs de la délégation
russe soient ratifiés, je propose d’introduire un certain nombre
de conditions en même temps pour exprimer la condamnation par l’Assemblée des
violations graves et continues par la Russie du droit international,
du Statut du Conseil de l’Europe et de ses propres engagements et
obligations. Ce serait faire preuve d’une indulgence excessive à
l’égard de ces violations incontestables que de ratifier les pouvoirs
sans suspendre la délégation russe de certains droits. Cela enverrait
un mauvais signal et serait perçu comme une récompense de l’absence
de coopération au cours des quatre dernières années.
81. Deux questions en particulier devraient être prises en compte
à ce sujet. Premièrement, il serait inimaginable qu’un pays qui
refuse ouvertement de s’acquitter de ses obligations et de ses engagements
et de donner suite aux recommandations et aux demandes de l’Assemblée
puisse représenter cette dernière à l’extérieur et dans d’autres
organes du Conseil de l’Europe.
82. Deuxièmement, l’ingérence de la Fédération de Russie dans
les affaires intérieures d’autres pays, en particulier des États
voisins, par des moyens inacceptables en droit international est
l’une des principales causes de la crise des relations entre l’Assemblée
et la Fédération de Russie. Comme l’Assemblée l’a déclaré à maintes
reprises, la Fédération de Russie continue de refuser d’honorer
les engagements qu’elle a contractés lors de son adhésion vis-à-vis
de ses voisins. Il serait donc inimaginable que le retour de la délégation
russe à l’Assemblée permette à la Fédération de Russie, par l’intermédiaire
de sa délégation, d’avoir recours aux mécanismes et aux privilèges
de l’Assemblée pour continuer à s’ingérer, plus intensément peut-être,
dans les affaires intérieures d’autres pays. La Fédération de Russie
devrait donc être privée de la possibilité de participer à l’observation
d’élections par l’Assemblée ou d’être rapporteur de la commission
de suivi. C’est, de nouveau, de mon point de vue le strict minimum.
De plus, les membres voudront peut-être envisager l’interdiction
d’être rapporteur dans d’autres commissions de l’Assemblée.
83. Je propose donc que l’Assemblée suspende les droits ci-après
de la délégation russe pendant le reste de l’année 2019: le droit
d’être élu membre des bureaux des commissions; le droit d’être nommé
rapporteur; le droit de participer aux missions d’observation électorale
de l’Assemblée et le droit de représenter l’Assemblée dans les organes
du Conseil de l’Europe, les institutions et les organisations extérieures,
tant au niveau institutionnel que ponctuellement.
84. Nous devrions en outre demander aux autorités russes de libérer
les 24 marins ukrainiens capturés dans le détroit de Kertch sous
l’inculpation de «franchissement illégal de la frontière de la Fédération
de Russie»; de verser immédiatement toutes les contributions dues
au titre du budget du Conseil de l’Europe; et de coopérer sans condition
et pleinement avec l’équipe d’investigation conjointe et le parquet
néerlandais pour traduire en justice les responsables du crash du
vol MH 17 de Malaysia Airlines.
85. Il est clair que l’Assemblée s’attend à ce que son offre de
dialogue soit réciproque et débouche sur des résultats concrets.
La délégation russe doit en particulier coopérer de nouveau avec
la commission de suivi et engager un dialogue constructif sur le
respect de ses engagements et de ses obligations.