1. Introduction
1. La gestion des flux migratoires
actuels vers l’Europe pose des problèmes juridiques complexes au regard
du statut auquel les migrants peuvent prétendre: bénéficiaires d'un
séjour régulier sur obtention d'un visa, de la protection internationale
en conformité avec la Convention de Genève, de la protection subsidiaire aux
termes de la Directive 2004/83/CE du Conseil de l'Union européenne
ou du regroupement familial; ou irréguliers et donc inéligibles
à rester.
2. La mise en œuvre efficace des cadres juridiques existants
et un partage des responsabilités entre pays européens à l'égard
des réfugiés de pays en conflit suffiraient à priori pour garantir
les droits de ces personnes. Mais la situation est tout autre pour
les personnes forcées de quitter leur domicile et de s'exiler en
raison de la dégradation de leur environnement et à la suite de
catastrophes écologiques. Or, le changement climatique à l'échelle
planétaire crée des conséquences dévastatrices qui peuvent être
plus ou moins dramatiques selon les pays (capacité de réaction,
impact sur les ressources naturelles ou sur les finances publiques).
3. La proposition de résolution à l'origine de ce rapport met
en avant un constat basé sur diverses études: les facteurs environnementaux
pourraient provoquer le déplacement d'au moins 200 millions de personnes dans
le monde d'ici à 2050. Ce chiffre est fondé sur l'hypothèse que
toutes les personnes susceptibles de subir des conséquences graves
de phénomènes ou d'évolutions climatiques défavorables seront contraintes,
ou choisiront, de quitter leur foyer, alors qu'aucun lien direct
de cause à effet entre le changement climatique et les migrations
internationales n'a été démontré à ce jour.
Malgré
cette difficulté, il apparaît chaque jour plus évident que le changement
climatique et ses conséquences probables sur les déplacements de
population appellent une action et des politiques claires. En effet,
si les causes des déplacements des populations restent les mêmes
(la dégradation de l’environnement vital, que ce soit par la violence
ou la misère), les changements climatiques sont susceptibles d’accélérer
ces phénomènes de dégradation.
4. Réunie à l’Assemblée nationale, Paris, le 21 septembre 2018,
la commission a tenu un échange de vues avec la participation de
M. Olivier Fontan, Sous-Directeur de l’Environnement et du climat,
Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, Mme Alexandra
Bonnet, Directrice adjointe de la Direction des Affaires européennes
et internationales, Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire
(MTES), Mme Isabelle Michal, Administratrice
chargée des politiques, Unité du changement climatique et des déplacements
liés aux catastrophes, Haut-Commissariat des Nations Unies pour
les réfugiés (HCR) et Mme Dina Ionesco,
Chef de Division des migrations, de l’environnement et du changement
climatique à l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).
Les présentations et les débats ont apporté des éléments importants
pour mon rapport et je remercie les orateurs pour l’expertise et
l’expérience qu’ils ont partagées avec nous. La Commission a examiné
cette question plus avant lors de sa réunion du 26 mars 2019, à
laquelle ont participé Mme Christel Cournil,
maîtresse de conférences en droit public à l’université Paris 13
et M. Alex Randall, Coalition pour le climat et les migrations,
Cambridge (Royaume-Uni).
2. Etat
actuel des études sur le changement climatique
5. Selon les déclarations de Mme Michal
(HCR) lors de l’audition de Paris, avec le changement climatique l’on
peut s’attendre à une intensification et à une augmentation de la
fréquence à la fois de phénomènes et de catastrophes soudains comme
les tempêtes, les inondations et les feux de végétation, mais aussi
de catastrophes à évolution lente comme la fonte du permafrost,
la hausse du niveau des mers, la désertification, etc. Le changement
climatique agit comme un multiplicateur des menaces, augmente le
potentiel de conflits, intensifie la concurrence pour des ressources
qui se raréfient, etc. Il peut entraver le fonctionnement des sociétés
et aggraver les tensions entre les communautés. Il peut même y avoir
un effet domino quand des personnes déménagent pour s’installer
dans d’autres localités compromettant ainsi l’éventuel retour de
ceux qui avaient été contraints de quitter ces mêmes localités auparavant.
6. En Afrique, certaines populations sont affectées par la sécheresse
ou les inondations et dans les Amériques et les Caraïbes beaucoup
de gens sont menacés par les inondations, les tremblements de terre
et les ouragans. Les pays en développement doivent lutter pour une
justice environnementale et climatique. Ils ne sont pas responsables
des problèmes générés par les gaz à effet de serre, mais ce sont
eux qui en souffrent le plus.
7. L’Europe est tout aussi exposée aux catastrophes et aux déplacements
induits par les changements climatiques que d’autres régions du
monde. D’après l’Agence européenne pour l'environnement (AEE), 70-90%
des plaines alluviales d’Europe sont dégradées par les activités
humaines, réduisant le rôle des plaines alluviales dans l’atténuation
des inondations, tandis que les ondes de crues devraient également
augmenter en taille et parcourir les cours d’eau plus rapidement
. Des pays comme la Grèce, la Suède, la Finlande,
la Lettonie et l’Espagne ont connu de violents incendies de forêt;
de tels incidents sont appelés à devenir plus fréquents en raison
du changement climatique
, qui induira une augmentation de
la fréquence, de l’intensité et de la durée des incendies de forêt
en Europe
. Les sécheresses deviendront aussi
plus courantes
, et
les vagues de fortes chaleurs devraient augmenter, notamment en
Europe du sud et dans les pays méditerranéens
.
3. Les
conséquences du changement climatique sur les migrations
8. Confrontées à la détérioration
de leur environnement, les sociétés humaines n'ont que deux réponses possibles:
soit agir sur les causes de la détérioration, soit agir sur ses
conséquences en s'adaptant en permanence aux nouvelles situations
engendrées par celle-ci
.
9. Pour Nikolaus von Bomhar, Président du conseil de surveillance
de la société de réassurance Munich Re, la réponse humaine la plus
probable, dès lors que les conditions environnementales ne pourront
pas connaître une amélioration avant une période très longue, qu'elles
excèderont la capacité des sociétés à s'adapter et renforceront
les disparités dans la distribution des richesses, sera de projeter
leur existence future vers des zones géographiques offrant ou supposées
offrir des meilleures conditions de vie. «
Dans
une perspective historique, l'émigration a toujours été une stratégie
de survie pour échapper aux situations désespérées. Aussi, il est
possible aujourd'hui que des détériorations sévères de l'environnement, particulièrement
dans les régions à forte croissance démographique, entraîne une
pression migratoire croissante. Et cela constituera une menace pour
les autres sociétés ».
10. Mme Michal (HCR) note cependant
que les personnes déplacées dans un contexte de changements ou de
catastrophes climatiques le sont le plus souvent à l’intérieur de
leur propre pays. L’Observatoire des situations de déplacement interne
(IDMC)
estime qu’en moyenne, chaque année,
plus de 25 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur de
leur pays par des catastrophes. En 2017, elles étaient 18,8 millions. La
majeure partie des déplacements concerne la Chine, les Philippines,
Cuba, les États-Unis mais également la Somalie, l’Éthiopie et l’Inde.
11. En Europe, les trois pays les plus affectés par les déplacements
internes résultant de catastrophes sont la France, avec 22 000 personnes
déplacées en 2017, le Portugal et le Royaume-Uni. L’Europe et la
France sont ainsi déjà sujettes à des migrations causées par le
changement climatique. D’après l’Observatoire des situations de
déplacement interne: «Les trois-quarts des déplacements relevés
en Europe et en Asie centrale en 2017 étaient liés à des catastrophes
». Les incendies de forêt ont également
contraint des centaines de personnes à l’évacuation en Suède, en
Allemagne
, en Croatie et en Italie
. Une étude réalisée par des chercheurs
a démontré que le changement climatique rendait cinq fois plus probables
les épisodes de fortes chaleurs à l’origine de ces événements
.
12. D’après les données collectées sur la Convention des Nations
Unies sur la lutte contre la désertification,
notamment dans le contexte de la
Décennie des Nations Unies (2010-2020)
consacrée à ce thème, de 80 à 90 %
des migrants désireux d’entrer en Europe ont dû quitter des terres
agricoles qui ne pouvaient plus assurer leur subsistance. L’ampleur
des catastrophes naturelles dans l’hémisphère sud semble avoir un
impact sur l’augmentation générale des migrations vers l’hémisphère
nord, qui pour le moment semble mieux résister aux catastrophes
naturelles. Ces chiffres énormes nécessitent donc une meilleure
prise en compte. D’après le journal
The
Guardian: «Le nombre de migrants cherchant chaque année
à s’installer en Europe devrait tripler avant la fin du siècle si
l’on se réfère uniquement aux tendances constatées dans l’évolution
du climat et indépendamment des facteurs économiques et politiques»
. C’est aussi un fait que les pays
dont les températures moyennes avoisinent 20˚C sont à l’origine
de nombreuses demandes d’asile, tandis qu’il y a moins de demandeurs
d’asile en provenance des régions plus tempérées. De plus, le changement
climatique a été mentionné comme un des facteurs déterminants de
la sécheresse qui a frappé la Syrie de 2007 à 2010 et a alimenté
l’instabilité dans la région
.
Groupes particulièrement vulnérables
13. Un autre aspect de cette injustice
pour ceux qui supportent les conséquences négatives du changement climatique
est l’inégalité de genre: les femmes sont les plus durement frappées
par les catastrophes climatiques et par les conséquences de l’évolution
du climat. Les groupes les plus vulnérables (femmes, jeunes gens,
personnes âgées et personnes handicapées) sont plus durement touchés
que les autres en cas d’exil.
14. Le changement climatique est un facteur aggravant dans la
vulnérabilité de certaines personnes. Il fragilise encore des populations
déjà vulnérables. Les États ne devraient pas oublier leur responsabilité politique
à l’égard de telles personnes dans leur analyse du changement climatique.
Sur la période 2008-2016, Oxfam estime que les populations des pays
à revenu faible ou moyen avaient cinq fois plus de chances de subir
un déplacement suite à des événements climatiques catastrophiques
que les habitants de pays aux revenus plus élevés. Le risque est
également plus élevé pour les habitants des régions côtières que
pour les autres.
Une quantification difficile
15. L'absence d'une définition
consensuelle de la notion de déplacés climatiques a pour conséquence
des estimations très variables selon les études et la méthodologie
retenues allant de 150 millions (ONU) à 212 millions (Myers) et
jusqu'au milliard (Christian Aid)
.
16. Selon un rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur
l'évolution du climat (GIEC), une augmentation du niveau des mers
de 50 cm (qui a de fortes chances de se produire avant la fin du
siècle) forcerait 72 millions de personnes à se déplacer. Avec une
montée des eaux de 2 mètres, ils seraient 187 millions
.
17. L'Organisation internationale des migrations (OIM) estime
que le nombre de déplacés environnementaux pourraient atteindre
200 millions d'ici à 2050. Selon les prévisions du Haut-Commissaire adjoint
pour les réfugiés, 250 millions de personnes d'ici 2050 pourraient
être contraintes de quitter leur foyer en raison de catastrophes
naturelles et des effets du dérèglement climatique
.
Au vu de ces prévisions inquiétantes, il est dès lors important
de se préoccuper de cette question à un niveau politique.
4. Problématique
du statut juridique
18. J’ai pu constater au cours
de mes travaux qu’il est difficile de quantifier le phénomène des
migrations environnementales dans la mesure où le lien entre la
dégradation de l'environnement et la décision de se déplacer reste
difficile à établir de manière directe. Il est tout aussi difficile
de trouver une solution commune entre les différentes pistes juridiques
de régulation des migrations environnementales, actuellement discutées dans
les milieux universitaires, politiques, associatifs et d’experts
etc.
19. Devant l'absence relative de progrès malgré les alertes de
plus en plus pressantes et les contraintes climatiques qui affectent
de plus en plus de personnes, mon rapport a vocation à enrichir
les réflexions sur les potentialités du droit international ainsi
qu’aux anticipations nécessaires pour parvenir à gérer au mieux
la question des déplacements de population. Pour ce faire, j’étudierai
le conflit de terminologie qui ressort dans l’emploi des concepts
de «réfugiés environnementaux» ou de «réfugiés climatiques», et
les positions des différentes organisations internationales sur
les droits à accorder aux personnes privées de leur territoire pour des
raisons environnementales.
20. J’examinerai en même temps quelques exemples d'initiatives
visant à promouvoir ces droits, telles que le rapport adopté par
la commission des droits de la femme et de l'égalité des genres
du Parlement européen le 18 décembre 2017 sur «les femmes, l'égalité
des genres et la justice climatique» (rapporteure: Mme Linnéa Engström).
4.1. Faut-il
utiliser l’expression «réfugiés climatiques» – cela offrirait-t-il
une plus grande protection aux intéressés?
21. S’exprimant pour le ministère
français de l’Europe et des Affaires étrangères au cours de l’audition organisée
à Paris, M. Fontan a rappelé que le terme «réfugié» est défini par
les Conventions de Genève et désigne toute personne ayant des motifs
raisonnables de craindre d’être persécutée au motif de son âge,
de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain
groupe social, de ses positions politiques, etc. À l’évidence, les
personnes déplacées par des conditions environnementales sont confrontées
à un certain type de menaces, mais ne relèvent pas de la protection
octroyée par les Conventions de Genève. La plupart des personnes
déplacées par les catastrophes naturelles et les changements climatiques
le sont à l’intérieur de leur pays, et le problème réside donc davantage
dans la capacité des États à gérer les catastrophes naturelles et
à assurer la sécurité des populations ainsi que dans la résilience.
22. Il semblerait donc plus judicieux d’utiliser l’expression
«personnes déplacées par des phénomènes naturels» au lieu de «réfugiés
climatiques», premièrement en raison de l’absence de fondement juridique
de l’expression dans les textes existants et, deuxièmement, parce
que les catastrophes environnementales qui produisent des migrations
massives ne sont pas toujours provoquées par les changements climatiques.
Cette approche rejoint l’évolution des positions des organisations
internationales dans la définition du statut et du degré de protection
à octroyer aux personnes déplacées par des causes environnementales.
23. Mme Michal, qui représentait le
HCR à l’audition, a également fait observer que l’expression «réfugié climatique»
n’existe pas en droit international, mais rappelle que les personnes
déplacées au-delà des frontières pour de tels motifs peuvent prétendre
au statut de réfugié dans certaines circonstances. Ainsi, quand le
changement climatique et les catastrophes s’accompagnent de violences
et de conflits, les intéressés peuvent remplir les critères pour
demander ce statut; ou, quand un groupe spécifique est frappé d’une
manière disproportionnée par les conséquences d’une catastrophe
ou d’un changement climatique; ou quand une catastrophe est mise
à profit pour persécuter un groupe spécifique, par exemple en lui
refusant toute assistance. Les critères de la persécution peuvent
alors être applicables.
24. Dans le cadre d’instruments régionaux comme la Convention
de l’Organisation de l’Unité Africaine /Union africaine (OUA/UA)
régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique
et la Déclaration de Carthagène
, la définition du statut de réfugié
comprend les événements qui perturbent gravement l’ordre public.
Ces instruments régionaux seraient alors applicables dans un contexte
de catastrophes climatiques. Les personnes pourraient donc prétendre
au statut de réfugié quand elles sont déplacées par des changements
ou des catastrophes climatiques en invoquant la protection de certains
de ces instruments régionaux. Dans leur cas, la reconnaissance du
statut de réfugié ne nécessite pas leur requalification en «réfugiés
climatiques» ou la création d’une nouvelle catégorie de réfugié.
Pour illustrer les cas dans lequel des personnes peuvent demander
le statut de réfugié en cas de changement climatique ou de catastrophe
dans un contexte de conflit, une application de la Convention sur
les réfugiés
aux personnes fuyant les conflits
et la famine pourrait être envisagée.
25. Le 26 mars, à Paris, M. Randall a fait remarquer qu’il serait
difficile de distinguer les personnes qui migrent en raison des
changements climatiques des populations déplacées par d’autres causes.
Les États devraient adapter et élargir les cadres juridiques existants
pour y intégrer la mobilité humaine due au réchauffement de la planète,
comme les visas humanitaires et d’urgence et l’instauration de possibilités d’émigrer
par des voies légales et sûres. Les populations sont inévitablement
déplacées par l’évolution du climat. La migration humaine est un
outil de résilience et une forme légitime d’adaptation au changement climatique.
Si les États acceptaient de considérer la migration comme une forme
d’adaptation au changement climatique, des fonds d’adaptation au
climat pourraient être alloués pour aider les gens à émigrer. L’Observatoire
des situations de déplacement interne, qui fait partie du Conseil
norvégien des réfugiés, analyse les tendances émergentes.
4.2. Travaux
antérieurs de l'Assemblée parlementaire et du Conseil de l'Europe
dans ce domaine
26. Un rapport de 2008 intitulé
«Migrations et déplacements environnementaux: un défi pour le XXIe
siècle» (rapporteure: Mme Tina Acketoft,
Suède, ALDE)
pointe l'absence de consensus au
sein de la communauté internationale en matière de terminologie
juridique internationale applicable à la mobilité humaine liée à
la dégradation et aux catastrophes écologiques, qui agit comme un
frein à la reconnaissance et la protection juridique des migrants
environnementaux.
27. Ce rapport demande une enquête sur les «lacunes existantes
du droit et des mécanismes de protection, en vue de l'élaboration
éventuelle d'un cadre spécifique pour la protection des migrants
environnementaux, soit dans une convention internationale distincte,
soit au sein de traités multilatéraux déjà existants». La
Recommandation 1862 (2009) au Comité des Ministres adoptée en même temps préconise
même d'envisager un protocole additionnel à la Convention européenne
des droits de l'homme «sur le droit à un environnement sain et sûr».
La réponse du Comité des Ministres est intéressante et sera examinée
brièvement dans mon rapport
.
28. L'Assemblée s'est de nouveau penchée sur ce sujet en 2016
avec le rapport de M. Philippe Bies (France, SOC)
, qui demande aux États membres entre
autres d'accorder une plus grande priorité à la conception de politiques
et de normes de protection pour les victimes de catastrophes naturelles,
chimiques ou nucléaires et pour les victimes des conséquences du
changement climatique, de reconnaître la vulnérabilité de ces groupes
d'individus et de garantir le respect de leurs droits fondamentaux,
et de s'accorder sur une définition pour ces migrants. Cette fois-ci,
en matière de législation, l'Assemblée propose plutôt de «réviser
la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés,
au moyen, par exemple, d'un protocole additionnel».
29. Dans le présent rapport, je tiens compte de ces deux positions
pour arriver à des conclusions adaptées aux événements récents et
conformes aux conceptions actuelles exprimées dans les discussions internationales
sur la question.
4.3. Évolution
des positions des organisations internationales dans la définition
du statut et du degré de protection à octroyer aux personnes déplacées
par des causes environnementales
30. Pour remédier à l'absence de
terme désignant ces personnes déplacées, l'Organisation internationale pour
les migrations (OIM) a proposé dès 2007 une définition de travail
de ce qu'elle appelle «migrants environnementaux». Selon l'OIM,
ce sont «des personnes ou groupes de personnes qui, pour des raisons
liées à un changement environnemental soudain ou progressif influant
négativement sur leur vie ou leurs conditions de vie, sont contraintes
de quitter leur foyer habituel ou le quittent de leur propre initiative,
temporairement ou définitivement et qui, de ce fait, se déplacent
à l'intérieur de leur pays ou en sortent».
31. Au fil de mes recherches pour le présent rapport, j'ai observé
un changement dans l'approche des Nations Unies à la question des
réfugiés climatiques, visible dans l'évolution des textes adoptés
par cette organisation. La Convention-cadre des Nations Unies sur
le changement climatique de 1992 ne fait aucune mention des personnes
déplacées pour des raisons environnementales. Plus récemment, l'objectif
13 du Programme de développement durable à l'horizon 2030, sur l'action
urgente à prendre pour combattre le changement climatique et son
impact, insiste sur la prévention, la capacité d'adaptation, la
sensibilisation et la coopération entre pays développés et pays
en développement, sans pour autant mentionner spécifiquement les
migrations environnementales inévitables dues aux changements climatiques
irréversibles.
32. On remarque le changement à la lecture des décisions adoptées
par l'Assemblée générale des Nations-Unies en juin 2017. Celle-ci
charge l'Office du Haut-Commissaire des Nations-Unies aux Droits
de l'Homme d'entreprendre des recherches sur la manière de combler
les lacunes dans la protection dans le contexte des migrations et
des déplacements de personnes à travers des frontières nationales
qui résultent de l'impact négatif soudain ou d’une évolution lente
du changement climatique, et les moyens nécessaires à la mise en œuvre
de plans d'adaptation ou de réduction des risques des pays en voie
de développement, et de soumettre un rapport sur ces recherches
lors de la 38e session du Conseil des
Droits de l'Homme.
5. Le
statut de réfugiés et le droit d’asile – des outils juridiques à
protéger
33. Au-delà de l'inadaptation juridique
du statut de réfugiés pour traiter la question des migrations environnementales,
selon le ministère français des Affaires étrangères «toute initiative
visant à réviser cette définition présente le risque d'une renégociation
de la Convention des Nations unies relative au statut de réfugiés
de 1951, ce qui, dans le climat actuel, pourrait aboutir à un abaissement
des normes de protection pour les réfugiés, voire saper complètement
le régime international de protection des réfugiés»
. Or, mes travaux m’ont fait constater que
plus que jamais des fortes pressions sont exercées sur le statut
de réfugiés dont découle le droit d’asile.
5.1. La
forte hausse des demandes d’asile en Europe
34. La déstabilisation du Proche
Orient, et notamment le conflit syrien, ont entraîné une augmentation
très nette des demandes d’asile dans l’Union européenne au cours
de la première moitié des années 2010. Alors que l’on ne comptait
pas plus de 200 000 demandes par an du début des années 2000 à 2008,
ce chiffre a doublé entre 2010 et 2014 pour atteindre 400 000
.
Selon l’Institut Montaigne, au cours des années 2013-2017, l’Union
a enregistré plus de 4 millions de demandes d’asile, soit près de
trois fois plus que dans les cinq années précédentes (2008-2012)
en
raison des crises politiques et économiques dans le voisinage sud
de l’Union (conflit en Syrie, dans une partie de l’Irak et délitement
de la Libye).
35. Cette situation s’est traduite par une montée des tensions
entre les États membres et par la multiplication des comportements
non coopératifs au sein de l’Union, au point que certains se sont
clairement affranchis de leurs obligations et devoirs à l’égard
du droit européen comme à l’égard de leurs partenaires
. À
titre d’exemple, la France a ainsi accueilli moins de 5 000 demandeurs
d’asile «relocalisés», dont environ 4 400 en provenance de Grèce
et seulement 550 en provenance d’Italie en 2015. Elle était donc
très loin de l’objectif de
«30 000, et
pas un de plus» affirmé par le gouvernement de Manuel
Valls en septembre 2015.
5.2. Un
report de charge sur l’asile
36. À côté des situations de conflit,
l’Institut Montaigne observe néanmoins une hausse des demandes de protection
de ressortissants de pays stables ou considérés comme sûrs, dont
les migrations auraient autrefois probablement relevé des voies
classiques d’accès au territoire européen (migrations économiques, notamment)
.
Cette évolution est vue comme étant liée aux politiques d’immigration
restrictives menées dans les pays de l’Union depuis les années 1980,
qui ont réduit les voies légales d’accès au territoire. En France, par
exemple, entre 2011 et 2016, les demandes de visa sont en effet
passées de 2,4 millions à 3,5 millions, soit une hausse de 45 %,
tandis que le nombre de rejets passait de 220 840 à 390 750, soit
une augmentation de 76 %
.
37. Dans le même temps, l’examen des demandes d’asile qui constitue
une décision souveraine des États, connaît de fortes variations
d’un pays à l’autre de l’Union. Au total, 61 % des demandes d’asile
déposées en 2017 dans les 28 pays de l’Union ont abouti à une décision
positive. Mais, en Hongrie, le taux de rejet atteint 90 %, tandis
qu’il n’est que de 30 % dans les Pays-Bas ou en Allemagne. Le type
de protection accordée peut également varier sensiblement, certains
États (comme la Suède) semblant plus enclins à accorder la protection
subsidiaire que le droit d’asile.
5.3. Une
réforme nécessaire du règlement de Dublin
38. Le règlement de Dublin repose
sur le principe que le pays d’entrée du demandeur est responsable
de l’examen de sa demande d’asile. Les pays aux frontières extérieures
sont donc en principe responsables, bien que le règlement Dublin
III ait intégré le principe du lien familial au sein d’un Etat de
l’Union européenne comme critère premier de la désignation de l’Etat
membre responsable de l’examen de la demande d’asile. Étant donné
les routes migratoires actuellement empruntées, qui, pour des raisons
géographiques transitent toutes par des pays du sud de l’Europe,
la charge de l’accueil et de l’examen des demandes d’asile repose
très largement sur la Grèce, Malte et l’Italie, et dans une moindre
mesure sur l’Espagne
.
39. Or, le report d’une grande partie des flux migratoires pour
motifs économiques vers l’asile, faute d’autres possibilités légales
suffisamment ouvertes, a fait du règlement de Dublin selon l’Institut
Montaigne, de fait, le principal outil de gestion de la politique
migratoire dans les pays européens du pourtour méditerranéen. Ce mécanisme
s’est révélé contraire à la fois au principe de solidarité entre
États membres et à la logique de solidarité que l’asile promeut
.
40. Au regard de ces éléments, amender la Convention de 1951 sur
le statut des réfugiés en incluant les personnes qui ont été déplacées
au-delà des frontières du fait d'un changement climatique de long-terme, pourrait
alimenter l’impasse politique dans laquelle se trouve actuellement
l’Europe pour réformer sa législation en matière d’immigration et
d’asile.
41. Je considère donc que l'Assemblée devrait plutôt renouveler
ses appels au dialogue, afin d’harmoniser les conditions requises
pour bénéficier de l’asile et mettre en place une réforme du règlement
de Dublin qui conserve le principe de la responsabilité de l’examen
de la demande d’asile du pays d’entrée mais organise une solidarité
européenne dans la gestion des frontières extérieures.
6. Les
autres solutions évoquées pour traiter la question des migrations
environnementales
6.1. Renforcer
la «protection des personnes déplacées internes»
42. Les déplacements à l'intérieur
d'un même pays relèvent de la responsabilité première des États concernés
puisqu'il s'agit à la fois de leurs propres ressortissants et de
leur territoire. Ils peuvent néanmoins être régis par les «
Principes directeurs de 1998 relatifs aux déplacements
des personnes à l'intérieur de leur propre pays» (PDIPP)
établis par les Nations unies
.
43. Sous l’impulsion de Francis Deng
, ce texte a tenté
d’ordonner dans un même document des droits et des obligations,
mais surtout il a défini internationalement les PDIPP en clarifiant
les ambiguïtés existantes et en dépassant les lacunes des textes
internationaux sur la question de la migration interne
. Ainsi, les PDIPP sont
«
des personnes ou des groupes de personnes
qui ont été forcés ou contraintsà
fuir ou à quitter leur foyer ou leur lieu de résidence habituel,
notamment en raison d'unconflit
armé, de situations de violence généralisée, de violations des droits
de l'homme ou decatastrophes
naturelles ou provoquées par l'homme ou pour en éviter les effets,
et qui n'ontpas franchi les
frontières internationalement reconnues d'un Etat».
44. Plusieurs pays ont déjà intégré les principes directeurs dans
le droit interne puisqu’environ 20 gouvernements ont adopté des
lois ou mis en place des politiques portants sur les PDI, et cela
même s’ils ne suivent pas toujours le texte des principes
.
45. Bien que ces principes directeurs ne soient pas juridiquement
contraignants pour les États et souffrent d’une application limitée,
ils identifient par ailleurs l'aide qu'il convient d’apporter à
ces populations au cours du processus de déplacement, ainsi que
pendant leur retour ou leur réinstallation et leur réintégration
.
6.2. La
Convention de Kampala – un exemple à suivre?
46. L’Union Africaine a adopté
lors de sa Session extraordinaire du 22 et 23 octobre 2009 tenue
à Entebbe (Ouganda) une Convention sur la protection et l’assistance
aux personnes déplacées en Afrique. S’inspirant largement des Principes
Directeurs de 1998, ce traité régional constitue à ce jour le seul
outil contraignant sur la question.
47. Depuis l’affirmation de ces principes avec la Convention de
Kampala, la doctrine, les organisations intergouvernementales et
les organisations non gouvernementales ont présenté de nombreux
projets et propositions afin que des garanties complémentaires plus
opérationnelles soient intégrées dans le droit interne et la pratique
des États
.
Suivant cette logique de propositions, un élargissement de la définition
des PDI à tous les déplacés environnementaux et même un saut qualitatif
vers une reconnaissance en droit international positif pourrait
être envisagé selon Mme Christel Cournil
par l’adoption par exemple d’une Convention de l’ONU sur les droits
humains des PDI
.
Le 26 mars, à Paris, Mme Cournil a fait
observer que la Convention de Kampala prévoit un soutien plus important
que d’autres instruments. Les protections bilatérales ou régionales pourraient
encore être développées, notamment sous la forme d’accords bilatéraux
d’alerte précoce. La protection des victimes de catastrophes naturelles
est inscrite dans la loi en Suède et en Finlande, par exemple.
48. La Convention de Kampala pousserait les États à insérer plus
nettement dans leur législation des obligations d’accueil pour les
personnes déplacées internes car cette assistance n’en est qu’à
ses balbutiements aujourd’hui et, pour certains, les Principes pourraient
être améliorés en les liant au concept de «
Responsabilité
de Protéger» .
49. En tout état de cause, l’élargissement de la définition des
PDI aurait l’avantage d’offrir une protection à toutes les personnes
déplacées internes quel que soit le motif de déplacement et surmonterait
la difficulté d’une définition non consensuelle des réfugiés climatiques
ou environnementaux
.
7. Action
internationale contre les migrations induites par le climat
7.1. L’initiative
Nansen
50. La communauté internationale
a été mobilisée dans le cadre de l’initiative Nansen
lancée en 2011 par la Suède et la
Suisse en collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations Unies
aux droits de l'homme afin de renforcer la protection des frontières,
là où se produisent des catastrophes résultant du changement climatique,
et limiter le risque de déplacement des personnes concernées. Cette
coalition créée avant la COP21 a élaboré un agenda pour la protection
des personnes déplacées par les changements climatiques et les catastrophes
climatiques. Une plate-forme spécifique a été mise en place sur
la question. La France a promis 300 millions d’euros à la plate-forme
pour le volet humanitaire de projets menés en Afrique occidentale. Elle
assure également la coprésidence de la plate-forme aux côtés du
Bangladesh (jusqu’en janvier 2021).
51. L’application de l’Accord de Paris était déterminante.
L’Accord ne mentionne pas les personnes déplacées
par le climat, mais celles-ci ont fait l’objet d’une décision séparée,
adoptée en même temps que l’Accord à la demande de certains États
et en reconnaissant que certains impacts, tels que l’élévation du niveau
des océans, par exemple, affectent davantage ces pays. La question
d’une indemnisation a été soulevée, en mentionnant notamment les
personnes déplacées par le climat; elle devrait être traitée lors
des prochaines Conférences des Parties en 2024 ou en 2025, qui seront
déterminantes dans ce domaine.
7.2. Nations
Unies: Programme de développement durable à l’horizon 2030 et les pactes mondiaux
52. La communauté internationale
a adopté le Programme de développement durable des Nations Unies
à l’horizon 2030, qualifié de «plan d’action pour l’humanité, la
planète et la prospérité» et assorti de 17 Objectifs de développement
durable (ODD) et de 169 cibles qui visent à couvrir les trois axes
du développement durable: ses dimensions économique, sociale et
environnementale. Certains de ces 17 Objectifs sont très pertinents
pour les problèmes abordés dans le présent rapport, même s’ils ne
visent pas spécifiquement l’immigration, mais plutôt les situations
de crise, y compris les catastrophes liées au climat qui peuvent engendrer
des déplacements massifs de population, comme l’Objectif 11: faire
en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts
à tous, sûrs, résilients et durables; l’Objectif 13: prendre d’urgence
des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs
répercussions; et l’Objectif 15: préserver et restaurer les écosystèmes
terrestres, en veillant à les exploiter de façon durable, gérer
durablement les forêts, lutter contre la désertification, enrayer
et inverser le processus de dégradation des terres et mettre fin
à l’appauvrissement de la biodiversité.
53. Le HCR a étroitement collaboré à la mise en place de la plate-forme
sur les déplacements liés aux catastrophes (PDD), qui viendra compléter
les travaux sur les ODD, et à la mise en œuvre d’un programme de protection
assorti de quatre priorités, qui permettra de combler un manque
de connaissances et de statistiques. Il est nécessaire de disposer
d’informations exactes sur ce qui se passe sur le terrain, y compris
les bonnes pratiques de gestion des déplacements liés aux catastrophes.
Les bonnes pratiques doivent être identifiées et diffusées pour
aider d’autres États à les appliquer.
54. En outre, les efforts internationaux qui ont abouti en 2018
à l’adoption, à Marrakech, du Pacte mondial sur les migrations,
exhortent également à examiner la situation des personnes déplacées
par des phénomènes naturels. Les États devraient faire tout leur
possible pour améliorer les analyses et les informations partagées sur
la question, élaborer des stratégies d’adaptation et améliorer la
résilience et la coopération dans ce domaine. Il faut consentir
davantage d’efforts pour prévenir la dégradation provoquée par les
pratiques agricoles et le déboisement, mieux gérer les ressources
et alléger la pression sur les ressources naturelles, autant de
facteurs qui peuvent favoriser les déplacements motivés par l’environnement.
Notons à cet égard le Cadre de Sendai pour la réduction des risques
de catastrophe
.
55. D’après Mme Michal, les importants
débats menés en 2018 sur les pactes mondiaux sur les réfugiés et sur
la migration doivent être pris en compte dans l’examen de la protection
des personnes déplacées au-delà des frontières en raison de changements
et de catastrophes climatiques. Le climat, la dégradation de l’environnement
et les catastrophes naturelles peuvent déclencher des mouvements
de réfugiés. Les gouvernements doivent améliorer leur coopération
pour assurer la protection de toutes les personnes déplacées, y
compris par les changements climatiques et les catastrophes. Le
HCR finalise une étude sur la protection des personnes contraintes
de fuir dans le contexte des conflits et de la violence ainsi que
du changement climatique et des catastrophes, dans laquelle figureront
des études de cas sur Haïti et sur la Somalie.
7.3. Le
Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC)
56. Le Groupe intergouvernemental
d'experts sur l'évolution du climat (GIEC)
est
l’organe des Nations Unies chargé d’évaluer les éléments scientifiques
relatifs au changement climatique. Au moment de l’audition de Paris
le GIEC était sur le point de publier un rapport d’évaluation sur
les conséquences potentielles du changement climatique
. Il n’a pas été possible de s’accorder
sur une définition du lien entre le changement climatique et le
déplacement de populations. Quelques études empiriques suggèrent
qu’une augmentation d’un degré dans 42 pays n’a eu qu’une influence
marginale sur l’émigration de leurs habitants. La science n’a pas
encore démontré qu’une augmentation de 2° induirait un risque élevé
de déplacement des populations, surtout sur une distance de plus
de 1000 km. Le rapport du GIEC souligne que les migrations sont
en elles-mêmes une forme d’adaptation. Le HCR alerte toutefois depuis
2015 au risque de déplacements massifs induits par le changement
climatique
. Le GIEC évoque des déplacements
dus à l’érosion et aux retombées climatiques sur la pêche, des risques
directs pour les personnes dont les revenus dépendent des ressources naturelles.
Le rapport souligne la plus grande fragilité de certains États et
régions et le fait que les femmes sont les plus exposées – elles
produisent près de 50% de la nourriture dans les pays en développement.
7.4. L’exemple
de la France
57. Le 24 octobre 2018 une réunion
importante a été organisée en France concernant l’application de l’Accord
de Paris. La France souhaitait encourager les États membres de l’Union
européenne à consentir des efforts supplémentaires par rapport à
leurs engagements actuels pour parvenir à la neutralité carbone
à l’horizon 2050. Il était vital de soutenir l’adaptation et d’augmenter
la résilience des pays les plus vulnérables. Des coalitions internationales
ont été constituées, dont certaines sous la direction de la France
via le système de la COP.
58. En 2018, la France a investi 5 millions d’euros dans le développement
de dispositifs d’alerte précoce. Un fonds de neutralité dans la
dégradation a été mis en place pour financer des projets de durabilité
à long terme afin d’assurer la restauration des sols dégradés et
ainsi permettre aux populations de rester sur leurs terres d’origine.
La France contribuera également, dans le cadre d’actions de solidarité
internationale et d’ici 2022, 1 milliard d’euros pour un accès universel
à l’énergie, notamment dans les pays d’Afrique. Plusieurs autres
programmes ont été élaborés: le programme «Caribbean
smart accelerator» et «climate
smart zone», le sommet «One
Planet» dans les Caraïbes, le «resilience
laboratory» et le «laboratory
for good management of risk», et «l’Alliance
mondiale pour les bâtiments et la construction», qui
encourage immédiatement la construction de bâtiments décarbonés
et résilients, sachant que le nombre de constructions devrait doubler d’ici
à 2050, en particulier dans les pays en développement. D’autres
initiatives ont également été mentionnées, comme «Climate for Africa», le sommet sur
le climat et les projets d’accompagnement à l’adaptation au climat,
qui sont autant de projets fondés sur la nature et mis en œuvre
en Afrique.
8. Protection
des personnes déplacées par des conditions environnementales – de
la théorie à la pratique
59. Comme le souligne Mme Michal
au nom du HCR, même les personnes qui ne peuvent prétendre au statut
de réfugié quand elles sont contraintes de franchir les frontières
pour des causes environnementales ont malgré tout besoin d’une protection
qui, si elles n’obtiennent pas le statut de réfugié, peut être assurée
par le biais d’autres mécanismes. Ce peuvent être des mesures de
protection complémentaire ou temporaire, des accords entre États,
des visas humanitaires ou des mesures mises en place dans des cadres
régionaux ou nationaux pour offrir un refuge et une autorisation
de séjour, sur une base temporaire, dans les pays d’accueil. C’est
ce qui ressort de la pratique des États. Il existe de nombreux exemples
de bonnes pratiques de pays de diverses régions du monde. Dans ce
contexte, le HCR joue un rôle important: sur le terrain; par la
diffusion des conseils juridiques et l’élaboration de normes; en
veillant à la cohérence des politiques entre les pactes mondiaux,
la coopération du HCR, le cadre de Sendai
, etc., et par la transmission des
recherches et des connaissances.
60. L’une des plus éminentes chercheuses à avoir travaillé sur
l’évaluation de la protection des personnes déplacées par des conditions
environnementales, Mme Emnet Berhanu
Gebre, a étudié les responsabilités des États et relevé les obligations
positives de ces derniers dans le contexte des catastrophes d’origine
naturelle. «En apportant des précisions sur l’étendue des obligations
positives imputables à l’État en cas de catastrophe naturelle dans
l’affaire
Boudaïeva , la Cour européenne des droits
de l’homme (la Cour) fait une analyse potentiellement transposable
aux impacts des changements climatiques. L’affaire
Boudaïeva est dans la continuité
de la jurisprudence
Oneryildiz sauf
que, dans le cadre des catastrophes d’origine naturelle comme dans
l’espèce, la Cour veille à “ne pas imposer aux autorités une charge
impossible ou disproportionnée dans le domaine des secours d’urgence
en relation avec un événement météorologique qui échappe davantage
au contrôle qu’une activité humaine”. En effet, lorsque le risque
est connu, l’État a l’obligation de protéger les personnes contre
les risques naturels. Plus le risque est prévisible, plus l’obligation
de l’État de protéger les personnes sous sa juridiction est importante.
Selon la Cour, lorsque le risque de catastrophe est d’origine naturelle,
il existe une présomption qu’il est moins aisé de prédire et de
contrôler que les catastrophes d’origine humaine.
61. L’absence de prévisibilité est d’ailleurs l’une des caractéristiques
qui permet de qualifier les catastrophes naturelles d’événement
de force majeure. La Cour considère ainsi que l’État peut bénéficier d’“une
marge d’appréciation étendue”. Toutefois, lorsque le risque est
clairement “identifiable”, notamment lorsque les catastrophes se
produisent de manière “récurrente”, la défaillance de l’État d’adopter
des mesures d’adaptation ou d’atténuation peut engager la responsabilité
de celui-ci. La Cour précise que “l’étendue des obligations positives
imputables à l’État dans une situation particulière dépend de l’origine
de la menace et de la possibilité d’atténuation de tel ou tel risque”.
Bien que cette affaire ne porte pas sur les effets des changements
climatiques et que les atteintes relatives aux changements climatiques
soient d’un degré de complexité supérieur, les obligations mises
par la Cour à la charge des États sont parfaitement transposables»
. Un État pourrait être jugé responsable
de ne pas avoir pris les mesures adéquates.
9. Action
future aux niveaux local, national et international
9.1. Élever
le seuil de résilience des communautés
62. Il faut consentir des efforts
supplémentaires pour augmenter le seuil de résilience des communautés locales,
conformément à l’Objectif 11 des ODD: Faire en sorte que les villes
et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients
et durables. J’attire notamment l’attention sur les cibles spécifiques suivantes:
«11.5: D’ici à 2030, réduire nettement le nombre de personnes tuées
et le nombre de personnes touchées par les catastrophes, y compris
celles qui sont liées à l’eau, et réduire nettement la part du produit intérieur
brut mondial représentée par les pertes économiques directement
imputables à ces catastrophes, l’accent étant mis sur la protection
des pauvres et des personnes en situation vulnérable» et «11.7.b:
D’ici 2020, accroître considérablement le nombre de villes et d’établissements
humains qui adoptent et mettent en œuvre des politiques et plans
d’action intégrés en faveur de l’insertion de tous, de l’utilisation
rationnelle des ressources, de l’adaptation aux effets des changements
climatiques et de leur atténuation et de la résilience face aux
catastrophes, et élaborer et mettre en œuvre, conformément au Cadre
de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe (2015-2030),
une gestion globale des risques de catastrophe à tous les niveaux.»
63. De ce point de vue, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux
du Conseil de l'Europe a évoqué la nécessité de prendre des mesures
afin d’améliorer la préparation aux catastrophes au niveau local
en ciblant spécialement les populations vulnérables, comme les personnes
handicapées
.
«Le foyer des droits de l'homme, c’est les collectivités locales
et régionales et les quartiers où les citoyens habitent, vivent,
travaillent et vieillissent. C’est aussi dans les foyers que se
vivent les catastrophes. Le fait de donner aux personnes handicapées
les moyens de participer activement à la gestion des catastrophes
doit être considéré comme une approche de la protection des droits
de l’homme. Pour y parvenir, il faut avant tout la volonté de mettre
en place et de renforcer une structure de la société qui soit intégratrice»,
a déclaré M. Josef Neumann (Allemagne, SOC), membre du Congrès,
devant la Conférence sur l’inclusion des personnes handicapées à la
préparation et à la réaction aux catastrophes qui s’est tenue à
Bruxelles (Belgique) le 5 décembre 2014. «Les personnes handicapées
doivent être activement associées aux phases de planification, de
définition et de mise en œuvre de la gestion des catastrophes, et
les personnes chargées de la gestion des catastrophes (comme les
experts spécialisés dans ce domaine) doivent être dûment formées
à cet effet», a-t-il expliqué.
9.2. Améliorer
la capacité de réaction et de gestion des catastrophes au niveau
national
64. Les stratégies de préparation
aux catastrophes devraient comporter des mesures de protection des personnes
frappées par les catastrophes provoquées par le changement climatique
et contraintes à se déplacer. La mobilité des êtres humains doit
être rationalisée à tous les niveaux. Il faut aussi assurer la cohérence
des politiques et des synergies afin de garantir leur impact et
d’offrir un cadre cohérent au niveau mondial.
65. En 2005, peu après le tsunami qui a ravagé l’Asie, plus de
168 gouvernements se sont engagés à mettre en œuvre les objectifs
stratégiques du Cadre d'action de Hyōgo 2005-2015 (CAH): intégrer
la réduction des risques de catastrophes dans les politiques de
développement et d’aménagement durables, développer et renforcer
les institutions, les mécanismes et les capacités pour assurer la
résilience face aux catastrophes et systématiquement incorporer
des approches de réduction des risques dans la mise en œuvre des
programmes de préparation aux situations d’urgence, de secours et
de reconstruction
.
66. Le Cadre rappelle également que la réduction des risques de
catastrophes n’est pas uniquement l’affaire des travailleurs humanitaires,
des chercheurs ou des défenseurs de l’environnement, mais qu’elle
est aussi essentielle dans les processus économiques et sociaux
de développement durable. Les catastrophes entravent le développement
et appauvrissent les personnes et les nations. En l’absence d’efforts
concertés pour traiter leurs causes profondes, les catastrophes
compromettent de plus en plus gravement la réalisation des Objectifs
du millénaire pour le développement.
67. Il faut approfondir nos connaissances sur les interactions
entre le changement climatique et les conflits / violences; mieux
comprendre quels sont les seuils et ce qui déclenche les déplacements,
en tenant compte des multiples causes de ces derniers. Il faut également
poursuivre l’analyse et l’élaboration d’orientations sur la manière
d’appliquer les instruments internationaux et régionaux dans un
contexte de changement climatique et de catastrophes.
68. Comme le mentionnait Mme Michal,
les États peuvent reconnaître et réaliser que le changement climatique
est à la fois un moteur des déplacements et un multiplicateur des
menaces, contribuer à remédier aux lacunes en matière de connaissances
et de statistiques et améliorer la collecte et l’analyse des données pour
mieux comprendre la dynamique des relations entre les déplacements
et le changement climatique. Les Etats devraient appliquer les normes
existantes et intégrer l’aspect de la mobilité humaine dans tous
les cadres réglementaires et dans toutes les lois, selon les besoins.
Ils peuvent prendre des mesures spécifiques comme l’adoption de
lois nationales permettant de contribuer à la réalisation des objectifs
de la COP, de plans nationaux d’adaptation et de stratégies de réduction
des risques de catastrophes, et veiller à ce que la mobilité humanitaire
soit prise en compte dans toutes les discussions pertinentes.
69. Mme Ionesco, s’exprimant à l’audition
de Paris au nom de l’OIM, a préconisé un changement de paradigme
afin d’améliorer la compréhension des enjeux. L’humanité s’est toujours
déplacée, y compris en raison de changements environnementaux. L’analyse
des flux migratoires provoqués par le changement climatique amène
à examiner la question des indemnisations pour les pertes et les
dommages. Une série de recommandations approuvée par le comité exécutif
du Mécanisme international de Varsovie relatif aux pertes et préjudices
a été examinée par la COP 24, à Varsovie (3-14 décembre 2018).
70. Les questions relatives au statut de tels migrants méritent
d’être examinées plus en détail. Il est difficile de parvenir à
une définition commune des «migrants environnementaux». Il faut
garder à l’esprit les causes multiples des migrations: conflits,
politique, facteurs économiques ou environnementaux, etc. Il est
très difficile de déterminer quel statut octroyer à quels migrants,
et qui doit être autorisé à séjourner dans les pays d’arrivée ou
dans les pays tiers. Selon les situations, certains seraient autorisés
à rester parce qu’ils sont considérés comme des migrants environnementaux
ou climatiques; d’autres seraient refoulés en tant que migrants économiques.
71. Mme Ionesco évoque également la
responsabilité des pays d’origine: ont-ils les moyens et la possibilité de
protéger les personnes affectées par le changement climatique? Quelles
responsabilités doivent être assumées par les pays d’origine? Par
les pays tiers? À cela s’ajoute la question de la justice climatique.
Le principe «pollueur – payeur» s’applique-t-il en l’espèce, pour
l’indemnisation? Les pays d’origine peuvent-ils être tenus responsables?
9.3. Initiatives
des organisations internationales pour améliorer la coordination,
la médiation et le financement
72. La Division environnement et
migrations de l’OIM prépare un atlas des migrations environnementales afin
de mieux documenter l’aspect environnemental des migrations, en
collaboration avec d’autres agences de l’ONU (CNUCC, ONU climat,
ONU eau, ONU énergie, ONU environnement) impliquées dans les cadres
de réduction des risques de catastrophes (rapport Nansen). En 2017,
l’OIM était présente dans 49 pays et a aidé 5,3 millions de personnes.
L’OIM s’efforce d’aider les personnes à rester où elles sont si
elles le souhaitent, de trouver des solutions pour d’autres qui
ont déjà pris la route, poussés par des catastrophes naturelles
et des facteurs environnementaux, et de rendre la migration digne,
légale et documentée
. L’OIM appelle les pays à investir
dans des mesures préventives et à mettre en œuvre des stratégies
de préparation aux catastrophes et de réduction des risques.
73. Des efforts supplémentaires devraient toutefois être consentis
pour améliorer la coordination, la médiation et les financements
au niveau international afin d’assurer une meilleure protection
aux populations déplacées par des facteurs environnementaux. Les
objectifs fixés dans les ODD de l’ONU sont loin d’être atteints.
Ainsi, concernant l’Objectif 13
, il a été décidé de «
renforcer, dans tous les pays, la résilience
et les capacités d’adaptation face aux aléas climatiques et aux
catastrophes naturelles liées au climat; d’incorporer des mesures
relatives aux changements climatiques dans les politiques, les stratégies
et la planification; d’améliorer l’éducation, la sensibilisation
et les capacités individuelles et institutionnelles en ce qui concerne l’adaptation
aux changements climatiques, l’atténuation de leurs effets et la
réduction de leur impact et les systèmes d’alerte rapide».
Les initiatives de mise en œuvre de cet objectif devraient faire
l’objet d’un suivi régulier afin de garantir les progrès.
74. De plus, les pays ont décidé de «mettre en œuvre l’engagement
que les pays développés Parties à la Convention-cadre des Nations
Unies sur les changements climatiques ont pris de mobiliser ensemble
auprès de multiples sources 100 milliards de dollars par an d’ici
à 2020 pour répondre aux besoins des pays en développement en ce
qui concerne les mesures concrètes d’atténuation et la transparence
de leur mise en œuvre et rendre le Fonds vert pour le climat pleinement
opérationnel en le dotant des moyens financiers nécessaires» et
de «promouvoir des mécanismes de renforcement des capacités afin
que les pays les moins avancés et les petits États insulaires en
développement se dotent de moyens efficaces de planification et
de gestion pour faire face aux changements climatiques, l’accent
étant mis, notamment, sur les femmes, les jeunes, la population
locale et les groupes marginalisés».
9.4. Exigences
en matière d’intervention d’urgence: le cas de la Somalie
75. En amont de la Journée mondiale
de l’environnement, célébrée le 5 juin, le HCR a appelé à apporter
un soutien supplémentaire d’urgence aux personnes touchées et déplacées
par la sécheresse en Somalie. Des précipitations inférieures à la
moyenne pendant les saisons des pluies de «Gu» (avril à juin 2019)
et de «Deyr» (octobre à décembre 2018) ont aggravé les conditions
de sécheresse en de nombreux endroits du pays. Le nombre de personnes
exposées à un risque d’insécurité alimentaire d’ici au mois de septembre
a été estimé à 5,4 millions. Quelque 2,2 millions d’entre elles
seront dans une situation grave et nécessiteront le déploiement
immédiat d’une assistance d’urgence, à moins que l’aide apportée
ne soit réévaluée dans les plus brefs délais. La sécheresse a déjà
contraint plus de 49 000 personnes à fuir leur foyer depuis le début
de l’année pour se mettre en quête de nourriture, d’eau, d’aide
et de travail, principalement dans des zones urbaines. Les personnes
déjà déplacées en raison de conflits et de violences sont également
touchées par la sécheresse, parfois de manière disproportionnée.
Plus de 7 000 personnes ont été déplacées en avril. Ce dernier épisode
de sécheresse survient alors que le pays se remettait tout juste
d’une sécheresse qui, de 2016 à 2017, avait débouché sur le déplacement
de plus d’un million de personnes à l’intérieur de la Somalie. Le HCR
et les partenaires humanitaires redoutent que la rudesse des conditions
climatiques combinée à une situation de conflit armé et de déplacements
prolongés fasse basculer le pays dans une urgence humanitaire d’une
bien plus considérable ampleur. Au total, plus de 2,6 millions de
personnes ont été déplacées à l’intérieur de leur propre pays par
des décennies de traumatismes climatiques et de conflits.
76. Pour éviter une crise humanitaire, des organismes d’aide ont
déclenché le 20 mai 2019 un plan d’urgence contre la sécheresse,
sollicitant des contributions à hauteur de 710,5 millions de dollars
américains pour fournir une assistance vitale aux 4,5 millions de
personnes touchées par la sécheresse. Un cinquième de cette somme
a été versée à ce jour. Le HCR a collaboré avec des partenaires
et des services gouvernementaux pour porter secours aux personnes
touchées et déplacées par la sécheresse grâce à une assistance d’urgence
déployée dans certaines des zones les plus durement frappées. Dans
le monde, les aléas climatiques tels que les tempêtes, les cyclones,
les inondations, les sécheresses, les incendies de forêt et les
glissements de terrain ont déplacé 16,1 millions de personnes en
2018. Comme les changements climatiques amplifient la fréquence
et l’intensité des catastrophes soudaines (ouragans, inondations,
tornades, par exemple) et contribuent à des phénomènes environnementaux
plus graduels (sécheresse et montée du niveau des mers, par exemple),
l’on s’attend à ce qu’ils créent davantage de déplacements dans
les années à venir. Le HCR appelle à renforcer l’action internationale
pour prévenir les catastrophes liées au climat, à intensifier les
efforts pour améliorer la résilience et à protéger les populations
touchées par le changement climatique en utilisation l’ensemble
des cadres juridiques existants.
10. Conclusion
77. La proposition de résolution
rappelle que la Convention de Genève de 1951 ne contient aucune disposition
sur les réfugiés climatiques et qu'aucun texte international juridiquement
contraignant ne régit la situation des personnes contraintes à la
migration à la suite de catastrophes naturelles ou de changements environnementaux.
78. D'emblée, aucun accord n'existe sur la reconnaissance des
«migrants climatiques» et il n'y a pas de définition consensuelle
de ce terme. L'utilisation du terme «réfugié» est controversée,
car les facteurs environnementaux sont réputés non discriminants
et aucune forme de «persécution» ne caractérise ces situations.
Le HCR fait par ailleurs valoir qu'inclure les «réfugiés environnementaux»
dans le champ d'application de la Convention de 1951 pourrait affaiblir
la protection des réfugiés qui en relèvent. Il existe donc bien
un vide juridique dans ce domaine. Il semblerait donc plus judicieux
d’utiliser l’expression «personnes déplacées par des phénomènes
naturels» au lieu de «réfugiés climatiques».
79. Manifestement, les personnes contraintes de quitter leur foyer
en raison de changements climatiques ou de catastrophes environnementales
ne peuvent pas être considérées comme des réfugiés politiques ou
des migrants économiques, et l'on peut légitimement douter que les
dispositifs universels de garantie des droits de l'homme puissent
pleinement leur garantir protection et assistance dans la situation
extrême que représente la perte (dans la plupart des cas définitive)
du lieu de vie. Nous devons anticiper ce qui risque de ne plus être maîtrisé
demain.
80. Depuis l’affirmation des Principes directeurs relatifs aux
PDI avec la Convention de Kampala, la doctrine, les organisations
intergouvernementales et les organisations non gouvernementales
ont présenté de nombreux projets et propositions afin que des garanties
complémentaires plus opérationnelles soient intégrées dans le droit
interne et la pratique des États.
81. Suivant cette logique de propositions, un élargissement de
la définition des PDI à tous les déplacés environnementaux et même
un saut qualitatif vers une reconnaissance en droit international
positif pourrait être envisagé. En tout état de cause, l’élargissement
de la définition des PDI aurait l’avantage d’offrir une protection
à toutes les personnes déplacées internes quel que soit le motif
de déplacement et surmonterait la difficulté d’une définition non
consensuelle des réfugiés climatiques ou environnementaux.
82. Le manque de cadre juridique pour les «réfugiés climatiques»,
et l'hésitation des organisations internationales et des gouvernements
nationaux à entreprendre une action concrète pour en créer un, n'empêchent
pas la prise de conscience, dans le public européen, du sort des
personnes concernées à travers le monde, et on constate une mobilisation
grandissante des acteurs de la société civile pour obtenir que les «migrants
climatiques» bénéficient d'une protection juridique et humanitaire
spécifique, qu'ils soient déplacés à l'intérieur de leur propre
pays ou contraints à traverser ses frontières. En France, des initiatives parlementaires
voient le jour à ce sujet et je ne doute pas que ce soit le cas
dans d'autres États membres.