Imprimer
Autres documents liés

Rapport | Doc. 14955 | 27 août 2019

Un statut juridique pour les «réfugiés climatiques»

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteure : Mme Marie-Christine VERDIER-JOUCLAS, France, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Doc. 14413, renvoi 4342 du 24 novembre 2017. 2019 - Quatrième partie de session

Résumé:

Le réchauffement de la planète est un sujet d’inquiétude pour tous les pays européens. Selon les estimations, 200 millions de personnes seront déplacées d’ici à 2050 dans le monde en raison du changement climatique. Il est indispensable de définir des stratégies claires pour ces populations, et les États devraient, à cet égard, adopter une approche plus volontariste pour protéger les victimes de catastrophes naturelles ou d’origine humaine et améliorer les mécanismes de préparation à ces catastrophes.

Ce rapport préconise de prendre des mesures spécifiques au niveau local, national et international, et notamment de relever le seuil de résilience des populations locales, de renforcer la capacité des pays à réagir en cas de catastrophe et à gérer ces événements, et d’améliorer la protection juridique des réfugiés dans le contexte de la migration environnementale.

La réduction des risques de catastrophes devrait être intégrée dans les politiques de développement et d’aménagement durables. De plus, il conviendrait d'évaluer plus avant les interactions entre le changement climatique d'une part et les conflits et les actes de violence d'autre part, afin de mieux comprendre ce qui déclenche la migration. Les nouveaux instruments juridiques internationaux tels que la Convention de 2009 de l’Union africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique (Convention de Kampala) peuvent être un exemple à suivre pour protéger les personnes déplacées pour des raisons environnementales, qui est une obligation. Le rapport souligne également la complémentarité qui existe entre la prévention, l’aide d’urgence et la recherche de solutions durables pour accélérer l’adaptation des sociétés au changement climatique.

A. Projet de Résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 25 juin
2019.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire, rappelant sa Résolution 1655 (2009) et sa Recommandation 1862 (2009) «Migrations et déplacements induits par les facteurs environnementaux: un défi pour le XXIe siècle», et la réponse du Comité des Ministres (Doc. 11999), note que les facteurs environnementaux, dont le changement climatique, continuent d’avoir des conséquences dramatiques sur les personnes risquant de se voir privées de moyens de subsistance essentiels en raison de catastrophes naturelles ou causées par l'homme qui les forcent à migrer.
2. L’Assemblée se félicite de la déclaration faite par la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe le 5 juin 2019, lors de la Journée mondiale de l’environnement, intitulée «Vivre dans un environnement sain, un droit négligé qui nous concerne tous», qui vient à point nommé et fait référence aux 16 principes-cadres relatifs aux droits de l’homme et à l’environnement présentés en 2018 par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme et l’environnement, qui énonce que «les catastrophes naturelles et autres types de dommages environnementaux provoquent souvent des déplacements internes et des migrations transfrontalières, qui risquent d’accroître la vulnérabilité des populations concernées et de donner lieu à d’autres violations des droits de l’homme» (Principe 14h).
3. L’Assemblée considère que l’absence de définition juridiquement contraignante des «réfugiés climatiques» n’empêche pas d’élaborer des politiques spécifiques visant à protéger les personnes obligées de se déplacer en raison du changement climatique. La mobilité humaine et les déplacements induits par le dérèglement climatique appellent une meilleure réponse. Les États membres du Conseil de l'Europe devraient par conséquent adopter une approche plus proactive de la protection des victimes de catastrophes naturelles ou causées par l’homme et améliorer les mécanismes de préparation aux catastrophes, tant en Europe que dans d’autres régions du monde.
4. Au vu de ce qui précède, les États membres devraient reconnaître que pour les êtres humains, la migration est un outil de résilience des moyens de subsistance et une forme légitime d’adaptation au changement climatique et ainsi revoir leur gestion des migrations en tenant compte de ce facteur. Les migrations étant inévitables dans certains cas, les États doivent agir en amont du problème pour mieux appréhender et anticiper les effets potentiels du changement climatique sur les mouvements de population.
5. Par conséquent, l’Assemblée appelle à prendre, comme suit, des mesures spécifiques aux niveaux local, national et international:
5.1. Pour élever le seuil de résilience des communautés locales:
5.1.1. le seuil de résilience des communautés locales doit être renforcé, conformément à l’objectif 11 des objectifs de développement durable des Nations Unies (ODD). Plus précisément, d’ici à 2030, le nombre de victimes des catastrophes, y compris celles qui sont liées à l’eau, doit être nettement réduit, au même titre que la part du produit intérieur brut mondial représentée par les pertes économiques directement imputables à ces catastrophes, l’accent étant mis sur la protection des pauvres et des personnes en situation vulnérable;
5.1.2. d’ici à 2020, le nombre de villes et d’établissements humains qui adoptent et mettent en œuvre des politiques et plans d’action intégrés en faveur de l’insertion de tous, de l’utilisation rationnelle des ressources, de l’adaptation aux effets des changements climatiques et de leur atténuation doit être considérablement accru pour améliorer la résilience face aux catastrophes, et une «gestion globale de gestion des risques de catastrophe à tous les niveaux» élaborée, conformément au cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe (2015–2030);
5.1.3. des mesures doivent être prises afin d’améliorer la préparation aux catastrophes au niveau local en ciblant spécialement les populations vulnérables, comme les enfants et les personnes handicapées qui doivent être activement associées aux phases de planification, de définition et de mise en œuvre de la gestion des catastrophes. Les personnes chargées de la gestion des catastrophes (comme les experts spécialisés dans ce domaine) doivent être dûment formées à cet effet.
5.2. Pour améliorer la capacité de réaction et de gestion des catastrophes au niveau national:
5.2.1. les stratégies de préparation aux catastrophes devraient comporter des mesures de protection des personnes frappées par les catastrophes provoquées par le changement climatique et contraintes à se déplacer. La mobilité des êtres humains doit être rationalisée à tous les niveaux. Des plans d’action spécifiques pour mettre en œuvre le cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe (2015-2030) et le Programme de développement durable à l'horizon 2030 devraient être mis en place au plus vite, et les recommandations formulées par la Plate-forme mondiale pour la réduction des risques de catastrophe 2019 des Nations Unies (13 au 17 mai 2019) appliquées, en mettant un accent particulier sur la protection des groupes vulnérables (migrants, demandeurs d'asile, réfugiés, personnes handicapées, enfants);
5.2.2. la réduction des risques de catastrophes devrait être intégrée dans les politiques de développement et d’aménagement durables, conformément aux plans d'action convenus à l'échelle internationale, tels que le Cadre d'action de Hyōgo 2005-2015;
5.2.3. les institutions, les mécanismes et les capacités pour assurer la résilience face aux catastrophes et incorporer des approches de réduction des risques dans la mise en œuvre des programmes de préparation aux situations d’urgence, de secours et de reconstruction devraient être renforcés, notamment en faisant de la réduction des risques de catastrophes une priorité, en améliorant l’information sur les risques et les alertes précoces, en mettant en place une culture de la sécurité et de la résilience, en réduisant les risques dans des secteurs clés, et en renforçant la préparation en vue d’une intervention efficace;
5.2.4. les seuils et ce qui déclenche les déplacements devraient faire l'objet de plus amples recherches, tout en reconnaissant les multiples causes de déplacements qui traduisent une interaction entre le changement climatique et les conflits/actes de violence.
5.3. Pour améliorer la coordination, la médiation et le financement:
5.3.1. l’évolution du droit international relatif aux droits de l’homme devrait être prise en compte en vue de renforcer la protection globale des personnes contraintes d’émigrer à la suite de catastrophes environnementales ou de changements liées au climat. En particulier, la mise en œuvre de mécanismes, tels que la Convention de 2009 de l’Union africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique (Convention de Kampala), devrait être encouragée par des programmes européens de coopération au développement;
5.3.2. l'obligation de protéger les personnes déplacées à l'intérieur du pays (PDI) pour des raisons environnementales doit être considérée comme le premier niveau de protection juridique dans la législation de chaque État membre. L'accueil sur le territoire des États membres des victimes de catastrophes naturelles devrait être prévu en droit interne, notamment avec l’octroi d’un permis de séjour temporaire;
5.3.3. la création d’un fonds international de solidarité pour assurer la protection des personnes contraintes d’émigrer à la suite de catastrophes climatiques devrait être étudiée. Par ailleurs, la coopération avec la Banque de développement du Conseil de l'Europe (CEB) pourrait être envisagée, conformément à la Déclaration sur les Principes européens pour l’Environnement signée par la CEB le 30 mai 2006 ainsi que par la Commission européenne et plusieurs autres organisations financières internationales (BEI, BERD, NEFCO et NIB), dans un effort commun de mise en œuvre du droit fondamental des générations présentes et futures de vivre dans un environnement sain;
5.3.4. des stratégies de préparation aux catastrophes et de réduction des risques devraient être mises en œuvre, pour renforcer ainsi la résilience et les capacités d’adaptation face aux aléas climatiques et aux catastrophes naturelles liées au climat, des mesures relatives aux changements climatiques devraient être incorporées dans les politiques et la planification nationales, et les progrès devraient faire l’objet d’un suivi régulier;
5.3.5. l’éducation, la sensibilisation et les capacités individuelles et institutionnelles en ce qui concerne l’adaptation aux changements climatiques, l’atténuation de leurs effets et la réduction de leur impact, ainsi que les systèmes d’alerte rapide devraient être améliorés, l’accent étant mis sur les femmes, les jeunes, les populations locales et les groupes marginalisés;
5.3.6. l’engagement pris par les pays développés Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques de mobiliser ensemble auprès de multiples sources 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 devrait être honoré et le Fonds vert pour le climat devrait être rendu pleinement opérationnel;
5.3.7. des recherches et une coopération interdisciplinaires approfondies entre les centres d’étude sur l’environnement, les migrations, le climat et la démographie devraient être menées de manière à produire des données prévisionnelles fiables sur les migrations induites par les facteurs environnementaux.

B. Exposé des motifs, par Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. La gestion des flux migratoires actuels vers l’Europe pose des problèmes juridiques complexes au regard du statut auquel les migrants peuvent prétendre: bénéficiaires d'un séjour régulier sur obtention d'un visa, de la protection internationale en conformité avec la Convention de Genève, de la protection subsidiaire aux termes de la Directive 2004/83/CE du Conseil de l'Union européenne ou du regroupement familial; ou irréguliers et donc inéligibles à rester.
2. La mise en œuvre efficace des cadres juridiques existants et un partage des responsabilités entre pays européens à l'égard des réfugiés de pays en conflit suffiraient à priori pour garantir les droits de ces personnes. Mais la situation est tout autre pour les personnes forcées de quitter leur domicile et de s'exiler en raison de la dégradation de leur environnement et à la suite de catastrophes écologiques. Or, le changement climatique à l'échelle planétaire crée des conséquences dévastatrices qui peuvent être plus ou moins dramatiques selon les pays (capacité de réaction, impact sur les ressources naturelles ou sur les finances publiques).
3. La proposition de résolution à l'origine de ce rapport met en avant un constat basé sur diverses études: les facteurs environnementaux pourraient provoquer le déplacement d'au moins 200 millions de personnes dans le monde d'ici à 2050. Ce chiffre est fondé sur l'hypothèse que toutes les personnes susceptibles de subir des conséquences graves de phénomènes ou d'évolutions climatiques défavorables seront contraintes, ou choisiront, de quitter leur foyer, alors qu'aucun lien direct de cause à effet entre le changement climatique et les migrations internationales n'a été démontré à ce jour. 
			(2) 
			Depuis la publication
de la proposition de résolution le 10 octobre 2017, la Banque mondiale
a publié, en mars 2018, un rapport détaillé intitulé «Groundswell:
Se préparer aux migrations environnementales internes», décrite
par la Banque comme «la première étude exhaustive consacrée au lien
entre effets du changement climatique, flux migratoires internes et
développement dans trois régions du monde: l'Afrique subsaharienne,
l'Asie du Sud et l'Amérique latine». Notons cependant que cette
étude s’intéresse uniquement aux flux migratoires «internes». Malgré cette difficulté, il apparaît chaque jour plus évident que le changement climatique et ses conséquences probables sur les déplacements de population appellent une action et des politiques claires. En effet, si les causes des déplacements des populations restent les mêmes (la dégradation de l’environnement vital, que ce soit par la violence ou la misère), les changements climatiques sont susceptibles d’accélérer ces phénomènes de dégradation.
4. Réunie à l’Assemblée nationale, Paris, le 21 septembre 2018, la commission a tenu un échange de vues avec la participation de M. Olivier Fontan, Sous-Directeur de l’Environnement et du climat, Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, Mme Alexandra Bonnet, Directrice adjointe de la Direction des Affaires européennes et internationales, Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire (MTES), Mme Isabelle Michal, Administratrice chargée des politiques, Unité du changement climatique et des déplacements liés aux catastrophes, Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et Mme Dina Ionesco, Chef de Division des migrations, de l’environnement et du changement climatique à l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Les présentations et les débats ont apporté des éléments importants pour mon rapport et je remercie les orateurs pour l’expertise et l’expérience qu’ils ont partagées avec nous. La Commission a examiné cette question plus avant lors de sa réunion du 26 mars 2019, à laquelle ont participé Mme Christel Cournil, maîtresse de conférences en droit public à l’université Paris 13 et M. Alex Randall, Coalition pour le climat et les migrations, Cambridge (Royaume-Uni).

2. Etat actuel des études sur le changement climatique

5. Selon les déclarations de Mme Michal (HCR) lors de l’audition de Paris, avec le changement climatique l’on peut s’attendre à une intensification et à une augmentation de la fréquence à la fois de phénomènes et de catastrophes soudains comme les tempêtes, les inondations et les feux de végétation, mais aussi de catastrophes à évolution lente comme la fonte du permafrost, la hausse du niveau des mers, la désertification, etc. Le changement climatique agit comme un multiplicateur des menaces, augmente le potentiel de conflits, intensifie la concurrence pour des ressources qui se raréfient, etc. Il peut entraver le fonctionnement des sociétés et aggraver les tensions entre les communautés. Il peut même y avoir un effet domino quand des personnes déménagent pour s’installer dans d’autres localités compromettant ainsi l’éventuel retour de ceux qui avaient été contraints de quitter ces mêmes localités auparavant.
6. En Afrique, certaines populations sont affectées par la sécheresse ou les inondations et dans les Amériques et les Caraïbes beaucoup de gens sont menacés par les inondations, les tremblements de terre et les ouragans. Les pays en développement doivent lutter pour une justice environnementale et climatique. Ils ne sont pas responsables des problèmes générés par les gaz à effet de serre, mais ce sont eux qui en souffrent le plus.
7. L’Europe est tout aussi exposée aux catastrophes et aux déplacements induits par les changements climatiques que d’autres régions du monde. D’après l’Agence européenne pour l'environnement (AEE), 70-90% des plaines alluviales d’Europe sont dégradées par les activités humaines, réduisant le rôle des plaines alluviales dans l’atténuation des inondations, tandis que les ondes de crues devraient également augmenter en taille et parcourir les cours d’eau plus rapidement 
			(3) 
			 Agence européenne
pour l'environnement, Pourquoi s'inquiéter des plaines alluviales?
p.2.. Des pays comme la Grèce, la Suède, la Finlande, la Lettonie et l’Espagne ont connu de violents incendies de forêt; de tels incidents sont appelés à devenir plus fréquents en raison du changement climatique 
			(4) 
			<a href='https://www.nationalgeographic.com/environment/2018/07/are-fires-in-europe-the-result-of-climate-change-/'>https://www.nationalgeographic.com/environment/2018/07/are-fires-in-europe-the-result-of-climate-change-/</a>., qui induira une augmentation de la fréquence, de l’intensité et de la durée des incendies de forêt en Europe 
			(5) 
			Système
européen d'information sur les incendies de forêt, Rapport annuel,
p.9 <a href='http://effis.jrc.ec.europa.eu/media/cms_page_media/40/Annual_Report_2017_final_pdf_uCckqee.pdf'>http://effis.jrc.ec.europa.eu/media/cms_page_media/40/Annual_Report_2017_final_pdf_uCckqee.pdf</a>.. Les sécheresses deviendront aussi plus courantes 
			(6) 
			Joint
Research Centre, Forest fire danger extremes in Europe under climate
change: variability and uncertainty, p.1., et les vagues de fortes chaleurs devraient augmenter, notamment en Europe du sud et dans les pays méditerranéens 
			(7) 
			<a href='https://www.worldweatherattribution.org/attribution-of-the-2018-heat-in-northern-europe/'>https://www.worldweatherattribution.org/attribution-of-the-2018-heat-in-northern-europe/</a>..

3. Les conséquences du changement climatique sur les migrations

8. Confrontées à la détérioration de leur environnement, les sociétés humaines n'ont que deux réponses possibles: soit agir sur les causes de la détérioration, soit agir sur ses conséquences en s'adaptant en permanence aux nouvelles situations engendrées par celle-ci 
			(8) 
			Rapport
d'information n° 14 (2015-2016) de M. Cédric Perrin, Mmes Leila
Aichi et Éliane Giraud, fait au nom de la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 6 octobre
2015.
9. Pour Nikolaus von Bomhar, Président du conseil de surveillance de la société de réassurance Munich Re, la réponse humaine la plus probable, dès lors que les conditions environnementales ne pourront pas connaître une amélioration avant une période très longue, qu'elles excèderont la capacité des sociétés à s'adapter et renforceront les disparités dans la distribution des richesses, sera de projeter leur existence future vers des zones géographiques offrant ou supposées offrir des meilleures conditions de vie. «Dans une perspective historique, l'émigration a toujours été une stratégie de survie pour échapper aux situations désespérées. Aussi, il est possible aujourd'hui que des détériorations sévères de l'environnement, particulièrement dans les régions à forte croissance démographique, entraîne une pression migratoire croissante. Et cela constituera une menace pour les autres sociétés 
			(9) 
			Ibid».
10. Mme Michal (HCR) note cependant que les personnes déplacées dans un contexte de changements ou de catastrophes climatiques le sont le plus souvent à l’intérieur de leur propre pays. L’Observatoire des situations de déplacement interne (IDMC) 
			(10) 
			<a href='http://www.internal-displacement.org/internal-displacement'>http://www.internal-displacement.org/internal-displacement</a>. estime qu’en moyenne, chaque année, plus de 25 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur de leur pays par des catastrophes. En 2017, elles étaient 18,8 millions. La majeure partie des déplacements concerne la Chine, les Philippines, Cuba, les États-Unis mais également la Somalie, l’Éthiopie et l’Inde.
11. En Europe, les trois pays les plus affectés par les déplacements internes résultant de catastrophes sont la France, avec 22 000 personnes déplacées en 2017, le Portugal et le Royaume-Uni. L’Europe et la France sont ainsi déjà sujettes à des migrations causées par le changement climatique. D’après l’Observatoire des situations de déplacement interne: «Les trois-quarts des déplacements relevés en Europe et en Asie centrale en 2017 étaient liés à des catastrophes 
			(11) 
			 <a href='http://www.internal-displacement.org/global-report/grid2018/downloads/report/2018-GRID-region-europe-central-asia.pdf'>http://www.internal-displacement.org/global-report/grid2018/downloads/report/2018-GRID-region-europe-central-asia.pdf</a>.». Les incendies de forêt ont également contraint des centaines de personnes à l’évacuation en Suède, en Allemagne 
			(12) 
			<a href='https://www.independent.co.uk/news/world/europe/germany-wildfire-villages-latest-evacuated-berlin-villages-a8506601.html'> https://www.independent.co.uk/news/world/europe/germany-wildfire-villages-latest-evacuated-berlin-villages-a8506601.html</a>., en Croatie et en Italie 
			(13) 
			<a href='https://www.aljazeera.com/news/2018/09/wildfires-evacuations-croatia-italy-180926082648688.html'>https://www.aljazeera.com/news/2018/09/wildfires-evacuations-croatia-italy-180926082648688.html</a>.. Une étude réalisée par des chercheurs a démontré que le changement climatique rendait cinq fois plus probables les épisodes de fortes chaleurs à l’origine de ces événements 
			(14) 
			<a href='https://www.carbonbrief.org/climate-change-made-2018-european-heatwave-up-to-five-times-more-likely'>https://www.carbonbrief.org/climate-change-made-2018-european-heatwave-up-to-five-times-more-likely</a>..
12. D’après les données collectées sur la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification, 
			(15) 
			<a href='https://www.unccd.int/'>https://www.unccd.int/</a>. notamment dans le contexte de la Décennie des Nations Unies (2010-2020) 
			(16) 
			<a href='http://www.un.org/fr/events/desertification_decade/'>http://www.un.org/fr/events/desertification_decade/</a>. consacrée à ce thème, de 80 à 90 % des migrants désireux d’entrer en Europe ont dû quitter des terres agricoles qui ne pouvaient plus assurer leur subsistance. L’ampleur des catastrophes naturelles dans l’hémisphère sud semble avoir un impact sur l’augmentation générale des migrations vers l’hémisphère nord, qui pour le moment semble mieux résister aux catastrophes naturelles. Ces chiffres énormes nécessitent donc une meilleure prise en compte. D’après le journal The Guardian: «Le nombre de migrants cherchant chaque année à s’installer en Europe devrait tripler avant la fin du siècle si l’on se réfère uniquement aux tendances constatées dans l’évolution du climat et indépendamment des facteurs économiques et politiques» 
			(17) 
			<a href='https://www.theguardian.com/environment/2017/dec/21/devastating-climate-change-could-see-one-million-migrants-a-year-entering-eu-by-2100'>https://www.theguardian.com/environment/2017/dec/21/devastating-climate-change-could-see-one-million-migrants-a-year-entering-eu-by-2100</a>.. C’est aussi un fait que les pays dont les températures moyennes avoisinent 20˚C sont à l’origine de nombreuses demandes d’asile, tandis qu’il y a moins de demandeurs d’asile en provenance des régions plus tempérées. De plus, le changement climatique a été mentionné comme un des facteurs déterminants de la sécheresse qui a frappé la Syrie de 2007 à 2010 et a alimenté l’instabilité dans la région 
			(18) 
			Ibid..

Groupes particulièrement vulnérables

13. Un autre aspect de cette injustice pour ceux qui supportent les conséquences négatives du changement climatique est l’inégalité de genre: les femmes sont les plus durement frappées par les catastrophes climatiques et par les conséquences de l’évolution du climat. Les groupes les plus vulnérables (femmes, jeunes gens, personnes âgées et personnes handicapées) sont plus durement touchés que les autres en cas d’exil.
14. Le changement climatique est un facteur aggravant dans la vulnérabilité de certaines personnes. Il fragilise encore des populations déjà vulnérables. Les États ne devraient pas oublier leur responsabilité politique à l’égard de telles personnes dans leur analyse du changement climatique. Sur la période 2008-2016, Oxfam estime que les populations des pays à revenu faible ou moyen avaient cinq fois plus de chances de subir un déplacement suite à des événements climatiques catastrophiques que les habitants de pays aux revenus plus élevés. Le risque est également plus élevé pour les habitants des régions côtières que pour les autres.

Une quantification difficile

15. L'absence d'une définition consensuelle de la notion de déplacés climatiques a pour conséquence des estimations très variables selon les études et la méthodologie retenues allant de 150 millions (ONU) à 212 millions (Myers) et jusqu'au milliard (Christian Aid) 
			(19) 
			Rapport d'information
n° 14 (2015-2016) de M. Cédric Perrin, Mmes Leila
Aichi et Éliane Giraud, fait au nom de la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 6 octobre
2015..
16. Selon un rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), une augmentation du niveau des mers de 50 cm (qui a de fortes chances de se produire avant la fin du siècle) forcerait 72 millions de personnes à se déplacer. Avec une montée des eaux de 2 mètres, ils seraient 187 millions 
			(20) 
			Ibid..
17. L'Organisation internationale des migrations (OIM) estime que le nombre de déplacés environnementaux pourraient atteindre 200 millions d'ici à 2050. Selon les prévisions du Haut-Commissaire adjoint pour les réfugiés, 250 millions de personnes d'ici 2050 pourraient être contraintes de quitter leur foyer en raison de catastrophes naturelles et des effets du dérèglement climatique 
			(21) 
			Ibid.. Au vu de ces prévisions inquiétantes, il est dès lors important de se préoccuper de cette question à un niveau politique.

4. Problématique du statut juridique

18. J’ai pu constater au cours de mes travaux qu’il est difficile de quantifier le phénomène des migrations environnementales dans la mesure où le lien entre la dégradation de l'environnement et la décision de se déplacer reste difficile à établir de manière directe. Il est tout aussi difficile de trouver une solution commune entre les différentes pistes juridiques de régulation des migrations environnementales, actuellement discutées dans les milieux universitaires, politiques, associatifs et d’experts etc.
19. Devant l'absence relative de progrès malgré les alertes de plus en plus pressantes et les contraintes climatiques qui affectent de plus en plus de personnes, mon rapport a vocation à enrichir les réflexions sur les potentialités du droit international ainsi qu’aux anticipations nécessaires pour parvenir à gérer au mieux la question des déplacements de population. Pour ce faire, j’étudierai le conflit de terminologie qui ressort dans l’emploi des concepts de «réfugiés environnementaux» ou de «réfugiés climatiques», et les positions des différentes organisations internationales sur les droits à accorder aux personnes privées de leur territoire pour des raisons environnementales.
20. J’examinerai en même temps quelques exemples d'initiatives visant à promouvoir ces droits, telles que le rapport adopté par la commission des droits de la femme et de l'égalité des genres du Parlement européen le 18 décembre 2017 sur «les femmes, l'égalité des genres et la justice climatique» (rapporteure: Mme Linnéa Engström).

4.1. Faut-il utiliser l’expression «réfugiés climatiques» – cela offrirait-t-il une plus grande protection aux intéressés?

21. S’exprimant pour le ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères au cours de l’audition organisée à Paris, M. Fontan a rappelé que le terme «réfugié» est défini par les Conventions de Genève et désigne toute personne ayant des motifs raisonnables de craindre d’être persécutée au motif de son âge, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social, de ses positions politiques, etc. À l’évidence, les personnes déplacées par des conditions environnementales sont confrontées à un certain type de menaces, mais ne relèvent pas de la protection octroyée par les Conventions de Genève. La plupart des personnes déplacées par les catastrophes naturelles et les changements climatiques le sont à l’intérieur de leur pays, et le problème réside donc davantage dans la capacité des États à gérer les catastrophes naturelles et à assurer la sécurité des populations ainsi que dans la résilience.
22. Il semblerait donc plus judicieux d’utiliser l’expression «personnes déplacées par des phénomènes naturels» au lieu de «réfugiés climatiques», premièrement en raison de l’absence de fondement juridique de l’expression dans les textes existants et, deuxièmement, parce que les catastrophes environnementales qui produisent des migrations massives ne sont pas toujours provoquées par les changements climatiques. Cette approche rejoint l’évolution des positions des organisations internationales dans la définition du statut et du degré de protection à octroyer aux personnes déplacées par des causes environnementales.
23. Mme Michal, qui représentait le HCR à l’audition, a également fait observer que l’expression «réfugié climatique» n’existe pas en droit international, mais rappelle que les personnes déplacées au-delà des frontières pour de tels motifs peuvent prétendre au statut de réfugié dans certaines circonstances. Ainsi, quand le changement climatique et les catastrophes s’accompagnent de violences et de conflits, les intéressés peuvent remplir les critères pour demander ce statut; ou, quand un groupe spécifique est frappé d’une manière disproportionnée par les conséquences d’une catastrophe ou d’un changement climatique; ou quand une catastrophe est mise à profit pour persécuter un groupe spécifique, par exemple en lui refusant toute assistance. Les critères de la persécution peuvent alors être applicables.
24. Dans le cadre d’instruments régionaux comme la Convention de l’Organisation de l’Unité Africaine /Union africaine (OUA/UA) régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique 
			(22) 
			<a href='https://au.int/fr/treaties/oau-convention-governing-specific-aspects-refugee-problems-africa'>https://au.int/fr/treaties/oau-convention-governing-specific-aspects-refugee-problems-africa</a>. et la Déclaration de Carthagène 
			(23) 
			<a href='https://au.int/fr/treaties'>https://au.int/fr/treaties</a>., la définition du statut de réfugié comprend les événements qui perturbent gravement l’ordre public. Ces instruments régionaux seraient alors applicables dans un contexte de catastrophes climatiques. Les personnes pourraient donc prétendre au statut de réfugié quand elles sont déplacées par des changements ou des catastrophes climatiques en invoquant la protection de certains de ces instruments régionaux. Dans leur cas, la reconnaissance du statut de réfugié ne nécessite pas leur requalification en «réfugiés climatiques» ou la création d’une nouvelle catégorie de réfugié. Pour illustrer les cas dans lequel des personnes peuvent demander le statut de réfugié en cas de changement climatique ou de catastrophe dans un contexte de conflit, une application de la Convention sur les réfugiés 
			(24) 
			<a href='https://www.unhcr.org/fr/convention-1951-relative-statut-refugies.html'>https://www.unhcr.org/fr/convention-1951-relative-statut-refugies.html</a>. aux personnes fuyant les conflits et la famine pourrait être envisagée.
25. Le 26 mars, à Paris, M. Randall a fait remarquer qu’il serait difficile de distinguer les personnes qui migrent en raison des changements climatiques des populations déplacées par d’autres causes. Les États devraient adapter et élargir les cadres juridiques existants pour y intégrer la mobilité humaine due au réchauffement de la planète, comme les visas humanitaires et d’urgence et l’instauration de possibilités d’émigrer par des voies légales et sûres. Les populations sont inévitablement déplacées par l’évolution du climat. La migration humaine est un outil de résilience et une forme légitime d’adaptation au changement climatique. Si les États acceptaient de considérer la migration comme une forme d’adaptation au changement climatique, des fonds d’adaptation au climat pourraient être alloués pour aider les gens à émigrer. L’Observatoire des situations de déplacement interne, qui fait partie du Conseil norvégien des réfugiés, analyse les tendances émergentes.

4.2. Travaux antérieurs de l'Assemblée parlementaire et du Conseil de l'Europe dans ce domaine

26. Un rapport de 2008 intitulé «Migrations et déplacements environnementaux: un défi pour le XXIe siècle» (rapporteure: Mme Tina Acketoft, Suède, ALDE) 
			(25) 
			Doc. 11785. pointe l'absence de consensus au sein de la communauté internationale en matière de terminologie juridique internationale applicable à la mobilité humaine liée à la dégradation et aux catastrophes écologiques, qui agit comme un frein à la reconnaissance et la protection juridique des migrants environnementaux.
27. Ce rapport demande une enquête sur les «lacunes existantes du droit et des mécanismes de protection, en vue de l'élaboration éventuelle d'un cadre spécifique pour la protection des migrants environnementaux, soit dans une convention internationale distincte, soit au sein de traités multilatéraux déjà existants». La Recommandation 1862 (2009) au Comité des Ministres adoptée en même temps préconise même d'envisager un protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme «sur le droit à un environnement sain et sûr». La réponse du Comité des Ministres est intéressante et sera examinée brièvement dans mon rapport 
			(26) 
			Doc. 11999..
28. L'Assemblée s'est de nouveau penchée sur ce sujet en 2016 avec le rapport de M. Philippe Bies (France, SOC) 
			(27) 
			Doc. 13983., qui demande aux États membres entre autres d'accorder une plus grande priorité à la conception de politiques et de normes de protection pour les victimes de catastrophes naturelles, chimiques ou nucléaires et pour les victimes des conséquences du changement climatique, de reconnaître la vulnérabilité de ces groupes d'individus et de garantir le respect de leurs droits fondamentaux, et de s'accorder sur une définition pour ces migrants. Cette fois-ci, en matière de législation, l'Assemblée propose plutôt de «réviser la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés, au moyen, par exemple, d'un protocole additionnel».
29. Dans le présent rapport, je tiens compte de ces deux positions pour arriver à des conclusions adaptées aux événements récents et conformes aux conceptions actuelles exprimées dans les discussions internationales sur la question.

4.3. Évolution des positions des organisations internationales dans la définition du statut et du degré de protection à octroyer aux personnes déplacées par des causes environnementales

30. Pour remédier à l'absence de terme désignant ces personnes déplacées, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a proposé dès 2007 une définition de travail de ce qu'elle appelle «migrants environnementaux». Selon l'OIM, ce sont «des personnes ou groupes de personnes qui, pour des raisons liées à un changement environnemental soudain ou progressif influant négativement sur leur vie ou leurs conditions de vie, sont contraintes de quitter leur foyer habituel ou le quittent de leur propre initiative, temporairement ou définitivement et qui, de ce fait, se déplacent à l'intérieur de leur pays ou en sortent».
31. Au fil de mes recherches pour le présent rapport, j'ai observé un changement dans l'approche des Nations Unies à la question des réfugiés climatiques, visible dans l'évolution des textes adoptés par cette organisation. La Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique de 1992 ne fait aucune mention des personnes déplacées pour des raisons environnementales. Plus récemment, l'objectif 13 du Programme de développement durable à l'horizon 2030, sur l'action urgente à prendre pour combattre le changement climatique et son impact, insiste sur la prévention, la capacité d'adaptation, la sensibilisation et la coopération entre pays développés et pays en développement, sans pour autant mentionner spécifiquement les migrations environnementales inévitables dues aux changements climatiques irréversibles.
32. On remarque le changement à la lecture des décisions adoptées par l'Assemblée générale des Nations-Unies en juin 2017. Celle-ci charge l'Office du Haut-Commissaire des Nations-Unies aux Droits de l'Homme d'entreprendre des recherches sur la manière de combler les lacunes dans la protection dans le contexte des migrations et des déplacements de personnes à travers des frontières nationales qui résultent de l'impact négatif soudain ou d’une évolution lente du changement climatique, et les moyens nécessaires à la mise en œuvre de plans d'adaptation ou de réduction des risques des pays en voie de développement, et de soumettre un rapport sur ces recherches lors de la 38e session du Conseil des Droits de l'Homme.

5. Le statut de réfugiés et le droit d’asile – des outils juridiques à protéger

33. Au-delà de l'inadaptation juridique du statut de réfugiés pour traiter la question des migrations environnementales, selon le ministère français des Affaires étrangères «toute initiative visant à réviser cette définition présente le risque d'une renégociation de la Convention des Nations unies relative au statut de réfugiés de 1951, ce qui, dans le climat actuel, pourrait aboutir à un abaissement des normes de protection pour les réfugiés, voire saper complètement le régime international de protection des réfugiés» 
			(28) 
			Rapport d'information
n° 14 (2015-2016) de M. Cédric Perrin, Mmes Leila
Aichi et Éliane Giraud, fait au nom de la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 6 octobre
2015. Or, mes travaux m’ont fait constater que plus que jamais des fortes pressions sont exercées sur le statut de réfugiés dont découle le droit d’asile.

5.1. La forte hausse des demandes d’asile en Europe

34. La déstabilisation du Proche Orient, et notamment le conflit syrien, ont entraîné une augmentation très nette des demandes d’asile dans l’Union européenne au cours de la première moitié des années 2010. Alors que l’on ne comptait pas plus de 200 000 demandes par an du début des années 2000 à 2008, ce chiffre a doublé entre 2010 et 2014 pour atteindre 400 000 
			(29) 
			Institut Montaigne
& Terra Nova, Rapport Octobre 2018: «sauver le droit d’asile». Selon l’Institut Montaigne, au cours des années 2013-2017, l’Union a enregistré plus de 4 millions de demandes d’asile, soit près de trois fois plus que dans les cinq années précédentes (2008-2012) 
			(30) 
			Ibid. en raison des crises politiques et économiques dans le voisinage sud de l’Union (conflit en Syrie, dans une partie de l’Irak et délitement de la Libye).
35. Cette situation s’est traduite par une montée des tensions entre les États membres et par la multiplication des comportements non coopératifs au sein de l’Union, au point que certains se sont clairement affranchis de leurs obligations et devoirs à l’égard du droit européen comme à l’égard de leurs partenaires 
			(31) 
			Ibid.. À titre d’exemple, la France a ainsi accueilli moins de 5 000 demandeurs d’asile «relocalisés», dont environ 4 400 en provenance de Grèce et seulement 550 en provenance d’Italie en 2015. Elle était donc très loin de l’objectif de «30 000, et pas un de plus» affirmé par le gouvernement de Manuel Valls en septembre 2015.

5.2. Un report de charge sur l’asile

36. À côté des situations de conflit, l’Institut Montaigne observe néanmoins une hausse des demandes de protection de ressortissants de pays stables ou considérés comme sûrs, dont les migrations auraient autrefois probablement relevé des voies classiques d’accès au territoire européen (migrations économiques, notamment) 
			(32) 
			Ibid.. Cette évolution est vue comme étant liée aux politiques d’immigration restrictives menées dans les pays de l’Union depuis les années 1980, qui ont réduit les voies légales d’accès au territoire. En France, par exemple, entre 2011 et 2016, les demandes de visa sont en effet passées de 2,4 millions à 3,5 millions, soit une hausse de 45 %, tandis que le nombre de rejets passait de 220 840 à 390 750, soit une augmentation de 76 % 
			(33) 
			Ibid..
37. Dans le même temps, l’examen des demandes d’asile qui constitue une décision souveraine des États, connaît de fortes variations d’un pays à l’autre de l’Union. Au total, 61 % des demandes d’asile déposées en 2017 dans les 28 pays de l’Union ont abouti à une décision positive. Mais, en Hongrie, le taux de rejet atteint 90 %, tandis qu’il n’est que de 30 % dans les Pays-Bas ou en Allemagne. Le type de protection accordée peut également varier sensiblement, certains États (comme la Suède) semblant plus enclins à accorder la protection subsidiaire que le droit d’asile.

5.3. Une réforme nécessaire du règlement de Dublin

38. Le règlement de Dublin repose sur le principe que le pays d’entrée du demandeur est responsable de l’examen de sa demande d’asile. Les pays aux frontières extérieures sont donc en principe responsables, bien que le règlement Dublin III ait intégré le principe du lien familial au sein d’un Etat de l’Union européenne comme critère premier de la désignation de l’Etat membre responsable de l’examen de la demande d’asile. Étant donné les routes migratoires actuellement empruntées, qui, pour des raisons géographiques transitent toutes par des pays du sud de l’Europe, la charge de l’accueil et de l’examen des demandes d’asile repose très largement sur la Grèce, Malte et l’Italie, et dans une moindre mesure sur l’Espagne 
			(34) 
			Ibid..
39. Or, le report d’une grande partie des flux migratoires pour motifs économiques vers l’asile, faute d’autres possibilités légales suffisamment ouvertes, a fait du règlement de Dublin selon l’Institut Montaigne, de fait, le principal outil de gestion de la politique migratoire dans les pays européens du pourtour méditerranéen. Ce mécanisme s’est révélé contraire à la fois au principe de solidarité entre États membres et à la logique de solidarité que l’asile promeut 
			(35) 
			Ibid..
40. Au regard de ces éléments, amender la Convention de 1951 sur le statut des réfugiés en incluant les personnes qui ont été déplacées au-delà des frontières du fait d'un changement climatique de long-terme, pourrait alimenter l’impasse politique dans laquelle se trouve actuellement l’Europe pour réformer sa législation en matière d’immigration et d’asile.
41. Je considère donc que l'Assemblée devrait plutôt renouveler ses appels au dialogue, afin d’harmoniser les conditions requises pour bénéficier de l’asile et mettre en place une réforme du règlement de Dublin qui conserve le principe de la responsabilité de l’examen de la demande d’asile du pays d’entrée mais organise une solidarité européenne dans la gestion des frontières extérieures.

6. Les autres solutions évoquées pour traiter la question des migrations environnementales

6.1. Renforcer la «protection des personnes déplacées internes»

42. Les déplacements à l'intérieur d'un même pays relèvent de la responsabilité première des États concernés puisqu'il s'agit à la fois de leurs propres ressortissants et de leur territoire. Ils peuvent néanmoins être régis par les «Principes directeurs de 1998 relatifs aux déplacements des personnes à l'intérieur de leur propre pays» (PDIPP) établis par les Nations unies 
			(36) 
			Rapport
d'information n° 14 (2015-2016) de M. Cédric Perrin, Mmes Leila
Aichi et Éliane Giraud, fait au nom de la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 6 octobre
2015..
43. Sous l’impulsion de Francis Deng 
			(37) 
			Ancien représentant
du secrétaire général des Nations Unies sur les personnes déplacées
à l’intérieur de leur pays., ce texte a tenté d’ordonner dans un même document des droits et des obligations, mais surtout il a défini internationalement les PDIPP en clarifiant les ambiguïtés existantes et en dépassant les lacunes des textes internationaux sur la question de la migration interne 
			(38) 
			Christel Cournil. Les
défis du droit international pour protéger les «réfugiés climatiques»:
réflexions sur les pistes actuellement proposées. Changements climatiques
et défis du droit, C. Cournil et C. Colard-Fabregoule (sous la direction de),
Bruylant, pp.345-372, 2010.. Ainsi, les PDIPP sont «des personnes ou des groupes de personnes qui ont été forcés ou contraintsà fuir ou à quitter leur foyer ou leur lieu de résidence habituel, notamment en raison d'unconflit armé, de situations de violence généralisée, de violations des droits de l'homme ou decatastrophes naturelles ou provoquées par l'homme ou pour en éviter les effets, et qui n'ontpas franchi les frontières internationalement reconnues d'un Etat».
44. Plusieurs pays ont déjà intégré les principes directeurs dans le droit interne puisqu’environ 20 gouvernements ont adopté des lois ou mis en place des politiques portants sur les PDI, et cela même s’ils ne suivent pas toujours le texte des principes 
			(39) 
			La Turquie, l’Angola,
le Burundi, la Colombie, le Libéria, le Pérou, les Philippines et
le Sri Lanka: Elizabeth 
			(39) 
			FERRIS, «Évaluer l’impact
des Principes: une tache inachevée» in Déplacement
interne dix ans de Principes directeurs, Revue
des Migrations Forcées, GP 10, décembre 2008, p. 10-11..
45. Bien que ces principes directeurs ne soient pas juridiquement contraignants pour les États et souffrent d’une application limitée, ils identifient par ailleurs l'aide qu'il convient d’apporter à ces populations au cours du processus de déplacement, ainsi que pendant leur retour ou leur réinstallation et leur réintégration 
			(40) 
			Rapport d'information
n° 14 (2015-2016) de M. Cédric Perrin, Mmes Leila
Aichi et Éliane Giraude, fait au nom de la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 6 octobre
2015.

6.2. La Convention de Kampala – un exemple à suivre?

46. L’Union Africaine a adopté lors de sa Session extraordinaire du 22 et 23 octobre 2009 tenue à Entebbe (Ouganda) une Convention sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique. S’inspirant largement des Principes Directeurs de 1998, ce traité régional constitue à ce jour le seul outil contraignant sur la question.
47. Depuis l’affirmation de ces principes avec la Convention de Kampala, la doctrine, les organisations intergouvernementales et les organisations non gouvernementales ont présenté de nombreux projets et propositions afin que des garanties complémentaires plus opérationnelles soient intégrées dans le droit interne et la pratique des États 
			(41) 
			Christel
Cournil. Les défis du droit international pour protéger les «réfugiés
climatiques»: réflexions sur les pistes actuellement proposées.
Changements climatiques et défis du droit, C. Cournil et C. Colard-Fabregoule
(sous la direction de), Bruylant, pp.345-372, 2010.. Suivant cette logique de propositions, un élargissement de la définition des PDI à tous les déplacés environnementaux et même un saut qualitatif vers une reconnaissance en droit international positif pourrait être envisagé selon Mme Christel Cournil par l’adoption par exemple d’une Convention de l’ONU sur les droits humains des PDI 
			(42) 
			Ibid.. Le 26 mars, à Paris, Mme Cournil a fait observer que la Convention de Kampala prévoit un soutien plus important que d’autres instruments. Les protections bilatérales ou régionales pourraient encore être développées, notamment sous la forme d’accords bilatéraux d’alerte précoce. La protection des victimes de catastrophes naturelles est inscrite dans la loi en Suède et en Finlande, par exemple.
48. La Convention de Kampala pousserait les États à insérer plus nettement dans leur législation des obligations d’accueil pour les personnes déplacées internes car cette assistance n’en est qu’à ses balbutiements aujourd’hui et, pour certains, les Principes pourraient être améliorés en les liant au concept de «Responsabilité de Protéger» 
			(43) 
			Erin
Mooney, «Les Principes directeurs et la responsabilité de protéger» in Déplacement interne dix ans de
principes directeurs», Revue des Migrations
Forcées, GP 10, décembre 2008, p. 11-13 (<a href='https://www.cultura.com/la-responsabilite-de-proteger-9782233005366.html'>https://www.cultura.com/la-responsabilite-de-proteger-9782233005366.html</a>). Pour le concept, La responsabilité
de protéger – Colloque de Nanterre, Pedone, 2008 (<a href='https://www.cultura.com/la-responsabilite-de-proteger-9782233005366.html'>https://www.cultura.com/la-responsabilite-de-proteger-9782233005366.html)</a>..
49. En tout état de cause, l’élargissement de la définition des PDI aurait l’avantage d’offrir une protection à toutes les personnes déplacées internes quel que soit le motif de déplacement et surmonterait la difficulté d’une définition non consensuelle des réfugiés climatiques ou environnementaux 
			(44) 
			Christel
Cournil. Op. cit..

7. Action internationale contre les migrations induites par le climat

7.1. L’initiative Nansen

50. La communauté internationale a été mobilisée dans le cadre de l’initiative Nansen 
			(45) 
			<a href='https://www.nanseninitiative.org/'>https://www.nanseninitiative.org/.</a> lancée en 2011 par la Suède et la Suisse en collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme afin de renforcer la protection des frontières, là où se produisent des catastrophes résultant du changement climatique, et limiter le risque de déplacement des personnes concernées. Cette coalition créée avant la COP21 a élaboré un agenda pour la protection des personnes déplacées par les changements climatiques et les catastrophes climatiques. Une plate-forme spécifique a été mise en place sur la question. La France a promis 300 millions d’euros à la plate-forme pour le volet humanitaire de projets menés en Afrique occidentale. Elle assure également la coprésidence de la plate-forme aux côtés du Bangladesh (jusqu’en janvier 2021).
51. L’application de l’Accord de Paris était déterminante. 
			(46) 
			L’Accord de Paris vise
à renforcer la riposte mondiale à la menace des changements climatiques,
y compris en contenant l’élévation de la température moyenne de
la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels
et en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation des températures
à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels. Les gouvernements
ont accepté de fixer des contributions déterminées au niveau national
pour atteindre cet objectif, qui doivent faire l’objet d’un bilan
régulier. (<a href='https://www.ipcc.ch/'>https://www.ipcc.ch/</a>). L’Accord ne mentionne pas les personnes déplacées par le climat, mais celles-ci ont fait l’objet d’une décision séparée, adoptée en même temps que l’Accord à la demande de certains États et en reconnaissant que certains impacts, tels que l’élévation du niveau des océans, par exemple, affectent davantage ces pays. La question d’une indemnisation a été soulevée, en mentionnant notamment les personnes déplacées par le climat; elle devrait être traitée lors des prochaines Conférences des Parties en 2024 ou en 2025, qui seront déterminantes dans ce domaine.

7.2. Nations Unies: Programme de développement durable à l’horizon 2030 
			(47) 
			<a href='https://undocs.org/fr/A/RES/70/1'>https://undocs.org/fr/A/RES/70/1</a>. et les pactes mondiaux

52. La communauté internationale a adopté le Programme de développement durable des Nations Unies à l’horizon 2030, qualifié de «plan d’action pour l’humanité, la planète et la prospérité» et assorti de 17 Objectifs de développement durable (ODD) et de 169 cibles qui visent à couvrir les trois axes du développement durable: ses dimensions économique, sociale et environnementale. Certains de ces 17 Objectifs sont très pertinents pour les problèmes abordés dans le présent rapport, même s’ils ne visent pas spécifiquement l’immigration, mais plutôt les situations de crise, y compris les catastrophes liées au climat qui peuvent engendrer des déplacements massifs de population, comme l’Objectif 11: faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables; l’Objectif 13: prendre d’urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions; et l’Objectif 15: préserver et restaurer les écosystèmes terrestres, en veillant à les exploiter de façon durable, gérer durablement les forêts, lutter contre la désertification, enrayer et inverser le processus de dégradation des terres et mettre fin à l’appauvrissement de la biodiversité.
53. Le HCR a étroitement collaboré à la mise en place de la plate-forme sur les déplacements liés aux catastrophes (PDD), qui viendra compléter les travaux sur les ODD, et à la mise en œuvre d’un programme de protection assorti de quatre priorités, qui permettra de combler un manque de connaissances et de statistiques. Il est nécessaire de disposer d’informations exactes sur ce qui se passe sur le terrain, y compris les bonnes pratiques de gestion des déplacements liés aux catastrophes. Les bonnes pratiques doivent être identifiées et diffusées pour aider d’autres États à les appliquer.
54. En outre, les efforts internationaux qui ont abouti en 2018 à l’adoption, à Marrakech, du Pacte mondial sur les migrations, exhortent également à examiner la situation des personnes déplacées par des phénomènes naturels. Les États devraient faire tout leur possible pour améliorer les analyses et les informations partagées sur la question, élaborer des stratégies d’adaptation et améliorer la résilience et la coopération dans ce domaine. Il faut consentir davantage d’efforts pour prévenir la dégradation provoquée par les pratiques agricoles et le déboisement, mieux gérer les ressources et alléger la pression sur les ressources naturelles, autant de facteurs qui peuvent favoriser les déplacements motivés par l’environnement. Notons à cet égard le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe 
			(48) 
			<a href='https://www.unisdr.org/we/coordinate/sendai-framework'>https://www.unisdr.org/we/coordinate/sendai-framework</a>.	.
55. D’après Mme Michal, les importants débats menés en 2018 sur les pactes mondiaux sur les réfugiés et sur la migration doivent être pris en compte dans l’examen de la protection des personnes déplacées au-delà des frontières en raison de changements et de catastrophes climatiques. Le climat, la dégradation de l’environnement et les catastrophes naturelles peuvent déclencher des mouvements de réfugiés. Les gouvernements doivent améliorer leur coopération pour assurer la protection de toutes les personnes déplacées, y compris par les changements climatiques et les catastrophes. Le HCR finalise une étude sur la protection des personnes contraintes de fuir dans le contexte des conflits et de la violence ainsi que du changement climatique et des catastrophes, dans laquelle figureront des études de cas sur Haïti et sur la Somalie.

7.3. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC)

56. Le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC) 
			(49) 
			Le Groupe intergouvernemental
d'experts sur l'évolution du climat (GIEC) a été créé en 1988 en
vue de fournir des évaluations détaillées de l’état des connaissances
scientifiques, techniques et socio-économiques sur les changements climatiques,
leurs causes, leurs répercussions potentielles et les stratégies
de parade. Sa contribution à la compréhension du changement climatique
a joué un rôle déterminant dans la création d’accords mondiaux sur
des objectifs communs dont, récemment, l’Accord de Paris. est l’organe des Nations Unies chargé d’évaluer les éléments scientifiques relatifs au changement climatique. Au moment de l’audition de Paris le GIEC était sur le point de publier un rapport d’évaluation sur les conséquences potentielles du changement climatique 
			(50) 
			<a href='https://www.ipcc.ch/report/sixth-assessment-report-working-group-ii/'> https://www.ipcc.ch/report/sixth-assessment-report-working-group-ii/</a> et <a href='https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2018/09/AC6_brochure_en.pdf'>https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2018/09/AC6_brochure_en.pdf</a>.. Il n’a pas été possible de s’accorder sur une définition du lien entre le changement climatique et le déplacement de populations. Quelques études empiriques suggèrent qu’une augmentation d’un degré dans 42 pays n’a eu qu’une influence marginale sur l’émigration de leurs habitants. La science n’a pas encore démontré qu’une augmentation de 2° induirait un risque élevé de déplacement des populations, surtout sur une distance de plus de 1000 km. Le rapport du GIEC souligne que les migrations sont en elles-mêmes une forme d’adaptation. Le HCR alerte toutefois depuis 2015 au risque de déplacements massifs induits par le changement climatique 
			(51) 
			<a href='https://www.unhcr.org4/540854f49.html'>https://www.unhcr.org4/540854f49.html</a>.. Le GIEC évoque des déplacements dus à l’érosion et aux retombées climatiques sur la pêche, des risques directs pour les personnes dont les revenus dépendent des ressources naturelles. Le rapport souligne la plus grande fragilité de certains États et régions et le fait que les femmes sont les plus exposées – elles produisent près de 50% de la nourriture dans les pays en développement.

7.4. L’exemple de la France

57. Le 24 octobre 2018 une réunion importante a été organisée en France concernant l’application de l’Accord de Paris. La France souhaitait encourager les États membres de l’Union européenne à consentir des efforts supplémentaires par rapport à leurs engagements actuels pour parvenir à la neutralité carbone à l’horizon 2050. Il était vital de soutenir l’adaptation et d’augmenter la résilience des pays les plus vulnérables. Des coalitions internationales ont été constituées, dont certaines sous la direction de la France via le système de la COP.
58. En 2018, la France a investi 5 millions d’euros dans le développement de dispositifs d’alerte précoce. Un fonds de neutralité dans la dégradation a été mis en place pour financer des projets de durabilité à long terme afin d’assurer la restauration des sols dégradés et ainsi permettre aux populations de rester sur leurs terres d’origine. La France contribuera également, dans le cadre d’actions de solidarité internationale et d’ici 2022, 1 milliard d’euros pour un accès universel à l’énergie, notamment dans les pays d’Afrique. Plusieurs autres programmes ont été élaborés: le programme «Caribbean smart accelerator» et «climate smart zone», le sommet «One Planet» dans les Caraïbes, le «resilience laboratory» et le «laboratory for good management of risk», et «l’Alliance mondiale pour les bâtiments et la construction», qui encourage immédiatement la construction de bâtiments décarbonés et résilients, sachant que le nombre de constructions devrait doubler d’ici à 2050, en particulier dans les pays en développement. D’autres initiatives ont également été mentionnées, comme «Climate for Africa», le sommet sur le climat et les projets d’accompagnement à l’adaptation au climat, qui sont autant de projets fondés sur la nature et mis en œuvre en Afrique.

8. Protection des personnes déplacées par des conditions environnementales – de la théorie à la pratique

59. Comme le souligne Mme Michal au nom du HCR, même les personnes qui ne peuvent prétendre au statut de réfugié quand elles sont contraintes de franchir les frontières pour des causes environnementales ont malgré tout besoin d’une protection qui, si elles n’obtiennent pas le statut de réfugié, peut être assurée par le biais d’autres mécanismes. Ce peuvent être des mesures de protection complémentaire ou temporaire, des accords entre États, des visas humanitaires ou des mesures mises en place dans des cadres régionaux ou nationaux pour offrir un refuge et une autorisation de séjour, sur une base temporaire, dans les pays d’accueil. C’est ce qui ressort de la pratique des États. Il existe de nombreux exemples de bonnes pratiques de pays de diverses régions du monde. Dans ce contexte, le HCR joue un rôle important: sur le terrain; par la diffusion des conseils juridiques et l’élaboration de normes; en veillant à la cohérence des politiques entre les pactes mondiaux, la coopération du HCR, le cadre de Sendai 
			(52) 
			<a href='https://www.preventionweb.net/files/43291_sendaiframeworkfordrren.pdf'>https://www.preventionweb.net/files/43291_sendaiframeworkfordrren.pdf</a>., etc., et par la transmission des recherches et des connaissances.
60. L’une des plus éminentes chercheuses à avoir travaillé sur l’évaluation de la protection des personnes déplacées par des conditions environnementales, Mme Emnet Berhanu Gebre, a étudié les responsabilités des États et relevé les obligations positives de ces derniers dans le contexte des catastrophes d’origine naturelle. «En apportant des précisions sur l’étendue des obligations positives imputables à l’État en cas de catastrophe naturelle dans l’affaire Boudaïeva 
			(53) 
			Cour européenne des
droits de l’homme, Boudaïeva et autres
c. Russie, Recueil 2008, 20 mars 2008: une coulée de boue
s’est abattue sur les quartiers résidentiels de la ville de Tyrnyauz,
dans le Caucase, provoquant la mort de 8 personnes et la disparition
de 19 autres., la Cour européenne des droits de l’homme (la Cour) fait une analyse potentiellement transposable aux impacts des changements climatiques. L’affaire Boudaïeva est dans la continuité de la jurisprudence Oneryildiz sauf que, dans le cadre des catastrophes d’origine naturelle comme dans l’espèce, la Cour veille à “ne pas imposer aux autorités une charge impossible ou disproportionnée dans le domaine des secours d’urgence en relation avec un événement météorologique qui échappe davantage au contrôle qu’une activité humaine”. En effet, lorsque le risque est connu, l’État a l’obligation de protéger les personnes contre les risques naturels. Plus le risque est prévisible, plus l’obligation de l’État de protéger les personnes sous sa juridiction est importante. Selon la Cour, lorsque le risque de catastrophe est d’origine naturelle, il existe une présomption qu’il est moins aisé de prédire et de contrôler que les catastrophes d’origine humaine.
61. L’absence de prévisibilité est d’ailleurs l’une des caractéristiques qui permet de qualifier les catastrophes naturelles d’événement de force majeure. La Cour considère ainsi que l’État peut bénéficier d’“une marge d’appréciation étendue”. Toutefois, lorsque le risque est clairement “identifiable”, notamment lorsque les catastrophes se produisent de manière “récurrente”, la défaillance de l’État d’adopter des mesures d’adaptation ou d’atténuation peut engager la responsabilité de celui-ci. La Cour précise que “l’étendue des obligations positives imputables à l’État dans une situation particulière dépend de l’origine de la menace et de la possibilité d’atténuation de tel ou tel risque”. Bien que cette affaire ne porte pas sur les effets des changements climatiques et que les atteintes relatives aux changements climatiques soient d’un degré de complexité supérieur, les obligations mises par la Cour à la charge des États sont parfaitement transposables» 
			(54) 
			<a href='http://www.theses.fr/2016TOU10014'>http://www.theses.fr/2016TOU10014.</a>. Un État pourrait être jugé responsable de ne pas avoir pris les mesures adéquates.

9. Action future aux niveaux local, national et international

9.1. Élever le seuil de résilience des communautés

62. Il faut consentir des efforts supplémentaires pour augmenter le seuil de résilience des communautés locales, conformément à l’Objectif 11 des ODD: Faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables. J’attire notamment l’attention sur les cibles spécifiques suivantes: «11.5: D’ici à 2030, réduire nettement le nombre de personnes tuées et le nombre de personnes touchées par les catastrophes, y compris celles qui sont liées à l’eau, et réduire nettement la part du produit intérieur brut mondial représentée par les pertes économiques directement imputables à ces catastrophes, l’accent étant mis sur la protection des pauvres et des personnes en situation vulnérable» et «11.7.b: D’ici 2020, accroître considérablement le nombre de villes et d’établissements humains qui adoptent et mettent en œuvre des politiques et plans d’action intégrés en faveur de l’insertion de tous, de l’utilisation rationnelle des ressources, de l’adaptation aux effets des changements climatiques et de leur atténuation et de la résilience face aux catastrophes, et élaborer et mettre en œuvre, conformément au Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe (2015-2030), une gestion globale des risques de catastrophe à tous les niveaux.»
63. De ce point de vue, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe a évoqué la nécessité de prendre des mesures afin d’améliorer la préparation aux catastrophes au niveau local en ciblant spécialement les populations vulnérables, comme les personnes handicapées 
			(55) 
			<a href='https://www.coe.int/en/web/congress/-/congress-greeting-cards-2015'>https://www.coe.int/en/web/congress/-/congress-greeting-cards-2015</a>.. «Le foyer des droits de l'homme, c’est les collectivités locales et régionales et les quartiers où les citoyens habitent, vivent, travaillent et vieillissent. C’est aussi dans les foyers que se vivent les catastrophes. Le fait de donner aux personnes handicapées les moyens de participer activement à la gestion des catastrophes doit être considéré comme une approche de la protection des droits de l’homme. Pour y parvenir, il faut avant tout la volonté de mettre en place et de renforcer une structure de la société qui soit intégratrice», a déclaré M. Josef Neumann (Allemagne, SOC), membre du Congrès, devant la Conférence sur l’inclusion des personnes handicapées à la préparation et à la réaction aux catastrophes qui s’est tenue à Bruxelles (Belgique) le 5 décembre 2014. «Les personnes handicapées doivent être activement associées aux phases de planification, de définition et de mise en œuvre de la gestion des catastrophes, et les personnes chargées de la gestion des catastrophes (comme les experts spécialisés dans ce domaine) doivent être dûment formées à cet effet», a-t-il expliqué.

9.2. Améliorer la capacité de réaction et de gestion des catastrophes au niveau national

64. Les stratégies de préparation aux catastrophes devraient comporter des mesures de protection des personnes frappées par les catastrophes provoquées par le changement climatique et contraintes à se déplacer. La mobilité des êtres humains doit être rationalisée à tous les niveaux. Il faut aussi assurer la cohérence des politiques et des synergies afin de garantir leur impact et d’offrir un cadre cohérent au niveau mondial.
65. En 2005, peu après le tsunami qui a ravagé l’Asie, plus de 168 gouvernements se sont engagés à mettre en œuvre les objectifs stratégiques du Cadre d'action de Hyōgo 2005-2015 (CAH): intégrer la réduction des risques de catastrophes dans les politiques de développement et d’aménagement durables, développer et renforcer les institutions, les mécanismes et les capacités pour assurer la résilience face aux catastrophes et systématiquement incorporer des approches de réduction des risques dans la mise en œuvre des programmes de préparation aux situations d’urgence, de secours et de reconstruction 
			(56) 
			<a href='https://www.unisdr.org/files/2909_Disasterpreparednessforeffectiveresponse.pdf'>https://www.unisdr.org/files/2909_Disasterpreparednessforeffectiveresponse.pdf</a>..
66. Le Cadre rappelle également que la réduction des risques de catastrophes n’est pas uniquement l’affaire des travailleurs humanitaires, des chercheurs ou des défenseurs de l’environnement, mais qu’elle est aussi essentielle dans les processus économiques et sociaux de développement durable. Les catastrophes entravent le développement et appauvrissent les personnes et les nations. En l’absence d’efforts concertés pour traiter leurs causes profondes, les catastrophes compromettent de plus en plus gravement la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement.
67. Il faut approfondir nos connaissances sur les interactions entre le changement climatique et les conflits / violences; mieux comprendre quels sont les seuils et ce qui déclenche les déplacements, en tenant compte des multiples causes de ces derniers. Il faut également poursuivre l’analyse et l’élaboration d’orientations sur la manière d’appliquer les instruments internationaux et régionaux dans un contexte de changement climatique et de catastrophes.
68. Comme le mentionnait Mme Michal, les États peuvent reconnaître et réaliser que le changement climatique est à la fois un moteur des déplacements et un multiplicateur des menaces, contribuer à remédier aux lacunes en matière de connaissances et de statistiques et améliorer la collecte et l’analyse des données pour mieux comprendre la dynamique des relations entre les déplacements et le changement climatique. Les Etats devraient appliquer les normes existantes et intégrer l’aspect de la mobilité humaine dans tous les cadres réglementaires et dans toutes les lois, selon les besoins. Ils peuvent prendre des mesures spécifiques comme l’adoption de lois nationales permettant de contribuer à la réalisation des objectifs de la COP, de plans nationaux d’adaptation et de stratégies de réduction des risques de catastrophes, et veiller à ce que la mobilité humanitaire soit prise en compte dans toutes les discussions pertinentes.
69. Mme Ionesco, s’exprimant à l’audition de Paris au nom de l’OIM, a préconisé un changement de paradigme afin d’améliorer la compréhension des enjeux. L’humanité s’est toujours déplacée, y compris en raison de changements environnementaux. L’analyse des flux migratoires provoqués par le changement climatique amène à examiner la question des indemnisations pour les pertes et les dommages. Une série de recommandations approuvée par le comité exécutif du Mécanisme international de Varsovie relatif aux pertes et préjudices a été examinée par la COP 24, à Varsovie (3-14 décembre 2018).
70. Les questions relatives au statut de tels migrants méritent d’être examinées plus en détail. Il est difficile de parvenir à une définition commune des «migrants environnementaux». Il faut garder à l’esprit les causes multiples des migrations: conflits, politique, facteurs économiques ou environnementaux, etc. Il est très difficile de déterminer quel statut octroyer à quels migrants, et qui doit être autorisé à séjourner dans les pays d’arrivée ou dans les pays tiers. Selon les situations, certains seraient autorisés à rester parce qu’ils sont considérés comme des migrants environnementaux ou climatiques; d’autres seraient refoulés en tant que migrants économiques.
71. Mme Ionesco évoque également la responsabilité des pays d’origine: ont-ils les moyens et la possibilité de protéger les personnes affectées par le changement climatique? Quelles responsabilités doivent être assumées par les pays d’origine? Par les pays tiers? À cela s’ajoute la question de la justice climatique. Le principe «pollueur – payeur» s’applique-t-il en l’espèce, pour l’indemnisation? Les pays d’origine peuvent-ils être tenus responsables?

9.3. Initiatives des organisations internationales pour améliorer la coordination, la médiation et le financement

72. La Division environnement et migrations de l’OIM prépare un atlas des migrations environnementales afin de mieux documenter l’aspect environnemental des migrations, en collaboration avec d’autres agences de l’ONU (CNUCC, ONU climat, ONU eau, ONU énergie, ONU environnement) impliquées dans les cadres de réduction des risques de catastrophes (rapport Nansen). En 2017, l’OIM était présente dans 49 pays et a aidé 5,3 millions de personnes. L’OIM s’efforce d’aider les personnes à rester où elles sont si elles le souhaitent, de trouver des solutions pour d’autres qui ont déjà pris la route, poussés par des catastrophes naturelles et des facteurs environnementaux, et de rendre la migration digne, légale et documentée 
			(57) 
			Voir
les conclusions de l’atelier thématique sur «Changement Climatique
et Mobilités Humaines Vers des réponses dignes, coordonnées et durables»,
tenu le 24 mai 2017 au Maroc (<a href='https://environmentalmigration.iom.int/fr/node/1347'>https://environmentalmigration.iom.int/fr/node/1347</a>).. L’OIM appelle les pays à investir dans des mesures préventives et à mettre en œuvre des stratégies de préparation aux catastrophes et de réduction des risques.
73. Des efforts supplémentaires devraient toutefois être consentis pour améliorer la coordination, la médiation et les financements au niveau international afin d’assurer une meilleure protection aux populations déplacées par des facteurs environnementaux. Les objectifs fixés dans les ODD de l’ONU sont loin d’être atteints. Ainsi, concernant l’Objectif 13 
			(58) 
			<a href='https://undocs.org/A/RES/70/1'>https://undocs.org/A/RES/70/1</a>., il a été décidé de «renforcer, dans tous les pays, la résilience et les capacités d’adaptation face aux aléas climatiques et aux catastrophes naturelles liées au climat; d’incorporer des mesures relatives aux changements climatiques dans les politiques, les stratégies et la planification; d’améliorer l’éducation, la sensibilisation et les capacités individuelles et institutionnelles en ce qui concerne l’adaptation aux changements climatiques, l’atténuation de leurs effets et la réduction de leur impact et les systèmes d’alerte rapide». Les initiatives de mise en œuvre de cet objectif devraient faire l’objet d’un suivi régulier afin de garantir les progrès.
74. De plus, les pays ont décidé de «mettre en œuvre l’engagement que les pays développés Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques ont pris de mobiliser ensemble auprès de multiples sources 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 pour répondre aux besoins des pays en développement en ce qui concerne les mesures concrètes d’atténuation et la transparence de leur mise en œuvre et rendre le Fonds vert pour le climat pleinement opérationnel en le dotant des moyens financiers nécessaires» et de «promouvoir des mécanismes de renforcement des capacités afin que les pays les moins avancés et les petits États insulaires en développement se dotent de moyens efficaces de planification et de gestion pour faire face aux changements climatiques, l’accent étant mis, notamment, sur les femmes, les jeunes, la population locale et les groupes marginalisés».

9.4. Exigences en matière d’intervention d’urgence: le cas de la Somalie

75. En amont de la Journée mondiale de l’environnement, célébrée le 5 juin, le HCR a appelé à apporter un soutien supplémentaire d’urgence aux personnes touchées et déplacées par la sécheresse en Somalie. Des précipitations inférieures à la moyenne pendant les saisons des pluies de «Gu» (avril à juin 2019) et de «Deyr» (octobre à décembre 2018) ont aggravé les conditions de sécheresse en de nombreux endroits du pays. Le nombre de personnes exposées à un risque d’insécurité alimentaire d’ici au mois de septembre a été estimé à 5,4 millions. Quelque 2,2 millions d’entre elles seront dans une situation grave et nécessiteront le déploiement immédiat d’une assistance d’urgence, à moins que l’aide apportée ne soit réévaluée dans les plus brefs délais. La sécheresse a déjà contraint plus de 49 000 personnes à fuir leur foyer depuis le début de l’année pour se mettre en quête de nourriture, d’eau, d’aide et de travail, principalement dans des zones urbaines. Les personnes déjà déplacées en raison de conflits et de violences sont également touchées par la sécheresse, parfois de manière disproportionnée. Plus de 7 000 personnes ont été déplacées en avril. Ce dernier épisode de sécheresse survient alors que le pays se remettait tout juste d’une sécheresse qui, de 2016 à 2017, avait débouché sur le déplacement de plus d’un million de personnes à l’intérieur de la Somalie. Le HCR et les partenaires humanitaires redoutent que la rudesse des conditions climatiques combinée à une situation de conflit armé et de déplacements prolongés fasse basculer le pays dans une urgence humanitaire d’une bien plus considérable ampleur. Au total, plus de 2,6 millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur de leur propre pays par des décennies de traumatismes climatiques et de conflits.
76. Pour éviter une crise humanitaire, des organismes d’aide ont déclenché le 20 mai 2019 un plan d’urgence contre la sécheresse, sollicitant des contributions à hauteur de 710,5 millions de dollars américains pour fournir une assistance vitale aux 4,5 millions de personnes touchées par la sécheresse. Un cinquième de cette somme a été versée à ce jour. Le HCR a collaboré avec des partenaires et des services gouvernementaux pour porter secours aux personnes touchées et déplacées par la sécheresse grâce à une assistance d’urgence déployée dans certaines des zones les plus durement frappées. Dans le monde, les aléas climatiques tels que les tempêtes, les cyclones, les inondations, les sécheresses, les incendies de forêt et les glissements de terrain ont déplacé 16,1 millions de personnes en 2018. Comme les changements climatiques amplifient la fréquence et l’intensité des catastrophes soudaines (ouragans, inondations, tornades, par exemple) et contribuent à des phénomènes environnementaux plus graduels (sécheresse et montée du niveau des mers, par exemple), l’on s’attend à ce qu’ils créent davantage de déplacements dans les années à venir. Le HCR appelle à renforcer l’action internationale pour prévenir les catastrophes liées au climat, à intensifier les efforts pour améliorer la résilience et à protéger les populations touchées par le changement climatique en utilisation l’ensemble des cadres juridiques existants.

10. Conclusion

77. La proposition de résolution rappelle que la Convention de Genève de 1951 ne contient aucune disposition sur les réfugiés climatiques et qu'aucun texte international juridiquement contraignant ne régit la situation des personnes contraintes à la migration à la suite de catastrophes naturelles ou de changements environnementaux.
78. D'emblée, aucun accord n'existe sur la reconnaissance des «migrants climatiques» et il n'y a pas de définition consensuelle de ce terme. L'utilisation du terme «réfugié» est controversée, car les facteurs environnementaux sont réputés non discriminants et aucune forme de «persécution» ne caractérise ces situations. Le HCR fait par ailleurs valoir qu'inclure les «réfugiés environnementaux» dans le champ d'application de la Convention de 1951 pourrait affaiblir la protection des réfugiés qui en relèvent. Il existe donc bien un vide juridique dans ce domaine. Il semblerait donc plus judicieux d’utiliser l’expression «personnes déplacées par des phénomènes naturels» au lieu de «réfugiés climatiques».
79. Manifestement, les personnes contraintes de quitter leur foyer en raison de changements climatiques ou de catastrophes environnementales ne peuvent pas être considérées comme des réfugiés politiques ou des migrants économiques, et l'on peut légitimement douter que les dispositifs universels de garantie des droits de l'homme puissent pleinement leur garantir protection et assistance dans la situation extrême que représente la perte (dans la plupart des cas définitive) du lieu de vie. Nous devons anticiper ce qui risque de ne plus être maîtrisé demain.
80. Depuis l’affirmation des Principes directeurs relatifs aux PDI avec la Convention de Kampala, la doctrine, les organisations intergouvernementales et les organisations non gouvernementales ont présenté de nombreux projets et propositions afin que des garanties complémentaires plus opérationnelles soient intégrées dans le droit interne et la pratique des États.
81. Suivant cette logique de propositions, un élargissement de la définition des PDI à tous les déplacés environnementaux et même un saut qualitatif vers une reconnaissance en droit international positif pourrait être envisagé. En tout état de cause, l’élargissement de la définition des PDI aurait l’avantage d’offrir une protection à toutes les personnes déplacées internes quel que soit le motif de déplacement et surmonterait la difficulté d’une définition non consensuelle des réfugiés climatiques ou environnementaux.
82. Le manque de cadre juridique pour les «réfugiés climatiques», et l'hésitation des organisations internationales et des gouvernements nationaux à entreprendre une action concrète pour en créer un, n'empêchent pas la prise de conscience, dans le public européen, du sort des personnes concernées à travers le monde, et on constate une mobilisation grandissante des acteurs de la société civile pour obtenir que les «migrants climatiques» bénéficient d'une protection juridique et humanitaire spécifique, qu'ils soient déplacés à l'intérieur de leur propre pays ou contraints à traverser ses frontières. En France, des initiatives parlementaires voient le jour à ce sujet et je ne doute pas que ce soit le cas dans d'autres États membres.