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Résolution 2310 (2019)
L’émigration de travail en Europe de l’Est et son impact sur l’évolution sociodémographique dans ces pays
1. La migration de travail des pays
d’Europe orientale vers l’Union européenne et d’autres pays d’Europe est
un phénomène complexe, avec des conséquences positives et négatives
pour les pays d’origine. Les effets positifs comprennent la réduction
du chômage et des tensions sociales qui en résultent; les afflux
constants provenant d’envois de fonds qui, au niveau individuel,
augmentent le niveau de vie des familles au pays et, au niveau national,
améliorent l’équilibre commercial des pays d’origine; les investissements
possibles dans des entreprises communes; et la promotion de la culture
de ces pays à l’étranger.
2. Des conséquences négatives existent également, qui ne peuvent
être ignorées. Certains pays connaissent une fuite des cerveaux,
une baisse démographique ou un manque de contributions aux fonds sociaux,
ce qui pourrait devenir problématique à long terme. Les pays d’origine
sont parfois confrontés à de graves problèmes sociaux dans les familles
et les communautés locales. La situation des enfants laissés au pays
par les parents qui émigrent afin de travailler est particulièrement
préoccupante.
3. L’Assemblée parlementaire appelle à une action concertée des
pays d’origine et des pays d’accueil afin d’atténuer les conséquences
négatives pour les pays d’origine de la migration de travail, tout
en faisant le nécessaire afin de préserver les aspects positifs.
4. L’Assemblée invite les parlements nationaux à régulièrement
faire le point sur la mise en œuvre de la Charte sociale européenne
(révisée) (STE n° 163) en donnant spécifiquement la priorité dans
ce contexte à toutes les dispositions de l’article 19 de la Charte
révisée; elle invite les pays qui ne l’auraient pas encore fait à
ratifier la Charte révisée.
5. Concernant les pays d’origine, l’Assemblée:
5.1. invite les parlements nationaux
à régulièrement faire le point sur la question des migrations de travail
dans les États membres et à atténuer les conséquences négatives
de celles-ci, notamment par la création d’emplois dans des secteurs
où les travailleurs migrants sont employés à l’étranger, par la lutte
contre les mauvaises pratiques de gestion et la corruption, par
l’introduction de réformes législatives encourageant le retour des
travailleurs qualifiés et par la prévention de la traite des êtres humains
et du trafic de migrants, en particulier de femmes;
5.2. appelle les autorités des pays d’origine à prendre d’urgence
des mesures d’aide aux populations vulnérables, surtout les familles
affectées par le départ du principal pourvoyeur de soins de la famille, en
particulier s’il s’agit de la mère, pour éviter les crises dans
la famille, l’affaiblissement des liens entre parents et enfants,
et les risques d’une séparation durable qui pourrait couper les
enfants de leurs parents et, à long terme, nuire à leur équilibre
psychosocial;
5.3. appelle à une amélioration des systèmes d’aide et d’assistance
sociale afin de prévenir l’abandon et la négligence à l’égard des
enfants laissés au pays par les parents travaillant à l’étranger,
et d’y remédier, car cela nuit à leur développement. Des mesures
spécifiques devraient être également prises pour accompagner ces
enfants dans la transition vers l’âge adulte. Des dispositifs du
type «SOS familles», accueillant des enfants jusqu’au moment où
ils peuvent retrouver leurs parents, devraient être soutenus. Toutes
les mesures prises doivent respecter l’intérêt supérieur de l’enfant;
5.4. appelle à prendre des mesures pour prévenir le décrochage
scolaire ou le risque d’abaissement du niveau d’éducation des enfants
laissés au pays parce que les parents travaillent à l’étranger.
Des mesures spécifiques de soutien psychologique et de conseil devraient
être mises en place dans ce contexte, selon les besoins;
5.5. encourage les pouvoirs publics à instaurer des dispositifs
d’assistance destinés aux candidats à l’émigration, comportant des
informations claires sur les perspectives et les dangers liés à
une émigration pour le travail, y compris dans le cadre de campagnes
de sensibilisation du public. Des canaux de communication devraient
être instaurés, y compris dans les campagnes, pour informer les travailleurs
migrants de toute nouvelle opportunité dans leur pays d’origine;
5.6. propose que les gouvernements adoptent des mesures facilitant
le retour et la réinstallation des travailleurs migrants dans leur
pays d’origine, avec une reconnaissance et une validation de l’expérience professionnelle
acquise à l’étranger;
5.7. encourage les États membres à envisager d’autres mesures
spécifiques et bonnes pratiques telles que: des correspondants locaux
pour les migrations pour faire le lien entre les diasporas et leurs communautés
d’origine; des bases de données permettant de cartographier l’impact
des migrations et d’identifier les opportunités d’investissement;
la consultation des migrants sur les priorités locales et l’intégration
de leurs suggestions dans les plans de développement; la mise en
place d’«associations de villes natales» réunissant des gouvernements
locaux, des populations locales, des migrants internes et la diaspora
pour collaborer autour d’initiatives de développement local et renforcer,
au cours du processus, la transparence et la confiance entre les
diasporas et les gouvernements locaux.
6. Comme la plupart des pays d’origine ne sont pas membres de
l’Union européenne, l’Assemblée appelle les institutions de l’Union
européenne à garder à l’esprit les conséquences à la fois positives
et négatives des migrations de travail quand elles élaborent leurs
politiques de mobilité des travailleurs. Elle invite les institutions de
l’Union européenne à inclure des mesures spécifiques dans leurs
programmes de coopération et dans leurs plans d’action à l’attention
des États membres du Conseil de l'Europe non membres de l’Union
européenne dont proviennent les travailleurs migrants de l’Union
européenne.
7. En ce qui concerne les pays d’accueil, l’Assemblée appelle:
7.1. à intensifier les efforts de
lutte contre l’immigration clandestine de travailleurs qui peut,
dans les cas extrêmes, engendrer diverses formes d’esclavage moderne
et de traite, comme l’a révélé le Groupe d’experts sur la lutte
contre la traite des êtres humains (GRETA) du Conseil de l’Europe;
7.2. à intensifier les efforts d’intégration des pouvoirs publics
à l’égard des travailleurs migrants afin d’améliorer les retombées
positives des migrations pour l’emploi et de promouvoir la diversité
et le vivre ensemble, en veillant à ce que ces processus deviennent
évidents et s’ancrent naturellement dans le fonctionnement quotidien
des sociétés européennes;
7.3. à améliorer l’intégration sociale des travailleurs migrants
par des mesures spécifiques élaborées à leur intention, disponibles
dans les langues des pays d’origine et publiées par divers moyens, y compris
via les organisations des diasporas et les réseaux sociaux;
7.4. à améliorer les cadres de reconnaissance des qualifications
des ressortissants de pays tiers et les procédures connexes de promotion
de l’insertion professionnelle;
7.5. à prévoir d’étendre les régimes nationaux de pension de
retraite aux travailleurs migrants temporaires et à garantir la
préservation des droits qu’ils acquièrent par leur travail.
8. L’Assemblée appelle les États membres de l’Union européenne:
8.1. à constituer des bases de données
à l’échelle de l’Union européenne pour faire correspondre l’offre
et la demande en matière d’emploi, qui soient compatibles avec les
voies migratoires et les programmes sur les migrations de main-d'œuvre;
8.2. à augmenter les possibilités de mobilité intracommunautaire
en réduisant les obstacles, comme les conditions de revenus, pour
les travailleurs saisonniers, les étudiants diplômés et les autres ressortissants
de pays tiers légalement présents sur leur territoire;
8.3. à harmoniser les procédures administratives et la portabilité
des droits de travail et de séjour, en veillant à une certaine normalisation
des procédures de vérification et des formulaires de demande pour les
travailleurs migrants, par exemple.
9. Les pays d’accueil devraient également offrir aux réfugiés
un accès aux régimes plus favorables de migration de travail. L’Assemblée
appelle à faire un plus large usage des initiatives du Conseil de
l'Europe pour la reconnaissance des qualifications des réfugiés
et, en particulier, du Passeport européen des qualifications des
réfugiés.
10. Enfin, l’Assemblée, rappelant sa Résolution 2175 (2017) et sa Recommandation 2109 (2017) sur
«Les migrations: une chance à saisir pour le développement européen»,
invite les parlements nationaux à faire le point sur la mise en
œuvre des recommandations qu’elle y énonce. Elle renouvelle son
invitation à intensifier la coopération entre le Conseil de l'Europe,
l’Organisation internationale pour les migrations, l’Organisation internationale
du travail, l’Organisation de coopération et de développement économiques
et l’Union européenne afin de promouvoir une image positive des
migrants en Europe en élaborant des activités communes dans les
domaines du développement humain, économique et social.