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Résolution 2314 (2019)
L'éducation aux médias dans le nouvel environnement médiatique
1. L’Assemblée parlementaire note
que la numérisation, la mobilité et la communication en ligne ont apporté
des avantages incontestables au public, qui peut aujourd'hui bénéficier
d'un large éventail de sources d'information et d'un accès sans
précédent aux informations, qu’elles soient culturelles, historiques,
politiques, économiques ou techniques. En outre, la facilité d’accès
aux plateformes numériques favorise une démocratie participative,
transparente et efficace.
2. Dans le même temps, à l'ère numérique, on voit s’intensifier
les menaces qui pèsent sur les droits fondamentaux, la démocratie
et l'État de droit. Des segments importants du public, en particulier
des jeunes, se tournent vers les médias sociaux comme principale
source d'information, mais ils sont vulnérables au désordre informationnel.
Le discours de haine et l'incitation à la violence entravent la
paix sociale. La désinformation et la propagande peuvent avoir des
influences non seulement sur les élections et les référendums, mais
aussi sur la vie quotidienne; elles ont des incidences négatives
sur l'engagement politique des citoyens et sur leur confiance dans
les médias traditionnels.
3. Les personnes ont le droit d'être correctement informées afin
de pouvoir faire des choix éclairés, et les États membres doivent
protéger ce droit. Dans ce contexte, l'éducation aux médias est
un outil clé pour renforcer le pluralisme des médias et la qualité
des contenus médiatiques, ce qui est essentiel pour la préservation
de nos sociétés démocratiques.
4. Il faut agir pour sensibiliser les membres de la société,
les jeunes en particulier, aux défis et aux risques inhérents au
nouvel environnement médiatique pour accroître leur capacité à distinguer
l'information de l'opinion et les faits objectifs de la propagande
ou des fausses nouvelles; pour attirer leur attention sur la manipulation,
la désinformation ou le discours de haine possibles; et pour les
protéger contre l'endoctrinement et la radicalisation. Il est également
nécessaire d’améliorer la formation des journalistes: la responsabilité
et l'éthique professionnelle devraient être des priorités pour les
journalistes dans leur travail, car ce sont des conditions préalables
à la confiance des personnes dans les médias et dans un journalisme
de qualité.
5. L'éducation aux médias devrait s'adresser à tous les membres
du public. Elle devrait être dispensée dès l'école et se poursuivre
dans le cadre d'un processus d'apprentissage tout au long de la
vie pour permettre aux individus d'exploiter le potentiel qu’offrent
les médias dans l'accès à la culture, au divertissement, à l'apprentissage
et au dialogue interculturel; pour les aider à développer une approche
critique des médias en termes de qualité et de précision du contenu;
pour renforcer leurs compétences et leurs connaissances numériques
des outils de protection existants; et pour améliorer leur comportement
en ligne.
6. Bien que, dans plusieurs États membres, l'éducation aux médias
fasse partie du programme scolaire, la façon dont elle s'y intègre
précisément n’apparaît pas toujours clairement. Il arrive souvent
que la méthodologie et les objectifs poursuivis ne soient pas cohérents.
Les besoins en éducation aux médias évoluent rapidement, parfois
plus vite que le temps nécessaire pour élaborer et dispenser les
programmes d'éducation aux médias en classe. Les enseignants ont
besoin de plus de soutien et de formation, car leur formation initiale
et continue en matière d’éducation aux médias n'est pas toujours
assurée et pas toujours actualisée.
7. Par ailleurs, la promotion de l'éducation aux médias n'est
pas une tâche qui doit incomber uniquement au système éducatif et
aux enseignants, ou encore aux médias eux-mêmes. Les politiques
des États ne devraient pas se limiter au secteur de l’éducation,
mais adopter une approche intersectorielle et multi-acteurs, en
cherchant à impliquer d'autres parties prenantes susceptibles de
jouer un rôle important, comme les autorités de régulation des médias
et les médias sociaux. Toutes les parties prenantes concernées par
le processus d'éducation aux médias – institutions publiques, ministères,
écoles, universités, médias (médias de service public en particulier),
autorités de régulation des médias, société civile, initiatives
privées, intermédiaires d’internet – doivent renforcer la coordination
de leurs stratégies et de leurs actions, et s’engager dans une collaboration
multipartite. Toutefois, l'efficacité de la coordination est entravée
par le manque d'informations complètes et actualisées, et de vue
d’ensemble sur les politiques et les meilleures pratiques des États
membres en la matière, et par l'absence de plateformes qui pourraient
faciliter la coopération intersectorielle au niveau national.
8. À un financement généralement «hétérogène», qui manque souvent
de transparence, s’ajoute une interaction complexe des différents
types de financement. Parfois, la responsabilité globale de l'ensemble
du processus n’incombe à aucune entité ou personne précise; cela
peut rendre difficile l'obtention d'un financement à long terme
pour les projets d'éducation aux médias et à l'information, et empêcher
de déterminer quel secteur ou quelle organisation devrait en assurer
le leadership. Les initiatives de financement des géants de la technologie
sont les bienvenues, mais celles-ci sont entièrement volontaires
et aléatoires. L’objet de ces initiatives, la sélection des candidats,
et les montants, la fréquence ainsi que les conditions régissant
le financement accordé sont décidés en fonction des intérêts de
ces entreprises. Ces initiatives devraient être complémentaires
des systèmes structurés et des mécanismes de financement non commerciaux,
plutôt que de s'y substituer. En l'absence de ressources adéquates,
l'éducation aux médias restera subordonnée à des initiatives privées
et spontanées, alors que des solutions pérennes sont nécessaires.
9. Dans ce contexte, l'Assemblée rappelle aux États membres la
Recommandation CM/Rec(2018)1 du Comité des Ministres sur le pluralisme
des médias et la transparence de leur propriété, la Recommandation CM/Rec(2018)2
sur les rôles et les responsabilités des intermédiaires d’internet,
et la Recommandation CM/Rec(2018)7 sur les Lignes directrices relatives
au respect, à la protection et à la réalisation des droits de l’enfant
dans l’environnement numérique. S'appuyant sur les lignes directrices
qui y sont énoncées, l'Assemblée recommande aux États membres:
9.1. d’élaborer une politique nationale
coordonnée d’éducation aux médias et d’assurer sa mise en œuvre
opérationnelle au moyen de plans d’action annuels et pluriannuels,
avec des ressources suffisantes pour atteindre ces objectifs;
9.2. de soutenir la formation d’un réseau national coordonné
d’éducation aux médias intégrant une grande diversité de parties
prenantes, ou de consolider un tel réseau lorsqu’il existe déjà;
9.3. d’échanger et de promouvoir activement, dans les enceintes
internationales pertinentes, les pratiques positives développées
au sein des réseaux nationaux;
9.4. d’encourager les intermédiaires d’internet à soutenir
les stratégies d'éducation aux médias et à l’information;
9.5. d’effectuer, avec les acteurs concernés au niveau national,
une cartographie des pratiques d'éducation aux médias, en veillant
à ce que cela soit répété à intervalles réguliers et promu en conséquence,
et à ce que ses résultats soient disponibles en ligne;
9.6. de promouvoir l'éducation aux médias à tous les niveaux
de l'éducation formelle et de l'éducation continue en intégrant
l'éducation aux médias dans les établissements d’enseignement et
les programmes scolaires;
9.7. d’assurer une formation adéquate des enseignants, notamment
leur formation initiale et continue;
9.8. de soutenir les programmes d'enseignement et de formation
du journalisme par le biais d'un mécanisme de financement adéquat
et indépendant, tout en assurant une répartition équitable de l'aide financière
et en respectant pleinement l'autonomie académique et professionnelle
en matière d'organisation;
9.9. d’introduire dans la mission des médias de service public,
là où ce n'est pas encore le cas, l'obligation de former aux médias,
de lutter contre la fracture numérique, et de garantir la sécurité
des jeunes publics dans l'environnement en ligne; et, dans ce contexte,
d’allouer aux médias de service public les ressources nécessaires
pour développer des projets d'éducation aux médias et les intégrer dans
leurs programmes;
9.10. d’élargir le mandat des autorités de régulation des médias
afin que celles-ci s'impliquent plus activement dans le domaine
de l'éducation aux médias, notamment dans la promotion de l'éducation
aux médias dans le secteur audiovisuel; à cet égard, de veiller
à ce que l'éducation aux médias fasse partie intégrante du mandat
des autorités de régulation des médias, en s'inspirant des lignes
directrices sur les modalités de la mise en place de réseaux d'éducation
aux médias (Guidelines on how to establish
Media Literacy Networks), adoptées en mai 2018 par la
Plateforme européenne des instances de régulation;
9.11. de soutenir les campagnes nationales en faveur de l'éducation
aux médias en tant que levier additionnel pour sensibiliser l'opinion
à l'importance de cette question, et de renforcer la coopération entre
les différentes parties prenantes.
10. L’Assemblée invite les organisations des médias de service
public:
10.1. à suivre les lignes
directrices sur l'éducation aux médias élaborées par l'Union européenne
de radio-télévision, notamment dans son rapport de 2018, et à s'inspirer
de nombreux exemples concernant des initiatives d'éducation aux
médias;
10.2. à élaborer des projets d'éducation aux médias individuellement
et en coopération avec d'autres parties prenantes telles que des
médias communautaires ou privés, des journaux, la société civile,
des intermédiaires d’internet et, dans ce contexte, à partager les
meilleures pratiques avec les institutions partenaires nationales
et européennes;
10.3. à fournir des contenus éducatifs spécialisés destinés
aux enfants et aux adolescents, en utilisant également de nouvelles
techniques adaptées aux comportements du jeune public afin de développer avec
eux une approche critique de l'information et des médias en général,
à dispenser des conseils et des astuces sur la sécurité numérique
et le comportement éthique en ligne, en faisant appel à de jeunes présentateurs
pour expliquer comment distinguer les opinions et les faits, comment
repérer la désinformation, la manipulation et la propagande; et
comment vérifier les sources, afin de permettre aux jeunes d'agir
de façon responsable à la fois comme consommateurs et comme créateurs
de contenus dans l'espace numérique;
10.4. à développer des services d’information vidéo en ligne
pouvant être utilisés sur des appareils mobiles, en privilégiant
des formats qui ciblent et séduisent des publics spécifiques, notamment
les jeunes;
10.5. à mettre au point des programmes ciblés proposant des
conseils aux enseignants sur la manière de produire, d'interpréter
ou de décoder les contenus;
10.6. à dispenser une formation interne aux journalistes et
autres professionnels des médias sur divers sujets, y compris les
aspects éthiques et la qualité du journalisme.
11. L’Assemblée invite l’Union européenne de radio-télévision:
11.1. à continuer à promouvoir ses
lignes directrices en matière d'éducation aux médias et à l'information,
et à encourager les médias de service public européens à les appliquer
pleinement, en gardant à l'esprit leur rôle particulier vis-à-vis
de publics de tous âges et de toutes catégories sociales;
11.2. à développer davantage, entre ses membres, les initiatives
collaboratives d’éducation aux médias, en recherchant des synergies
avec d’autres partenaires d’information de qualité;
11.3. à mettre à la disposition de ses membres des stratégies
pointues en matière d'éducation aux médias et à l'information dans
leurs projets, et à encourager une coopération active entre eux;
11.4. à organiser des ateliers et des formations systématiques
pour ses membres sur l’éducation aux médias, et à encourager l’échange
de bonnes pratiques dans le domaine;
11.5. à participer activement et à contribuer à des études ciblées
portant sur l’éducation aux médias et à l’information.
12. L’Assemblée appelle l’Association des télévisions commerciales
européennes:
12.1. à encourager ses
membres à prendre en compte l’importance cruciale de l’éducation
aux médias et à développer des programmes spécialisés destinés en
particulier au jeune public;
12.2. à développer dans ce domaine la coopération avec les médias
de service public et d’autres types de médias, et à procéder à des
échanges de bonnes pratiques qui peuvent être fructueux et utiles.
13. L’Assemblée invite les professionnels et les organismes du
secteur des médias:
13.1. à prendre
en considération les défis complexes auxquels sont aujourd'hui confrontés
les journalistes et les autres professionnels des médias dans l'écosystème
multimédia, et à développer une formation professionnelle centrée
sur les aspects juridiques, numériques, éthiques, de vérification
des faits, de sécurité et autres, organisée soit par les organisations
de médias elles-mêmes, soit par les syndicats de journalistes ou
d'autres organisations partenaires;
13.2. à veiller à ce qu'une formation professionnelle organisée
par des écoles de journalisme ou dispensée par des universités dans
le cadre de programmes spécialisés soit proposée en permanence aux
journalistes;
13.3. à coordonner les efforts entre les principales organisations
de journalistes, telles que la Fédération européenne des journalistes,
l'Association européenne de formation au journalisme, le Réseau
pour un journalisme éthique, le Centre européen du journalisme et
le Réseau mondial des rédacteurs en chef, afin de permettre aux
membres de collaborer aux échanges et aux projets d'enseignement
et de recherche dans le domaine de la formation journalistique,
et d'élaborer un aperçu clair, précis, détaillé et actualisé des
programmes d’éducation et de formation au journalisme aux niveaux
national et européen.
14. L’Assemblée invite les intermédiaires d’internet:
14.1. à coopérer activement avec les
entités publiques, sociales et privées pour promouvoir et soutenir l'éducation
aux médias, notamment pour lutter contre la désinformation, le discours
de haine – y compris le discours de haine sexiste visant les femmes
– et les comportements inappropriés en ligne;
14.2. à soutenir le développement de programmes et d'outils
appropriés dans le domaine de l'éducation aux médias et à l'information,
en particulier, d'outils spécifiques à utiliser dans le processus d'éducation
aux médias dans les écoles et dans le cadre de la formation des
journalistes;
14.3. à accroître davantage le soutien aux réseaux indépendants
de vérificateurs des faits et aux outils visant à encourager un
journalisme de qualité.