1. Introduction
1. Les enfants font partie des
catégories de migrants et de demandeurs d’asile les plus vulnérables.
Ils ont donc particulièrement besoin d’être protégés contre la violence,
les abus sexuels, la traite d’êtres humains et l’exploitation. Lorsqu’Europol
a annoncé en 2016 qu’environ 10 000 enfants migrants enregistrés
avaient disparu en Europe
, leur protection a été inscrite
au rang des grandes priorités politiques. Cependant, les mesures
visant à protéger les enfants réfugiés et les enfants migrants demeurent
insuffisantes. Selon les estimations, un enfant disparaît toutes
les deux minutes en Europe
, tandis que chaque jour, dans le
monde, un enfant migrant enregistré disparaît ou trouve la mort
.
2. Face à cette réalité, j’ai décidé, en 2017, de déposer une
proposition de résolution sur les disparitions d’enfants réfugiés
ou migrants en Europe (
Doc.
14417). Une fois désignée rapporteure sur ce sujet, j’ai adressé
un questionnaire au Centre européen de recherche et de documentation
parlementaires (CERDP - requête n°4067) afin d’obtenir des informations
complémentaires sur les mesures prises dans les pays européens.
Je suis très reconnaissante des réponses apportées à cette requête,
lesquelles sont synthétisées dans le document AS/Mig/Inf(2019)12
et prises en compte dans le présent rapport. Le grand nombre de réponses
montre que les parlements nationaux prennent ce sujet au sérieux.
Les conclusions du rapport font état de ce constat encourageant.
3. Je sais aussi gré aux contacts du CERDP d’États non membres
d’avoir répondu au questionnaire. En Europe, la quasi-totalité des
réfugiés et des migrants vient de pays non européens. Le drame des
réfugiés et migrants disparus revêt donc une dimension mondiale
. C’est pourquoi il est utile et
nécessaire de coopérer avec les pays non européens et d’échanger
avec eux des expériences et des informations, d’autant plus que les
enfants réfugiés ou migrants disparaissent souvent lorsqu’ils passent
d’un pays à l’autre.
4. Partant de mon expérience de ce fléau dans mon propre pays,
j’ai décrit la situation en Turquie dans le document AS/Mig/Inf(2019)11.
Avant d’entamer la rédaction du présent rapport et dans le cadre
d’un rapport de la commission consacré à l’intégration, l’autonomisation
et la protection des enfants migrants par la scolarité obligatoire
(
Doc. 14524), la commission a tenu, en décembre 2017, sur ma proposition,
une audition d’experts venus de Turquie consacrée aux structures
éducatives de ce pays destinées aux enfants réfugiés en âge de fréquenter
une école primaire. Dans un contexte analogue, j’ai également eu
l’occasion en mars 2018 d’exposer à la commission la situation des
réfugiés rohingyas au Myanmar. J’espère que d’autres membres auront
à cœur d’analyser et de décrire la situation régnant dans leurs
pays respectifs, de manière à élaborer des politiques et des actions
plus adéquates afin de protéger les enfants réfugiés ou migrants,
et de réduire le nombre alarmant des disparitions.
2. Les différentes catégories d’enfants
réfugiés ou migrants disparus
5. Aux fins du présent rapport,
on considère qu’un enfant a disparu lorsque ses parents ou tuteurs,
les autorités scolaires ou ses employeurs – ainsi que les services
administratifs chargés de procéder à son enregistrement ou de le
surveiller – ignorent où il se trouve. Lorsqu’un enfant disparaît,
il y a de fortes chances que ses droits soient menacés ou bafoués.
En notre qualité de parlementaires nationaux, nous ne pouvons pas
rester indifférents à une telle tragédie humaine, mais nous devons
au contraire prendre des mesures politiques positives dans nos circonscriptions
et dans nos pays, et nous employer à développer des synergies au
niveau européen.
6. Les enfants réfugiés ou migrants disparus ne forment pas un
groupe homogène. Diverses raisons et vulnérabilités peuvent expliquer
leur disparition. Il est donc très difficile d’analyser ce phénomène
et de tirer des conclusions susceptibles de conduire à des initiatives
politiques et juridiques concrètes permettant d’empêcher que des
enfants réfugiés ou migrants disparaissent. Des mesures différentes
ou multiples seront nécessaires selon les circonstances. Dans mon
rapport, je m’emploie à faire ressortir les principales caractéristiques
qui ont conduit à la disparition d’enfants réfugiés ou migrants.
2.1. Catégories
d’âge
7. En son article premier, la
Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant dispose
que le terme enfant « s’entend de tout être humain âgé de moins
de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu
de la législation qui lui est applicable ». De façon générale, tous
les États membres appliquent cette définition dans le cas des réfugiés
et des migrants. Ceci étant, la Convention des Nations Unies reconnaît
aussi que les enfants de moins de dix-huit ans ont besoin d’une
protection différente selon leur âge, leur degré de maturité et
leurs capacités.
8. L’article 5 de cette convention stipule, par exemple, que
« les États parties respectent la responsabilité, les droits et
les devoirs qu’ont les parents […] de donner à l’enfant, d’une manière
qui corresponde au développement de ses capacités, l’orientation
et les conseils appropriés à l’exercice des droits que lui reconnaît
la présente Convention ». Si les responsabilités, les droits et
les devoirs des parents de donner à l’enfant l’orientation et les
conseils appropriés à l’exercice de ses droits dépend du « développement
de ses capacités », lorsqu’un enfant est seul, les États membres
doivent procurer ce soutien aux enfants réfugiés ou migrants, d’une
manière adaptée à leur âge. Cela s’applique aux situations comportant
un risque de disparition de l’enfant, ainsi qu’à celles où l’enfant
a été retrouvé et placé sous une protection.
9. De même, l’article 12 (1) de la Convention des Nations Unies
relative aux droits de l’enfant exige que « [l]es États parties
garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit
d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant,
les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu
égard à son âge et à son degré de maturité ». Par conséquent, les
Etats membres doivent différencier les actions prises à l’égard
des enfants réfugiés et migrants, et les procédures et actions pour
prévenir la disparition d’enfants réfugiés ou migrants devraient
tenir compte des motivations et risques spécifiques à leur âge.
Les services travaillant avec les enfants réfugiés ou migrants disparus
et retrouvés, devraient prévoir une formation de leur personnel,
à destination d’enfants de tous âges et de tous niveaux de compréhension
et d’expression.
10. Il faut veiller à fournir une protection et un soutien adaptés
à l’âge et aux capacités des enfants réfugiés ou migrants, ainsi
qu’à leur sexe, notamment en protégeant les filles contre le risque
de violences sexistes et d’abus sexuels.
2.2. Mineurs
accompagnés et mineurs non accompagnés
11. En règle générale, lorsqu’un
mineur accompagné disparaît, sa famille, à moins de s’être rendue coupable
de maltraitance ou de négligence de l’intéressé, contacte la police.
Sur ce plan, les mineurs non accompagnés sont plus vulnérables,
car leur disparition risque de passer inaperçue s’ils n’ont pas
été pris en charge par des structures formelles ou en l’absence
de mécanismes de signalement à la police par leur tuteur ou toute
autre personne responsable. Parmi les enfants réfugiés ou migrants,
il est donc important d’établir une distinction entre ceux qui sont
accompagnés et pris en charge, et ceux qui ne le sont pas.
12. L’obligation pour un État de garantir les droits de toutes
les personnes se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction
implique, d’une part, le respect des droits des familles en cas
de décès ou de disparition d’un enfant et, d’autre part, la protection
de leurs droits dans le pays où ils vivent. Les droits les plus pertinents
pour les familles en ce qui concerne les enfants disparus (y compris
en cas de décès) incluent le droit de participer à une enquête,
le droit de savoir si leur enfant est décédé, le droit à la vie
familiale et privée (y compris en ce qui concerne l’inhumation),
le droit des enfants à une protection spéciale, la protection contre les
traitements inhumains ou dégradants et le droit à réparation. Ces
droits devraient s’appliquer également, bien entendu, dans le contexte
de la migration et des personnes migrantes.
13. Le nombre d’enfants réfugiés ou migrants en Europe est très
élevé. En 2017, le Département des affaires économiques et sociales
des Nations Unies a dénombré 1 404 194 enfants réfugiés ou migrants
en Turquie, 894 851 au Royaume-Uni, 797 981 en Fédération de Russie,
777 919 en Allemagne, 717 632 en France, 648 374 en Espagne et 603 806
en Italie
.
14. En analysant les nouvelles demandes d’asile déposées dans
l’Union européenne entre janvier et décembre 2018, l’UNICEF a évalué
à
191 360 le nombre d’enfants demandeurs, dont 20 325 mineurs non accompagnés
ou séparés. La plupart avaient déposé leur demande en Allemagne
(78 270 demandes présentées par des enfants), en France (24 145)
et en Grèce (21 770). Cela dit, les mineurs ne demandent pas tous
l’asile, car certains pays leur accordent la protection subsidiaire
ou humanitaire et ont pour règle de ne pas renvoyer les mineurs
non accompagnés dans leur pays d’origine
.
15. Les mineurs non accompagnés représentent un pourcentage élevé
des enfants réfugiés ou migrants en Europe. En 2018, ils représentaient
83 % des enfants arrivés en Italie, 81 % en Espagne et 14 % en Grèce
. Lors d’une réunion de la commission
en avril 2019, Mme Paula Hoffmeyer-Zlotnik
a présenté et actualisé son étude du Réseau européen des migrations
sur les mineurs non accompagnés bénéficiant d’une protection internationale
en Allemagne. Cette étude montrait que 90 % des mineurs non accompagnés
ayant demandé l’asile étaient de sexe masculin, avaient 16 ou 17
ans, et venaient pour l’essentiel d’Afghanistan, de Somalie et de
Guinée
.
2.3. Disparitions
volontaires et involontaires
16. Faute de véritables données
statistiques dans ce domaine, il est difficile de mesurer l’ampleur
du phénomène. Dans le cadre de l’élaboration du rapport sur les
«Politiques et pratiques en matière de renvoi dans les États membres
du Conseil de l’Europe» (
Doc.
14909), mon collègue M. Domagoj Hajduković a signalé en mars
2019 à la commission que 3 500 demandes d’asiles sur les 5 900 demandes
déposées depuis 2014 en Croatie avaient été annulées en raison de
la disparition des demandeurs ; autrement dit, plus des deux tiers
des demandeurs étaient manquants et avaient probablement migré vers
d’autres pays de l’Union européenne.
17. Dans ces derniers cas de disparition, un enfant ne contactera
l’aide d’urgence ou les permanences téléphoniques que si son acte
volontaire devient, avec le temps, un acte involontaire. En pareil
cas, les informations et la sensibilisation peuvent être aussi primordiales
que le sont les mesures de protection applicables aux victimes de
la traite. Le travail préparatoire à la
Résolution 2280 (2019) sur la situation des migrants et des réfugiés dans les
îles grecques mené par Mme Petra De Sutter
a révélé sans détour les stratégies
brutales utilisées pour exploiter les migrants, y compris les enfants,
dans le centre d’accueil et d’identification de Moria sur l’île
de Lesbos
.
18. Tenant compte de l’intérêt supérieur de l’enfant dans les
cas de disparition volontaire ou involontaire, une attention particulière
doit être portée au fait que toute mesure prise pour la sécurité
des enfants tient compte de leur état psychologique, et que le système
de protection de l’État en faveur des enfants disparu est activé.
19. Par conséquent, les mesures de protection des enfants contre
les disparitions doivent tenir compte du fait que certains d’entre
eux décident volontairement de disparaître ou contribuent volontairement
à leur disparition en ne donnant plus signe de vie à leur famille
d’accueil, à leur tuteur, à leur école, à leur employeur, ou à tout
autre cadre d’accueil établi. Une disparition volontaire peut rapidement
devenir involontaire lorsque l’enfant est exploité ou maltraité.
2.4. Mineurs
enregistrés et mineurs sans papiers
20. Les migrants sans papiers ou
clandestins sont extrêmement vulnérables, car ils vivent en dehors
de la loi et ne peuvent donc pas profiter de la protection érigée
par celle-ci. Selon les estimations du projet de recherche CLANDESTINO
financé entre 2007 et 2009 par l’Union européenne, le nombre de
résidents étrangers en situation irrégulière dans l’Union européenne
en 2008 était compris entre 1,9 et 3,8 millions
. L’afflux massif de migrants et
de réfugiés en 2015 et 2016 s’est très probablement traduit par
une augmentation du nombre de mineurs sans papiers en Europe.
21. En septembre 2018, la commission a auditionné Mme Agnès
Callamard, rapporteure spéciale du Conseil des droits de l’homme
des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires
ou arbitraires. Celle-ci a expliqué à la commission que les statistiques
sur les décès de migrants ne reflétaient que le sommet de l’iceberg.
Compte tenu des dangers auxquels les migrants sont exposés dans
la plupart des pays de transit non européens, on peut supposer que
le nombre de migrants qui périssent ou disparaissent avant d’être enregistrés
dans un pays d’Europe est beaucoup plus important. Étant donné que,
souvent, ils ne sont pas enregistrés avant d’avoir rejoint un pays
européen, leur mort ou leur disparition passe inaperçue. C’est une effroyable
tragédie humaine pour les nombreuses victimes et leurs familles,
mais aussi pour notre société humaine dans son ensemble.
22. Selon les estimations récentes effectuées par des journalistes
d’Associated Press à partir des enterrements anonymes et de sources
d’information locales, le nombre de migrants décédés est beaucoup plus
élevé que le chiffre publié par les Nations Unies
. En novembre 2013, le Comité international
de la Croix-Rouge (CICR) a organisé à l’Université de Milan une
conférence sur la gestion et l’identification des défunts non identifiés,
en particulier des migrants décédés. Cette conférence a été suivie
de plusieurs séminaires
. Les recommandations proposées à
cette époque n’ont pas encore eu de retombées mesurables. Il est
à noter que l’Organisation internationale pour les migrations (OIM)
des Nations Unies a publié en 2019 une analyse des meilleures pratiques
en matière d’identification des migrants disparus
.
3. Action
nationale
23. Par l’intermédiaire du CERDP
(voir paragraphe 2 ci-dessus), j’ai posé à des services de recherche parlementaires
nationaux les trois questions suivantes: Combien d’enfants réfugiés
ou migrants sont portés disparus dans votre pays ? Lorsqu’un enfant
réfugié ou migrant disparaît, qui (autorité, centre d’hébergement, école,
employeur, tuteur, famille d’accueil, etc.) est légalement tenu
de signaler sa disparition à la police ? Comment les enfants réfugiés
ou migrants sont-ils enregistrés et identifiés dans votre pays ?
24. Les réponses montrent que la plupart des pays sont en mesure
de fournir des informations chiffrées sur les réfugiés ou migrants
disparus. En outre, certains pays ont mis en place des mesures visant
expressément les enfants. Cela dit, de toute évidence, les États
membres sont loin d’avoir une approche mutuellement coordonnée du
problème et de coopérer efficacement de part et d’autre des frontières
nationales.
25. Si l’action des autorités nationales dépend le plus souvent
de la coopération transfrontière et de l’entraide judiciaire concernant
les réfugiés et les migrants
, il n’en reste pas moins évident
qu’elles doivent d’abord agir à l’intérieur de leurs frontières,
car ce sont elles qui ont la responsabilité première de s’assurer
que les enfants réfugiés ou migrants ne disparaissent pas.
4. Action
internationale
4.1. Nations
Unies
26. S’il n’existe pas d’organe
des Nations Unies traitant expressément des enfants réfugiés ou
migrants disparus, plusieurs institutions spécialisées de cette
organisation mènent néanmoins, plus ou moins directement, des actions
en faveur de ces enfants. La Convention des Nations Unies relative
aux droits de l’enfant impose aux États parties certaines obligations,
et les enfants réfugiés ou migrants bénéficient pleinement des droits
fondamentaux consacrés par cette convention. En général, toute action
nationale concernant un enfant est mesurée à l’aune de son intérêt
supérieur.
27. Le projet sur les migrants disparus (
Missing
Migrants Project) mis en œuvre par l’Organisation internationale
pour les migrations (OIM) recueille des données statistiques sur
les réfugiés et les migrants qui ont disparu ou sont décédés
. Même si ces chiffres ne reflètent
peut-être que le sommet de l’iceberg, ils constituent néanmoins
un indicateur important pour les responsables de l’élaboration des
politiques. Aux fins du présent rapport, il convient de repérer
dans ces données les différentes catégories d’âge ainsi que les vulnérabilités
potentielles telles que le sexe, les handicaps et les problèmes
de santé. À cet égard, la publication de l’OIM
Fatal Journeys Volume 4: Missing Migrant Children présente
un intérêt tout particulier
.
28. Le HCR a publié en 1988 ses Lignes directrices relatives à
la protection et à la prise en charge des enfants réfugiés
(
Guidelines
on Protection of Refugee Children and Care) ; il publie
également, à intervalles réguliers, des données sur les enfants
réfugiés ou migrants en Europe, en collaboration avec l’OIM et l’UNICEF
. En plus de ses travaux d’orientation
et de son action de sensibilisation, l’UNICEF met en œuvre des projets
en faveur des enfants réfugiés syriens, notamment au Moyen-Orient
et en Turquie
.
29. Créé en 1995, le Groupe de travail inter-organisations des
Nations Unies sur les enfants réfugiés séparés de leur famille ou
non accompagnés (IAWG-UASC)
a publié une série
d’outils
et un manuel de terrain
sur les enfants séparés de leur
famille ou non accompagnés, qui fournissent aux parties prenantes internationales
et aux autorités nationales des orientations utiles.
4.2. Interpol
30. Le 6 septembre 2019, M. Cyril
Gout, sous-directeur de la police scientifique et de la gestion
des données policières à Interpol a informé la commission au sujet
des « notices jaunes » d’Interpol, qui alertent la communauté policière
mondiale sur des personnes disparues. Ces notices concernent des
victimes d’enlèvement parental ou criminel ou de disparitions inexpliquées
. Elles sont publiées sur le site
web de l’organisation. Actuellement, 7 207 notices jaunes publiques
sont en circulation
. Cet outil n’est pas réservé aux
migrants et aux réfugiés, mais de toute évidence il constitue une
aide utile à la recherche d’enfants migrants ou réfugiés disparus.
Interpol publie également des notices noires contenant des informations
sur des corps non identifiés, qui peuvent aider à élucider le sort
de personnes disparues. Ce travail est réalisé conformément à la
politique en matière de traitement des données sur les réfugiés
adoptée par l’Assemblée générale d’Interpol en 2017
. Enfin, la base de données sur les
documents de voyage volés ou perdus peut être utile pour identifier
des enfants migrants disparus.
4.3. Union
européenne
31. L’Agence des droits fondamentaux
de l’Union européenne (FRA) a publié un document intitulé « La tutelle
des enfants privés de soins parentaux – Manuel destiné à renforcer
les régimes de tutelle afin qu’ils répondent aux besoins spécifiques
des enfants victimes de la traite des êtres humains »
. L’agence Frontex de l’Union européenne
a publié le document suivant:
VEGA Manuel:
les enfants dans les aéroports. Les enfants vulnérables en déplacement.
Conseils opérationnels à l’intention des garde-frontières . Au sein de l’Union européenne,
les données sur les migrants sont produites par Eurostat
.
32. La FRA fournit également des aperçus mensuels de la situation
des droits fondamentaux (y compris ceux des enfants disparus) des
personnes arrivant dans les États membres particulièrement affectés
par des mouvements migratoires importants ; elle a également émis
des avis sur le respect des droits des enfants dans le contexte
des migrations, et formulé des propositions législatives
.
33. Le problème des enfants migrants non accompagnés disparus
a été identifié comme une priorité dans le plan d’action de l’Union
européenne sur les mineurs non accompagnés (2010-2014)
, lequel s’est soldé par diverses
initiatives législatives (y compris la réforme du paquet Asile de
l’Union européenne) et la mise à disposition de fonds pour soutenir
les organismes européens et autres organisations traitant de cette
question. Depuis 2017, avec le soutien de la Commission européenne
et des autres organismes de l’Union européenne, les États membres
sont encouragés à: a) collecter et échanger des données comparables
pour faciliter la recherche transfrontalière des enfants disparus
et la vérification des liens familiaux ; b) appliquer des approches
adaptées aux enfants et sensibles aux différences de sexe en matière
de collecte des empreintes digitales et de données biométriques ;
c) veiller à ce qu’une personne responsable de la protection de
l’enfance soit présente dès le stade initial de l’identification
et de l’enregistrement et que des agents de protection de l’enfance
soient nommés dans chaque point sensible ; d) instaurer les procédures
et protocoles requis pour signaler systématiquement les incidents
d’enfants non accompagnés venant de disparaître et réagir en conséquence.
34. L’Union européenne a cofinancé et lancé en 2014, avec Missing
Children Europe, le projet SUMMIT (
Safeguarding
Unaccompanied Migrant Minors from going Missing by Identifying Best
Practices and Training Actors on Interagency Cooperation/Protéger
les mineurs migrants non accompagnés de la disparition en identifiant
de bonnes pratiques et en formant les acteurs de la coopération
interinstitutionnelle), dont l’objet est de repérer les bonnes pratiques
mises en place par les États membres pour empêcher les disparitions
. Parmi les productions du projet
SUMMIT, on trouve des lignes directrices pour les professionnels
qui s’occupent d’enfants migrants, ainsi que, par exemple, une publication
intitulée «
Lost in Migration: Working
together to protect children from disappearances, from European
priorities to local realities» (Perdus dans la Migration: travailler
ensemble pour protéger les enfants et éviter leur disparition, des
priorités européennes aux réalités locales)
, qui recense les procédures pertinentes
dans différentes villes européennes, afin d’éviter les disparitions
d’enfants, incluant les procédures d’intégration précoces, un soutien
même après l’âge de 18 ans, l’implication de toute la société etc.
.
35. Grâce au Système d’information Schengen (SIS) de l’Union européenne,
les alertes sur les personnes disparues sont accessibles aux policiers
et aux garde-frontières de tous les pays de l’Union et de l’espace Schengen
participant au système SIS
. L’ONG Amber Alert (pour les enfants
en danger d’enlèvement ou qui risquent de subir des préjudices particulièrement
graves s’ils disparaissent) a recommandé l’intégration d’alertes
préventives dans le système SIS pour les enfants disparus
.
36. Le Parlement européen a abordé la question de la disparition
des enfants migrants dans plusieurs résolutions adoptées en 2014
et 2016
.
Les textes pertinents ont invité à deux reprises la Commission européenne
à veiller à ce que les mineurs non accompagnés ne disparaissent
pas, et à élaborer une stratégie permettant d’arriver à cette fin
et de retrouver les enfants disparus. Les principales questions
orales récurrentes ont porté sur les mesures à prendre pour éviter
que des enfants ne disparaissent du système d’asile, pour améliorer
le signalement des disparitions d’enfants et pour aider les États
membres à intégrer davantage d’enfants de Grèce et d’Italie. En
novembre 2017, la commission des libertés civiles, justice et affaires
intérieures du Parlement européen a voté la mise en place d’alertes
préventives pour les enfants à haut risque de disparition dans le
système SIS.
4.4. Mouvement
de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge
37. Le Comité international de
la Croix-Rouge (CICR) s’emploie depuis de longues années à réunir
des personnes disparues ou séparées de leurs proches. Son action
couvre un large éventail qui va de l’intervention concrète (aider
des enfants réfugiés non accompagnés à retrouver leur famille au
Nigéria
par exemple) aux recommandations
à l’intention des responsables politiques
. En mai 2019, le CICR a contribué
à une séance spéciale du Parlement grec sur les questions humanitaires
et juridiques concernant le sort des migrants disparus
. Grâce aux sociétés et aux mouvements
de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, le CICR peut apporter son
assistance dans de nombreux pays lorsque des enfants réfugiés ou
migrants disparaissent.
38. Le programme
Restoring Family Links (RFL:
Rétablir les liens familiaux) du Croissant-Rouge turc
est organisé par le Mouvement de
la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge international et mis en œuvre
par les organismes nationaux de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge,
en coopération avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).
Sa mission est de rechercher les personnes disparues et de réunir
les familles séparées. Le CICR et les sociétés nationales se réunissent
au sein du Global Family Links Network, qui coordonne les recherches
de personnes disparues, la communication de messages familiaux,
le regroupement familial ainsi que la coopération avec les autorités
et les institutions pertinentes. En Turquie, le Croissant-Rouge
a établi des dispositifs et structures au niveau national en coopération
avec le ministère de l’Intérieur, le ministère de la Défense et
d’autres partenaires qui réglementent et facilitent le travail collectif
et coordonné visant à résoudre les demandes individuelles et les
cas renvoyés par les différents acteurs. Au cours des dernières
années, le RFL a observé une augmentation des situations concernant
des catastrophes naturelles ou d’urgences entraînant des mouvements
massifs de populations et qui ne donnent aucun signe d’amélioration.
4.5. Organisations
non gouvernementales
39. Parmi les organisations non
gouvernementales qui contribuent à la recherche d’enfants disparus, Missing
Children Europe œuvre plus spécifiquement en faveur des enfants
réfugiés ou migrants. Selon la définition qu’en donne cette ONG,
les enfants réfugiés ou migrants disparus sont « des mineurs enregistrés auprès
des autorités nationales qui disparaissent du centre d’accueil qui
leur a été proposé après leur enregistrement »
. Il peut s’agir d’enfants non accompagnés
ou séparés de leur famille, mais aussi d’enfants vivant avec leurs
proches.
40. Sa présidente, Mme Maud De Boer-Buquicchio,
rapporteure spéciale du Conseil des droits de l’homme des Nations
Unies sur la vente et l’exploitation sexuelle d’enfants, y compris
la prostitution d’enfants, la pornographie mettant en scène des
enfants et d’autres matériels pédopornographiques, s’est adressée
à la commission, en juin 2018. Elle a souligné la nécessité de renforcer
la coopération internationale, étant donné que les enfants réfugiés
ou migrants sont particulièrement enclins à traverser les frontières,
y compris au sein de l’Europe. Elle a ajouté qu’il était nécessaire
de prévoir pour ces enfants des lignes d’assistance téléphonique
et des mécanismes de protection faciles d’accès qu’ils pourraient
utiliser en toute confiance, sans craindre d’être exposés à des
risques qu’ils percevraient, notamment en raison de leur statut
au regard de l’immigration. Missing Children Europe a mis en place
19 permanences téléphoniques dans toute l’Europe
.
41. Missing Children Europe a lancé en mai 2017 le projet AMINA
(protéger les enfants migrants partout en Europe). En arabe, « amina »
signifie « celui qui est en sécurité ». Ce projet vise à combler
les lacunes constatées dans la protection, qui sont à l’origine
de la disparition et de l’exploitation des enfants migrants en Europe.
Ce projet fournit aux enfants un accès à l’information sur leurs
droits, et des services auxquels ils peuvent accéder dans différents
pays de l’Union européenne, par exemple à travers MINIILA, une application pour
smartphone développée dans le cadre de ce projet, qui donne aux
enfants migrants ou réfugiés dans l’Union européenne des informations
utiles sur des hébergements, du soutien, et divers autres services
. Le projet comprend 12 organisations
de 7 différents États de l’Union européenne, incluant The Smile
of the Child (Grèce), Missing People (Royaume-Uni), le Centre Français
de Protection de l’Enfance et La Mouette (France), Child Focus et
Médecin du Monde (Belgique et France). Le projet vise à améliorer
les procédures de gestion des cas de disparitions, traites, et exploitation
des mineurs, à la fois aux passages de frontière, et de manière multilatérale
.
42. Child Rescue
est à la fois un projet pilote de
sensibilisation et un projet d’étude qui porte sur deux initiatives,
l’une en Grèce, qui est coordonnée par Smile of the Child, et l’autre
en Belgique, qui est coordonnée par Child Focus. Child Rescue a
lancé, en coopération avec Missing Children Europe et le CICR, une application
et une plateforme gérée par la Croix Rouge, destinées à informer
le public sur les recherches en cours d’enfants disparus
.
43. Suite à une décision de la Commission européenne de février
2007, la ligne d’assistance téléphonique européenne "116 000" pour
les enfants disparus
a été mise en place ; elle fonctionne
par l’intermédiaire d’organisations implantées localement dans 31
pays d’Europe, sous la coordination de Missing Children Europe.
Elle fournit un soutien moral, psychologique, social, juridique
et administratif gratuit et immédiat 24 heures sur 24, 7 jours sur
7. Son champ d’application inclut les enfants disparus non accompagnés
originaires de pays tiers dans certains pays.
44. AMBER Alert Europe est une ONG internationale qui compte 22
membres (dont des organismes ayant vocation à faire respecter la
loi, des ministères et d’autres ONG) dans 16 pays. Son réseau de
police se compose de plus de 35 experts représentant les services
répressifs de 12 pays de l’Union européenne. Bien que créée au départ
pour rechercher tous les enfants disparus, son réseau international
est aussi bien adapté à la recherche spécifique d’enfants migrants
disparus, et ses résultats semblent encourageants
.
45. Dans d’autres régions du monde aussi, des enfants migrants
sont en danger. Citons notamment une publication de l’ONG Save the
Children sur les enfants réfugiés en Asie du Sud-Est
. L’Europe pourrait s’inspirer de
cet exemple, et de bien d’autres.
4.6. Conseil
de l’Europe
46. Deux traités du Conseil de
l’Europe sont particulièrement pertinents dans ce contexte: la Convention
sur la lutte contre la traite des êtres humains de 2005 (STCE n°
197) et la Convention sur la protection des enfants contre l’exploitation
et les abus sexuels de 2007 (STCE n° 201). Ces deux conventions
ont donné lieu à la création de comités intergouvernementaux pour
le suivi des obligations respectives de leurs parties prenantes. La
Direction générale de la démocratie du Conseil de l’Europe apporte
son soutien à ces deux comités conventionnels et met en œuvre divers
projets pour aider les États membres à respecter leurs obligations.
47. En adoptant la
Résolution 2136
(2016) « Harmoniser la protection des mineurs non accompagnés
en Europe », l’Assemblée a notamment exhorté les États membres:
- à assurer la coopération des
polices nationales afin de constituer des bases de données fiables, complètes
et régulièrement mises à jour sur les enfants non accompagnés portés
disparus ; à associer Europol et Frontex aux enquêtes contre les
groupes criminels qui pourraient nuire aux enfants non accompagnés
et les exploiter ;
- à participer pleinement aux efforts pour retrouver les
enfants disparus et à soutenir le développement du Système d’information
Schengen (SIS) ;
- à assurer la protection des enfants contre la traite et
les activités criminelles auxquelles ils sont particulièrement vulnérables,
et à renforcer la coopération avec les pays d’origine et de transit
dans ce domaine ;
- afin de prévenir la disparition d’enfants migrants non
accompagnés, à s’assurer que les responsabilités sont transférées
sans entraves au cours des différentes étapes de la procédure, depuis
l’accueil jusqu’à l’intégration des mineurs migrants, afin de limiter
le risque que les mineurs non accompagnés se « glissent entre les
mailles » des réseaux de protection.
48. Dans le domaine de la protection de l’enfance, l’Assemblée
parlementaire suit activement et soutient l’action du Conseil de
l’Europe. Elle a même été à la source d’initiatives comme la Campagne
parlementaire pour mettre fin à la rétention d’enfants migrants
qui s’est terminée en juin 2019 et qui a contribué à la Campagne
mondiale pour mettre fin à la rétention d’enfants
.
49. De plus, l’Assemblée a traité la question de la migration
clandestine dans sa
Recommandation 1211 (1993) « Migrations clandestines: passeurs et employeurs de
migrants clandestins », qui recommande au Comité des Ministres « d’élaborer
une convention visant à combattre toutes les formes de migration clandestine,
en prévoyant notamment des sanctions pour les passeurs et les employeurs
de migrants clandestins, à la lumière notamment des dispositions
figurant dans la
Résolution 1983/30 du Conseil économique et social des Nations Unies
sur la lutte contre la traite des êtres humains et l’exploitation
de la prostitution d’autrui, et la
Résolution 1991/35 sur la suppression de la traite des êtres humains».
50. En coopération avec l’Agence des droits fondamentaux de l’Union
européenne, le Conseil de l’Europe a publié un Manuel de droit européen
en matière de droits de l’enfant
ainsi qu’un Manuel de droit européen en
matière d’asile, de frontières et d’immigration
.
5. Conclusions
51. L’enregistrement et l’identification
des enfants réfugiés et des enfants migrants; qu’ils soient ou non
en possession de leurs papiers d’identité, sont des conditions nécessaires
pour être en mesure de constater leur disparition et de lancer les
recherches. C’est particulièrement important dans le cas d’enfants
migrants sans abris, qui sont bien plus exposés à l’exploitation
et aux mauvais traitements, que ceux résidant dans des centres d’accueil.
52. L’amélioration des conditions de vie des enfants réfugiés
ou migrants enregistrés contribuera à limiter leur disparition intentionnelle.
Il convient notamment de les placer sous tutelle, de leur offrir
un hébergement, de leur prodiguer les soins nécessaires, de les
scolariser ou de leur proposer un emploi dans des conditions adaptées,
ainsi que de les aider à retrouver les membres de leur famille.
53. Comme la plupart des réfugiés et des migrants, les enfants
ont recours à des passeurs pour atteindre des pays de destination
sûrs, ce qui les expose au crime organisé et aux risques associés.
Les personnes qui font appel à des passeurs doivent trouver les
sommes élevées que ces derniers demandent. Or les enfants disposent
en principe d’un maigre pécule et, comme ils n’ont pas le droit
de travailler, ne peuvent généralement pas gagner de telles sommes,
si ce n’est en travaillant illégalement, en se prostituant ou en
se livrant à des activités criminelles telles que le trafic de stupéfiants.
Les enfants disparus deviennent alors à la fois des criminels et
des victimes. Il semble que ces activités favorisent le statut de
sans-papiers ou de clandestin.
54. L’identification des personnes décédées, y compris des enfants,
sert au moins deux objectifs importants: informer la famille du
défunt, et informer le grand public des risques mortels auxquels
ces personnes s’exposent afin d’éviter que de tels cas se reproduisent.
55. Du fait de l’importance et de l’urgence de ce sujet, les recommandations
politiques qui pourraient venir à l’esprit sont pléthore. Cependant,
le présent rapport privilégiera celles pour lesquelles le Conseil
de l’Europe apporte une valeur ajoutée compte tenu de ses travaux
existants. De plus, il conviendrait de renforcer la dimension parlementaire
des actions concernées pour qu’elles aient un effet plus important
aux niveaux national et européen. Compte tenu de l’importance et
de l’urgence de la situation, le problème des enfants réfugiés ou
migrants disparus devrait faire l’objet d’une campagne parlementaire.
56. Il existe une foultitude d’actions et de projets qui contribuent
à protéger les enfants réfugiés ou migrants de la disparition. Plusieurs
acteurs apportent leur pierre en mettant en œuvre des projets, qui,
pour la plupart, se concentrent sur un aspect particulier et ne
sont pas nécessairement coordonnés au niveau européen. Les parlements
nationaux pourraient jouer un rôle actif en soutenant ces activités
et en développant des synergies et une coordination.
57. L’entraide judiciaire et la coopération transfrontalière entre
autorités nationales et régionales compétentes – y compris la police
–, sont des éléments clef de toute stratégie efficace destinée à
prévenir la disparition des enfants réfugiés ou migrants. Le Conseil
de l’Europe s’emploie à faciliter cette coopération en Europe et
à en poser les fondements conformément au droit international. Il
possède une longue expérience en la matière. En tant que parlementaires
travaillant sous l’égide du Conseil de l’Europe, nous devrions utiliser son
expérience spécifique afin d’établir une base de coopération sur
le problème des disparitions d’enfants migrants ou réfugiés, à l’heure
où nous ne sommes même pas en mesure d’en déterminer le nombre.
58. Un soutien pratique pour une telle coopération est assuré
par des organismes techniques tels qu’Interpol ou Europol, Frontex,
le Croissant-Rouge et la Croix-Rouge et par des organisations non gouvernementales.
Les orientations et le soutien politiques apportés par l’Assemblée
pourraient être utiles en la matière.
59. Les outils d’Europol, Interpol et de Frontex pour la recherche
d’enfants disparus devraient être renforcés et leur efficacité accrue
par un meilleur soutien financier, technique et en ressources humaines.