1. Introduction
1. Le 27 janvier 2020, sur proposition
du Groupe des socialistes, démocrates et verts (SOC), l’Assemblée parlementaire
a décidé de tenir un débat selon la procédure d’urgence sur «Les
obligations internationales concernant le rapatriement des enfants
des zones de guerre et de conflits». J’ai été nommé rapporteur le même
jour.
2. Ce débat d’urgence se tient dans le contexte des informations
rapportées journellement faisant état des souffrances et de la mort
d’enfants causées par les conflits en Syrie et en Irak et leurs
conséquences. De même que la tragédie des vies perdues lors de tentatives
périlleuses pour traverser la Méditerranée, ni la situation dans
les camps de détention et de réfugiés, ni la crise humanitaire à
laquelle sont confrontés les enfants ne peuvent nous laisser indifférents.
Nous devons réagir à cette réalité tragique en défendant les droits des
enfants et en les protégeant eux et leur intérêt supérieur.
3. L’Assemblée a attiré l’attention sur la crise humanitaire
provoquée par la guerre en Syrie et en Irak à plusieurs occasions.
Dans sa
Résolution 2107
(2016) sur une réponse renforcée de l’Europe à la crise des réfugiés
syriens, l’Assemblée note que la situation dans cette région est
intenable. Dans sa
Résolution
2204 (2018) sur la protection des enfants touchés par les conflits
armés, elle s’inquiète de la situation des enfants en Syrie et en
Irak. Dans sa
Résolution
2298 (2019), «La situation en Syrie: des perspectives de solution politique?»,
elle appelle instamment les États membres du Conseil de l’Europe
à rapatrier les combattants étrangers capturés, qui ont combattu
avec l’EIIS/
Daech en Syrie,
et leurs familles et à les traduire en justice. D’autres textes,
comme la
Résolution 2134
(2016), réaffirment sa volonté ferme de combattre l’impunité.
Dans sa
Résolution 2221
(2018) sur les contre-discours face au terrorisme, l’Assemblée
réitère sa condamnation de tous les actes de terrorisme et appelle
les États membres à élaborer des stratégies nationales pour la prévention
de la radicalisation. Dans sa
Résolution
2263 (2019), «La déchéance de nationalité comme mesure de lutte
contre le terrorisme: une approche compatible avec les droits humains?»,
l’Assemblée déclare que la déchéance de nationalité d’un parent
ne doit pas conduire à priver ses enfants de leur nationalité. La
Résolution 2099 (2016) sur «La nécessité d'éradiquer l'apatridie des enfants»
souligne le fait que la Syrie et d'autres pays ont des lois sur
la nationalité discriminatoires à l'égard des femmes qui leur refusent
le droit de conférer leur nationalité à leurs enfants.
4. Le présent rapport entend tirer une fois de plus l’alarme
sur la situation dramatique des enfants qui ont échoué dans des
camps et des centres de détention en Syrie et en Irak après la chute
du prétendu État islamique (EIIS/Daech).
Dans le seul camp de réfugiés et de détention d’Al-Hol, dans le nord-est de la
Syrie, plus de la moitié des plus de 60 000 résidents sont des enfants
de moins de 12 ans. Beaucoup d’entre eux sont orphelins et/ou non
accompagnés. Des centaines, sinon des milliers, sont des enfants
de ressortissants de pays européens et/ou de citoyens de l’Union
européenne. Ces enfants sont en profonde détresse humanitaire. Seuls
quelques gouvernements d’États membres du Conseil de l’Europe portent
la considération nécessaire à leur situation et à leurs droits.
Ils manquent de nourriture, d’abris, d’eau potable et n’ont pas
accès aux services médicaux et à l’éducation. Leur situation se
dégrade encore avec l’hiver et la recrudescence des combats et des
actes terroristes dans la région. Ils sont exposés aux risques de
violence endémique, d’exploitation et d’abus sexuels, de harcèlement,
de trafic et de radicalisation, pour n’en citer que quelques‑uns.
Leur accès à la santé, à l’éducation et à la sécurité est pratiquement
nul. Ils souffrent de troubles de stress post-traumatique et d’autres
conséquences mentales, physiques et sociales découlant du fait qu’ils vivent
depuis de nombreuses années dans une zone de guerre.
5. Malgré le soutien d’éminentes personnalités, d’organisations
internationales, d’ONG et d’instances nationales indépendantes en
faveur de leur rapatriement, de nombreuses autorités nationales
restent ou sont devenues réticentes à fournir les efforts humanitaires
nécessaires pour prendre en charge ces enfants comme il se doit,
souvent pour des raisons de politique intérieure. Ces enfants ne
sont pas responsables des actes de leurs parents et devraient avant
tout être considérés comme des victimes et comme des êtres qui ont
des droits à titre personnel. Nos États ont l’obligation d’assurer
leur sécurité, comme pour n’importe quel autre de leurs ressortissants
mineurs qui serait en danger à l’étranger.
6. Dans ce contexte, l’Assemblée devrait exhorter les gouvernements
à remplir leurs obligations et engagements internationaux et européens,
se déclarant ainsi favorable au rapatriement et à la (ré)intégration de
ces enfants, et œuvrer à vaincre les hésitations des autorités nationales.
Il semble que ces hésitations proviennent d’un manque de soutien
de l’opinion publique réel ou supposé en faveur du rapatriement
de ces enfants, lequel découle souvent de peurs infondées ou exagérées
du terrorisme, de la xénophobie et de l’islamophobie propagées dans
les médias (y compris les médias sociaux) par des acteurs irresponsables. Informer
le public de ces réalités pourrait donc être une première étape
importante, que notre débat de jeudi pourrait amener à franchir
afin que les dirigeants politiques puissent être à la hauteur de
leurs responsabilités et prendre l’initiative de sauver ces enfants.
2. Les enfants ne sont nullement responsables
de la situation dans laquelle ils se trouvent
7. Après neuf années de conflit
armé et d’activités terroristes, un tiers des enfants de Syrie et
d’Irak restent dans des situations à risque selon l’organisation
Save the Children : 18 enfants sur 1000 meurent avant
leur cinquième anniversaire, 85 % des enfants réfugiés vivent en
dessous du seuil de pauvreté et 28 % des enfants souffrent de retards
de croissance dus à la malnutrition.
8. En raison de la poursuite des combats dans le nord-est de
la Syrie et à la suite de la défaite de l’État islamique, le camp
d’
Al-Hol a été ouvert pour
abriter les femmes et enfants réfugiés, mais aussi pour retenir les
femmes qui ont soutenu – ou dont on pense qu’elles ont soutenu –
EIIS/
Daech (et leurs enfants).
Selon le Comité international de la Croix-Rouge (CICR)
, la population de ce camp a enregistré
une augmentation spectaculaire, passant de 10 000 personnes en décembre
2018 à 72 000 fin mars 2019. La situation générale reste tendue
en raison des manœuvres militaires récentes et d’une recrudescence
des actes terroristes. 55 % des réfugiés du camp d’
Al-Hol ont moins de 12 ans. 7 000
enfants de moins de 12 ans sont des enfants étrangers dont les parents
auraient fait allégeance à EIIS/
Daech.
La situation dans le camp d’
Al-Hol est préoccupante:
sur la seule période de mars à novembre 2019, 306 enfants y sont
morts. En décembre 2019, le Centre d’information du Rojova
a indiqué que la population du camp d’
Al-Hol était tombée à 68 000 personnes,
pour des raisons diverses. On enregistre chaque jour un ou deux
décès ou enfants mort‑nés par le biais de la malnutrition et du
froid
. Les trois affections les plus répandues
sont les infections respiratoires, les diarrhées et l’anémie, qui
représentent respectivement 35,6 %, 11,8 % et 4,2 % des maladies.
9. Les images provenant des camps montrent des nourrissons et
des bambins misérables vivant dans des tentes
. Ils manquent de nourriture, n’ont
pas de quoi s’abriter ni d’eau potable. Ils ne reçoivent ni soins médicaux
ni éducation. Certains sont arrivés avec des blessures terribles
alors qu’il n’y avait pratiquement pas de quoi les soigner avant
l’ouverture d’un hôpital de campagne par le CICR à l’été. La situation
se dégrade encore avec les conditions hivernales extrêmes. Ils sont
exposés aux risques de harcèlement, de violence endémique, d’exploitation
et d’abus sexuels. La plupart n’ont même pas 12 ans
et sont trop jeunes pour être autre
chose que des victimes innocentes. Aucun n’est responsable de la
situation dans laquelle il se trouve. S’il est vrai que de nombreux
enfants de plus de 12 ans ont pu être radicalisés et qu’il se peut
même que certains aient participé aux combats ou à des attentats
terroristes, le droit international est très clair quant à la protection
des enfants c’est-à-dire de toute personne de moins de 18 ans. Les
enfants doivent être traités en premier lieu comme des victimes
et le critère premier à retenir pour déterminer la manière dont
ils doivent être traités est l’intérêt supérieur de l’enfant, conformément
à la Convention relative aux droits de l’enfant (CIDE). Ceci est
valable pour les actions menées par des acteurs publics aussi bien
que privés ainsi que pour les décisions législatives, judiciaires
et administratives. Les enfants jouissent de protections et de droits
spéciaux, qui s’appliquent dans toutes les situations, indépendamment
de leur âge, de leur sexe ou de tout autre facteur, y compris de
leur allégeance réelle ou supposée ou de celle de leur famille
.
10. Lorsque des enfants sont soupçonnés d’avoir commis des actes
criminels, les principes d’une procédure régulière et d’un procès
équitable doivent être respectés, y compris la présomption d’innocence
et le droit de recours, en tenant dûment compte de l’âge et du sexe
de l’intéressé. Ces enfants devraient, le cas échéant, être rapatriés
dans le pays dont ils ont la nationalité pour y faire l’objet de
procédures judiciaires
ou,
si possible, échapper à ces procédures. Ils ne devraient, par exemple,
pas être poursuivis uniquement pour leur affiliation présumée ou
leur appartenance à un groupe armé. Ils devraient être intégrés
à des programmes de réhabilitation respectueux des enfants en vue
de leur (ré)intégration dans la société. Si des procédures pénales
sont nécessaires, celles-ci doivent respecter les principes de la
protection de l’enfance et d’une justice adaptée aux enfants
.
11. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a été le
premier organisme international à sonner l’alarme, début 2019, sur
les conditions désastreuses qui règnent dans le camp d’
Al-Hol, suivi immédiatement par
l’Organisation mondiale de la Santé. Le 24 avril 2019, la Sous-Secrétaire
générale aux affaires humanitaires de l’ONU, Ursula Brigitte Müller,
a également tiré le signal d’alarme. Le 21 mai 2019, la Directrice générale
de l’UNICEF, Henrietta Ford, a demandé la protection immédiate des
droits des enfants de combattants étrangers. La Commissaire aux
droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatović, ainsi que
les membres du Réseau européen des médiateurs pour les enfants (ENOC),
a appelé le 28 mai 2019 les 47 États membres à rapatrier d’urgence
leurs ressortissants mineurs. Le 24 juin 2019, à la 41e session
du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, la Haut-Commissaire
des Nations Unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, a appelé
au rapatriement urgent des membres de familles étrangères. Le 11 novembre
2019, quatre rapporteurs spéciaux des Nations Unies ont publié une
déclaration commune relative aux femmes et aux enfants touchés par
le conflit en Syrie et en Irak
. Le 26 novembre 2019, lors de l’adoption
d’une résolution sur les droits de l’enfant
, à l’occasion du 30e anniversaire
de la convention des Nations Unies relatives aux droits de l’enfant,
le Parlement européen s’est déclaré «très profondément préoccupé
par la situation humanitaire des enfants de combattants étrangers
détenus au nord-est de la Syrie et prie instamment les États membres
de rapatrier tous les enfants européens, en tenant compte de leur situation
familiale propre et de l’intérêt supérieur de l’enfant en premier
lieu, et de leur fournir le soutien nécessaire à leur réhabilitation
et leur réintégration [et a déploré] l’inaction des États membres
de l’Union à cet égard et l’absence de coordination au niveau de
l’Union».
12. Les organisations de la société civile sont unanimes dans
leur condamnation de l’inaction face à la situation critique des
enfants et dans la bataille pour hâter leur retour en sécurité.
Des organisations des droits humains comme
Human
Rights Watch et des organisations de défense des droits
des enfants comme
Save the Children ont
lancé des appels pour que ces enfants soient ramenés chez eux. En
décembre 2019, un orphelin albanais
a été évacué d'
Al-Hol avec
l'aide des autorités albanaises et syriennes et avec le soutien du
programme «Rétablir les liens familiaux»
de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge
pour vivre avec son père en Italie. En Belgique, l’organisation
Child Focus fait campagne en faveur
de leur retour. Des organisations de la société civile s’intéressant
à la lutte contre le radicalisme violent, comme
SAVE Belgium , alertent aussi l’opinion publique.
En décembre 2019, un tribunal bruxellois a ordonné le rapatriement
de dix enfants de quatre combattants belges de
Daech. Au Danemark, l’ancien membre
de l’Assemblée et avocat Bjørn Elmquist
conseille les familles pour obtenir
le rapatriement d’une trentaine d’enfants danois actuellement dans
le camp d’
Al-Hol. Avec l’aide
des autorités danoises, la famille d’un petit garçon de 11 mois a
pu organiser son retour du camp d’
Al-Hol,
en novembre 2019
. L’enfant n’a pas d’autre famille
que ses grands-parents et une tante au Danemark. En France, des
familles et des proches représentés par le Collectif des Familles
Unies sont soutenus par la FIDH, «Ensemble contre la peine de mort»
(ECPM), l’Association française des Victimes du Terrorisme (AfVT),
ainsi que des syndicats de magistrats et d’avocats. Une pétition a
réuni 2 950 signatures, contredisant un sondage qui laisse entendre
que deux tiers des Français sont opposés au rapatriement de ces
enfants de Syrie et d’Irak
. Avec leurs avocats, ces familles
ont déposé une plainte contre la France devant le Comité des droits
de l’enfant des Nations Unies au printemps 2019 et six plaintes
supplémentaires auprès de tribunaux nationaux au cours de l’été
2019. La coalition d’organisations des droits humains,
the Child Justice Advocacy Group (Terres
des hommes, Penal Reform International, CRIN et autres), a publié
le 28 janvier 2020 la prise de position «Enfants impliqués dans
l’EIIL: un retour conforme aux droits de l’enfant» en indiquant
10 recommandations adressées aux plus de 80 pays d’où des ressortissants
ont décidé de rejoindre le prétendu État islamique (EIIL)
.
13. Au niveau national, des personnalités publiques et des autorités
administratives indépendantes ont soutenu le rapatriement de ces
enfants. Leur situation a semé le trouble au sein des majorités gouvernementales
en Finlande
et en Norvège
. En Belgique, M. Bernard De Vos,
Délégué général aux droits de l’enfant de la Fédération Wallonie-Bruxelles,
a ordonné le 19 mars 2019 le retour de tous les enfants belges détenus
en Syrie
après avoir interpellé une première
fois les autorités publiques en décembre 2018. Dès 2012, il avait
énuméré des recommandations sur la nécessité de protéger les enfants
belges en Syrie et en Irak, de les rapatrier en sécurité et de les
intégrer à la société belge. En France, après plusieurs saisines en
2017, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a rendu la décision
2019-129 appelant les autorités françaises à apporter le soutien
nécessaire aux enfants français en Syrie
. La Commission nationale consultative
des Droits de l’Homme (CNCDH) a publié un avis détaillé le 24 septembre
2019
. Le juge d’instruction David De Pas,
coordonnateur du pôle antiterroriste, est favorable au rapatriement
des enfants, des femmes et des combattants
. L’ancien président François Hollande
soutenait aussi le rapatriement d’urgence des enfants français qui
se trouvent en Syrie et en Irak
. Au Royaume-Uni, le député Crispin
Blunt a déclaré que ramener des citoyens britanniques au Royaume-Uni
est une charge qu’il faut assumer et que les enfants doivent être
prioritaires. Le pays a été ému par l’histoire diffusée par la BBC
de trois enfants qui viendraient du Royaume-Uni. Une grande partie
de la population a aussi été bouleversée par le cas de Shamima Begum,
qui a été déchue de sa nationalité britannique. Alors que le gouvernement
avait indiqué que son bébé conserverait la nationalité britannique,
il est mort en raison des conditions déplorables qui règnent dans
le camp d’
Al-Hol alors qu’il
n’avait pas trois semaines.
14. La situation à
Al-Hol et
dans d’autres camps de la région est particulièrement instable et
n’est pas tenable
. Il est fortement improbable que
les autorités kurdes aient les moyens et les ressources financières suffisantes
pour gérer correctement des installations comme le camp d’
Al-Hol. Selon des sources kurdes,
le camp d’
Al-Hol compte des
détenus d’au moins 54 nationalités
(parmi lesquels 16 États membres
différents du Conseil de l’Europe sont représentés, mais il est
probable qu’il y ait des ressortissants de beaucoup plus de pays
dans ce camp et dans les autres). Cela dit, les occupants de ce
camp viennent principalement de Syrie (43 %) et d’Irak (42 %). Environ
90 % des occupants sont des femmes et des enfants. Le camp est divisé
en zones en fonction du degré de radicalisation des femmes qui y
vivent. Les forces kurdes qui gèrent le camp indiquent que des femmes
fanatiques menacent celles qui veulent rentrer et répondre de leurs
actes devant la justice. Ces femmes subiraient aussi des violences
de la part de femmes plus radicalisées. Les femmes qui s’occupent
des enfants sont susceptibles de les conduire à la radicalisation.
On a vu des petits enfants réciter des slogans de
Daech. Ce camp peut être considéré
comme une bombe à retardement. L’unique chance de sauver les enfants
actuellement détenus dans le camp d’
Al-Hol et
d’autres installations pourrait s’évaporer lorsque ceux qui seront
parvenus à survivre seront assez grands pour devenir combattants.
Le camp pourrait devenir le catalyseur d’une violence radicale future.
Ce problème mondial ne peut pas être résolu par les autorités kurdes.
15. Il y a déjà une coopération ponctuelle entre les pays européens
pour le retour des rapatriés de Syrie et d’Irak. Au printemps 2019,
la France a rapatrié des orphelins de ressortissants belges et néerlandais. Cependant,
une coopération coordonnée entre les pays pour régler la situation
de tous leurs ressortissants en Syrie et en Irak fait défaut. Cette
situation doit être résolue au niveau national et européen aussi
rapidement que possible car le temps manque.
3. Obligations
et responsabilités des États membres
16. Les principes essentiels en
faveur du rapatriement d’urgence des enfants dont les parents auraient
prêté allégeance à l’EIIS/
Daech et
qui sont actuellement abandonnés en Syrie et en Irak sont les obligations
et engagements internationaux des États relatifs aux droits de l’enfant,
la responsabilité première des États envers leurs propres ressortissants
et le droit à la nationalité. L’absence d’action pourrait avoir
un coût humain considérable, des enfants risquant de perdre la vie
ou de voir leur existence brisée; un coût en termes d’image pour
l’État qui refuse de prendre la responsabilité de ses propres ressortissants
et un coût juridique découlant des affaires pendantes devant les
différentes instances internationales des droits humains. Les résolutions
2178, 2331 et 2427 du Conseil de sécurité des Nations Unies rappellent
que les enfants dont les parents auraient prêté allégeance à
Daech devraient être considérés
comme des victimes. Le Secrétaire général des Nations unies, Antonio
Guterres, a déjà publié en avril 2019 les «Principes clefs pour
la protection, le rapatriement, la poursuite, la réhabilitation
et la réintégration des femmes et des enfants qui ont des liens avec
des groupes terroristes répertoriés comme tels par les Nations Unies».
Protection et rapatriement
17. Quels que soient les liens
de leurs parents avec des groupes terroristes répertoriés comme
tels par les Nations Unies
, les enfants actuellement retenus
dans des camps de réfugiés et des centres de rétention dans le nord-est
de la Syrie sont avant tout des enfants: bébés, enfants en bas âge,
en âge préscolaire ou scolaire. L’intérêt supérieur de l’enfant
est clairement en danger. La Convention des Nations Unies relative
aux droits de l'enfant (CIDE) est très claire au sujet de la protection
de l’enfant – tout mineur de moins de 18 ans – et de la nécessité
de prendre prioritairement en considération son intérêt supérieur
en toutes circonstances.
18. Il existe des normes internationales solides en faveur du
rapatriement des enfants. L’accès à leur pays ne saurait leur être
interdit. L’article 10 de la CIDE stipule que «les États parties
respectent le droit qu'ont l'enfant et ses parents de quitter tout
pays, y compris le leur, et de revenir dans leur propre pays». L’article 3 du
Protocole n° 4 de la Convention européenne des droits de l’homme
(CEDH) affirme que «nul ne peut être privé du droit d’entrer sur
le territoire de l’État dont il est le ressortissant» et a été cité
par des avocats français dans une affaire dont la Cour a été saisie
en mai 2019. Les normes internationales tiennent compte du cas particulier
de la guerre. En vertu de l’article 38 de la CIDE, les États parties
s’engagent à respecter et à faire respecter les règles du droit
humanitaire international qui leur sont applicables en cas de conflit
armé et dont la protection s’étend aux enfants. Toutefois, il convient
de reconnaître qu’il est très peu probable que ces enfants puissent
exercer ces droits sans aucune assistance alors qu’ils se trouvent
dans des camps de réfugiés/détention en Syrie et en Irak.
19. Les enfants devraient bénéficier de la protection adéquate
de leurs droits au retour, notamment du droit à un rapatriement
effectif. L’article 19 de la CIDE fait obligation aux États Parties
de protéger l’enfant contre toute forme de violence, d’atteinte
ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence,
de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris les abus sexuels
et de mettre en place des procédures efficaces pour l’établissement
de programmes sociaux visant à fournir le soutien nécessaire à l’enfant
et à ceux à qui il est confié. L’article 35 exige des États parties
qu’ils «prennent toutes les mesures appropriées sur les plans national,
bilatéral et multilatéral pour empêcher l‘enlèvement, la vente ou
la traite d‘enfants à quelque fin que ce soit et sous quelque forme
que ce soit». Ces obligations trouvent leur expression concrète
au niveau européen dans plusieurs conventions du Conseil de l’Europe,
telles que la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre
la traite des êtres humains (STCE no 197) et la Convention du Conseil
de l’Europe pour la protection des enfants contre l’exploitation
et les abus sexuels (STCE no 201).
20. Vu que la situation dans les camps de détention met en danger
les vies d’enfants et risque de les exposer à des traitements inhumains,
le droit de ne pas être soumis à la torture ni à des traitements
inhumains en vertu de l’article 7 du Pacte international relatif
aux droits civils et politiques (PIDCP) et de l’article 3 de la CEDH
pourrait être invoqué, ainsi que, naturellement, le droit à la vie
(protégé par la CIDE, le PIDCP et la CEDH)
. La jurisprudence de la Cour européenne
des droits de l'homme a démontré que la juridiction des États parties
peut être étendue au-delà des frontières nationales où l’action
des organes de l’État est mise en œuvre.
21. La CIDE prévoit les principaux éléments en faveur de l’unité
de famille, l’obligation d’un soutien humanitaire en cas de conflit
armé, l’obligation de prise en charge une fois que les enfants sont
revenus dans leur pays ainsi que leur réintégration. L’article 36
dispose que les États parties protègent l’enfant contre toutes autres
formes d’exploitation préjudiciables à tout aspect de son bien-être.
Il convient cependant de noter que le droit à l’unité familiale
(ou à la vie familiale au niveau européen selon l’article 8 de la
CEDH) n’est pas absolu. D’autres solutions de prise en charge devraient
donc être étudiées dans les situations où les enfants ne peuvent
pas rester avec leurs parents ou lorsqu’il n’est pas dans l’intérêt
supérieur de l’enfant de rester avec les personnes qui en ont principalement
la charge. Les prises en charge temporaires dans un cadre familial devraient
avoir la priorité, avant d’envisager des prises en charge temporaires
communautaires
.
22. Dans ce contexte, il convient de noter qu’un tribunal de Berlin
a estimé qu’en raison des conditions désastreuses du camp d’
Al-Hol, le gouvernement allemand
devait rapatrier une femme et ses trois enfants. Le Tribunal administratif
supérieur a jugé le 6 novembre 2019 que le rapatriement des enfants
traumatisés n’était possible que si la mère était également rapatriée.
Le gouvernement allemand avait déjà entrepris des démarches pour
rapatrier les enfants mais a refusé de rapatrier la mère. Selon
le Tribunal administratif supérieur, le rapatriement de la mère
ne pouvait être refusé que s’il y avait une menace concrète et tangible, ce
que le gouvernement allemand n’a pas été en mesure de prouver
.
23. Le cas de ressortissants des États membres du Conseil de l’Europe
qui ont été privés de leur nationalité au Danemark, en Suisse et
au Royaume-Uni, a placé leurs enfants dans une situation difficile.
La possibilité qu’ils deviennent apatrides constitue une violation
de la convention de Genève sur l’apatridie.
L'acquis du Conseil de l'Europe relatif
à la prévention des cas d'apatridie est également important à cet
égard, en particulier la Convention européenne de 1997 sur la nationalité
(STE n ° 166), la Convention de 2006 sur la prévention des cas d'apatridie
en relation avec la succession d'États (STCE n ° 200) et la Recommandation
du Comité des Ministres CM/Rec(2009)13 du Comité des Ministres sur
la nationalité des enfants. L'article 8 de la CEDH (droit au respect
de la vie privée et familiale) a été interprété comme incluant le
respect d'une nationalité dans le contexte du refus de la citoyenneté
ou de l'incertitude quant à la reconnaissance de la citoyenneté.
24. Au niveau de l’Union européenne, la Directive 2015/637
du 20 avril 2015 établissant «les
mesures de coordination et de coopération nécessaires pour faciliter
la protection consulaire des citoyens de l'Union non représentés
dans des pays tiers» facilite l’exercice du droit énoncé au point
(c) de l’article 20(2) du TFUE, à savoir le droit des citoyens de
l’Union de bénéficier, sur le territoire d'un pays tiers où l'État
membre dont ils sont ressortissants n'est pas représenté, de la
protection des autorités diplomatiques et consulaires de tout État
membre dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État.
La directive rappelle que la citoyenneté d’un pays de l’Union est
le statut fondamental des ressortissants des États membres.
Réadaptation et (ré)intégration
25. Le droit international garantit
aux enfants rapatriés les droits à la réadaptation et à la (ré)intégration L’article 39
de la CIDE stipule que «les États parties prennent toutes les mesures
appropriées pour faciliter la réadaptation physique et psychologique
et la réinsertion sociale de tout enfant victime». Si la situation
et les traumatismes des enfants peuvent varier selon leur âge ou
leur sexe, il est clair que les conséquences de la guerre et des
conflits armés sur les enfants sont dramatiques, comme cela apparaît
dans le rapport de l’Assemblée sur la «Protection des enfants touchés
par les conflits armés» de Mme Sevinj
Fataliyeva (Azerbaïdjan, CE/AD)
.
26. Comme l’a indiqué l’Assemblée dans sa
Résolution 2204 (2018), les États membres devraient «éduquer les enfants et
les jeunes qui ont vécu des conflits armés traumatisants aux approches
non violentes pour mettre fin aux agressions et aux conflits, de
manière à leur apprendre à résister à la transmission transgénérationnelle
de la violence et à leur permettre de grandir dans une culture de
dialogue constructive»
et apporter «une assistance spécialisée
aux enfants […] et adolescents de retour de territoires contrôlés
par
Daech, lorsqu'ils arrivent
en lieu sûr, notamment dans différents pays européens, et en particulier
en leur apportant une aide et un soutien psychologique, avec des
thérapies adaptées au stress post-traumatique, le plus rapidement
possible après leur arrivée dans un pays d'accueil»
.
27. Des orientations utiles pour garantir le bien-être des enfants
privés de soins parentaux figurent dans les Lignes directrices des
Nations Unies pour la prise en charge alternative des enfants
, ainsi que dans les Recommandations
Rec (2005) 5 du Conseil de l'Europe sur les droits des enfants vivant
dans les institutions résidentielles
et CM / Rec (2011) 12 sur les droits
de l'enfant et les services sociaux adaptés aux enfants et aux familles
.Cependant, jusqu’à présent, aucune
norme minimale ne semble avoir été élaborée pour faciliter l’intégration
dans la société des enfants qui ont expérimenté des conflits armés.
C’est pourquoi
Save the Children a
appelé à l’élaboration de telles normes minimales relatives à l’intégration
selon une approche adaptée aux enfants afin de tenir compte de la
complexité des différents cas individuels. Étant donné que la Stratégie
du Conseil de l'Europe pour les droits de l'enfant (2016-2021) demande
que les enfants soient protégés contre les violences, y compris
lors de conflits armés, cela pourrait peut-être être un domaine
d’action du Comité directeur du Conseil de l’Europe pour les droits
de l’enfant (CDENF) nouvellement créé.
28. Le cas particulier des enfants qui sont aussi des délinquants
est strictement délimité. L'article 40 dispose que «les États parties
reconnaissent à tout enfant suspecté, accusé ou convaincu d'infraction
à la loi pénale a droit à un traitement qui soit de nature à favoriser
son sens de la dignité et de la valeur personnelle, qui renforce son
respect pour les droits humains et les libertés fondamentales d'autrui,
et qui tienne compte de son âge ainsi que de la nécessité de faciliter
sa réintégration dans la société et de lui faire assumer un rôle
constructif au sein de celle-ci». Le Premier Protocole facultatif
concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés s’applique
à la prise en charge des délinquants présumés, tandis que le Second
Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution
des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (2006)
nous rappelle que les conflits armés alimentent le marché de la
traite des enfants. Il est important de veiller à ce que les enfants
rapatriés bénéficient de véritables services de réadaptation et
de (ré)intégration même dans les cas où ils sont soupçonnés d’une
infraction pénale ou condamnés.
29. L’Union européenne a organisé une conférence de haut-niveau
sur les enfants rapatriés et les prisonniers libérés au Luxembourg,
le 11 octobre 2018, et une visite d’étude à Pristina sur l’expérience
en cours sur le terrain. Le Kosovo
est l’un des premiers pays
d’Europe à avoir pris la décision politique de rapatrier 110 citoyens
du Kosovo* retenus dans des camps de détention dans le nord de la
Syrie, pour la plupart des femmes et des enfants, dès avril 2019.
4. Ne
pas sous-estimer les risques et les défis
30. Depuis le début du conflit,
presque tous les États membres du Conseil de l'Europe ont été «aveugles» et
impuissants en Syrie, car les représentations diplomatiques et consulaires
sont fermées. Le soutien apporté sur le terrain est limité et repose
en grande partie sur l’assistance fournie par les forces militaires
qui contrôlent les zones de guerre et de conflit. Les chancelleries
dépendent de la bonne volonté des forces kurdes, alors que l’autorité
kurde autonome n’a ni la légitimité ni la capacité d’engager des
poursuites judiciaires contre les combattants européens de Daech. En outre, le caractère exceptionnel
du nombre de personnes à rapatrier ainsi que la complexité et les
risques des opérations de sauvetage incitent les chancelleries à
une extrême prudence.
31. Les informations proviennent pour l’essentiel des autorités
kurdes, des journalistes et des fournisseurs de l’aide humanitaire,
qui accomplissent leur mission avec difficulté. Le Croissant-Rouge
arabe syrien (SARC)
est préoccupé par l’escalade actuelle
des hostilités, qui va aggraver la situation dramatique et les déplacements
internes. Dans la zone nord-est, où il intervient, il continue de
faire tout son possible pour répondre aux besoins des familles qui
pâtissent des conditions difficiles. Le camp d’
Al-Hol est pour l’instant sous l’autorité
des Kurdes des Forces démocratiques syriennes (FDS), mais cela pourrait
changer à la suite des manœuvres militaires les plus récentes. De
plus, leur capacité à diriger les camps est limitée. Ils risquent de
ne pas pouvoir garder les détenus indéfiniment.
32. Le nombre exact d’enfants dont les parents originaires d’Europe
auraient prêté allégeance à
Daech est difficile
à établir avec précision, car beaucoup sont nés en Syrie. D’après
le Centre international des études sur la radicalisation (ICSR)
du King’s College de Londres, leur nombre varie entre 1 300
, 1 834 et 5 000
, mais il est quasiment impossible
de le vérifier. Les enfants sont souvent sans papiers, certains
apatrides, et d’autres n’ont jamais eu aucun contact avec les membres
de leur famille en Europe. Les autorités kurdes ont créé une commission
pour tenter de déterminer le nombre exact de femmes et d’enfants
. L’identification des enfants est
difficile
.
La situation des enfants dont les parents seraient affiliés à
Daech, sont citoyens d'un État membre
du Conseil de l'Europe et binational est encore plus compliquée.
Sur les 30 à 40 ressortissants suédois (femmes et enfants) du camp
d'
Al-Hol, la moitié d'entre
eux sont des citoyens binationaux de la Somalie. La récente décision
des autorités somaliennes de rapatrier leurs citoyens a été considérée
par un journal comme un risque pour leur éventuel retour incontrôlé
en Suède où ils ont de la famille et des attaches
.
33. Certains pays ont déjà rapatrié un grand nombre d’enfants,
tandis que d’autres sont réticents, voire opposés au rapatriement.
Étonnamment, les États-Unis, qui ont adopté une position forte contre
le terrorisme, sont favorables au retour de tous les combattants
. Le président Trump a encouragé
les pays européens à faire de même lors du récent sommet de l’OTAN.
Pour lui, «les avancées enregistrées sur le plan militaire pourraient
facilement être perdues si l’on ne traite pas les suites de cette
victoire». La fuite de tous les combattants et de leur famille n’est
pas une option pour les Américains et doit être empêchée. En Europe,
le Kosovo a déclaré qu’il ne permettrait pas que ses ressortissants
représentent un danger pour des tiers et a rapatrié 110 personnes,
dont 74 enfants (parmi lesquels 9 orphelins). La Russie a rapatrié
122 enfants entre décembre 2018 et novembre 2019. Le Kazakhstan
a fait revenir 524 nationaux, principalement des enfants.
34. D’autres pays ont rapatrié un plus petit nombre d’enfants
ou ont interrompu leurs démarches. Sur les 69 enfants identifiés
en Syrie, la Belgique en a rapatrié six sur décision de justice.
Après avoir autorisé le retour de plus de 100 enfants, la France
a considérablement ralenti le rythme des rapatriements et décide
désormais au cas par cas. Entre 149
et 300
mineurs
français restent piégés en Syrie. 17 ont été rapatriés en 2019. En
décembre, la Bosnie-Herzégovine a rapatrié 24 femmes et enfants
. Sur les 100 enfants allemands identifiés,
quatre ont été rapatriés. La Suède a rapatrié sept orphelins; l’Autriche
et les Pays-Bas deux enfants chacun, et le Danemark un enfant. L’accès
direct au camp d’
Al-Hol et
aux installations du nord-est de la Syrie n’est pas sûr.
5. Conclusions
35. Le présent rapport est destiné
à servir de base au débat d’urgence qui se tiendra le 30 janvier
2020. Son ambition n’est pas de dresser un tableau complet de la
situation des enfants dont les parents originaires des États membres
du Conseil de l’Europe auraient prêté allégeance à Daech, mais de remettre en lumière
leur humanité et de rappeler aux États membres que ces enfants sont
d’abord et avant tout des victimes de guerre qui ont besoin d’une
protection urgente. Rapatrier ces enfants de Syrie et d’Irak est
une obligation des droits humains et un devoir humanitaire. L’Assemblée
devrait exhorter les États membres concernés à faire preuve de transparence
sur le nombre réel d’enfants concernés et à prendre des mesures
répondant à leurs besoins urgents avant qu’il ne soit trop tard.
Leur retour devrait être organisé dès que possible et coordonné
avec les membres de leur famille en Europe.
36. Ces enfants victimes ont été témoins de la guerre et d’une
violence extrême. Ils ont vécu dans des conditions misérables et
sordides. Ils ont besoin d’un soutien spécifique pour se rétablir
et pour consolider leur résilience. Il va sans dire qu’une attention
particulière doit être apportée à la situation des filles et qu’une politique
intégrant la notion de genre devrait être systématiquement appliquée.
Les professionnels de la protection de l’enfance sont formés pour
proposer des services adaptés, notamment en matière de santé et d’éducation,
mais aussi une prise en charge psychologique et psychiatrique spécifique
afin de répondre aux besoins particuliers de ces enfants. Des formations
complémentaires sont probablement nécessaires. La capacité des services
de protection de l’enfance à prendre efficacement en charge un grand
nombre d’enfants rapatriés doit être garantie. Ces mesures devraient
s’accompagner de moyens financiers suffisants.
37. La (ré)intégration de ces enfants peut être un défi pour les
pays concernés s’agissant du nombre minoritaire d’enfants plus âgés
(la grande majorité des enfants ont moins de 12 ans, et même souvent
moins de six ans). La déradicalisation est complexe et donne des
résultats contrastés. Parmi les exemples de bonnes pratiques qui
existent en Europe, on peut citer un projet pilote mené à Aarhus
(Danemark), qui montre que les enfants rapatriés ont avant tout
besoin de soutien et d’empathie pour être à l’abri des risques.
Pour lutter contre la radicalisation et le terrorisme, il est crucial
de prendre soin des enfants qui ont vécu dans cet environnement extrêmement
violent. Comme l’a souligné le Délégué général belge aux droits
de l’enfant, M. De Vos, cette approche est aux antipodes de l’esprit
d’exclusion qui ne fait que nourrir l’idéologie anti‑occidentale
de Daech et d’autres groupes
terroristes.
38. Le rôle des médias est important ici: la couverture médiatique
ne doit pas exposer les enfants à des risques physiques ou psychologiques.
Les médias, les normes de publication, les codes de conduite et
autres garanties devraient être mis en œuvre pour éviter de mettre
les enfants en danger, de violer les normes de confidentialité et
de causer des dommages aux enfants ou à leurs familles, comme le
soulignent les Principes et directives de Paris sur les enfants
associés aux forces armées ou des groupes armés
.
39. Comme l’a noté le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux,
la déradicalisation est la responsabilité de tous les niveaux de
gouvernement
.Il convient
de soutenir le rôle des services publics, des collectivités territoriales,
des universités et des organisations de la société civile qui œuvrent
dans ce domaine, car ils sont essentiels pour prévenir les idées
qui sous-tendent le terrorisme. Instaurer une société résiliente
face aux menaces et aux failles créées par le radicalisme et le
terrorisme est un objectif de bon sens. Les institutions nationales
des droits humains peuvent également apporter une contribution importante.
40. Lorsque les parents survivants sont poursuivis en justice
ou condamnés pour activité criminelle, la séparation de l’enfant
peut être inévitable. Cette situation ne peut faire l’objet d’une
politique mais doit être examinée au cas par cas. La question du
retour des combattants européens de
Daech est
une autre question, sur laquelle l’Assemblée parlementaire prépare
un autre rapport
.
41. Je suis profondément convaincu que le fait de procéder sérieusement
au rapatriement, à la réadaptation et à la réinsertion de ces enfants
sans plus tarder est un devoir humanitaire et une obligation née
des droits humains. L’intégration de la prise en considération des
droits de l'enfant dans les mesures de lutte contre le terrorisme
représente non seulement un impératif sur le plan des droits humains,
mais également une contribution essentielle à la sécurité nationale
des pays concernés.