Imprimer
Autres documents liés

Rapport | Doc. 15211 | 11 janvier 2021

L’évolution de la procédure de suivi de l’Assemblée (janvier-décembre 2020)

Commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe (Commission de suivi)

Rapporteur : M. Michael Aastrup JENSEN, Danemark, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Résolution 1115 (1997). 2021 - Première partie de session

Résumé

Dans son rapport d’activité annuel, la commission de suivi fait le bilan de ses activités depuis janvier 2020 et évalue les progrès réalisés par les 11 pays dans le cadre de la procédure complète de suivi de l’Assemblée parlementaire, et par les trois pays engagés dans un dialogue postsuivi en ce qui concerne le respect de leurs obligations et de leurs engagements contractés lors de leur adhésion au Conseil de l’Europe. Elle se félicite des progrès réalisés, exprime ses préoccupations face aux échecs et adresse des recommandations spécifiques aux pays concernés.

Au cours de cette période, la commission a préparé des rapports sur «Le fonctionnement des institutions démocratiques en Pologne» sur la base duquel l’Assemblée a ouvert une procédure de suivi à l’égard de ce pays; sur la «Contestation, pour des raisons substantielles, des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation parlementaire de la Fédération de Russie»; et sur «La nouvelle répression de l’opposition politique et la dissidence civile en Turquie: il est urgent de sauvegarder les normes du Conseil de l’Europe», dans le cadre d’une procédure d’urgence. La commission a également initié un débat d’actualité sur les hostilités militaires dans la région du Haut-Karabakh.

En outre, la commission a lancé ses travaux sur les rapports d’examen périodique suivant le nouveau format approuvé par l’Assemblée et sélectionnés selon la nouvelle procédure.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 11 décembre
2020.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire reconnaît le travail accompli par la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi) afin de remplir son mandat tel qu’il est défini dans la Résolution 1115 (1997) (modifiée) sur la «Création d'une commission de l'Assemblée pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi)». Elle félicite notamment la commission de son action, d’une part, dans l’accompagnement des 11 pays faisant l’objet d’une procédure de suivi stricto sensu (Albanie, Arménie, Azerbaïdjan, Bosnie-Herzégovine, Géorgie, République de Moldova, Pologne, Fédération de Russie, Serbie, Turquie et Ukraine) et des trois pays engagés dans un dialogue postsuivi (Bulgarie, Monténégro et Macédoine du Nord) dans leurs efforts pour satisfaire pleinement aux obligations et aux engagements qu’ils ont contractés lors de leur adhésion au Conseil de l’Europe, et, d’autre part, dans le suivi des obligations découlant de l’adhésion de tous les autres États membres au moyen de son processus d’examen périodique. Elle rappelle que le 28 janvier 2020, à la suite d’un rapport présenté par la commission de suivi, l’Assemblée adoptait la Résolution 2316 (2020) sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Pologne, par laquelle elle décidait d’ouvrir une procédure de suivi complète à l’égard de la Pologne.
2. L’Assemblée a conscience que les circonstances exceptionnelles qui résultent de la pandémie ont eu des répercussions sur le processus de suivi en 2020: les corapporteurs n’ont pas pu effectuer les visites dans les pays sous leur responsabilité ni maintenir un dialogue politique direct avec les parties prenantes. De plus, faute de sessions plénières qui sont la condition préalable nécessaire à un débat politique approfondi et équilibré sur les rapports de suivi périodique, aucun rapport de suivi n’a été élaboré dans le cadre de la procédure ordinaire.
3. Il convient de saluer les corapporteurs qui, malgré les contraintes objectives qui leur ont été imposées, ont suivi de près les évolutions dans leurs pays respectifs, grâce à tous les moyens mis à leur disposition tels que les visioconférences, afin de se tenir informés de la situation dans les pays sous leur responsabilité, comme le montrent leurs nombreuses déclarations publiques pendant la période de référence.
4. En réponse à la nouvelle répression de l’opposition politique et de la dissidence civile en Turquie, la commission de suivi a élaboré un rapport selon la procédure d’urgence à l’origine de la résolution de l’Assemblée portant sur les problèmes et les dysfonctionnements tels que la restriction des droits électoraux, la fragilisation de l’État de droit ou la limitation de la liberté d’expression et des médias en Turquie.
5. La commission de suivi s’est intéressée de près aux événements liés aux hostilités militaires qui ont éclaté le 27 septembre 2020 dans la région du Haut-Karabakh, entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Elle a lancé un débat d’actualité à ce sujet et organisé des échanges de vues avec la participation de parlementaires des deux parties. De plus, les rapporteurs chargés du suivi sur l’Arménie et l’Azerbaïdjan ont publié des déclarations dans lesquelles ils ont appelé à un règlement pacifique du conflit.
6. L’Assemblée salue l’adoption et la publication par la commission de suivi des méthodes de travail internes applicables à la sélection des pays devant faire l’objet d’un examen périodique, garantissant ainsi un processus de sélection impartial et totalement transparent.
7. La commission de suivi a contribué au débat sur la pandémie de covid-19, qui a été organisé lors de la Commission permanente élargie le 13 octobre 2020, en élaborant un avis sur le rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie intitulé «Les démocraties face à la pandémie de covid-19».
8. L’Assemblée se félicite des évolutions positives et des progrès réalisés pendant la période considérée dans un certain nombre de pays faisant l’objet d’une procédure de suivi ou engagés dans un dialogue postsuivi, à savoir:
8.1. Albanie: l’accord entre tous les acteurs politiques sur la réforme électorale et la volonté exprimée par les autorités de traiter, conformément aux normes européennes, les lacunes importantes constatées dans les projets d’amendements à la loi sur les services de médias audiovisuels;
8.2. Arménie: les progrès dans la lutte contre la corruption, tels que reflétés dans le classement publié par l’ONG Transparency International où l’Arménie, qui était classée 105e sur 177 pays, occupe désormais la 77e place; l’adoption de la stratégie 2020-2022 visant à réformer les forces de police, qui prévoit la création d’un nouveau ministère de l’Intérieur responsable des forces de l’ordre; l’intention exprimée par l’Assemblée nationale arménienne d’accroître la transparence du financement des partis politiques, et la ratification de la Convention du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels (STCE no 201, Convention de Lanzarote);
8.3. Azerbaïdjan: l’acquittement de M. Ilgar Mammadov et M. Rasul Jafarov en avril 2020, bien qu’il soit regrettable qu’il n’ait pas eu lieu dans le délai d’exécution de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme; la libération, pour des motifs humanitaires, de 176 prisonniers âgés de plus de 65 ans nécessitant des soins spéciaux en raison de leur âge et de leur état de santé, dans le contexte de la pandémie de covid-19, dont deux prisonniers condamnés à la suite des événements de Nardaran en 2015 dans le cadre de procès non équitables qui ont suscité les préoccupations de la communauté internationale, répondant ainsi aux préoccupations exprimées par la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe concernant la protection des droits humains et de la santé des personnes détenues dans les prisons des États membres du Conseil de l’Europe pendant la crise sanitaire;
8.4. Bosnie-Herzégovine: le retour d’une délégation bosnienne à l’Assemblée en 2020, après un an d’absence, en raison de l’incapacité des forces politiques de parvenir à un accord sur la formation d’un gouvernement au niveau de l’État; la tenue des élections locales reportées au 15 novembre 2020 et l’accord politique signé en juin 2020 qui a permis l’organisation d’élections locales à Mostar le 20 décembre pour la première fois depuis 2008, conformément à l’arrêt Baralija de la Cour européenne des droits de l’homme et à la Résolution 2201 (2018) de l’Assemblée sur «Le respect des obligations et engagements de la Bosnie-Herzégovine»;
8.5. Bulgarie: la volonté déclarée des autorités de réformer la Constitution en vue de lutter contre la corruption de manière efficace et de garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire, l’État de droit et la coopération avec la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) à cet égard;
8.6. Géorgie: l’accord politique conclu en mars 2020 entre tous les acteurs politiques, permettant un système électoral plus proportionnel, qui peut contribuer à la formation d’un Parlement géorgien plus pluraliste et représentatif;
8.7. République de Moldova: la coopération continue entre les autorités moldaves et le Conseil de l’Europe et la bonne organisation de l’élection présidentielle malgré un environnement polarisé et les difficultés liées à la crise sanitaire. L’Assemblée prend note de l’élection, le 15 novembre 2020, de Maia Sandu, qui a remporté une large victoire et est devenue la première femme élue à la présidence de la République de Moldova;
8.8. Monténégro: le transfert de pouvoir pacifique après la tenue d’élections générales au mois d’août, qui représente un changement politique majeur depuis l’indépendance et qui a pu s’opérer grâce à l’attitude responsable non seulement de la nouvelle majorité mais aussi de la nouvelle opposition au lendemain des élections;
8.9. Macédoine du Nord: la capacité des quatre principaux partis politiques, malgré leurs divergences et leurs origines ethniques différentes, à s’accorder sur le report de la date des élections législatives anticipées (au 15 juillet) en raison de la pandémie de covid-19, et à permettre au parlement de remplir ses fonctions législatives; la révision de la loi tant attendue sur le parquet visant à offrir une solution durable pour les affaires du «procureur spécial chargé des crimes liés et découlant du contenu de l'interception illégale de communications»; les efforts notables déployés par les autorités pour revoir les cadres législatifs de la lutte contre la corruption, tout en espérant une application concrète et cohérente de ces nouvelles règles;
8.10. Pologne: les efforts déployés par tous les acteurs politiques pour organiser des élections démocratiques malgré la pandémie de covid-19 et l’accord, même tardif, conclu entre les parties prenantes sur le report de ces élections, prévoyant les nouvelles dates et les conditions d’organisation pendant la pandémie;
8.11. Fédération de Russie: le rôle joué dans les négociations de paix dans le conflit du Haut-Karabakh;
8.12. Serbie: la reprise du dialogue entre Belgrade et Pristina sous les auspices de l’Union européenne, après une interruption de 20 mois, et l’établissement d’un mini-espace Schengen en vue de renforcer la coopération avec l’Albanie et la Macédoine du Nord;
8.13. Turquie: la volonté affichée par les autorités turques d’étendre la liberté d’expression dans le cadre de l’élaboration du Plan d’action sur les droits de l’homme, ainsi que du dialogue et de la coopération continus établis avec le Conseil de l’Europe;
8.14. Ukraine: les efforts déployés par les autorités ukrainiennes pour établir et garantir le fonctionnement des institutions chargées de lutter contre la corruption dans le pays, ainsi que l’accord de cessez-le-feu entre l’armée ukrainienne et les groupes armés illégaux dans certaines zones des régions de Donetsk et Lougansk, qui a permis un désengagement tangible le long de la ligne de contact.
9. Parallèlement, l’Assemblée s’inquiète des évolutions observées et des lacunes qui subsistent dans un certain nombre de pays faisant l’objet d’une procédure de suivi ou engagés dans un dialogue postsuivi, à savoir:
9.1. Albanie: les retards dans la mise en place d’une Cour constitutionnelle opérationnelle et la polarisation politique accrue dans le pays;
9.2. Arménie: les violents incidents qui ont éclaté à la suite de la signature de la déclaration trilatérale entre l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Russie le 9 novembre 2020, entraînant la prise d’assaut de bâtiments institutionnels et l’agression physique du président de l’Assemblée nationale, qui a dû être hospitalisé; les modifications rapides apportées à la composition de la Cour constitutionnelle sans tenir compte de l’avis de la Commission de Venise dans sa totalité;
9.3. Azerbaïdjan: les rapports faisant état d’une répression à grande échelle des opposants au gouvernement et de restrictions à la liberté d’expression, y compris l’accès à internet, sous couvert de mesures de sécurité contre la pandémie de covid-19; les autres préoccupations qui subsistent portent, entre autres, sur le manque d’indépendance de la justice, l’absence de pluralisme, la violation de l’État de droit et des droits humains ainsi que les restrictions concernant les libertés de réunion, d’association, d’expression et de religion;
9.4. Bosnie-Herzégovine: les attaques verbales continues visant l’Accord-cadre général, notamment les menaces de la Republika Srpska de déclarer son autodétermination; la remise en cause régulière de la légitimité de certaines institutions de l’État établies par l’Accord-cadre général, notamment le refus d’appliquer les décisions rendues par les tribunaux de l’État; l’absence de progrès concernant l’exécution de l’arrêt Sedjić et Finci; l’absence de progrès concernant la mise en œuvre des recommandations formulées par le groupe d’experts mandaté par l’Union européenne dans le rapport Priebe de 2019; l’absence de progrès dans le domaine de la liberté d’expression et de la liberté de réunion pacifique en ce qui concerne le mouvement «Justice pour David»; l’absence de progrès en termes de justice transitionnelle et de réconciliation;
9.5. Bulgarie: aucun progrès notable dans les principaux domaines de préoccupation en suspens, y compris la corruption de haut niveau et la liberté des médias;
9.6. Géorgie: les dysfonctionnements relevés lors des dernières élections législatives et le fait profondément regrettable que les partis d’opposition aient décidé de boycotter le nouveau parlement.
9.7. République de Moldova: la lenteur de la réforme du système judiciaire, et la lenteur des progrès accomplis dans la lutte contre la corruption, en particulier les progrès insuffisants dans le domaine de la prévention de la corruption des parlementaires, des juges et des procureurs et, dans ce cadre, les changements d’affiliation politique des parlementaires qui sont source d’instabilité politique, nonobstant les allégations de corruption politique;
9.8. Monténégro: les progrès limités dans les quatre domaines prioritaires identifiés par la Résolution 2030 (2015): l’indépendance de la justice, la confiance dans le processus électoral, la situation des médias et la lutte contre la corruption; la reconduction dans leurs fonctions de présidents de tribunaux au-delà de la limite de deux mandats inscrite dans la Constitution et la loi; l’absence de révision du cadre électoral avant les élections générales; l’absence d’amélioration pour ce qui est de la composition et de l’indépendance du Conseil de la magistrature ainsi que de la révision du cadre disciplinaire applicable aux juges; l’absence de progrès notables dans la réforme du financement des partis politiques et des campagnes électorales; l’absence d’amélioration de la situation des journalistes;
9.9. Macédoine du Nord: la situation des médias qui reste inchangée, notamment en ce qui concerne la viabilité financière des médias indépendants, l’autorégulation, la transparence de la publicité faite par les institutions de l’État, les partis politiques et les entreprises publiques, et l’indépendance du radiodiffuseur public;
9.10. Pologne: le refus des autorités polonaises, en violation de leurs obligations internationales y compris à l’égard du Conseil de l’Europe, d’exécuter les décisions rendues par des tribunaux nationaux et la Cour de justice de l'Union européenne qui ne leur conviennent pas;
9.11. Fédération de Russie: plusieurs préoccupations majeures subsistent, notamment le manque de pluralisme, l’indépendance du pouvoir judiciaire, l’environnement restrictif pour les activités de l’opposition politique extra-parlementaire, de la société civile, des défenseurs des droits humains et des journalistes, les restrictions à la liberté d’expression, de réunion, d’association et de religion ainsi que plusieurs lois problématiques, y compris la loi sur les agents étrangers, la loi sur les organisations indésirables ou la législation anti-extrémistes; l’absence de progrès dans la mise en œuvre des exigences de la communauté internationale en ce qui concerne l’Ukraine orientale, la Crimée, les régions géorgiennes occupées d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie et la région transnistrienne de la République de Moldova;
9.12. Serbie: les progrès limités voire inexistants dans les domaines de préoccupation en suspens; les questions soulevées par les élections générales tenues le 21 juin 2020, notamment le boycott par plusieurs partis politiques d’opposition qui a entraîné, malgré la décision prise au dernier moment d’abaisser le seuil électoral, la formation d’un nouveau parlement sans opposition viable (à l’exception de certains membres de partis minoritaires); la gestion de la pandémie de covid-19 en période d’élections, y compris la levée des mesures restrictives liées au confinement pendant la campagne électorale et leur ré-instauration soudaine quelques jours après le nouveau scrutin du 1er juillet, qui a généré des affrontements avec la police et l’usage disproportionné de la violence par les forces de l’ordre; les restrictions à la liberté des médias et les attaques contre des journalistes, ainsi que l’ouverture d’enquêtes financières à l’encontre d’ONG et de défenseurs des droits humains;
9.13. Turquie: la nouvelle répression de l’opposition politique et de la dissidence civile, les restrictions à la liberté d’expression et des médias; la révocation de maires pour de supposés motifs liés au terrorisme et leur remplacement par des administrateurs nommés par le gouvernement, l’adoption des amendements à la loi sur les avocats de 1969 qui nuisent à l’indépendance des barreaux et détériorent encore davantage l’État de droit;
9.14. Ukraine: les lacunes persistantes dans les réformes de la justice et du système judiciaire et les résultats encore modestes en matière de lutte contre la corruption dans tout le pays; les attaques récurrentes contre les journalistes.
10. En conséquence, l’Assemblée demande instamment à tous les pays faisant l’objet d’une procédure de suivi ou engagés dans un dialogue postsuivi d’intensifier leurs efforts pour honorer pleinement l’ensemble des obligations et engagements qu’ils ont contractés lors de leur adhésion au Conseil de l’Europe. Elle appelle notamment:
10.1. l’Albanie à favoriser la liberté des médias et à se conformer pleinement à toutes les recommandations de la Commission de Venise en ce qui concerne les amendements à la loi sur les services de médias audiovisuels; elle demande également à toutes les forces politiques d’appliquer pleinement le nouveau cadre électoral qui permettra d’organiser des élections véritablement démocratiques le 25 avril 2021;
10.2. l’Arménie à poursuivre dans la voie démocratique qu’elle a choisie, et à résoudre la crise politique qui a suivi la signature de la déclaration trilatérale dans le cadre d’un État démocratique respectueux de l’État de droit;
10.3. l’Azerbaïdjan à répondre aux préoccupations exprimées dans les dernières résolutions de l’Assemblée, notamment le manque de pluralisme, la violation de l’État de droit et des droits humains, ainsi que les restrictions aux libertés de réunion, d’association, d’expression et de religion, et à s’abstenir de tout propos belliqueux;
10.4. la Bosnie-Herzégovine à s’abstenir de toute atteinte à l’Accord-cadre général; à exécuter l’arrêt rendu dans l’affaire Sedjić et Finci; à mettre en œuvre les recommandations figurant dans le rapport Priebe; à cesser les actes d’intimidation contre les journalistes, et à respecter la liberté de réunion pacifique, notamment en ce qui concerne le mouvement «Justice pour David»; à s’engager dans un véritable processus de réconciliation, dans l’esprit de la déclaration commune signée par la Présidence collégiale à l’occasion du 25e anniversaire de l’Accord-cadre général;
10.5. la Bulgarie à intensifier ses efforts pour répondre aux préoccupations en suspens énumérées dans la Résolution 2296 (2019) «Dialogue postsuivi avec la Bulgarie», notamment la corruption de haut niveau, la liberté des médias, les droits humains des minorités, le discours de haine et la violence à l’égard des femmes, et à tirer pleinement profit de l’expertise juridique du Conseil de l’Europe dans le processus d’adoption d’une nouvelle Constitution;
10.6. la Géorgie à enquêter de façon approfondie et transparente sur tous les cas allégués de fraude électorale au cours des élections législatives d’octobre 2020; l’Assemblée exhorte également tous les partis politiques à exercer leur mandat parlementaire au sein du nouveau parlement et à ne pas compromettre son fonctionnement démocratique;
10.7. la République de Moldova à s’assurer que tous les partis politiques entament un dialogue inclusif et soient prêts à faire les compromis politiques nécessaires pour garantir le fonctionnement des institutions démocratiques conformément aux normes du Conseil de l’Europe et en faveur de tous les citoyens; à adopter, sans plus tarder, les changements constitutionnels et juridiques attendus, conformément aux recommandations de la Commission de Venise; à renforcer l’indépendance, la responsabilité et l’efficacité des autorités judiciaires; à mettre à jour la législation électorale conformément à l’avis émis par la Commission de Venise en août 2020, en particulier afin de mieux réglementer le financement des campagnes électorales; à prendre des mesures appropriées pour lutter contre la corruption et à mener une enquête approfondie sur le scandale bancaire de 2014;
10.8. tous les acteurs politiques du Monténégro à administrer la preuve que le pays est non seulement capable de gérer un changement de majorité démocratique, mais aussi de confirmer son orientation européenne et d’honorer ses obligations, notamment dans les quatre domaines prioritaires définis par la Résolution 2030 (2015) «Le respect des obligations et engagements du Monténégro»;
10.9. la Macédoine du Nord à poursuivre ses efforts visant à renforcer l’indépendance du système judiciaire et la lutte contre la corruption, conformément aux recommandations du Groupe d’États contre la Corruption (GRECO); à engager les réformes nécessaires pour améliorer la situation des médias en consultation avec toutes les parties prenantes; à poursuivre la mise en œuvre de la Résolution 2304 (2019) sur le «Dialogue postsuivi avec la Macédoine du Nord», et notamment renforcer la viabilité et le fonctionnement des institutions démocratiques, consolider le cadre électoral et mener des politiques inclusives visant à garantir les droits des minorités;
10.10. la Pologne à se conformer pleinement à la Résolution 2316 (2020) sur «Le fonctionnement des institutions démocratiques en Pologne», notamment en ce qui concerne l’indépendance du pouvoir judiciaire et le respect de l’État de droit; respecter l’autonomie reproductive des femmes et garantir un accès libre et opportun aux services de santé sexuelle et génésique;
10.11. la Fédération de Russie à répondre, sans plus attendre, à plusieurs préoccupations majeures qui subsistent, notamment le manque de pluralisme, l’indépendance de la justice, l’environnement restrictif pour les activités de l’opposition politique extra-parlementaire, de la société civile, des défenseurs des droits humains et des journalistes, les restrictions à la liberté d’expression, de réunion, d’association et de religion ainsi que certaines lois problématiques y compris la loi sur les agents étrangers, la loi sur les organisations indésirables ou la législation anti-extrémistes; à mettre en œuvre les exigences de la communauté internationale en ce qui concerne l’Ukraine orientale, la Crimée, les régions géorgiennes occupées d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie et la région transnistrienne de la République de Moldova;
10.12. la Serbie à favoriser un dialogue inclusif entre tous les partis politiques afin de garantir le pluralisme des points de vue dans l’élaboration des réformes attendues dans le cadre de la procédure de suivi, en particulier la révision de la Constitution en vue d’accroître l’indépendance du pouvoir judiciaire; à renforcer la position et l’action des institutions indépendantes; à revoir la législation électorale en s’appuyant sur un consensus entre les principales forces politiques afin d’instaurer la confiance dans les processus électoraux et de garantir des élections équitables à l’avenir; à améliorer la situation des médias, enquêter sur les agressions de journalistes et créer un environnement où la société civile et les médias indépendants peuvent exprimer des opinions critiques et assurer une saine surveillance des institutions publiques, et ainsi veiller à l’équilibre des pouvoirs indispensable dans une société démocratique; à affirmer clairement son opposition au discours de haine qui alimente l’hostilité contre les journalistes, les défenseurs des droits humains et les opposants politiques;
10.13. la Turquie à mettre en œuvre la Résolution 2347 (2020) sur la «Nouvelle répression de l’opposition politique et de la dissidence civile en Turquie: il est urgent de sauvegarder les normes du Conseil de l’Europe» et notamment à s’abstenir d’enquêter systématiquement sur les voix dissidentes et de les poursuivre – y compris les responsables politiques de l’opposition, les défenseurs des droits humains, les journalistes, les universitaires – et protéger leurs libertés fondamentales; à rétablir dans leurs fonctions les maires révoqués et procéder aux changements juridiques attendus dans la législation électorale, conformément à l’Avis rendu en juin 2020 par la Commission de Venise; à libérer Osman Kavala et exécuter les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme; à modifier ou interpréter de manière restrictive la loi antiterroriste et le Code pénal afin de garantir que leur application et leur interprétation sont conformes à la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5), telle qu’interprétée par la Cour européenne des droits de l’homme;
10.14. l’Ukraine à prendre toutes les mesures nécessaires pour renforcer les structures chargées de la lutte contre la corruption dans le pays, notamment en rétablissant le fonctionnement effectif du système de déclaration en ligne et en précisant le statut juridique du Bureau national de lutte contre la corruption, tout en renonçant à toute action qui pourrait avoir des effets préjudiciables durables sur l’État de droit et l’indépendance du système judiciaire en Ukraine; et à garantir l’efficacité des enquêtes sur toutes les attaques contre les journalistes.
11. En ce qui concerne le conflit au Haut-Karabakh, l’Assemblée appelle toutes les parties concernées à éviter les propos incendiaires entravant le dialogue politique, l’Arménie et l’Azerbaïdjan à mettre en œuvre dès que possible les dispositions de la déclaration trilatérale portant sur les questions humanitaires, toutes les parties concernées à immédiatement mettre en action l’échange des prisonniers de guerre et des corps des personnes décédées, à respecter le patrimoine culturel; elle invite la commission de suivi à explorer les pistes qui permettraient d’instaurer, au niveau parlementaire, un climat favorable au processus de paix. L’Assemblée exprime sa vive inquiétude quant aux rapports et allégations de violations du droit humanitaire et des droits humains par toutes les parties au conflit et des allégations de dégradations de certains sites et monuments religieux, ainsi que de destruction de propriétés privées. Elle attend des enquêtes approfondies et la réparation de ces violations et la poursuite de leurs auteurs.
12. L’Assemblée invite la commission de suivi à poursuivre sa réflexion sur les moyens permettant d’adapter ses méthodes de travail aux contraintes imposées par la pandémie, en vue d’améliorer l’efficacité des procédures de suivi parlementaire dans des circonstances difficiles.
13. L’Assemblée invite tous les rapporteurs chargés du suivi à reprendre leurs visites dans les pays sous leur responsabilité dès que les restrictions de déplacement liées à la pandémie seront levées, et appelle tous les pays concernés à faciliter l’organisation de ces visites sans autre délai.

B. Exposé des motifs, par M. Michael Aastrup Jensen, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. La procédure de suivi de l’Assemblée parlementaire s’appuie sur la Résolution 1115 (1997) sur la «Création d’une commission de l’Assemblée pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi)», telle que modifiée par la Résolution 1431 (2005), la Résolution 1515 (2006), la Résolution 1698 (2009), la Résolution 1710 (2010), la Résolution 1936 (2013), la Résolution 2018 (2014), la Résolution 2261 (2019) et la Résolution 2325 (2020). Cette résolution définit le mandat de la commission de suivi, qu’elle charge de veiller «au respect des obligations contractées par les États membres aux termes du Statut du Conseil de l’Europe (STE n° 1), de la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5) et de toutes les autres conventions de l’Organisation auxquelles ils sont parties», ainsi qu’au «respect des engagements pris par les autorités des États membres à l’occasion de leur adhésion au Conseil de l’Europe».
2. Conformément à la Résolution 1115 (1997) telle que modifiée, la commission de suivi est tenue de rendre compte à l’Assemblée, une fois par an, du déroulement général des procédures de suivi. En accord avec la pratique établie, la commission m’a chargé, en ma qualité de président, de faire rapport sur ses activités sur la période de janvier à décembre 2020.
3. Conformément à son mandat, la commission de suivi veille au respect par tous les États membres des obligations découlant de leur adhésion au Conseil de l’Europe et, s’il en est, des engagements spécifiques qu’ils ont contractés. Actuellement, 11 pays sont soumis à une procédure de suivi stricto sensu (l’Albanie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Bosnie-Herzégovine, la Géorgie, la République de Moldova, la Pologne, la Fédération de Russie, la Serbie, la Turquie et l’Ukraine) et 3 autres sont engagés dans un dialogue postsuivi (la Bulgarie, le Monténégro et la Macédoine du Nord). 3 pays (la Hongrie, Malte et la Roumanie) font l’objet d’un rapport d’examen périodique sur le respect des obligations. Le processus de sélection des rapports d'activité périodique est examiné plus en détail ci-dessous. La commission de suivi possède en outre une sous-commission sur «les conflits entre les États membres du Conseil de l’Europe».
4. Les rapports annuels d’activité précédents fondaient leurs observations pays par pays sur les rapports, déclarations et autres documents publics établis par les corapporteurs respectifs. Le rapport d’activité de cette année pose de ce point de vue un défi sans précédent. Du fait des circonstances exceptionnelles liées à la covid-19, les corapporteurs ont été dans l’incapacité d’effectuer des visites dans les pays dont ils ont la responsabilité. En conséquence, et en l’absence de sessions plénières en présence physique des membres, lesquelles sont indispensables à la tenue d’un débat politique approfondi et équilibré sur les rapports de suivi ordinaires, aucun rapport de suivi n’a été élaboré selon la procédure ordinaire. Toutefois, les travaux de la commission se sont poursuivis à distance, ce qui a permis de progresser dans la préparation des rapports en cours. J’aimerais souligner ici que les commentaires par pays de cette année ont été élaborés sur la base des déclarations des rapporteurs ainsi que sur celle des débats de la commission de suivi et des constats d’autres mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe. Tous ont fait l’objet d’une consultation avec les rapporteurs respectifs avant d’être publiés.

2. Aperçu des activités de la commission

2.1. Observations générales

5. En 2020, les travaux de l’ensemble du Conseil de l’Europe, incluant ceux de l’Assemblée parlementaire ont été confrontés à un défi sans précédent. L’Assemblée n’a pu se réunir en présence physique de ses membres qu’au cours de sa première partie de session de janvier 2020, tandis que les trois autres parties de session ont été annulées ou remplacées par des réunions à distance de la Commission permanente. Bien que du point de vue réglementaire celle-ci agisse au nom de l’Assemblée, il est d’usage que les rapports de suivi ordinaires soient exclusivement examinés par cette dernière afin de garantir un plus grand équilibre politique concernant les questions sensibles.
6. Les restrictions des voyages imposées à l’échelle européenne ont empêché les corapporteurs d’effectuer des visites d’information, en personne. Tout en poursuivant la préparation de leurs rapports par le biais de réunions à distance et d'échanges de vues avec les parties prenantes concernées et en recevant des informations d’autres sources, notamment de la société civile nationale et internationale, la commission a considéré que le dialogue politique direct était un élément essentiel de la procédure de suivi et qu’il était à ce titre indispensable dans le cadre de la préparation d’un rapport.
7. En conséquence, seuls quatre rapports et un avis ont été soumis par la commission au cours de la période de référence: trois rapports en janvier (rapport d’activité, fonctionnement des institutions démocratiques en Pologne et contestation, pour des raisons substantielles, des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation parlementaire de la Fédération de Russie), le quatrième selon la procédure d’urgence lors de la réunion du 23 octobre 2020 de la Commission permanente élargie (Nouvelle répression de l’opposition politique et de la dissidence civile en Turquie: il est urgent de sauvegarder les normes du Conseil de l’Europe) et l’avis sur le rapport préparé par la commission des questions politiques et de la démocratie sur les démocraties face à la pandémie de covid-19, examiné lors de la réunion du 13 octobre 2020 de la Commission permanente élargie.
8. La commission a également adopté – sans cependant les soumettre à l’Assemblée – un rapport et un projet de résolution sur le dialogue postsuivi avec le Monténégro. Les corapporteurs pour l’Albanie ont également rédigé une note d’information qui a été déclassifiée par la commission.
9. Au cours de la période de référence, la commission s’est réunie neuf fois: une fois à Paris en janvier, une fois à Strasbourg pendant la partie de session plénière de janvier de l’Assemblée et, à partir de mai 2020, lors de sept réunions à distance. Hélas, la réunion extérieure de la commission prévue à Ankara les 30-31 mars 2020, à l’invitation du Parlement turc, a dû être reportée.
10. Plusieurs auditions ont été organisées lors de ces réunions qui ont pu avoir lieu, notamment sur la Géorgie, la Serbie, l’Ukraine, la Pologne, la Bosnie-Herzégovine, la Fédération de Russie, l’Arménie, la Turquie et l’Albanie, ainsi que sur les obligations découlant de l’adhésion au Conseil de l’Europe et liées à la pandémie de covid-19. La commission a tenu des échanges de vues avec le Président de l’Assemblée, au sujet de la Boîte à outils de l’Assemblée sur les lignes directrices concernant les discussions sur l’impact de la pandémie de covid-19, avec la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, sur la justice transitionnelle en Bosnie-Herzégovine, et avec la Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe, Mme Marija Pejčinović Burić.
11. Bien qu’un certain nombre de visites de corapporteurs aient dû être reportées – parfois en dernière minute – en raison de la détérioration de la situation sanitaire (par exemple une visite à Moscou prévue les 17-18 mars 2020, une autre à Kiev les 6-8 avril 2020 et une autre à Ankara du 1er au 4 avril 2020), de plus en plus de vidéoconférences et de réunions bilatérales à distance ont été organisées afin que les rapporteurs soient tenus informés de l’évolution de la situation dans leurs pays respectifs. Parmi ces événements figuraient une table ronde avec des représentants de la société civile russe, des échanges de vues avec les présidents des délégations parlementaires de la Fédération de Russie et de la Turquie, le président et l’ensemble de la délégation de la Bosnie-Herzégovine, des experts et des représentants de la société civile du Monténégro au sujet des résultats des élections législatives et locales du 30 août, l’Ambassadeur de la délégation de l’Union européenne au Monténégro, le Défenseur des droits de l’homme de la République d’Arménie, la Secrétaire a.i. de la Commission de Venise au sujet de la Constitution de l’Arménie, le président de la commission en charge des réformes constitutionnelles et représentant de la République d’Arménie auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, un expert de la fondation Carnegie au sujet du conflit au Haut-Karabakh, des experts et des représentants de la société civile de l’Albanie au sujet de la réforme électorale et, enfin, des représentants de la société civile polonaise, ainsi qu’une table ronde avec des représentants de la société civile et des médias serbes.
12. Les rapporteurs de la commission ont adopté un certain nombre de déclarations concernant l’évolution de la situation en Albanie, en Arménie, en Azerbaïdjan, en Bosnie-Herzégovine, en Géorgie, en Macédoine du Nord, au Monténégro, en Pologne, en Fédération de Russie, en Serbie, en Turquie et en Ukraine. Les rapporteurs respectifs pour la Serbie et la République de Moldova ont soumis à la commission des notes sur l’évolution de la situation dans ces deux pays.
13. La commission a réagi au déclenchement d’hostilités militaires dans la région du Haut-Karabakh. Elle a ouvert sur ce sujet un débat d’actualité qui s’est tenu lors de la réunion du 22 octobre 2020 de la Commission permanente élargie et a chargé sa sous-commission sur les conflits entre les États membres du Conseil de l’Europe de s’entretenir avec les présidents des deux délégations concernées des suites éventuelles à donner aux discussions au sein de la commission. Les rapporteurs pour l’Arménie et l’Azerbaïdjan ont fait un certain nombre de déclarations conjointes concernant les hostilités.
14. Au terme d’un long processus de réflexion, la commission a adopté ses méthodes de travail concernant la procédure de sélection des rapports d’examen périodique (voir chapitre 2.4).
15. La coopération remarquable avec la Commission de Venise s’est aussi poursuivie cette année. Des échanges de vues ont été organisés avec le président du Conseil des élections démocratiques au sujet des obligations découlant de l’adhésion au Conseil de l’Europe et de la conduite d’élections démocratiques dans le contexte de la pandémie de covid-19, ainsi qu’avec des membres de la Commission de Venise au sujet des modifications apportées à la loi géorgienne sur les tribunaux ordinaires concernant le processus de nomination des juges à la Cour suprême, des modifications des lois albanaises sur la communication et de la situation des maires révoqués et remplacés en Turquie. Le 28 janvier 2020, la commission a demandé à la Commission de Venise un avis sur le projet de loi roumain visant à modifier et à compléter la loi n° 115/2015 relative à l’élection des autorités de l’administration publique locale et sur les projets de lois portant modification de la loi n° 215/2001 relative à l’administration publique locale et de la loi n° 393/2004 relative au statut des élections locales. Le 27 mai 2020, la commission a demandé deux avis de la Commission de Venise sur des amendements de la Constitution de la Fédération de Russie et la procédure de leur adoption et sur le projet de loi de la Turquie relatif aux barreaux. Le 13 novembre 2020, la commission a demandé l’avis de la Commission de Venise sur les modifications récentes apportées à la loi sur les communications électroniques et à la loi sur la radiodiffusion en Géorgie. Le 11 décembre 2020, la commission a demandé l’avis de la Commission de Venise sur les projets d’amendements révisés à la loi sur le Service des médias audiovisuels de l’Albanie.
16. Hélas, la commission a aussi connu cette année, pour des raisons diverses, d’importantes fluctuations concernant ses rapporteurs. De nouveaux rapporteurs ont dû être ont été désignés afin de remplacer les précédents, pour la Macédoine du Nord, la Fédération de Russie, la Turquie, l’Albanie, l’Arménie, le Monténégro, la République de Moldova et l’Ukraine. Pour ces nouveaux corapporteurs – ainsi que pour les rapporteurs en charge de nouveaux rapports (le rapport de suivi sur la Pologne et les rapports d’examen périodique sur la Hongrie, Malte et la Roumanie) – il est particulièrement important de se rendre dans le pays dont ils ont la responsabilité et d’y établir des contacts directs afin de mener un dialogue politique constructif. Tous ont exprimé le souhait d’effectuer ces visites dès que les conditions le permettront.
17. Les corapporteurs concernés n’ont pas pu prendre part, en leur qualité de membres de droit, aux missions d’observation électorale planifiées – puis annulées du fait de la situation sanitaire – en Serbie, en Macédoine du Nord, au Monténégro et en République de Moldova.
18. La question des modalités d’élaboration des rapports de suivi et, plus généralement, de l’efficacité des travaux de la commission pendant la pandémie de covid-19, en particulier si les restrictions actuelles sont reconduites l’année prochaine, a fait l’objet d’une discussion interne entre nos membres.

2.2. Pays soumis à une procédure complète de suivi

2.2.1. Albanie

19. Le tout dernier rapport 
			(2) 
			Doc. 13586. sur le respect des obligations et engagements de l’Albanie a été présenté à l’Assemblée le 2 octobre 2014 et a donné lieu à l’adoption de la Résolution 2019 (2014). Les rapporteurs se sont rendus à Tirana du 28 au 30 octobre 2019. Ils ont présenté leurs conclusions à la commission le 16 janvier 2020 dans le document AS/Mon (2020) 01 Rev1. M. Andrej Hunko (Allemagne, GUE), dont le mandat de cinq ans a pris fin, a été remplacé le 30 janvier 2020 par M. Petter Eide (Norvège, GUE) en qualité de corapporteur.
20. L’un des principaux développements de l’année 2020 a été l’accord conclu entre toutes les parties prenantes sur la réforme électorale. Comme l’ont mentionné les corapporteurs dans leur toute dernière note d’information, une réforme électorale suivie d’élections est largement considérée comme déterminante pour surmonter la crise politique en Albanie. Cela permettra aux forces politiques de parvenir à un consensus sur un cadre électoral susceptible de bénéficier de la pleine confiance de toutes les parties prenantes. Un tel accord permettrait la tenue de nouvelles élections qui, à leur tour, pourraient conduire au retour de l’opposition au parlement et, espérons-le, à la normalisation de l’environnement politique.
21. Le 14 janvier 2020, la majorité au pouvoir et l’opposition parlementaire et extraparlementaire se sont accordées sur la création d’un Conseil politique pour la réforme électorale, considérée comme une évolution très positive. La majorité au pouvoir s’est engagée à adopter toute proposition consensuelle élaborée par le Conseil politique. Après de longues négociations, le Conseil politique est parvenu à un accord sur la réforme électorale le 5 juin 2020. Cependant, aucun compromis n’a pu être trouvé sur un nouveau système électoral, qui constituait la principale demande de l’opposition parlementaire. Les modifications à apporter à la législation électorale pour permettre la mise en œuvre de cet accord ont été adoptées le 23 juin 2020.
22. Le 15 juin 2020, un groupe composé de 28 parlementaires (pour la plupart de l’opposition parlementaire) a déposé une série d’amendements à la Constitution albanaise, en vue de réformes électorales supplémentaires, qui visaient principalement à introduire un système électoral à listes ouvertes. Cette proposition a été soutenue par la majorité au pouvoir, ce qui a permis son passage au parlement le 30 juillet 2020. Ces amendements ont été dénoncés par l’opposition extraparlementaire, qui les a jugés litigieux et a fait remarquer qu’ils avaient été rejetés par le Conseil politique et allaient donc à l’encontre des accords conclus entre tous les acteurs politiques, les 14 janvier et 5 juin 2020. Néanmoins, le parlement a adopté les modifications du Code électoral nécessaires à la mise en œuvre des amendements constitutionnels le 5 octobre 2020.
23. Par chance, l’adoption de ces amendements constitutionnels, tout en suscitant initialement des tensions, n'a pas mis en danger l'accord de juin sur la réforme électorale. et le Président de l’Albanie a convoqué des élections législatives le 25 avril 2021. Dans le même temps, compte tenu des controverses suscitées par la deuxième série de modifications du cadre électoral, le Président de l’Albanie a sollicité l’avis de la Commission de Venise à propos des amendements à la Constitution du 30 juillet 2020 et au Code électoral du 5 octobre 2020.
24. Les corapporteurs ont également suivi de près les amendements à la loi albanaise sur les services de médias audiovisuels, qui ont suscité de sérieuses préoccupations dans les rangs des acteurs nationaux et de la communauté internationale. Le 20 janvier 2020, la commission a demandé l’avis de la Commission de Venise sur ces amendements. La Commission de Venise a adopté son avis en juin 2020 
			(3) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2020)013-f'>CDL-AD(2020)013</a>. et y exprime de sérieuses préoccupations concernant les amendements tels que présentés en novembre 2019 et qui, selon elle, «ne sont pas prêts à l’adoption sous leur forme actuelle». Il convient de saluer le fait que les autorités ont retiré les projets d’amendements et se sont engagées à les réviser avant de les déposer à nouveau devant le parlement.
25. Ce processus de révision se poursuit actuellement avec l’expertise offerte par le Conseil de l’Europe. La commission a organisé, le 13 novembre 2020, un échange de vues auquel ont participé les rédacteurs de ces amendements, la Commission de Venise et le Service de la société de l’information (Direction générale I Droits de l’Homme et État de droit du Conseil de l’Europe). Le 11 décembre 2020, la commission a décidé de demander un avis de la Commission de Venise sur le projet final révisé de modifications avant adoption en dernière lecture par le Parlement albanais.
26. Le 27 juillet 2020, conformément aux recommandations de la Commission de Venise exprimées dans son avis sur «l’étendue du pouvoir présidentiel de fixation de la date des élections» 
			(4) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2019)019-f'>CDL-AD(2019)019.</a>, le Parlement albanais a voté contre la destitution du Président Meta.
27. Les processus interdépendants de réforme du système judiciaire et de renforcement des mécanismes de lutte contre la corruption généralisée en Albanie se sont poursuivis en 2020. Des progrès ont été réalisés à cet égard, mais un certain nombre de questions restent en suspens et doivent faire l’objet d’un suivi attentif de la commission. La Haute Cour est devenue opérationnelle le 11 mars 2020. Malheureusement, la Cour constitutionnelle n’est pas encore pleinement fonctionnelle et la nomination de ses juges est mêlée à un différend opposant le Gouvernement albanais au Président. À la demande du président du Parlement albanais, la Commission de Venise a adopté, le 19 juin 2020, un avis sur la nomination des juges à la Cour constitutionnelle, censé servir de base à la résolution de ce problème 
			(5) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2020)010-f'>CDL-AD(2020)010.</a>.
28. En ce qui concerne la structure spéciale chargée de la lutte contre la corruption et le crime organisé (SPAK), le bureau du procureur spécial est désormais pleinement opérationnel et le directeur du Bureau national d’enquête a été nommé le 30 juillet 2020. En outre, le processus de vérification de tous les procureurs et juges, bien que lent, se poursuit avec constance. Le pourcentage élevé de juges et de procureurs révoqués à la suite de ce processus de vérification met en évidence sa nécessité et constitue un sujet de préoccupation.

2.2.2. Arménie

29. La dernière note d’information sur l’Arménie remonte à juillet 2019 et faisait suite à la mission d’information que les corapporteurs ont effectuée à Erevan, en mars 2019.
30. L’événement le plus marquant en 2020 a été le déclenchement des hostilités militaires entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, le 27 septembre, à propos de la région du Haut-Karabakh. Elles ont causé la mort de nombreux civils et militaires des deux côtés et ont pris fin le 10 novembre 2020, avec la déclaration trilatérale de l’Arménie, de l’Azerbaïdjan et de la Fédération de Russie, qui prévoyait un cessez-le-feu.
31. Cependant, l’issue des hostilités militaires a donné lieu à des troubles politiques en Arménie. À l’annonce de la déclaration trilatérale, des manifestants réclamant la démission du Premier ministre, M. Nikol Pashinyan, ont violemment pris d’assaut les bâtiments du parlement et du gouvernement, les forces de l’ordre n’intervenant que faiblement, et ont sévèrement brutalisé le président du Parlement, M. Ararat Mirozyan, qui a dû être hospitalisé. Le même jour, le Président arménien, M. Armen Sarkissian, dont le rôle est essentiellement honorifique, a publiquement fait savoir qu’il n’avait pas été informé de la déclaration trilatérale et a entamé des consultations politiques pour trouver une issue à la crise. Profondément préoccupés par le cours des événements, qui pouvait présager d’un climat de violences insurrectionnelles, les corapporteurs ont fait le 10 novembre une déclaration condamnant les attaques contre les symboles des institutions démocratiques de la République d’Arménie, rappelant aux Arméniens qu’ils avaient prouvé par le passé leur capacité à surmonter d’immenses obstacles politiques de manière pacifique et les appelant à ne pas s’écarter de la voie démocratique qu’ils avaient choisie.
32. À l’heure de la rédaction du présent rapport, la situation semblait avoir évolué, permettant le fonctionnement des mécanismes démocratiques et la proposition de solutions politiques.
33. Dans les jours qui ont suivi le 10 novembre, les partis extraparlementaires, conjointement avec Arménie prospère, principal parti d’opposition au sein du parlement, ont participé à des manifestations restreintes (quelques milliers de personnes) exigeant la démission du gouvernement et le retrait de la déclaration trilatérale, qu’ils percevaient comme une capitulation et une trahison. Certains participants, notamment des dirigeants d’organisations politiques, ont été arrêtés puis rapidement remis en liberté. Des procédures pénales pourraient toutefois être engagées contre les personnes ayant participé à l’assaut de bâtiments publics dans la nuit du 9 au 10 novembre. Le 16 novembre, dans son discours au peuple arménien, le Président Sarkissian a présenté le résultat de ses consultations, indiquant que l’ensemble de ses interlocuteurs avaient plaidé pour la dissolution du gouvernement, et a appelé à la création d’un gouvernement d’accord national de personnalités hautement qualifiées, avant que des élections parlementaires anticipées puissent être organisées conformément à la Constitution. Après la démission de certains membres de son cabinet et plusieurs déclarations en direct devant le peuple arménien, le Premier ministre Pashinyan a présenté, le 18 novembre, une feuille de route détaillant les priorités du gouvernement jusqu’en juin 2021. Il a également annoncé le remaniement de son gouvernement. Malgré le rejet par la majorité parlementaire de la tenue d’une session extraordinaire consacrée à la démission du gouvernement, conduisant les deux groupes de l’opposition, Arménie prospère et Arménie lumineuse, à boycotter la reprise de la session ordinaire, la proposition d’Arménie lumineuse de débattre le 26 novembre de la levée de la loi martiale dans un cadre spécial semble avoir été acceptée.
34. Les graves répercussions politiques engendrées par les hostilités militaires sont intervenues dans un pays profondément touché par la pandémie de covid-19, malgré les mesures sanitaires mises en place dès le début de l’année. Hormis cela, l’Arménie a enregistré des résultats encourageants dans les trois piliers du Conseil de l’Europe et a connu un événement regrettable.
35. L’ONG Transparency International a publié, en janvier 2020, le classement 2019 de son indice de la perception de la corruption, un indicateur de corruption largement utilisé dans le monde entier. L’Arménie, qui était classée 105ème sur 177 pays en 2018, occupe désormais la 77ème place, dans un domaine considéré comme prioritaire par le gouvernement et les corapporteurs, comme indiqué dans leur dernière note d’information.
36. En février 2020, le ministère de la Justice a présenté sa stratégie 2020-2022 de réforme des forces de police, qui prévoit la création d’un nouveau ministère de l’Intérieur responsable des forces de l’ordre, actuellement placées sous l’autorité directe du Premier ministre. Cette création est depuis longtemps une recommandation de l’Assemblée, pour laquelle les corapporteurs ont plaidé lors de leur dernière visite d’information.
37. En mars 2020, la Commission de Venise et le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH) ont rendu un avis conjoint sur les projets d’amendements à la législation relative aux partis politiques, à la demande du Parlement arménien. L’avis sur un ensemble de mesures visant notamment à accroître la transparence du financement politique était plutôt positif, mais l’adoption des amendements a été reportée en raison de la pandémie de covid-19. Ces amendements à la législation relative aux partis politiques ont été adoptés par le parlement en première lecture le 10 décembre 2020.
38. En mai 2020, l’Arménie est devenue le 47e pays à ratifier la Convention sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE n° 201, Convention de Lanzarote), malgré une campagne active et politisée lancée par des militants se présentant comme les défenseurs des «valeurs traditionnelles arméniennes».
39. En septembre 2020, la nomination de trois nouveaux membres à la Cour constitutionnelle, proposés par trois autorités différentes et approuvés par le parlement, a marqué l’épilogue d’une controverse démarrée en 2019, à propos de la composition de la plus haute autorité judiciaire. Le niveau de tension ainsi créé entre le Cabinet du Premier ministre et la présidence de la Cour constitutionnelle a conduit les corapporteurs et le président de la Commission de Venise à appeler à la retenue dans des déclarations séparées, faites en janvier. En raison de la pandémie de covid-19 et grâce au dialogue actif entre le Conseil de l’Europe et les autorités arméniennes, le gouvernement a décidé de sursoir au référendum sur le remplacement des juges constitutionnels initialement prévu, de revenir à la procédure parlementaire afin de réviser la Constitution et de requérir l’avis de la Commission de Venise concernant le projet de réforme. La Commission de Venise a rendu son avis en juin, reconnaissant la légitimité du souhait des autorités de faire en sorte que la composition de la Cour constitutionnelle se conforme, dans un délai raisonnable, aux dispositions de la Constitution actuelle, ce qui n’était pas le cas à l’époque. Elle a également recommandé d’envisager une période transitoire qui permettrait un changement graduel de la composition de la Cour. Les autorités arméniennes n’ont toutefois pas donné suite à cette recommandation, ce qui a entraîné la révocation de trois juges et la rétrogradation de son président à la fonction de juge ordinaire, qui, sans cela, serait resté président bien plus longtemps que le mandat de six ans fixé par la Constitution actuelle.

2.2.3. Azerbaïdjan

40. Le dernier rapport sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Azerbaïdjan a fait l’objet d’un débat à l’Assemblée en 2017.
41. Les élections législatives initialement prévues en novembre 2020 ont eu lieu en février 2020. Elles ont été suivies par les missions d’observation du Conseil de l’Europe et de l’OSCE qui, dans leurs conclusions, ont déclaré qu’en dépit du nombre élevé de candidats, l’environnement législatif et politique restrictif a empêché que s’exerce une véritable compétition. Le parti au pouvoir, le Parti du nouvel Azerbaïdjan, a remporté 72 des 125 sièges (un chiffre qui a ensuite été ramené à 70 en raison de l’invalidation des résultats dans deux circonscriptions). Le deuxième parti du pays, le Parti de la solidarité civique, a obtenu trois sièges.
42. Dans leur déclaration du 7 janvier 2020, les corapporteurs chargés du suivi ont exprimé leur regret et leur découragement face à la non-application par l’Azerbaïdjan de la décision de la Cour européenne des droits de l’homme concernant l’annulation des condamnations prononcées à l’encontre de M. Ilgar Mammadov, chef du mouvement Alternative républicaine (Real), et de sept autres militants, qui les empêchaient de se présenter aux élections législatives anticipées. Le délai d’exécution de la décision de la Cour a expiré le 31 décembre 2019. M. Mammadov et M. Rasul Jafarov, avocat et défenseur des droits de l’homme, ont finalement été acquittés en avril 2020 après avoir respectivement passé cinq ans et 18 mois en prison à la suite de procès inéquitables fondés sur des accusations forgées de toutes pièces.
43. Depuis mars 2020, de nombreux rapports font état d’une répression à grande échelle des opposants au gouvernement et de restrictions à la liberté d’expression, y compris l’accès à internet, sous couvert de mesures de sécurité contre la pandémie de covid-19. Plus de 15 militants de l’opposition et journalistes ont été condamnés à des peines de détention allant jusqu’à 30 jours pour avoir enfreint les règles de confinement ou désobéi aux ordres de la police. M. Ali Kerimli, leader du parti d’opposition Front populaire, a été placé de facto en résidence surveillée et a vu ses lignes internet et téléphoniques bloquées. Le cas du militant de l’opposition Agil Khumbatov, qui aurait été placé dans un asile et contraint de subir un traitement psychologique suite à des déclarations critiques, soulève également la plus grande inquiétude.
44. Le discours prononcé par le président Aliev à l’occasion de la fête de Norouz, par lequel il a proposé de placer l’opposition politique du pays à l’isolement en réponse à la pandémie de coronavirus et a qualifié l’opposition politique légitime de son pays de «cinquième colonne» et de traître, a été fortement critiqué par la communauté internationale et les rapporteurs chargés du suivi.
45. Sur une note plus positive, les rapporteurs ont salué la libération, pour des raisons humanitaires, de 176 prisonniers de plus de 65 ans nécessitant des soins particuliers en raison de leur âge et de leur état de santé, dans le contexte de la pandémie de covid-19, dont deux prisonniers, condamnés suite aux événements de Nardaran en 2015 dans des procès inéquitables qui ont suscité les préoccupations de la communauté internationale. Cette mesure répond aux préoccupations exprimées par la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe concernant la protection des droits humains et de la santé des personnes détenues dans les prisons des États membres du Conseil de l’Europe pendant la crise sanitaire.
46. Le 18 mars 2020, M. Afgan Mukhtarli, journaliste d’investigation et militant azerbaïdjanais détenu par les autorités azéries depuis mai 2017, suite à son enlèvement en Géorgie, a été libéré. Cependant, ce signe de bonne volonté de la part des autorités a été éclipsé par l’arrestation, pour «hooliganisme», de M. Tofik Yakublu, principal responsable politique de l’opposition.
47. Le manque d’indépendance de la justice, illustré par un schéma de répression de longue date contre les opposants au gouvernement, est un problème majeur en Azerbaïdjan et a un impact catastrophique sur le processus démocratique. La troublante tendance marquée à l’arrestation et à la détention arbitraires de personnes critiques à l’égard du gouvernement, relevée par la Cour européenne des droits de l’homme, et le «problème structurel» d’abus de la détention administrative décrit par le Comité des Ministres persistent. Un rapport spécifique sur les prisonniers politiques en Azerbaïdjan préparé par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme a été adopté par l’Assemblée en janvier 2020 
			(6) 
			Doc. 15020 et Résolution
2322 (2020)..
48. D’autres préoccupations subsistent, notamment l’absence de pluralisme, la violation de l’État de droit et des droits humains, ainsi que les restrictions imposées aux libertés de réunion, d’association, d’expression (l’Azerbaïdjan occupe la 166e place sur 180 pays du classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières) et de religion.
49. L’année 2020 a été marquée par le déclenchement, le 27 septembre, des hostilités militaires entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie à propos de la région du Haut-Karabakh, qui ont fait de nombreuses victimes civiles et militaires des deux côtés et ont pris fin le 10 novembre à la suite de la conclusion d’un accord de cessez-le-feu.

2.2.4. Bosnie-Herzégovine

50. À la suite de la conclusion de l’accord sur le programme de réformes de la Bosnie-Herzégovine, qui a ouvert la voie vers une coopération entre la Bosnie-Herzégovine et l’OTAN, et de la mise en place d’un gouvernement au niveau de l’État, en décembre 2019, les deux chambres de l’Assemblée parlementaire de Bosnie-Herzégovine ont nommé leurs membres aux commissions permanentes et aux délégations interparlementaires en janvier 2020. Cela a permis le retour d’une délégation bosnienne à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe après un an d’absence et donné la possibilité aux corapporteurs de reprendre le dialogue avec leurs homologues bosniens. Cependant, le retard de 14 mois dans la formation d’un gouvernement au niveau de l’État, un événement qui s’était déjà produit lors d’élections précédentes, et l’incapacité des partis politiques à constituer une coalition au niveau de l’entité de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, d’octobre 2018 à nos jours, montrent clairement que le cadre institutionnel et la situation politique sont loin d’être optimaux.
51. En 2020, la pandémie de covid-19 a empêché les rapporteurs de se rendre en Bosnie-Herzégovine.
52. Comme indiqué dans le rapport annuel de la Commission européenne (SWD(2020) 350 final) publié en octobre 2020, dans les 57ème (S/2020/345) et 58ème (S/2020/1052) rapports du Haut-Représentant chargé d’assurer le suivi de l’application de l’Accord de paix relatif à la Bosnie-Herzégovine, et confirmé par l’échange de vues tenu par les corapporteurs avec les délégués bosniens, et par la Commissaire aux droits de l’homme, la situation générale en Bosnie-Herzégovine s’est détériorée ou ne s’est pas améliorée, dans presque tous les domaines.
53. La seule évolution majeure et positive est intervenue au niveau local. Parallèlement au débat concernant les élections locales et à leurs préparatifs dans les deux entités et dans le district de Brčko, les dirigeants du Parti de l’action démocratique (SDA) et de l’Union démocratique croate (HDZ Bosnie-Herzégovine) ont signé en juin 2020 un accord visant à modifier la loi électorale de Bosnie-Herzégovine. Adoptés en juillet, ces amendements ont permis pour la première fois depuis 2008 la tenue d’élections locales à Mostar. Celles-ci se sont déroulées le 20 décembre. Ce tournant historique est conforme à l’arrêt Baralija de la Cour européenne des droits de l’homme, dans lequel la Cour a conclu à l’existence d’un traitement discriminatoire des habitants de Mostar en raison de l’incapacité de l’État à permettre la conduite d’élections démocratiques. C’était également l’une des demandes de l’Assemblée dans sa Résolution 2201 (2018). Toutefois, cet accord ne devrait en aucun cas renforcer les clivages existants, fondés sur l’appartenance à l’un des trois peuples constituants, afin de ne pas être en contradiction avec l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Sedjić et Finci.
54. S’agissant de la mise en œuvre de cet arrêt, qui remonte à 2009, aucun progrès n’a été enregistré en 2020 et le système électoral de la Bosnie-Herzégovine reste discriminatoire. Le 1er octobre 2020, le Comité des Ministres a rappelé que le maintien de ce système électoral «constitue une claire violation des exigences de la Convention européenne des droits de l’homme et un manquement manifeste de la Bosnie-Herzégovine à son obligation inconditionnelle en vertu de l’article 46 de la Convention, et partant à ses engagements en tant qu’État membre du Conseil de l’Europe».
55. Dans le domaine de la démocratie, la tendance négative s’est poursuivie sous la forme d’attaques verbales contre l’Accord-cadre général dont le 25ème anniversaire a été célébré en novembre et décembre 2020. À cette occasion, les trois membres de la présidence collégiale ont publié une déclaration commune, comme signe important de réconciliation. Ces attaques verbales se sont manifestées sous la forme de menaces permanentes de la Republika Srpska de déclarer son autodétermination, en la liant à l’avenir du statut du Kosovo* 
			(7) 
			*
Toute référence au Kosovo mentionnée dans ce texte, que ce soit
le territoire, les institutions ou la population, doit se comprendre
en pleine conformité avec la Résolution
1244 du Conseil de Sécurité des Nations-Unies et sans préjuger du
statut du Kosovo., de discours constants remettant en cause la légitimité d’institutions de l’État créées par l’Accord-cadre général, notamment le refus d’appliquer les jugements rendus par les tribunaux de l’État, de menaces proférées à l’encontre des fonctionnaires serbes au niveau de l’État, et de critiques récurrentes concernant la présence de juges internationaux à la Cour constitutionnelle et celle du Haut Représentant en Bosnie-Herzégovine. De manière générale, la prise de décision est ralentie ou rendue plus difficile dans certains cas par des blocages utilisés comme arguments politiques et par l’incapacité des acteurs politiques à trouver des compromis.
56. En ce qui concerne l’État de droit, la Commission européenne a noté que «Les obstructions aux réformes judiciaires émanant d’acteurs politiques et de l’appareil judiciaire ainsi que le mauvais fonctionnement du système judiciaire empêchent les citoyens de jouir de leurs droits et entravent la lutte contre la corruption et la criminalité organisée». En 2019, la décision du Conseil supérieur des juges et des procureurs de rejeter la procédure disciplinaire engagée contre son président, au motif que sa responsabilité disciplinaire dans une affaire de corruption présumée ne pouvait être engagée et qu’il était donc au-dessus des lois, a encore ébranlé la confiance déjà faible dans le pouvoir judiciaire. À la suite de cet incident, un groupe d’experts mandaté par l’Union européenne a publié un rapport (le rapport Priebe) assorti de recommandations concrètes à mettre en œuvre. En 2020, les autorités bosniennes n’y avaient donné aucune suite.
57. Dans le domaine des droits humains, des tendances inquiétantes ont continué d’être observées.
58. S’agissant de la liberté d’expression, la situation ne s’est pas améliorée, les journalistes faisant toujours l’objet d’intimidations sous diverses formes: des agressions physiques ou des menaces, le recours à des poursuites civiles, ou l’application d’une législation interdisant la transmission d’informations susceptibles de semer la panique ou de porter gravement atteinte à la paix et à l’ordre publics, comme ce fut le cas en Republika Srpska du 19 mars au 17 avril 2020.
59. En ce qui concerne le mouvement «Justice pour David» à Banja Luka, la Commission européenne a noté que «des organisations de la société civile ont signalé des tentatives de plus en plus fréquentes de restreindre la liberté de réunion, s’agissant notamment de militants de «Justice pour David» victimes d’intimidations, d’amendes et de poursuites judiciaires» et qu’ils «n’ont pas pu organiser de rassemblements à Banja Luka depuis la dispersion violente des manifestants par la police en décembre 2018».
60. En matière de justice transitionnelle et de réconciliation, aucun progrès n’a été enregistré, ce qu’a confirmé l’échange de vues tenue avec la Commissaire aux droits de l’homme lors de la réunion de la commission en octobre 2020. La négation du génocide, l’apologie des criminels de guerre, la difficulté pour les tribunaux nationaux de résorber leur arriéré de dossiers de crimes de guerre étaient toujours d’actualité en Bosnie-Herzégovine en cette année du 25ème anniversaire de Srebrenica.

2.2.5. Géorgie

61. Les corapporteurs se sont rendus en Géorgie les 11 et 12 mars 2020, pour préparer la présentation de leur rapport de suivi avant les élections législatives géorgiennes d’octobre 2020. Malheureusement, ce processus a été retardé en raison de la pandémie de covid-19. Ils espèrent maintenant présenter leur rapport en 2021, lorsqu’il sera possible d’effectuer une visite dans le pays.
62. L’évolution politique du pays en 2020 a été dominée par les préparatifs des élections législatives qui devaient avoir lieu en octobre 2020.
63. Une crise politique avait éclaté dans le pays en novembre 2019, après le renoncement soudain et inattendu du parti au pouvoir à sa promesse de mettre en place un système électoral entièrement proportionnel avant les élections législatives de 2020. Cette situation a conduit à un regain de tensions, non seulement entre le parti au pouvoir et l’opposition, mais aussi au sein du parti au pouvoir, dont plusieurs membres de premier plan, notamment la présidente d’alors de la délégation géorgienne auprès de l’Assemblée parlementaire, Mme Tamar Chugoshvili, ont quitté le parti et le groupe parlementaire.
64. Avec la médiation conjointe du bureau du Conseil de l’Europe, de la délégation de l’Union européenne et de l’ambassade des États-Unis à Tbilissi, un accord politique a été conclu le 8 mars 2020 entre tous les acteurs politiques. Dans le cadre de cet accord, le nombre de mandats au scrutin uninominal majoritaire a été réduit de 73 à 30 tandis que celui des mandats à la proportionnelle est passé de 77 à 120. Cette modification supposait un redécoupage des circonscriptions au scrutin uninominal. La délimitation des circonscriptions électorales a été effectuée par consensus entre tous les partis, mais il est à noter que dans 18 d’entre elles sur 30, l’écart de taille dépassait le plafond des 15 %, ce qui est contraire aux normes européennes et au principe d’égalité de suffrage.
65. Le seuil fixé dans les scrutins à la proportionnelle pour les partis politiques a été établi à 1 % des voix et un système de plafonnement du nombre de mandats pour chaque parti a été convenu. Selon ce mécanisme, le pourcentage des mandats obtenus par un parti politique ou un bloc électoral ne peut dépasser 25 % du pourcentage des voix recueillies dans les élections à la proportionnelle. En complément de leur accord sur le système électoral, tous les partis se sont engagés à ne pas politiser le processus électoral et la justice.
66. En dépit de cet accord, le climat politique en Géorgie est resté polarisé et conflictuel.
67. Les élections législatives se sont déroulées le 31 octobre 2020. Le second tour pour les districts à scrutin uninominal majoritaire où aucun candidat n’a obtenu 50 % des suffrages a été organisé le 21 novembre 2020. Une mission internationale d’observation des élections (MIOE) dont l’Assemblée faisait partie a observé ce scrutin. Les rapports de la MIOE et des principaux observateurs nationaux de l’International Society for Free and Fair Elections (ISFED) et de Transparency international (TI) ont conclu que les élections ont été concurrentielles et les libertés fondamentales respectées, et que les candidats ont pu faire librement campagne. Parallèlement, ils ont constaté que tous les candidats n’ont pas joué à armes égales en raison d’abus de ressources administratives et de la confusion entre le parti au pouvoir et l’État. Cette situation a été aggravée par la fragilité de la réglementation relative au financement des campagnes électorales et à la transparence, qui a manifestement favorisé financièrement certains partis, dont – ou surtout – le parti au pouvoir. Malheureusement, les observateurs ont également noté la persistance de très nombreuses allégations de pressions et de manœuvres d’intimidation exercées sur les électeurs et les militants des partis et, pour la première fois, les observateurs nationaux ont relevé des incohérences dans les procès-verbaux des résultats de plusieurs bureaux de vote (environ 8 % de l’ensemble des bureaux). Même si les observateurs ont estimé que ces irrégularités n’étaient pas suffisantes pour avoir une incidence sur les résultats globaux, il est essentiel que toutes les allégations de fraude électorale, qui sont extrêmement préoccupantes, fassent l’objet d’enquêtes approfondies et, si elles sont avérées, que les auteurs soient poursuivis.
68. Il est regrettable que les partis d’opposition, alléguant des fraudes généralisées, aient fait part de leur intention de boycotter le second tour et le nouveau parlement, d’autant que les résultats obtenus lors de ce scrutin leur confèrent une position forte pour exercer un contrôle parlementaire. Le parlement est le lieu de la vie politique et du débat, ce qui explique l’opposition systématique de l’Assemblée aux boycotts parlementaires. Dans l’intérêt supérieur du pays, tous les partis politiques sont donc instamment invités à exercer leur mandat parlementaire.
69. La situation autour des régions géorgiennes occupées de facto d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie n’a cessé de se détériorer, l’annexion rampante de ces régions par la Fédération de Russie se poursuit sans relâche, ce qui constitue un important sujet d’inquiétude. En conséquence, les contacts entre Géorgiens à l’intérieur et à l’extérieur de ces deux régions sont devenus pratiquement impossibles. Cela a de graves conséquences humanitaires, car il est devenu de plus en plus difficile, voire impossible, pour les habitants de ces deux régions géorgiennes de franchir la frontière administrative pour la scolarisation ou pour des raisons médicales (d’urgence) dans le reste de la Géorgie.

2.2.6. République de Moldova

70. En octobre 2019, dans la Résolution 2308 (2019) sur le fonctionnement des institutions démocratiques en République de Moldova, l’Assemblée a souligné la nécessité d’adopter des réformes du système judiciaire et du ministère public de manière pleinement conforme aux normes du Conseil de l’Europe et de garantir que les cas présumés de corruption et d’ingérence dans le système judiciaire ainsi que les affaires liées à la captation de l’État fassent l’objet d’enquêtes en bonne et due forme. L’Assemblée a également invité les autorités à poursuivre leurs efforts pour améliorer la législation électorale, lutter contre la corruption et le blanchiment d’argent et faire la lumière sur le scandale de la fraude bancaire de 2014.
71. De nombreux changements sont intervenus en 2020. L’année a été marquée par la volatilité politique, à savoir trois changements de gouvernement et la signature en mars 2020 d’un accord de coalition entre le Parti des socialistes et le Parti démocrate, malgré leurs profondes divergences de vues. Au final, le Parti démocrate a retiré ses ministres (7 novembre) et son soutien à la majorité parlementaire (19 novembre), laissant le parlement sans majorité claire après l’élection présidentielle. Les changements d’affiliation politique de parlementaires constituent une préoccupation majeure et sont source d’instabilité politique, nonobstant les allégations de corruption politique.
72. L’élection présidentielle, qui s’est tenue les 1er et 15 novembre 2020, a constitué un enjeu politique majeur et a soulevé des controverses. Les modifications à la législation électorale, évaluées par la Commission de Venise dans son avis d’août 2020, n’ont pas pu être adoptées à temps pour ce scrutin. Le président sortant, Igor Dodon, candidat indépendant soutenu par le Parti des socialistes, et la leader du Parti Action et Solidarité, Maia Sandu, se sont qualifiés pour le second tour. L’homme d’affaires Renato Usaitii, qui a remporté près de 17 % des voix au premier tour, est apparu comme le «faiseur de roi», appelant les électeurs à ne pas voter pour M. Dodon et réclamant l’organisation d’élections anticipées. Au second tour, Maia Sandu a remporté une large victoire (57 %), avec le soutien massif (92 %) des électeurs de la diaspora. Elle est ainsi la première femme élue à la présidence de la République de Moldova.
73. En raison de la situation sanitaire, l’Assemblée n’a pas observé les élections. La mission restreinte d’observation électorale du BIDDH a conclu que les libertés fondamentales de réunion et d’expression continuaient d’être respectées, tout en notant la campagne de dénigrement clivante et la couverture médiatique polarisante, l’absence de contrôle effectif du financement de la campagne, le discours intolérant et conflictuel employé au second tour, les discussions importantes sur le rôle de la diaspora moldave, les allégations de pressions indues exercées sur des agents publics et des électeurs et de possibles achats de voix, et le transport organisé d’électeurs le jour du scrutin.
74. Dans le secteur de la justice, la stratégie de réforme de la justice et son plan d’action élaborés en coopération avec le Conseil de l’Europe ont été adoptés par le parlement le 26 novembre 2020. L’indépendance du pouvoir judiciaire continue toutefois de poser problème, comme le souligne le GRECO. L’adoption des dispositions juridiques et constitutionnelles nécessaires à la dépolitisation du système judiciaire a été retardée. La Commission de Venise a évalué positivement le projet de loi portant modification de la loi sur le Conseil supérieur de la magistrature (avis de juin 2020) et les projets d’amendements constitutionnels (avis de juin 2020), les modifications proposées étant jugées «dans l’ensemble positives et conformes aux normes applicables» et susceptibles de «renforcer l’indépendance, la responsabilisation et l’efficacité du système judiciaire».
75. Ces projets d’amendements constitutionnels ont été soumis au parlement, mais la Cour constitutionnelle a estimé, le 22 septembre 2020, que certaines dispositions n’étaient pas conformes à la constitution, invoquant des raisons de procédure. Cette Cour a par ailleurs estimé que la cessation du mandat des membres non-juges du Conseil supérieur de la magistrature (élus en mars 2020 par le parlement alors qu’une réforme constitutionnelle affectant la sélection des membres du Conseil supérieur de la magistrature était en cours d’élaboration), à l’entrée en vigueur du projet de loi était une mesure disproportionnée et donc inconstitutionnelle. Une version révisée des projets d’amendements constitutionnels a été présentée au parlement, tandis que la Cour constitutionnelle a requis un avis d’amicus curiae de la Commission de Venise: cette dernière a conclu en novembre 2020 que les dispositions transitoires prévues par le nouveau projet de loi «ne semblent pas disproportionnées» et «établissent un juste équilibre entre les deux intérêts en conflit – la sécurité du mandat des membres non-juges du Conseil supérieur de la magistrature et la nécessité de maintenir l’ordre public».
76. Dans ce contexte, les récentes nominations émanant du Conseil supérieur de la magistrature ont soulevé d’autres questions, alors que la Cour constitutionnelle était confrontée à une nouvelle crise déclenchée par l’appel du Président Dodon au président de la Cour constitutionnelle avant l’examen de la loi de ratification de l’accord de prêt avec la Fédération de Russie, adoptée en avril 2020 par le parlement (puis déclarée contraire à la Constitution par la Cour constitutionnelle). Cette situation a amené les membres de la Cour constitutionnelle à révoquer leur président et à le remplacer par la juge Domnica Manole.
77. Le procureur général nommé en novembre 2019, Alexandr Stoianoglo, a décidé d’abandonner les charges dans neuf des 38 affaires pénales à motivation visiblement politique, répondant ainsi à une demande formulée par l’Assemblée dans la Résolution 2308 (2019).
78. Concernant la lutte contre la corruption, le GRECO a estimé en octobre 2020 que les autorités avaient réalisé des progrès insuffisants dans le domaine de la «Prévention de la corruption des parlementaires, des juges et des procureurs». Le GRECO a réitéré son appel à l’adoption d’un code de conduite pour les parlementaires et à l’abolition de la période initiale d’essai de cinq ans pour les juges, a salué l’abandon d’un précédent projet de loi très critiqué prévoyant une vérification générale des juges et a recommandé de prendre de nouvelles mesures pour renforcer l’indépendance de la justice. Il n’y a eu aucune avancée concernant la conduite d’une enquête crédible sur le scandale de la fraude bancaire de 2014.
79. La République de Moldova a dû faire face à la pandémie de covid-19 et a déclaré l’état d’urgence en mars 2020. Cette crise a également affecté le processus de règlement du différend avec la région de Transnistrie de la République de Moldova qui avait déclaré «l’état d’urgence» le 17 mars 2020. Les autorités transnistriennes «de facto» ont interdit l’entrée des non-résidents, limité la possibilité pour les résidents locaux de quitter le territoire transnistrien et mis en place unilatéralement des points de contrôle supplémentaires et des postes illégaux dans la zone de sécurité. Les autorités moldaves ont dénoncé les actions illégales menées par Tiraspol et l’évolution inquiétante, notamment en ce qui concerne les droits humains, les écoles ou les restrictions aux déplacements.

2.2.7. Pologne

80. Le 27 janvier 2020, l’Assemblée a adopté la Résolution 2316 (2020) sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Pologne. En signe clair de ses graves préoccupations concernant le respect de l’État de droit dans ce pays et la détérioration de l’indépendance du pouvoir judiciaire, l’Assemblée a décidé, à une large majorité, d’ouvrir une procédure de suivi complète à l’égard de la Pologne. Le 27 mai 2020, la commission a désigné Mme Azadeh Rojhan Gustafsson (Suède, SOC) et M. Pieter Omtzigt (Pays-Bas, PPE/DC) corapporteurs. Tous deux avaient été rapporteurs pour le rapport sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Pologne.
81. En ce qui concerne les réformes judiciaires, tout en reconnaissant les difficultés auxquelles sont confrontés la justice et le système judiciaire polonais, en ce qui concerne notamment l’efficacité de l’administration de la justice, l’Assemblée a estimé qu’il était inacceptable que ces réformes reviennent à placer le système judiciaire sous le contrôle du pouvoir exécutif ou législatif, ou, pire, sous le contrôle politique de la majorité au pouvoir. Elle s’est donc déclarée sérieusement préoccupée par le fait que les réformes du judiciaire et du système de la justice violent, à plusieurs égards, les normes et les règles européennes. Leur effet cumulé porte atteinte et nuit gravement à l’indépendance du pouvoir judiciaire et à l’État de droit en Pologne. Par ailleurs, ces réformes exposent le système judiciaire aux ingérences politiques et aux tentatives de le placer sous le contrôle politique de l’exécutif, ce qui remet en question les principes mêmes d’un État démocratique régi par l’État de droit.
82. Malheureusement, aucun progrès n’a été accompli en ce qui concerne la mise en conformité de ces réformes avec les normes et règles européennes. À cet égard, le refus jusqu’à présent des autorités polonaises, en contradiction avec leurs obligations internationales, de mettre en œuvre les arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne concernant ces réformes, notamment la loi sur les tribunaux de droit commun et la Cour suprême, est particulièrement inquiétant. Il convient de souligner que les questions relatives à l’indépendance des tribunaux nationaux en Pologne ont des répercussions bien au-delà du pays lui-même et affectent tous les États membres du Conseil de l’Europe. Un exemple en est la décision de la chambre internationale du tribunal d’Amsterdam de suspendre les extraditions vers la Pologne en raison de questions liées à l’indépendance du pouvoir judiciaire et aux garanties d’un procès équitable dans ce pays. Il convient de noter que dans leur rapport, les corapporteurs ont déjà exprimé leurs préoccupations devant la dégradation de l’indépendance de la justice polonaise, qui risque d’accroître considérablement le nombre de requêtes déposées contre la Pologne auprès de la Cour européenne des droits de l’homme.
83. La crise constitutionnelle relative à la composition de la Cour constitutionnelle n’est toujours pas résolue, ce qui soulève des questions quant à la légalité de ses chambres et des décisions qu’elles prennent. En effet, les premières affaires contestant la légalité des arrêts de la Cour constitutionnelle polonaise ont déjà été introduites devant la Cour européenne des droits de l’homme et déclarées recevables. La légalité des décisions de la Cour constitutionnelle a de nouveau fait débat après sa décision controversée relative à l’avortement en cas de malformation grave du fœtus.
84. L’élection présidentielle en Pologne, initialement prévue le 10 mai 2020, a constitué un enjeu clé en 2020, notamment dans le contexte de la pandémie de covid-19. Après le début de la pandémie, les autorités polonaises ont d’abord exprimé leur souhait de maintenir la date fixée, mais cette position s’est avérée de plus en plus controversée, non seulement en raison des risques pour la sécurité publique, mais aussi de l’impossibilité de mener véritablement campagne dans ces conditions, ce qui aurait donné un avantage disproportionné au candidat sortant. L’élection a été annulée de facto au dernier moment. Cette décision a été largement approuvée par l’ensemble des acteurs politiques, mais la légalité de la manière dont elle a été reportée a été mise en doute. Cela aurait pu donner lieu à des différends juridiques si un large consensus n’avait pas été trouvé définissant les nouvelles dates de l’élection ainsi que les conditions et modalités de leur tenue. Cette élection a finalement eu lieu le 28 juin et le 12 juillet 2020 et a été remportée, au terme d’une compétition serrée, par le Président sortant Duda avec 51 % des voix. Les observateurs, y compris ceux de l’Assemblée, ont estimé que l’élection avait été bien organisée et concurrentielle, regrettant cependant le climat politique de plus en plus polarisé et conflictuel dans lequel elle s’est déroulée.
85. Le climat politique en Pologne reste très divisé, conflictuel et hostile, et le discours politique est de plus en plus agressif et intolérant. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne les personnes LGTBI, qui sont confrontées à un environnement politique empreint d’intolérance et de préjugés de plus en plus marqués. À cet égard, le fait que plusieurs municipalités polonaises se déclarent «exemptes de personnes LGTBI» ne peut qu’être condamné, car cela constitue un affront aux droits humains et au respect d’autrui. En juillet 2020, le ministre polonais de la Justice a suggéré que la Pologne se retire de la Convention d'Istanbul. Sa suggestion a provoqué un tollé dans la société polonaise et serait également controversée au sein de la coalition au pouvoir, qui n'a jusqu'à présent pris aucune mesure allant jusque-là. Le Président de l’Assemblée, conjointement avec les corapporteurs du suivi et la rapporteure générale sur la violence à l’égard des femmes, ont publié une déclaration regrettant les fausses représentations et les informations délibérément erronées sur les buts et l'objectif de la Convention d'Istanbul et leur utilisation à des fins idéologiques étroites et a exhorté la majorité au pouvoir à ne pas donner suite à l'annonce du ministre de la Justice.
86. À la suite d’une requête déposée par plusieurs parlementaires appartenant à la majorité au pouvoir, la Cour constitutionnelle polonaise a déclaré inconstitutionnelles les dispositions légales qui autorisaient l’avortement au cours des 12 premières semaines de grossesse en cas de malformations graves et d’anomalies du fœtus. Cette décision très controversée concerne 98 % de tous les avortements légaux pratiqués dans le pays et a donné lieu à des manifestations massives et soutenues dans le pays. Comme mentionné ci-dessus, cette décision a été prise par un collège de juges dont la légalité de la nomination est douteuse, ce qui a attisé la controverse. La Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatović a qualifié cette décision de «triste journée pour les droits des femmes», déclarant que «éliminer les motifs de quasiment tous les avortements légaux en Pologne équivaut pratiquement à les interdire et à violer les droits humains». Devant le tollé général suscité par cette décision, les autorités polonaises ont retardé son application en ne publiant pas le jugement.
87. Les rapporteurs avaient prévu de se rendre à Varsovie du 25 au 27 novembre 2020 pour y effectuer une visite d’information. Cependant, en raison de la détérioration rapide de la situation sanitaire dans toute l’Europe, les rapporteurs ont décidé de la reporter à une date ultérieure, dès que les conditions le permettraient.

2.2.8. Fédération de Russie

88. Le dernier rapport sur le respect des obligations et engagements de la Fédération de Russie remonte à 2012. Depuis le retour de la délégation russe à l’Assemblée parlementaire en juin 2019, deux rapports sur la contestation de ses pouvoirs non encore ratifiés ont été débattus à l’Assemblée, en juin 2019 et en janvier 2020. Les corapporteurs, désignés respectivement en novembre 2019 et janvier 2020, se sont engagés à présenter un rapport dès qu’ils se seront rendus dans le pays. Cependant, en raison de la pandémie de covid, la visite prévue les 19 et 20 mars 2020 a dû être annulée quelques jours avant la date fixée. Depuis lors, les conditions sanitaires en Fédération de Russie n’ont pas permis d’organiser une nouvelle visite.
89. La principale évolution intervenue en Fédération de Russie au cours de l’année écoulée a été l’adoption des amendements constitutionnels proposés par le Président Poutine en janvier 2020. Tant leur contenu que la procédure de leur adoption ont suscité des préoccupations quant au respect des normes démocratiques. La Commission de Venise, dans son avis sur le projet d’amendements à la Constitution relatifs à l’exécution en Fédération de Russie des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme 
			(8) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2020)009-f'>CDL-AD(2020)009</a>., a conclu que la compétence de la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie de déclarer un jugement non exécutable est incompatible avec les obligations de la Fédération de Russie découlant de la Convention européenne des droits de l’homme. Ces questions doivent également être considérées à la lumière du projet d’amendement à l’article 83 de la Constitution, qui autorise le Conseil de la Fédération (chambre haute du parlement) à révoquer les juges de la Cour constitutionnelle à la demande du Président. Une telle disposition expose la Cour à des pressions politiques.
90. La commission de suivi attend l’avis de la Commission de Venise sur les autres amendements et leur procédure d’adoption qu’elle avait demandé en mai 2020 et qui devrait être rendu en mars 2021.
91. La loi sur les amendements a été adoptée à l’unanimité par la Douma (qui a introduit un amendement supplémentaire ouvrant la voie à une éventuelle prolongation du mandat du Président Poutine de deux mandats supplémentaires) le 11 mars 2020 et par le Conseil de la Fédération le même jour, également à l’unanimité. Les 12 et 13 mars 2020, la loi a été approuvée par les conseils législatifs des 85 sujets de la Fédération de Russie, puis transmise le lendemain à la Cour constitutionnelle qui a émis un avis, le 16 mars 2020, déclarant les amendements conformes à la Constitution.
92. Alors que, selon la législation, les amendements auraient pu être adoptés soit par la Douma et les conseils législatifs des sujets de la Fédération de Russie, soit par voie référendaire, le projet de loi tel que présenté en janvier prévoyait une procédure différente, complétant l’adoption au parlement et dans les parlements régionaux par un vote dit «All-Russian vote», totalement inédit et constituant une sorte de plébiscite sans satisfaire pour autant aux critères requis pour un référendum. Initialement prévu le 22 avril 2020, ce référendum a été reporté en raison de la pandémie de covid-19 au 26 juin-1er juillet 2020 et s’est déroulé sur la semaine.
93. L’organisme réputé de surveillance des élections, Golos, s’est montré très critique à l’égard de la campagne, et en particulier du manque de garanties assurant des conditions de concurrence équitables aux opposants aux amendements. L’organisation et l’administration du vote lui-même ont également été critiquées au motif qu’elles donnaient aux autorités un plus grand contrôle sur les élections et ne garantissaient pas la transparence nécessaire, limitant ainsi la capacité des observateurs indépendants à déceler les cas de fraude électorale. Le vote a duré une semaine entière et dès le premier jour du scrutin, les citoyens russes ont eu la possibilité d’exprimer leurs suffrages non seulement dans les bureaux de vote traditionnels, mais aussi dans des bureaux mobiles improvisés installés sur des bancs de parc, dans des coffres de voiture et des chariots de supermarché, comme en témoignent les nombreuses vidéos et photos publiées sur internet. Les bulletins de vote ont ensuite été transférés et conservés dans les bureaux de vote pendant la nuit, ouvrant la voie à des falsifications massives. Dans son évaluation du scrutin, l’ONG Golos a relevé des «votes multiples, des bourrages d’urnes» et des «violations du secret du vote». Elle a déclaré qu’une partie importante des votes a été recueillie à l’occasion de votes directement organisés dans les entreprises et les institutions, de facto sous le contrôle de leurs dirigeants.
94. Peu après le «All-Russian vote», la Douma a, le 21 juillet 2020, approuvé un amendement au Code électoral permettant d’étaler le vote sur un maximum de trois jours lors des futures élections. La décision de tenir un vote sur plusieurs jours incombe aux agents électoraux.
95. Le nouveau système de scrutin a été appliqué lors des élections régionales et locales de septembre 2020. Le vote a commencé le 11 septembre et s’est déroulé sur trois jours, le 13 septembre étant le jour principal du scrutin. Les candidats du parti au pouvoir, Russie Unie, et leurs alliés ont remporté dès le premier tour l’ensemble des 20 postes de gouverneurs. Cependant, le parti a perdu sa majorité dans les parlements régionaux de Tomsk, Novossibirsk et Tambov. Les élections organisées en Crimée n’ont pas été reconnues par la communauté internationale, ayant été tenues en violation du droit international.
96. Entre autres développements survenus en Fédération de Russie au cours de l’année passée, il convient de mentionner les manifestations et les mouvements de protestation organisés à Khabarovsk, en soutien au gouverneur d’alors, Sergueï Furgal, arrêté sous des chefs d’accusation largement perçus comme étant à motivation politique. Le 25 juillet 2020, une manifestation sans précédent rassemblant quelque 50 000 participants (environ 1/10e de la population de la ville) a eu lieu pour demander la réintégration du gouverneur et la tenue du procès à Khabarovsk et non à Moscou. Les demandes n’ont pas été prises en compte et un nouveau gouverneur a été nommé.
97. L’empoisonnement de M. Navalny, dirigeant de la Fondation Anti-corruption, le 20 août 2020 à Omsk, a suscité l’inquiétude et la plus grande préoccupation en Fédération de Russie et à l’étranger, amenant les rapporteurs en charge du suivi à publier une déclaration réclamant la conduite d’une enquête approfondie également exigée par la communauté internationale 
			(9) 
			<a href='https://pace.coe.int/fr/news/7981/pace-co-rapporteurs-urge-the-russian-authorities-for-immediate-explanation-on-alexey-navalny-poisoning-'>Déclaration
des corapporteurs (2 septembre 2020).</a>. Cette question fera l’objet d’un rapport séparé en cours d’élaboration par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme.
98. Un certain nombre de sujets de préoccupation majeure ne peuvent être soulevés ici compte tenu du format du présent rapport, notamment le manque de pluralisme, l’indépendance du pouvoir judiciaire, l’environnement restrictif pour les activités de l’opposition politique extra-parlementaire, de la société civile, des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes, ainsi que les restrictions à la liberté d’expression, de réunion, d’association et de religion. Plusieurs lois problématiques, comme la loi sur les agents étrangers, la loi sur les organisations indésirables ou la législation anti-extrémistes, suscitent des inquiétudes. Un rapport spécifique sur les prisonniers politiques dans la Fédération de Russie est en cours de préparation au sein de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme.
99. Malheureusement, aucun progrès n’a été réalisé dans la mise en œuvre des exigences de la communauté internationale en ce qui concerne l’Ukraine orientale, la Crimée, les régions géorgiennes occupées d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie et la région transnistrienne de la République de Moldova.

2.2.9. Serbie

100. L’année 2020 a été marquée par la tenue d’élections législatives, provinciales et locales, dont les préparatifs ont été entachés par le boycott annoncé par plusieurs partis politiques d’opposition qui demandaient l’instauration de conditions propices à des élections équitables, notamment l’égalité d’accès aux médias. Le «dialogue entre les partis», organisé d’octobre à décembre 2019 sous les auspices de trois eurodéputés actuels et anciens et de l’Assemblée nationale de Serbie, a donné lieu à l’élaboration des «Conclusions sur l’amélioration des conditions de la tenue des élections législatives» et s’est traduit par certains progrès en la matière, mais n’a pas réussi à dissuader plusieurs partis d’opposition de boycotter le scrutin. Ces questions ont été examinées par la commission de suivi lors de l’audition qu’elle a tenue le 16 janvier 2020, consacrée à la préparation des élections législatives de 2020.
101. Les élections législatives, provinciales et locales étaient prévues initialement le 26 avril 2020. À la suite du déclenchement de la pandémie et de la déclaration de l’état d’urgence par le Président de la République, sans débat au parlement, toutes les activités électorales ont été suspendues le 15 mars. Le parlement a repris ses travaux en mai 2020. Il a modifié la législation électorale en raison du contexte sanitaire et levé l’état d’urgence, ouvrant ainsi la voie à la reprise des préparatifs des élections le 11 mai. Au vu des nouvelles conditions, certains partis d’opposition ont finalement décidé de se présenter aux élections.
102. Les élections qui ont eu lieu le 21 juin et ont vu s’opposer 21 listes, ont enregistré un taux de participation proche de 49 %. Malgré la décision prise contre toute attente par le parlement, le 8 février 2020, d’abaisser le seuil électoral, le faisant passer de 5 % à 3 %, et la répétition du scrutin dans plus de 200 bureaux de vote le 1er juillet, seuls trois grands partis ou coalitions politiques – le Parti progressiste serbe (SNS), la coalition «Parti socialiste de Serbie (SPS) – Serbie unie (JS)» et la coalition «Victoire pour la Serbie» [Alliance patriotique serbe] – sont entrés au parlement. De plus, quatre listes de minorités nationales (l’Alliance des Magyars de Voïvodine, la coalition «Parti Justice et Réconciliation (SPP) – Parti démocratique des Macédoniens (DPM)», la coalition «Alternative démocratique albanaise – Vallée unie» ainsi que la liste conduite par M. Ugljanin), ont également fait leur entrée au parlement, remportant 19 sièges au total (sur 250).
103. La Mission spéciale d’évaluation électorale menée par le BIDDH a conclu le 22 juin 2020 que, malgré les difficultés engendrées par la pandémie de covid-19, l’administration des élections avait été efficace. En dehors des périodes d’état d’urgence, les candidats ont été en mesure de faire campagne et les libertés fondamentales d’expression et de réunion ont été respectées. Cependant, «la domination du parti au pouvoir, notamment dans les médias, était préoccupante. L’avantage dont les partis au pouvoir ont bénéficié, la décision de certains partis d’opposition de boycotter les élections et le débat politique limité ont restreint le choix offert aux électeurs et les informations dont ils disposaient». L’Assemblée n’a pas pu observer le déroulement du scrutin, en raison de la situation sanitaire.
104. A l’issue des élections, le parti au pouvoir du Président Vučić a remporté 75 % des sièges au parlement. Les deux autres partis ont fini par rejoindre le gouvernement formé en octobre 2020, laissant ainsi le parlement sans opposition viable – hormis sept députés de partis minoritaires qui se sont eux-mêmes déclarés dans l’opposition. Cette situation sans précédent a suscité des préoccupations quant au manque de pluralisme politique et à l’impact qu’il pourrait avoir sur le fonctionnement des institutions démocratiques. La commission de suivi a ainsi décidé d’organiser une audition sur «les défis démocratiques en Serbie après les élections de juin 2020» sous réserve de la désignation d’une nouvelle délégation parlementaire serbe.
105. À la suite de la ré-instauration soudaine des mesures restrictives et des couvre-feux quelques jours après la répétition du scrutin, des milliers de personnes se sont réunies devant le parlement et dans d’autres grandes villes du pays, pour exprimer leur mécontentement au sujet de la gestion de la crise sanitaire par le gouvernement. Certaines de ces manifestations ont dégénéré en affrontements violents avec les forces de l’ordre les 7, 8 et 10 juillet 2020 et donné lieu à l’arrestation d’une centaine de manifestants. Dans leur déclaration, les rapporteurs Ian liddell-Grainger (Royaume-Uni, CE/AD) et Piero Fassino (Italie, SOC) ont condamné la violence et appelé à la conduite d’une enquête approfondie. La Commissaire aux droits de l’homme, Mme Dunja Mijatović, a déploré la dispersion violente des manifestants et a rappelé qu’un usage disproportionné de la force ne doit jamais être toléré. Elle a donc demandé instamment aux autorités serbes de mener «des enquêtes effectives pour faire la lumière sur ces événements et sanctionner les agents responsables» 
			(10) 
			<a href='https://www.facebook.com/CommissionerHR/posts/1594850060690898'>Publication
Facebook</a> de la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de
l’Europe.. Plusieurs incidents ont visé des journalistes. Le réseau Safe Journalists a fait état de l’agression d’au moins 16 travailleurs des médias en trois jours 
			(11) 
			Le réseau <a href='https://safejournalists.net/portfolios/safejournalists-network-asks-osce-the-european-commission-and-council-of-europe-to-urgently-act-regarding-attacks-on-serbian-media-workers/'>SafeJournalists</a> demande à l’OSCE, à la Commission européenne et au Conseil
de l’Europe de réagir d’urgence aux agressions commises à l’encontre
des travailleurs des médias serbes., aggravant les tensions apparues pendant l’état d’urgence entre les autorités et les médias concernant la circulation et le contrôle des informations ou l’exactitude des informations rendues publiques, notamment pendant la campagne électorale.
106. Une autre évolution défavorable, à savoir l’ouverture d’enquêtes financières par l’administration serbe chargée de la prévention du blanchiment de capitaux à l’encontre plus de 50 militants, ONG et médias d’investigation de premier plan, a incité les rapporteurs à réagir le 30 juillet 2020. Ils ont appelé les autorités serbes «à s’abstenir de toute mesure susceptible de constituer un acte d’intimidation ou d’aboutir à la criminalisation infondée de ces organisations», tout en rappelant que la société civile et les médias indépendants contribuent à assurer une saine surveillance des institutions publiques conduisant aux nécessaires freins et contrepoids dans une société démocratique.
107. Compte tenu de la campagne électorale et de la situation sanitaire, les rapporteurs, qui ont été nommés respectivement en avril et septembre 2019, n’ont pas eu la possibilité d’effectuer une visite d’information dans le pays. Ils ont toutefois continué d’examiner les domaines prioritaires identifiés par l’Assemblée dans sa résolution de 2012 sur «Le respect des obligations et engagements de la Serbie», en l’occurrence la réforme du système judiciaire, la lutte contre la corruption, la situation des médias et les droits des minorités. La réforme de la Constitution, s’agissant du secteur judiciaire et la mise à niveau de la législation électorale, continueront également de faire l’objet d’un examen attentif. Dans l’ensemble, l’année 2020 n’a pas été propice à des changements majeurs. À l’exception de la reprise louable du dialogue entre Belgrade et Pristina sous les auspices de l’Union européenne, après une interruption de 20 mois, et de l’établissement d’une mini zone Schengen en vue de renforcer la coopération avec l’Albanie et la Macédoine du Nord, les progrès ont été limités, voire inexistants, dans les domaines qui préoccupent l’Assemblée.

2.2.10. Turquie

108. La commission de suivi a continué de suivre de près la situation en Turquie après l’adoption en janvier 2019 de la Résolution 2260 (2019) «Aggravation de la situation des membres de l’opposition politique en Turquie: que faire pour protéger leurs droits fondamentaux dans un État membre du Conseil de l’Europe?», dans laquelle l’Assemblée faisait part de ses inquiétudes face à la détérioration de la situation de l’État de droit, de la démocratie et des droits humains dans le pays. En 2020, les corapporteurs M. Thomas Hammarberg (Suède, SOC) et M. John Howell (Royaume-Uni, CE/AD) ont fait plusieurs déclarations reflétant l’absence de progrès et la nouvelle détérioration liée notamment à la situation carcérale en période de pandémie de covid-19, à l’arrestation de membres de l’opposition ou à la situation des défenseurs des droits de l’homme. Ces préoccupations ont suscité la tenue d’un débat selon la procédure d’urgence dans le cadre de la réunion de la Commission permanente élargie, le 23 octobre 2020. Dans sa Résolution 2347 (2020) «Nouvelle répression de l’opposition politique et de la dissidence civile en Turquie: il est urgent de sauvegarder les normes du Conseil de l’Europe», l’Assemblée a évoqué plusieurs problèmes et dysfonctionnements allant de la restriction des droits électoraux, à la fragilisation de l’État de droit en passant par la limitation de la liberté d’expression et de la liberté des médias.
109. L’Assemblée a vivement condamné la destitution ou la révocation d’élus (appartenant, à une écrasante majorité, au parti d’opposition HDP (Parti démocratique des peuples)), après les élections de mars 2019, et leur remplacement par des administrateurs nommés par le gouvernement. Dans ce contexte, la commission a tenu un échange de vues, le 13 novembre 2020, sur la situation des maires révoqués et remplacés, auquel ont participé des représentants du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, de la Commission de Venise et du ministère turc de l’Intérieur. Elle a par ailleurs encouragé les autorités turques à procéder aux changements juridiques attendus dans la législation électorale et la législation antiterroriste, conformément à l’avis rendu en juin 2020 par la Commission de Venise, afin de respecter la volonté des électeurs et d’améliorer le fonctionnement des institutions démocratiques en Turquie.
110. L’Assemblée a également condamné les arrestations d’avocats, sous des chefs d’accusation liés au terrorisme, et la criminalisation de leurs activités, rappelant que les avocats jouent un rôle déterminant dans la mise en œuvre des normes de l’État de droit et l’administration efficace de la justice. À la suite de l’Avis émis par la Commission de Venise en octobre 2020 à la demande de la commission de suivi, l’Assemblée a appelé instamment les autorités à abroger les amendements de juillet 2020 apportés à la loi sur les avocats de 1969 qui nuisent à l’indépendance des barreaux. Par ailleurs, l’absence de séparation des pouvoirs, le manque d’indépendance de la justice et l’insuffisance des garanties procédurales pour assurer des procès équitables demeurent problématiques, comme l’a souligné la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe.
111. L’Assemblée a réitéré son appel à la pleine mise en œuvre les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme par la Turquie. En particulier elle a exhorté la Turquie à libérer immédiatement le philanthrope Osman Kavala, en détention depuis trois ans, malgré l’arrêt définitif rendu par la Cour. Par ailleurs, l’Assemblée a demandé aux autorités turques de rétablir la liberté d’expression et des médias, et de restreindre l’interprétation de sa législation antiterroriste. L’Assemblée a exprimé l’espoir que la stratégie de réforme du système judiciaire adoptée en mai 2019 ainsi que le Plan d’action sur les droits de l’homme en cours d’élaboration, permettront la réalisation de progrès, pour autant qu’il y ait une véritable volonté politique d’améliorer effectivement l’indépendance, l’impartialité et la transparence du système judiciaire, de renforcer la liberté d’expression et des médias, et de veiller à ce que les juridictions inférieures se conforment aux arrêts de la Cour constitutionnelle. À cet égard, l’Assemblée a fait part de ses inquiétudes concernant le maintien en détention de (anciens) parlementaires et la levée de leur immunité parlementaire. Elle a aussi appelé les autorités turques à mettre fin au harcèlement judiciaire des défenseurs des droits humains. Aucun progrès n’a été enregistré dans le domaine de la liberté des médias (au classement mondial de la liberté de la presse pour 2020 établi par Reporters sans frontières, la Turquie occupe la 154ème place sur 180 pays) et le contrôle exercé sur les médias sociaux a été durci en juillet 2020.
112. L’Assemblée a également soulevé d’autres préoccupations en matière de droits humains, notamment les effets restrictifs persistants sur les droits fondamentaux de certaines lois adoptées après la levée de l’état d’urgence en 2018 et les allégations crédibles relatives à des actes de torture qui seraient perpétrés dans des centres de détention et des postes de police. Dans ce contexte, il convient de saluer la publication en 2020 de deux rapports du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) par la Turquie. Les graves préoccupations qui ont été exprimées concernant la conformité des interventions extérieures de la Turquie, y compris les opérations militaires, avec les obligations envers le Conseil de l’Europe, seront examinées dans de prochains rapports de suivi.
113. La commission entend encourager davantage les autorités à prendre des mesures significatives afin que la Turquie respecte ses obligations envers le Conseil de l’Europe. Comme l’a souligné l’Assemblée, le pays dispose d’une scène politique et d’une société civile dynamiques, qui aspirent grandement à jouir et à exercer pleinement leurs libertés fondamentales, ce qui devrait être considéré comme un atout précieux pour la démocratie du pays.

2.2.11. Ukraine

114. Le dernier rapport sur l’Ukraine a été adopté le 25 janvier 2017 
			(12) 
			Résolution 2145 (2017).. La dernière visite dans le pays a eu lieu du 19 au 21 novembre 2018. En raison d’une combinaison de facteurs (la tenue d’élections législatives et présidentielle en Ukraine, le retrait temporaire de la délégation ukrainienne des travaux de l’Assemblée à la suite du retour de la délégation de la Fédération de Russie au sein de l’Assemblée et, en 2020, la pandémie de covid-19), aucune visite n’a pu être organisée en 2019 et 2020. Une visite prévue au printemps 2020 a dû être annulée du fait de l’aggravation de la crise de la covid-19 en Europe. Le 13 novembre 2020, M. Birgir Thórarinsson (Islande, PPE/DC) a été désigné corapporteur en remplacement de Mme Dzhema Grozdanova (Bulgarie, PPE/DC), qui avait quitté l’Assemblée.
115. La réforme de la justice et – en lien étroit avec celle-ci – la lutte contre la corruption endémique ont été deux priorités politiques majeures du pays, outre les conséquences de l’agression militaire en cours en Ukraine orientale.
116. Concernant le conflit militaire en Ukraine orientale, après l’échec de plusieurs tentatives visant à instaurer un cessez-le-feu dans la région du Donbass, le 27 juillet 2020 un accord de cessez-le-feu intégral entre les militaires ukrainiens et les formations armées illégales présentes dans la région du Donbass a été conclu à la suite d’un accord entre le Président Zelensky et le Président Poutine et avec le soutien des Gouvernements français et allemand. Cet accord de cessez-le-feu, qui est largement respecté, était considéré comme une condition préalable à la tenue d’un nouveau sommet du Groupe Normandie et pourrait ouvrir la voie à la mise en œuvre d’autres dispositions des accords de Minsk. Fait positif, l’accord de cessez-le-feu a conduit au désengagement des militaires ukrainiens et des formations armées illégales en plusieurs points le long de la ligne de contact. Hélas, après le déclenchement de la pandémie de covid-19, les mouvements des observateurs de l’OSCE chargés de surveiller le respect de l’accord de cessez le feu ont été restreints unilatéralement par les formations armées illégales, ce que les corapporteurs ont condamné dans une déclaration.
117. En lien également avec la résolution du conflit en Ukraine orientale, les autorités mettent en œuvre un vaste ensemble de réformes sur la décentralisation et l’administration territoriale, incluant un nouveau découpage administratif du territoire qui a réduit de 490 à 136 le nombre des districts. Faisant suite à la réforme administrative territoriale, des élections locales ont été organisées le 25 octobre 2020. Elles ont marqué un revers pour le Président en exercice, dont le parti n’a fait élire aucun maire dans les neuf communes où cette élection avait lieu et n’a remporté la majorité que dans deux des neuf conseils municipaux.
118. La réforme de la justice a été une priorité importante pour les autorités. Dans ce contexte, la lutte contre la corruption des magistrats, jugée endémique, et le renforcement de la confiance des citoyens envers le système judiciaire ont été deux objectifs majeurs de ces réformes complexes.
119. Des progrès notables ont été réalisés grâce à la mise en place d’un cadre institutionnel de lutte contre la corruption endémique en Ukraine. La Haute Cour anticorruption, le Bureau national de lutte contre la corruption (NABU) et le Bureau du procureur spécialisé dans la lutte contre la corruption (SAPO) sont pleinement opérationnels et l’Agence nationale pour la prévention de la corruption a été réactivée. Cependant, les travaux de ces institutions ont pâti d’une série de décisions controversées de la Cour constitutionnelle de l’Ukraine, qui ont été dénoncées tant par le Gouvernement ukrainien que par la communauté internationale. En réaction contre ces décisions, le Gouvernement ukrainien a annoncé initialement qu’il les ignorerait et menacé d’adopter une loi portant destitution des juges actuels de la Cour constitutionnelle. Une telle action aurait eu un effet dommageable pour l’indépendance de la justice et le respect de l’État de droit dans le pays. Les corapporteurs ont adopté une déclaration dans laquelle ils appelaient les autorités à prendre toutes les mesures nécessaires pour rétablir le bon fonctionnement du système de déclaration électronique et pour clarifier le statut juridique du Bureau national de lutte contre la corruption de l’Ukraine. Dans le même temps, ils ont demandé instamment aux autorités de s’abstenir de toute action qui aurait des effets préjudiciables durables pour l’État de droit et l’indépendance de la justice en Ukraine.

2.3. Dialogue postsuivi

2.3.1. Bulgarie

120. Le dernier rapport sur le dialogue postsuivi avec la Bulgarie a été examiné par l’Assemblée en juin 2019. À la suite du débat, l’Assemblée a décidé de ne pas mettre un terme au dialogue postsuivi et a invité les rapporteurs à évaluer, sur l’année 2020, les progrès réalisés dans cinq domaines de préoccupation spécifiques, notamment la corruption à haut niveau, la transparence de la propriété des médias, les droits humains des minorités, les discours de haine et les violences à l’égard des femmes (voir Résolution 2296 (2019)). La crise pandémique a empêché les rapporteurs de se rendre en Bulgarie (une visite prévue début avril a dû être annulée) et d’élaborer un rapport.
121. La Bulgarie fait face à une crise politique majeure depuis juillet 2020. Les scandales de corruption ont donné lieu à de vastes manifestations de rue, ainsi qu’à l’occupation de grands axes routiers à Sofia et dans d’autres grandes villes depuis maintenant plusieurs mois. Dans certains cas, les forces de l’ordre auraient fait preuve d’une violence disproportionnée à l’égard des manifestants 
			(13) 
			<a href='https://pace.coe.int/fr/news/7984/pace-rapporteurs-express-concern-at-violence-during-parliament-rally-in-sofia'>Déclaration</a> des corapporteurs (4 septembre 2020)..
122. La révocation de cinq ministres, dont ceux de l’Intérieur et de la Justice, n’ayant pas suffi à apaiser les manifestants, le Premier ministre a proposé de convoquer une grande Assemblée nationale et de réformer la Constitution pour la première fois depuis 1991. Le 20 septembre 2020, la majorité au pouvoir a présenté un projet de nouvelle Constitution. La Présidente de l’Assemblée nationale a ensuite officiellement sollicité auprès du président de la Commission de Venise le soutien d’experts et la formulation d’un avis de la Commission sur le projet de nouvelle Constitution. Cet avis urgent a été publié le 11 décembre 2020. La Commission de Venise a noté que les projets d’amendements constitutionnels les plus importants concernant le système judiciaire bulgare font plusieurs pas dans la bonne direction, mais que certaines questions doivent encore être abordées. Elle s’est dit prête à fournir une assistance aux autorités bulgares si le processus de réforme constitutionnelle avance. Le 25 novembre 2020, la proposition de convocation des élections d’une Grande Assemblée Nationale qui pourrait débattre des amendements constitutionnels soumis par le gouvernement a été rejetée par le parlement.
123. La situation demeure préoccupante en ce qui concerne la corruption à haut niveau. Le pays a été récemment confronté à plusieurs scandales de corruption qui ont largement contribué aux mouvements de protestation actuels. La nouvelle agence de lutte contre la corruption est devenue opérationnelle en janvier 2019. Cependant, le manque persistant d’enquêtes sur la corruption à haut niveau aboutissant à des résultats tangibles suscite des inquiétudes, bien qu’un certain nombre aient été ouvertes récemment, notamment dans des affaires à caractère transfrontalier impliquant de hauts fonctionnaires et des personnes présentant un intérêt public majeur. Le système judiciaire reste confronté à des problèmes généralisés de corruption et d’absence d’obligation de rendre des comptes. Dans ce contexte, on ne peut que regretter que les précédentes recommandations de la Commission de Venise concernant le procureur général n’aient pas été suivies d’effet.
124. La situation de la liberté de la presse en Bulgarie demeure la plus mauvaise de toute l’Union européenne (dans son classement mondial de la liberté de la presse 2019, Reporters sans frontières a placé la Bulgarie au 111ème rang mondial sur 180). Dans l’ensemble, la situation s’est détériorée ces dernières années, et aucune amélioration n’a été constatée depuis l’adoption de la Résolution 2296 (2019). La concentration de la propriété des médias et l’absence de transparence dans ce domaine et celui de la diffusion de la presse, le manque de garanties quant à l’indépendance de l’autorité de régulation du Conseil des médias électroniques, les pressions exercées sur les médias par les milieux politiques et l’État, l’intimidation et l’utilisation de poursuites pénales en tant que moyen de pression sur les journalistes et les rédacteurs en chef restent des sources de préoccupations majeures. Malgré l’existence de dispositions légales formelles concernant la divulgation de la propriété des médias et la prévention de pressions indues, les obligations actuelles prévues par la loi ne sont pas effectivement mises en œuvre dans la pratique.
125. S’agissant des droits humains des minorités, la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a noté avec inquiétude dans son rapport 2020 sur la Bulgarie «l’intolérance endémique à l’égard des groupes minoritaires, qui touche en particulier les Roms, les musulmans, les migrants et les demandeurs d’asile, les personnes qui se déclarent macédoniennes de souche et les personnes LGBTI». Le rapport fait état d’une recrudescence d’actes hostiles envers les minorités, notamment des crimes de haine et une série de rassemblements anti-Roms organisés dans toute la Bulgarie, de signalements de cas d’incitation publique à la haine contre les musulmans et les Roms, et d’attaques perpétrées contre des sites et des établissements religieux comme la synagogue et le bureau du grand mufti à Sofia en janvier et juillet 2019. Dans le même temps, il convient de reconnaître que les autorités bulgares ont fait preuve de volonté politique et déployé des efforts en faveur de l’intégration des Roms, à commencer par l’élaboration de la Stratégie nationale pour l’intégration des Roms (2012-2020) accompagnée de son Plan d’action. Cependant, la mise en œuvre de ce dernier a été entravée par l’insuffisance des ressources financières.
126. En ce qui concerne les discours de haine, aucun cas de remarques discriminatoires de la part de membres de la coalition gouvernementale n’a été signalé depuis le dernier débat à l’Assemblée, mais les propos haineux dans les médias sociaux demeurent problématiques dans le pays. En février 2020, pour la première fois depuis 2003, la maire de Sofia a prononcé l’interdiction, ensuite confirmée par le tribunal, de la «marche de Loukov», un événement annuel rassemblant des extrémistes d’extrême droite de divers pays européens. Par ailleurs, les autorités ont engagé une procédure visant à dissoudre l’Union nationale bulgare Edelweiss, l’organisateur de cette marche. En 2018, le ministère bulgare des Affaires étrangères avait sollicité un avis de l’OSCE/BIDDH sur certaines dispositions du Code pénal relatives aux infractions motivées par des préjugés, aux discours de haine et à la discrimination. Dans son avis, l’OSCE/BIDDH a salué les efforts déployés par la Bulgarie pour résoudre ces problèmes, mais a relevé un certain nombre de lacunes dans la législation concernée, auxquelles il convient de remédier.
127. S’agissant de la violence à l’égard des femmes, la question de la ratification de la Convention d’Istanbul (signée en avril 2016) n’est toujours pas réglée du fait de la décision de la Cour constitutionnelle qui, en juillet 2018, a déclaré la Convention d’Istanbul contraire à la Constitution. Une série de modifications du Code pénal et du Code de procédure pénale ont été adoptées en 2018 en vue de protéger les droits des femmes, mais le soutien matériel apporté aux femmes victimes de violence est loin d’être satisfaisant et les organisations de la société civile déplorent le nombre insuffisant de foyers, de conseillers et d’aides mis à leur disposition.

2.3.2. Monténégro

128. Le dernier rapport sur le Monténégro remonte à 2015. Dans sa Résolution 2030 (2015), l’Assemblée a décidé de clore la procédure de suivi et d’engager un dialogue postsuivi. Elle a déclaré que ce dialogue pourrait s’achever si le Monténégro remplissait quatre conditions concernant l’indépendance du pouvoir judiciaire, la confiance dans le processus électoral, la situation des médias et la lutte contre la corruption.
129. En raison de la pandémie de covid-19, le rapport élaboré par les corapporteurs en vue d’un débat lors de la partie de session d’avril a été examiné au cours de la réunion tenue en juin par la commission de suivi et un projet de résolution a été adopté dans le but d’être débattu lors de la partie de session de janvier 2021.
130. Dans leur rapport, les corapporteurs ont conclu que dans les domaines où le Monténégro était en général perçu comme un partenaire coopératif ou un bon exemple pour la région (droits des minorités, lutte contre la discrimination, entre autres), la situation a continué de s’améliorer. Cette tendance a été confirmée par l’adoption, en juillet, de la loi relative aux partenariats entre personnes de même sexe, une avancée qu’il convient de saluer après deux précédents votes infructueux au parlement sur cette question.
131. Cependant, les progrès ont été limités dans les quatre domaines prioritaires identifiés par la Résolution 2030 (2015). Même lorsqu’on a pu noter des améliorations, par exemple en ce qui concerne l’indépendance de la justice ou la situation des médias, ces améliorations ont été contrebalancées par des tendances négatives opposées qui ont pu être observées au cours de l’année 2020.
132. La tentative de révision du cadre électoral a échoué, en raison du boycott, par l’opposition, de la commission parlementaire ad hoc chargée de mener cette réforme.
133. En ce qui concerne l’indépendance du pouvoir judiciaire, la reconduction dans leurs fonctions de présidents de juridiction au-delà de la limite de deux mandats fixée par la Constitution et la loi s’est poursuivie, malgré les avertissements précédemment adressés par les corapporteurs, le GRECO et l’Union européenne. Ainsi, le 7 février 2020, le Conseil de la magistrature a reconduit dans ses fonctions le président d’un tribunal pour un cinquième mandat. En novembre 2020, il a reconduit dans ses fonctions le président d’un autre tribunal, pour un huitième mandat, dont la nomination avait été annulée par la juridiction administrative.
134. S’agissant de la lutte contre la corruption, bien que le 6 février 2020, le Deuxième Rapport de Conformité du GRECO ait mis fin à la procédure de conformité du Quatrième Cycle sur le Monténégro, le GRECO y a indiqué qu’aucune amélioration n’avait pu être observée pour ce qui est de la composition et de l’indépendance du Conseil de la justice et de la révision du cadre disciplinaire applicable aux juges. Aucun progrès notable n’a non plus été enregistré en ce qui concerne la réforme du financement des partis politiques et des campagnes électorales.
135. Pour ce qui est de la situation des médias, des inquiétudes subsistent malgré une amélioration apparente du cadre juridique avec l’adoption, en juillet, de deux lois sur les médias et le radiodiffuseur public RTCG. C’est pourquoi les corapporteurs ont annoncé publiquement leur décision de suivre la procédure judiciaire dans l’affaire Jovo Martinović, un journaliste d’investigation condamné pour la deuxième fois le 8 octobre, pour constitution d’une organisation criminelle et trafic de drogues.
136. Le Monténégro ayant semblé avoir atteint un plafond de verre dans les quatre domaines clés, il a été proposé dans le projet de résolution de poursuivre le dialogue postsuivi et de réévaluer la situation après les élections législatives.
137. Deux événements majeurs et étroitement liés ont marqué l’année 2020, à savoir les manifestations continues et massives contre la loi sur la liberté de religion, en particulier la partie consacrée aux droits de propriété, adoptée par le parlement en décembre 2019, et les élections générales organisées en août.
138. Ces manifestations, dans lesquelles l’Église orthodoxe serbe a joué un rôle important, se sont déroulées dans tout le pays, le plus souvent de manière pacifique, et ont été interrompues en raison de la pandémie de covid-19. L’arrestation du Métropolite et de certains de ses prêtres pour non-respect des mesures sanitaires mises en place pour endiguer la propagation du coronavirus a suscité un regain de tensions en mai et juin. Le dialogue engagé par le gouvernement en février n’a donné lieu à aucune avancée.
139. Le Front démocratique (DF) et Monténégro Démocratique (DCG) ont profité de l’occasion qui leur était offerte avec le débat sur le retrait de la loi sur la liberté de religion pour boycotter les travaux de la commission parlementaire ad hoc chargée de mener la réforme du cadre électoral, rendant impossible l’atteinte du quorum. C’est donc ce cadre demeuré inchangé qui a régi les élections législatives qui se sont tenues le 30 août, avec les mêmes failles et limites auxquelles l’OSCE/BIDHH a une nouvelle fois conseillé de remédier. Les élections se sont déroulées dans un climat hautement polarisé sur les questions religieuses et celles ayant trait à l’identité nationale, mais sont restées pacifiques, à l’exception notable d’attaques inquiétantes visant les minorités, en particulier les Bosniaques, perpétrées le jour de l’annonce des résultats. Cette flambée de violence a été immédiatement condamnée par tous les partis ainsi que par l’Église orthodoxe serbe, qui s’est fortement mobilisée durant la campagne contre la majorité au pouvoir, selon les ONG avec lesquelles les corapporteurs ont procédé à un échange de vues sur les élections.
140. Malgré un abus de fonctions généralisé et une utilisation abusive des ressources publiques qui, selon les conclusions préliminaires de l’OSCE/BIDDH, ont conféré au parti au pouvoir un avantage indu, ces élections qui ont enregistré un taux de participation très élevé de 76 % ont débouché, pour la première fois depuis l’indépendance du Monténégro, sur un changement de pouvoir. Le Président Đjukanović a reconnu la défaite de l’ancienne majorité au pouvoir conduite par le Parti démocratique des socialistes du Monténégro (DPS), et les dirigeants des trois coalitions d’opposition, le DF, le DCG, et Action unie pour la réforme (URA), ont annoncé le 31 août s’être accordés sur la mise en place d’un gouvernement composé d’experts, avec un futur Premier ministre qui n’est affilié à aucune formation politique. Ce nouveau gouvernement bénéficierait du soutien d’une étroite majorité de 41 sièges au parlement sur 81. Ce tournant majeur est l’occasion pour tous les acteurs politiques de montrer que le Monténégro est non seulement capable de gérer un changement démocratique de majorité, mais aussi de confirmer son engagement sur la voie européenne et de se conformer à ses obligations, notamment dans les quatre domaines prioritaires définis dans la Résolution 2030 (2015).

2.3.3. Macédoine du Nord

141. En octobre 2019, l’Assemblée a adopté la Résolution 2304 (2019) sur le «Dialogue postsuivi avec la Macédoine du Nord». Elle a salué les progrès accomplis par le pays, notamment la signature de l’accord de Prespa en 2018, qui a permis la résolution du litige concernant le nom du pays, ainsi que le lancement de réformes. Par ailleurs, l’Assemblée a invité les autorités à réaliser de nouveaux progrès dans les domaines suivants: la poursuite de la consolidation d’institutions démocratiques durables et fonctionnelles, l’indépendance de la justice, la lutte contre la corruption, la consolidation du cadre électoral et la poursuite de politiques inclusives visant à garantir les droits des minorités.
142. Le processus d’intégration européenne a été marqué par la décision prise par le Conseil de l’Union européenne, le 26 mars 2020, d’entamer les négociations d’adhésion avec la Macédoine du Nord [et l’Albanie] – une décision que le pays attendait depuis 2009. Celle-ci a été saluée par les corapporteurs pour le suivi des deux pays. Les négociations n’ont cependant pas encore pu commencer, la Bulgarie bloquant la décision du Conseil des ministres de l’Union européenne d’adopter un cadre de négociation pour la Macédoine du Nord. En effet, la Bulgarie s’oppose à l’utilisation de la langue macédonienne dans le cadre des négociations et a des points de vue divergents quant à leur histoire commune, malgré la signature en 2017 du Traité sur les relations de bon voisinage avec la Macédoine du Nord.
143. Dans l’ensemble, le fonctionnement des institutions démocratiques a été satisfaisant. Le parlement a été en mesure d’assurer un dialogue politique constructif et de s’acquitter de ses fonctions législatives. Les réformes engagées en 2019 se sont poursuivies, notamment dans le domaine judiciaire: la loi révisée tant attendue sur le ministère public a été adoptée et est entrée en vigueur en juin 2020. Elle devrait garantir une solution durable pour les affaires portées devant le bureau du «procureur spécial chargé des crimes liés et découlant du contenu de l'interception illégale de communications», après la condamnation en première instance, en juin 2020, de l’ancien chef du parquet spécial dans ladite «affaire racket» concernant des allégations d’extorsion et d’abus de pouvoir. La loi révisée sur le Conseil des procureurs a également été adoptée et la réforme des services de renseignement est en cours. La Commission européenne a relevé des progrès dans la mise en œuvre de la stratégie de réforme judiciaire et noté la mise en place de mécanismes visant à garantir l’indépendance et la responsabilité du pouvoir judiciaire.
144. Bien que la corruption reste endémique, le GRECO a noté en octobre 2020 que «des efforts notables ont été déployés par les autorités pour réviser les cadres législatifs» mais «qu’une application pratique cohérente des nouvelles règles reste à voir», notamment pour le Code de déontologie révisé des députés. Des progrès ont été enregistrés en matière de prévention de la corruption des juges non professionnels. Cependant, le ministre de la Justice n’a pas été écarté de la composition du Conseil de la magistrature. Le GRECO s’est félicité de la réglementation sensiblement renforcée des conditions de sélection, de nomination et de licenciement des membres de la Commission d’État pour la prévention de la corruption (CNPC) qui a continué de faire preuve d’une approche proactive en matière de prévention de la corruption, d’ouverture d’affaires, dont celles impliquant de hauts fonctionnaires de l’ensemble du spectre politique, et de traitement des allégations de népotisme, de clientélisme et d’ingérence politique dans le processus de recrutement des agents du secteur public.
145. La situation générale des médias reste inchangée, s’agissant notamment des problèmes relevés antérieurement comme la viabilité financière des médias indépendants, l’autorégulation, la transparence de la publicité dans les médias faites par les institutions de l’État, les partis politiques et les entreprises publiques, ainsi que l’indépendance du radiodiffuseur de service public.
146. L’année 2020 a également été marquée par la tenue d’élections législatives anticipées. Ce scrutin avait été convoqué sur décision commune des partis politiques après l’échec du pays à obtenir l’ouverture des négociations d’adhésion à l’Union européenne en octobre 2019. Le parlement a été dissous le 16 février 2020, en prévision des élections anticipées prévues le 12 avril de la même année. Cependant, en raison de la pandémie de covid-19 et de la déclaration en mars 2020 de l’état d’urgence par le Président de la République (sans débat au parlement), l’opposition et la majorité au pouvoir sont convenues de reporter le scrutin jusqu’à la levée de l’état d’urgence (en pratique, le 23 juin 2020). La rapporteure, Mme Lise Christoffersen (Norvège, SOC), a souligné que cette décision démontrait la capacité des partis politiques à dégager un consensus malgré leurs divergences, ajoutant que ce résultat a été obtenu grâce aux efforts concertés de toutes les parties prenantes, et notamment le Président de la République qui a facilité le dialogue politique. La commission a été informée des préparatifs de ces élections lors de son audition du 22 juin 2020 sur «Le respect des obligations découlant de l’adhésion au Conseil de l’Europe des États membres et la conduite d’élections démocratiques dans le contexte de la COVID-19», tenue dans le cadre de l’élaboration de son avis.
147. Les élections anticipées ont eu lieu le 15 juillet 2020. Cependant, la situation sanitaire n’a pas permis à l’Assemblée d’observer le scrutin. Douze partis politiques et trois coalitions, respectant tous le quota de 40 % de femmes prévu par la loi, étaient en lice. Le taux de participation s’est élevé à 51 %. Les résultats finaux ont été marqués par la courte victoire de la coalition menée par l’Union sociale-démocrate de Macédoine (SDSM) et le Mouvement BESA (35,89 % des voix, soit une avance de 12 000 voix sur 900 000), tandis que celle menée par l’Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne – Parti démocratique pour l’unité nationale macédonienne (VRMO-DPMNE) a obtenu 34,57 % des suffrages exprimés. L’Union démocratique pour l’intégration (DUI) est restée le parti albanais le plus important (11,48 %). La coalition formée par l’Alliance pour les Albanais (AA) avec le Parti Alternative (8,95 %) et le Parti démocratique des Albanais (DPA) (1,53 %) font également son entrée au parlement. Pour la première fois, un parti ouvertement opposé à l’OTAN, le parti de gauche (Levica), va siéger au parlement (4,1 %).
148. La mission spéciale d’évaluation des élections déployée par le BIDDH (avec une présence limitée) a estimé que ces élections avaient été globalement bien organisées sans qu’aucun incident majeur ou tension ne soit à déplorer «mais que la stabilité juridique avait été compromise par d’importantes révisions apportées au Code électoral et par des réglementations ad hoc ultérieures adoptées pendant l’état d’urgence. En dépit d’un ton négatif, la campagne a été réellement concurrentielle et les dispositions relatives à la publicité politique payante [adoptées par le parlement le 22 juin 2020] ont été favorables aux trois principaux partis. Quelques cas isolés concernant des ministres de différents partis mêlant leurs fonctions gouvernementales et leurs activités politiques ont été observés». Par ailleurs, la Commission électorale nationale et le ministère de l’Intérieur ont été la cible d’une cyberattaque le jour des élections qui fait actuellement l’objet d’une enquête. Certaines recommandations formulées de longue date n’ont pas été suivies d’effet, notamment celles concernant le registre électoral, la révision du découpage des circonscriptions électorales, l’universalité et l’égalité du suffrage dans les circonscriptions électorales à l’étranger et un audit effectif du financement des campagnes.
149. À la suite des élections, Talaf Xhaferi (DUI) a été réélu, en août 2020, Président du parlement. Le DUI a formé une coalition avec le SDMS et rejoint le gouvernement mis en place le même mois par le Premier ministre, M. Zaev. Le gouvernement restera déterminé à traiter des affaires intérieures, notamment la lutte contre la pandémie, la réforme du système judiciaire et la lutte contre la corruption. Ces questions seront examinées plus avant par la corapporteure, Mme Lise Christoffersen (Norvège, SOC) et M. Zsolt Csenger-Zalàn (Hongrie, PPE/DC), désigné corapporteur en juin 2020.

2.4. Examens périodiques

150. Les rapports d’examen périodique sont un mécanisme essentiel permettant à la commission, conformément à son mandat, «d’assurer et d’évaluer le respect des obligations contractées par tous les États membres aux termes du Statut du Conseil de l’Europe, de la Convention européenne des droits de l’homme et de toutes les autres conventions de l’Organisation auxquelles ils sont parties». Ces dernières années, l’Assemblée a continué de développer et d’améliorer ces rapports et leur préparation, s’appuyant sur l’expérience de la commission. L’Assemblée a marqué en 2019 une évolution importante en décidant que dorénavant les rapports d’examen périodique seraient présentés à l’Assemblée en tant que rapports individuels, accompagnés chacun de leur propre résolution, et non plus en tant qu’annexes au rapport d’activité. De plus, l’Assemblée a aussi décidé que l’ordre et la fréquence des pays sélectionnés pour l’examen périodique seraient établis par la commission sur la base de raisons de fond, tout en maintenant l’objectif de consacrer, au fil du temps, des examens périodiques à tous les États membres.
151. En réponse à un désaccord entre la commission et le Bureau de l’Assemblée sur la possibilité ou non pour le Bureau de modifier la liste des pays sélectionnés par la commission, possibilité dont celle-ci a considéré qu’elle politiserait le processus de sélection et nuirait à son impartialité, la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles a précisé, dans la Résolution 2350 (2020), qu’«afin de garantir que la saisine de la commission de suivi pour rapport soit validée par l’Assemblée […] La commission de suivi est saisie, conformément à l’article 26 du Règlement, pour procéder à des examens périodiques réguliers du respect par les États membres qui ne font pas déjà l’objet d’une procédure complète de suivi ni d’un dialogue postsuivi des obligations contractées lors de leur adhésion au Conseil de l’Europe. La commission déterminera l’ordre et la fréquence de ces rapports selon ses méthodes de travail internes, en opérant des choix motivés par des raisons de fond, dans l’objectif de consacrer, au fil du temps, des examens périodiques à tous les États membres.»
152. Afin de garantir l’impartialité et la pleine transparence du processus de sélection, la commission a adopté, lors de sa réunion du 13 novembre 2020, un ensemble révisé de méthodes de travail internes pour la sélection, par la commission, des pays devant faire l’objet d’un rapport d’examen périodique. Ces méthodes de travail ont été déclassifiées par la commission lors de cette même réunion. Elles figurent en annexe au présent rapport, afin de garantir une pleine transparence et une bonne compréhension de la sélection, qui concerne tous les États membres du Conseil de l’Europe.
153. La commission avait décidé de suspendre l’élaboration des rapports d’examen périodique concernant la Hongrie, Malte et la Roumanie en attendant que la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles ait clarifié le processus de sélection. Cependant, en janvier 2020 la commission a décidé de poursuivre l’élaboration de ces rapports. Elle a désigné les corapporteurs pour les rapports d’examen périodique sur le respect des obligations découlant de l’adhésion au Conseil de l’Europe, respectivement le 27 mai 2020 pour la Hongrie et la Roumanie et le 22 juin pour Malte.
154. Du fait que les rapports sur la Hongrie, Malte et la Roumanie sont les premiers à être élaborés selon le nouveau format, et afin d’harmoniser le format et l’élaboration de ces examens périodiques, une réunion de coordination entre les six rapporteurs en charge de ces pays a été organisée le 30 novembre 2020. Au cours de cette réunion, les rapporteurs se sont mis d'accord sur la portée générale de ces rapports et sur les modalités de leur préparation. Dans ce contexte, ils ont demandé à la commission de demander au Bureau de l'Assemblée d'accorder exceptionnellement une prolongation de six mois des renvois pour leur rapport afin de compenser le temps perdu en raison de la suspension susmentionnée de la préparation de ces trois rapports.

2.5. Sous-commission sur les conflits entre les États membres du Conseil de l’Europe

155. La commission de suivi a décidé, le 27 janvier 2020, de reconstituer sa sous-commission sur les conflits entre les États membres du Conseil de l’Europe. La sous-commission s’est réunie le 30 janvier et a élu par acclamation M. Egidijus Vareikis (Lituanie, PPE/DC) à sa présidence. Hélas, en raison du déclenchement de la pandémie de COVID-19, aucune autre réunion de la sous-commission n’a pu être organisée.
156. Lors de sa réunion du 30 janvier, la sous-commission est convenue qu’en 2020 elle s’intéresserait principalement au processus de règlement de la question de la Transnistrie et, dans l’attente d’un accord entre les parties concernées, à la situation en Chypre du Nord et au Haut-Karabakh.
157. La sous-commission a pu mener une action constructive concernant le règlement de la question de la Transnistrie, avec une participation à haut niveau de toutes les parties concernées. Dans ce contexte, la sous-commission a décidé qu’elle organiserait un séminaire sur «les aspects relatifs aux droits de l’homme dans le processus de règlement de la question de la Transnistrie et le rôle du Conseil de l’Europe», dans le même format et avec la même participation à haut niveau que la première réunion de la sous-commission sur le processus de règlement de la question de la Transnistrie. Ce séminaire devait se tenir en avril 2020, mais a dû être reporté en raison de la pandémie. Il sera organisé dès que la situation sanitaire le permettra.
158. Malheureusement, et malgré tous les efforts de son président, la sous-commission n’a pas pu obtenir l’accord de toutes les parties, comme l’exigent ses méthodes de travail, pour commencer à travailler sur les conflits en Chypre du Nord et au Haut-Karabakh. Après le déclenchement en juillet 2020 des hostilités le long de la frontière internationalement reconnue entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, la commission a invité la sous-commission à organiser un échange de vues sur le processus de médiation dans le cadre du Groupe de Minsk. Hélas, au vu en particulier des événements qui ont suivi, aucun accord n’a pu être trouvé entre les parties. Néanmoins, plusieurs échanges de vues ont été organisés sur le conflit au Haut-Karabakh après le déclenchement en septembre 2020 des hostilités militaires entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan le long de la ligne de contact. Ils sont présentés plus en détail ci-dessous.
159. Les méthodes de travail de la sous-commission prévoient qu’elle «ne commencera ses travaux sur un conflit donné qu’avec l’accord des États membres parties à ce conflit». Si cette condition offre une garantie importante pour éviter une éventuelle instrumentalisation des travaux de la sous-commission par l’une des parties à un conflit, son interprétation stricte a cependant empêché la sous-commission ne serait-ce que de s’informer à propos d’un conflit spécifique entre des États membres sans l’accord exprès des États concernés, ou d’explorer le rôle qu’elle pourrait jouer – sans mener d’activités concrètes – vis-à-vis de ces États. Cette situation n’est manifestement plus acceptable sur le long terme et j’invite la sous-commission à examiner ses méthodes de travail lors de sa prochaine réunion, afin de faire en sorte qu’elle soit en mesure de s’informer, et à réfléchir à son rôle concernant les conflits en cours même lorsqu’elle ne peut pas obtenir l’accord exprès des États concernés. Afin d’éviter toute manipulation ou instrumentalisation, il demeurera évidemment nécessaire que les éventuelles activités concrètes liées à un conflit soient assujetties à la condition que toutes les parties concernées consentent à l’intervention de la sous-commission.
160. Du 12 au 16 juillet 2020, une grave violation du cessez-le-feu négocié en mai 1994 a été commise à la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, entraînant des victimes y compris parmi la population civile. Les hostilités militaires ont eu lieu à la frontière internationalement reconnue entre la province du Tavouch, dans le nord-est de l’Arménie, et le district de Tovouz, dans l’ouest de l’Azerbaïdjan. D’après le Groupe de Minsk de l’OSCE, «des pièces d’artillerie de calibres divers ont été utilisées de part et d’autre» et les deux «camps se sont accusés mutuellement d’avoir ouvert le combat». Heureusement, la situation ne s’est pas davantage dégradée et une stabilité relative est revenue le long de la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.
161. Le 17 juillet 2020, les corapporteurs pour l’Arménie et l’Azerbaïdjan ont publié une déclaration conjointe dans laquelle ils rappelaient aux deux pays leur obligation, en tant qu’États membres, de régler leurs différends de manière pacifique. Ils les exhortaient à faire preuve de retenue et à apaiser les tensions, y compris en s’abstenant de tout propos incendiaire. Ils appelaient aussi les deux pays à reprendre les pourparlers de paix dans le cadre du Groupe de Minsk de l’OSCE, de la manière indiquée par ses coprésidents dans leur déclaration du 15 juillet: créer un climat propice au processus de paix, tenir des négociations sur un règlement du conflit au Haut-Karabakh et permettre le retour des observateurs de l’OSCE dans la région.
162. Le 27 septembre 2020, des hostilités militaires ont éclaté le long de la ligne de contact, avec pour point culminant une attaque de grande ampleur des forces armées azerbaïdjanaises le long de la ligne de contact qui sépare depuis le cessez-le-feu de 1994 les positions azerbaïdjanaises et arméniennes au Haut-Karabakh et dans les sept districts azerbaïdjanais limitrophes. Le conflit a duré six semaines.
163. Le conflit a été marqué par de nombreuses pertes humaines, tant civiles que militaires, et par plusieurs violations du droit humanitaire. Le principe de la distinction entre les objectifs civils et militaires et le principe de proportionnalité ont été violés en de nombreuses occasions: des villes ont été prises pour cible dans la République auto-proclamée du Haut-Karabakh et sur le territoire de l’Azerbaïdjan proprement dit, ainsi qu’en Arménie, quoique semble-t-il dans une moindre mesure. En conséquence, des propriétés privées et des infrastructures civiles ont été frappées 
			(14) 
			<a href='https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=26365&LangID=E'>Déclaration</a> de la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits
de l’homme, 9 octobre 2020.. Des informations inquiétantes ont fait état de l’usage d’armes à sous-munitions, lesquelles sont interdites par le droit humanitaire au motif qu’elles frappent indistinctement les civils et les combattants 
			(15) 
			<a href='https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=26464&LangID=E'>Déclaration</a> de la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits
de l’homme, 2 novembre 2020.. Des informations crédibles 
			(16) 
			BBC, <a href='https://www.bbc.com/news/world-europe-54645254'>«Nagorno-Karabakh
conflict: ‘Execution’ video prompts war crime probe</a>», 24 octobre 2020. 
			(16) 
			Site web d’investigation <a href='https://www.bellingcat.com/news/rest-of-world/2020/10/15/an-execution-in-hadrut-karabakh/'>Bellingcat,
«An execution in Hadrut</a>», 15 octobre 2020. 
			(16) 
			Human Rights Watch, <a href='https://www.hrw.org/news/2020/12/02/azerbaijan-armenian-prisoners-war-badly-mistreated'>«Azerbaijan:
Armenian prisoners of war badly mistreated</a>», 2 décembre 2020. 
			(16) 
			Amnesty International, <a href='https://www.amnesty.org/en/latest/news/2020/12/armenia-azerbaijan-decapitation-and-war-crimes-in-gruesome-videos-must-be-urgently-investigated/'>«Armenia/Azerbaijan:
Decapitation and war crimes in gruesome videos must be urgently investigated»</a>, 10 décembre 2020. ont aussi mentionné l’exécution sommaire de prisonniers de guerre. L’utilisation de mercenaires syriens par l’Azerbaïdjan, avec l’aide de la Turquie, pour appuyer ses opérations militaires dans la zone de conflit du Haut-Karabakh, y compris sur la ligne de front, a été mentionnée notamment par la France et la Fédération de Russie, ainsi que par les Nations Unies 
			(17) 
			Haut-Commissariat
aux droits de l’homme, <a href='https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=26494&LangID=E'>«Mercenaries
in and around the Nagorno-Karabakh conflict zone must be withdrawn»,
UN experts</a>, 11 novembre 2020.. L’Azerbaïdjan a démenti ces allégations. Pendant le conflit, les autorités turques ont affirmé en de multiples occasions qu’elles soutiendraient l’Azerbaïdjan sur le terrain et à la table des négociations.
164. La manipulation de l’information et les discours de haine ont par ailleurs été massivement utilisés.
165. La Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe, la Commissaire aux droits de l’homme, les corapporteurs pour l’Arménie et l’Azerbaïdjan et moi-même, au nom de la commission, avons publié plusieurs déclarations appelant à un apaisement des tensions, soulignant qu’en temps de guerre les droits fondamentaux doivent être respectés et rappelant une nouvelle fois aux parties l’obligation expresse pour les États membres du Conseil de l’Europe de régler les conflits qui les opposent par des moyens exclusivement pacifiques. J’ai également souligné que cette obligation signifie aussi que tous les États membres doivent s’abstenir d’actions ou de propos qui encouragent ou aident des États belligérants à régler leurs conflits par la force, et qu’à cet égard les membres de la commission de suivi déploraient les déclarations incendiaires de la Turquie ainsi que son implication directe présumée dans le conflit.
166. Le 9 novembre 2020, après trois tentatives infructueuses de négociation d’un cessez-le-feu, et alors que les forces azerbaïdjanaises avaient repris quatre des sept districts limitrophes, étaient entrées dans la République auto-proclamée du Haut-Karabakh et avaient repris la ville de Choucha, un accord trilatéral a été signé sous l’égide de la Fédération de Russie entre l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Fédération de Russie. Cet accord trilatéral établit un cessez-le-feu le long des positions arméniennes et azerbaïdjanaises au 10 novembre, organise le déploiement de forces militaires russes de maintien de la paix pour une durée initiale de cinq ans, crée un centre de maintien de la paix et de contrôle du cessez-le-feu, définit un calendrier pour la restitution à l’Azerbaïdjan des trois districts encore sous le contrôle de l’Arménie, à l’exclusion du corridor de Latchin, et prévoit l’ouverture de toutes les voies de communication, notamment celle entre les régions occidentales de la République d’Azerbaïdjan et la République autonome du Nakhitchevan sous la supervision de la police des frontières du Service fédéral de sécurité de la Fédération de Russie. L’accord trilatéral prévoit aussi le retour des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays, sous le contrôle du Haut-Commissariat pour les réfugiés des Nations Unies, au Haut-Karabakh et dans les districts voisins, ainsi que l’échange des prisonniers de guerre, des otages et autres personnes détenues, et des dépouilles.
167. D’après les autorités azerbaïdjanaises, le conflit s’est soldé par la mise en œuvre, par la force, des quatre résolutions (822, 853, 874 et 884) du Conseil de sécurité des Nations Unies relatives au retrait de «toutes les forces occupant […] les régions de l’Azerbaïdjan». Dans ce contexte, il est à noter qu’une autre exigence de ces résolutions reste sans réponse, à savoir celle de «de continuer à rechercher un règlement négocié du conflit dans le cadre du processus de Minsk de la [O]SCE». Bien qu’il ne soit pas mentionné explicitement dans l’accord trilatéral, le Groupe de Minsk de l’OSCE devrait jouer son rôle dans les négociations sur le statut de la région du Haut-Karabakh, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies.

3. Impact de la covid-19 sur le fonctionnement des institutions démocratiques

168. La pandémie de covid-19 a eu – et continue d’avoir – un impact considérable sur les principaux domaines de compétence de notre commission. Le fonctionnement des institutions démocratiques dans tous les États membres du Conseil de l’Europe a été affecté, à des degrés divers, par les mesures d’urgence destinées à renforcer la sécurité sanitaire et qui représentent un risque pour les processus démocratiques et donc une pression accrue sur nos fonctions de suivi.
169. La commission s’est félicitée du débat sur la pandémie de covid-19 organisé par l’Assemblée le 13 octobre 2020, auquel elle a contribué en préparant un avis sur le rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie sur «Les démocraties face à la pandémie de covid-19». La préparation de cet avis a été l’occasion d’une réflexion au sein de la commission sur la manière de mieux garantir les processus démocratiques dans les situations d’urgence sanitaire. Le moment est venu de tirer de premières conclusions, de recenser diverses manières de répondre à la crise et d’identifier des mesures qui permettraient de mieux gérer de futures crises similaires dans le cadre des structures démocratiques.
170. Les membres de la commission ont unanimement exprimé la conviction qu’aucune urgence sanitaire ne saurait être utilisée pour porter atteinte à l’acquis démocratique et que toutes les mesures d’urgence devraient remplir des conditions précises compatibles avec les normes démocratiques. Dans le même temps, ils ont insisté sur l’importance de tenir compte du contexte spécifique des différents pays, soulignant en particulier qu’en l’absence de normes reconnues internationalement dans ce domaine, l’évaluation de la conformité de ces mesures avec les normes démocratiques ne pouvait se faire qu’à l’aune de l’ordre et de la pratique juridiques en vigueur dans le pays en question avant la pandémie. Conformément à son mandat, la commission de suivi, observe en continu la situation des États membres du Conseil de l’Europe du point de vue de la conformité avec leurs engagements et obligations.
171. À cette fin, la commission a décidé de consacrer un chapitre spécial à la conformité des mesures d’urgence avec les normes démocratiques dans tous les prochains rapports établis au titre de la procédure de suivi, dans le cadre du dialogue postsuivi et dans les examens périodiques. Elle espère ainsi dresser un tableau complet des différentes manières dont les États membres ont réagi à l’urgence liée à la pandémie de covid-19, repérer les éventuelles lacunes et formuler des recommandations pour l’avenir.
172. La question des élections en tant que source de légitimité démocratique dans un contexte de pandémie et dans d’autres situations d’urgence revêt une importance capitale pour les travaux de la commission. Compte tenu de la responsabilité particulière des parlements et des instances électives en temps de crise, il est capital que leur légitimité soit incontestable. L’évaluation de la conformité des processus électoraux avec les normes démocratiques est une composante essentielle de la procédure de suivi. Aussi la commission s’est-elle penchée sur les conséquences que pourrait avoir, dans l’hypothèse d’une prolongation de l’interdiction des voyages, l’absence d’observation électorale. Certains pays pourraient être tentés de rejeter toute critique éventuelle du processus électoral, en invoquant l’absence d’observateurs internationaux.
173. De plus, comme il est souligné dans chaque procédure de suivi, le caractère véritablement démocratique d’une élection est déterminé non seulement par la conduite du vote le jour du scrutin, mais aussi par l’environnement politique préélectoral et l’existence de conditions de campagne égales pour tous les candidats. En parallèle, il convient de souligner qu’un certain nombre de mesures mises en œuvre pour permettre le déroulement des élections dans des conditions de pandémie, comme le recours accru au vote par correspondance et en ligne, diminuent l’impact du processus d’observation le jour du scrutin. Cette évolution confirme l’importance d’une évaluation à long terme de la préparation d’élections et du contexte politique dans lequel elles ont lieu, autant de sujets qui ont été et continuent de représenter des domaines d’attention importants pour la commission de suivi.
174. Si l’observation d’élections doit demeurer un outil important pour l’évaluation des processus électoraux, l’absence d’une telle observation, lorsqu’elle ne peut pas être organisée du fait de mesures d’urgence, ne doit pas être utilisée par le pays concerné en tant que prétexte pour rejeter les éventuelles critiques formulées par la communauté internationale. En particulier, les rapporteurs chargés du suivi obtiennent leurs informations de manière permanente auprès de sources diverses et ont toute compétence pour évaluer sur cette base la conformité des processus électoraux avec les normes démocratiques.
175. Cela étant, la commission insiste sur la nécessité d’élaborer des normes démocratiques adéquates pour le fonctionnement des institutions démocratiques dans les situations d’urgence, qui guideraient les pays confrontés à d’éventuelles nouvelles crises afin de ne pas mettre en péril l’acquis démocratique dans les États membres du Conseil de l’Europe.

4. Efficacité des travaux de la commission compte tenu des restrictions liées à la covid-19

176. Les rapporteurs de la commission de suivi n’ont pas suspendu leurs travaux pendant la pandémie de covid-19. Ils ont notamment suivi de près l’évolution de la situation dans leurs pays respectifs et ont fait des déclarations publiques, le cas échéant. Nombre d’entre eux se sont entretenus avec les autorités et ont procédé à des échanges de vues, par visioconférence, avec différentes parties prenantes.
177. Cependant, les activités habituelles de la commission ont inévitablement été perturbées, probablement davantage encore que celles des autres commissions de l’Assemblée. En effet, les rapporteurs en charge du suivi s’appuient beaucoup plus massivement sur la communication interpersonnelle, et particulièrement le dialogue politique avec les autorités constitue une part essentielle de leurs travaux. Le principal objectif de la procédure de suivi est de trouver un terrain d’entente entre les rapporteurs agissant au nom de la commission et les autorités au sujet des normes démocratiques et du fonctionnement des institutions démocratiques du pays, une tâche qu’il est difficile d’accomplir en visioconférence. Les visites des rapporteurs sont donc une condition nécessaire pour l’élaboration de chaque rapport.
178. De plus, il est difficile d’accepter que les rapports de suivi soient soumis à l’Assemblée lors de sessions virtuelles. Cela risque avant tout de mettre en jeu le dialogue politique unique de l'Assemblée et que les problèmes techniques qui peuvent se poser impactent le contenu final de la résolution.
179. Toutefois, compte tenu du risque que la pandémie se prolonge durablement, la commission devrait être prête à s’adapter à d’autres modalités efficaces de dialogue de suivi avec les pays. La commission a réfléchi en plusieurs occasions à d’éventuelles méthodes de travail en temps de crise. Il a été souligné qu’un usage plus généralisé des outils électroniques pour recueillir des informations devrait être envisagé. Les réunions destinées à identifier les préoccupations ou à établir des faits au niveau du parlement, du gouvernement ou de la justice pourraient assurément se tenir en visioconférence, comme en témoigne la pratique récente de certains de nos rapporteurs. Les rapporteurs devraient continuer d’utiliser pleinement cet excellent outil leur permettant d’avancer dans leurs travaux.
180. Si j’ai pleinement conscience des avantages qu’offrent les réunions à distance, je suis cependant convaincu qu’elles ne peuvent pas remplacer les réunions en présentiel au niveau politique et je suis opposé à ce que les rapporteurs préparent des rapports de suivi selon la procédure ordinaire sans effectuer préalablement une visite dans le pays.
181. Cela étant, dans certains cas, il peut être envisageable pour les rapporteurs de traiter de questions et d’évolutions spécifiques d’un pays uniquement par des moyens virtuels, dont les résultats seraient présentés à la commission sous la forme d’une note d’information analogue à celles qui sont établies après les visites. Une fois intégrées dans le rapport de suivi général, ces notes seraient couvertes par le dialogue politique direct.

Annexe – Décision sur les méthodes de travail internes révisées applicables à la sélection, par la commission de suivi, des pays devant faire l’objet d’un examen périodique du respect des obligations qui découlent de l’adhésion au Conseil de l’Europe

(open)

Préparée par le président de la commission et adoptée par la commission le 13 novembre 2020

1. Conformément à son mandat, la commission de suivi est chargée d’assurer et d’évaluer le respect des obligations contractées par tous les États membres aux termes du Statut du Conseil de l’Europe, de la Convention européenne des droits de l’homme et de toutes les autres conventions de l’Organisation auxquelles ils sont parties. Dans ce cadre, la commission établit des rapports périodiques réguliers sur le respect de leurs obligations pour tous les États membres qui ne font pas l’objet d’une procédure de suivi complète et qui ne sont pas engagés dans un dialogue postsuivi. En vertu de la Résolution 2261 (2019), la commission choisit les pays à soumettre à un examen périodique conformément à ses méthodes de travail internes, pour des raisons de fond, tout en maintenant l’objectif de préparer, au fil du temps, des examens périodiques sur tous les États membres.
2. Le nombre de pays choisis pour faire l’objet d’un examen périodique sera fixé chaque année par la commission, en fonction de la charge de travail attendue et des ressources disponibles 
			(18) 
			À la date de la présente
note, il convient de tenir compte des effets de la pandémie actuelle
de covid-19 sur les possibilités de la commission de suivi de mener
son travail.. La commission s’efforcera de sélectionner chaque année entre deux et trois pays à soumettre à un examen périodique. Le nombre exact sera déterminé par le président ou la présidente chaque année avant le lancement de la procédure de sélection.
3. Les pays devant faire l’objet d’un examen périodique seront choisis pour des raisons de fond reposant sur:
3.1. les constats et conclusions qui figurent dans les rapports d’autres organes de suivi du Conseil de l’Europe;
3.2. les constats de l’Assemblée contenus, en particulier, dans les résolutions et rapports élaborés par d’autres commissions de l’Assemblée;
3.3. les questions soulevées par des membres de la commission, par des membres de la société civile internationale ou nationale et par les médias au sujet des faits nouveaux qui auront été observés concernant le fonctionnement des institutions démocratiques.
4. Pour ces raisons, le président ou la présidente de la commission établira un projet motivé de liste de présélection comportant au moins cinq États membres.
5. Ce projet de liste de présélection sera envoyé à tous les membres de la commission au plus tard trois semaines avant la réunion lors de laquelle seront choisis les pays à soumettre à un examen périodique.
6. Tous les membres de la commission peuvent soumettre des propositions écrites, dûment motivées, pour ajouter le nom d’autres États membres au projet de liste de présélection, et ce, jusqu’à deux semaines avant le début de la réunion.
7. Toutes les contributions des membres reçues jusqu’à deux semaines avant la réunion seront intégrées dans une version révisée de la liste de présélection, qui sera envoyée à tous les membres dans les délais réglementaires, c’est-à-dire une semaine avant la réunion. Afin de garantir un processus de sélection de qualité, aucune proposition ajoutée à cette liste ne sera acceptée après le délai.
8. Après une discussion générale, la commission procédera à un vote 
			(19) 
			Voir l’article
47.2. du Règlement qui stipule, entre autres, que la commission
procédera au vote à main levée, sauf pour des décisions relatives
à des personnes. sur chacun de ces pays. Les pays ayant recueilli le plus de voix seront provisoirement inclus dans la liste finale que la commission devra valider 
			(20) 
			Voir l’article 47.6.
qui stipule que le président ou la présidente ne participe pas aux
votes sauf en cas d’égalité des voix..
9. La commission confirmera la liste finale en bloc à la majorité des suffrages exprimés. L’article 25.2. relatif au quorum requis pour l’adoption des propositions de résolution par les commissions sera appliqué mutatis mutandis. Dans le cas où la commission rejette la liste, le processus reprendra à l’étape citée au point 4.
10. Ainsi que le prévoit la Résolution 1115 (1997), la commission désignera deux corapporteurs pour chaque pays choisi. Ils s’efforceront d’établir les rapports périodiques sur les pays dans un délai maximal de deux ans.