1. Introduction
1. La procédure de suivi de l’Assemblée
parlementaire s’appuie sur la
Résolution
1115 (1997) sur la «Création d’une commission de l’Assemblée pour
le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil
de l’Europe (commission de suivi)», telle que modifiée par la
Résolution 1431 (2005), la
Résolution
1515 (2006), la
Résolution
1698 (2009), la
Résolution
1710 (2010), la
Résolution
1936 (2013), la
Résolution
2018 (2014), la
Résolution
2261 (2019) et la
Résolution
2325 (2020). Cette résolution définit le mandat de la commission
de suivi, qu’elle charge de veiller «au respect des obligations
contractées par les États membres aux termes du Statut du Conseil
de l’Europe (
STE
n° 1), de la Convention européenne des droits de l’homme
(
STE
n° 5) et de toutes les autres conventions de l’Organisation
auxquelles ils sont parties», ainsi qu’au «respect des engagements
pris par les autorités des États membres à l’occasion de leur adhésion au
Conseil de l’Europe».
2. Conformément à la
Résolution
1115 (1997) telle que modifiée, la commission de suivi est tenue
de rendre compte à l’Assemblée, une fois par an, du déroulement
général des procédures de suivi. En accord avec la pratique établie,
la commission m’a chargé, en ma qualité de président, de faire rapport
sur ses activités sur la période de janvier à décembre 2020.
3. Conformément à son mandat, la commission de suivi veille au
respect par tous les États membres des obligations découlant de
leur adhésion au Conseil de l’Europe et, s’il en est, des engagements
spécifiques qu’ils ont contractés. Actuellement, 11 pays sont soumis
à une procédure de suivi stricto sensu (l’Albanie, l’Arménie,
l’Azerbaïdjan, la Bosnie-Herzégovine, la Géorgie, la République
de Moldova, la Pologne, la Fédération de Russie, la Serbie, la Turquie
et l’Ukraine) et 3 autres sont engagés dans un dialogue postsuivi (la
Bulgarie, le Monténégro et la Macédoine du Nord). 3 pays (la Hongrie,
Malte et la Roumanie) font l’objet d’un rapport d’examen périodique
sur le respect des obligations. Le processus de sélection des rapports d'activité
périodique est examiné plus en détail ci-dessous. La commission
de suivi possède en outre une sous-commission sur «les conflits
entre les États membres du Conseil de l’Europe».
4. Les rapports annuels d’activité précédents fondaient leurs
observations pays par pays sur les rapports, déclarations et autres
documents publics établis par les corapporteurs respectifs. Le rapport
d’activité de cette année pose de ce point de vue un défi sans précédent.
Du fait des circonstances exceptionnelles liées à la covid-19, les
corapporteurs ont été dans l’incapacité d’effectuer des visites
dans les pays dont ils ont la responsabilité. En conséquence, et
en l’absence de sessions plénières en présence physique des membres, lesquelles
sont indispensables à la tenue d’un débat politique approfondi et
équilibré sur les rapports de suivi ordinaires, aucun rapport de
suivi n’a été élaboré selon la procédure ordinaire. Toutefois, les
travaux de la commission se sont poursuivis à distance, ce qui a
permis de progresser dans la préparation des rapports en cours.
J’aimerais souligner ici que les commentaires par pays de cette
année ont été élaborés sur la base des déclarations des rapporteurs
ainsi que sur celle des débats de la commission de suivi et des
constats d’autres mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe. Tous
ont fait l’objet d’une consultation avec les rapporteurs respectifs
avant d’être publiés.
2. Aperçu des activités de la commission
2.1. Observations
générales
5. En 2020, les travaux de l’ensemble
du Conseil de l’Europe, incluant ceux de l’Assemblée parlementaire ont
été confrontés à un défi sans précédent. L’Assemblée n’a pu se réunir
en présence physique de ses membres qu’au cours de sa première partie
de session de janvier 2020, tandis que les trois autres parties
de session ont été annulées ou remplacées par des réunions à distance
de la Commission permanente. Bien que du point de vue réglementaire
celle-ci agisse au nom de l’Assemblée, il est d’usage que les rapports
de suivi ordinaires soient exclusivement examinés par cette dernière
afin de garantir un plus grand équilibre politique concernant les
questions sensibles.
6. Les restrictions des voyages imposées à l’échelle européenne
ont empêché les corapporteurs d’effectuer des visites d’information,
en personne. Tout en poursuivant la préparation de leurs rapports
par le biais de réunions à distance et d'échanges de vues avec les
parties prenantes concernées et en recevant des informations d’autres
sources, notamment de la société civile nationale et internationale,
la commission a considéré que le dialogue politique direct était
un élément essentiel de la procédure de suivi et qu’il était à ce titre
indispensable dans le cadre de la préparation d’un rapport.
7. En conséquence, seuls quatre rapports et un avis ont été soumis
par la commission au cours de la période de référence: trois rapports
en janvier (rapport d’activité, fonctionnement des institutions démocratiques
en Pologne et contestation, pour des raisons substantielles, des
pouvoirs non encore ratifiés de la délégation parlementaire de la
Fédération de Russie), le quatrième selon la procédure d’urgence
lors de la réunion du 23 octobre 2020 de la Commission permanente
élargie (Nouvelle répression de l’opposition politique et de la
dissidence civile en Turquie: il est urgent de sauvegarder les normes
du Conseil de l’Europe) et l’avis sur le rapport préparé par la
commission des questions politiques et de la démocratie sur les démocraties
face à la pandémie de covid-19, examiné lors de la réunion du 13 octobre
2020 de la Commission permanente élargie.
8. La commission a également adopté – sans cependant les soumettre
à l’Assemblée – un rapport et un projet de résolution sur le dialogue
postsuivi avec le Monténégro. Les corapporteurs pour l’Albanie ont également
rédigé une note d’information qui a été déclassifiée par la commission.
9. Au cours de la période de référence, la commission s’est réunie
neuf fois: une fois à Paris en janvier, une fois à Strasbourg pendant
la partie de session plénière de janvier de l’Assemblée et, à partir
de mai 2020, lors de sept réunions à distance. Hélas, la réunion
extérieure de la commission prévue à Ankara les 30-31 mars 2020,
à l’invitation du Parlement turc, a dû être reportée.
10. Plusieurs auditions ont été organisées lors de ces réunions
qui ont pu avoir lieu, notamment sur la Géorgie, la Serbie, l’Ukraine,
la Pologne, la Bosnie-Herzégovine, la Fédération de Russie, l’Arménie,
la Turquie et l’Albanie, ainsi que sur les obligations découlant
de l’adhésion au Conseil de l’Europe et liées à la pandémie de covid-19.
La commission a tenu des échanges de vues avec le Président de l’Assemblée,
au sujet de la Boîte à outils de l’Assemblée sur les lignes directrices
concernant les discussions sur l’impact de la pandémie de covid-19,
avec la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe,
sur la justice transitionnelle en Bosnie-Herzégovine, et avec la
Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe, Mme Marija Pejčinović
Burić.
11. Bien qu’un certain nombre de visites de corapporteurs aient
dû être reportées – parfois en dernière minute – en raison de la
détérioration de la situation sanitaire (par exemple une visite
à Moscou prévue les 17-18 mars 2020, une autre à Kiev les 6-8 avril
2020 et une autre à Ankara du 1er au
4 avril 2020), de plus en plus de vidéoconférences et de réunions
bilatérales à distance ont été organisées afin que les rapporteurs
soient tenus informés de l’évolution de la situation dans leurs
pays respectifs. Parmi ces événements figuraient une table ronde
avec des représentants de la société civile russe, des échanges
de vues avec les présidents des délégations parlementaires de la
Fédération de Russie et de la Turquie, le président et l’ensemble
de la délégation de la Bosnie-Herzégovine, des experts et des représentants
de la société civile du Monténégro au sujet des résultats des élections
législatives et locales du 30 août, l’Ambassadeur de la délégation
de l’Union européenne au Monténégro, le Défenseur des droits de
l’homme de la République d’Arménie, la Secrétaire a.i. de la Commission
de Venise au sujet de la Constitution de l’Arménie, le président
de la commission en charge des réformes constitutionnelles et représentant
de la République d’Arménie auprès de la Cour européenne des droits
de l’homme, un expert de la fondation Carnegie au sujet du conflit
au Haut-Karabakh, des experts et des représentants de la société
civile de l’Albanie au sujet de la réforme électorale et, enfin,
des représentants de la société civile polonaise, ainsi qu’une table
ronde avec des représentants de la société civile et des médias serbes.
12. Les rapporteurs de la commission ont adopté un certain nombre
de déclarations concernant l’évolution de la situation en Albanie,
en Arménie, en Azerbaïdjan, en Bosnie-Herzégovine, en Géorgie, en
Macédoine du Nord, au Monténégro, en Pologne, en Fédération de Russie,
en Serbie, en Turquie et en Ukraine. Les rapporteurs respectifs
pour la Serbie et la République de Moldova ont soumis à la commission
des notes sur l’évolution de la situation dans ces deux pays.
13. La commission a réagi au déclenchement d’hostilités militaires
dans la région du Haut-Karabakh. Elle a ouvert sur ce sujet un débat
d’actualité qui s’est tenu lors de la réunion du 22 octobre 2020
de la Commission permanente élargie et a chargé sa sous-commission
sur les conflits entre les États membres du Conseil de l’Europe
de s’entretenir avec les présidents des deux délégations concernées
des suites éventuelles à donner aux discussions au sein de la commission.
Les rapporteurs pour l’Arménie et l’Azerbaïdjan ont fait un certain nombre
de déclarations conjointes concernant les hostilités.
14. Au terme d’un long processus de réflexion, la commission a
adopté ses méthodes de travail concernant la procédure de sélection
des rapports d’examen périodique (voir chapitre 2.4).
15. La coopération remarquable avec la Commission de Venise s’est
aussi poursuivie cette année. Des échanges de vues ont été organisés
avec le président du Conseil des élections démocratiques au sujet
des obligations découlant de l’adhésion au Conseil de l’Europe et
de la conduite d’élections démocratiques dans le contexte de la
pandémie de covid-19, ainsi qu’avec des membres de la Commission
de Venise au sujet des modifications apportées à la loi géorgienne
sur les tribunaux ordinaires concernant le processus de nomination des
juges à la Cour suprême, des modifications des lois albanaises sur
la communication et de la situation des maires révoqués et remplacés
en Turquie. Le 28 janvier 2020, la commission a demandé à la Commission
de Venise un avis sur le projet de loi roumain visant à modifier
et à compléter la loi n° 115/2015 relative à l’élection des autorités
de l’administration publique locale et sur les projets de lois portant
modification de la loi n° 215/2001 relative à l’administration publique
locale et de la loi n° 393/2004 relative au statut des élections
locales. Le 27 mai 2020, la commission a demandé deux avis de la
Commission de Venise sur des amendements de la Constitution de la
Fédération de Russie et la procédure de leur adoption et sur le
projet de loi de la Turquie relatif aux barreaux. Le 13 novembre
2020, la commission a demandé l’avis de la Commission de Venise
sur les modifications récentes apportées à la loi sur les communications
électroniques et à la loi sur la radiodiffusion en Géorgie. Le 11 décembre
2020, la commission a demandé l’avis de la Commission de Venise sur
les projets d’amendements révisés à la loi sur le Service des médias
audiovisuels de l’Albanie.
16. Hélas, la commission a aussi connu cette année, pour des raisons
diverses, d’importantes fluctuations concernant ses rapporteurs.
De nouveaux rapporteurs ont dû être ont été désignés afin de remplacer
les précédents, pour la Macédoine du Nord, la Fédération de Russie,
la Turquie, l’Albanie, l’Arménie, le Monténégro, la République de
Moldova et l’Ukraine. Pour ces nouveaux corapporteurs – ainsi que
pour les rapporteurs en charge de nouveaux rapports (le rapport
de suivi sur la Pologne et les rapports d’examen périodique sur
la Hongrie, Malte et la Roumanie) – il est particulièrement important
de se rendre dans le pays dont ils ont la responsabilité et d’y
établir des contacts directs afin de mener un dialogue politique
constructif. Tous ont exprimé le souhait d’effectuer ces visites
dès que les conditions le permettront.
17. Les corapporteurs concernés n’ont pas pu prendre part, en
leur qualité de membres de droit, aux missions d’observation électorale
planifiées – puis annulées du fait de la situation sanitaire – en
Serbie, en Macédoine du Nord, au Monténégro et en République de
Moldova.
18. La question des modalités d’élaboration des rapports de suivi
et, plus généralement, de l’efficacité des travaux de la commission
pendant la pandémie de covid-19, en particulier si les restrictions
actuelles sont reconduites l’année prochaine, a fait l’objet d’une
discussion interne entre nos membres.
2.2. Pays
soumis à une procédure complète de suivi
2.2.1. Albanie
19. Le tout dernier rapport
sur le respect des obligations et
engagements de l’Albanie a été présenté à l’Assemblée le 2 octobre 2014
et a donné lieu à l’adoption de la
Résolution 2019 (2014). Les rapporteurs se sont rendus à Tirana du 28 au 30 octobre 2019.
Ils ont présenté leurs conclusions à la commission le 16 janvier 2020
dans le document AS/Mon (2020) 01 Rev1. M. Andrej Hunko (Allemagne,
GUE), dont le mandat de cinq ans a pris fin, a été remplacé le 30 janvier 2020
par M. Petter Eide (Norvège, GUE) en qualité de corapporteur.
20. L’un des principaux développements de l’année 2020 a été l’accord
conclu entre toutes les parties prenantes sur la réforme électorale.
Comme l’ont mentionné les corapporteurs dans leur toute dernière
note d’information, une réforme électorale suivie d’élections est
largement considérée comme déterminante pour surmonter la crise
politique en Albanie. Cela permettra aux forces politiques de parvenir
à un consensus sur un cadre électoral susceptible de bénéficier
de la pleine confiance de toutes les parties prenantes. Un tel accord
permettrait la tenue de nouvelles élections qui, à leur tour, pourraient
conduire au retour de l’opposition au parlement et, espérons-le,
à la normalisation de l’environnement politique.
21. Le 14 janvier 2020, la majorité au pouvoir et l’opposition
parlementaire et extraparlementaire se sont accordées sur la création
d’un Conseil politique pour la réforme électorale, considérée comme
une évolution très positive. La majorité au pouvoir s’est engagée
à adopter toute proposition consensuelle élaborée par le Conseil
politique. Après de longues négociations, le Conseil politique est
parvenu à un accord sur la réforme électorale le 5 juin 2020. Cependant,
aucun compromis n’a pu être trouvé sur un nouveau système électoral, qui
constituait la principale demande de l’opposition parlementaire.
Les modifications à apporter à la législation électorale pour permettre
la mise en œuvre de cet accord ont été adoptées le 23 juin 2020.
22. Le 15 juin 2020, un groupe composé de 28 parlementaires (pour
la plupart de l’opposition parlementaire) a déposé une série d’amendements
à la Constitution albanaise, en vue de réformes électorales supplémentaires,
qui visaient principalement à introduire un système électoral à
listes ouvertes. Cette proposition a été soutenue par la majorité
au pouvoir, ce qui a permis son passage au parlement le 30 juillet 2020.
Ces amendements ont été dénoncés par l’opposition extraparlementaire,
qui les a jugés litigieux et a fait remarquer qu’ils avaient été
rejetés par le Conseil politique et allaient donc à l’encontre des accords
conclus entre tous les acteurs politiques, les 14 janvier et 5 juin
2020. Néanmoins, le parlement a adopté les modifications du Code
électoral nécessaires à la mise en œuvre des amendements constitutionnels le
5 octobre 2020.
23. Par chance, l’adoption de ces amendements constitutionnels,
tout en suscitant initialement des tensions, n'a pas mis en danger
l'accord de juin sur la réforme électorale. et le Président de l’Albanie
a convoqué des élections législatives le 25 avril 2021. Dans le
même temps, compte tenu des controverses suscitées par la deuxième
série de modifications du cadre électoral, le Président de l’Albanie
a sollicité l’avis de la Commission de Venise à propos des amendements
à la Constitution du 30 juillet 2020 et au Code électoral du 5 octobre 2020.
24. Les corapporteurs ont également suivi de près les amendements
à la loi albanaise sur les services de médias audiovisuels, qui
ont suscité de sérieuses préoccupations dans les rangs des acteurs
nationaux et de la communauté internationale. Le 20 janvier 2020,
la commission a demandé l’avis de la Commission de Venise sur ces
amendements. La Commission de Venise a adopté son avis en juin 2020
et y exprime de sérieuses préoccupations
concernant les amendements tels que présentés en novembre 2019 et
qui, selon elle, «ne sont pas prêts à l’adoption sous leur forme
actuelle». Il convient de saluer le fait que les autorités ont retiré
les projets d’amendements et se sont engagées à les réviser avant
de les déposer à nouveau devant le parlement.
25. Ce processus de révision se poursuit actuellement avec l’expertise
offerte par le Conseil de l’Europe. La commission a organisé, le
13 novembre 2020, un échange de vues auquel ont participé les rédacteurs
de ces amendements, la Commission de Venise et le Service de la
société de l’information (Direction générale I Droits de l’Homme
et État de droit du Conseil de l’Europe). Le 11 décembre 2020, la
commission a décidé de demander un avis de la Commission de Venise
sur le projet final révisé de modifications avant adoption en dernière
lecture par le Parlement albanais.
26. Le 27 juillet 2020, conformément aux recommandations de la
Commission de Venise exprimées dans son avis sur «l’étendue du pouvoir
présidentiel de fixation de la date des élections»
, le Parlement albanais a voté contre
la destitution du Président Meta.
27. Les processus interdépendants de réforme du système judiciaire
et de renforcement des mécanismes de lutte contre la corruption
généralisée en Albanie se sont poursuivis en 2020. Des progrès ont
été réalisés à cet égard, mais un certain nombre de questions restent
en suspens et doivent faire l’objet d’un suivi attentif de la commission.
La Haute Cour est devenue opérationnelle le 11 mars 2020. Malheureusement,
la Cour constitutionnelle n’est pas encore pleinement fonctionnelle
et la nomination de ses juges est mêlée à un différend opposant
le Gouvernement albanais au Président. À la demande du président
du Parlement albanais, la Commission de Venise a adopté, le 19 juin 2020,
un avis sur la nomination des juges à la Cour constitutionnelle,
censé servir de base à la résolution de ce problème
.
28. En ce qui concerne la structure spéciale chargée de la lutte
contre la corruption et le crime organisé (SPAK), le bureau du procureur
spécial est désormais pleinement opérationnel et le directeur du
Bureau national d’enquête a été nommé le 30 juillet 2020. En outre,
le processus de vérification de tous les procureurs et juges, bien
que lent, se poursuit avec constance. Le pourcentage élevé de juges
et de procureurs révoqués à la suite de ce processus de vérification
met en évidence sa nécessité et constitue un sujet de préoccupation.
2.2.2. Arménie
29. La dernière note d’information
sur l’Arménie remonte à juillet 2019 et faisait suite à la mission d’information
que les corapporteurs ont effectuée à Erevan, en mars 2019.
30. L’événement le plus marquant en 2020 a été le déclenchement
des hostilités militaires entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, le 27
septembre, à propos de la région du Haut-Karabakh. Elles ont causé
la mort de nombreux civils et militaires des deux côtés et ont pris
fin le 10 novembre 2020, avec la déclaration trilatérale de l’Arménie,
de l’Azerbaïdjan et de la Fédération de Russie, qui prévoyait un
cessez-le-feu.
31. Cependant, l’issue des hostilités militaires a donné lieu
à des troubles politiques en Arménie. À l’annonce de la déclaration
trilatérale, des manifestants réclamant la démission du Premier
ministre, M. Nikol Pashinyan, ont violemment pris d’assaut les bâtiments
du parlement et du gouvernement, les forces de l’ordre n’intervenant
que faiblement, et ont sévèrement brutalisé le président du Parlement,
M. Ararat Mirozyan, qui a dû être hospitalisé. Le même jour, le
Président arménien, M. Armen Sarkissian, dont le rôle est essentiellement honorifique,
a publiquement fait savoir qu’il n’avait pas été informé de la déclaration
trilatérale et a entamé des consultations politiques pour trouver
une issue à la crise. Profondément préoccupés par le cours des événements,
qui pouvait présager d’un climat de violences insurrectionnelles,
les corapporteurs ont fait le 10 novembre une déclaration condamnant
les attaques contre les symboles des institutions démocratiques
de la République d’Arménie, rappelant aux Arméniens qu’ils avaient
prouvé par le passé leur capacité à surmonter d’immenses obstacles
politiques de manière pacifique et les appelant à ne pas s’écarter
de la voie démocratique qu’ils avaient choisie.
32. À l’heure de la rédaction du présent rapport, la situation
semblait avoir évolué, permettant le fonctionnement des mécanismes
démocratiques et la proposition de solutions politiques.
33. Dans les jours qui ont suivi le 10 novembre, les partis extraparlementaires,
conjointement avec Arménie prospère, principal parti d’opposition
au sein du parlement, ont participé à des manifestations restreintes (quelques
milliers de personnes) exigeant la démission du gouvernement et
le retrait de la déclaration trilatérale, qu’ils percevaient comme
une capitulation et une trahison. Certains participants, notamment
des dirigeants d’organisations politiques, ont été arrêtés puis
rapidement remis en liberté. Des procédures pénales pourraient toutefois
être engagées contre les personnes ayant participé à l’assaut de
bâtiments publics dans la nuit du 9 au 10 novembre. Le 16 novembre,
dans son discours au peuple arménien, le Président Sarkissian a
présenté le résultat de ses consultations, indiquant que l’ensemble
de ses interlocuteurs avaient plaidé pour la dissolution du gouvernement,
et a appelé à la création d’un gouvernement d’accord national de personnalités
hautement qualifiées, avant que des élections parlementaires anticipées
puissent être organisées conformément à la Constitution. Après la
démission de certains membres de son cabinet et plusieurs déclarations
en direct devant le peuple arménien, le Premier ministre Pashinyan
a présenté, le 18 novembre, une feuille de route détaillant les
priorités du gouvernement jusqu’en juin 2021. Il a également annoncé
le remaniement de son gouvernement. Malgré le rejet par la majorité
parlementaire de la tenue d’une session extraordinaire consacrée
à la démission du gouvernement, conduisant les deux groupes de l’opposition,
Arménie prospère et Arménie lumineuse, à boycotter la reprise de
la session ordinaire, la proposition d’Arménie lumineuse de débattre
le 26 novembre de la levée de la loi martiale dans un cadre spécial
semble avoir été acceptée.
34. Les graves répercussions politiques engendrées par les hostilités
militaires sont intervenues dans un pays profondément touché par
la pandémie de covid-19, malgré les mesures sanitaires mises en
place dès le début de l’année. Hormis cela, l’Arménie a enregistré
des résultats encourageants dans les trois piliers du Conseil de
l’Europe et a connu un événement regrettable.
35. L’ONG Transparency International a publié, en janvier 2020,
le classement 2019 de son indice de la perception de la corruption,
un indicateur de corruption largement utilisé dans le monde entier.
L’Arménie, qui était classée 105ème sur
177 pays en 2018, occupe désormais la 77ème place,
dans un domaine considéré comme prioritaire par le gouvernement
et les corapporteurs, comme indiqué dans leur dernière note d’information.
36. En février 2020, le ministère de la Justice a présenté sa
stratégie 2020-2022 de réforme des forces de police, qui prévoit
la création d’un nouveau ministère de l’Intérieur responsable des
forces de l’ordre, actuellement placées sous l’autorité directe
du Premier ministre. Cette création est depuis longtemps une recommandation
de l’Assemblée, pour laquelle les corapporteurs ont plaidé lors
de leur dernière visite d’information.
37. En mars 2020, la Commission de Venise et le Bureau des institutions
démocratiques et des droits de l’homme de l’Organisation pour la
sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH) ont rendu un avis conjoint
sur les projets d’amendements à la législation relative aux partis
politiques, à la demande du Parlement arménien. L’avis sur un ensemble
de mesures visant notamment à accroître la transparence du financement
politique était plutôt positif, mais l’adoption des amendements
a été reportée en raison de la pandémie de covid-19. Ces amendements
à la législation relative aux partis politiques ont été adoptés
par le parlement en première lecture le 10 décembre 2020.
38. En mai 2020, l’Arménie est devenue le 47e pays
à ratifier la Convention sur la protection des enfants contre l’exploitation
et les abus sexuels (STCE n° 201, Convention de Lanzarote), malgré
une campagne active et politisée lancée par des militants se présentant
comme les défenseurs des «valeurs traditionnelles arméniennes».
39. En septembre 2020, la nomination de trois nouveaux membres
à la Cour constitutionnelle, proposés par trois autorités différentes
et approuvés par le parlement, a marqué l’épilogue d’une controverse
démarrée en 2019, à propos de la composition de la plus haute autorité
judiciaire. Le niveau de tension ainsi créé entre le Cabinet du
Premier ministre et la présidence de la Cour constitutionnelle a
conduit les corapporteurs et le président de la Commission de Venise
à appeler à la retenue dans des
déclarations séparées, faites en janvier. En raison de la pandémie
de covid-19 et grâce au
dialogue actif entre le Conseil de l’Europe et les autorités arméniennes,
le gouvernement a décidé de sursoir au référendum sur le remplacement
des juges constitutionnels initialement prévu, de revenir à la procédure
parlementaire afin de réviser la Constitution et de requérir l’avis
de la Commission de Venise concernant le projet de réforme. La Commission
de Venise a rendu son avis en juin, reconnaissant la légitimité
du souhait des autorités de faire en sorte que la composition de
la Cour constitutionnelle se conforme, dans un délai raisonnable,
aux dispositions de la Constitution actuelle, ce qui n’était pas
le cas à l’époque. Elle a également recommandé d’envisager une période
transitoire qui permettrait un changement graduel de la composition
de la Cour. Les autorités arméniennes n’ont toutefois pas donné
suite à cette recommandation, ce qui a entraîné la révocation de
trois juges et la rétrogradation de son président à la fonction
de juge ordinaire, qui, sans cela, serait resté président bien plus
longtemps que le mandat de six ans fixé par la Constitution actuelle.
2.2.3. Azerbaïdjan
40. Le dernier rapport sur le fonctionnement
des institutions démocratiques en Azerbaïdjan a fait l’objet d’un débat
à l’Assemblée en 2017.
41. Les élections législatives initialement prévues en novembre 2020
ont eu lieu en février 2020. Elles ont été suivies par les missions
d’observation du Conseil de l’Europe et de l’OSCE qui, dans leurs
conclusions, ont déclaré qu’en dépit du nombre élevé de candidats,
l’environnement législatif et politique restrictif a empêché que
s’exerce une véritable compétition. Le parti au pouvoir, le Parti
du nouvel Azerbaïdjan, a remporté 72 des 125 sièges (un chiffre
qui a ensuite été ramené à 70 en raison de l’invalidation des résultats
dans deux circonscriptions). Le deuxième parti du pays, le Parti
de la solidarité civique, a obtenu trois sièges.
42. Dans leur déclaration du 7 janvier 2020, les corapporteurs
chargés du suivi ont exprimé leur regret et leur découragement face
à la non-application par l’Azerbaïdjan de la décision de la Cour
européenne des droits de l’homme concernant l’annulation des condamnations
prononcées à l’encontre de M. Ilgar Mammadov, chef du mouvement
Alternative républicaine (Real), et de sept autres militants, qui
les empêchaient de se présenter aux élections législatives anticipées.
Le délai d’exécution de la décision de la Cour a expiré le 31 décembre 2019.
M. Mammadov et M. Rasul Jafarov, avocat et défenseur des droits
de l’homme, ont finalement été acquittés en avril 2020 après avoir
respectivement passé cinq ans et 18 mois en prison à la suite de
procès inéquitables fondés sur des accusations forgées de toutes
pièces.
43. Depuis mars 2020, de nombreux rapports font état d’une répression
à grande échelle des opposants au gouvernement et de restrictions
à la liberté d’expression, y compris l’accès à internet, sous couvert
de mesures de sécurité contre la pandémie de covid-19. Plus de 15
militants de l’opposition et journalistes ont été condamnés à des
peines de détention allant jusqu’à 30 jours pour avoir enfreint
les règles de confinement ou désobéi aux ordres de la police. M. Ali
Kerimli, leader du parti d’opposition Front populaire, a été placé de facto en résidence surveillée
et a vu ses lignes internet et téléphoniques bloquées. Le cas du
militant de l’opposition Agil Khumbatov, qui aurait été placé dans
un asile et contraint de subir un traitement psychologique suite
à des déclarations critiques, soulève également la plus grande inquiétude.
44. Le discours prononcé par le président Aliev à l’occasion de
la fête de Norouz, par lequel il a proposé de placer l’opposition
politique du pays à l’isolement en réponse à la pandémie de coronavirus
et a qualifié l’opposition politique légitime de son pays de «cinquième
colonne» et de traître, a été fortement critiqué par la communauté
internationale et les rapporteurs chargés du suivi.
45. Sur une note plus positive, les rapporteurs ont salué la libération,
pour des raisons humanitaires, de 176 prisonniers de plus de 65
ans nécessitant des soins particuliers en raison de leur âge et
de leur état de santé, dans le contexte de la pandémie de covid-19,
dont deux prisonniers, condamnés suite aux événements de Nardaran
en 2015 dans des procès inéquitables qui ont suscité les préoccupations
de la communauté internationale. Cette mesure répond aux préoccupations
exprimées par la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de
l’Europe concernant la protection des droits humains et de la santé
des personnes détenues dans les prisons des États membres du Conseil
de l’Europe pendant la crise sanitaire.
46. Le 18 mars 2020, M. Afgan Mukhtarli, journaliste d’investigation
et militant azerbaïdjanais détenu par les autorités azéries depuis
mai 2017, suite à son enlèvement en Géorgie, a été libéré. Cependant,
ce signe de bonne volonté de la part des autorités a été éclipsé
par l’arrestation, pour «hooliganisme», de M. Tofik Yakublu, principal
responsable politique de l’opposition.
47. Le manque d’indépendance de la justice, illustré par un schéma
de répression de longue date contre les opposants au gouvernement,
est un problème majeur en Azerbaïdjan et a un impact catastrophique
sur le processus démocratique. La troublante tendance marquée à
l’arrestation et à la détention arbitraires de personnes critiques
à l’égard du gouvernement, relevée par la Cour européenne des droits
de l’homme, et le «problème structurel» d’abus de la détention administrative
décrit par le Comité des Ministres persistent. Un rapport spécifique
sur les prisonniers politiques en Azerbaïdjan préparé par la commission
des questions juridiques et des droits de l’homme a été adopté par
l’Assemblée en janvier 2020
.
48. D’autres préoccupations subsistent, notamment l’absence de
pluralisme, la violation de l’État de droit et des droits humains,
ainsi que les restrictions imposées aux libertés de réunion, d’association,
d’expression (l’Azerbaïdjan occupe la 166e place
sur 180 pays du classement mondial de la liberté de la presse établi
par Reporters sans frontières) et de religion.
49. L’année 2020 a été marquée par le déclenchement, le 27 septembre,
des hostilités militaires entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie à propos
de la région du Haut-Karabakh, qui ont fait de nombreuses victimes
civiles et militaires des deux côtés et ont pris fin le 10 novembre
à la suite de la conclusion d’un accord de cessez-le-feu.
2.2.4. Bosnie-Herzégovine
50. À la suite de la conclusion
de l’accord sur le programme de réformes de la Bosnie-Herzégovine,
qui a ouvert la voie vers une coopération entre la Bosnie-Herzégovine
et l’OTAN, et de la mise en place d’un gouvernement au niveau de
l’État, en décembre 2019, les deux chambres de l’Assemblée parlementaire
de Bosnie-Herzégovine ont nommé leurs membres aux commissions permanentes
et aux délégations interparlementaires en janvier 2020. Cela a permis
le retour d’une délégation bosnienne à l’Assemblée parlementaire
du Conseil de l’Europe après un an d’absence et donné la possibilité
aux corapporteurs de reprendre le dialogue avec leurs homologues
bosniens. Cependant, le retard de 14 mois dans la formation d’un gouvernement
au niveau de l’État, un événement qui s’était déjà produit lors
d’élections précédentes, et l’incapacité des partis politiques à
constituer une coalition au niveau de l’entité de la Fédération
de Bosnie-Herzégovine, d’octobre 2018 à nos jours, montrent clairement
que le cadre institutionnel et la situation politique sont loin
d’être optimaux.
51. En 2020, la pandémie de covid-19 a empêché les rapporteurs
de se rendre en Bosnie-Herzégovine.
52. Comme indiqué dans le rapport annuel de la Commission européenne
(SWD(2020) 350 final) publié en octobre 2020, dans les 57ème (
S/2020/345) et 58ème (
S/2020/1052) rapports du Haut-Représentant chargé d’assurer le suivi
de l’application de l’Accord de paix relatif à la Bosnie-Herzégovine,
et confirmé par l’échange de vues tenu par les corapporteurs avec
les délégués bosniens, et par la Commissaire aux droits de l’homme, la
situation générale en Bosnie-Herzégovine s’est détériorée ou ne
s’est pas améliorée, dans presque tous les domaines.
53. La seule évolution majeure et positive est intervenue au niveau
local. Parallèlement au débat concernant les élections locales et
à leurs préparatifs dans les deux entités et dans le district de
Brčko, les dirigeants du Parti de l’action démocratique (SDA) et
de l’Union démocratique croate (HDZ Bosnie-Herzégovine) ont signé en
juin 2020 un accord visant à modifier la loi électorale de Bosnie-Herzégovine.
Adoptés en juillet, ces amendements ont permis pour la première
fois depuis 2008 la tenue d’élections locales à Mostar. Celles-ci
se sont déroulées le 20 décembre. Ce tournant historique est conforme
à l’arrêt
Baralija de la Cour
européenne des droits de l’homme, dans lequel la Cour a conclu à
l’existence d’un traitement discriminatoire des habitants de Mostar
en raison de l’incapacité de l’État à permettre la conduite d’élections
démocratiques. C’était également l’une des demandes de l’Assemblée
dans sa
Résolution 2201
(2018). Toutefois, cet accord ne devrait en aucun cas renforcer
les clivages existants, fondés sur l’appartenance à l’un des trois
peuples constituants, afin de ne pas être en contradiction avec
l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme dans
l’affaire
Sedjić et Finci.
54. S’agissant de la mise en œuvre de cet arrêt, qui remonte à
2009, aucun progrès n’a été enregistré en 2020 et le système électoral
de la Bosnie-Herzégovine reste discriminatoire. Le 1er octobre
2020, le
Comité des
Ministres a rappelé que le maintien de ce système électoral «constitue
une claire violation des exigences de la Convention européenne des
droits de l’homme et un manquement manifeste de la Bosnie-Herzégovine à
son obligation inconditionnelle en vertu de l’article 46 de la Convention,
et partant à ses engagements en tant qu’État membre du Conseil de
l’Europe».
55. Dans le domaine de la démocratie, la tendance négative s’est
poursuivie sous la forme d’attaques verbales contre l’Accord-cadre
général dont le 25ème anniversaire a
été célébré en novembre et décembre 2020. À cette occasion, les
trois membres de la présidence collégiale ont publié une déclaration
commune, comme signe important de réconciliation. Ces attaques verbales
se sont manifestées sous la forme de menaces permanentes de la Republika
Srpska de déclarer son autodétermination, en la liant à l’avenir
du statut du Kosovo*
, de discours constants remettant
en cause la légitimité d’institutions de l’État créées par l’Accord-cadre
général, notamment le refus d’appliquer les jugements rendus par
les tribunaux de l’État, de menaces proférées à l’encontre des fonctionnaires
serbes au niveau de l’État, et de critiques récurrentes concernant
la présence de juges internationaux à la Cour constitutionnelle
et celle du Haut Représentant en Bosnie-Herzégovine. De manière
générale, la prise de décision est ralentie ou rendue plus difficile
dans certains cas par des blocages utilisés comme arguments politiques
et par l’incapacité des acteurs politiques à trouver des compromis.
56. En ce qui concerne l’État de droit, la Commission européenne
a noté que «Les obstructions aux réformes judiciaires émanant d’acteurs
politiques et de l’appareil judiciaire ainsi que le mauvais fonctionnement
du système judiciaire empêchent les citoyens de jouir de leurs droits
et entravent la lutte contre la corruption et la criminalité organisée».
En 2019, la décision du Conseil supérieur des juges et des procureurs de
rejeter la procédure disciplinaire engagée contre son président,
au motif que sa responsabilité disciplinaire dans une affaire de
corruption présumée ne pouvait être engagée et qu’il était donc
au-dessus des lois, a encore ébranlé la confiance déjà faible dans
le pouvoir judiciaire. À la suite de cet incident, un groupe d’experts mandaté
par l’Union européenne a publié un rapport (le rapport Priebe) assorti
de recommandations concrètes à mettre en œuvre. En 2020, les autorités
bosniennes n’y avaient donné aucune suite.
57. Dans le domaine des droits humains, des tendances inquiétantes
ont continué d’être observées.
58. S’agissant de la liberté d’expression, la situation ne s’est
pas améliorée, les journalistes faisant toujours l’objet d’intimidations
sous diverses formes: des agressions physiques ou des menaces, le
recours à des poursuites civiles, ou l’application d’une législation
interdisant la transmission d’informations susceptibles de semer
la panique ou de porter gravement atteinte à la paix et à l’ordre
publics, comme ce fut le cas en Republika Srpska du 19 mars au 17 avril 2020.
59. En ce qui concerne le mouvement «Justice pour David» à Banja
Luka, la Commission européenne a noté que «des organisations de
la société civile ont signalé des tentatives de plus en plus fréquentes
de restreindre la liberté de réunion, s’agissant notamment de militants
de «Justice pour David» victimes d’intimidations, d’amendes et de
poursuites judiciaires» et qu’ils «n’ont pas pu organiser de rassemblements à
Banja Luka depuis la dispersion violente des manifestants par la
police en décembre 2018».
60. En matière de justice transitionnelle et de réconciliation,
aucun progrès n’a été enregistré, ce qu’a confirmé l’échange de
vues tenue avec la Commissaire aux droits de l’homme lors de la
réunion de la commission en octobre 2020. La négation du génocide,
l’apologie des criminels de guerre, la difficulté pour les tribunaux
nationaux de résorber leur arriéré de dossiers de crimes de guerre
étaient toujours d’actualité en Bosnie-Herzégovine en cette année
du 25ème anniversaire de Srebrenica.
2.2.5. Géorgie
61. Les corapporteurs se sont rendus
en Géorgie les 11 et 12 mars 2020, pour préparer la présentation
de leur rapport de suivi avant les élections législatives géorgiennes
d’octobre 2020. Malheureusement, ce processus a été retardé en raison
de la pandémie de covid-19. Ils espèrent maintenant présenter leur
rapport en 2021, lorsqu’il sera possible d’effectuer une visite
dans le pays.
62. L’évolution politique du pays en 2020 a été dominée par les
préparatifs des élections législatives qui devaient avoir lieu en
octobre 2020.
63. Une crise politique avait éclaté dans le pays en novembre 2019,
après le renoncement soudain et inattendu du parti au pouvoir à
sa promesse de mettre en place un système électoral entièrement
proportionnel avant les élections législatives de 2020. Cette situation
a conduit à un regain de tensions, non seulement entre le parti
au pouvoir et l’opposition, mais aussi au sein du parti au pouvoir,
dont plusieurs membres de premier plan, notamment la présidente
d’alors de la délégation géorgienne auprès de l’Assemblée parlementaire, Mme Tamar
Chugoshvili, ont quitté le parti et le groupe parlementaire.
64. Avec la médiation conjointe du bureau du Conseil de l’Europe,
de la délégation de l’Union européenne et de l’ambassade des États-Unis
à Tbilissi, un accord politique a été conclu le 8 mars 2020 entre
tous les acteurs politiques. Dans le cadre de cet accord, le nombre
de mandats au scrutin uninominal majoritaire a été réduit de 73
à 30 tandis que celui des mandats à la proportionnelle est passé
de 77 à 120. Cette modification supposait un redécoupage des circonscriptions
au scrutin uninominal. La délimitation des circonscriptions électorales
a été effectuée par consensus entre tous les partis, mais il est
à noter que dans 18 d’entre elles sur 30, l’écart de taille dépassait
le plafond des 15 %, ce qui est contraire aux normes européennes
et au principe d’égalité de suffrage.
65. Le seuil fixé dans les scrutins à la proportionnelle pour
les partis politiques a été établi à 1 % des voix et un système
de plafonnement du nombre de mandats pour chaque parti a été convenu.
Selon ce mécanisme, le pourcentage des mandats obtenus par un parti
politique ou un bloc électoral ne peut dépasser 25 % du pourcentage
des voix recueillies dans les élections à la proportionnelle. En
complément de leur accord sur le système électoral, tous les partis
se sont engagés à ne pas politiser le processus électoral et la
justice.
66. En dépit de cet accord, le climat politique en Géorgie est
resté polarisé et conflictuel.
67. Les élections législatives se sont déroulées le 31 octobre 2020.
Le second tour pour les districts à scrutin uninominal majoritaire
où aucun candidat n’a obtenu 50 % des suffrages a été organisé le 21 novembre 2020.
Une mission internationale d’observation des élections (MIOE) dont
l’Assemblée faisait partie a observé ce scrutin. Les rapports de
la MIOE et des principaux observateurs nationaux de l’International Society
for Free and Fair Elections (ISFED) et de Transparency international
(TI) ont conclu que les élections ont été concurrentielles et les
libertés fondamentales respectées, et que les candidats ont pu faire
librement campagne. Parallèlement, ils ont constaté que tous les
candidats n’ont pas joué à armes égales en raison d’abus de ressources
administratives et de la confusion entre le parti au pouvoir et
l’État. Cette situation a été aggravée par la fragilité de la réglementation
relative au financement des campagnes électorales et à la transparence,
qui a manifestement favorisé financièrement certains partis, dont
– ou surtout – le parti au pouvoir. Malheureusement, les observateurs
ont également noté la persistance de très nombreuses allégations
de pressions et de manœuvres d’intimidation exercées sur les électeurs
et les militants des partis et, pour la première fois, les observateurs
nationaux ont relevé des incohérences dans les procès-verbaux des résultats
de plusieurs bureaux de vote (environ 8 % de l’ensemble des bureaux).
Même si les observateurs ont estimé que ces irrégularités n’étaient
pas suffisantes pour avoir une incidence sur les résultats globaux,
il est essentiel que toutes les allégations de fraude électorale,
qui sont extrêmement préoccupantes, fassent l’objet d’enquêtes approfondies
et, si elles sont avérées, que les auteurs soient poursuivis.
68. Il est regrettable que les partis d’opposition, alléguant
des fraudes généralisées, aient fait part de leur intention de boycotter
le second tour et le nouveau parlement, d’autant que les résultats
obtenus lors de ce scrutin leur confèrent une position forte pour
exercer un contrôle parlementaire. Le parlement est le lieu de la vie
politique et du débat, ce qui explique l’opposition systématique
de l’Assemblée aux boycotts parlementaires. Dans l’intérêt supérieur
du pays, tous les partis politiques sont donc instamment invités
à exercer leur mandat parlementaire.
69. La situation autour des régions géorgiennes occupées de facto
d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie n’a cessé de se détériorer, l’annexion
rampante de ces régions par la Fédération de Russie se poursuit
sans relâche, ce qui constitue un important sujet d’inquiétude.
En conséquence, les contacts entre Géorgiens à l’intérieur et à
l’extérieur de ces deux régions sont devenus pratiquement impossibles.
Cela a de graves conséquences humanitaires, car il est devenu de
plus en plus difficile, voire impossible, pour les habitants de ces
deux régions géorgiennes de franchir la frontière administrative
pour la scolarisation ou pour des raisons médicales (d’urgence)
dans le reste de la Géorgie.
2.2.6. République
de Moldova
70. En octobre 2019, dans la
Résolution 2308 (2019) sur le fonctionnement des institutions démocratiques en
République de Moldova, l’Assemblée a souligné la nécessité d’adopter
des réformes du système judiciaire et du ministère public de manière
pleinement conforme aux normes du Conseil de l’Europe et de garantir
que les cas présumés de corruption et d’ingérence dans le système
judiciaire ainsi que les affaires liées à la captation de l’État
fassent l’objet d’enquêtes en bonne et due forme. L’Assemblée a
également invité les autorités à poursuivre leurs efforts pour améliorer
la législation électorale, lutter contre la corruption et le blanchiment
d’argent et faire la lumière sur le scandale de la fraude bancaire
de 2014.
71. De nombreux changements sont intervenus en 2020. L’année a
été marquée par la volatilité politique, à savoir trois changements
de gouvernement et la signature en mars 2020 d’un accord de coalition
entre le Parti des socialistes et le Parti démocrate, malgré leurs
profondes divergences de vues. Au final, le Parti démocrate a retiré
ses ministres (7 novembre) et son soutien à la majorité parlementaire
(19 novembre), laissant le parlement sans majorité claire après
l’élection présidentielle. Les changements d’affiliation politique de
parlementaires constituent une préoccupation majeure et sont source
d’instabilité politique, nonobstant les allégations de corruption
politique.
72. L’élection présidentielle, qui s’est tenue les 1er et
15 novembre 2020, a constitué un enjeu politique majeur et a soulevé
des controverses. Les modifications à la législation électorale,
évaluées par la Commission de Venise dans son
avis d’août 2020, n’ont pas pu être adoptées à temps pour
ce scrutin. Le président sortant, Igor Dodon, candidat indépendant
soutenu par le Parti des socialistes, et la leader du Parti Action
et Solidarité, Maia Sandu, se sont qualifiés pour le second tour.
L’homme d’affaires Renato Usaitii, qui a remporté près de 17 % des
voix au premier tour, est apparu comme le «faiseur de roi», appelant
les électeurs à ne pas voter pour M. Dodon et réclamant l’organisation
d’élections anticipées. Au second tour, Maia Sandu a remporté une large
victoire (57 %), avec le soutien massif (92 %) des électeurs de
la diaspora. Elle est ainsi la première femme élue à la présidence
de la République de Moldova.
73. En raison de la situation sanitaire, l’Assemblée n’a pas observé
les élections. La mission restreinte d’observation électorale du
BIDDH a conclu que les libertés fondamentales de réunion et d’expression continuaient
d’être respectées, tout en notant la campagne de dénigrement clivante
et la couverture médiatique polarisante, l’absence de contrôle effectif
du financement de la campagne, le discours intolérant et conflictuel
employé au second tour, les discussions importantes sur le rôle
de la diaspora moldave, les allégations de pressions indues exercées
sur des agents publics et des électeurs et de possibles achats de voix,
et le transport organisé d’électeurs le jour du scrutin.
74. Dans le secteur de la justice, la stratégie de réforme de
la justice et son plan d’action élaborés en coopération avec le
Conseil de l’Europe ont été adoptés par le parlement le 26 novembre
2020. L’indépendance du pouvoir judiciaire continue toutefois de
poser problème, comme le souligne le
GRECO. L’adoption des dispositions juridiques et constitutionnelles
nécessaires à la dépolitisation du système judiciaire a été retardée.
La Commission de Venise a évalué positivement le projet de loi portant
modification de la loi sur le Conseil supérieur de la magistrature
(
avis
de juin 2020) et les projets d’amendements constitutionnels (
avis de juin 2020), les modifications proposées étant jugées
«dans l’ensemble positives et conformes aux normes applicables»
et susceptibles de «renforcer l’indépendance, la responsabilisation
et l’efficacité du système judiciaire».
75. Ces projets d’amendements constitutionnels ont été soumis
au parlement, mais la Cour constitutionnelle a estimé, le 22 septembre
2020, que certaines dispositions n’étaient pas conformes à la constitution,
invoquant des raisons de procédure. Cette Cour a par ailleurs estimé
que la cessation du mandat des membres non-juges du Conseil supérieur
de la magistrature (élus en mars 2020 par le parlement alors qu’une
réforme constitutionnelle affectant la sélection des membres du
Conseil supérieur de la magistrature était en cours d’élaboration),
à l’entrée en vigueur du projet de loi était une mesure disproportionnée
et donc inconstitutionnelle. Une version révisée des projets d’amendements
constitutionnels a été présentée au parlement, tandis que la Cour
constitutionnelle a requis un
avis
d’amicus curiae de la Commission de Venise: cette dernière a conclu
en novembre 2020 que les dispositions transitoires prévues par le
nouveau projet de loi «ne semblent pas disproportionnées» et «établissent
un juste équilibre entre les deux intérêts en conflit – la sécurité
du mandat des membres non-juges du Conseil supérieur de la magistrature
et la nécessité de maintenir l’ordre public».
76. Dans ce contexte, les récentes nominations émanant du Conseil
supérieur de la magistrature ont soulevé d’autres questions, alors
que la Cour constitutionnelle était confrontée à une nouvelle crise déclenchée
par l’appel du Président Dodon au président de la Cour constitutionnelle
avant l’examen de la loi de ratification de l’accord de prêt avec
la Fédération de Russie, adoptée en avril 2020 par le parlement
(puis déclarée contraire à la Constitution par la Cour constitutionnelle).
Cette situation a amené les membres de la Cour constitutionnelle
à révoquer leur président et à le remplacer par la juge Domnica
Manole.
77. Le procureur général nommé en novembre 2019, Alexandr Stoianoglo,
a décidé d’abandonner les charges dans neuf des 38 affaires pénales
à motivation visiblement politique, répondant ainsi à une demande formulée
par l’Assemblée dans la
Résolution
2308 (2019).
78. Concernant la lutte contre la corruption, le GRECO a estimé
en octobre 2020 que les autorités avaient réalisé des progrès insuffisants
dans le domaine de la «Prévention de la corruption des parlementaires,
des juges et des procureurs». Le GRECO a réitéré son appel à l’adoption
d’un code de conduite pour les parlementaires et à l’abolition de
la période initiale d’essai de cinq ans pour les juges, a salué
l’abandon d’un précédent projet de loi très critiqué prévoyant une
vérification générale des juges et a recommandé de prendre de nouvelles
mesures pour renforcer l’indépendance de la justice. Il n’y a eu
aucune avancée concernant la conduite d’une enquête crédible sur
le scandale de la fraude bancaire de 2014.
79. La République de Moldova a dû faire face à la pandémie de
covid-19 et a déclaré l’état d’urgence en mars 2020. Cette crise
a également affecté le processus de règlement du différend avec
la région de Transnistrie de la République de Moldova qui avait
déclaré «l’état d’urgence» le 17 mars 2020. Les autorités transnistriennes
«de facto» ont interdit l’entrée des non-résidents, limité la possibilité
pour les résidents locaux de quitter le territoire transnistrien
et mis en place unilatéralement des points de contrôle supplémentaires
et des postes illégaux dans la zone de sécurité. Les autorités moldaves
ont dénoncé les actions illégales menées par Tiraspol et l’évolution
inquiétante, notamment en ce qui concerne les droits humains, les
écoles ou les restrictions aux déplacements.
2.2.7. Pologne
80. Le 27 janvier 2020, l’Assemblée
a adopté la
Résolution
2316 (2020) sur le fonctionnement des institutions démocratiques
en Pologne. En signe clair de ses graves préoccupations concernant
le respect de l’État de droit dans ce pays et la détérioration de
l’indépendance du pouvoir judiciaire, l’Assemblée a décidé, à une
large majorité, d’ouvrir une procédure de suivi complète à l’égard
de la Pologne. Le 27 mai 2020, la commission a désigné Mme Azadeh
Rojhan Gustafsson (Suède, SOC) et M. Pieter Omtzigt (Pays-Bas, PPE/DC)
corapporteurs. Tous deux avaient été rapporteurs pour le rapport
sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Pologne.
81. En ce qui concerne les réformes judiciaires, tout en reconnaissant
les difficultés auxquelles sont confrontés la justice et le système
judiciaire polonais, en ce qui concerne notamment l’efficacité de l’administration
de la justice, l’Assemblée a estimé qu’il était inacceptable que
ces réformes reviennent à placer le système judiciaire sous le contrôle
du pouvoir exécutif ou législatif, ou, pire, sous le contrôle politique
de la majorité au pouvoir. Elle s’est donc déclarée sérieusement
préoccupée par le fait que les réformes du judiciaire et du système
de la justice violent, à plusieurs égards, les normes et les règles
européennes. Leur effet cumulé porte atteinte et nuit gravement
à l’indépendance du pouvoir judiciaire et à l’État de droit en Pologne.
Par ailleurs, ces réformes exposent le système judiciaire aux ingérences
politiques et aux tentatives de le placer sous le contrôle politique
de l’exécutif, ce qui remet en question les principes mêmes d’un
État démocratique régi par l’État de droit.
82. Malheureusement, aucun progrès n’a été accompli en ce qui
concerne la mise en conformité de ces réformes avec les normes et
règles européennes. À cet égard, le refus jusqu’à présent des autorités polonaises,
en contradiction avec leurs obligations internationales, de mettre
en œuvre les arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne
concernant ces réformes, notamment la loi sur les tribunaux de droit
commun et la Cour suprême, est particulièrement inquiétant. Il convient
de souligner que les questions relatives à l’indépendance des tribunaux
nationaux en Pologne ont des répercussions bien au-delà du pays
lui-même et affectent tous les États membres du Conseil de l’Europe.
Un exemple en est la décision de la chambre internationale du tribunal
d’Amsterdam de suspendre les extraditions vers la Pologne en raison
de questions liées à l’indépendance du pouvoir judiciaire et aux
garanties d’un procès équitable dans ce pays. Il convient de noter
que dans leur rapport, les corapporteurs ont déjà exprimé leurs
préoccupations devant la dégradation de l’indépendance de la justice
polonaise, qui risque d’accroître considérablement le nombre de
requêtes déposées contre la Pologne auprès de la Cour européenne
des droits de l’homme.
83. La crise constitutionnelle relative à la composition de la
Cour constitutionnelle n’est toujours pas résolue, ce qui soulève
des questions quant à la légalité de ses chambres et des décisions
qu’elles prennent. En effet, les premières affaires contestant la
légalité des arrêts de la Cour constitutionnelle polonaise ont déjà
été introduites devant la Cour européenne des droits de l’homme
et déclarées recevables. La légalité des décisions de la Cour constitutionnelle
a de nouveau fait débat après sa décision controversée relative
à l’avortement en cas de malformation grave du fœtus.
84. L’élection présidentielle en Pologne, initialement prévue
le 10 mai 2020, a constitué un enjeu clé en 2020, notamment dans
le contexte de la pandémie de covid-19. Après le début de la pandémie,
les autorités polonaises ont d’abord exprimé leur souhait de maintenir
la date fixée, mais cette position s’est avérée de plus en plus
controversée, non seulement en raison des risques pour la sécurité
publique, mais aussi de l’impossibilité de mener véritablement campagne
dans ces conditions, ce qui aurait donné un avantage disproportionné
au candidat sortant. L’élection a été annulée de
facto au dernier moment. Cette décision a été largement
approuvée par l’ensemble des acteurs politiques, mais la légalité
de la manière dont elle a été reportée a été mise en doute. Cela
aurait pu donner lieu à des différends juridiques si un large consensus n’avait
pas été trouvé définissant les nouvelles dates de l’élection ainsi
que les conditions et modalités de leur tenue. Cette élection a
finalement eu lieu le 28 juin et le 12 juillet 2020 et a été remportée,
au terme d’une compétition serrée, par le Président sortant Duda
avec 51 % des voix. Les observateurs, y compris ceux de l’Assemblée,
ont estimé que l’élection avait été bien organisée et concurrentielle,
regrettant cependant le climat politique de plus en plus polarisé
et conflictuel dans lequel elle s’est déroulée.
85. Le climat politique en Pologne reste très divisé, conflictuel
et hostile, et le discours politique est de plus en plus agressif
et intolérant. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne les
personnes LGTBI, qui sont confrontées à un environnement politique
empreint d’intolérance et de préjugés de plus en plus marqués. À cet
égard, le fait que plusieurs municipalités polonaises se déclarent
«exemptes de personnes LGTBI» ne peut qu’être condamné, car cela
constitue un affront aux droits humains et au respect d’autrui.
En juillet 2020, le ministre polonais de la Justice a suggéré que
la Pologne se retire de la Convention d'Istanbul. Sa suggestion a
provoqué un tollé dans la société polonaise et serait également
controversée au sein de la coalition au pouvoir, qui n'a jusqu'à
présent pris aucune mesure allant jusque-là. Le Président de l’Assemblée, conjointement
avec les corapporteurs du suivi et la rapporteure générale sur la
violence à l’égard des femmes, ont publié
une
déclaration regrettant les fausses représentations et les informations
délibérément erronées sur les buts et l'objectif de la Convention
d'Istanbul et leur utilisation à des fins idéologiques étroites
et a exhorté la majorité au pouvoir à ne pas donner suite à l'annonce
du ministre de la Justice.
86. À la suite d’une requête déposée par plusieurs parlementaires
appartenant à la majorité au pouvoir, la Cour constitutionnelle
polonaise a déclaré inconstitutionnelles les dispositions légales
qui autorisaient l’avortement au cours des 12 premières semaines
de grossesse en cas de malformations graves et d’anomalies du fœtus.
Cette décision très controversée concerne 98 % de tous les avortements
légaux pratiqués dans le pays et a donné lieu à des manifestations
massives et soutenues dans le pays. Comme mentionné ci-dessus, cette
décision a été prise par un collège de juges dont la légalité de
la nomination est douteuse, ce qui a attisé la controverse. La Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatović a
qualifié cette décision de «triste journée pour les droits des femmes»,
déclarant que «éliminer les motifs de quasiment tous les avortements
légaux en Pologne équivaut pratiquement à les interdire et à violer les
droits humains». Devant le tollé général suscité par cette décision,
les autorités polonaises ont retardé son application en ne publiant
pas le jugement.
87. Les rapporteurs avaient prévu de se rendre à Varsovie du 25
au 27 novembre 2020 pour y effectuer une visite d’information. Cependant,
en raison de la détérioration rapide de la situation sanitaire dans
toute l’Europe, les rapporteurs ont décidé de la reporter à une
date ultérieure, dès que les conditions le permettraient.
2.2.8. Fédération
de Russie
88. Le dernier rapport sur le respect
des obligations et engagements de la Fédération de Russie remonte
à 2012. Depuis le retour de la délégation russe à l’Assemblée parlementaire
en juin 2019, deux rapports sur la contestation de ses pouvoirs
non encore ratifiés ont été débattus à l’Assemblée, en juin 2019
et en janvier 2020. Les corapporteurs, désignés respectivement en
novembre 2019 et janvier 2020, se sont engagés à présenter un rapport
dès qu’ils se seront rendus dans le pays. Cependant, en raison de
la pandémie de covid, la visite prévue les 19 et 20 mars 2020 a
dû être annulée quelques jours avant la date fixée. Depuis lors,
les conditions sanitaires en Fédération de Russie n’ont pas permis
d’organiser une nouvelle visite.
89. La principale évolution intervenue en Fédération de Russie
au cours de l’année écoulée a été l’adoption des amendements constitutionnels
proposés par le Président Poutine en janvier 2020. Tant leur contenu
que la procédure de leur adoption ont suscité des préoccupations
quant au respect des normes démocratiques. La Commission de Venise,
dans son avis sur le projet d’amendements à la Constitution relatifs
à l’exécution en Fédération de Russie des décisions de la Cour européenne
des droits de l’homme
, a conclu que la compétence de la
Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie de déclarer un
jugement non exécutable est incompatible avec les obligations de
la Fédération de Russie découlant de la Convention européenne des droits
de l’homme. Ces questions doivent également être considérées à la
lumière du projet d’amendement à l’article 83 de la Constitution,
qui autorise le Conseil de la Fédération (chambre haute du parlement)
à révoquer les juges de la Cour constitutionnelle à la demande du
Président. Une telle disposition expose la Cour à des pressions
politiques.
90. La commission de suivi attend l’avis de la Commission de Venise
sur les autres amendements et leur procédure d’adoption qu’elle
avait demandé en mai 2020 et qui devrait être rendu en mars 2021.
91. La loi sur les amendements a été adoptée à l’unanimité par
la Douma (qui a introduit un amendement supplémentaire ouvrant la
voie à une éventuelle prolongation du mandat du Président Poutine
de deux mandats supplémentaires) le 11 mars 2020 et par le Conseil
de la Fédération le même jour, également à l’unanimité. Les 12 et
13 mars 2020, la loi a été approuvée par les conseils législatifs
des 85 sujets de la Fédération de Russie, puis transmise le lendemain
à la Cour constitutionnelle qui a émis un avis, le 16 mars 2020,
déclarant les amendements conformes à la Constitution.
92. Alors que, selon la législation, les amendements auraient
pu être adoptés soit par la Douma et les conseils législatifs des
sujets de la Fédération de Russie, soit par voie référendaire, le
projet de loi tel que présenté en janvier prévoyait une procédure
différente, complétant l’adoption au parlement et dans les parlements
régionaux par un vote dit «All-Russian vote», totalement inédit
et constituant une sorte de plébiscite sans satisfaire pour autant
aux critères requis pour un référendum. Initialement prévu le 22 avril
2020, ce référendum a été reporté en raison de la pandémie de covid-19
au 26 juin-1er juillet 2020 et s’est
déroulé sur la semaine.
93. L’organisme réputé de surveillance des élections, Golos, s’est
montré très critique à l’égard de la campagne, et en particulier
du manque de garanties assurant des conditions de concurrence équitables
aux opposants aux amendements. L’organisation et l’administration
du vote lui-même ont également été critiquées au motif qu’elles
donnaient aux autorités un plus grand contrôle sur les élections
et ne garantissaient pas la transparence nécessaire, limitant ainsi
la capacité des observateurs indépendants à déceler les cas de fraude électorale.
Le vote a duré une semaine entière et dès le premier jour du scrutin,
les citoyens russes ont eu la possibilité d’exprimer leurs suffrages
non seulement dans les bureaux de vote traditionnels, mais aussi
dans des bureaux mobiles improvisés installés sur des bancs de parc,
dans des coffres de voiture et des chariots de supermarché, comme
en témoignent les nombreuses vidéos et photos publiées sur internet.
Les bulletins de vote ont ensuite été transférés et conservés dans
les bureaux de vote pendant la nuit, ouvrant la voie à des falsifications
massives. Dans son évaluation du scrutin, l’ONG Golos a relevé des
«votes multiples, des bourrages d’urnes» et des «violations du secret
du vote». Elle a déclaré qu’une partie importante des votes a été
recueillie à l’occasion de votes directement organisés dans les
entreprises et les institutions, de facto sous le contrôle de leurs
dirigeants.
94. Peu après le «All-Russian vote», la Douma a, le 21 juillet 2020,
approuvé un amendement au Code électoral permettant d’étaler le
vote sur un maximum de trois jours lors des futures élections. La
décision de tenir un vote sur plusieurs jours incombe aux agents
électoraux.
95. Le nouveau système de scrutin a été appliqué lors des élections
régionales et locales de septembre 2020. Le vote a commencé le 11 septembre
et s’est déroulé sur trois jours, le 13 septembre étant le jour
principal du scrutin. Les candidats du parti au pouvoir, Russie
Unie, et leurs alliés ont remporté dès le premier tour l’ensemble
des 20 postes de gouverneurs. Cependant, le parti a perdu sa majorité
dans les parlements régionaux de Tomsk, Novossibirsk et Tambov.
Les élections organisées en Crimée n’ont pas été reconnues par la
communauté internationale, ayant été tenues en violation du droit
international.
96. Entre autres développements survenus en Fédération de Russie
au cours de l’année passée, il convient de mentionner les manifestations
et les mouvements de protestation organisés à Khabarovsk, en soutien
au gouverneur d’alors, Sergueï Furgal, arrêté sous des chefs d’accusation
largement perçus comme étant à motivation politique. Le 25 juillet 2020,
une manifestation sans précédent rassemblant quelque 50 000 participants
(environ 1/10e de la population de la
ville) a eu lieu pour demander la réintégration du gouverneur et
la tenue du procès à Khabarovsk et non à Moscou. Les demandes n’ont
pas été prises en compte et un nouveau gouverneur a été nommé.
97. L’empoisonnement de M. Navalny, dirigeant de la Fondation
Anti-corruption, le 20 août 2020 à Omsk, a suscité l’inquiétude
et la plus grande préoccupation en Fédération de Russie et à l’étranger,
amenant les rapporteurs en charge du suivi à publier une déclaration
réclamant la conduite d’une enquête approfondie également exigée
par la communauté internationale
. Cette question fera l’objet d’un
rapport séparé en cours d’élaboration par la commission des questions
juridiques et des droits de l’homme.
98. Un certain nombre de sujets de préoccupation majeure ne peuvent
être soulevés ici compte tenu du format du présent rapport, notamment
le manque de pluralisme, l’indépendance du pouvoir judiciaire, l’environnement
restrictif pour les activités de l’opposition politique extra-parlementaire,
de la société civile, des défenseurs des droits de l’homme et des
journalistes, ainsi que les restrictions à la liberté d’expression,
de réunion, d’association et de religion. Plusieurs lois problématiques,
comme la loi sur les agents étrangers, la loi sur les organisations
indésirables ou la législation anti-extrémistes, suscitent des inquiétudes.
Un rapport spécifique sur les prisonniers politiques dans la Fédération
de Russie est en cours de préparation au sein de la commission des
questions juridiques et des droits de l'homme.
99. Malheureusement, aucun progrès n’a été réalisé dans la mise
en œuvre des exigences de la communauté internationale en ce qui
concerne l’Ukraine orientale, la Crimée, les régions géorgiennes occupées
d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie et la région transnistrienne de la
République de Moldova.
2.2.9. Serbie
100. L’année 2020 a été marquée
par la tenue d’élections législatives, provinciales et locales,
dont les préparatifs ont été entachés par le boycott annoncé par
plusieurs partis politiques d’opposition qui demandaient l’instauration
de conditions propices à des élections équitables, notamment l’égalité
d’accès aux médias. Le «dialogue entre les partis», organisé d’octobre
à décembre 2019 sous les auspices de trois eurodéputés actuels et
anciens et de l’Assemblée nationale de Serbie, a donné lieu à l’élaboration
des «Conclusions sur l’amélioration des conditions de la tenue des
élections législatives» et s’est traduit par certains progrès en
la matière, mais n’a pas réussi à dissuader plusieurs partis d’opposition
de boycotter le scrutin. Ces questions ont été examinées par la
commission de suivi lors de l’audition qu’elle a tenue le 16 janvier 2020,
consacrée à la préparation des élections législatives de 2020.
101. Les élections législatives, provinciales et locales étaient
prévues initialement le 26 avril 2020. À la suite du déclenchement
de la pandémie et de la déclaration de l’état d’urgence par le Président
de la République, sans débat au parlement, toutes les activités
électorales ont été suspendues le 15 mars. Le parlement a repris ses
travaux en mai 2020. Il a modifié la législation électorale en raison
du contexte sanitaire et levé l’état d’urgence, ouvrant ainsi la
voie à la reprise des préparatifs des élections le 11 mai. Au vu
des nouvelles conditions, certains partis d’opposition ont finalement
décidé de se présenter aux élections.
102. Les élections qui ont eu lieu le 21 juin et ont vu s’opposer
21 listes, ont enregistré un taux de participation proche de 49 %.
Malgré la décision prise contre toute attente par le parlement,
le 8 février 2020, d’abaisser le seuil électoral, le faisant passer
de 5 % à 3 %, et la répétition du scrutin dans plus de 200 bureaux
de vote le 1er juillet, seuls trois grands
partis ou coalitions politiques – le Parti progressiste serbe (SNS),
la coalition «Parti socialiste de Serbie (SPS) – Serbie unie (JS)»
et la coalition «Victoire pour la Serbie» [Alliance patriotique serbe]
– sont entrés au parlement. De plus, quatre listes de minorités
nationales (l’Alliance des Magyars de Voïvodine, la coalition «Parti
Justice et Réconciliation (SPP) – Parti démocratique des Macédoniens
(DPM)», la coalition «Alternative démocratique albanaise – Vallée
unie» ainsi que la liste conduite par M. Ugljanin), ont également
fait leur entrée au parlement, remportant 19 sièges au total (sur
250).
103. La Mission spéciale d’évaluation électorale menée par le BIDDH
a conclu le 22 juin 2020 que, malgré les difficultés engendrées
par la pandémie de covid-19, l’administration des élections avait
été efficace. En dehors des périodes d’état d’urgence, les candidats
ont été en mesure de faire campagne et les libertés fondamentales
d’expression et de réunion ont été respectées. Cependant, «la domination
du parti au pouvoir, notamment dans les médias, était préoccupante.
L’avantage dont les partis au pouvoir ont bénéficié, la décision
de certains partis d’opposition de boycotter les élections et le
débat politique limité ont restreint le choix offert aux électeurs
et les informations dont ils disposaient». L’Assemblée n’a pas pu
observer le déroulement du scrutin, en raison de la situation sanitaire.
104. A l’issue des élections, le parti au pouvoir du Président
Vučić a remporté 75 % des sièges au parlement. Les deux autres partis
ont fini par rejoindre le gouvernement formé en octobre 2020, laissant
ainsi le parlement sans opposition viable – hormis sept députés
de partis minoritaires qui se sont eux-mêmes déclarés dans l’opposition.
Cette situation sans précédent a suscité des préoccupations quant
au manque de pluralisme politique et à l’impact qu’il pourrait avoir
sur le fonctionnement des institutions démocratiques. La commission de
suivi a ainsi décidé d’organiser une audition sur «les défis démocratiques
en Serbie après les élections de juin 2020» sous réserve de la désignation
d’une nouvelle délégation parlementaire serbe.
105. À la suite de la ré-instauration soudaine des mesures restrictives
et des couvre-feux quelques jours après la répétition du scrutin,
des milliers de personnes se sont réunies devant le parlement et
dans d’autres grandes villes du pays, pour exprimer leur mécontentement
au sujet de la gestion de la crise sanitaire par le gouvernement.
Certaines de ces manifestations ont dégénéré en affrontements violents
avec les forces de l’ordre les 7, 8 et 10 juillet 2020 et donné
lieu à l’arrestation d’une centaine de manifestants. Dans leur
déclaration, les rapporteurs Ian liddell-Grainger (Royaume-Uni,
CE/AD) et Piero Fassino (Italie, SOC) ont condamné la violence et
appelé à la conduite d’une enquête approfondie. La Commissaire aux
droits de l’homme, Mme Dunja Mijatović,
a déploré la dispersion violente des manifestants et a rappelé qu’un
usage disproportionné de la force ne doit jamais être toléré. Elle
a donc demandé instamment aux autorités serbes de mener «des enquêtes
effectives pour faire la lumière sur ces événements et sanctionner
les agents responsables»
. Plusieurs incidents ont visé des journalistes.
Le réseau Safe Journalists a fait état de l’agression d’au moins
16 travailleurs des médias en trois jours
, aggravant
les tensions apparues pendant l’état d’urgence entre les autorités
et les médias concernant la circulation et le contrôle des informations
ou l’exactitude des informations rendues publiques, notamment pendant
la campagne électorale.
106. Une autre évolution défavorable, à savoir l’ouverture d’enquêtes
financières par l’administration serbe chargée de la prévention
du blanchiment de capitaux à l’encontre plus de 50 militants, ONG
et médias d’investigation de premier plan, a incité les rapporteurs
à
réagir le 30 juillet 2020. Ils ont appelé les autorités serbes
«à s’abstenir de toute mesure susceptible de constituer un acte
d’intimidation ou d’aboutir à la criminalisation infondée de ces
organisations», tout en rappelant que la société civile et les médias indépendants
contribuent à assurer une saine surveillance des institutions publiques
conduisant aux nécessaires freins et contrepoids dans une société
démocratique.
107. Compte tenu de la campagne électorale et de la situation sanitaire,
les rapporteurs, qui ont été nommés respectivement en avril et septembre 2019,
n’ont pas eu la possibilité d’effectuer une visite d’information
dans le pays. Ils ont toutefois continué d’examiner les domaines
prioritaires identifiés par l’Assemblée dans sa résolution de 2012
sur «Le respect des obligations et engagements de la Serbie», en
l’occurrence la réforme du système judiciaire, la lutte contre la
corruption, la situation des médias et les droits des minorités.
La réforme de la Constitution, s’agissant du secteur judiciaire
et la mise à niveau de la législation électorale, continueront également
de faire l’objet d’un examen attentif. Dans l’ensemble, l’année
2020 n’a pas été propice à des changements majeurs. À l’exception
de la reprise louable du dialogue entre Belgrade et Pristina sous
les auspices de l’Union européenne, après une interruption de 20
mois, et de l’établissement d’une mini zone Schengen en vue de renforcer
la coopération avec l’Albanie et la Macédoine du Nord, les progrès
ont été limités, voire inexistants, dans les domaines qui préoccupent
l’Assemblée.
2.2.10. Turquie
108. La commission de suivi a continué
de suivre de près la situation en Turquie après l’adoption en janvier 2019
de la
Résolution 2260
(2019) «Aggravation de la situation des membres de l’opposition
politique en Turquie: que faire pour protéger leurs droits fondamentaux
dans un État membre du Conseil de l’Europe?», dans laquelle l’Assemblée
faisait part de ses inquiétudes face à la détérioration de la situation
de l’État de droit, de la démocratie et des droits humains dans
le pays. En 2020, les corapporteurs M. Thomas Hammarberg (Suède,
SOC) et M. John Howell (Royaume-Uni, CE/AD) ont fait plusieurs
déclarations reflétant l’absence de progrès et la nouvelle détérioration
liée notamment à la situation carcérale en période de pandémie de
covid-19, à l’arrestation de membres de l’opposition ou à la situation
des défenseurs des droits de l’homme. Ces préoccupations ont suscité
la tenue d’un débat selon la procédure d’urgence dans le cadre de
la réunion de la Commission permanente élargie, le 23 octobre 2020.
Dans sa
Résolution 2347
(2020) «Nouvelle répression de l’opposition politique et de
la dissidence civile en Turquie: il est urgent de sauvegarder les
normes du Conseil de l’Europe», l’Assemblée a évoqué plusieurs problèmes
et dysfonctionnements allant de la restriction des droits électoraux,
à la fragilisation de l’État de droit en passant par la limitation
de la liberté d’expression et de la liberté des médias.
109. L’Assemblée a vivement condamné la destitution ou la révocation
d’élus (appartenant, à une écrasante majorité, au parti d’opposition
HDP (Parti démocratique des peuples)), après les élections de mars 2019,
et leur remplacement par des administrateurs nommés par le gouvernement.
Dans ce contexte, la commission a tenu un échange de vues, le 13 novembre 2020,
sur la situation des maires révoqués et remplacés, auquel ont participé
des représentants du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, de
la Commission de Venise et du ministère turc de l’Intérieur. Elle
a par ailleurs encouragé les autorités turques à procéder aux changements juridiques
attendus dans la législation électorale et la législation antiterroriste,
conformément à l’
avis rendu en juin 2020 par la Commission de Venise, afin
de respecter la volonté des électeurs et d’améliorer le fonctionnement
des institutions démocratiques en Turquie.
110. L’Assemblée a également condamné les arrestations d’avocats,
sous des chefs d’accusation liés au terrorisme, et la criminalisation
de leurs activités, rappelant que les avocats jouent un rôle déterminant
dans la mise en œuvre des normes de l’État de droit et l’administration
efficace de la justice. À la suite de
l’Avis émis par la Commission de Venise en octobre 2020 à la
demande de la commission de suivi, l’Assemblée a appelé instamment
les autorités à abroger les amendements de juillet 2020 apportés
à la loi sur les avocats de 1969 qui nuisent à l’indépendance des
barreaux. Par ailleurs, l’absence de séparation des pouvoirs, le
manque d’indépendance de la justice et l’insuffisance des garanties
procédurales pour assurer des procès équitables demeurent problématiques,
comme l’a souligné la
Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe.
111. L’Assemblée a réitéré son appel à la pleine mise en œuvre
les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme par la Turquie.
En particulier elle a exhorté la Turquie à libérer immédiatement
le philanthrope Osman Kavala, en détention depuis trois ans, malgré
l’arrêt définitif rendu par la Cour. Par ailleurs, l’Assemblée a
demandé aux autorités turques de rétablir la liberté d’expression
et des médias, et de restreindre l’interprétation de sa législation
antiterroriste. L’Assemblée a exprimé l’espoir que la stratégie
de réforme du système judiciaire adoptée en mai 2019 ainsi que le
Plan d’action sur les droits de l’homme en cours d’élaboration,
permettront la réalisation de progrès, pour autant qu’il y ait une
véritable volonté politique d’améliorer effectivement l’indépendance,
l’impartialité et la transparence du système judiciaire, de renforcer la
liberté d’expression et des médias, et de veiller à ce que les juridictions
inférieures se conforment aux arrêts de la Cour constitutionnelle.
À cet égard, l’Assemblée a fait part de ses inquiétudes concernant
le maintien en détention de (anciens) parlementaires et la levée
de leur immunité parlementaire. Elle a aussi appelé les autorités
turques à mettre fin au harcèlement judiciaire des défenseurs des
droits humains. Aucun progrès n’a été enregistré dans le domaine
de la liberté des médias (au classement mondial de la liberté de
la presse pour 2020 établi par Reporters sans frontières, la Turquie
occupe la 154ème place sur 180 pays)
et le contrôle exercé sur les médias sociaux a été durci en juillet 2020.
112. L’Assemblée a également soulevé d’autres préoccupations en
matière de droits humains, notamment les effets restrictifs persistants
sur les droits fondamentaux de certaines lois adoptées après la
levée de l’état d’urgence en 2018 et les allégations crédibles relatives
à des actes de torture qui seraient perpétrés dans des centres de
détention et des postes de police. Dans ce contexte, il convient
de saluer la publication en 2020 de deux rapports du Comité européen
pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains
ou dégradants (CPT) par la Turquie. Les graves préoccupations qui
ont été exprimées concernant la conformité des interventions extérieures
de la Turquie, y compris les opérations militaires, avec les obligations
envers le Conseil de l’Europe, seront examinées dans de prochains
rapports de suivi.
113. La commission entend encourager davantage les autorités à
prendre des mesures significatives afin que la Turquie respecte
ses obligations envers le Conseil de l’Europe. Comme l’a souligné
l’Assemblée, le pays dispose d’une scène politique et d’une société
civile dynamiques, qui aspirent grandement à jouir et à exercer
pleinement leurs libertés fondamentales, ce qui devrait être considéré
comme un atout précieux pour la démocratie du pays.
2.2.11. Ukraine
114. Le dernier rapport sur l’Ukraine
a été adopté le 25 janvier 2017
. La dernière visite dans le pays
a eu lieu du 19 au 21 novembre 2018. En raison d’une combinaison
de facteurs (la tenue d’élections législatives et présidentielle
en Ukraine, le retrait temporaire de la délégation ukrainienne des
travaux de l’Assemblée à la suite du retour de la délégation de
la Fédération de Russie au sein de l’Assemblée et, en 2020, la pandémie de
covid-19), aucune visite n’a pu être organisée en 2019 et 2020.
Une visite prévue au printemps 2020 a dû être annulée du fait de
l’aggravation de la crise de la covid-19 en Europe. Le 13 novembre
2020, M. Birgir Thórarinsson (Islande, PPE/DC) a été désigné corapporteur
en remplacement de Mme Dzhema Grozdanova (Bulgarie,
PPE/DC), qui avait quitté l’Assemblée.
115. La réforme de la justice et – en lien étroit avec celle-ci
– la lutte contre la corruption endémique ont été deux priorités
politiques majeures du pays, outre les conséquences de l’agression
militaire en cours en Ukraine orientale.
116. Concernant le conflit militaire en Ukraine orientale, après
l’échec de plusieurs tentatives visant à instaurer un cessez-le-feu
dans la région du Donbass, le 27 juillet 2020 un accord de cessez-le-feu
intégral entre les militaires ukrainiens et les formations armées
illégales présentes dans la région du Donbass a été conclu à la
suite d’un accord entre le Président Zelensky et le Président Poutine
et avec le soutien des Gouvernements français et allemand. Cet accord
de cessez-le-feu, qui est largement respecté, était considéré comme
une condition préalable à la tenue d’un nouveau sommet du Groupe
Normandie et pourrait ouvrir la voie à la mise en œuvre d’autres
dispositions des accords de Minsk. Fait positif, l’accord de cessez-le-feu
a conduit au désengagement des militaires ukrainiens et des formations
armées illégales en plusieurs points le long de la ligne de contact.
Hélas, après le déclenchement de la pandémie de covid-19, les mouvements
des observateurs de l’OSCE chargés de surveiller le respect de l’accord
de cessez le feu ont été restreints unilatéralement par les formations
armées illégales, ce que les corapporteurs ont condamné dans une déclaration.
117. En lien également avec la résolution du conflit en Ukraine
orientale, les autorités mettent en œuvre un vaste ensemble de réformes
sur la décentralisation et l’administration territoriale, incluant
un nouveau découpage administratif du territoire qui a réduit de
490 à 136 le nombre des districts. Faisant suite à la réforme administrative
territoriale, des élections locales ont été organisées le 25 octobre
2020. Elles ont marqué un revers pour le Président en exercice,
dont le parti n’a fait élire aucun maire dans les neuf communes
où cette élection avait lieu et n’a remporté la majorité que dans
deux des neuf conseils municipaux.
118. La réforme de la justice a été une priorité importante pour
les autorités. Dans ce contexte, la lutte contre la corruption des
magistrats, jugée endémique, et le renforcement de la confiance
des citoyens envers le système judiciaire ont été deux objectifs
majeurs de ces réformes complexes.
119. Des progrès notables ont été réalisés grâce à la mise en place
d’un cadre institutionnel de lutte contre la corruption endémique
en Ukraine. La Haute Cour anticorruption, le Bureau national de
lutte contre la corruption (NABU) et le Bureau du procureur spécialisé
dans la lutte contre la corruption (SAPO) sont pleinement opérationnels
et l’Agence nationale pour la prévention de la corruption a été
réactivée. Cependant, les travaux de ces institutions ont pâti d’une
série de décisions controversées de la Cour constitutionnelle de l’Ukraine,
qui ont été dénoncées tant par le Gouvernement ukrainien que par
la communauté internationale. En réaction contre ces décisions,
le Gouvernement ukrainien a annoncé initialement qu’il les ignorerait
et menacé d’adopter une loi portant destitution des juges actuels
de la Cour constitutionnelle. Une telle action aurait eu un effet
dommageable pour l’indépendance de la justice et le respect de l’État
de droit dans le pays. Les corapporteurs ont adopté une déclaration
dans laquelle ils appelaient les autorités à prendre toutes les mesures
nécessaires pour rétablir le bon fonctionnement du système de déclaration
électronique et pour clarifier le statut juridique du Bureau national
de lutte contre la corruption de l’Ukraine. Dans le même temps, ils
ont demandé instamment aux autorités de s’abstenir de toute action
qui aurait des effets préjudiciables durables pour l’État de droit
et l’indépendance de la justice en Ukraine.
2.3. Dialogue
postsuivi
2.3.1. Bulgarie
120. Le dernier rapport sur le dialogue
postsuivi avec la Bulgarie a été examiné par l’Assemblée en juin 2019. À
la suite du débat, l’Assemblée a décidé de ne pas mettre un terme
au dialogue postsuivi et a invité les rapporteurs à évaluer, sur
l’année 2020, les progrès réalisés dans cinq domaines de préoccupation spécifiques,
notamment la corruption à haut niveau, la transparence de la propriété
des médias, les droits humains des minorités, les discours de haine
et les violences à l’égard des femmes (voir
Résolution 2296 (2019)). La crise pandémique a empêché les rapporteurs de
se rendre en Bulgarie (une visite prévue début avril a dû être annulée)
et d’élaborer un rapport.
121. La Bulgarie fait face à une crise politique majeure depuis
juillet 2020. Les scandales de corruption ont donné lieu à de vastes
manifestations de rue, ainsi qu’à l’occupation de grands axes routiers
à Sofia et dans d’autres grandes villes depuis maintenant plusieurs
mois. Dans certains cas, les forces de l’ordre auraient fait preuve
d’une violence disproportionnée à l’égard des manifestants
.
122. La révocation de cinq ministres, dont ceux de l’Intérieur
et de la Justice, n’ayant pas suffi à apaiser les manifestants,
le Premier ministre a proposé de convoquer une grande Assemblée
nationale et de réformer la Constitution pour la première fois depuis
1991. Le 20 septembre 2020, la majorité au pouvoir a présenté un projet
de nouvelle Constitution. La Présidente de l’Assemblée nationale
a ensuite officiellement sollicité auprès du président de la Commission
de Venise le soutien d’experts et la formulation d’un avis de la
Commission sur le projet de nouvelle Constitution. Cet avis urgent
a été publié le 11 décembre 2020. La Commission de Venise a noté
que les projets d’amendements constitutionnels les plus importants
concernant le système judiciaire bulgare font plusieurs pas dans
la bonne direction, mais que certaines questions doivent encore
être abordées. Elle s’est dit prête à fournir une assistance aux
autorités bulgares si le processus de réforme constitutionnelle avance.
Le 25 novembre 2020, la proposition de convocation des élections
d’une Grande Assemblée Nationale qui pourrait débattre des amendements
constitutionnels soumis par le gouvernement a été rejetée par le
parlement.
123. La situation demeure préoccupante en ce qui concerne la corruption
à haut niveau. Le pays a été récemment confronté à plusieurs scandales
de corruption qui ont largement contribué aux mouvements de protestation
actuels. La nouvelle agence de lutte contre la corruption est devenue
opérationnelle en janvier 2019. Cependant, le manque persistant
d’enquêtes sur la corruption à haut niveau aboutissant à des résultats
tangibles suscite des inquiétudes, bien qu’un certain nombre aient
été ouvertes récemment, notamment dans des affaires à caractère
transfrontalier impliquant de hauts fonctionnaires et des personnes présentant
un intérêt public majeur. Le système judiciaire reste confronté
à des problèmes généralisés de corruption et d’absence d’obligation
de rendre des comptes. Dans ce contexte, on ne peut que regretter
que les précédentes recommandations de la Commission de Venise concernant
le procureur général n’aient pas été suivies d’effet.
124. La situation de la liberté de la presse en Bulgarie demeure
la plus mauvaise de toute l’Union européenne (dans son classement
mondial de la liberté de la presse 2019, Reporters sans frontières
a placé la Bulgarie au 111ème rang mondial
sur 180). Dans l’ensemble, la situation s’est détériorée ces dernières
années, et aucune amélioration n’a été constatée depuis l’adoption
de la
Résolution 2296
(2019). La concentration de la propriété des médias et l’absence
de transparence dans ce domaine et celui de la diffusion de la presse,
le manque de garanties quant à l’indépendance de l’autorité de régulation
du Conseil des médias électroniques, les pressions exercées sur
les médias par les milieux politiques et l’État, l’intimidation
et l’utilisation de poursuites pénales en tant que moyen de pression
sur les journalistes et les rédacteurs en chef restent des sources
de préoccupations majeures. Malgré l’existence de dispositions légales
formelles concernant la divulgation de la propriété des médias et
la prévention de pressions indues, les obligations actuelles prévues
par la loi ne sont pas effectivement mises en œuvre dans la pratique.
125. S’agissant des droits humains des minorités, la Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a noté avec inquiétude
dans son rapport 2020 sur la Bulgarie «l’intolérance endémique à
l’égard des groupes minoritaires, qui touche en particulier les
Roms, les musulmans, les migrants et les demandeurs d’asile, les
personnes qui se déclarent macédoniennes de souche et les personnes
LGBTI». Le rapport fait état d’une recrudescence d’actes hostiles
envers les minorités, notamment des crimes de haine et une série de
rassemblements anti-Roms organisés dans toute la Bulgarie, de signalements
de cas d’incitation publique à la haine contre les musulmans et
les Roms, et d’attaques perpétrées contre des sites et des établissements religieux
comme la synagogue et le bureau du grand mufti à Sofia en janvier
et juillet 2019. Dans le même temps, il convient de reconnaître
que les autorités bulgares ont fait preuve de volonté politique
et déployé des efforts en faveur de l’intégration des Roms, à commencer
par l’élaboration de la Stratégie nationale pour l’intégration des
Roms (2012-2020) accompagnée de son Plan d’action. Cependant, la
mise en œuvre de ce dernier a été entravée par l’insuffisance des
ressources financières.
126. En ce qui concerne les discours de haine, aucun cas de remarques
discriminatoires de la part de membres de la coalition gouvernementale
n’a été signalé depuis le dernier débat à l’Assemblée, mais les propos
haineux dans les médias sociaux demeurent problématiques dans le
pays. En février 2020, pour la première fois depuis 2003, la maire
de Sofia a prononcé l’interdiction, ensuite confirmée par le tribunal,
de la «marche de Loukov», un événement annuel rassemblant des extrémistes
d’extrême droite de divers pays européens. Par ailleurs, les autorités
ont engagé une procédure visant à dissoudre l’Union nationale bulgare Edelweiss,
l’organisateur de cette marche. En 2018, le ministère bulgare des
Affaires étrangères avait sollicité un avis de l’OSCE/BIDDH sur
certaines dispositions du Code pénal relatives aux infractions motivées
par des préjugés, aux discours de haine et à la discrimination.
Dans son avis, l’OSCE/BIDDH a salué les efforts déployés par la
Bulgarie pour résoudre ces problèmes, mais a relevé un certain nombre
de lacunes dans la législation concernée, auxquelles il convient
de remédier.
127. S’agissant de la violence à l’égard des femmes, la question
de la ratification de la Convention d’Istanbul (signée en avril 2016)
n’est toujours pas réglée du fait de la décision de la Cour constitutionnelle
qui, en juillet 2018, a déclaré la Convention d’Istanbul contraire
à la Constitution. Une série de modifications du Code pénal et du
Code de procédure pénale ont été adoptées en 2018 en vue de protéger
les droits des femmes, mais le soutien matériel apporté aux femmes
victimes de violence est loin d’être satisfaisant et les organisations
de la société civile déplorent le nombre insuffisant de foyers,
de conseillers et d’aides mis à leur disposition.
2.3.2. Monténégro
128. Le dernier rapport sur le Monténégro
remonte à 2015. Dans sa
Résolution
2030 (2015), l’Assemblée a décidé de clore la procédure de suivi
et d’engager un dialogue postsuivi. Elle a déclaré que ce dialogue
pourrait s’achever si le Monténégro remplissait quatre conditions
concernant l’indépendance du pouvoir judiciaire, la confiance dans
le processus électoral, la situation des médias et la lutte contre
la corruption.
129. En raison de la pandémie de covid-19, le rapport élaboré par
les corapporteurs en vue d’un débat lors de la partie de session
d’avril a été examiné au cours de la réunion tenue en juin par la
commission de suivi et un projet de résolution a été adopté dans
le but d’être débattu lors de la partie de session de janvier 2021.
130. Dans leur rapport, les corapporteurs ont conclu que dans les
domaines où le Monténégro était en général perçu comme un partenaire
coopératif ou un bon exemple pour la région (droits des minorités,
lutte contre la discrimination, entre autres), la situation a continué
de s’améliorer. Cette tendance a été confirmée par l’adoption, en
juillet, de la loi relative aux partenariats entre personnes de
même sexe, une avancée qu’il convient de saluer après deux précédents
votes infructueux au parlement sur cette question.
131. Cependant, les progrès ont été limités dans les quatre domaines
prioritaires identifiés par la
Résolution 2030 (2015). Même lorsqu’on a pu noter des améliorations, par exemple
en ce qui concerne l’indépendance de la justice ou la situation
des médias, ces améliorations ont été contrebalancées par des tendances négatives
opposées qui ont pu être observées au cours de l’année 2020.
132. La tentative de révision du cadre électoral a échoué, en raison
du boycott, par l’opposition, de la commission parlementaire ad
hoc chargée de mener cette réforme.
133. En ce qui concerne l’indépendance du pouvoir judiciaire, la
reconduction dans leurs fonctions de présidents de juridiction au-delà
de la limite de deux mandats fixée par la Constitution et la loi
s’est poursuivie, malgré les avertissements précédemment adressés
par les corapporteurs, le GRECO et l’Union européenne. Ainsi, le
7 février 2020, le Conseil de la magistrature a reconduit dans ses
fonctions le président d’un tribunal pour un cinquième mandat. En
novembre 2020, il a reconduit dans ses fonctions le président d’un
autre tribunal, pour un huitième mandat, dont la nomination avait
été annulée par la juridiction administrative.
134. S’agissant de la lutte contre la corruption, bien que le 6 février
2020, le Deuxième Rapport de Conformité du GRECO ait mis fin à la
procédure de conformité du Quatrième Cycle sur le Monténégro, le
GRECO y a indiqué qu’aucune amélioration n’avait pu être observée
pour ce qui est de la composition et de l’indépendance du Conseil
de la justice et de la révision du cadre disciplinaire applicable
aux juges. Aucun progrès notable n’a non plus été enregistré en
ce qui concerne la réforme du financement des partis politiques
et des campagnes électorales.
135. Pour ce qui est de la situation des médias, des inquiétudes
subsistent malgré une amélioration apparente du cadre juridique
avec l’adoption, en juillet, de deux lois sur les médias et le radiodiffuseur
public RTCG. C’est pourquoi les corapporteurs ont annoncé publiquement
leur décision de suivre la procédure judiciaire dans l’affaire Jovo
Martinović, un journaliste d’investigation condamné pour la deuxième
fois le 8 octobre, pour constitution d’une organisation criminelle
et trafic de drogues.
136. Le Monténégro ayant semblé avoir atteint un plafond de verre
dans les quatre domaines clés, il a été proposé dans le projet de
résolution de poursuivre le dialogue postsuivi et de réévaluer la
situation après les élections législatives.
137. Deux événements majeurs et étroitement liés ont marqué l’année
2020, à savoir les manifestations continues et massives contre la
loi sur la liberté de religion, en particulier la partie consacrée
aux droits de propriété, adoptée par le parlement en décembre 2019,
et les élections générales organisées en août.
138. Ces manifestations, dans lesquelles l’Église orthodoxe serbe
a joué un rôle important, se sont déroulées dans tout le pays, le
plus souvent de manière pacifique, et ont été interrompues en raison
de la pandémie de covid-19. L’arrestation du Métropolite et de certains
de ses prêtres pour non-respect des mesures sanitaires mises en
place pour endiguer la propagation du coronavirus a suscité un regain
de tensions en mai et juin. Le dialogue engagé par le gouvernement
en février n’a donné lieu à aucune avancée.
139. Le Front démocratique (DF) et Monténégro Démocratique (DCG)
ont profité de l’occasion qui leur était offerte avec le débat sur
le retrait de la loi sur la liberté de religion pour boycotter les
travaux de la commission parlementaire ad hoc chargée de mener la
réforme du cadre électoral, rendant impossible l’atteinte du quorum. C’est
donc ce cadre demeuré inchangé qui a régi les élections législatives
qui se sont tenues le 30 août, avec les mêmes failles et limites
auxquelles l’OSCE/BIDHH a une nouvelle fois conseillé de remédier.
Les élections se sont déroulées dans un climat hautement polarisé
sur les questions religieuses et celles ayant trait à l’identité
nationale, mais sont restées pacifiques, à l’exception notable d’attaques
inquiétantes visant les minorités, en particulier les Bosniaques,
perpétrées le jour de l’annonce des résultats. Cette flambée de violence
a été immédiatement condamnée par tous les partis ainsi que par
l’Église orthodoxe serbe, qui s’est fortement mobilisée durant la
campagne contre la majorité au pouvoir, selon les ONG avec lesquelles
les corapporteurs ont procédé à un échange de vues sur les élections.
140. Malgré un abus de fonctions généralisé et une utilisation
abusive des ressources publiques qui, selon les conclusions préliminaires
de l’OSCE/BIDDH, ont conféré au parti au pouvoir un avantage indu,
ces élections qui ont enregistré un taux de participation très élevé
de 76 % ont débouché, pour la première fois depuis l’indépendance
du Monténégro, sur un changement de pouvoir. Le Président Đjukanović
a reconnu la défaite de l’ancienne majorité au pouvoir conduite
par le Parti démocratique des socialistes du Monténégro (DPS), et
les dirigeants des trois coalitions d’opposition, le DF, le DCG,
et Action unie pour la réforme (URA), ont annoncé le 31 août s’être
accordés sur la mise en place d’un gouvernement composé d’experts,
avec un futur Premier ministre qui n’est affilié à aucune formation
politique. Ce nouveau gouvernement bénéficierait du soutien d’une
étroite majorité de 41 sièges au parlement sur 81. Ce tournant majeur
est l’occasion pour tous les acteurs politiques de montrer que le
Monténégro est non seulement capable de gérer un changement démocratique
de majorité, mais aussi de confirmer son engagement sur la voie
européenne et de se conformer à ses obligations, notamment dans
les quatre domaines prioritaires définis dans la
Résolution 2030 (2015).
2.3.3. Macédoine
du Nord
141. En octobre 2019, l’Assemblée
a adopté la
Résolution
2304 (2019) sur le «Dialogue postsuivi avec la Macédoine du Nord».
Elle a salué les progrès accomplis par le pays, notamment la signature
de l’accord de Prespa en 2018, qui a permis la résolution du litige
concernant le nom du pays, ainsi que le lancement de réformes. Par
ailleurs, l’Assemblée a invité les autorités à réaliser de nouveaux
progrès dans les domaines suivants: la poursuite de la consolidation
d’institutions démocratiques durables et fonctionnelles, l’indépendance
de la justice, la lutte contre la corruption, la consolidation du
cadre électoral et la poursuite de politiques inclusives visant
à garantir les droits des minorités.
142. Le processus d’intégration européenne a été marqué par la
décision prise par le Conseil de l’Union européenne, le 26 mars 2020,
d’entamer les négociations d’adhésion avec la Macédoine du Nord
[et l’Albanie] – une décision que le pays attendait depuis 2009.
Celle-ci a été
saluée par les corapporteurs pour le suivi des deux pays. Les
négociations n’ont cependant pas encore pu commencer, la Bulgarie
bloquant la décision du Conseil des ministres de l’Union européenne
d’adopter un cadre de négociation pour la Macédoine du Nord. En
effet, la Bulgarie s’oppose à l’utilisation de la langue macédonienne
dans le cadre des négociations et a des points de vue divergents
quant à leur histoire commune, malgré la signature en 2017 du Traité
sur les relations de bon voisinage avec la Macédoine du Nord.
143. Dans l’ensemble, le fonctionnement des institutions démocratiques
a été satisfaisant. Le parlement a été en mesure d’assurer un dialogue
politique constructif et de s’acquitter de ses fonctions législatives.
Les réformes engagées en 2019 se sont poursuivies, notamment dans
le domaine judiciaire: la loi révisée tant attendue sur le ministère
public a été adoptée et est entrée en vigueur en juin 2020. Elle
devrait garantir une solution durable pour les affaires portées
devant le bureau du «procureur spécial chargé des crimes liés et découlant
du contenu de l'interception illégale de communications», après
la condamnation en première instance, en juin 2020, de l’ancien
chef du parquet spécial dans ladite «affaire racket» concernant
des allégations d’extorsion et d’abus de pouvoir. La loi révisée
sur le Conseil des procureurs a également été adoptée et la réforme
des services de renseignement est en cours. La Commission européenne
a relevé des progrès dans la mise en œuvre de la stratégie de réforme
judiciaire et noté la mise en place de mécanismes visant à garantir
l’indépendance et la responsabilité du pouvoir judiciaire.
144. Bien que la corruption reste endémique, le
GRECO a noté en octobre 2020 que «des efforts notables ont
été déployés par les autorités pour réviser les cadres législatifs»
mais «qu’une application pratique cohérente des nouvelles règles
reste à voir», notamment pour le Code de déontologie révisé des
députés. Des progrès ont été enregistrés en matière de prévention
de la corruption des juges non professionnels. Cependant, le ministre
de la Justice n’a pas été écarté de la composition du Conseil de
la magistrature. Le GRECO s’est félicité de la réglementation sensiblement
renforcée des conditions de sélection, de nomination et de licenciement
des membres de la Commission d’État pour la prévention de la corruption
(CNPC) qui a continué de faire preuve d’une approche proactive en
matière de prévention de la corruption, d’ouverture d’affaires,
dont celles impliquant de hauts fonctionnaires de l’ensemble du
spectre politique, et de traitement des allégations de népotisme,
de clientélisme et d’ingérence politique dans le processus de recrutement
des agents du secteur public.
145. La situation générale des médias reste inchangée, s’agissant
notamment des problèmes relevés antérieurement comme la viabilité
financière des médias indépendants, l’autorégulation, la transparence
de la publicité dans les médias faites par les institutions de l’État,
les partis politiques et les entreprises publiques, ainsi que l’indépendance
du radiodiffuseur de service public.
146. L’année 2020 a également été marquée par la tenue d’élections
législatives anticipées. Ce scrutin avait été convoqué sur décision
commune des partis politiques après l’échec du pays à obtenir l’ouverture
des négociations d’adhésion à l’Union européenne en octobre 2019.
Le parlement a été dissous le 16 février 2020, en prévision des
élections anticipées prévues le 12 avril de la même année. Cependant,
en raison de la pandémie de covid-19 et de la déclaration en mars 2020
de l’état d’urgence par le Président de la République (sans débat
au parlement), l’opposition et la majorité au pouvoir sont convenues
de reporter le scrutin jusqu’à la levée de l’état d’urgence (en
pratique, le 23 juin 2020). La rapporteure, Mme Lise
Christoffersen (Norvège, SOC),
a
souligné que cette décision démontrait la capacité des partis
politiques à dégager un consensus malgré leurs divergences, ajoutant
que ce résultat a été obtenu grâce aux efforts concertés de toutes
les parties prenantes, et notamment le Président de la République
qui a facilité le dialogue politique. La commission a été informée
des préparatifs de ces élections lors de son audition du 22 juin 2020
sur «Le respect des obligations découlant de l’adhésion au Conseil
de l’Europe des États membres et la conduite d’élections démocratiques
dans le contexte de la COVID-19», tenue dans le cadre de l’élaboration
de son avis.
147. Les élections anticipées ont eu lieu le 15 juillet 2020. Cependant,
la situation sanitaire n’a pas permis à l’Assemblée d’observer le
scrutin. Douze partis politiques et trois coalitions, respectant
tous le quota de 40 % de femmes prévu par la loi, étaient en lice.
Le taux de participation s’est élevé à 51 %. Les résultats finaux
ont été marqués par la courte victoire de la coalition menée par
l’Union sociale-démocrate de Macédoine (SDSM) et le Mouvement BESA
(35,89 % des voix, soit une avance de 12 000 voix sur 900 000),
tandis que celle menée par l’Organisation révolutionnaire intérieure
macédonienne – Parti démocratique pour l’unité nationale macédonienne
(VRMO-DPMNE) a obtenu 34,57 % des suffrages exprimés. L’Union démocratique
pour l’intégration (DUI) est restée le parti albanais le plus important
(11,48 %). La coalition formée par l’Alliance pour les Albanais
(AA) avec le Parti Alternative (8,95 %) et le Parti démocratique
des Albanais (DPA) (1,53 %) font également son entrée au parlement.
Pour la première fois, un parti ouvertement opposé à l’OTAN, le
parti de gauche (Levica), va siéger au parlement (4,1 %).
148. La mission spéciale d’évaluation des élections déployée par
le BIDDH (avec une présence limitée) a estimé que ces élections
avaient été globalement bien organisées sans qu’aucun incident majeur
ou tension ne soit à déplorer «mais que la stabilité juridique avait
été compromise par d’importantes révisions apportées au Code électoral
et par des réglementations ad hoc ultérieures adoptées pendant l’état
d’urgence. En dépit d’un ton négatif, la campagne a été réellement
concurrentielle et les dispositions relatives à la publicité politique
payante [adoptées par le parlement le 22 juin 2020] ont été favorables
aux trois principaux partis. Quelques cas isolés concernant des
ministres de différents partis mêlant leurs fonctions gouvernementales
et leurs activités politiques ont été observés». Par ailleurs, la
Commission électorale nationale et le ministère de l’Intérieur ont
été la cible d’une cyberattaque le jour des élections qui fait actuellement
l’objet d’une enquête. Certaines recommandations formulées de longue
date n’ont pas été suivies d’effet, notamment celles concernant
le registre électoral, la révision du découpage des circonscriptions
électorales, l’universalité et l’égalité du suffrage dans les circonscriptions
électorales à l’étranger et un audit effectif du financement des campagnes.
149. À la suite des élections, Talaf Xhaferi (DUI) a été réélu,
en août 2020, Président du parlement. Le DUI a formé une coalition
avec le SDMS et rejoint le gouvernement mis en place le même mois
par le Premier ministre, M. Zaev. Le gouvernement restera déterminé
à traiter des affaires intérieures, notamment la lutte contre la
pandémie, la réforme du système judiciaire et la lutte contre la
corruption. Ces questions seront examinées plus avant par la corapporteure,
Mme Lise Christoffersen (Norvège, SOC)
et M. Zsolt Csenger-Zalàn (Hongrie, PPE/DC), désigné corapporteur
en juin 2020.
2.4. Examens
périodiques
150. Les rapports d’examen périodique
sont un mécanisme essentiel permettant à la commission, conformément
à son mandat, «d’assurer et d’évaluer le respect des obligations
contractées par tous les États membres aux termes du Statut du Conseil
de l’Europe, de la Convention européenne des droits de l’homme et
de toutes les autres conventions de l’Organisation auxquelles ils
sont parties». Ces dernières années, l’Assemblée a continué de développer
et d’améliorer ces rapports et leur préparation, s’appuyant sur l’expérience
de la commission. L’Assemblée a marqué en 2019 une évolution importante
en décidant que dorénavant les rapports d’examen périodique seraient
présentés à l’Assemblée en tant que rapports individuels, accompagnés
chacun de leur propre résolution, et non plus en tant qu’annexes
au rapport d’activité. De plus, l’Assemblée a aussi décidé que l’ordre
et la fréquence des pays sélectionnés pour l’examen périodique seraient
établis par la commission sur la base de raisons de fond, tout en
maintenant l’objectif de consacrer, au fil du temps, des examens
périodiques à tous les États membres.
151. En réponse à un désaccord entre la commission et le Bureau
de l’Assemblée sur la possibilité ou non pour le Bureau de modifier
la liste des pays sélectionnés par la commission, possibilité dont
celle-ci a considéré qu’elle politiserait le processus de sélection
et nuirait à son impartialité, la commission du Règlement, des immunités
et des affaires institutionnelles a précisé, dans la
Résolution 2350 (2020), qu’«afin de garantir que la saisine de la commission
de suivi pour rapport soit validée par l’Assemblée […] La commission
de suivi est saisie, conformément à l’article 26 du Règlement, pour
procéder à des examens périodiques réguliers du respect par les
États membres qui ne font pas déjà l’objet d’une procédure complète
de suivi ni d’un dialogue postsuivi des obligations contractées
lors de leur adhésion au Conseil de l’Europe. La commission déterminera l’ordre
et la fréquence de ces rapports selon ses méthodes de travail internes,
en opérant des choix motivés par des raisons de fond, dans l’objectif
de consacrer, au fil du temps, des examens périodiques à tous les
États membres.»
152. Afin de garantir l’impartialité et la pleine transparence
du processus de sélection, la commission a adopté, lors de sa réunion
du 13 novembre 2020, un ensemble révisé de méthodes de travail internes
pour la sélection, par la commission, des pays devant faire l’objet
d’un rapport d’examen périodique. Ces méthodes de travail ont été
déclassifiées par la commission lors de cette même réunion. Elles
figurent en annexe au présent rapport, afin de garantir une pleine
transparence et une bonne compréhension de la sélection, qui concerne
tous les États membres du Conseil de l’Europe.
153. La commission avait décidé de suspendre l’élaboration des
rapports d’examen périodique concernant la Hongrie, Malte et la
Roumanie en attendant que la commission du Règlement, des immunités
et des affaires institutionnelles ait clarifié le processus de sélection.
Cependant, en janvier 2020 la commission a décidé de poursuivre
l’élaboration de ces rapports. Elle a désigné les corapporteurs
pour les rapports d’examen périodique sur le respect des obligations
découlant de l’adhésion au Conseil de l’Europe, respectivement le 27 mai
2020 pour la Hongrie et la Roumanie et le 22 juin pour Malte.
154. Du fait que les rapports sur la Hongrie, Malte et la Roumanie
sont les premiers à être élaborés selon le nouveau format, et afin
d’harmoniser le format et l’élaboration de ces examens périodiques,
une réunion de coordination entre les six rapporteurs en charge
de ces pays a été organisée le 30 novembre 2020. Au cours de cette
réunion, les rapporteurs se sont mis d'accord sur la portée générale
de ces rapports et sur les modalités de leur préparation. Dans ce
contexte, ils ont demandé à la commission de demander au Bureau
de l'Assemblée d'accorder exceptionnellement une prolongation de
six mois des renvois pour leur rapport afin de compenser le temps
perdu en raison de la suspension susmentionnée de la préparation
de ces trois rapports.
2.5. Sous-commission
sur les conflits entre les États membres du Conseil de l’Europe
155. La commission de suivi a décidé,
le 27 janvier 2020, de reconstituer sa sous-commission sur les conflits entre
les États membres du Conseil de l’Europe. La sous-commission s’est
réunie le 30 janvier et a élu par acclamation M. Egidijus Vareikis
(Lituanie, PPE/DC) à sa présidence. Hélas, en raison du déclenchement
de la pandémie de COVID-19, aucune autre réunion de la sous-commission
n’a pu être organisée.
156. Lors de sa réunion du 30 janvier, la sous-commission est convenue
qu’en 2020 elle s’intéresserait principalement au processus de règlement
de la question de la Transnistrie et, dans l’attente d’un accord
entre les parties concernées, à la situation en Chypre du Nord et
au Haut-Karabakh.
157. La sous-commission a pu mener une action constructive concernant
le règlement de la question de la Transnistrie, avec une participation
à haut niveau de toutes les parties concernées. Dans ce contexte,
la sous-commission a décidé qu’elle organiserait un séminaire sur
«les aspects relatifs aux droits de l’homme dans le processus de
règlement de la question de la Transnistrie et le rôle du Conseil
de l’Europe», dans le même format et avec la même participation
à haut niveau que la première réunion de la sous-commission sur
le processus de règlement de la question de la Transnistrie. Ce
séminaire devait se tenir en avril 2020, mais a dû être reporté
en raison de la pandémie. Il sera organisé dès que la situation
sanitaire le permettra.
158. Malheureusement, et malgré tous les efforts de son président,
la sous-commission n’a pas pu obtenir l’accord de toutes les parties,
comme l’exigent ses méthodes de travail, pour commencer à travailler
sur les conflits en Chypre du Nord et au Haut-Karabakh. Après le
déclenchement en juillet 2020 des hostilités le long de la frontière
internationalement reconnue entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, la
commission a invité la sous-commission à organiser un échange de
vues sur le processus de médiation dans le cadre du Groupe de Minsk. Hélas,
au vu en particulier des événements qui ont suivi, aucun accord
n’a pu être trouvé entre les parties. Néanmoins, plusieurs échanges
de vues ont été organisés sur le conflit au Haut-Karabakh après
le déclenchement en septembre 2020 des hostilités militaires entre
l’Arménie et l’Azerbaïdjan le long de la ligne de contact. Ils sont
présentés plus en détail ci-dessous.
159. Les méthodes de travail de la sous-commission prévoient qu’elle
«ne commencera ses travaux sur un conflit donné qu’avec l’accord
des États membres parties à ce conflit». Si cette condition offre
une garantie importante pour éviter une éventuelle instrumentalisation
des travaux de la sous-commission par l’une des parties à un conflit,
son interprétation stricte a cependant empêché la sous-commission
ne serait-ce que de s’informer à propos d’un conflit spécifique
entre des États membres sans l’accord exprès des États concernés, ou
d’explorer le rôle qu’elle pourrait jouer – sans mener d’activités
concrètes – vis-à-vis de ces États. Cette situation n’est manifestement
plus acceptable sur le long terme et j’invite la sous-commission
à examiner ses méthodes de travail lors de sa prochaine réunion,
afin de faire en sorte qu’elle soit en mesure de s’informer, et à
réfléchir à son rôle concernant les conflits en cours même lorsqu’elle
ne peut pas obtenir l’accord exprès des États concernés. Afin d’éviter
toute manipulation ou instrumentalisation, il demeurera évidemment
nécessaire que les éventuelles activités concrètes liées à un conflit
soient assujetties à la condition que toutes les parties concernées
consentent à l’intervention de la sous-commission.
160. Du 12 au 16 juillet 2020, une grave violation du cessez-le-feu
négocié en mai 1994 a été commise à la frontière entre l’Arménie
et l’Azerbaïdjan, entraînant des victimes y compris parmi la population
civile. Les hostilités militaires ont eu lieu à la frontière internationalement
reconnue entre la province du Tavouch, dans le nord-est de l’Arménie,
et le district de Tovouz, dans l’ouest de l’Azerbaïdjan. D’après
le Groupe de Minsk de l’OSCE, «des pièces d’artillerie de calibres
divers ont été utilisées de part et d’autre» et les deux «camps
se sont accusés mutuellement d’avoir ouvert le combat». Heureusement,
la situation ne s’est pas davantage dégradée et une stabilité relative
est revenue le long de la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.
161. Le 17 juillet 2020, les corapporteurs pour l’Arménie et l’Azerbaïdjan
ont publié une déclaration conjointe dans laquelle ils rappelaient
aux deux pays leur obligation, en tant qu’États membres, de régler
leurs différends de manière pacifique. Ils les exhortaient à faire
preuve de retenue et à apaiser les tensions, y compris en s’abstenant
de tout propos incendiaire. Ils appelaient aussi les deux pays à
reprendre les pourparlers de paix dans le cadre du Groupe de Minsk
de l’OSCE, de la manière indiquée par ses coprésidents dans leur déclaration
du 15 juillet: créer un climat propice au processus de paix, tenir
des négociations sur un règlement du conflit au Haut-Karabakh et
permettre le retour des observateurs de l’OSCE dans la région.
162. Le 27 septembre 2020, des hostilités militaires ont éclaté
le long de la ligne de contact, avec pour point culminant une attaque
de grande ampleur des forces armées azerbaïdjanaises le long de
la ligne de contact qui sépare depuis le cessez-le-feu de 1994 les
positions azerbaïdjanaises et arméniennes au Haut-Karabakh et dans
les sept districts azerbaïdjanais limitrophes. Le conflit a duré
six semaines.
163. Le conflit a été marqué par de nombreuses pertes humaines,
tant civiles que militaires, et par plusieurs violations du droit
humanitaire. Le principe de la distinction entre les objectifs civils
et militaires et le principe de proportionnalité ont été violés
en de nombreuses occasions: des villes ont été prises pour cible
dans la République auto-proclamée du Haut-Karabakh et sur le territoire
de l’Azerbaïdjan proprement dit, ainsi qu’en Arménie, quoique semble-t-il
dans une moindre mesure. En conséquence, des propriétés privées
et des infrastructures civiles ont été frappées
. Des informations
inquiétantes ont fait état de l’usage d’armes à sous-munitions,
lesquelles sont interdites par le droit humanitaire au motif qu’elles
frappent indistinctement les civils et les combattants
. Des informations
crédibles
ont aussi mentionné
l’exécution sommaire de prisonniers de guerre. L’utilisation de
mercenaires syriens par l’Azerbaïdjan, avec l’aide de la Turquie,
pour appuyer ses opérations militaires dans la zone de conflit du
Haut-Karabakh, y compris sur la ligne de front, a été mentionnée notamment
par la France et la Fédération de Russie, ainsi que par les Nations
Unies
. L’Azerbaïdjan
a démenti ces allégations. Pendant le conflit, les autorités turques
ont affirmé en de multiples occasions qu’elles soutiendraient l’Azerbaïdjan
sur le terrain et à la table des négociations.
164. La manipulation de l’information et les discours de haine
ont par ailleurs été massivement utilisés.
165. La Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe, la Commissaire
aux droits de l’homme, les corapporteurs pour l’Arménie et l’Azerbaïdjan
et moi-même, au nom de la commission, avons publié plusieurs déclarations
appelant à un apaisement des tensions, soulignant qu’en temps de
guerre les droits fondamentaux doivent être respectés et rappelant
une nouvelle fois aux parties l’obligation expresse pour les États
membres du Conseil de l’Europe de régler les conflits qui les opposent
par des moyens exclusivement pacifiques. J’ai également souligné
que cette obligation signifie aussi que tous les États membres doivent s’abstenir
d’actions ou de propos qui encouragent ou aident des États belligérants
à régler leurs conflits par la force, et qu’à cet égard les membres
de la commission de suivi déploraient les déclarations incendiaires
de la Turquie ainsi que son implication directe présumée dans le
conflit.
166. Le 9 novembre 2020, après trois tentatives infructueuses de
négociation d’un cessez-le-feu, et alors que les forces azerbaïdjanaises
avaient repris quatre des sept districts limitrophes, étaient entrées
dans la République auto-proclamée du Haut-Karabakh et avaient repris
la ville de Choucha, un accord trilatéral a été signé sous l’égide
de la Fédération de Russie entre l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la
Fédération de Russie. Cet accord trilatéral établit un cessez-le-feu
le long des positions arméniennes et azerbaïdjanaises au 10 novembre,
organise le déploiement de forces militaires russes de maintien
de la paix pour une durée initiale de cinq ans, crée un centre de
maintien de la paix et de contrôle du cessez-le-feu, définit un
calendrier pour la restitution à l’Azerbaïdjan des trois districts
encore sous le contrôle de l’Arménie, à l’exclusion du corridor
de Latchin, et prévoit l’ouverture de toutes les voies de communication,
notamment celle entre les régions occidentales de la République
d’Azerbaïdjan et la République autonome du Nakhitchevan sous la
supervision de la police des frontières du Service fédéral de sécurité
de la Fédération de Russie. L’accord trilatéral prévoit aussi le
retour des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur de
leur pays, sous le contrôle du Haut-Commissariat pour les réfugiés
des Nations Unies, au Haut-Karabakh et dans les districts voisins,
ainsi que l’échange des prisonniers de guerre, des otages et autres
personnes détenues, et des dépouilles.
167. D’après les autorités azerbaïdjanaises, le conflit s’est soldé
par la mise en œuvre, par la force, des quatre résolutions (822,
853, 874 et 884) du Conseil de sécurité des Nations Unies relatives
au retrait de «toutes les forces occupant […] les régions de l’Azerbaïdjan».
Dans ce contexte, il est à noter qu’une autre exigence de ces résolutions
reste sans réponse, à savoir celle de «de continuer à rechercher
un règlement négocié du conflit dans le cadre du processus de Minsk
de la [O]SCE». Bien qu’il ne soit pas mentionné explicitement dans
l’accord trilatéral, le Groupe de Minsk de l’OSCE devrait jouer
son rôle dans les négociations sur le statut de la région du Haut-Karabakh,
conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations
Unies.
3. Impact de la covid-19 sur le fonctionnement
des institutions démocratiques
168. La pandémie de covid-19 a eu
– et continue d’avoir – un impact considérable sur les principaux domaines
de compétence de notre commission. Le fonctionnement des institutions
démocratiques dans tous les États membres du Conseil de l’Europe
a été affecté, à des degrés divers, par les mesures d’urgence destinées
à renforcer la sécurité sanitaire et qui représentent un risque
pour les processus démocratiques et donc une pression accrue sur
nos fonctions de suivi.
169. La commission s’est félicitée du débat sur la pandémie de
covid-19 organisé par l’Assemblée le 13 octobre 2020, auquel elle
a contribué en préparant un avis sur le rapport de la commission
des questions politiques et de la démocratie sur «Les démocraties
face à la pandémie de covid-19». La préparation de cet avis a été
l’occasion d’une réflexion au sein de la commission sur la manière
de mieux garantir les processus démocratiques dans les situations
d’urgence sanitaire. Le moment est venu de tirer de premières conclusions, de
recenser diverses manières de répondre à la crise et d’identifier
des mesures qui permettraient de mieux gérer de futures crises similaires
dans le cadre des structures démocratiques.
170. Les membres de la commission ont unanimement exprimé la conviction
qu’aucune urgence sanitaire ne saurait être utilisée pour porter
atteinte à l’acquis démocratique et que toutes les mesures d’urgence
devraient remplir des conditions précises compatibles avec les normes
démocratiques. Dans le même temps, ils ont insisté sur l’importance
de tenir compte du contexte spécifique des différents pays, soulignant
en particulier qu’en l’absence de normes reconnues internationalement
dans ce domaine, l’évaluation de la conformité de ces mesures avec
les normes démocratiques ne pouvait se faire qu’à l’aune de l’ordre
et de la pratique juridiques en vigueur dans le pays en question
avant la pandémie. Conformément à son mandat, la commission de suivi,
observe en continu la situation des États membres du Conseil de
l’Europe du point de vue de la conformité avec leurs engagements
et obligations.
171. À cette fin, la commission a décidé de consacrer un chapitre
spécial à la conformité des mesures d’urgence avec les normes démocratiques
dans tous les prochains rapports établis au titre de la procédure
de suivi, dans le cadre du dialogue postsuivi et dans les examens
périodiques. Elle espère ainsi dresser un tableau complet des différentes
manières dont les États membres ont réagi à l’urgence liée à la
pandémie de covid-19, repérer les éventuelles lacunes et formuler
des recommandations pour l’avenir.
172. La question des élections en tant que source de légitimité
démocratique dans un contexte de pandémie et dans d’autres situations
d’urgence revêt une importance capitale pour les travaux de la commission.
Compte tenu de la responsabilité particulière des parlements et
des instances électives en temps de crise, il est capital que leur
légitimité soit incontestable. L’évaluation de la conformité des
processus électoraux avec les normes démocratiques est une composante
essentielle de la procédure de suivi. Aussi la commission s’est-elle penchée
sur les conséquences que pourrait avoir, dans l’hypothèse d’une
prolongation de l’interdiction des voyages, l’absence d’observation
électorale. Certains pays pourraient être tentés de rejeter toute
critique éventuelle du processus électoral, en invoquant l’absence
d’observateurs internationaux.
173. De plus, comme il est souligné dans chaque procédure de suivi,
le caractère véritablement démocratique d’une élection est déterminé
non seulement par la conduite du vote le jour du scrutin, mais aussi par
l’environnement politique préélectoral et l’existence de conditions
de campagne égales pour tous les candidats. En parallèle, il convient
de souligner qu’un certain nombre de mesures mises en œuvre pour permettre
le déroulement des élections dans des conditions de pandémie, comme
le recours accru au vote par correspondance et en ligne, diminuent
l’impact du processus d’observation le jour du scrutin. Cette évolution confirme
l’importance d’une évaluation à long terme de la préparation d’élections
et du contexte politique dans lequel elles ont lieu, autant de sujets
qui ont été et continuent de représenter des domaines d’attention importants
pour la commission de suivi.
174. Si l’observation d’élections doit demeurer un outil important
pour l’évaluation des processus électoraux, l’absence d’une telle
observation, lorsqu’elle ne peut pas être organisée du fait de mesures
d’urgence, ne doit pas être utilisée par le pays concerné en tant
que prétexte pour rejeter les éventuelles critiques formulées par la
communauté internationale. En particulier, les rapporteurs chargés
du suivi obtiennent leurs informations de manière permanente auprès
de sources diverses et ont toute compétence pour évaluer sur cette
base la conformité des processus électoraux avec les normes démocratiques.
175. Cela étant, la commission insiste sur la nécessité d’élaborer
des normes démocratiques adéquates pour le fonctionnement des institutions
démocratiques dans les situations d’urgence, qui guideraient les
pays confrontés à d’éventuelles nouvelles crises afin de ne pas
mettre en péril l’acquis démocratique dans les États membres du
Conseil de l’Europe.
4. Efficacité des travaux de la commission
compte tenu des restrictions liées à la covid-19
176. Les rapporteurs de la commission
de suivi n’ont pas suspendu leurs travaux pendant la pandémie de covid-19.
Ils ont notamment suivi de près l’évolution de la situation dans
leurs pays respectifs et ont fait des déclarations publiques, le
cas échéant. Nombre d’entre eux se sont entretenus avec les autorités
et ont procédé à des échanges de vues, par visioconférence, avec
différentes parties prenantes.
177. Cependant, les activités habituelles de la commission ont
inévitablement été perturbées, probablement davantage encore que
celles des autres commissions de l’Assemblée. En effet, les rapporteurs
en charge du suivi s’appuient beaucoup plus massivement sur la communication
interpersonnelle, et particulièrement le dialogue politique avec
les autorités constitue une part essentielle de leurs travaux. Le
principal objectif de la procédure de suivi est de trouver un terrain
d’entente entre les rapporteurs agissant au nom de la commission et
les autorités au sujet des normes démocratiques et du fonctionnement
des institutions démocratiques du pays, une tâche qu’il est difficile
d’accomplir en visioconférence. Les visites des rapporteurs sont
donc une condition nécessaire pour l’élaboration de chaque rapport.
178. De plus, il est difficile d’accepter que les rapports de suivi
soient soumis à l’Assemblée lors de sessions virtuelles. Cela risque
avant tout de mettre en jeu le dialogue politique unique de l'Assemblée
et que les problèmes techniques qui peuvent se poser impactent le
contenu final de la résolution.
179. Toutefois, compte tenu du risque que la pandémie se prolonge
durablement, la commission devrait être prête à s’adapter à d’autres
modalités efficaces de dialogue de suivi avec les pays. La commission
a réfléchi en plusieurs occasions à d’éventuelles méthodes de travail
en temps de crise. Il a été souligné qu’un usage plus généralisé
des outils électroniques pour recueillir des informations devrait
être envisagé. Les réunions destinées à identifier les préoccupations
ou à établir des faits au niveau du parlement, du gouvernement ou
de la justice pourraient assurément se tenir en visioconférence,
comme en témoigne la pratique récente de certains de nos rapporteurs.
Les rapporteurs devraient continuer d’utiliser pleinement cet excellent
outil leur permettant d’avancer dans leurs travaux.
180. Si j’ai pleinement conscience des avantages qu’offrent les
réunions à distance, je suis cependant convaincu qu’elles ne peuvent
pas remplacer les réunions en présentiel au niveau politique et
je suis opposé à ce que les rapporteurs préparent des rapports de
suivi selon la procédure ordinaire sans effectuer préalablement
une visite dans le pays.
181. Cela étant, dans certains cas, il peut être envisageable pour
les rapporteurs de traiter de questions et d’évolutions spécifiques
d’un pays uniquement par des moyens virtuels, dont les résultats
seraient présentés à la commission sous la forme d’une note d’information
analogue à celles qui sont établies après les visites. Une fois
intégrées dans le rapport de suivi général, ces notes seraient couvertes
par le dialogue politique direct.