1. Introduction
1.1. Procédure
1. Le présent rapport est fondé
sur la proposition de résolution intitulée «Transparence et réglementation des
dons de sources étrangères en faveur de partis politiques et de
campagnes électorales»
que j’ai déposée en janvier 2019
avec d’autres membres de l’Assemblée parlementaire. J’ai été nommé
rapporteur le 26 juin 2019 par la commission des questions politiques
et de la démocratie.
2. En mars 2020, un schéma du rapport a été envoyé aux membres
de la commission pour observations écrites. Le 15 octobre 2020,
la commission a tenu un échange de vues avec la participation de
M. Yves-Marie Doublet, directeur-adjoint à l’Assemblée nationale
française, expert auprès du Groupe d’États contre la corruption
(GRECO), de M. Nicolae Eșanu (République de Moldova), membre suppléant
de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise), conseiller juridique auprès du Premier ministre, et
de M. Fernando Casal Bértoa, maître de conférences à l’université
de Nottingham et membre du Groupe restreint d’experts du Bureau
des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’Organisation pour
la sécurité et la coopération en Europe (BIDDH de l’OSCE) sur les
partis politiques. En décembre 2020, j’ai mené deux auditions bilatérales
avec les journalistes et auteurs Stefano Vergine (Italie) et Anton Shekhovtsov
(Ukraine).
3. La Commission des questions politiques et de la démocratie
a examiné une version préliminaire du présent rapport le 30 mars
2021. Plusieurs points de la note introductive sont développés plus
en détail dans la version préliminaire
.
1.2. Objet
du rapport
4. Le processus de décision politique
dans les États membres du Conseil de l’Europe est de plus en plus exposé
à l’influence internationale. Des évolutions telles que la numérisation
et les migrations interfèrent avec des processus démocratiques conçus
et réglementés uniquement au niveau national.
5. L’un des éléments de la réglementation des campagnes politiques
est le cadre juridique relatif aux contributions financières, à
savoir les dons ou autres soutiens financiers. La liberté de circulation,
par exemple entre les États membres du Conseil de l’Europe qui sont
aussi membres de l’Union européenne, les migrations et l’existence
de diasporas et de minorités nationales créent une situation dans
laquelle des contributions financières peuvent être versées par
des acteurs autres que des ressortissants nationaux ou des sociétés résidentes
de l’État dans lequel les contributions sont effectuées. Outre les
contributions financières provenant de ressortissants étrangers
ou de sociétés de droit privé non résidentes, il est possible que
ce soit des entités publiques ou liées à un État qui contribuent
au financement de partis politiques et de campagnes électorales dans
un autre État. Ces contributions financières provenant de sources
étrangères de droit privé ou public peuvent exercer une influence
inappropriée sur les processus politiques d’un État, sur la démocratie
et, à terme, sur l’intégrité et la souveraineté nationales.
6. Par conséquent, certains États membres et le Conseil de l’Europe
lui-même ainsi que d’autres organisations internationales dont l’Union
européenne ont adopté des règles et formulé des propositions politiques
relatives aux contributions financières provenant de sources étrangères
en faveur de partis politiques et de campagnes électorales. Le présent
rapport décrit le cadre politique et juridique en vigueur relatif
aux contributions provenant de sources étrangères en faveur de partis
et de campagnes politiques tout en mettant l’accent sur les forces
et faiblesses des textes et des propositions adoptés ou examinés
à ce jour.
7. Récemment, des doutes et des questions concernant une influence
étrangère inappropriée sur les campagnes politiques ont été soulevés
à plusieurs reprises dans divers États membres. Il s’agit de savoir
si les dons d’origine étrangère provenant de donateurs de droit
privé, de droit public ou liés à un État ont pour but une ingérence
inappropriée dans le processus politique d’un autre État. En outre,
les défis que pose notamment le recours aux technologies numériques
modifient les possibilités de dons en faveur de partis politiques
ou de campagnes. Le présent rapport décrit l’évolution récente de
la situation et les défis actuels au sujet des contributions provenant
de sources étrangères en faveur de partis politiques et de campagnes.
8. Par ailleurs, le présent rapport formule des propositions
visant à actualiser, à la lumière de l’évolution récente et des
défis actuels, le cadre politique et juridique en vigueur relatif
aux contributions provenant de sources étrangères en faveur de partis
politiques et de campagnes. Il contribuera ainsi à renforcer la
confiance des citoyens dans l’intégrité et l’indépendance du processus
décisionnel public dans les États membres du Conseil de l’Europe.
1.3. Définitions
et portée du rapport
9. Le présent rapport examine
les dispositifs permettant à des citoyens étrangers, des sociétés
étrangères ou des entités liées à des États étrangers d’effectuer
des contributions financières volontaires, à savoir des dons ou
autres avantages financiers, en faveur de partis politiques ou de
campagnes dans des États membres du Conseil de l’Europe.
10. Le rapport est axé sur les dispositifs dans lesquels le parti
politique ou la campagne électorale recevant les contributions résident
dans un État membre tandis que la source du don se situe dans un
autre État membre. Il se peut toutefois aussi que les dons d’origine
étrangère proviennent de sources résidant dans un État non membre
du Conseil de l’Europe.
11. Le rapport se concentre sur les partis politiques, c’est-à-dire
les organisations politiques qui présentent des candidats et des
idées à des élections publiques. Il traite du financement des campagnes
électorales que mènent les partis politiques ainsi que de leur financement
non lié à une campagne électorale particulière. Par ailleurs, le
rapport vise à examiner les campagnes politiques non pas liées à
des élections mais à un référendum. Il faut toutefois dûment garder
à l’esprit que tous les États membres ne disposent pas d’instruments
nationaux de démocratie directe. La distinction exacte entre financement
de parti et de campagne repose donc sur la situation juridique nationale.
Bien que certaines des déclarations, lignes directrices ou règles,
politiques et juridiques, qui seront examinées dans le rapport fassent
référence tantôt à des partis tantôt à des campagnes, divers principes
généraux régissant les processus démocratiques en seront tirés.
12. L’objet et le but du rapport sont étroitement liés à la question
de la corruption. Selon la définition retenue par Transparency International,
par «corruption», il faut entendre «le détournement à des fins privés
d’un pouvoir confié en délégation». Par conséquent, les dons indus
ou illégaux provenant de sources étrangères en faveur de partis
politiques ou de campagnes électorales peuvent aussi constituer
un acte de corruption si certains avantages financiers sont directement
ou indirectement octroyés à un destinataire de droit privé. Toutefois,
des dons indus ou illégaux en faveur d’un parti politique ou d’une
campagne électorale dans un pays étranger ne répondent pas automatiquement
à la définition de la corruption.
13. Quoi qu’il en soit, le présent rapport vise expressément à
examiner les dispositifs permettant de contourner les règles: des
dons indus ou illégaux à un parti politique ou à une campagne électorale
auront pu être effectués de façon à éviter intentionnellement d’entrer
dans le champ des définitions données plus haut, par exemple par
un don en faveur de particuliers ou d’ONG et de fondations plutôt
que de partis politiques et de campagnes électorales. Cependant,
dans certaines circonstances un tel acte peut malgré tout constituer une
influence indue sur le processus démocratique d’un pays.
2. Partis politiques, campagnes électorales
et donateurs étrangers – Cadre politique et juridique
2.1. Financement
des partis politiques et des campagnes électorales – Défi essentiel
dans les démocraties
14. Les partis politiques et la
liberté d’organiser des campagnes politiques sont des éléments fondamentaux des
systèmes démocratiques des États membres du Conseil de l’Europe.
Dans une société, ils sont des outils essentiels à l’expression
de la volonté politique des citoyens et à l’organisation des débats
politiques.
15. La confiance des citoyens dans l’intégrité et l’indépendance
du processus décisionnel public est un facteur important de l’adhésion
aux systèmes démocratiques et de la résilience de ces derniers.
Dans les systèmes politiques reposant sur les partis, l’organisation
interne de ces derniers doit répondre aux attentes des citoyens
en matière d’intégrité du processus politique.
16. Les partis politiques ne peuvent remplir leur rôle, en particulier
l’organisation de campagnes électorales et la participation aux
élections, sans disposer des ressources financières requises. Afin
de garantir aux citoyens l’exercice de leurs droits démocratiques
de créer des organisations politiques, de protéger l’égalité entre
partis et d’éviter la corruption ou une influence indue, les États
imposent généralement des règles aux partis politiques et aux campagnes
électorales en termes de financement
.
17. Il existe une variété de sources de droit public et privé
pour le financement des partis politiques. Les États membres du
Conseil de l’Europe appliquent toute une diversité de modèles réglementaires
et budgétaires en matière de financement des partis politiques.
«Il n’existe à l’heure actuelle aucune norme ou référence internationale,
la question du financement des partis politiques étant étroitement
liée aux systèmes constitutionnels et électoraux de chaque État,
lesquels sont généralement les produits de l’histoire et de la culture
de chaque pays»
.
18. Néanmoins, plusieurs institutions du Conseil de l’Europe ont
tenté de fixer des normes relatives au financement des partis politiques
et des campagnes électorales
. En 2001, l’Assemblée
parlementaire a énoncé des principes généraux en matière de financement
des partis politiques
.
2.2. Recommandation
Rec(2003)4 du Comité des Ministres
19. L'article 7 de la Recommandation Rec(2003)4
du Comité des Ministres sur les règles communes contre la corruption
dans le financement des partis politiques et des campagnes électorales
prévoit
que «les États devraient limiter, interdire ou réglementer d’une
manière spécifique les dons de sources étrangères»
.
20. La Recommandation contient en outre des lignes directrices
générales sur la transparence et la réglementation des dons en faveur
de partis politiques et de campagnes électorales.
2.3. La
Convention européenne des droits de l’homme et le droit de l’Union
européenne – Analyse de la Commission de Venise (2006)
21. Après que la Cour européenne
des droits de l’homme (ci-après: la Cour) lui avait demandé en 2005
de rendre un avis sur le problème des partis politiques recevant
des contributions financières de l’étranger, la Commission de Venise
a formulé un «Avis
sur l’interdiction des contributions financières aux partis politiques provenant
de sources étrangères», et l’a adopté en 2006 (Avis no 366/2006;
CDL-AD(2006)014).
22. Il convient de noter que l’avis de 2006 porte sur le financement
d’un parti politique par un autre. L’étude n’était pas axée sur
le financement d’un parti, d’un mouvement ou d’une campagne politique
par un État étranger. Lorsqu’elle a analysé les différentes réglementations
appliquées dans les États membres du Conseil de l’Europe, la Commission
de Venise a inclus celles qui concernaient les dons provenant d’États
étrangers, de ressortissants étrangers et de personnes morales de
droit étranger. Par ailleurs, le financement d’un parti politique
par un parti politique étranger peut constituer un financement indirect
par un État étranger, car l’organisme donateur peut avoir reçu un
financement étatique dans son pays d’origine. Toutefois, l’aspect juridique
du financement d’un parti, d’un mouvement ou d’une campagne politique
par un État étranger n’était pas au cœur de l’étude.
23. La Commission a analysé la situation juridique dans 44 États
membres et il est ressorti de ses recherches que 28 États membres
interdisent ou restreignent notablement les dons aux partis politiques provenant
de l’étranger tandis que 16 d’entre eux n’imposent aucune restriction
de ce type. Elle a indiqué que les règles régissant les partis politiques
variaient nettement d’un pays à l’autre. Selon elle, le cadre législatif prévu
pour les partis, en tant que type particulier d’association, procède
pour une large part de l’histoire, de la tradition politique et
de la pratique de chaque pays et il est très difficile de parvenir
à des conclusions tranchées sur les avantages et désavantages de
chacun des systèmes. La Commission s’est penchée sur plusieurs facteurs
historiques et politico-culturels tels que les tentatives d’exercer
une influence pendant la guerre froide, l’implantation géographique
dans l’espace post-soviétique et l’adhésion à l’Union européenne.
24. La Commission a conclu des éléments ci-dessus que chaque cas
d’interdiction du financement en provenance de sources étrangères
devait être pris isolément. Il faut dûment tenir compte du système
politique du pays concerné, de ses relations avec ses voisins, de
sa constitution et de ses principes constitutionnels ainsi que du
système général de financement des partis politiques. Les textes
et normes juridiques internationaux ou régionaux largement acceptés,
par exemple l’article 11 de la Convention (liberté de réunion et
d’association) doivent être respectés. La Commission souligne également
l’importance de la réglementation de l’Union européenne relative
aux partis politiques à l’échelon européen.
2.4. Lignes
directrices sur la réglementation des partis politiques, par le
BIDDH/OSCE et la Commission de Venise (2010, mises à jour en 2020)
25. En 2010, la Commission de Venise
et le BIDDH de l’OSCE ont publié ensemble les Lignes directrices sur
la réglementation des partis politiques
.
Se référant à la Recommandation Rec (2003) 4 du Comité des Ministres,
le texte indique que les donations des bailleurs de fonds étrangers
devraient être généralement interdites (paragraphe 172), mais qu’une
telle réglementation ne doit pas empiéter sur la coopération des partis
politiques actifs au niveau international. Ces lignes directrices
ont été mises à jour en 2020
.
2.5. Assemblée
parlementaire
26. En 2001, l’Assemblée a énoncé
les principes généraux relatifs au financement des partis politiques
sans évoquer expressément la question de la transparence et de la
réglementation des dons provenant de l’étranger en faveur de partis
politiques et de campagnes électorales
.
Depuis lors, elle a réaffirmé à plusieurs reprises son appel à la
transparence du financement des partis politiques
. En 2019, l’Assemblée a voté
pour une résolution proposant d’interdire les financements étrangers
en faveur des campagnes politiques référendaires
.
27. Il convient de noter que l’Assemblée s’est spécifiquement
intéressée à la situation des ONG après que plusieurs États membres
ont adopté des lois et des réglementations restrictives
. Dans la Résolution 2362 (2021)
«Restrictions des activités des ONG dans les États membres du Conseil
de l’Europe»
, le paragraphe 10.7
exhorte les États membres «à faire en sorte que les ONG puissent
solliciter, recevoir et utiliser des ressources financières et matérielles,
d’origine nationale ou étrangère, sans subir de discrimination ni
rencontrer d’obstacles injustifiés, conformément aux recommandations
contenues dans le «Rapport sur le financement des associations»
de la Commission de Venise». Ainsi, la réglementation des dons de
sources étrangères en faveur de partis politiques et de campagnes
électorales ne devrait pas imposer aux ONG des restrictions inappropriées.
2.6. Groupe
d’États contre la corruption (GRECO)
28. Le GRECO du Conseil de l’Europe
s’est intéressé, lors de son troisième cycle d’évaluation, à la transparence
du financement des partis. À cet effet, il s’est référé à la Recommandation
susmentionnée Rec(2003)4 du Comité des Ministres aux États membres.
29. Bien que les États membres aient été invités dans le questionnaire
qui leur a été transmis
à décrire les
règles qu’ils appliquent aux dons de sources étrangères, l’article 7
de la Recommandation du Comité des Ministres (les «États devraient
limiter, interdire ou réglementer d’une manière spécifique les dons
de sources étrangères») ne fait pas expressément partie des rapports
d’évaluation par pays. Au début de chaque rapport étatique, il est
indiqué que le «Thème II – Transparence du financement des partis
politiques» est limité aux articles 8, 11, 12, 13b, 14 et 16 de
la Recommandation Rec(2003)4 et – sur un plan plus général – au
principe directeur 15 (financement des partis politiques et des
campagnes électorales) de la Résolution (97) 24 du Comité des Ministres portant
sur les vingt principes directeurs pour la lutte contre la corruption. Les
rapports contiennent toutefois des observations au sujet des dons
d’origine étrangère. En outre, la question des dons de sources étrangères
en faveur de partis et de campagnes politiques n’entre pas en ligne
de compte dans l’examen thématique global du troisième cycle d’évaluation
du GRECO
.
30. Dès lors qu’elles seront appliquées comme prévu, les recommandations
du GRECO favoriseront la transparence du financement des partis
politiques et des campagnes électorales provenant de sources étrangères
(par exemple en obligeant les partis et les campagnes à tenir une
comptabilité et à divulguer des informations sur leurs recettes
et leurs dépenses de façon suffisamment détaillée et normalisée).
En outre, pour les pays dotés d’une réglementation sur les dons
provenant de l’étranger, la mise en œuvre des recommandations du
GRECO limitera la possibilité de contournement (étant donné que
le GRECO exige notamment des pays qu’ils encadrent strictement les
dons anonymes, les dons en nature, les prêts, les dons aux entités
liées, directement ou indirectement, aux partis politiques et qu’il
s’attache également à la question des dépenses engagées par des
tiers en faveur d’un parti ou d’une campagne en particulier) et
permettra de lutter contre les violations de ces règles (puisque
le GRECO exige de ses membres qu’ils assurent une supervision effective
et indépendante des règles de financement des partis politiques
et des campagnes et appliquent des sanctions effectives, proportionnées
et dissuasives en cas de non-respect de celles-ci).
2.7. Union
européenne
31. Dans le prolongement des élections
de 2019 au Parlement européen, celui-ci a adopté une résolution «sur
l’ingérence électorale étrangère et la désinformation dans les processus
démocratiques nationaux et européens»
. Dans ce cadre,
le Parlement «constate qu’une très grande majorité d’États membres
interdisent totalement ou partiellement les dons étrangers aux partis
et candidats politiques; rappelle avec préoccupation que même lorsque
les lois restreignent les sources de financement politique, les
acteurs étrangers ont trouvé des façons de les contourner et ont
apporté un soutien à leurs alliés au moyen de prêts auprès de banques étrangères,
comme dans le cas du Front National en 2016, d’accords d’achat,
d’accords commerciaux, comme dans le cas des allégations rapportées
par Der Spiegel et Süddeutsche Zeitung le 17 mai 2019 à l’encontre
du Parti de la liberté d’Autriche, et par Buzzfeed et L’Espresso
le 10 juillet 2019 à l’encontre du parti Lega per Salvini Premier,
ainsi que par la facilitation d’activités financières, comme l’affirme
la presse britannique dans le contexte de la campagne Leave.EU».
32. En conséquence, le Parlement européen «invite la Commission
à se pencher sur la question du financement étranger des partis
et fondations politiques européens sans entraver la création d’un
espace public européen qui dépasse l’Union européenne et à lancer
un débat avec les États membres pour aborder ces questions à propos
de leurs partis et fondations politiques nationaux».
2.8. Évaluations
scientifiques des dons de sources étrangères
33. Outre la Commission de Venise,
plusieurs chercheurs ont analysé à maintes reprises les règles en vigueur
dans divers pays au sujet de la transparence et de la réglementation
relative aux dons provenant de sources étrangères en faveur de partis
politiques et de campagnes électorales. Il convient par exemple
de citer l’Institut international pour la démocratie et l’assistance
électorale (IDEA). L’institution publie sur sa base de données en
ligne l’état actuel de la situation juridique
.
34. Selon la base de données, 68,3 % des pays interdisent les
dons provenant d’intérêts étrangers en faveur de partis politiques
tandis que 30,6 % des pays ne les interdisent pas. De plus, 57,5 %
des pays interdisent les dons provenant d’intérêts étrangers en
faveur de candidats, contrairement à 39,7 % des pays. Il convient
de noter qu’une majorité de pays ou territoires interdisent les
dons et qu’IDEA fait une distinction entre les dons en faveur de
partis et les dons en faveur de candidats.
2.9. Conclusions
préliminaires et perspectives
35. Le Conseil de l’Europe et ses
institutions ont diffusé de nombreuses déclarations, lignes directrices
ou règles, politiques ou juridiques, relatives aux dons d’origine
étrangère en faveur de partis et de campagnes politiques. Ils montrent
que les caractéristiques historiques, sociales, culturelles et politiques
propres aux divers États membres ont une énorme influence sur les
règles que ceux-ci appliquent au financement des partis
.
36. Malgré ces différences, plusieurs institutions du Conseil
de l’Europe reconnaissent qu’il est important de réglementer le
financement des partis politiques ou de le rendre transparent. Il
faudrait à cet effet que les principes et les règles définis par
le passé soient à présent soumis aussi bien au Comité des Ministres
qu’à l’Assemblée parlementaire pour analyse et débat. Il faudrait
en outre que ce travail se fasse au vu de l’évolution actuelle et,
si nécessaire, que les principes et les règles soient révisés.
37. L’analyse des déclarations, lignes directrices ou règles,
juridiques et politiques, diffusées par les institutions du Conseil
de l’Europe montre que la Recommandation Rec(2003)4 du Comité des
Ministres, dont l’article 7 prévoit que les «États devraient limiter,
interdire ou réglementer d’une manière spécifique les dons de sources
étrangères», reste un texte majeur pour toute considération ultérieure.
38. L’important travail de la Commission de Venise doit désormais
être actualisé compte tenu de l’évolution récente. Depuis qu’elle
a analysé le droit de l’Union européenne et la Convention en 2006,
aussi bien les traités de l’Union européenne que le droit dérivé
de l’Union européenne ont changé, ce dernier imposant une interdiction
expresse des dons d’origine étrangère en faveur des partis politiques
européens. En outre, dans son étude, la Commission de Venise s’est
attachée à examiner la possibilité pour un parti de financer un
parti d’un autre pays, mais après tout, la législation nationale
qu’elle a analysée peut avoir évolué depuis 2006.
39. Comme jusqu’à présent le GRECO ne s’est pas penché sur la
question des dons provenant de sources étrangères en faveur de partis
politiques et de campagnes électorales, il devrait être invité à
tenir compte des conclusions du présent rapport et à évaluer la
mise en œuvre de l’article 7 de la Recommandation (2003)4, cet aspect
n’ayant pas été traité dans ses précédentes évaluations.
3. Évolution
récente et défis actuels
3.1. Contournement
des textes et lacunes
40. En août 2020, Josh Rudolph
et Thomas Marley, chercheurs dans le cadre de l’initiative Alliance
for Securing Democracy, hébergée par le German Marshall Fund of
the United States (GMF), ont publié l’étude «Covert Foreign Money:Financial
loopholes exploited by authoritarians to fund political interference
in democracies».
Bien que leur étude porte
en grande partie sur la situation juridique aux États-Unis, plusieurs observations
et exemples concernant les États membres du Conseil de l’Europe
y figurent. Le présent rapport cherche à comparer leurs conclusions
avec celles des débats et auditions de la commission des questions politiques
et de la démocratie et avec des articles et des sources scientifiques
en libre accès concernant l’évolution récente et les défis actuels.
41. Les auteurs soulignent que l’ingérence étrangère dans le processus
démocratique au moyen de contributions financières
doit
être replacée dans le contexte d’autres outils d’ingérence comme
les cyberattaques et la désinformation.
42. Ils ont repéré sept lacunes juridiques que des sources étrangères
exploitent pour faire des dons indus ou illégaux en faveur de partis
politiques et de campagnes électorales
:
43. La première lacune, selon les auteurs, tient au fait que «les
définitions juridiques des dons politiques sont trop restrictives
dans de nombreux pays, ce qui revient à légaliser certaines contributions
en nature d’origine étrangère». Les auteurs citent par exemple les
prêts octroyés au parti français Rassemblement national par des
banques liées au Gouvernement russe ainsi que les cadeaux et voyages
luxueux offerts à certaines personnes. En soulignant cette lacune,
les auteurs montrent concrètement deux dispositifs de contournement
des textes: 1) avec un prêt direct consenti par une banque liée
à un État étranger pour contourner l’interdiction des dons; 2) avec
une contribution en faveur de responsables politiques qui ne sont peut-être
pas soumis aux règles strictes qui s’appliquent aux partis ou campagnes
politiques. L’étude donne plusieurs autres exemples de contributions
en nature de ressortissants étrangers en faveur de partis ou de responsables
politiques étrangers
.
44. La deuxième lacune que citent les auteurs concerne le recours
à des intermédiaires pour enrichir les donateurs, les responsables
ou les partis politiques choisis
. Ils citent notamment des dons faits au
parti conservateur britannique par des ressortissants russes
.
45. Pour les auteurs, la troisième lacune réside dans l’utilisation
de personnes morales pour établir une présence juridique dans les
pays cibles et avoir ensuite la possibilité d’y faire des dons
. Ils évoquent par exemple les dons de l’homme
d’affaires ukrainien Dmytro Firtash en faveur de plusieurs responsables politiques
britanniques
.
46. La quatrième lacune réside, pour les auteurs, dans le recours
à des «fondations, associations, organismes caritatifs, religieux
et autres organes à but non lucratif» qui sont «des instruments
pratiques du financement nuisible, car les systèmes juridiques occidentaux
les traitent comme des tiers autorisés à financer la politique sans
divulguer concrètement l’identité de leurs donateurs». Les auteurs
évoquent l’exemple d’une association allemande ayant apporté un
soutien au parti Alternative für Deutschland (AfD).
47. La cinquième lacune réside dans l’achat de «publicités politiques
sur des réseaux sociaux afin d’influencer secrètement les élections
et l’opinion publique dans des sociétés démocratiques»
. La sixième est quant à elle au «carrefour
entre financement nuisible et manipulation de l’information, en
ce compris le financement occulte d’organes médiatiques en ligne»
. Le présent rapport ne cherchera pas à approfondir
les cinquième et sixième lacunes, car l’Assemblée a récemment examiné
les questions de la publicité politique payante et des défis que
pose aux démocraties l’évolution du paysage médiatique
.
Toutefois, les possibles recoupements entre, d’une part, l’ingérence
financière et, d’autre part, les cyberattaques et les campagnes
de désinformation doivent être prises en considération
.
48. Enfin, l’étude évoque l’utilisation de technologies émergentes
permettant d’agir dans l’anonymat afin d’effectuer par exemple des
dépenses politiques avec des crypto-monnaies, d’utiliser des robots
donateurs capables d’automatiser des milliers de contributions politiques
au nom de personnes dont l’identité a été volée en maintenant ces
transactions sous le seuil de déclaration
.
49. Outre les cas susmentionnés d’utilisation abusive des lacunes
juridiques, l’étude de Rudolph et Morley donne des exemples d’activités
potentiellement illégales, à savoir, notamment, l’aide financière
négociée en 2019 par le parti italien La Lega avec des entités russes
liées à l’État
, ou les aides financières que le parti italien
M5S aurait obtenues en 2010 du Gouvernement vénézuélien
.
3.2. France:
Rassemblement/Front National
50. En septembre 2014, le parti
politique français Front National (maintenant appelé «Rassemblement national»)
s’est vu accorder un prêt de neuf millions d’euros par la First
Czech Russian Bank (FCRB), établissement dont le propriétaire entretiendrait
des liens étroits avec le Gouvernement russe
. Lorsque
la FCRB, au bord de la faillite, a perdu son agrément bancaire en
2016, le prêt a été transféré à une autre société russe qui a engagé
une action contre le parti pour obtenir le remboursement de la somme
due. Jusqu’à présent, le prêt n’a pas été remboursé
. Le prêt de 2014
n’est qu’un exemple des importantes négociations financières et
relations entre le Front/Rassemblement National et des entités russes
liées à l’État ainsi que des banques russes
.
51. Le cas du Rassemblement/Front National illustre le fait qu’une
réglementation qui se contente d’interdire les dons d’origine étrangère
risque de ne pas suffire à empêcher un parti politique de recevoir
de l’étranger un avantage financier ou une contribution en nature.
Au moment où le prêt a été contracté, la législation française interdisait
seulement aux partis de recevoir, directement ou indirectement,
des contributions ou aides matérielles d’États étrangers ou d’une
personne morale de droit étranger
. Étant donné que la FCRB détenait une
filiale opérant en République tchèque en vertu d’une licence européenne
et que le Rassemblement/Front National a dû s’acquitter d’intérêts
au taux du marché, il est possible que le prêt consenti en septembre
2014 ne l’ait pas été en violation de la législation française de
l’époque. En septembre 2017, les règles de transparence financière
des partis politiques ont été modifiées. Depuis, aucun parti politique
français ne peut recevoir de prêts d’un État étranger ou d’une personne
morale de droit étranger, à l’exception des établissements de crédit
ou sociétés de financement ayant leur siège social dans un État
membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique
européen
.
3.3. Italie:
Lega
52. En février 2019, deux journalistes
italiens d’investigation ont révélé que dans le cadre de la campagne pour
les élections de 2019 au Parlement européen, le parti italien La
Lega avait cherché auprès des autorités russes ou de sociétés liées
à l’État russe un financement à hauteur de plusieurs millions d’euros
qui devait être occulté par un contrat énergétique. Ils ont publié
en juillet 2019 un article dévoilant l’enregistrement audio de négociations
explicites au sujet de contributions financières versées au nom
d’une société liée à l’État russe qui aurait dû faire transiter
secrètement, via des entreprises intermédiaires, vers une société
italienne, les fonds destinés à La Lega
.
53. Lorsque ces négociations ont été révélées, un parquet italien
a ouvert des enquêtes visant des représentants de La Lega conformément
à l’article 322 bis du Code pénal italien
. Celles-ci ne
sont pas encore achevées. Il semblerait que le versement n’ait pas
eu lieu.
54. Selon des chercheurs travaillant dans le cadre de l’initiative
Alliance for Securing Democracy du
GMF, la rencontre a eu lieu à Moscou le 18 octobre 2018. Au moment
des faits, la seule limite imposée au financement électoral de sources
étrangères en Italie était un plafond de 100 000 euros. Un nouveau
projet de loi anticorruption avait alors été déposé par la coalition
au pouvoir en Italie pour interdire totalement tout financement
d’origine étrangère en faveur de partis et de candidats italiens.
Dans les semaines ayant suivi la rencontre à Moscou, des
représentants de La Lega ont proposé un amendement qui aurait permis
de lever l’interdiction. Celui-ci a finalement été retiré et la
loi anticorruption prévoyant l’interdiction de tout financement d’origine
étrangère a été adoptée en décembre 2018. Selon les médias
, La Lega s’est
arrangée pour atténuer les restrictions en avril 2019 en ajoutant
un cavalier législatif dans un texte économique sans rapport afin
d’amender la loi pour exclure les «
fondations, associations et commissions» de son champ d’application
.
3.4. Allemagne:
Alternative für Deutschland
55. En décembre 2020, le Président
du Bundestag, agissant en qualité d’autorité de contrôle dans le domaine
du financement des campagnes et des partis, a infligé deux sanctions
au parti Alternative für Deutschland (AfD) pour avoir accepté des
dons provenant de Suisse. Il avait déjà prononcé des sanctions contre
le parti dans des affaires similaires
. En Allemagne,
les dons provenant de pays de l’Union européenne en faveur de partis
politiques sont légaux dans certains cas tandis que ceux provenant
de pays non membres de l’Union européenne sont interdits
.
56. Une autre sanction a été imposée au parti en décembre 2020
dans le cadre d’une affaire illustrant la tendance globale aux campagnes
menées par des tiers
. Dans
son rapport officiel sur les élections législatives allemandes de
2017, le BIDDH de l’OSCE souligne qu’une association de droit privé
(Association pour la protection de l’État de droit et des libertés
civiques) a imprimé et distribué 600 000 exemplaires du journal
hebdomadaire «Deutschland-Kurier» ainsi que des affiches et des
pancartes et posté des publicités en ligne spécialement conçues
pour les élections au Bundestag, faisant ainsi effectivement campagne
au nom de l’AfD. Le BIDDH de l’OSCE a par conséquent suggéré qu’il
soit «envisagé de réglementer toute participation de tiers à des
campagnes afin de garantir le respect de la transparence et l’obligation
de rendre des comptes dans le cadre du processus électoral»
.
3.5. Royaume-Uni:
Ingérence russe présumée
58. Le rapport indique que «selon des sources crédibles librement
consultables, la Russie aurait entrepris d’influencer les campagnes
menées en prévision du référendum de 2014 sur l’indépendance écossaise»
. Toutefois, le rapport ne mentionne aucun
don direct ni aucun dispositif visant à contourner les règles afin d’apporter
un concours financier aux campagnes liées au référendum de 2014
sur l’indépendance écossaise.
59. Le rapport indique que «de nombreuses sources ont publiquement
accusé la Russie d’avoir cherché à influer sur le référendum de
2016 sur la participation du Royaume-Uni à l’Union européenne. Il
sera difficile – voire impossible – de tenter d’évaluer l’impact
de telles manœuvres, aussi n’avons-nous pas cherché à le faire»
.
Dans son rapport, la commission se dit toutefois mécontente que
ni les services britanniques du renseignement ni le gouvernement
n’aient fourni assez d’éléments pour enquêter sur une éventuelle ingérence»
.
60. Il convient de noter que la question des contributions financières
d’origine étrangère n’est pas traitée dans un chapitre spécifique
du rapport. C’est en revanche dans le chapitre sur la «désinformation»
qu’est abordée la question de l’ingérence potentielle dans
le référendum de 2014 sur l’indépendance écossaise et dans le référendum de
2016 sur le Brexit. Néanmoins, les aspects financiers de la question
sont évoqués dans le chapitre sur les «expatriés russes» au Royaume-Uni.
«Si l’élite russe a tissé des liens avec de nombreux pays ces dernières
années, il semblerait que le Royaume-Uni soit considéré comme une
destination particulièrement intéressante pour les oligarques russes
et leur argent»
. L’annexe classifiée du rapport de l’ISC
nommerait neuf expatriés issus de l’élite russe qui ont versé des
dons au parti conservateur
.
61. Quant à la campagne Leave.EU, le rapport note «qu’Arron Banks
est devenu le plus gros donateur dans l’histoire politique britannique
après qu’il a versé huit millions de livres à cette campagne. En
octobre 2018, la commission électorale – qui avait enquêté sur la
source de ce don – a renvoyé l’affaire devant l’agence nationale
de lutte contre la criminalité, qui a mené une enquête. En septembre 2019,
l’agence a annoncé avoir terminé son travail d’enquête et n’avoir
trouvé aucune preuve que des infractions pénales auraient été commises
au titre de la loi de 2000 sur les partis politiques, les élections
et les référendums ou du droit des sociétés par les personnes physiques
ou morales qu’avait citées la commission électorale»
. Il faut toutefois noter que M. Banks a plusieurs
liens commerciaux avec la Russie.
3.6. Dons
en faveur d’organisations politiques de minorités nationales
62. En Allemagne, la loi permet
de faire des dons d’origine étrangère à des partis représentant
une minorité nationale si ces dons proviennent d’un pays limitrophe
où vivent les membres du groupe ethnique en question. Concrètement,
cela s’applique au parti
Südschleswigscher
Wählerverband/Sydslesvigsk Vælgerforening (SSW), qui
représente la minorité danoise du nord de l’Allemagne. Le SSW reçoit
un financement annuel à hauteur d’environ 500 000 EUR du ministère
danois de la Culture. Le parti répond à toutes les exigences qu’impose
le droit allemand en matière de transparence
.
3.7. Crypto-monnaies
63. Comme indiqué plus haut, la
numérisation a ouvert la voie à de nouvelles méthodes de financement
des acteurs politiques, notamment à des filières permettant d’assurer
un financement inapproprié ou illégal. Catalina Uribe Burcher, de
l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale
(IDEA), a publié en 2019 un document de réflexion sur la question
des crypto-monnaies et du financement politique
. Elle y indique qu’à l’heure actuelle
les crypto-monnaies sont assez peu réglementées et qu’il est souvent
malaisé de déterminer si les transactions financières avec des crypto-monnaies
sont autorisées dans le domaine politique. On ignore aussi, selon
l’auteure, «si les crypto-monnaies devraient être considérées comme
une devise, au même titre que le dollar ou l’euro, comme un actif
ou comme quelque chose d’autre encore. C’est une distinction importante
en termes de financement politique, car la différence est souvent
faite dans la réglementation entre les dons en espèces et les dons
en nature. Par ailleurs, les crypto-monnaies peuvent faciliter la
violation des règles relatives au financement politique, par exemple
en permettant d’acheminer des dons d’origine étrangère ou anonymes
en faveur de pays où ils sont interdits»
.
64. L’auteure décrit le rôle des crypto-monnaies, qui garantissent
l’anonymat, et rappelle que les échangeurs de devises virtuelles
peuvent contribuer à ce que les exigences de présentation de rapports
sur le financement politique soient dûment respectées, car en tant
qu’intermédiaires financiers ils communiquent des points de données
de localisation permettant aux campagnes d’identifier des donateurs
étrangers
. Elle suggère en conclusion de ses
observations que l’utilisation des crypto-monnaies soit limitée
ou interdite pour ce qui concerne les partis politiques et les candidats.
3.8. Dons
anonymes, de faible montant ou en espèces
65. Comme les dons anonymes peuvent
permettre de contourner les règles financières, ils devraient aussi faire
l’objet d’un examen. Selon la base de données d’IDEA
, 56,7 %
des pays interdisent les dons anonymes en faveur de partis politiques
tandis que 30,0 % ne les interdisent pas et 11,1 % fixent une limite
précise. Par ailleurs, 43 % des pays interdisent les dons anonymes
en faveur de candidats, tandis que 30,7 % ne les interdisent pas
et 8,9 % fixent une limite précise.
66. Par ailleurs, le recours à de faibles montants peut être une
façon de contourner les règles financières car certains pays ou
territoires imposent des exigences de transparence plus strictes
pour les dons politiques d’un montant élevé. La question n’est pas
sans lien avec la réglementation des dons en espèces.
4. Conclusions
67. Les déclarations, les lignes
directrices ou les règles du Conseil de l’Europe sous-estiment le
plus souvent l’évolution actuelle dans le domaine des contributions
financières provenant de sources étrangères en faveur de partis
politiques et de campagnes électorales. Le simple fait qu’il existe
des règles ne suffit pas. En plus de renforcer le cadre juridique
et politique existant, l’Assemblée devrait mentionner expressément
les lacunes juridiques, les dispositifs problématiques permettant
de contourner les textes et la non-application des textes. Elle
devrait proposer des critères de transparence et une réglementation
globale
.
68. L’Assemblée devrait exprimer qu’elle comprend comme autant
d’évolutions souhaitables l’interdépendance croissante des sociétés
européennes sous l’effet notamment des migrations et de la numérisation,
la coopération européenne des organisations politiques, par exemple
des partis, des ONG et des fondations, ainsi que le développement
d’un espace public européen commun. Toutefois, plus le degré d’interdépendance
des États européens est élevé en matière politique, sociale, culturelle
et médiatique, moins les pouvoirs exécutif et législatif des États
membres sont en mesure de s’opposer à l’harmonisation des règles sur
les contributions financières de sources étrangères en faveur de
partis politiques et de campagnes électorales en invoquant leurs
caractéristiques uniques sur le plan historique, culturel, social
ou politique. Le cadre juridique régissant le financement des partis
continuera de relever de la souveraineté nationale, mais l’Assemblée
devrait promouvoir l’idée que les États ont tout intérêt à harmoniser
leur réglementation.
69. L’Assemblée devrait replacer l’ingérence étrangère dans le
contexte d’autres outils d’ingérence tels que les cyberattaques
et la désinformation. Elle devrait condamner toute tentative d’ingérence
étrangère inappropriée ou illégale. Je suggère qu’à l’avenir des
rapports et résolutions traitent de campagnes spécifiques d’ingérence
étrangère dans lesquelles l’ingérence financière était associée
à des outils d’ingérence tels que les cyberattaques et la désinformation.