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Rapport | Doc. 15436 | 10 janvier 2022

Inaction face au changement climatique – une violation des droits de l’enfant

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteure : Mme Jennifer DE TEMMERMAN, France, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Doc. 14947, Renvoi 4472 du 30 septembre 2019. 2022 - Première partie de session

Résumé

Alors que la crise climatique frappe les plus vulnérables, 2,2 milliards d’enfants dans le monde sont de plus en plus privés des éléments essentiels nécessaires à leur vie et à leur bien-être, notamment les soins de santé, la nourriture, l’eau, le logement et une éducation de qualité. L’absence d’action efficace pour lutter contre le changement climatique – conformément aux engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris – constitue une violation des droits de l’enfant tels qu’énoncés dans la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. Il s’agit en particulier du droit à la vie , au développement , du droit à la santé et aux soins médicaux , aux soins et à l’éducation, à un bon niveau de vie , à l’information, à la protection et à l’assistance.

Constatant que les enfants du monde sont prêts à être des acteurs du changement et de la transformation de la société, le rapport exhorte les États membres à assumer leur responsabilité partagée d’agir de concert pour faire progresser la nouvelle génération de droits afin de mieux préserver le bien-être des générations actuelles et futures. Le rapport demande donc à l’Assemblée de s’engager à dialoguer avec les enfants sur l’action climatique et la protection de l’environnement, ainsi qu’à soutenir la participation des enfants aux débats démocratiques sur le changement climatique à tous les niveaux de gouvernance, et propose une série de recommandations à cette fin.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 1 décembre
2021.

(open)
1. La crise climatique menace l’avenir de l’humanité et frappe déjà très durement les plus vulnérables. À mesure que les événements climatiques extrêmes deviennent plus fréquents, plus intenses et plus dévastateurs, 2,2 milliards d’enfants à travers le monde sont progressivement privés de leurs droits fondamentaux, y compris de leurs droits à la santé, à l’alimentation, à l’eau, à l’hébergement et à une éducation de qualité. Selon l’UNICEF, près d’un milliard d’enfants vivent dans des zones exposées à un risque extrêmement élevé de subir les conséquences du changement climatique et de la dégradation de l’environnement; ces conséquences pourraient tuer 250 000 enfants de plus chaque année d’ici 2100.
2. Le manque d’actions concrètes pour lutter contre le changement climatique constitue une violation des droits de l’enfant inscrits dans la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. Sont notamment concernés les droits à la vie, au développement, à la santé et aux soins médicaux, aux soins et à l’éducation, à un bon niveau de vie, à l’information, à la protection et à l’assistance.
3. Si les États membres du Conseil de l'Europe ont tous ratifié à la fois la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant et l’Accord de Paris sur le changement climatique, ils peinent en revanche à appliquer ces textes. La pollution de l’air, en particulier, est une menace omniprésente, majeure et constante pour la santé des enfants; elle est largement imputable aux activités humaines et aux émissions de gaz à effet de serre, qui contribuent aussi au changement climatique. Les enfants du monde sont inquiets de la perspective d’un réchauffement de la planète aux effets meurtriers et demandent à être associés à la lutte contre le changement climatique. Ils constatent avec préoccupation que les pays ne progressent que lentement et modestement vers la réalisation des objectifs de développement durable (ODD), dont l’objectif 13, consacré à la lutte contre les changements climatiques, qui suppose de faire évoluer radicalement les politiques et le mode de vie de la société.
4. L’Assemblée parlementaire se réjouit de la volonté manifestée par les enfants du monde d’être des acteurs du changement et de la transformation de la société. Dans ce contexte, elle rappelle sa Recommandation 2211 (2021) et sa Résolution 2396 (2021) «Ancrer le droit à un environnement sain: la nécessité d'une action renforcée du Conseil de l'Europe» et souligne que les États membres devraient assumer leur part de responsabilité et agir de concert pour faire progresser la nouvelle génération de droits afin de mieux garantir le bien-être des générations actuelles comme des générations futures. Si les États membres n’agissent pas, ils continueront de faire l’objet de procédures contentieuses en matière environnementale, engagées par des enfants et des jeunes d’aujourd’hui qui réclament, avec raison, la justice climatique.
5. L’Assemblée reconnaît qu’une profonde angoisse existentielle (l’éco-anxiété) est répandue chez les enfants, qui se sentent impuissants et regrettent que les adultes n’aient pas commencé à lutter contre le changement climatique plus tôt et plus vigoureusement. Elle estime que la société devrait écouter plus attentivement ce que disent les enfants et les associer à l’élaboration des politiques et des mesures de lutte contre le changement climatique à chaque niveau de gouvernance. L’Assemblée insiste sur le rôle particulier des établissements scolaires et des systèmes éducatifs, dont la mission est aussi d’informer les enfants sur les défis écologiques et de leur donner les outils dont ils ont besoin pour mener des actions citoyennes en faveur du climat. Cela dit, c’est aux adultes, et non pas aux enfants, qu’il incombe d’agir pour lutter contre le changement climatique.
6. L’Assemblée salue la décision par laquelle le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies a reconnu que le droit à un environnement sûr, propre, sain et durable est un droit humain fondamental. Elle salue aussi la décision rendue par le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies, qui a estimé qu’un État partie à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant peut être tenu pour responsable des effets néfastes de ses émissions de carbone sur les droits de l’enfant, tant sur son territoire qu’en dehors; le Comité souligne ainsi que les États sont tenus, individuellement et collectivement, d’agir pour le climat et de mieux protéger l’intérêt supérieur de l’enfant.
7. Afin de répondre au souhait des enfants de participer à la prise de décisions, l’Assemblée s’engage à dialoguer avec les enfants sur l’action climatique et sur la protection de l’environnement, notamment au moyen des activités de terrain de son réseau parlementaire consacré à ce sujet, qui doit être créé début 2022. L’Assemblée s’attachera aussi à encourager la participation des enfants aux débats démocratiques sur le changement climatique aux niveaux international et européen et par le biais d’activités parlementaires nationales, régionales et locales. Notre but est de remplacer l’actuelle défiance entre les générations par un esprit de coopération qui ouvrirait des possibilités de participation constructive des enfants à d’autres débats qui les concernent, comme le suggère également la Résolution … (2022) «Le droit d’être entendu: la participation de l’enfant, principe fondamental des sociétés démocratiques».
8. L’Assemblée est convaincue que, pour lutter contre le changement climatique, il faut combiner l’enjeu de préservation d’un environnement viable et le nécessaire respect des droits humains de toutes les générations. Afin de garantir un avenir durable aux enfants du monde, elle adresse donc aux États membres les recommandations suivantes, fondées sur ses propres travaux et sur les résultats de ses consultations d’enfants. Elle exhorte les États membres:
8.1. à honorer leurs engagements internationaux liés à la lutte contre le changement climatique et à mettre en œuvre les droits de l’enfant énoncés dans les ODD, dans l’Accord de Paris et dans la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant;
8.2. à œuvrer de concert pour ancrer le droit humain à un environnement sûr, propre, sain et durable, au moyen d’instruments juridiques nationaux, européens et internationaux, conformément aux propositions figurant dans la Résolution 2396 (2021) et la Recommandation 2211 (2021) de l’Assemblée intitulées «Ancrer le droit à un environnement sain: la nécessité d'une action renforcée du Conseil de l'Europe», ainsi que dans sa Résolution 2399 (2021) et sa Recommandation 2214 (2021) intitulées «Crise climatique et État de droit», afin d’établir une responsabilité transgénérationnelle de la préservation de l’environnement et d’instaurer de nouvelles voies de recours pour les enfants;
8.3. à collaborer en vue d’établir un statut juridique international pour les réfugiés environnementaux et de protéger les victimes des migrations forcées dues au changement climatique et à la dégradation de l’environnement, en particulier les enfants;
8.4. à tenir les promesses d’aide financière et de partage de leurs savoirs (techniques et technologiques) à l’égard des pays les plus pauvres et les plus vulnérables sur le plan climatique, pour les aider à s’adapter au changement climatique, à réduire ses effets néfastes sur les enfants et à faire face à la crise écologique;
8.5. à renforcer la coopération internationale en matière de protection des droits de l’enfant et des générations futures et à encourager la contribution des acteurs de la société civile et des entreprises afin d’atténuer les effets nuisibles du changement climatique sur les jeunes populations;
8.6. à agir immédiatement face à la crise climatique, en fonction des capacités nationales, dans l’intérêt des droits de l’enfant et des générations futures, notamment en évaluant systématiquement l’impact des lois et des politiques sur les enfants et les générations futures, sous l’angle du droit à un environnement sûr, propre, sain et durable;
8.7. à privilégier les politiques d’adaptation au changement climatique qui favorisent la résilience des enfants face à ce changement et les initiatives permettant d’améliorer la qualité de vie et la santé des enfants, notamment par le développement d’infrastructures résistantes et vertes dans les établissements scolaires, par un approvisionnement énergétique durable, par la création de zones «zéro émission» autour des lieux d’accueil des enfants et des établissements scolaires, par l’obligation d’utiliser les circuits courts pour l’approvisionnement en produits alimentaires et par la promotion de repas «bons pour la planète» dans les cantines scolaires;
8.8. à prendre des mesures fortes pour réduire l’exposition des enfants à la pollution de l’air, conformément à la Résolution 2286 (2019) «Pollution atmosphérique: un défi pour la santé publique en Europe»;
8.9. à reconnaître les enfants comme acteurs du changement face à la crise climatique, par le biais d’approches descendantes et ascendantes, qui consistent à associer les enfants à la prise de décisions, à promouvoir la participation des enfants en créant des mécanismes de consultation (plaidoyer, plateformes d’échanges, etc.);
8.10. à garantir le droit des enfants à être entendus en promouvant l’abaissement et l’alignement de l’âge légal de vote;
8.11. à renforcer le droit des enfants à l’information et à l’éducation en matière environnementale, afin de leur permettre de comprendre les enjeux de la crise écologique et du changement climatique, de leur donner les outils, les connaissances et les compétences dont ils ont besoin pour participer à la transition écologique, et de les sensibiliser au respect de la nature, du vivant et de la Terre;
8.12. à poursuivre cet effort d’éducation à la résolution des problèmes écologiques dans toutes les formations de l’enseignement supérieur (formations professionnelles et universitaires, toutes filières confondues), de manière à doter les jeunes citoyens du savoir-faire et de la «conscience verte» qui leur permettront de faire des choix éclairés et intelligents notamment en matière de consommation.
9. L’Assemblée demande aux parlements nationaux d’utiliser leurs mécanismes de consultation et de participation des enfants, ou d’en créer de nouveaux, selon les besoins, pour permettre aux enfants de contribuer véritablement à l’élaboration des politiques et des lois, de manière à intégrer la lutte contre le changement climatique dans les différents secteurs. Elle décide d’associer les enfants à ses travaux relatifs au changement climatique et aux défis environnementaux, y compris par l’intermédiaire des commissions concernées, conformément à sa Résolution … (2022). Elle salue également la réflexion entamée par la commission des questions politiques et de la démocratie sur la participation des jeunes dans les travaux de l’Assemblée. Enfin, l’Assemblée encourage les parlements nationaux à soutenir et à faciliter la participation des enfants au Pacte européen pour le climat, une initiative de l’Union européenne.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté à l’unanimité par la commission le 1 décembre 2021.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire renvoie à sa Résolution … (2022) «Inaction face au changement climatique – une violation des droits de l’enfant» et à sa Résolution … (2022) «Le droit d’être entendu: la participation de l’enfant, principe fondamental des sociétés démocratiques». Elle se réjouit de l’attention croissante que différentes instances du Conseil de l'Europe accordent aux défis liés au changement climatique, aux menaces environnementales et à la nouvelle génération de droits humains, y compris le droit à un environnement sûr, propre, sain et durable, défis qui requièrent des stratégies globales, coordonnées et inclusives aux niveaux international, européen et national.
2. L’Assemblée estime que le Conseil de l'Europe devrait soutenir l’application d’une approche intersectorielle au traitement des questions concernant le changement climatique, les menaces environnementales et le droit à un environnement sain, et devrait associer les enfants à ses travaux sur ces questions chaque fois que cela est possible. Elle recommande donc au Comité des Ministres de veiller:
2.1. à ce que la Stratégie du Conseil de l'Europe sur les droits de l’enfant 2022-2027 fasse référence à l’impact du changement climatique et des menaces environnementales sur les droits de l’enfant, et à ce que le plan d’action correspondant favorise la participation des enfants au traitement de ces problèmes à différents niveaux de gouvernance dans toute l’Europe;
2.2. à ce que les enfants soient véritablement associés à tous les travaux du Conseil de l'Europe visant à lutter contre le changement climatique et contre les menaces environnementales et à ancrer le droit à un environnement sûr, propre, sain et durable dans les instruments et l’action du Conseil de l'Europe;
2.3. à ce que, en l’absence de définition juridiquement contraignante des réfugiés climatiques ou environnementaux, les États membres collaborent pour établir un tel statut juridique aux niveaux international et européen et protègent dûment les victimes de migrations forcées causées par le changement climatique et la dégradation de l’environnement, notamment les enfants;
2.4. à ce que les États membres se souviennent de leurs responsabilités communes mais différenciées en matière de lutte contre le changement climatique et prennent des initiatives ambitieuses pour honorer leurs engagements internationaux – qui supposent notamment d’aider les pays les plus pauvres et les plus vulnérables sur le plan climatique à s’adapter au changement climatique, à réduire ses effets néfastes sur les enfants et à faire face à la crise écologique – au titre du Programme de développement durable à l'horizon 2030, de l’Accord de Paris et de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant.

C. Exposé des motifs par Mme Jennifer De Temmerman, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. En juillet 2019, un groupe de parlementaires mené par notre ancienne collègue devenue commissaire européenne, Mme Stella Kyriakides (Chypre, PPE/DC), a déposé la proposition de résolution « Inaction face au changement climatique – une violation des droits de l’enfant » 
			(3) 
			Le 30 septembre 2019,
la commission des questions sociales, de la santé et du développement
durable a été saisie pour rapport (Doc. 14947). J’ai été désignée rapporteure le 2 octobre 2019. afin d’alerter l’Assemblée parlementaire sur les enjeux de la crise climatique, son impact sur la vie de nos enfants et notre responsabilité commune pour leur assurer un avenir viable. Car la situation des enfants – 2,2 milliards d’individus (environ un tiers de la population) dans le monde – est à la fois paradoxale et préoccupante. Les enfants ne veulent plus subir les conséquences du changement climatique; ils entretiennent de grands mouvements de protestation citoyenne et nous interpellent sur le sort des générations futures. En tant que parents, nous sommes prêts à toutes sortes de sacrifices pour nos enfants. Et en tant que responsables politiques, sommes-nous prêts à les protéger des situations catastrophiques auxquelles ils devront faire face si le dérèglement climatique s’intensifie ? Sommes-nous prêts à préserver les conditions d’une vie désirable ?
2. Nous sommes à un moment charnière. Il est encore temps d’agir pour éviter les conséquences dévastatrices du changement climatique sur l’environnement et sur les générations futures. Nous devons interroger notre responsabilité à l’égard des enfants. Il est paradoxal, qu’ils soient aujourd’hui considérés comme trop « immatures » ou « pas assez responsables » pour prendre des décisions concernant un futur qu’ils devront pourtant assumer. Si les enfants doivent être protégés en raison de leur vulnérabilité, ils sont également des acteurs incontournables dans la résolution de la crise climatique par leur mobilisation et force de propositions et d’actions.
3. Ce rapport a pour objectif de porter la voix des enfants, notamment grâce à leur participation directe aux auditions tenues le 1er décembre 2020 et le 25 juin 2021 
			(4) 
			Voir les documents <a href='https://assembly.coe.int/LifeRay/SOC/Pdf/DocsAndDecs/2020/AS-SOC-2020-PV-09-ADD2-FR.pdf'>Fsocpv09add2_2020</a> et <a href='https://assembly.coe.int/LifeRay/SOC/Pdf/DocsAndDecs/2021/AS-SOC-ENF-2021-PV-02-ADD-FR.pdf'>Fsoc_enf_pv02add_2021</a>., et de défendre leurs intérêts et droits fondamentaux face à la menace que représente l’inaction des États dans la lutte contre le changement climatique. L’Europe doit offrir une protection adéquate aux enfants et générations futures, et tenir compte de leurs revendications en tant qu’acteurs de la transition écologique.
4. En effet, l’Assemblée plaide en faveur d’un développement «propre» et plus durable afin de répondre aux besoins des générations présentes et futures 
			(5) 
			Résolution 2210 (2018) «Changement climatique et mise en œuvre de l'Accord
de Paris».. Elle considère, en appelant des mesures nationales fortes de la part de tous les niveaux de la gouvernance, que la mise en œuvre de l’Accord de Paris doit aller de pair avec les Objectifs de développement durable (ODD) adoptés par la communauté internationale. Faisant suite aux rapports sur le droit à un environnement sain 
			(6) 
			Recommandation 2211 (2021) et Résolution
2396 (2021) «Ancrer le droit à un environnement sain: la nécessité d'une
action renforcée du Conseil de l'Europe». et sur la crise climatique et l’État de droit 
			(7) 
			Recommandation 2214 (2021) et Résolution
2399 (2021) «Crise climatique et État de droit»., mon rapport intègre une dimension participative et se conjugue avec la démarche de consultation initiée par Baroness Doreen E. Massey (Royaume-Uni, SOC) en préparant son rapport «Écouter les enfants: la participation de l’enfant, principe fondamental des sociétés démocratiques».
5. La lutte contre le changement climatique nécessite tant des efforts collectifs qu’individuels. Elle nous appelle à combiner la préservation de l’environnement et le respect des droits humains. Les enfants sont des acteurs infatigables de la prise de conscience d’une crise environnementale: leur avis compte. En tant que citoyens à part entière, ils devraient pouvoir contribuer aux politiques locales, régionales, nationales, européennes et internationales. Nous, responsables politiques, devons écouter les enfants et intégrer leurs propositions dans notre travail.

2. La vulnérabilité particulière des enfants et des générations futures face aux changements climatiques

6. Le dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) montre que nous avons émis 1000 milliards de tonnes de CO2 depuis la parution du premier rapport en 1990: autrement dit, nous avons émis en 30 ans la moitié des émissions dues aux activités humaines depuis le début de l'ère industrielle. Les impacts du changement climatique sont déjà tangibles et ne feront que s’intensifier dans le futur comme le démontrent de nombreuses études, y compris celles du GIEC. À l’avenir, les catastrophes naturelles seront plus fréquentes et plus intenses; elles toucheront les régions de manière inégale mais certaine. Ce sont donc principalement nos enfants et les générations futures qui devront vivre avec les conséquences du réchauffement planétaire. C’est pourquoi les décisions prises aujourd’hui sont cruciales et que nous ne pouvons nous passer de l’avis de ceux qui devront assumer nos choix politiques.
7. Le changement climatique frappe les plus vulnérables. Selon l’UNICEF, à l’échelle planétaire, presque tous les enfants (plus de 99 %) sont exposés à au moins un phénomène climatique ou environnemental majeur et 2,2 milliards d’enfants sont exposés à au moins deux de ces phénomènes survenant de manière simultanée 
			(8) 
			La crise climatique
est une crise des droits de l’enfant: Présentation de l’Indice des
risques climatiques pour les enfants. New York: Fonds des Nations
Unies pour l’enfance (UNICEF), août 2021.. Le dérèglement climatique pourrait être responsable de 250 000 décès supplémentaires chaque année chez les enfants d’ici 2100 
			(9) 
			Voir <a href='https://www.unicef.fr/dossier/climat-et-environnement'>www.unicef.fr/dossier/climat-et-environnement</a>.. Chez les enfants de moins de cinq ans, plus d'un décès sur quatre est directement ou indirectement lié aux risques environnementaux 
			(10) 
			Rapport de l’OMS sur
la pollution de l’air et la santé de l’enfant de 2018.. Ne pas agir face à la crise climatique actuelle reviendrait à mettre en danger la vie de nos enfants et des prochaines générations particulièrement vulnérables aux catastrophes naturelles, à la pollution de l’air et aux maladies aggravées par le changement climatique.
8. En plein développement – physique et mental – les enfants seront parmi les premiers touchés par les conséquences du changement climatique qui représente une menace importante et croissante pour leur bien-être, leur santé (physique et mentale) et leur développement. Les droits fondamentaux de 2,2 milliards d’enfants pourraient être altérés de façon irrévocable dans la prochaine décennie si la société actuelle continue de faire la sourde oreille 
			(11) 
			Karen Savage, «<a href='https://www.climatedocket.com/2019/09/23/greta-thunberg-un-convention-child-rights/'>Thunberg,
15 Kids Petition UN to Force Countries to Fight Climate Change</a>», The Climate Docket, 23 septembre
2019..

2.1. Sécheresses, stress hydrique et thermique

9. Les sécheresses ont de multiples effets directs et indirects difficiles à quantifier, mais leurs conséquences sont particulièrement dévastatrices sur les enfants, notamment dans les communautés les plus pauvres. Elles vont générer un stress hydrique lui-même aggravé par la consommation d’eau dans l’agriculture, l’industrie et les besoins domestiques, ainsi que l’évaporation d’eau due à l’augmentation des températures. Les sécheresses et les pénuries d’eau vont conduire à des pertes conséquentes en termes de revenus et de denrées alimentaires impactant fortement l’accès à la nourriture et le développement cognitif et physique des enfants. Victimes de carences nutritionnelles et de sous-nutrition, les enfants développent des maladies sévères, responsables de près de la moitié des décès chez les moins de 5 ans. De même, des températures plus élevées se répercutent sur le stress thermique humain et les décès liés. Les enfants sont particulièrement vulnérables aux fortes chaleurs. Selon l’UNICEF, 820 millions d’enfants (soit un sur trois dans le monde) sont fortement exposés à des vagues de chaleur, tandis que l’année 2020 a été qualifiée d’année la plus chaude enregistrée à ce jour.

2.2. Inondations et tempêtes violentes

10. 570 millions d’enfants vivent dans des zones où les inondations (fluviales ou côtières) sont extrêmement fréquentes. Elles mettent en péril la survie et le développement de ces enfants. Outre le risque immédiat de blessures ou de mort, les inondations affectent l’environnement des enfants et leur mode de vie, détériorent la qualité et l’approvisionnement en eau potable et en nourriture, contribuant ainsi à l’augmentation des maladies et de la malnutrition, surtout chez les plus jeunes. Elles causent des dégâts importants sur les infrastructures et privent ainsi les enfants de bonnes conditions de vie. L’UNICEF nous alerte sur le fait que cette situation risque de s’aggraver encore compte tenu de la fonte des glaciers, l’augmentation du niveau des océans et des tempêtes violentes plus fréquentes, conséquence de la hausse des températures moyennes.

2.3. La pollution de l’air

11. Près de 90 % des enfants dans le monde souffrent de la pollution atmosphérique. Le changement climatique, en concentrant certains polluants dans l’atmosphère, impacte la qualité de l’air dans toutes les régions du monde, à la fois dans les zones urbaines et rurales. Les températures élevées favorisent la formation d’ozone et les feux de forêts, et combinées à des activités économiques polluantes, engendrent l’émission de particules fines 
			(12) 
			Les matières particulaires
(PM) dont le diamètre est inférieur ou égal à 2,5 μ (≤ PM2.5) sont
très nocives pour la santé en ce qu’elles peuvent franchir la barrière
pulmonaire et entrer dans la circulation sanguine. <a href='https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/ambient-%28outdoor%29-air-quality-and-health'>www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/ambient-%28outdoor%29-air-quality-and-health</a>. et d’autres polluants. Les enfants sont les premières victimes de cette pollution atmosphérique en raison d’une combinaison de facteurs comportementaux, environnementaux et physiologiques 
			(13) 
			Rapport
de l’OMS sur la «Pollution de l’air et santé de l’enfant», 2018, <a href='https://www.who.int/publications/i/item/air-pollution-and-child-health'>www.who.int/publications/i/item/air-pollution-and-child-health</a>.. Ils respirent plus rapidement que les adultes, ont des voies respiratoires plus petites, vivent plus près du sol et donc des polluants concentrés à ce niveau 
			(14) 
			Kendra Pierre-Louis,
«Climate Change Poses Threats to Children’s Health Worldwide», The New York Times, 13 novembre
2019, <a href='https://www.nytimes.com/2019/11/13/climate/climate-change-child-health.html'>www.nytimes.com/2019/11/13/climate/climate-change-child-health.html</a>.. La pollution de l’air a également des effets dévastateurs sur les générations futures, notamment sur le développement fœtal et au cours de leurs premières années de vie. Comme l’Assemblée a constaté dans sa Résolution 2286 (2019) «Pollution atmosphérique: un défi pour la santé publique en Europe», toutes les générations, présentes et futures, ont le droit de jouir d’un environnement de vie sain. Elle rappelle également que respirer un air propre est un droit humain fondamental. Les enfants, premières victimes de la pollution de l’air, ne devraient donc pas subir une violation d’un tel droit.

2.4. Inégalités renforcées

12. Comme nous le rappellent les chercheurs 
			(15) 
			Elizabeth
D. Gibbons, «Climate Change, Children’s Rights, and the Pursuit
of Intergenerational Climate Justice», <a href='https://cdn1.sph.harvard.edu/wp-content/uploads/sites/2469/2014/06/Gibbons1.pdf'>https://cdn1.sph.harvard.edu/wp-content/uploads/sites/2469/2014/06/Gibbons1.pdf</a>., les enfants ne sont pas tous égaux face au changement climatique, dont les effets ont tendance à intensifier les inégalités. Ainsi, les enfants qui vivent dans la pauvreté seront plus touchés que les autres enfants. Le changement climatique aggrave aussi les inégalités de genre ainsi que les inégalités géographiques, sociales et culturelles. Les enfants des pays moins développés vont être plus durement touchés que les enfants des pays développés qui ont investi davantage dans la protection de l’environnement et la résilience climatique. De nombreuses études de justice environnementale ont fait le constat que les activités industrielles polluantes sont majoritairement situées à proximité de quartiers où vivent des classes populaires et des minorités ethniques.
13. Le réchauffement climatique pourrait priver les enfants d’accès à l’eau potable, à la nourriture adéquate à leurs besoins, à un logement décent et à l’éducation. Nombre d’entre eux seront contraints à l’émigration et subiront les périls qui en découlent (la précarité, l’insécurité, et la violence). Selon la Résolution 2295 (2019) «Mettre fin à la violence à l'égard des enfants migrants et à leur exploitation», des enfants doivent déjà migrer pour échapper aux catastrophes naturelles et se trouvent exposés à la violence sous toutes ses formes durant leur voyage. La Résolution 2307 (2019) «Un statut juridique pour les «réfugiés climatiques» fait référence à la situation des migrants climatiques, en particulier celle des groupes les plus vulnérables comme les enfants.
14. Le changement climatique renforce les inégalités de genre. 80 % des migrants climatiques sont des femmes 
			(16) 
			Mary Halton, «Climate
change impacts women more than men», BBC
News, 8 mars 2018, <a href='https://www.bbc.com/news/science-environment-43294221'>www.bbc.com/news/science-environment-43294221</a>.. Celles qui ne migrent pas sont responsables des récoltes, de la famille et de la communauté pendant que les hommes travaillent. La raréfaction de l’eau ou les inondations ruinent les récoltes et les empêchent de nourrir correctement leurs familles. Les impératifs qui pèsent sur les femmes s’appliquent aussi aux filles. Responsables de leurs frères et sœurs, elles sont souvent forcées de quitter l’école pour s’occuper des tâches ménagères.

2.5. Multiplication des crises sanitaires

15. Le GIEC a évoqué le risque de multiplication des crises sanitaires causé par le réchauffement climatique. Selon l’OMS, il y a 50 millions de cas de dengue par an dans le monde, dont 500 000 cas graves chez une grande majorité d’enfants 
			(17) 
			Alexandre-Reza Kobabi,
«Le changement climatique va stimuler les pandémies et autres menaces
sur la santé», Reporterre, 30
mars 2020, <a href='https://reporterre.net/Le-changement-climatique-va-stimuler-les-pandemies-et-autres-menaces-sur-la-sante'>https://reporterre.net/Le-changement-climatique-va-stimuler-les-pandemies-et-autres-menaces-sur-la-sante</a>.. Ces chiffres sont voués à augmenter dans la décennie à venir. Par ailleurs, le dégel du pergélisol permet la réanimation de bactéries oubliées. La maladie du charbon 
			(18) 
			Aussi connue sous le
nom d’anthrax., oubliée depuis 1941, est réapparue en Russie en 2016 suite à la contamination de rennes domestiques. Un enfant de 12 ans, en contact avec ces animaux, a perdu la vie. Le rapport «Lancet Countdown on health and climate change» de 2021 
			(19) 
			«The Lancet Countdown
on health and climate change», 2021, <a href='https://www.thelancet.com/countdown-health-climate'>www.thelancet.com/countdown-health-climate</a>. confirme que le changement climatique impacte l’environnement et favorise la propagation des maladies comme la dengue, la malaria et le choléra à travers le monde, y compris les pays qui étaient jusqu’alors épargnés. La destruction des habitats naturels et le rapprochement des animaux sauvages avec les êtres humains, ainsi que l’élevage intensif des animaux en agriculture, font évoluer les virus et les bactéries et augmentent le risque de l’émergence de nouvelles souches hautement toxiques et dangereuses pour les humains, surtout les plus fragiles comme les enfants.

2.6. Menaces existentielles

16. La crise climatique a ranimé des comportements malthusiens et laisse craindre le retour de l’eugénisme. Le mouvement «un enfant en moins» 
			(20) 
			Louise Wessbecher,
«<a href='https://www.france24.com/fr/20170712-meilleure-solution-contre-le-rechauffement-climatique-est-faire-moins-enfants'>La
meilleure solution contre le réchauffement climatique, c’est de
faire moins d’enfants</a>», France24, 12
juillet 2017. se base sur des expertises scientifiques qui découragent de procréer. Le seuil de remplacement des générations pourrait être mis en péril, particulièrement en Europe où certains États membres connaissent déjà un taux de natalité très faible. De plus, des études scientifiques semblent révéler une corrélation entre pollution de l’air et fertilité 
			(21) 
			Olivier Monod, «<a href='https://www.liberation.fr/planete/2020/01/17/l-impact-de-la-pollution-et-du-rechauffement-sur-les-hormones-feminines_1772093'>L’impact
de la pollution et du réchauffement sur les hormones féminines</a>», Libération,
17 janvier 2020.. La dystopie cauchemardesque de Margaret Atwood, La servante écarlate 
			(22) 
			Margaret Atwood, The Handmaid's Tale, publié en
1985 et traduit en français en 1987., peut sembler bien réaliste.
17. Les enfants sont conscients du réchauffement climatique. Un des slogans des marches pour l’environnement «Les licornes n’existent pas mais le changement climatique est réel» 
			(23) 
			Annamaria Lammel, «Les
jeunes face au changement climatique, ce qu’en dit la psychologie», The conversation, 24 mai 2019, <a href='https://theconversation.com/les-jeunes-face-au-changement-climatique-ce-quen-dit-la-psychologie-117605'>https://theconversation.com/les-jeunes-face-au-changement-climatique-ce-quen-dit-la-psychologie-117605</a>. traduit l’innocence arrachée. Une étude réalisée au Royaume-Uni publiée en 2020 concernant 2 000 enfants de 8 à 16 ans a démontré que 80 % d’entre eux considèrent le changement climatique comme étant une problématique importante, voire très importante. 73 % ont affirmé être inquiets pour la planète, 22 % très inquiets. De plus, 58 % de ces enfants craignent les effets du réchauffement climatique sur leur vie 
			(24) 
			«Climate anxiety: Survey», BBC Newsround, 3 mars 2020, <a href='https://www.bbc.co.uk/newsround/51451737'>www.bbc.co.uk/newsround/51451737</a>.. Cette angoisse existentielle porte désormais un nom: «éco-anxiété» 
			(25) 
			Marie-Adélaïde Scigacz,
«<a href='https://www.francetvinfo.fr/sante/environnement-et-sante/quand-le-changement-climatique-attaque-la-sante-mentale-et-si-votre-depression-etait-de-l-eco-anxiete_3220571.html'>Quand
le changement climatique attaque la santé mentale: et si votre dépression
était de l’éco-anxieté?</a>», FranceInfo,
15 mars 2020. ou «éco-dépression». La santé mentale des enfants et des jeunes est altérée par le sentiment d’impuissance et de fatalisme. Cette incidence sous-estimée sur le stress des jeunes générations devrait être analysée. C’est le rôle des adultes de trouver les mots pour parler de cette situation avec les enfants.
18. La déclaration de Stockholm de 1972 disposait que l’être humain «a le devoir solennel de protéger et d’améliorer l’environnement pour les générations présentes et futures». Elle établit une responsabilité des générations contemporaines pour les décisions actuelles mais aussi les conséquences en aval. De nombreux États reconnaissent cette responsabilité à travers des dispositions constitutionnelles qui établissent l’obligation d’assurer une sécurité écologique aux générations futures. Selon Hans Jonas, «L’humanité n’a pas droit au suicide» 
			(26) 
			Hans
Jonas, Le principe de responsabilité.
Une éthique pour la civilisation technologique, Champs,
Flammarion, 1998, p. 83.; pourtant les enfants ressentent que la destruction de la planète est en cours. Le mouvement mondial Fridays for future l’affirme haut et fort. La génération actuelle Z (par opposition aux générations antérieures X et Y, les millenials) symbolise la fin de l’espèce humaine, «z» étant la dernière lettre de l’alphabet 
			(27) 
			Jamie Margolin, founder
of «Zero Hour», Congressional testimony, 2019, 
			(27) 
			<a href='https://docs.house.gov/meetings/FA/FA14/20190918/109951/HHRG-116-FA14-Wstate-MargolinJ-20190918.pdf'>https://docs.house.gov/meetings/FA/FA14/20190918/109951/HHRG-116-FA14-Wstate-MargolinJ-20190918.pdf</a>.. Cette génération se révolte contre l’inaction constatée depuis 1972.

3. La mobilisation des jeunes pour une responsabilisation individuelle et collective

19. Tout mouvement requiert un porte-parole. En matière environnementale, la figure mondialement connue est Greta Thunberg. Primée par Amnesty International pour le prix d’ambassadeur de la conscience, elle symbolise le militantisme écologique des jeunes générations. À l’âge de 15 ans seulement, elle s’est exprimée devant le Parlement européen 
			(28) 
			Parlement européen,
2 mars 2020, Greta Thunberg aux députés: «<a href='https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20200304IPR73905/greta-thunberg-nous-ne-vous-permettrons-pas-de-sacrifier-notre-avenir'>Nous
ne vous permettrons pas de sacrifier notre avenir</a>»., fut reçue à la COP24 en décembre 2018 
			(29) 
			Vidéo de
son intervention à la COP24 accessible sur: 
			(29) 
			<a href='https://www.bing.com/videos/search?q=greta+thunberg+cop24&docid=608036870526862960&mid=C9ADB79E8707CB475A21C9ADB79E8707CB475A21&view=detail&FORM=VIRE'>www.bing.com/videos/search?q=greta+thunberg+cop24&docid=608036870526862960&mid=C9ADB79E8707CB475A21C9ADB79E8707CB475A21&view=detail&FORM=VIRE</a>. et à la COP25 en décembre 2019, ainsi qu’à l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre 2019. En 2018, elle inaugure la grève de l’école (Skolstrejk för klimatet) avec son mouvement Fridays for future et encourage les jeunes du monde entier à y participer. À travers ses discours et ses actions, elle critique l’inaction climatique des aînés. Son ressenti n’est pas isolé puisque selon un sondage réalisé pour la BBC, 41 % des enfants ne font pas confiance aux adultes sur la manière de gérer la crise climatique 
			(30) 
			«Climate anxiety: Survey», BBC Newsround, 3 mars 2020, <a href='https://www.bbc.co.uk/newsround/51451737'>www.bbc.co.uk/newsround/51451737</a>..
20. Les adultes ont tendance à négliger les enfants et leur opinion sous prétexte de manque de savoir ou de sagesse. 59 % des enfants ne pensent pas être écoutés lorsqu’il s’agit du climat 
			(31) 
			Ibid.. Des milliers d’écoliers européens réclament un alignement immédiat des mesures politiques sur les expertises scientifiques. Faute de dialogue et de réponse aux protestations, ils engagent la responsabilité de leurs gouvernements devant des juridictions nationales et internationales. En septembre 2019, Greta Thunberg et quinze enfants et adolescents ont saisi le Comité des Nations Unies des droits de l’enfant, réclamant la reconnaissance du changement climatique comme mettant en péril les droits des jeunes générations. Cinq pays (Allemagne, Argentine, Brésil, France et Turquie) ont été poursuivis pour l’utilisation abusive des énergies fossiles et l’échec en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre 
			(32) 
			Karen Savage, «Thunberg,
15 Kids Petition UN to Force Countries to Fight Climate Change», The Climate Docket, 23 September
2019, <a href='https://www.climatedocket.com/2019/09/23/greta-thunberg-un-convention-child-rights/'>www.climatedocket.com/2019/09/23/greta-thunberg-un-convention-child-rights/</a>.. Dans son jugement historique du 11 octobre 2021, le comité estime qu’un État partie à la convention peut être considéré comme responsable de l’impact néfaste des émissions sur les droits de l’enfant tant sur son territoire qu’en dehors 
			(33) 
			«UN Child Rights Committee
rules that countries bear cross-border responsibility for harmful
impact of climate change», 11 octobre 2021, le Haut-Commissariat
des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH), <a href='https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=27644&LangID=E'>www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=27644&LangID=E</a>.. Une autre affaire qui servira de référence – celle des enfants portugais contre 33 États européens devant la Cour européenne des droits de l’homme depuis l’automne 2020 – soulève la question de la responsabilité partagée des États dans la violation des droits fondamentaux de l’enfant en raison de leur action insuffisante contre le changement climatique; cette affaire est en cours d’instruction prioritaire – une reconnaissance de son importance et de son urgence 
			(34) 
			«NGOs stand in support
of the Portuguese youth in their landmark case against 33 European
countries», 22 février 2021, Climate Action Network Europe, <a href='https://caneurope.org/ngos-stand-in-support-of-the-portuguese-youth-in-their-landmark-case-against-33-european-countries/'>https://caneurope.org/ngos-stand-in-support-of-the-portuguese-youth-in-their-landmark-case-against-33-european-countries/</a>..
21. Les idées émises par les enfants sont une source d’inspiration. On recensait, en décembre 2019, 1 142 affaires 
			(35) 
			Enrique Dans, «The
Netherlands Show The Way In Tackling The Climate Emergency», Forbes, 10 janvier 2020, <a href='https://www.forbes.com/sites/enriquedans/2020/01/10/the-netherlands-shows-the-way-in-tackling-the-climate-emergency/'>www.forbes.com/sites/enriquedans/2020/01/10/the-netherlands-shows-the-way-in-tackling-the-climate-emergency/#7e4d9c8a4dbd</a>. devant les tribunaux de différentes instances dans le monde. Elles se sont multipliées au cours des dernières années, souvent à l’initiative d’associations de jeunes 
			(36) 
			Pour suivre les actions
en justice lancées dans les différents pays, consulter <a href='https://www.climatedocket.com/'>www.climatedocket.com/</a>. (Fridays for future 
			(37) 
			Pour
plus de détails, consulter <a href='https://fridaysforfuture.de/'>https://fridaysforfuture.de/</a>. en Allemagne, Natur og Ungdom en Norvège, aux Pays-Bas, en Irlande, en Suisse, au Canada 
			(38) 
			Dana
Drugmand, «Kids File Climate Lawsuit Against Ontario Government
for Backsliding on Emissions Cuts», The Climate
Docket, 27 November 2019, <a href='https://www.climatedocket.com/2019/11/27/ontario-climate-lawsuit-doug-ford/'>www.climatedocket.com/2019/11/27/ontario-climate-lawsuit-doug-ford/</a>. Dans l’affaire Matheur et.
al v. Her Majesty in Right of Ontario, sept jeunes de
12 à 24 ans ont invoqué la violation de leurs droits fondamentaux
par le Canada dans sa politique climatique. Les enfants sont déterminés
à se faire entendre par tout moyen., aux États-Unis, etc.). L’affaire Urgenda de 2019 aux Pays-Bas a abouti à une condamnation emblématique des autorités pour leur inaction. Inspirée par le précédent néerlandais, «L’affaire du siècle» a réuni la signature de plus de deux millions de Français en moins de deux semaines et a amené l’affaire devant les tribunaux. L’entrée de la question environnementale dans les prétoires responsabilise les États et offre des moyens inédits d’action citoyenne pour les enfants.
22. La jeunesse est plus active en matière d’environnement que les adultes ne veulent l’admettre. Redoublant d’efforts, les jeunes du monde utilisent les technologies modernes pour se rencontrer et organiser des campagnes militantes en ligne. Certains se sont lancés dans des mouvements associatifs ambitieux se fixant la réalisation des engagements inscrits dans l’Accord de Paris comme «zero hour» 
			(39) 
			Le site web du mouvement
offre un compte à rebours vers 2030. Pour plus de détails, consulter <a href='http://thisiszerohour.org/'>http://thisiszerohour.org/</a>.. Sans l’aide extérieure d’adultes, ils ont initié une véritable révolte climatique. Prêts à sacrifier leur confort personnel pour réduire leur empreinte carbone, ces enfants sont décidés à ne rien lâcher. Il serait judicieux que les adultes les accompagnent dans cette ambition. Il est opportun de leur accorder le plus élémentaire des droits démocratiques: le droit à la consultation et à la participation. Leur désir de participation est naturel et devrait être pris en considération.
23. La Résolution 204 (2005) du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe sur «L’éducation des jeunes au développement durable: le rôle des régions» promeut le dialogue avec la jeunesse sur les questions environnementales et encourage les initiatives de participation des jeunes par la mise en place de parlements ou de conseils d’enfants. Pour répondre au désir de participation des jeunes, l’Assemblée doit aussi s’engager en faveur d’un dialogue avec les enfants – ce qui est prévu par le biais du rapport de Baroness Massey et le mien. Par ailleurs, l’Assemblée a contribué aux débats sur le rôle des enfants dans la lutte contre le changement climatique dans le cadre du Forum mondial sur la Démocratie qui a eu lieu à Strasbourg du 8 au 10 novembre 2021. Cet évènement a réuni des acteurs politiques, la société civile et le grand public, et a été une occasion d’échanger autour de bonnes pratiques et de proposer des pistes d’action concernant la participation des enfants au débat démocratique lié au changement climatique.

4. L’essentielle entente intergénérationnelle dans la lutte contre le changement climatique

24. Tous les enfants n’ont pas la chance d’être sensibilisés aux enjeux climatiques. L’État a la responsabilité de stimuler les enfants à travers l’éducation obligatoire. Certaines municipalités fournissent déjà du matériel pédagogique pour changer les comportements dès le plus jeune âge. La promotion du vélo permet d’habituer les enfants à des transports alternatifs à la voiture. Depuis la loi française de 2018 
			(40) 
			Loi française pour
l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole
et alimentaire de 2018, <a href='https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000037547946&categorieLien=id'>www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000037547946&categorieLien=id</a>., les cantines scolaires ont l’obligation de proposer des plats végétariens une fois par semaine pour encourager des habitudes alimentaires «flexitariennes» et réduire la consommation de viande, forte émettrice de gaz à effet de serre. Des écoles mettent en place des potagers dans les cours de récréation pour développer l’attachement à la nature et inculquer des comportements durables. L’éducation des enfants à un style de vie respectueux de l’environnement est essentielle. La Résolution 204 (2005) du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux incite à la promotion d’un engagement écologique chez tous les enfants de toute classe sociale. Il est temps d’en évaluer les résultats. Les initiatives demeurent isolées, mais devraient être encouragées par l’Assemblée dans les parlements nationaux.
25. Le fait que certains enfants n’aient pas la possibilité de s’exprimer ne justifie pas l’indifférence. Le droit environnemental est un droit solidaire et universel. Nos décisions impactent les enfants européens mais également ceux du monde entier. Les adultes et gouvernements doivent assumer leurs responsabilités. L’expression «Ok Boomer» 
			(41) 
			Mathéo
Malik, «Ok virus», Le Grand Continent,
30 mars 2020, <a href='https://legrandcontinent.eu/fr/2020/03/30/ok-virus-coronavirus-generations/'>https://legrandcontinent.eu/fr/2020/03/30/ok-virus-coronavirus-generations/</a>. largement relayée sur les réseaux sociaux révèle l’agacement et le manque de confiance des jeunes envers les aînés. Les technologies de l’information ont mis à la disposition de la génération Z des outils performants de communication que les plus âgés ne maîtrisent pas toujours. Il est essentiel de rétablir la confiance pour éviter un clivage sérieux entre les générations. La crise de covid-19 offre une opportunité de réinventer le monde dans lequel nous vivons tous. Le site internet participatif «Le jour d’après» 
			(42) 
			Pour
plus de détails, consulter <a href='https://lejourdapres.parlement-ouvert.fr/'>https://lejourdapres.parlement-ouvert.fr/</a>. créé par un groupe de parlementaires français permet la participation de la population à la reconstruction de la société française. Cette initiative participative utilise internet sans exiger des contributeurs qu’ils aient le droit de vote. Les adultes doivent impérativement assurer la consultation et la participation des enfants et des jeunes aux niveaux local, national et européen. Le Conseil de l’Europe doit soutenir ces actions valorisant l’avis des plus jeunes.
26. La participation des enfants à l’élaboration de ce rapport et au débat de l’Assemblée parlementaire qui en suivra lors de la session de janvier 2022 dans le cadre de la consultation initiée par Baroness Massey pourrait constituer une première étape vers la résolution de la crise de confiance intergénérationnelle qui menace la constructivité du débat sur l’inaction face au changement climatique. En effet, ce débat représente une occasion inédite de prouver que les enfants, en tant que victimes principales du changement climatique comme en tant qu’acteurs informés, peuvent apporter des contributions pertinentes aux travaux de l’Assemblée, servant ainsi de modèle aux parlements nationaux des États membres. La bonne volonté de tous les participants pourrait remplacer l’actuel climat de défiance entre les générations par un esprit de coopération qui ouvrirait la porte à l’intégration des enfants à d’autres débats qui les concernent.

5. Renforcer l’action des États en matière climatique: une nécessité pour préserver les droits fondamentaux des enfants

5.1. Une relecture de la Convention internationale des droits de l’enfant face à l’inaction concernant le changement climatique

27. En 1989, l’Assemblée générale des Nations unies a décidé de consacrer les droits de l’enfant en adoptant à l’unanimité la Convention internationale des droits de l’enfant. Cette dernière est le traité relatif aux droits humains le plus largement ratifié de l’histoire 
			(43) 
			Seuls les États-Unis
n’ont pas ratifié cette convention.. Elle est juridiquement contraignante pour les États signataires, qui se doivent de garantir les droits de tous les enfants. L’UNICEF y relève quatre principes fondamentaux: la non-discrimination, l’intérêt supérieur de l’enfant, le droit de vivre, survivre et se développer et le respect des opinions de l’enfant.
28. L’inaction des États face au changement climatique constitue une violation de plusieurs droits pourtant reconnus au sein de la Convention. En effet, à la vue des conséquences, directes et indirectes, précédemment évoquées de la crise écologique et du changement climatique sur les enfants, je considère que les articles 2 (droit à l’égalité et à la non-discrimination), 3 (intérêt supérieur de l’enfant), 4 (exercice des droits), 6 (droit à la survie et au développement), 16 (protection de la vie privée), 24 (droit à la santé et aux services médicaux), 26 (droit à la sécurité sociale), et 27 (droit à un niveau de vie suffisant) ne sont pas respectés de manière suffisante par les États signataires de la Convention.
29. J’estime également que l’inaction face au changement climatique constitue une atteinte particulière aux droits des peuples et enfants autochtones. Le texte de la Convention souligne dans son article 30 l’importance du respect des valeurs culturelles de la communauté de l’enfant. Or, beaucoup d’enfants vivent dans des écosystèmes très sensibles aux variations du climat et sont souvent les plus vulnérables aux effets du changement climatique qui ont une influence négative sur la biodiversité, leur territoire et leur environnement. En plus de cela, ils sont la plupart du temps marginalisés et peuvent se voir dépossédés de leurs terres. En conséquence, les peuples autochtones et particulièrement les enfants, subissent une transformation drastique de leur manière de vivre et de pratiquer leur culture, ce qui induit une violation de leur droit à l’identité.
30. L’Assemblée remarque par ailleurs que, face à la crise écologique actuelle et pour échapper aux catastrophes naturelles, les enfants seront de plus en plus contraints à l’émigration et subiront les périls qui en découlent (la précarité, l’insécurité, et la violence) 
			(44) 
			Voir la Résolution 2295 (2019) «Mettre fin à la violence à l'égard des enfants migrants
et à leur exploitation» et la Résolution
2307 (2019) «Un statut juridique pour les «réfugiés climatiques»».. Le droit à un statut de réfugié garanti par l’article 22 de la Convention doit absolument être appliqué à tous les enfants contraints de se déplacer pour des raisons environnementales et un statut de réfugié climatique doit voir le jour afin de les protéger efficacement.

5.2. Les accords internationaux pour le climat

31. Pour lutter contre le changement climatique, les États ont adopté la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) déjà en 1992 (lors du Sommet de la Terre de Rio) 
			(45) 
			Les
deux autres conventions «sœurs» ont été adoptées en même temps:
la Convention sur la diversité biologique et la Convention sur la
lutte contre la désertification.. Elle vise à prévenir les activités humaines néfastes pour le système climatique et souligne la responsabilité accrue des pays dits développés. Le protocole de Kyoto à la convention (conclu en 1997 mais entré en vigueur seulement en 2005) visait à réduire, vers 2012, les émissions de six gaz à effet de serre (dioxyde de carbone, méthane, protoxyde d'azote et trois substituts des chlorofluorocarbones) d'au moins 5 % par rapport au niveau de 1990.
32. En 2015, les États se sont dotés d’un Agenda 2030 dans lequel on retrouve les 17 objectifs de développement durable (ODD), y compris l’objectif 13 sur la lutte contre les changements climatiques, et ont finalisé l’accord de Paris sur le climat. Ce dernier, contrairement au protocole de Kyoto, ne distingue pas entre pays développés et pays en développement – il engage tous les pays à établir des plans de réduction des émissions pour limiter le réchauffement planétaire en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels et viser l’objectif de 1,5° C par le biais des contributions déterminées au niveau national (CDN). Avec la ratification de l’accord de Paris le 6 octobre 2021 par la Turquie, tous les États membres du Conseil de l’Europe sont maintenant liés par ce traité.
33. La COP26 (la conférence des parties) réunie à Glasgow, Royaume-Uni (31 octobre – 12 novembre 2021), devait rehausser l’ambition climatique (les CDN notamment), rendre opérationnels des mécanismes d’échange des réductions d’émissions entre les pays (comme prévu dans l’Accord de Paris), mobiliser 100 milliards de dollars en faveur des pays en développement (par an pour la période de 2020 à 2025) et renforcer les actions de coopération avec les acteurs non-étatiques 
			(46) 
			Plus d’information
sur: 
			(46) 
			<a href='https://www.ecologie.gouv.fr/5-questions-comprendre-cop26'>www.ecologie.gouv.fr/5-questions-comprendre-cop26#:~:text=La%20COP26%20doit%20r%C3%A9pondre%20%C3%A0,long%20terme%20%C3%A0%20horizon%202050</a>.. Toutefois, même s’il y a eu du progrès dans la réalisation des trois objectifs sur quatre (la grande défaillance concerne les financements), des discussions sérieuses sur la fin des énergies fossiles et un accord pour stopper la déforestation, nous sommes encore loin du sursaut massif nécessaire face à l’urgence climatique. Les jeunes activistes sont déçus par le «pacte de Glasgow», qui sonne creux, et ne croient pas aux promesses des dirigeants. En effet, comme l’a souligné Barack Obama, ancien président des États-Unis, les jeunes gens ont raison d’être en colère, même si la transition vers un monde plus propre ne doit pas être précipitée au risque de mettre certains de côté.

5.3. Le droit de vivre dans un environnement sûr, propre, sain et durable

34. Comme l’a souligné David Boyd, Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l'homme et l'environnement, «Nous pouvons et nous devons respecter notre engagement envers les enfants du monde entier et leur assurer un avenir juste et durable. Si nous le reconnaissons et le mettons en œuvre, le droit à un environnement sain pourrait être l'un des droits de l'homme les plus importants du XXIème siècle». De plus, «Si nous voulons véritablement protéger l'intérêt supérieur des enfants, alors répondons à leurs appels à l'action» 
			(47) 
			«Réaliser les droits
de l’enfant grâce à un environnement sain», 7 juillet 2020, HCDH..
35. L’Assemblée a fait un grand pas en avant dans ce sens en adoptant à l’unanimité la Recommandation 2211 (2021) et la Résolution 2396 (2021) «Ancrer le droit à un environnement sain: la nécessité d’une action renforcée du Conseil de l’Europe» 
			(48) 
			Voir aussi le rapport
de M. Simon Moutquin (Belgique, SOC), Doc. 15367. le 29 septembre 2021. Quelques jours après, c’est le Conseil des droits de l'homme des Nations-Unies qui a pour la première fois reconnu dans sa résolution 48/13 le fait de disposer d'un environnement sain, propre, sûr et durable comme un droit humain, tout en soulignant dans sa deuxième résolution (48/14) les impacts majeurs du changement climatique sur les droits humains 
			(49) 
			«Bachelet
hails landmark recognition that having a healthy environment is
a human right», 8 octobre 2021, HCDH, 
			(49) 
			<a href='https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=27635&LangID=E'>www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=27635&LangID=E</a>.. Enfin, le Comité des Nations Unies des droits de l’enfant (dans son jugement du 11 octobre 2021) a clairement pointé la responsabilité des États de protéger les droits de l’enfant de l’impact néfaste des émissions de gaz à effet de serre 
			(50) 
			«UN Child Rights Committee
rules that countries bear cross-border responsibility for harmful
impact of climate change», 11 octobre 2021, HCDH, 
			(50) 
			<a href='https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=27644&LangID=E'>www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=27644&LangID=E</a>.. Il nous appartient maintenant de mettre en œuvre le droit à un environnement sain à travers nos lois et politiques afin d’agir plus efficacement contre les changements climatiques.

6. Faire participer les enfants en matière climatique: vers un dialogue intergénérationnel

36. Dans le cadre du Forum mondial de la démocratie, la sous-commission sur les enfants (de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable) a tenu une audition le 25 juin 2021 sur le présent rapport. De nombreux enfants sont intervenus pour évoquer leur frustration à l’encontre des gouvernements sur leur échec à agir face à la crise climatique et ont dressé une longue liste de griefs. On y retrouve les incendies de forêt, les maladies (comme la covid-19), le dérèglement climatique, la pollution, l’utilisation des produits chimiques dans l’agriculture, la disparition des espèces, les inondations, les fumées toxiques et le manque d’air propre. Certains enfants ont dénoncé la consommation excessive qui épuise les ressources de la planète mais contribue si peu au bonheur et à la prospérité. Très préoccupés, ils ont souligné à la fois leurs inquiétudes quant à leur avenir et celui des générations futures, leurs attentes vis-à-vis des dirigeants, mais aussi les initiatives déjà mises en place à leur échelle pour pallier la crise.
37. Les enfants, et particulièrement les adolescents, ont insisté sur l’impact du changement climatique sur leur santé mentale. Inquiets vis-à-vis du futur et des effets du réchauffement climatique sur leur vie, ils ont évoqué une angoisse existentielle, illustrée par le terme «éco-anxiété». Ainsi, dans le rapport de Foróige (organisation pour le développement de la jeunesse, Irlande) d’avril 2021, les enfants alertent sur les graves effets de l’éco-anxiété, qui incluent notamment la dépression chez les jeunes, pouvant mener même au suicide 
			(51) 
			Ce phénomène s’inscrit
pleinement dans le concept d’atmoterrorisme, forgé par le philosophe
allemand Peter Sloterdijk dans son ouvrage Terror
from the air.. La dégradation de l’environnement constitue une atteinte aux actes fondamentaux qui permettent de vivre.
38. Face à cela, les enfants engagés et les adolescents militants développent les mêmes mécanismes de défense que des personnes en danger permanent dont la résilience. Ce concept a été popularisé par le psychiatre Boris Cyrulnik pour décrire la capacité d’un individu ou d’un groupe à surmonter une très grande difficulté et à continuer de se projeter malgré les difficultés. Cette préoccupation grandissante chez les enfants vis-à-vis de la crise écologique leur a permis de développer une prise de conscience collective et un engagement commun qui les pousse à agir au nom des jeunes générations, des générations futures et du vivant. Ce militantisme écologique des jeunes générations s’incarne notamment à travers le mouvement Fridays for Future pour protester contre le manque d’action des politiciens face à la crise climatique. Ce mouvement rassemble aujourd’hui plusieurs millions de jeunes dans plus de 125 pays.
39. Les jeunes générations réclament un alignement immédiat des mesures politiques sur les expertises scientifiques. Conformément à l’article 12 de la Convention internationale des droits de l'enfant, les enfants ont le droit, dans toute question ou procédure les concernant, d’exprimer librement leur opinion et de voir cette opinion prise en considération. Ils ont également le droit (selon l’article 13) d’exprimer leurs vues, d’obtenir des informations et de faire connaître des idées et des informations, sans considération de frontières. La participation des enfants à la lutte contre le changement climatique est primordiale et leur voix doit être entendue. Principaux concernés par les effets de la crise écologique actuelle et des décisions qui sont faites aujourd’hui, les enfants doivent être considérés comme des acteurs de premier plan. Les décideurs politiques doivent aussi s’investir davantage dans l'éducation et continuer à développer des initiatives qui permettent aux enfants de s'initier au processus de décisions politiques. Cela aiderait les jeunes à mieux comprendre les réalités qui se cachent derrière le terme «inaction» en découvrant les désaccords et les compromis: exercices obligatoires en politique, tout en faisant prendre conscience aux décideurs que ce qu’ils appellent compromis ne sont parfois que des renoncements.
40. Je remarque par ailleurs que tous les enfants n’ont pas la chance d’être sensibilisés aux enjeux climatiques. Une jeune fille auditionnée par la sous-commission sur les enfants a souligné le véritable pouvoir d'information des écoles: elles devraient expliquer aux jeunes les origines de la crise écologique et les conséquences de celle-ci sur la planète. L’État a en effet la responsabilité de stimuler les enfants à travers l’éducation obligatoire. Certaines municipalités fournissent déjà du matériel pédagogique pour changer les comportements dès le plus jeune âge et des écoles mettent en place des initiatives visant à sensibiliser les enfants au respect du vivant.
41. L’éducation des enfants à un style de vie respectueux de l’environnement est essentielle. La Résolution 204 (2005) du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux incite à la promotion d’un engagement écologique chez tous les enfants. L’école a le pouvoir de l’information; sans information, il est difficile d’agir. L’éducation à l’écologie et au mode de vie durable doit donc se poursuivre dans tous les cursus quels qu'ils soient pour qu’ensuite étant de jeunes adultes, ils puissent mieux comprendre l’information scientifique sur les enjeux climatiques et faire les choix éclairés en conséquence.
42. Des initiatives inspirantes ne manquent pas au niveau national. Les activistes de Fridays for future interpellent la jeunesse de leur pays pour dénoncer la consommation excessive, l’utilisation à outrance des combustibles fossiles et l’agriculture intensive au détriment de la planète et ses ressources limitées. Ils demandent aux dirigeants politiques «des actions fortes et des stratégies claires en faveur d’une agriculture plus durable et d’une société neutre en carbone» qui garantiraient mieux le respect de l’environnement et des droits humains. «Tout le monde est invité à rejoindre le mouvement; la participation de chacun est nécessaire» car on peut encore changer la donne, comme le disait Adélaïde Charlier, représentante de Youth for Climate, lors de l’audition le 25 juin 2021.
43. De même, tout le monde peut modifier son mode de vie pour faire place au tri des déchets et au recyclage, au troc et la réutilisation des objets (livres, vêtements, etc.), au partage des astuces pour la consommation durable, l’économie d’eau et de papier, la mobilité verte et des repas sains (avec moins de viande), ou planter des arbres, comme le font déjà des élèves de plusieurs écoles – de vrais «laboratoires d’innovation verte». Pour favoriser la coopération entre les décideurs politiques et les enfants, «il faut développer la démocratie dans les écoles autour de projets consacrés au développement durable», par exemple grâce aux éco-délégués et éco-débats dans les écoles et les conseils municipaux, ou les réseaux sociaux dédiés aux éco-échanges. «Les gouvernements pourraient réformer les politiques pertinentes, interdire les pratiques préjudiciables, soutenir […] la rénovation, […] sanctionner la «fast fashion», investir plus dans les énergies vertes» et les parlements devraient adopter «une législation forte, efficace et équitable» en matière d’action contre le changement climatique et pour une meilleure protection de l’environnement et du droit à un environnement sain.
44. Les parlementaires font eux aussi des propositions à l’égard des enfants et jeunes gens. Ainsi, ces derniers pourraient aider leurs parents à lutter contre le gaspillage alimentaire et les inciter à utiliser davantage de produits locaux issus de circuits courts, introduire des dispositifs d’économie d’eau et d’électricité dans les logements et réduire l’utilisation du plastique. Ils pourraient demander aux autorités locales d’introduire davantage de technologies vertes dans la transformation des déchets, la réduction de la pollution plastique, la diminution de l’utilisation des produits chimiques (y compris les antibiotiques) dans l’agriculture et la gratuité des transports publics. Pour mieux faire respecter les droits des enfants dans le contexte du changement climatique, les enfants pourraient même demander aux décideurs politiques de revoir certains accords commerciaux internationaux, notamment pour mettre fin à la déforestation massive pour produire de la nourriture pour les animaux domestiques. À travers les «écoles de démocratie» (comme cela se fait en Autriche), les enfants et les décideurs politiques pourraient dialoguer davantage pour échanger des idées bénéfiques pour le climat et l’environnement.
45. Le Sommet des jeunes activistes de l’ONU a eu lieu le 18 novembre 2021 à Genève. En lien avec l’action sur le climat et la COP26, les jeunes gens (y compris des enfants) de 140 pays ont discuté des idées pour faire avancer les droits de l’enfant, ont réclamé la justice climatique et ont proposé des solutions concrètes visant à restaurer les récifs coralliens, à planter des arbres (notamment l’initiative «Un droit, une action, un arbre») et à promouvoir une agriculture durable 
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			Voir
le site de SWI Swissinfo, <a href='https://www.swissinfo.ch/fre/que-cherchent-les-jeunes-%C3%A0-l-onu-/47116798'>www.swissinfo.ch/fre/que-cherchent-les-jeunes-%C3%A0-l-onu-/47116798</a> et de l’ONU Info.. Ces propositions constituent un appel urgent et transgénérationnel pour agir en faveur du climat, de la protection de notre environnement et de la réduction de notre empreinte environnementale négative.

7. Agir plus effectivement contre les changements climatiques pour défendre les droits des générations futures

46. Le réchauffement climatique risque de priver des enfants d’éléments essentiels pour leur bien-être: santé, nourriture, logement, éducation de qualité, en quantité suffisante et accessibles financièrement. Les États ne peuvent plus ignorer la voix des enfants; ils doivent agir par le biais d’approches protectrice, inclusive et responsabilisantes. À l’issue des discussions et des consultations avec des enfants lors des auditions, je voudrais retenir un certain nombre de propositions que notre Assemblée parlementaire pourrait adresser aux États. Il s’agirait pour les gouvernements:
  • de respecter leurs engagements internationaux sur la lutte contre le changement climatique et sur les droits de l’enfant (ODD, Accord de Paris, CIDE), et de travailler ensemble pour ancrer le droit à un environnement sain, propre, sûr et durable comme un droit humain dans les instruments juridiques nationaux (constitutions, actes législatifs), européens (notamment la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5) et la Charte sociale européenne révisée (STE n° 163) et internationaux (au niveau des Nations-Unies) – selon les propositions contenues dans les Résolutions 2396 (2021) et 2399 (2021) et les Recommandations 2211 (2021) et 2214 (2021) – afin d’instaurer une responsabilité transgénérationnelle et de nouvelles voies de recours pour les enfants;
  • de travailler conjointement à la définition et la reconnaissance d’un statut juridique international pour protéger les victimes des migrations forcées dues au changement climatique, notamment les enfants, et de s’assurer que la Stratégie du Conseil de l'Europe sur les droits de l'enfant 2022-2027 contient une référence à l'impact du changement climatique et des menaces environnementales sur les droits de l'enfant et que le plan d’action qui y est lié promeut la participation des enfants pour relever ces défis à différents niveaux de gouvernance à travers l'Europe;
  • de tenir les promesses d’aide financière et de partage de leurs savoirs (techniques et technologiques) à l’égard des pays les plus pauvres et les plus vulnérables sur le plan climatique pour les aider à s’adapter au changement climatique, réduire ses effets néfastes sur les enfants, et pour faire face à la crise écologique;
  • de renforcer la coopération internationale en matière de protection des droits de l’enfant et des générations futures et d’encourager la contribution des acteurs de la société civile et les entreprises afin d’atténuer les effets nuisibles du changement climatique sur les jeunes populations;
  • d’agir face à la crise climatique, en fonction de ses capacités, dans l’intérêt des droits de l’enfant et des générations futures en veillant à ne jamais leur porter préjudice et de favoriser une meilleure appréciation des effets des changements climatiques sur les enfants et les générations futures;
  • de privilégier des politiques d'adaptation au changement climatique favorisant la résilience des enfants aux changements climatiques et des initiatives permettant d’améliorer la qualité de vie et la santé des enfants: le développement d’infrastructures résistantes et vertes au sein des écoles, un approvisionnement énergétique durable, la mise en place des zones «zéro émissions» autour des lieux d’accueil des enfants, l’obligation d’utiliser les circuits courts pour l’approvisionnement en produits alimentaires et la promotion des repas ‘bons pour la planète’ dans les écoles, etc.;
  • de prendre des mesures fortes pour réduire autant que possible l’exposition des enfants à la pollution de l’air;
  • de reconnaître les enfants comme acteurs du changement dans la crise climatique par le biais d’approches descendantes et ascendantes: inclure les enfants dans la prise de décisions, favoriser la participation des enfants grâce à la mise en place de mécanismes de consultation (activités de plaidoyer, plateformes d’échanges, etc.);
  • de garantir le droit des enfants à être entendus en promouvant l’abaissement et l’alignement de l’âge légal de vote dans les États membres du Conseil de l’Europe;
  • de renforcer le droit à l'information et à l’éducation des enfants en matière environnementale afin de leur permettre de saisir les enjeux de la crise écologique et du changement climatique; de les doter d’outils, de connaissances et de compétences pour participer à la transition écologique et les sensibiliser au respect de la nature, du vivant et de la Terre;
  • de continuer cet effort d’éducation aux problèmes écologiques pour toutes les formations de l’enseignement supérieur afin d’armer les futurs citoyens avec le savoir-faire et la «conscience verte» permettant de faire des choix éclairés et intelligents en matière de consommation.