1. Introduction
1. En juillet 2019, un groupe
de parlementaires mené par notre ancienne collègue devenue commissaire européenne,
Mme Stella Kyriakides (Chypre, PPE/DC),
a déposé la proposition de résolution « Inaction face au changement
climatique – une violation des droits de l’enfant »
afin
d’alerter l’Assemblée parlementaire sur les enjeux de la crise climatique,
son impact sur la vie de nos enfants et notre responsabilité commune
pour leur assurer un avenir viable. Car la situation des enfants
– 2,2 milliards d’individus (environ un tiers de la population)
dans le monde – est à la fois paradoxale et préoccupante. Les enfants
ne veulent plus subir les conséquences du changement climatique;
ils entretiennent de grands mouvements de protestation citoyenne et
nous interpellent sur le sort des générations futures. En tant que
parents, nous sommes prêts à toutes sortes de sacrifices pour nos
enfants. Et en tant que responsables politiques, sommes-nous prêts
à les protéger des situations catastrophiques auxquelles ils devront
faire face si le dérèglement climatique s’intensifie ? Sommes-nous
prêts à préserver les conditions d’une vie désirable ?
2. Nous sommes à un moment charnière. Il est encore temps d’agir
pour éviter les conséquences dévastatrices du changement climatique
sur l’environnement et sur les générations futures. Nous devons interroger
notre responsabilité à l’égard des enfants. Il est paradoxal, qu’ils
soient aujourd’hui considérés comme trop « immatures » ou « pas
assez responsables » pour prendre des décisions concernant un futur
qu’ils devront pourtant assumer. Si les enfants doivent être protégés
en raison de leur vulnérabilité, ils sont également des acteurs
incontournables dans la résolution de la crise climatique par leur
mobilisation et force de propositions et d’actions.
3. Ce rapport a pour objectif de porter la voix des enfants,
notamment grâce à leur participation directe aux auditions tenues
le 1er décembre 2020 et le 25 juin 2021
, et de défendre leurs intérêts et
droits fondamentaux face à la menace que représente l’inaction des
États dans la lutte contre le changement climatique. L’Europe doit
offrir une protection adéquate aux enfants et générations futures,
et tenir compte de leurs revendications en tant qu’acteurs de la
transition écologique.
4. En effet, l’Assemblée plaide en faveur d’un développement
«propre» et plus durable afin de répondre aux besoins des générations
présentes et futures
. Elle considère, en appelant des mesures
nationales fortes de la part de tous les niveaux de la gouvernance,
que la mise en œuvre de l’Accord de Paris doit aller de pair avec
les Objectifs de développement durable (ODD) adoptés par la communauté
internationale. Faisant suite aux rapports sur le droit à un environnement
sain
et
sur la crise climatique et l’État de droit
, mon
rapport intègre une dimension participative et se conjugue avec
la démarche de consultation initiée par Baroness Doreen E. Massey
(Royaume-Uni, SOC) en préparant son rapport «Écouter les enfants:
la participation de l’enfant, principe fondamental des sociétés
démocratiques».
5. La lutte contre le changement climatique nécessite tant des
efforts collectifs qu’individuels. Elle nous appelle à combiner
la préservation de l’environnement et le respect des droits humains.
Les enfants sont des acteurs infatigables de la prise de conscience
d’une crise environnementale: leur avis compte. En tant que citoyens
à part entière, ils devraient pouvoir contribuer aux politiques
locales, régionales, nationales, européennes et internationales.
Nous, responsables politiques, devons écouter les enfants et intégrer
leurs propositions dans notre travail.
2. La vulnérabilité particulière des enfants
et des générations futures face aux changements climatiques
6. Le dernier rapport du Groupe
d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) montre
que nous avons émis 1000 milliards de tonnes de CO2 depuis la parution
du premier rapport en 1990: autrement dit, nous avons émis en 30
ans la moitié des émissions dues aux activités humaines depuis le
début de l'ère industrielle. Les impacts du changement climatique
sont déjà tangibles et ne feront que s’intensifier dans le futur
comme le démontrent de nombreuses études, y compris celles du GIEC.
À l’avenir, les catastrophes naturelles seront plus fréquentes et
plus intenses; elles toucheront les régions de manière inégale mais certaine.
Ce sont donc principalement nos enfants et les générations futures
qui devront vivre avec les conséquences du réchauffement planétaire.
C’est pourquoi les décisions prises aujourd’hui sont cruciales et que
nous ne pouvons nous passer de l’avis de ceux qui devront assumer
nos choix politiques.
7. Le changement climatique frappe les plus vulnérables. Selon
l’UNICEF, à l’échelle planétaire, presque tous les enfants (plus
de 99 %) sont exposés à au moins un phénomène climatique ou environnemental
majeur et 2,2 milliards d’enfants sont exposés à au moins deux de
ces phénomènes survenant de manière simultanée
. Le
dérèglement climatique pourrait être responsable de 250 000 décès
supplémentaires chaque année chez les enfants d’ici 2100
. Chez les enfants de moins de cinq
ans, plus d'un décès sur quatre est directement ou indirectement
lié aux risques environnementaux
.
Ne pas agir face à la crise climatique actuelle reviendrait à mettre
en danger la vie de nos enfants et des prochaines générations particulièrement vulnérables
aux catastrophes naturelles, à la pollution de l’air et aux maladies
aggravées par le changement climatique.
8. En plein développement – physique et mental – les enfants
seront parmi les premiers touchés par les conséquences du changement
climatique qui représente une menace importante et croissante pour
leur bien-être, leur santé (physique et mentale) et leur développement.
Les droits fondamentaux de 2,2 milliards d’enfants pourraient être
altérés de façon irrévocable dans la prochaine décennie si la société
actuelle continue de faire la sourde oreille
.
2.1. Sécheresses,
stress hydrique et thermique
9. Les sécheresses ont de multiples
effets directs et indirects difficiles à quantifier, mais leurs conséquences
sont particulièrement dévastatrices sur les enfants, notamment dans
les communautés les plus pauvres. Elles vont générer un stress hydrique
lui-même aggravé par la consommation d’eau dans l’agriculture, l’industrie
et les besoins domestiques, ainsi que l’évaporation d’eau due à
l’augmentation des températures. Les sécheresses et les pénuries
d’eau vont conduire à des pertes conséquentes en termes de revenus
et de denrées alimentaires impactant fortement l’accès à la nourriture
et le développement cognitif et physique des enfants. Victimes de
carences nutritionnelles et de sous-nutrition, les enfants développent
des maladies sévères, responsables de près de la moitié des décès
chez les moins de 5 ans. De même, des températures plus élevées
se répercutent sur le stress thermique humain et les décès liés.
Les enfants sont particulièrement vulnérables aux fortes chaleurs.
Selon l’UNICEF, 820 millions d’enfants (soit un sur trois dans le
monde) sont fortement exposés à des vagues de chaleur, tandis que
l’année 2020 a été qualifiée d’année la plus chaude enregistrée
à ce jour.
2.2. Inondations
et tempêtes violentes
10. 570 millions d’enfants vivent
dans des zones où les inondations (fluviales ou côtières) sont extrêmement fréquentes.
Elles mettent en péril la survie et le développement de ces enfants.
Outre le risque immédiat de blessures ou de mort, les inondations
affectent l’environnement des enfants et leur mode de vie, détériorent
la qualité et l’approvisionnement en eau potable et en nourriture,
contribuant ainsi à l’augmentation des maladies et de la malnutrition,
surtout chez les plus jeunes. Elles causent des dégâts importants
sur les infrastructures et privent ainsi les enfants de bonnes conditions
de vie. L’UNICEF nous alerte sur le fait que cette situation risque
de s’aggraver encore compte tenu de la fonte des glaciers, l’augmentation
du niveau des océans et des tempêtes violentes plus fréquentes,
conséquence de la hausse des températures moyennes.
2.3. La
pollution de l’air
11. Près de 90 % des enfants dans
le monde souffrent de la pollution atmosphérique. Le changement climatique,
en concentrant certains polluants dans l’atmosphère, impacte la
qualité de l’air dans toutes les régions du monde, à la fois dans
les zones urbaines et rurales. Les températures élevées favorisent
la formation d’ozone et les feux de forêts, et combinées à des activités
économiques polluantes, engendrent l’émission de particules fines
et d’autres polluants. Les enfants
sont les premières victimes de cette pollution atmosphérique en
raison d’une combinaison de facteurs comportementaux, environnementaux
et physiologiques
. Ils respirent plus rapidement que
les adultes, ont des voies respiratoires plus petites, vivent plus
près du sol et donc des polluants concentrés à ce niveau
. La pollution de l’air a également
des effets dévastateurs sur les générations futures, notamment sur
le développement fœtal et au cours de leurs premières années de
vie. Comme l’Assemblée a constaté dans sa
Résolution 2286 (2019) «Pollution atmosphérique: un défi pour la santé publique
en Europe», toutes les générations, présentes et futures, ont le droit
de jouir d’un environnement de vie sain. Elle rappelle également
que respirer un air propre est un droit humain fondamental. Les
enfants, premières victimes de la pollution de l’air, ne devraient
donc pas subir une violation d’un tel droit.
2.4. Inégalités
renforcées
12. Comme nous le rappellent les
chercheurs
, les enfants ne sont pas tous égaux
face au changement climatique, dont les effets ont tendance à intensifier
les inégalités. Ainsi, les enfants qui vivent dans la pauvreté seront
plus touchés que les autres enfants. Le changement climatique aggrave
aussi les inégalités de genre ainsi que les inégalités géographiques,
sociales et culturelles. Les enfants des pays moins développés vont être
plus durement touchés que les enfants des pays développés qui ont
investi davantage dans la protection de l’environnement et la résilience
climatique. De nombreuses études de justice environnementale ont
fait le constat que les activités industrielles polluantes sont
majoritairement situées à proximité de quartiers où vivent des classes
populaires et des minorités ethniques.
13. Le réchauffement climatique pourrait priver les enfants d’accès
à l’eau potable, à la nourriture adéquate à leurs besoins, à un
logement décent et à l’éducation. Nombre d’entre eux seront contraints
à l’émigration et subiront les périls qui en découlent (la précarité,
l’insécurité, et la violence). Selon la
Résolution 2295 (2019) «Mettre fin à la violence à l'égard des enfants migrants
et à leur exploitation», des enfants doivent déjà migrer pour échapper
aux catastrophes naturelles et se trouvent exposés à la violence
sous toutes ses formes durant leur voyage. La
Résolution 2307 (2019) «Un statut juridique pour les «réfugiés climatiques» fait
référence à la situation des migrants climatiques, en particulier
celle des groupes les plus vulnérables comme les enfants.
14. Le changement climatique renforce les inégalités de genre.
80 % des migrants climatiques sont des femmes
. Celles qui ne migrent pas sont
responsables des récoltes, de la famille et de la communauté pendant
que les hommes travaillent. La raréfaction de l’eau ou les inondations
ruinent les récoltes et les empêchent de nourrir correctement leurs
familles. Les impératifs qui pèsent sur les femmes s’appliquent
aussi aux filles. Responsables de leurs frères et sœurs, elles sont
souvent forcées de quitter l’école pour s’occuper des tâches ménagères.
2.5. Multiplication
des crises sanitaires
15. Le GIEC a évoqué le risque
de multiplication des crises sanitaires causé par le réchauffement climatique.
Selon l’OMS, il y a 50 millions de cas de dengue par an dans le
monde, dont 500 000 cas graves chez une grande majorité d’enfants
. Ces chiffres sont voués à augmenter
dans la décennie à venir. Par ailleurs, le dégel du pergélisol permet
la réanimation de bactéries oubliées. La maladie du charbon
, oubliée depuis 1941, est réapparue
en Russie en 2016 suite à la contamination de rennes domestiques.
Un enfant de 12 ans, en contact avec ces animaux, a perdu la vie.
Le rapport «Lancet Countdown on health and climate change» de 2021
confirme que le changement climatique
impacte l’environnement et favorise la propagation des maladies
comme la dengue, la malaria et le choléra à travers le monde, y
compris les pays qui étaient jusqu’alors épargnés. La destruction
des habitats naturels et le rapprochement des animaux sauvages avec les
êtres humains, ainsi que l’élevage intensif des animaux en agriculture,
font évoluer les virus et les bactéries et augmentent le risque
de l’émergence de nouvelles souches hautement toxiques et dangereuses
pour les humains, surtout les plus fragiles comme les enfants.
2.6. Menaces
existentielles
16. La crise climatique a ranimé
des comportements malthusiens et laisse craindre le retour de l’eugénisme. Le
mouvement «un enfant en moins»
se base sur des expertises scientifiques
qui découragent de procréer. Le seuil de remplacement des générations
pourrait être mis en péril, particulièrement en Europe où certains États
membres connaissent déjà un taux de natalité très faible. De plus,
des études scientifiques semblent révéler une corrélation entre
pollution de l’air et fertilité
. La dystopie cauchemardesque
de Margaret Atwood,
La servante écarlate , peut sembler
bien réaliste.
17. Les enfants sont conscients du réchauffement climatique. Un
des slogans des marches pour l’environnement «Les licornes n’existent
pas mais le changement climatique est réel»
traduit l’innocence arrachée. Une
étude réalisée au Royaume-Uni publiée en 2020 concernant 2 000 enfants
de 8 à 16 ans a démontré que 80 % d’entre eux considèrent le changement
climatique comme étant une problématique importante, voire très
importante. 73 % ont affirmé être inquiets pour la planète, 22 %
très inquiets. De plus, 58 % de ces enfants craignent les effets
du réchauffement climatique sur leur vie
. Cette angoisse existentielle porte
désormais un nom: «éco-anxiété»
ou «éco-dépression». La santé mentale
des enfants et des jeunes est altérée par le sentiment d’impuissance
et de fatalisme. Cette incidence sous-estimée sur le stress des
jeunes générations devrait être analysée. C’est le rôle des adultes
de trouver les mots pour parler de cette situation avec les enfants.
18. La déclaration de Stockholm de 1972 disposait que l’être humain
«a le devoir solennel de protéger et d’améliorer l’environnement
pour les générations présentes et futures». Elle établit une responsabilité
des générations contemporaines pour les décisions actuelles mais
aussi les conséquences en aval. De nombreux États reconnaissent
cette responsabilité à travers des dispositions constitutionnelles
qui établissent l’obligation d’assurer une sécurité écologique aux
générations futures. Selon Hans Jonas, «L’humanité n’a pas droit
au suicide»
; pourtant les enfants
ressentent que la destruction de la planète est en cours. Le mouvement mondial
Fridays for future l’affirme haut
et fort. La génération actuelle Z (par opposition aux générations antérieures
X et Y, les
millenials) symbolise
la fin de l’espèce humaine, «z» étant la dernière lettre de l’alphabet
. Cette génération se révolte contre
l’inaction constatée depuis 1972.
3. La
mobilisation des jeunes pour une responsabilisation individuelle
et collective
19. Tout mouvement requiert un
porte-parole. En matière environnementale, la figure mondialement
connue est Greta Thunberg. Primée par Amnesty International pour
le prix d’ambassadeur de la conscience, elle symbolise le militantisme
écologique des jeunes générations. À l’âge de 15 ans seulement,
elle s’est exprimée devant le Parlement européen
, fut reçue à la COP24 en décembre
2018
et à la COP25 en décembre 2019, ainsi
qu’à l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre 2019. En
2018, elle inaugure la grève de l’école (S
kolstrejk
för klimatet) avec son mouvement
Fridays
for future et encourage les jeunes du monde entier à
y participer. À travers ses discours et ses actions, elle critique
l’inaction climatique des aînés. Son ressenti n’est pas isolé puisque
selon un sondage réalisé pour la BBC, 41 % des enfants ne font pas
confiance aux adultes sur la manière de gérer la crise climatique
.
20. Les adultes ont tendance à négliger les enfants et leur opinion
sous prétexte de manque de savoir ou de sagesse. 59 % des enfants
ne pensent pas être écoutés lorsqu’il s’agit du climat
.
Des milliers d’écoliers européens réclament un alignement immédiat
des mesures politiques sur les expertises scientifiques. Faute de
dialogue et de réponse aux protestations, ils engagent la responsabilité
de leurs gouvernements devant des juridictions nationales et internationales.
En septembre 2019, Greta Thunberg et quinze enfants et adolescents ont
saisi le Comité des Nations Unies des droits de l’enfant, réclamant
la reconnaissance du changement climatique comme mettant en péril
les droits des jeunes générations. Cinq pays (Allemagne, Argentine,
Brésil, France et Turquie) ont été poursuivis pour l’utilisation
abusive des énergies fossiles et l’échec en matière de réduction
des émissions de gaz à effet de serre
. Dans son jugement historique du
11 octobre 2021, le comité estime qu’un État partie à la convention
peut être considéré comme responsable de l’impact néfaste des émissions
sur les droits de l’enfant tant sur son territoire qu’en dehors
. Une autre affaire qui servira de référence
– celle des enfants portugais contre 33 États européens devant la
Cour européenne des droits de l’homme depuis l’automne 2020 – soulève
la question de la responsabilité partagée des États dans la violation des
droits fondamentaux de l’enfant en raison de leur action insuffisante
contre le changement climatique; cette affaire est en cours d’instruction
prioritaire – une reconnaissance de son importance et de son urgence
.
21. Les idées émises par les enfants sont une source d’inspiration.
On recensait, en décembre 2019, 1 142 affaires
devant les tribunaux de différentes
instances dans le monde. Elles se sont multipliées au cours des dernières
années, souvent à l’initiative d’associations de jeunes
(
Fridays
for future en Allemagne,
Natur
og Ungdom en Norvège, aux Pays-Bas, en Irlande, en Suisse,
au Canada
, aux États-Unis,
etc.). L’affaire
Urgenda de
2019 aux Pays-Bas a abouti à une condamnation emblématique des autorités
pour leur inaction. Inspirée par le précédent néerlandais, «L’affaire
du siècle» a réuni la signature de plus de deux millions de Français
en moins de deux semaines et a amené l’affaire devant les tribunaux.
L’entrée de la question environnementale dans les prétoires responsabilise
les États et offre des moyens inédits d’action citoyenne pour les
enfants.
22. La jeunesse est plus active en matière d’environnement que
les adultes ne veulent l’admettre. Redoublant d’efforts, les jeunes
du monde utilisent les technologies modernes pour se rencontrer
et organiser des campagnes militantes en ligne. Certains se sont
lancés dans des mouvements associatifs ambitieux se fixant la réalisation
des engagements inscrits dans l’Accord de Paris comme
«zero hour» . Sans
l’aide extérieure d’adultes, ils ont initié une véritable révolte
climatique. Prêts à sacrifier leur confort personnel pour réduire
leur empreinte carbone, ces enfants sont décidés à ne rien lâcher.
Il serait judicieux que les adultes les accompagnent dans cette
ambition. Il est opportun de leur accorder le plus élémentaire des
droits démocratiques: le droit à la consultation et à la participation.
Leur désir de participation est naturel et devrait être pris en
considération.
23. La Résolution 204 (2005) du Congrès des pouvoirs locaux et
régionaux du Conseil de l’Europe sur «L’éducation des jeunes au
développement durable: le rôle des régions» promeut le dialogue
avec la jeunesse sur les questions environnementales et encourage
les initiatives de participation des jeunes par la mise en place
de parlements ou de conseils d’enfants. Pour répondre au désir de
participation des jeunes, l’Assemblée doit aussi s’engager en faveur
d’un dialogue avec les enfants – ce qui est prévu par le biais du
rapport de Baroness Massey et le mien. Par ailleurs, l’Assemblée
a contribué aux débats sur le rôle des enfants dans la lutte contre
le changement climatique dans le cadre du Forum mondial sur la Démocratie
qui a eu lieu à Strasbourg du 8 au 10 novembre 2021. Cet évènement
a réuni des acteurs politiques, la société civile et le grand public,
et a été une occasion d’échanger autour de bonnes pratiques et de
proposer des pistes d’action concernant la participation des enfants
au débat démocratique lié au changement climatique.
4. L’essentielle
entente intergénérationnelle dans la lutte contre le changement
climatique
24. Tous les enfants n’ont pas
la chance d’être sensibilisés aux enjeux climatiques. L’État a la
responsabilité de stimuler les enfants à travers l’éducation obligatoire.
Certaines municipalités fournissent déjà du matériel pédagogique
pour changer les comportements dès le plus jeune âge. La promotion
du vélo permet d’habituer les enfants à des transports alternatifs
à la voiture. Depuis la loi française de 2018
, les cantines scolaires ont l’obligation
de proposer des plats végétariens une fois par semaine pour encourager
des habitudes alimentaires «flexitariennes» et réduire la consommation
de viande, forte émettrice de gaz à effet de serre. Des écoles mettent
en place des potagers dans les cours de récréation pour développer
l’attachement à la nature et inculquer des comportements durables.
L’éducation des enfants à un style de vie respectueux de l’environnement
est essentielle. La Résolution 204 (2005) du Congrès des pouvoirs
locaux et régionaux incite à la promotion d’un engagement écologique
chez tous les enfants de toute classe sociale. Il est temps d’en évaluer
les résultats. Les initiatives demeurent isolées, mais devraient
être encouragées par l’Assemblée dans les parlements nationaux.
25. Le fait que certains enfants n’aient pas la possibilité de
s’exprimer ne justifie pas l’indifférence. Le droit environnemental
est un droit solidaire et universel. Nos décisions impactent les
enfants européens mais également ceux du monde entier. Les adultes
et gouvernements doivent assumer leurs responsabilités. L’expression
«Ok Boomer»
largement relayée sur les réseaux
sociaux révèle l’agacement et le manque de confiance des jeunes
envers les aînés. Les technologies de l’information ont mis à la
disposition de la génération Z des outils performants de communication
que les plus âgés ne maîtrisent pas toujours. Il est essentiel de
rétablir la confiance pour éviter un clivage sérieux entre les générations.
La crise de covid-19 offre une opportunité de réinventer le monde
dans lequel nous vivons tous. Le site internet participatif «Le
jour d’après»
créé par un groupe de parlementaires
français permet la participation de la population à la reconstruction
de la société française. Cette initiative participative utilise
internet sans exiger des contributeurs qu’ils aient le droit de
vote. Les adultes doivent impérativement assurer la consultation
et la participation des enfants et des jeunes aux niveaux local,
national et européen. Le Conseil de l’Europe doit soutenir ces actions valorisant
l’avis des plus jeunes.
26. La participation des enfants à l’élaboration de ce rapport
et au débat de l’Assemblée parlementaire qui en suivra lors de la
session de janvier 2022 dans le cadre de la consultation initiée
par Baroness Massey pourrait constituer une première étape vers
la résolution de la crise de confiance intergénérationnelle qui menace
la constructivité du débat sur l’inaction face au changement climatique.
En effet, ce débat représente une occasion inédite de prouver que
les enfants, en tant que victimes principales du changement climatique comme
en tant qu’acteurs informés, peuvent apporter des contributions
pertinentes aux travaux de l’Assemblée, servant ainsi de modèle
aux parlements nationaux des États membres. La bonne volonté de
tous les participants pourrait remplacer l’actuel climat de défiance
entre les générations par un esprit de coopération qui ouvrirait
la porte à l’intégration des enfants à d’autres débats qui les concernent.
5. Renforcer
l’action des États en matière climatique: une nécessité pour préserver
les droits fondamentaux des enfants
5.1. Une
relecture de la Convention internationale des droits de l’enfant
face à l’inaction concernant le changement climatique
27. En 1989, l’Assemblée générale
des Nations unies a décidé de consacrer les droits de l’enfant en adoptant
à l’unanimité la Convention internationale des droits de l’enfant.
Cette dernière est le traité relatif aux droits humains le plus
largement ratifié de l’histoire
. Elle est
juridiquement contraignante pour les États signataires, qui se doivent
de garantir les droits de tous les enfants. L’UNICEF y relève quatre
principes fondamentaux: la non-discrimination, l’intérêt supérieur
de l’enfant, le droit de vivre, survivre et se développer et le
respect des opinions de l’enfant.
28. L’inaction des États face au changement climatique constitue
une violation de plusieurs droits pourtant reconnus au sein de la
Convention. En effet, à la vue des conséquences, directes et indirectes,
précédemment évoquées de la crise écologique et du changement climatique
sur les enfants, je considère que les articles 2 (droit à l’égalité
et à la non-discrimination), 3 (intérêt supérieur de l’enfant),
4 (exercice des droits), 6 (droit à la survie et au développement),
16 (protection de la vie privée), 24 (droit à la santé et aux services
médicaux), 26 (droit à la sécurité sociale), et 27 (droit à un niveau
de vie suffisant) ne sont pas respectés de manière suffisante par
les États signataires de la Convention.
29. J’estime également que l’inaction face au changement climatique
constitue une atteinte particulière aux droits des peuples et enfants
autochtones. Le texte de la Convention souligne dans son article
30 l’importance du respect des valeurs culturelles de la communauté
de l’enfant. Or, beaucoup d’enfants vivent dans des écosystèmes
très sensibles aux variations du climat et sont souvent les plus
vulnérables aux effets du changement climatique qui ont une influence
négative sur la biodiversité, leur territoire et leur environnement. En
plus de cela, ils sont la plupart du temps marginalisés et peuvent
se voir dépossédés de leurs terres. En conséquence, les peuples
autochtones et particulièrement les enfants, subissent une transformation
drastique de leur manière de vivre et de pratiquer leur culture,
ce qui induit une violation de leur droit à l’identité.
30. L’Assemblée remarque par ailleurs que, face à la crise écologique
actuelle et pour échapper aux catastrophes naturelles, les enfants
seront de plus en plus contraints à l’émigration et subiront les
périls qui en découlent (la précarité, l’insécurité, et la violence)
.
Le droit à un statut de réfugié garanti par l’article 22 de la Convention
doit absolument être appliqué à tous les enfants contraints de se
déplacer pour des raisons environnementales et un statut de réfugié
climatique doit voir le jour afin de les protéger efficacement.
5.2. Les
accords internationaux pour le climat
31. Pour lutter contre le changement
climatique, les États ont adopté la Convention-cadre des Nations
unies sur les changements climatiques (CCNUCC) déjà en 1992 (lors
du Sommet de la Terre de Rio)
. Elle vise à prévenir
les activités humaines néfastes pour le système climatique et souligne
la responsabilité accrue des pays dits développés. Le protocole
de Kyoto à la convention (conclu en 1997 mais entré en vigueur seulement en
2005) visait à réduire, vers 2012, les émissions de six gaz à effet
de serre (dioxyde de carbone, méthane, protoxyde d'azote et trois
substituts des chlorofluorocarbones) d'au moins 5 % par rapport
au niveau de 1990.
32. En 2015, les États se sont dotés d’un Agenda 2030 dans lequel
on retrouve les 17 objectifs de développement durable (ODD), y compris
l’objectif 13 sur la lutte contre les changements climatiques, et
ont finalisé l’accord de Paris sur le climat. Ce dernier, contrairement
au protocole de Kyoto, ne distingue pas entre pays développés et
pays en développement – il engage tous les pays à établir des plans
de réduction des émissions pour limiter le réchauffement planétaire
en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels et viser
l’objectif de 1,5° C par le biais des contributions déterminées
au niveau national (CDN). Avec la ratification de l’accord de Paris
le 6 octobre 2021 par la Turquie, tous les États membres du Conseil
de l’Europe sont maintenant liés par ce traité.
33. La COP26 (la conférence des parties) réunie à Glasgow, Royaume-Uni
(31 octobre – 12 novembre 2021), devait rehausser l’ambition climatique
(les CDN notamment), rendre opérationnels des mécanismes d’échange
des réductions d’émissions entre les pays (comme prévu dans l’Accord
de Paris), mobiliser 100 milliards de dollars en faveur des pays
en développement (par an pour la période de 2020 à 2025) et renforcer
les actions de coopération avec les acteurs non-étatiques
. Toutefois, même s’il y a eu du
progrès dans la réalisation des trois objectifs sur quatre (la grande
défaillance concerne les financements), des discussions sérieuses
sur la fin des énergies fossiles et un accord pour stopper la déforestation,
nous sommes encore loin du sursaut massif nécessaire face à l’urgence
climatique. Les jeunes activistes sont déçus par le «pacte de Glasgow»,
qui sonne creux, et ne croient pas aux promesses des dirigeants.
En effet, comme l’a souligné Barack Obama, ancien président des
États-Unis, les jeunes gens ont raison d’être en colère, même si
la transition vers un monde plus propre ne doit pas être précipitée
au risque de mettre certains de côté.
5.3. Le
droit de vivre dans un environnement sûr, propre, sain et durable
34. Comme l’a souligné David Boyd,
Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l'homme et l'environnement,
«Nous pouvons et nous devons respecter notre engagement envers les
enfants du monde entier et leur assurer un avenir juste et durable.
Si nous le reconnaissons et le mettons en œuvre, le droit à un environnement
sain pourrait être l'un des droits de l'homme les plus importants
du XXIème siècle». De plus, «Si nous
voulons véritablement protéger l'intérêt supérieur des enfants,
alors répondons à leurs appels à l'action»
.
35. L’Assemblée a fait un grand pas en avant dans ce sens en adoptant
à l’unanimité la
Recommandation 2211
(2021) et la
Résolution
2396 (2021) «Ancrer le droit à un environnement sain: la nécessité
d’une action renforcée du Conseil de l’Europe»
le 29 septembre 2021. Quelques jours
après, c’est le Conseil des droits de l'homme des Nations-Unies
qui a pour la première fois reconnu dans sa résolution 48/13 le
fait de disposer d'un environnement sain, propre, sûr et durable
comme un droit humain, tout en soulignant dans sa deuxième résolution
(48/14) les impacts majeurs du changement climatique sur les droits
humains
. Enfin, le Comité des Nations Unies
des droits de l’enfant (dans son jugement du 11 octobre 2021) a
clairement pointé la responsabilité des États de protéger les droits
de l’enfant de l’impact néfaste des émissions de gaz à effet de serre
. Il nous appartient maintenant de
mettre en œuvre le droit à un environnement sain à travers nos lois et
politiques afin d’agir plus efficacement contre les changements
climatiques.
6. Faire
participer les enfants en matière climatique: vers un dialogue intergénérationnel
36. Dans le cadre du Forum mondial
de la démocratie, la sous-commission sur les enfants (de la commission
des questions sociales, de la santé et du développement durable)
a tenu une audition le 25 juin 2021 sur le présent rapport. De nombreux
enfants sont intervenus pour évoquer leur frustration à l’encontre des
gouvernements sur leur échec à agir face à la crise climatique et
ont dressé une longue liste de griefs. On y retrouve les incendies
de forêt, les maladies (comme la covid-19), le dérèglement climatique,
la pollution, l’utilisation des produits chimiques dans l’agriculture,
la disparition des espèces, les inondations, les fumées toxiques
et le manque d’air propre. Certains enfants ont dénoncé la consommation
excessive qui épuise les ressources de la planète mais contribue
si peu au bonheur et à la prospérité. Très préoccupés, ils ont souligné à
la fois leurs inquiétudes quant à leur avenir et celui des générations
futures, leurs attentes vis-à-vis des dirigeants, mais aussi les
initiatives déjà mises en place à leur échelle pour pallier la crise.
37. Les enfants, et particulièrement les adolescents, ont insisté
sur l’impact du changement climatique sur leur santé mentale. Inquiets
vis-à-vis du futur et des effets du réchauffement climatique sur
leur vie, ils ont évoqué une angoisse existentielle, illustrée par
le terme «éco-anxiété». Ainsi, dans le rapport de
Foróige (organisation pour le développement
de la jeunesse, Irlande) d’avril 2021, les enfants alertent sur
les graves effets de l’éco-anxiété, qui incluent notamment la dépression
chez les jeunes, pouvant mener même au suicide
. La dégradation de l’environnement
constitue une atteinte aux actes fondamentaux qui permettent de
vivre.
38. Face à cela, les enfants engagés et les adolescents militants
développent les mêmes mécanismes de défense que des personnes en
danger permanent dont la résilience. Ce concept a été popularisé
par le psychiatre Boris Cyrulnik pour décrire la capacité d’un individu
ou d’un groupe à surmonter une très grande difficulté et à continuer
de se projeter malgré les difficultés. Cette préoccupation grandissante
chez les enfants vis-à-vis de la crise écologique leur a permis
de développer une prise de conscience collective et un engagement
commun qui les pousse à agir au nom des jeunes générations, des
générations futures et du vivant. Ce militantisme écologique des
jeunes générations s’incarne notamment à travers le mouvement Fridays for Future pour protester
contre le manque d’action des politiciens face à la crise climatique. Ce mouvement
rassemble aujourd’hui plusieurs millions de jeunes dans plus de
125 pays.
39. Les jeunes générations réclament un alignement immédiat des
mesures politiques sur les expertises scientifiques. Conformément
à l’article 12 de la Convention internationale des droits de l'enfant,
les enfants ont le droit, dans toute question ou procédure les concernant,
d’exprimer librement leur opinion et de voir cette opinion prise
en considération. Ils ont également le droit (selon l’article 13)
d’exprimer leurs vues, d’obtenir des informations et de faire connaître
des idées et des informations, sans considération de frontières.
La participation des enfants à la lutte contre le changement climatique
est primordiale et leur voix doit être entendue. Principaux concernés
par les effets de la crise écologique actuelle et des décisions
qui sont faites aujourd’hui, les enfants doivent être considérés
comme des acteurs de premier plan. Les décideurs politiques doivent
aussi s’investir davantage dans l'éducation et continuer à développer
des initiatives qui permettent aux enfants de s'initier au processus
de décisions politiques. Cela aiderait les jeunes à mieux comprendre
les réalités qui se cachent derrière le terme «inaction» en découvrant
les désaccords et les compromis: exercices obligatoires en politique,
tout en faisant prendre conscience aux décideurs que ce qu’ils appellent
compromis ne sont parfois que des renoncements.
40. Je remarque par ailleurs que tous les enfants n’ont pas la
chance d’être sensibilisés aux enjeux climatiques. Une jeune fille
auditionnée par la sous-commission sur les enfants a souligné le
véritable pouvoir d'information des écoles: elles devraient expliquer
aux jeunes les origines de la crise écologique et les conséquences
de celle-ci sur la planète. L’État a en effet la responsabilité
de stimuler les enfants à travers l’éducation obligatoire. Certaines
municipalités fournissent déjà du matériel pédagogique pour changer
les comportements dès le plus jeune âge et des écoles mettent en
place des initiatives visant à sensibiliser les enfants au respect
du vivant.
41. L’éducation des enfants à un style de vie respectueux de l’environnement
est essentielle. La Résolution 204 (2005) du Congrès des pouvoirs
locaux et régionaux incite à la promotion d’un engagement écologique chez
tous les enfants. L’école a le pouvoir de l’information; sans information,
il est difficile d’agir. L’éducation à l’écologie et au mode de
vie durable doit donc se poursuivre dans tous les cursus quels qu'ils
soient pour qu’ensuite étant de jeunes adultes, ils puissent mieux
comprendre l’information scientifique sur les enjeux climatiques
et faire les choix éclairés en conséquence.
42. Des initiatives inspirantes ne manquent pas au niveau national. Les
activistes de Fridays for future interpellent
la jeunesse de leur pays pour dénoncer la consommation excessive,
l’utilisation à outrance des combustibles fossiles et l’agriculture
intensive au détriment de la planète et ses ressources limitées. Ils demandent
aux dirigeants politiques «des actions fortes et des stratégies
claires en faveur d’une agriculture plus durable et d’une société
neutre en carbone» qui garantiraient mieux le respect de l’environnement
et des droits humains. «Tout le monde est invité à rejoindre le
mouvement; la participation de chacun est nécessaire» car on peut
encore changer la donne, comme le disait Adélaïde Charlier, représentante
de Youth for Climate, lors
de l’audition le 25 juin 2021.
43. De même, tout le monde peut modifier son mode de vie pour
faire place au tri des déchets et au recyclage, au troc et la réutilisation
des objets (livres, vêtements, etc.), au partage des astuces pour
la consommation durable, l’économie d’eau et de papier, la mobilité
verte et des repas sains (avec moins de viande), ou planter des
arbres, comme le font déjà des élèves de plusieurs écoles – de vrais
«laboratoires d’innovation verte». Pour favoriser la coopération
entre les décideurs politiques et les enfants, «il faut développer
la démocratie dans les écoles autour de projets consacrés au développement
durable», par exemple grâce aux éco-délégués et éco-débats dans
les écoles et les conseils municipaux, ou les réseaux sociaux dédiés
aux éco-échanges. «Les gouvernements pourraient réformer les politiques
pertinentes, interdire les pratiques préjudiciables, soutenir […]
la rénovation, […] sanctionner la «fast fashion», investir plus dans
les énergies vertes» et les parlements devraient adopter «une législation
forte, efficace et équitable» en matière d’action contre le changement
climatique et pour une meilleure protection de l’environnement et
du droit à un environnement sain.
44. Les parlementaires font eux aussi des propositions à l’égard
des enfants et jeunes gens. Ainsi, ces derniers pourraient aider
leurs parents à lutter contre le gaspillage alimentaire et les inciter
à utiliser davantage de produits locaux issus de circuits courts,
introduire des dispositifs d’économie d’eau et d’électricité dans
les logements et réduire l’utilisation du plastique. Ils pourraient
demander aux autorités locales d’introduire davantage de technologies
vertes dans la transformation des déchets, la réduction de la pollution
plastique, la diminution de l’utilisation des produits chimiques
(y compris les antibiotiques) dans l’agriculture et la gratuité des
transports publics. Pour mieux faire respecter les droits des enfants
dans le contexte du changement climatique, les enfants pourraient
même demander aux décideurs politiques de revoir certains accords commerciaux
internationaux, notamment pour mettre fin à la déforestation massive
pour produire de la nourriture pour les animaux domestiques. À travers
les «écoles de démocratie» (comme cela se fait en Autriche), les
enfants et les décideurs politiques pourraient dialoguer davantage
pour échanger des idées bénéfiques pour le climat et l’environnement.
45. Le Sommet des jeunes activistes de l’ONU a eu lieu le 18 novembre
2021 à Genève. En lien avec l’action sur le climat et la COP26,
les jeunes gens (y compris des enfants) de 140 pays ont discuté
des idées pour faire avancer les droits de l’enfant, ont réclamé
la justice climatique et ont proposé des solutions concrètes visant
à restaurer les récifs coralliens, à planter des arbres (notamment
l’initiative «Un droit, une action, un arbre») et à promouvoir une
agriculture durable
. Ces propositions
constituent un appel urgent et transgénérationnel pour agir en faveur
du climat, de la protection de notre environnement et de la réduction
de notre empreinte environnementale négative.
7. Agir
plus effectivement contre les changements climatiques pour défendre
les droits des générations futures
46. Le réchauffement climatique
risque de priver des enfants d’éléments essentiels pour leur bien-être: santé,
nourriture, logement, éducation de qualité, en quantité suffisante
et accessibles financièrement. Les États ne peuvent plus ignorer
la voix des enfants; ils doivent agir par le biais d’approches protectrice, inclusive
et responsabilisantes. À l’issue des discussions et des consultations
avec des enfants lors des auditions, je voudrais retenir un certain
nombre de propositions que notre Assemblée parlementaire pourrait adresser
aux États. Il s’agirait pour les gouvernements:
- de respecter leurs engagements
internationaux sur la lutte contre le changement climatique et sur
les droits de l’enfant (ODD, Accord de Paris, CIDE), et de travailler
ensemble pour ancrer le droit à un environnement sain, propre, sûr
et durable comme un droit humain dans les instruments juridiques nationaux
(constitutions, actes législatifs), européens (notamment la Convention
européenne des droits de l’homme (STE n° 5) et la Charte sociale
européenne révisée (STE n° 163) et internationaux (au niveau des
Nations-Unies) – selon les propositions contenues dans les Résolutions 2396 (2021) et 2399 (2021) et les Recommandations
2211 (2021) et 2214 (2021) – afin d’instaurer une responsabilité transgénérationnelle
et de nouvelles voies de recours pour les enfants;
- de travailler conjointement à la définition et la reconnaissance
d’un statut juridique international pour protéger les victimes des
migrations forcées dues au changement climatique, notamment les
enfants, et de s’assurer que la Stratégie du Conseil de l'Europe
sur les droits de l'enfant 2022-2027 contient une référence à l'impact
du changement climatique et des menaces environnementales sur les
droits de l'enfant et que le plan d’action qui y est lié promeut
la participation des enfants pour relever ces défis à différents
niveaux de gouvernance à travers l'Europe;
- de tenir les promesses d’aide financière et de partage
de leurs savoirs (techniques et technologiques) à l’égard des pays
les plus pauvres et les plus vulnérables sur le plan climatique
pour les aider à s’adapter au changement climatique, réduire ses
effets néfastes sur les enfants, et pour faire face à la crise écologique;
- de renforcer la coopération internationale en matière
de protection des droits de l’enfant et des générations futures
et d’encourager la contribution des acteurs de la société civile
et les entreprises afin d’atténuer les effets nuisibles du changement
climatique sur les jeunes populations;
- d’agir face à la crise climatique, en fonction de ses
capacités, dans l’intérêt des droits de l’enfant et des générations
futures en veillant à ne jamais leur porter préjudice et de favoriser
une meilleure appréciation des effets des changements climatiques
sur les enfants et les générations futures;
- de privilégier des politiques d'adaptation au changement
climatique favorisant la résilience des enfants aux changements
climatiques et des initiatives permettant d’améliorer la qualité
de vie et la santé des enfants: le développement d’infrastructures
résistantes et vertes au sein des écoles, un approvisionnement énergétique
durable, la mise en place des zones «zéro émissions» autour des
lieux d’accueil des enfants, l’obligation d’utiliser les circuits
courts pour l’approvisionnement en produits alimentaires et la promotion
des repas ‘bons pour la planète’ dans les écoles, etc.;
- de prendre des mesures fortes pour réduire autant que
possible l’exposition des enfants à la pollution de l’air;
- de reconnaître les enfants comme acteurs du changement
dans la crise climatique par le biais d’approches descendantes et
ascendantes: inclure les enfants dans la prise de décisions, favoriser
la participation des enfants grâce à la mise en place de mécanismes
de consultation (activités de plaidoyer, plateformes d’échanges,
etc.);
- de garantir le droit des enfants à être entendus en promouvant
l’abaissement et l’alignement de l’âge légal de vote dans les États
membres du Conseil de l’Europe;
- de renforcer le droit à l'information et à l’éducation
des enfants en matière environnementale afin de leur permettre de
saisir les enjeux de la crise écologique et du changement climatique;
de les doter d’outils, de connaissances et de compétences pour participer
à la transition écologique et les sensibiliser au respect de la
nature, du vivant et de la Terre;
- de continuer cet effort d’éducation aux problèmes écologiques
pour toutes les formations de l’enseignement supérieur afin d’armer
les futurs citoyens avec le savoir-faire et la «conscience verte» permettant
de faire des choix éclairés et intelligents en matière de consommation.